le theme de ledokko (le natif de tokyo) et de ...nous les avions deja rencontr 白, non seulement...

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Le theme de l Edokko (le natif de Tokyo) et de l individualite dans le roman Botchan de N atsume Soseki OlivierJamet 1 1906 年に出版された小説『坊ちゃん』において,主人公は,その江戸っ子の起源を示す特別 な気質をもって,二つの敵対する世界に直面する。それは社会的偽善の,金儲け主義の,策謀 の,個性の否定の世界 L 個性が尊重され守られている理想の世界である。激石が描こうとす る江戸っ子気質は,天真欄漫さ・率直き・真実らしさが現れる個性の生粋な状態での噴出と完 全に一致し,見せかけや社会的偽善や自由の制限に断固として反対する。 主人公におけるこれらの特徴的な性格を理解するこめに,われわれは先ず善人の悪人に対す る勝利に終わるこの物語の主な諸段階を辿った。物語は次の三つの主要な動きからなっている。 ①幼年・青少年時代・学業そして数学の教師として田舎の中学校への赴任,②緊張,紛争の勃 発,③教頭による陰謀と友情の勝利に終わる結末。 ついで,われわれは集団と個人の対立を検討してみた。それが普遍的なヴイジョンへの出口 となる。実際,語り手坊ちゃんは読者に世界は善人と悪人に分けられるというマルサス風の世 界観を読者に示すだろう。善人は個人(英語教師の古賀,老女中の清,数学教師の堀田)で悪 人は集団に属している(教師たち,生徒たち)。この集団の態度は一方で見せかけや駆け引き や偽善で刻印されており,他方では他人の職業的・個人的生活に無遠慮に入り込もうとする。 われわれは特に「赤シャツ」の性格を坊ちゃんとの関係において探った。この人物には,語り 手坊ちゃんの姿に描かれている神話的で純粋で衝動的な江戸っ子と対照的に置かれた,作家i 石の姿が反映されていると考えられないであろうか。明暗それぞれの顔を表す二人の人物は, 内的分裂と二重性に苦しめられている一人の人聞に,その源泉があるのではないであろうか。 最後にわれわれは,集団/個人の二元論のもう一つの側面,つまり個人を検討した。それは 特にこの作品において,自然と無邪気さの権化とも言え,江戸っ子気質が表されている坊ちゃ んの人物像の中で表現されている。次の四つの要素が坊ちゃんを性格付けている。 ①行動様式・言葉・外観の他の人物との相違。②衝動,血気,短期,前後の見境のない性格。 ③素朴さ,率直さ,堅気さ。④江戸っ子に相応しく振る舞うという真の理想像で,その実現は 主人公を絶えず苦しめる。名誉,率直さ,正直さ,友情そして清廉潔白の価値を称賛するとい う厳格な道徳概念をそこにおいて見なくてはいけない。 坊ちゃんにおいて具現化されている江戸っ子は,ここでは他人の自由を尊重しつつ行動する 個人に一致する。そしてここで重要と思われることは,この主人公が表している個人主義の概 念が,坊ちゃんが高貴な武家の出身であることに遡ることである。つまりこの個人主義は日本

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Le theme de l’Edokko (le natif de Tokyo) et de l’individualite dans le roman “Botchan ”de N atsume Soseki

Olivier Jamet

1

1906 年に出版された小説『坊ちゃん』において,主人公は,その江戸っ子の起源を示す特別

な気質をもって,二つの敵対する世界に直面する。それは社会的偽善の,金儲け主義の,策謀

の,個性の否定の世界L 個性が尊重され守られている理想の世界である。激石が描こうとす

る江戸っ子気質は,天真欄漫さ・率直き・真実らしさが現れる個性の生粋な状態での噴出と完

全に一致し,見せかけや社会的偽善や自由の制限に断固として反対する。

主人公におけるこれらの特徴的な性格を理解するこめに,われわれは先ず善人の悪人に対す

る勝利に終わるこの物語の主な諸段階を辿った。物語は次の三つの主要な動きからなっている。

①幼年・青少年時代・学業そして数学の教師として田舎の中学校への赴任,②緊張,紛争の勃

発,③教頭による陰謀と友情の勝利に終わる結末。

ついで,われわれは集団と個人の対立を検討してみた。それが普遍的なヴイジョンへの出口

となる。実際,語り手坊ちゃんは読者に世界は善人と悪人に分けられるというマルサス風の世

界観を読者に示すだろう。善人は個人(英語教師の古賀,老女中の清,数学教師の堀田)で悪

人は集団に属している(教師たち,生徒たち)。この集団の態度は一方で見せかけや駆け引き

や偽善で刻印されており,他方では他人の職業的・個人的生活に無遠慮に入り込もうとする。

われわれは特に「赤シャツ」の性格を坊ちゃんとの関係において探った。この人物には,語り

手坊ちゃんの姿に描かれている神話的で純粋で衝動的な江戸っ子と対照的に置かれた,作家i秋石の姿が反映されていると考えられないであろうか。明暗それぞれの顔を表す二人の人物は,

内的分裂と二重性に苦しめられている一人の人聞に,その源泉があるのではないであろうか。

最後にわれわれは,集団/個人の二元論のもう一つの側面,つまり個人を検討した。それは

特にこの作品において,自然と無邪気さの権化とも言え,江戸っ子気質が表されている坊ちゃ

んの人物像の中で表現されている。次の四つの要素が坊ちゃんを性格付けている。

①行動様式・言葉・外観の他の人物との相違。②衝動,血気,短期,前後の見境のない性格。

③素朴さ,率直さ,堅気さ。④江戸っ子に相応しく振る舞うという真の理想像で,その実現は

主人公を絶えず苦しめる。名誉,率直さ,正直さ,友情そして清廉潔白の価値を称賛するとい

う厳格な道徳概念をそこにおいて見なくてはいけない。

坊ちゃんにおいて具現化されている江戸っ子は,ここでは他人の自由を尊重しつつ行動する

個人に一致する。そしてここで重要と思われることは,この主人公が表している個人主義の概

念が,坊ちゃんが高貴な武家の出身であることに遡ることである。つまりこの個人主義は日本

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2 天理大学学報

の社会・文化遺産に直接に結びついており,当時,輸入された個人主義といった,西欧思想、の

影響は受けていない。ここでは性格の率直きや自然と完全に調和した道徳的原則に直接源泉が

ある。江戸っ子である坊ちゃんは明日怖さと道徳概念の規範となっている。それに,この光だけ

が,偽善と金儲け主義と欺目前と嘘と「集団」の暗躍からなる暗闇で,光っているのではない。

この光は,その善良,誠実,人間主義からくる行為において輝いている「うらなり」が放つ光

と,そして清によって表現されている永遠の母性の光と力強く結びついている。感情的な次元

における坊ちゃんの真の母は彼の実母ではない。そしてこのパラドクスは, l度昧き・世界の二

元性を暴露するのである。かくして,矛盾するように思えるとは言え,真の自然は自然ではな

い源を持ちうるのである。巨大都市もまた,汚染や痘気にも関わらず, i秋石が坊ちゃんにおい

て描いたような江戸っ子気質を逆説的に生み出しうるのである。

我と外部世界の対立の場を離れ,この作家の内的世界に戻るとき,この「明るい面」は「暗

い面」の衝動とバランスが取れていると言える。激石は,われわれがさきほど見たように,

「坊ちゃん」だけでなく,「赤シャ、ソ」においても自らを反映させていた可能性があり,この

二つの面は内部分裂している。しかし,これは夏目激石のみの運命だろうか。われわれも内部

に坊ちゃん/赤シャツのように二重性を持っているのではないか。そしてまさにここにこそ,

『坊ちゃん』の普遍性があり,作家が残したかったメッセージがあるのである。

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Du roman “Botchan ”, publie en 1906, un paradoxe se degage d'entree de jeu et ne cessera

d'impregner l’reuvre, au fil de son deroulement. Sans cesse, 1’autobiographie y affleure et, en

meme temps, comme dans les mouvements de flux et de reflux de la mar 白, semblerait E’en

eloigner aux antipodes. Le professeur de lycee, mis en scene dans cet ecrit et y tenant la plume

du narrateur, Edokko crache, ce qui rappellerait fort 1’ecrivain, n’y enseigne pas l’anglais comme

le faisait Natsume S6seki en debut de carriere, mais les mathematiques ; les etudes l’ennuient,

tout sp 己cialement ce qui touche aux langues etrangeres et a la litt 己rature (!) ; il n'aime pas ecrire

des lettres parce que son style est mauvais et sa connaissance en caract 色res chinois est limitee ;

et il est batailleur, courageux, intr 己pide jusqu ’a l’inconscience, ce qui s’inscrirait en faux par

rapport au personnage erudit et couard, se precipitant a l'exterieur pendant un tremblement de

terre, tel que lもcrivain se decrit dans le roman autobiographique “Berbes du chemin" ( 1915) ,

ou bien apparait en tant que forte tete et individualiste forcene, ce qui n’aurait aucune relation

avec le jeune professeur de Matsuyama, mais evoquerait plut6t le personnage de S6seki rentre de

Iρndres, vers les annees 1903-1905, correspondant justement a la periode mise en scene dans

“Berbes du chemin". Ainsi, un S6seki et un “anti-S6seki ”se succ 己deraient tour a tour, s’entremelant; theses et antitheses se croiseraient dans cette reuvre petillante qui evoquerait, par

la fougue du rythme, le personnage de Till l’Espiegle, chante avec brio et petulance par Richard

Strauss, et se melangeraient sans discontinuer sur un ton enle 吋, ou percent sans cesse l’ironie, la

critique, voire la satire. L’ecrivain, dans un style qui n’est pas sans rappeler celui de La Bruyere

ou de Saltykov-Chtchedrine, egratigne des caracteres et se pose egalement en censeur de

l’hypocrisie sociale.

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Iρtheme de l’Edokko (le natif de T6ky6) et de l’individualite

dans le roman “Botchan ”de Natsume S6seki

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L’un des plus grands merites de cette reuvre serait a nos yeux de livrer une galerie de portraits,

tres finement elabor 白, extremement complete. Celle-ci stigmatiserait bien sur di 宜佐rentes sortes

d'individus, nes et evoluant dans le bouillon de culture de l'ere Meiji, propice par ses tensions et

ses tentations a l ’emergence de defauts et de vices pouvant parfois aboutir a un veritable

“parasitisme social ”, qui auront tous la particularite dモtre designes au cours de l’reuvre

uniquement par leur sobriquet (Le Blaireau, Chemise rouge, Courge verte, Pore-epic, Le

Bouffon), ce qui est tout a fait exceptionnel chez S6seki et revet une fonction narrative specifique,

apres une courte presentation au debut du recit des raisons qui leur font porter le sobriquet

choisi par le protagoniste. Mais aussi, dans un mouvement dualiste “Clair/Obscur ”,

caracteristique de l’ecrivain, qui ne cesse d’affleurer dans cet ecrit, le roman “Botchan ”

instituerait une double mont 己e vers la Lumiere, I’Innocence et la Puret 己, incarn 白 tout a la fois

par la vieille servante Kiyo , personnage mythique puisant ses sources dans la tradition japonaise

la plus pure, et le professeur “Courge Verte ぺcandide eperdu d’Ideal. Le narrateur Botchan,

quant a lui, avec sa verve qui exprime si bien, selon l’auteur, son origine d’Enfant d’Edo, se 此 de

charniere a ces mondes separes par des espaces infinis et conduit de main de maitre une histoire

petrie de rebondissements, dont le denouement mettra fin a son sejour dans cette ville malsaine.

Toutefois, si le microcosme decrit dans ce roman s’inscrit bien dans le ton de la fin de l’句oque

de Meiji, par le documentaire social qu'il nous propose, ii lui echapperait egalement entierement,

atteignant a l ’universalite par la fresque humaine qu'il met en scene, comme le souligne la

traductrice et critique russe M. P. Grigorieva en preface a sa magistrale traduction de Botchan en

langue russe, publiee en 1942 en Mandchourie :くく Le type de Botchan, comme ceux de toutes

ces “Chemises rouges ”,“Porc-Epics ”,“Blaireaux ”et autres personnages color 白 de l’reuvre,

apparaissent comme o宜rant une sorte de concentre de ces caracteristiques universelles qui se

trouvent eparpill 白s dans le monde entier sans etre directement reli 白S a des epoques OU a des

lieux determines. Ces personnages nous sont proches et facilement comprehensibles, comme si

nous les avions deja rencontr 白, non seulement dans les ぽ uvres de la litterature mondiale, mais

aussi clans notre propre vie. ≫. Et c’est pour cette raison sans doute que l’reuvre reste si

populaire et si lue au J apon, a l ’instar des Miserables en France, de Don Quichotte en Espagne,

de “Pride and Prejudice ”en Angleterre ou d'Anna Kar 己nine en Russie.

En fait, cet ecrit apparaitrait comme un hymne a Ia nature, entendu aussi bien comme principe

normatif en tant que spontaneite, franchise, verit 己, s’opposant a l ’artf1cialite et l’hypocrisie sociale,

que comme principe vi 凶 ou souffle de vie, cette “Blinder Wille zum Leben ”(volonte aveugle de

vivre), dont parle Schopenhauer et dont l’expression par sa concision et sa pertinence fait

l’admiration de Natsume S6seki qu'il exprimera sans detours dans l’essai “Fondements

philosophiques des Belles-Lettres ヘtired ’une con 必rence prononcee en avril 1907. Ce traitement

thematique de la nature traverse, comme nous l’avons vu a plusieurs reprises, 1’reuvre de S6seki,

apparaissant aussi bien dans “Oreiller d’herbes ”, comme seul moyen de parvenir a la creation,

que clans “Clair 勾Obscur ”ou la conference “La civilisation japonaise moderne ”, et manifesterait

a notre avis la nostalgie qu'eprouverait l’auteur pour l’innocence et la purete qu ’ii aurait perdue.

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Cet ecrit met en fait en scene le conflit Nature/ Artifices. L’ouverture est fort revelatrice a cet

匂ard ・“Pour tout heritage, j'ai re 卯 une nature impulsive et risque-tout, qui me vaut depuis ma

petite enfance de perpetuelles m 己saventures ”.L ’expression est symbolique. A la mort de leur

p色re, le frere aine ayant herite des biens familiaux, comme c’etait la coutume, et ne lui ayant

laisse, en tout et pour tout, que 600 yens, le narrateur a re~u en veritable heritage cette nature

debordante, ce 仕e pulsion vitale, cette volonte aveugle de vivre, ce sou 宜le fait d'instinct a l' etat

pur, qui fascinent si fortement Natsume S6seki. On retrouve ici egalement le dualisme

Nature/ Affairisme qui d己coule directement de l’antagonisme “Nature/ Artifices ” Et le

temperament de l’Eddoko (I ’habitant de Tokyo), que S6seki s’attache a d 句eindre et a faire

apparaitre en pleine lumiere chez le narrateur, s’averera s’accorder parfaitement avec le

jaillissement a 1モtat brut d’une personnalite d’un etre a l'aube de sa vie d’homme ( Au fil du 吋cit,

l’auteur nous p吋cise que le heros est age de 23 ans et 4 mois ) . Ne doit-on pas voir ici se profiler

egalement un autre bin6me dualiste singulier, caracteristique de ceux qu '’affectionne l’ecrivain,

Capitale/Nature, dans lequel la plus grande ville du pays, megalopole politique et 己conomique, oむ

la nature pourrait se trouver pourchassee par la concentration de population et d’activites

industrielles, la mauvaise qualite de l’habitat, la pollution de l’environnement et la mecanisation,

saurait paradoxalement insu 血er chez ses habitants un temperament propice a faire “revenir la

nature au galop ”, pour reprendre la formule de Jean-Jacques Rousseau?

Pour tenter de saisir ce sou 血e specifique chez le heros, per 伊 nt aussi bien dans le descriptif

qui en est fait que dans l’ironie et la satire qui colorent le tableau dans son ensemble, et donnant

toute l’句aisseur narrative a l ’reuvre, nous allons proceder de la fa 巳on suivante : placer le

protagoniste en juxtaposition avec les autres personnages du recit et essayer d’etablir une sorte

de “carte d'indi 百台rence ”d’ou emergeront antagonismes, affinites ou in 副首位rences. Pour ce

faire, nous rappellerons d’abord la trame narrative ou s’enchainent ev 印 ements sur evenements,

qui, comme le souligne le critique americain Beong Cheong Yu, se distingue d’entree de jeu par

la vigueur du mouvement :くく L’histoire se dirige rapidement vers son denouement sans

digressions et l’reuvre “Botchan ”s’avere etre une lecture delicieuse pour ceux qui ne cherchent

pas la profondeur de pensee ou la sensibilite ≫. Ce qui est dit par ce critique nous semble vrai

pour beaucoup d’ecrits de S6seki ; en particulier, plusieurs de ses romans se pretent parfaitement

a une lecture a plusieurs niveaux. Mais c’est peut-etre encore plus exact en ce qui concerne

“Botchan ”et expliquerait en partie sa popularite. Puis, nous ouvrirons sur la galerie des portraits

qui debouche, au-dela du microcosme de la petite ville de province perdue quelque part dans l'ile

de Shikoku, sur une vision universalisante.

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Le recit est innerve par trois grands mouvements : le premier decrit les premieres ann 己es du

heros jusqu ’a son arrivee au college de province situe dans l'ile de Shikoku en tant que

professeur de mathematiques debutant ; le second depeint la mont 白 des tensions et !'emergence

des conflits ; le troisieme forme le denouement, marque par la reconciliation entre Botchan et

Ho 仕a son collegue, le triomphe de l'amitie, ainsi que par la sombre machination montee par le

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Le theme de l’Edokko (le natif de T6ky6) et de l’individualite

dans le roman “Botchan ”de Natsume S6seki

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sous-directeur contre eux et Jes operations de represailles qu'ils menent avec succes a l'encontre

de ce dernier.

Enpr 白mbule done, le narrateur evoque ses souvenirs d'enfance et d’adolescence. L’accent est

mis d’entr 白 de jeu sur ses espiegleries de gamin et ses agissements irreflechis ,“sans raison

serieuse ”, qui font le malheur de ses parents, comme le fait de sauter du premier etage de l’ecole,

de s'entamer profondement le doigt avec un canif, de bouter avec violence hors de sa propriete

un jeune voisin venu derober des chataignes, forc;ant sa mere a presenter des excuses aux

parents du jeune homme, de pratiquer le sumo avec des camarades sur le semis de carottes d’un

voisin et d’aller jusqu'a boucher avec des cailloux le gros bambou emergeant d’un puits servant a

irriguer une riziere appartenant a un autre voisin qui exige de ses parents un dedommagement en

numeraire. II souligne ensuite le vide affectif qui l'entoure; sa mere considere qu ’on ne peut rien

tirer de Jui et p同fere ostensiblement son frere aine qui etudie l’anglais et le commerce et se

destine a la vie des affaires ; ce dernier n’app 同cie guere ce frere cadet impulsif, chahuteur et

querelleur, et ira jusqu ’a l ’accuser d’avoir indirectement provoque la mort de leur mere ; son pere,

bien qu'il soit lui-meme inactif, traite Botchan de rate et menace de le desheriter. Mais dans ce

monde, manifestement aise sur le plan financier, hostile a son encontre et desesperement

sombre, la Lumiere fait son apparition sous les traits de la vieille servante Kiyo, qui couve

Botchan d’une affection debordante et intervient systematiquement pour le proteger, Jui faire des

gateaux OU Jui preter de l’argent. Contrairement a son environnement familial qui ne cesse de le

noircir, elle lui presente une vision rassurante de lui-meme, impr 匂nee de lumiere, de puret 己et

de potentialites d’avenir.

Apres la mort de son pere, victime d’une attaque d’apoplexie, six ans apres celle de sa mere, le

narrateur acheve ses etudes dans un college pr 初e et son frere, sortant d’une ecole de commerce

decide de partir travailler a Kyushu dans la filiale d’une grande societe. Celui-ci vend la maison de

ses parents et dispose du patrimoine, remettant au narrateur 600 yens a titre de capital et 50 yens

a l'intention de Kiyo. Ce dernier se resout a poursuivre ses 己tudes. Toute matiere lui 己tant

indifferente, il opte sans passion particuliere, par “irreflexion cong 己nitale ”, pour une ecole de

physique. Kiyo, elle, est recueillie par un neveu, greffier au tribunal. Les etudes du narrateur se

deroulent normalement, bien que ses resultats soient peu brillants et qu'il lui fut plus facile de

voir son classement en regardant par le bas que par le haut, ce qui est un souvenir

autobiographique sur lequel l’ecrivain s’attarde dans “Haltes en Mandchourie et en Cor 白”

(Mankan tokorodokoro), publie en 1909. A la sortie de l'ecole, un poste de professeur de

mathematiques dans l'ile de Shikoku a 40 yens par mois lui est propose. Malgre qu ’ii n’en ait

aucune envie, ii repond oui sur le champ sans ne rien savoir sur cette ville lointaine ni sur les

gens qui y habitent. Mais cela ne l’inquiete pas, le seul fait de s'y rendre l’ennuie. Le jour o白ii

quitte Tokyo ,阻yo vient l'accompagner a la gare. Les impulsions du narrateur, qui engendrent le

recit et activent son d仕oulement, sont dominees par cet incessant balancement dualiste, o也l’on

saute de paradoxe en paradoxe. Quand ii debarque du bateau a vapeur, ii se dit qu'il fallait etre

fou pour aller “dans un trou pareil" et qu'il ne le supportera pas. Mais en m 色me temps, cela lui

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6 天理大学学報

donne beaucoup d'energie. Iρrsqu'il arrive au college, les cours sont deja finis ; il passe la nuit

dans une auberge ou il est ma! trait 己, ce qui ne l'empeche pas de laisser un genereux pourboire

de 5 yens. Le lendemain matin, il se rend au college et fait connaissance avec le directeur, le sous-

directeur et ses autres colleges. Quand il p己netre dans la salle des professeurs, taus les regards

se posent instantanement sur lui, ce qui doit etre aussi un element autobiographique, car on le

retrouve dans le roman "Le Mineur ”(K1柄。, publie en 1908. De ce premier regard sur ce petit

monde, naitront les sobriquets qu'il attribuera a taus ces personnages : le directeur “Le

blaireau ぺqui lui fait penser a cet animal par ses moustaches clairsemees, son teint fonc 己et ses

grands yeux, le sous-directeur aux sempiternels dessous de flanelle rouge

professeur d'anglais Koga au teint particulierement maladif “Courge verte ”, parce que Kiyo lui

avait dit que les personnes au teint si pale se nourrissaient exclusivement de courges pas encore

mures, 1’autre professeur de math 印 1atiques Ho 仕a, un homme vigoureux aux cheveux herisses

coup 白 en courte brosse, rappelant un moine guerrier du Mont Eizan ,“Pore -己pie ぺle professeur

de dessin Yoshikawa, portant une veste de soie fine et jouant avec son even tail ,“Le bouffon ”. Le

directeur demande au narrateur de servir de modele d’education a taus. Mais devant l'aveu

d’incompetence que ce dernier fait, il e旺ectue un revirement complet en disant au narrateur que

c'etait seulement un modele ideal qu'il lui exposait et qu'il n'etait pas tenu de s'y conformer,

discours qui est un element autobiographique 的oque dans la conference “Ma conception de

l'individualisme". Sorti du college, ii se promene dans la ville, cite seigneuriale, autrefois prospere

mais aujourd ’hui sur le d己din. Revenu a l ’auberge, par la magie du pourboire, il se voit attribuer

une chambre magnifique. Des le premier jour de sa vie professionnelle, Botchan fait ainsi

l'apprentissage de l’hypocrisie sociale et du pouvoir magique de l’argent, donne ici sous forme de

pourboire. Surles conseils du Pore-Epic, il quitte sa chambre luxueuse de l’auberge et va prendre

pension chez un antiquaire, qui fait commerce d’antiquit 白 et ne cessera par la suite de boire son

the le soir et de vouloir lui faire acheter quelque chose. Sa premiere experience de

l’enseignement et des eleves est mitig 白. II souffre de sa petite taille, etant plus petit que certains

eleves, ce qui est tres vraisemblablement une observation autobiographique, et redoute des

questions embarrassantes qui ne manqueront pas de venir sous la forme d’un probleme de

geometrie ardu qu ’un eleve lui demande de resoudre sur le champ et devant lequel ii est

contraint de se derober, s’attirant la reflexion peu flatteuse ‘Y sait pas !”. Par son temperament,

iJ n'est pas pret a accepter a transiger OU a fla 仕er et ne se tourmente nullement de sa r句utation

aupres des el とves. Sans tarder, des conseils lui sont donnes par son collegue Porc-Epic de ne pas

emettre de critiques a propos de l’ecole.

Examinons ensuite la montee des tensions. La situation va devenir tres vite pesante pour le

heros. D’abord, son proprietaire vient chaque soir le relancer en le pressant d’acheter quelque

chose. Ensuite, quelques episodes d白agr 白bles surviennent a l'ecole. Apres avoir deguste dans

un restaurant arborant l'enseigne “A la mode de Tokyo" quatre bols de nouilles garnies de

friture, il decouvre sur le tableau de sa classe des inscriptions qui croissent en insolence a chaque

cours. Le narrateur n'y tient plus, plante ses eleves la et rentre chez lui. Le lendemain, sa colere

passee, ii se rend a Sumita, ville d’eaux et quartier de plaisirs. Le jour suivant, la mention peu

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Lヨtheme de l’Edokko (le natif de Tokyo) et de l’individualite

dans le roman “Botchan ”de Natsume Soseki

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fla 抗euse “Succulentes boulettes des bordels ”figure en bonne place sur le tableau de la classe.

On l'affuble du sobriquet “serviette rouge", parce qu'il traine partout une serviette que l’eau

thermale a rendu ecarlate. Dans le bassin d’eau chaude, lorsqu'il n'y a personne, il nage. Un

panneau d’interdiction apparait tout a coup dans l'etablissement et le tableau noir de l’ecole ne

tarde pas a mentionner Jui aussi cette consigne. 11 se sent epie et un sentiment d’oppression le

gagne. Les chahuts (sauterelles dans son lit, hurlements et trepignements dans le noir, heurt

douloureux au tibia, etc.), qui surviennent lors de la surveillance nocturne de l’internat qu ’on lui

demande d’effectuer, vont faire monter a la fois l’exasperation du narrateur et la tension des

esprits. 11 se plaint au directeur qui va convoquer un conseil de discipline. Entre temps, il est

invite a pecher en bateau par le sous-directeur et le professeur de dessin et, au cours de cette

scene, par des sous 引 1tendus et des indiscretions, il se trouvera manipule et entraine dans une

machination perpetree a l'encontre de son collegue de mathematiques Hotta ‘'Porc-Epic ”. 11 est

invite a manifester de la prudence a l'egard de quelqu ’un a l ’esprit ouvert lui paraissant sincere et

l'aidant avec gentillesse a se loger, mais qui aurait peut-etre monte les eleves contre lui. Malgre

1’impression d白agreable que produit en lui le sous-directeur et celle d’etre tombe dans un monde

etrange, sa nature est plus forte et il foncera dans le panneau. 11 voudra rembourser a Hotta la

coupe glac 己e que ce dernier lui avait offert. Ce jour-la, ce dernier lui annonce brutalement qu ’il

doit quitter sa pension parce qu'il s’y est mal conduit. Une querelle eclate entre Jes deux hommes.

Un conseil de discipline se reunit pour statuer sur le chahut provoqu 己par les eleves. Le sous-

directeur souligne que les eleves ne seraient pas les seuls coupables mais que lモcole egalement

aurait sa part de responsabilite. Les professeurs soutiennent cette position sauf “Porc-Epic ”, qui

prend nettement position contre et defend Botchan. Toutefois, Hotta lui reproche de s'etre rendu

aux bains public l'apres-midi de sa surveillance. Botchan fait des excuses publiques. 11 est decide

de consigner les eleves une semaine et de leur demander de faire des excuses a Botchan. Le

directeur 司oute qu ’il serait bon que les professeurs n'aillent pas seuls dans des etablissements de

basse categorie, allusion directe aux nouilles et aux boulettes. Le narrateur ressent cette

intervention comme tout a fait abusive, parce que se situant hors de ses obligations

contractuelles.

perd patience et lui demande si sa fr 己quentation de la belle “Madone ’,, dont il a entendu parler

au cours de Ia partie de peche, fait partie de telles distractions. La repartie fait mouche mais

touche aussi le professeur d’anglais “Courge verte ”.Iρrsque le narrateur rentre a sa pension et

se prepare pour changer de logement, sa logeuse lui demande si quelque chose lui a deplu pour

qu'il s'en aille. Une telle hypocrisie le choque. Il appelle un pousse-pousse sans avoir la moindre

idee de l’endroit o也il peut loger. Il prend conseil aupres de “Courge Verte ”qu ’il trouve chez lui.

II s’installe chez des gens que ce dernier lui a recommand 白, les Hagino, issus de familles de

samourai's ra 節目s. Sa logeuse lui apprend que la belle “Madone ”etait fiancee avec ‘'Courge

Ve 此e”, mais que maintenant elle accorde ses feux au sous-directeur “Chemise-rouge ”qui a

demand 己sa main. “Porc-Epic ’, est intervenu en faveur de

petites villes. Une longue lettre de Kiyo lui parvient, lui donnant differentes nouvelles et lui

annon 写ant l’訂rivee d’un mandat de 10 yens. Le narrateur commence a s’~percevoir qu'il ne peut

vivre sans elle. Un soir, en allant au bain, a la gare, il rencontre “Courge Verte ”qui lui inspire

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8 天理大学学報

pitie ,“Madone ぺveritablement belle ,“jeune beaute au teint tres blanc, a la taille elanc 仕, coi 立白

avec elegance ”, accompagnee de sa mere, et “Chemise 司Rouge ヘarborant une fausse chaine d'or.

I」:iissant les autres aller en premiere classe, il voyage en seconde avec

de faire la conversation ; mais son compagnon est trap triste. Alors il reflechit sur l’ambivalence des etres qui regit ce monde de province, ce qui etonnerait certainement Kiyo vivant en dehors

des contradictions. Cet endroit commence a lui apparaitre dangereux et il pense a rentrer a

Tokyo. Tout d’un coup, sur le chemin, il aperc;oit un couple qui se revelera etre “Chemise

Rouge ”, faisant semblant de ne pas le reconnaitre, et “Madone ”. Le lendemain, il est convoque

par le meme “Chemise 同Rouge ”qui lui propose, en echange d’une attitude compr 仕1ensive, une

augmentation de salaire et des responsabilit 白 plus hautes. Le sous directeur l'informe du depart

prochain de

occasion. Botchan se mefie et apprend de sa logeuse que la mere de ‘‘Courge Verte" avai t demande pour son fils une petite augmentation de salaire au directeur et que ce dernier, au lieu

de la lui accorder, avait pris toutes les mesures pour l’envoyer au fond de l'ile de Kyushu et que,

malgre le desaccord de l’interesse, plus rien ne pouvait etre modifie. Le fait que Courge Verte soit

ainsi exile deplait a Botchan qui decide de se rendre immediatement chez Chemise-Rouge pour

refuser l’augmentation de salaire proposee. Malgre toutes les arguties de ce dernier, il

maintiendra son refus.

Un retournement se produit, prefigurant l’acceleration de l’action et le d白10uement prochain.

Le lendemain ,“Porc-Epic ヘsans crier gare, lui demande pardon de lui avoir demande de quitter

la pension des Ikagin, sur les mensonges que le mari, antiquaire et bimbelotier, lui avait dめit 白,

de fureur qu'il ne lui ait rien achete. Les deux collegues s’expliquent et se r己concilient. “Porc-

Epic" le felicite d’avoir re 釦詑 l’augmentation de salaire. En 白outant de telles louanges, Botchan

se sent “un dig 問 enfant d’Ed ;” II lui demande de faire a sa place un discours en honneur de

‘'Courge-Ve 此e”. Ils se rendent ensemble dans l’etablissement Kashintei, ancienne residence d’un

noble, tenu pour le meilleur restaurant de la ville, ou a 自己 organise le banquet d’adieu. Tout le

monde ou presque est deja rassemble quand ils arrivent. Trois discours se succedent pour louer

la valeur professionnelle du professeur, sa bonte et son humanite, celui du maitre des

ceremonies, du directeur et du sous-directeur. Tous deplorent de le voir partir. Mais comme

“Courge-Verte ”avait lui-meme demand 己主 s’en aller, il 己tait impossible de s'y opposer. Tous

rivalisent en m 巴nsonges. “Chemise-Rouge ”va plus loin en exprimant sa profonde tristesse de

perdre un ami si cher. A ces ±lots d’hypocrisie, font suite les propos de “Porc-Epic ”qui souhaite

a son collegue, a la nature conciliante et au cceur pur, de trouver le bonheur professionnel et

conjugal dans la ville de Nobeoka ou les mceurs sont rest 白 simples et ou les etudiants, ainsi que

les enseignants se comportent honnetement comme dans l'ancien temps. Le discours de

remerciement de “Courge Verte ”respire la verite et la gratitude sincere. Rien n’y est affecte. II

marque sa di 旺'erence avec les autres. Botchan est surpris que personne ne manifeste ni regret ni

honte de s’etre ainsi comporte a l'egard de cet etre sans defense. La mauvaise presentation des

plats servis l’etonne egalement. Puis, la soiree degenere. Les participants s’enivrent et des

geishas font leur entr 白. A ce moment-la ,“Chemise Rouge ”, sans repondre a l'une des geishas

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Le theme de l’Edokko (le natif de T6ky6) et de l’individualit 邑

dans le roman “Botchan ”de Natsume S6seki

9

qui l'a salue, disparait. “Courge-Verte ”seul garde une attitude correcte. Le banquet donne en sa

faveur se transforme en distraction ego'iste, en beuverie, en debauche et en “spectacle de fous ”

et plus personne ne s'occupe de celui qui devait etre le heros de la soiree et qui se terre,

malheureux dans son coin. En partant avec

sur le crane du Bou 首on qui tentait de s'opposer a leur depart. Les fetes de la victoire du Japon sur

la Russie donnent lieu a un jour de conge, un d己file le matin, ou le college se trouve oppos 己主

l’Ecole Normale, et une rixe qui survient l’apres-midi entre les eleves de ces deux etablissements

au cours d’un spectacle de danse du sabre de haute qualite donne par une troupe de K6chi. Il

s’agira en fait d'une sombre machination, ourdie par

frere qui a invit 己les deux coll 在gues au spectacle de danse et les appelle a dessein a l ’aide lorsque

la 1】agarre commence. ‘‘Pore-Epic ’, et Botchan s’efforcent de separer les adversaires ; mais les

circonstances et leur temp 己rament fougueux Jes plongent bient6t au cceur de la bataille d’ou, le

visage tumefie, ils seront les seuls a etre cueillis par la police. Le lendemain, un article

di 宜amatoire parait dans le “Quotidien de Shikoku ”qui les accuse d’avoir incit 己les eleves a

provoquer des troubles et a se lancer dans une attaque en regle contre l’ecole normale. Le

journaliste, soulignant le d白honneur que de tels faits infligent a la ville, reclame une enquete et

un chatiment exemplaire a l'encontre des “fauteurs de troubles “et souhaite "qu ’a l'avenir , ces

individus ne puissent plus jouer aucun role dans le monde educatif ".“ Les journaux impriment

des mensonges sans limit ぷ!” s’exclame avec fureur le narrateur. “Cl 児err

excuses en public, reconnaissant que tout est arrive par la faute de son frere, et !es defend aupres

des autres professeurs. Il promet de demander au journal un rectificatif. En fait, ne paraitra le

surlendemain, en tous petits caracteres, que le d印 1enti de l’ecole des faits relates. “Une fois que

quelque chose est paru dans un journal, vrai ou faux, on ne peut rien y changer. ”,出dare le

directeur “Le blaireau ぺpreoccupe par cette a百aire, a Botchan qui manifeste le desir d’aller voir

le redacteur en chef. Trois jours apres, l'ecole demande a “Pore-Epic ”sa demission. Botchan se

precipite chez le directeur pour donner Jui aussi la sienne ; mais le desarroi qu ’il cause le trouble.

En reponse a cette machination, les deux amis, inform 白 des rendez-vous que “Chemise-

Rouge" donne a une geisha a l ’Hotel Kadoya, vont decider de lui tendre un piege pour le

surprendre. “Porc-Epic ”s’installera dans l’hotel Masuya en face et fera un trou dans la cloison

en papier qui donne sur la rue. I」三 guet dure une semaine. Le decouragement gagne Botchan.

Tout d’un coup, un soir, ils entendent dans la rue au bas de l’hotel les voix de “Chemise-Rouge ”

et de son comparse, le professeur de dessin "Le bouffon ”, qui s’entretiennent precisement d’eux

de maniere peu obligeante, les traitant l'un de “geneur ”et l’autre de “petit jeune homme

malade des nerfs ”. Ils attendent qu'ils ressortent de l’hotel et, a cinq heures du matin, sur la

route, dans une allee de cedres, ils leur tombent dessus et leur reglent leur compte, Porc-Epic se

chargeant de

avait dans sa poche. En conclusion, ils leur disent qu'ils peuvent, si bon leur chante, appeler la

police et qu'ils seront a l ’hotel Minatoya jusqu ’a l ’apres-midi. Mais la police ne se montre pas.

Botchan envoie sa demission a l 込cole et, des le soir, il s'embarque en compagnie de “Porc-Epic ”

pour Kob 己, d’ou ils rejoignent Tokyo. A la gare de Shimbashi, ils se quittent “comme des

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10 天理大学学報

prisonniers qui retrouvent la liberte". Le h仕os rejoint Kiyo. II obtient un paste d’aide-technicien

a la compagnie des tramways municipaux. II loue une maison pour Kiyo et lui. Mais au mois de

fevrier, celle-ci decede 【l'une pneumonie. Comme elle en a exprime le desir, elle reposera clans le

tombeau familial de Botchan au Temple Yogenji a Kobinata.

Voila, succinctement retracee, la trame d’un recit fourmillant en descriptions et en peripeties,

qui voit a la fin !es “Eons ”triompher des “Mechants ”et le bon droit l'emporter. La verve et la

petulance du narrateur, la rapidite et les rebondissements de l’action font immanquablement

penser a un roman picaresque.

3

Cette “carte d'indifference ぺschematisant !es relations entre les personnages de ce recit, que

nous allons maintenant dresser est structurellement sous-tendue par un affrontement

fondamental Collectivit 己/Individualite. Il y a d ’une part la corporation des professeurs, conduite

de main de maitre par le directeur “Le Blaireau ”et le sous 』directeur “Chemise-Rouge ”, dont ne

se detache dans le recit que le professeur de dessin “Le bouffon ”, l’ensemble des eleves, dont

aucun ne viendra jamais sortir de l’anonymat, foule bruyante, mal degrossie et lache, ou encore

les logeurs Ikagin ou Hagino, la patronne de l’hotel ou le concierge de l’ecole, qui en fait ne vivent

que clans l’intime fusion avec le groupe. A cette “collectivite" feront face quelques

“individualites ’\“Pore-Epic ”,“Courge-Verte", le narrateur et Kiyo. Et toutes les relations, vues

a travers le prisme du narrateur Botchan, se tisseront selon une forme dualiste Clair/Obscur,

pr 白entant au lecteur une vision malthusienne du monde, divise en bons et en mechants, ou !es

Eons seront ces individualites et !es Mechants appartiendront a la collectivite. Par exemple, le

heros, dans son etiquetage syst 印 1atique Bon/Mechant, se montre un instant perplexe en ce qui

concerne “Chemise-Rouge ”, se demandant a quel camp appartiendrait ce dernier. Le statut de

“Pore-Epic ぺexceptionnellement, est 釘rolutif. II passe tour a tour de “bon ”a "mechant ”, puis

redevient 【lefinitivement “bon". En fait, le roman “Botchan ”o位 e, par la densite des materiaux

incorpores et sa trame narrative, un champ experimental extremement riche, ou sont agit 白s des

idees que Natsume Soseki conceptualisera huit annees plus tard, en 1914, clans la conf ,己rence

qu'il prononcera a l ’Institut Gakushuin ,“Ma conception de l'individualisme ”. La filiation entre !es

deux ecrits est etonnante, avec dans les deux une vive critique de la presse incarnant aux yeux

de l'ecrivain 1’archetype de l’intervention aveugle de la collectivite dans l’individualite d’un tiers.

Nous reviendrons plus tard sur ce point et allons maintenant presenter la galerie des portraits

representee dans cette IBuvre et en dessiner la carte d’indiff 己rence qui, comme nous le verrons,

se resoudra en un a世ontement Collectivite/Individualite.

Voyons d’abord les elements constitutifs de ce 仕e “Collectivite". Ils apparaissent, d’entree de

jeu, d'une part clans la description de ce 仕e salle ou tous !es professeurs sont rassembles avant le

debut des cours OU Botchan penetre pour la premiere fois. II s’y produit aussitot le choc

individualite/ collectivite :“Lorsque j'entrai dans la piece, ils se tournerent comme un seul

homme vers moi pour me regarder, on aurait cru qu'ils sモtaient donne le mot.Jene suis pas un

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Le theme de l’Edokko (le natif de Tokyo) et de l’individualit 佐

dans le roman “Botchan ”de Natsume Soseki

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obj et de curiosite, tout de meme."; puis, le cote artificiel du rituel, consistant a montrer a tous les

professeurs la nomination, exaspere le heros qui en souligne la th 品tralite :官nsuite, comme il

me l’avait ete demand ムje presentai ma nomination a chacun d’entre eux en les saluant. La

plupart se contenterent de se soulever un peu de leur chaise en s’inclinant legerement, mais,

certains, consciencieux, prirent le document et l’examinerent avant de me le remettre avec

componction. On aurait dit du theatre .'’ La vie serait モIle un theatre permanent d’ou la nature

serait absente ? Ces traits seront repris et developp 己s lors des deux autres scenes de groupe, le

conseil des professeurs, devant statuer sur les sanctions a infliger aux eleves apres le chahut

survenu !ors de la surveillance nocturne de Botchan, ou joue a plein l'effet de groupe, tous les

professeurs etant d’accord avec la position du directeur reprise par le sous-directeur :“Maudits

soient-ils a tous se mettre de son cote ! Je n’avais rien a faire avec cette collection d'individus s’ils

s’imaginaient qu ’une ecole se dirigeait ainsi.. .'’ De telles pensees sur la fragilite et la solitude de

l’individu face au groupe rappellent Jes propos que tint Natsume Soseki ]ors de Ia conference que

nous avons deja citee sur Ia conception de l'individualisme :“Je reconnais vraiment l’existence

des autres. Et, par cons 伺uent, je leur accorde pour cette raison Ia liberte. Ainsi, quelque soit

l'outrage qu'on me ferait subir, jamais je ne solliciterais l’assistance de quelqu'un s'il repugnait a

le faire. En cela, reside la solitude de l’individualisme. Selon ces idees, avant d’adopter l’attitude

qu'il convient de prendre a l ’句ard des humains, on decide de la marche a suivre en essayant

d’apprecier clairement la situation en termes de Bien et de Mal. Alors, on se trouve dans certains

cas completement isole et l’on eprouve un sentiment de solitude. Cela va de soi. C’est rassurant

pour des brindilles de se trouver dans un fagot. ”I疋S membres du corps enseignant seraient

donc ces “brindilles dans le fagot". Nous verrons bientot chez Botchan l’acuite de cette

conscience du Bien et du Mal, allant jusqu'a la caricature. Dans la scene du banquet d’adieu,

offert en l'honneur du depart du professeur d’anglais “Courge-Verte ”, qui d己generera en

bacchanales et en orgie, le traitement satirique de la “collectivite ”atteint son apogee. Deux

parties la composent : le dechainement de l’hypocrisie, de la tartuferie, de la duplicite, de ce que

d'aucuns qualifieraient de j己suitisme, personnifies par

tomber les masques sociaux plus ou moins fix 白, le dechainement des instincts a lieu. Toute

morale semble s’en etre allee. Seuls “Courge Verte ”et le narrateur se tiennent a l'ecart. “Porc-

Epic" Jui se laisse entrainer dans des danses saugrenues et apres, on ne sait pas ce qui se passe,

le narrateur ayant quitte la salle en compagnie du professeur d’anglais :“Au cours de l'heure

suivante, le d白ordre envahit la salle du banquet... Avec l’apparition des geishas, la salle s’emplit

soudain de gaiet 己, les exclamations de bienvenue qui fusaient de tous cotes etaient si sonores que

l’on aurait cru des cris de guerre. Certains invites entamerent alors des jeux de devinettes. Ce

faisant, ils poussaient des vociferations bruyantes qui rappelaient celles que hurlent les

participants a ces concours ou, tout en restant assis, 1’on degaine son sabre le plus vite possible ...

L’effervescence et le brouhaha etaient a present insupportables. Dans cette agitation, Courge

verte ne savait que faire. La t色te baissee, ii ruminait de tristes pensees. C'etait en son honneur

que se deroulait ce banquet, mais personne n'avait l’air de se soucier de son depart. Tous ne

songeaient qu ’a s ’amuser et boire. Isol 己dans son coin, sans se divertir a rien, il etait seul dans 2,

cette compagnie a etre malheureux. ” La relation collectivite/individualite s’est transferee sur

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12 天理大学学報

Courge Verte qui est relegue clans un isolement total, apres avoir ete abuse par le directeur et le

sous-directeur.

La deuxieme “collectivite"' represent 白 par le groupe d’eleves, apparait encore plus

monolithique et ceci des la relation du premier jour de classe :“Quand je quittai la salle des

professeurs en emportant ma craie pour la deuxieme heure, j’avais presque le sentiment que je

me lanc;ais en territoire ennemi. J e vis en entrant dans la classe que, cette fois, les el eves etaient

beaucoup plus grands que precedemment. Pour ce qui est de la bagarre, je n’hesiterais pas a a立ranter un lutteur de sumo, mais avec ces quarante costauds devant moi, je ne me sentais pas le

talent de m ’imposer avec pour seule arme ma langue. Je songeai cependant que le moindre signe

de faiblesse serait irrecuperable aupres de ces campagnards et je me lan 伊idans la lec;on d’une

voix forte …J e regagnai la salle des professeurs. I」三 Pore-Epic m ’interrogea a nouveau ... J e finis JO

par lancer que dans cette ecole les eleves etaient des tetes de mules ”. Comme il apparait ci-

dessus, les rapports entre Botchan et les eleves seront toujours mauvais et conflictuels. Aucun

contact ne se nouera sur l_e plan humain avec eux. Les episodes des inscriptions sur le tableau des

nouilles garnies de friture, des “boulettes des bordels ”et de l’interdiction de nager dans le

public, ainsi que le chahut pendant la surveillance nocturne de l’internat, viendront renforcer ce

mauvais climat. I」= h佐ros proclame un r向uisitoire sans appel :“Dans quels but sont-ils entres au

college ? Pour mentir, frauder, commettre sournoisement des blagues minables et, leur diplome

en poche, se pavaner en s’imaginant qu'ils ont rec;u une veritable education ! Racaille immonde. ”

Le comportement de cette collectivite d’une part semble ainsi empreinte d’artificialit 己, de

stratagemes, d’hypocrisie ; en outre, elle vise a intervenir avec sans-gene dans l’individualit 己du

heros, de “Courge Verte ”OU meme de “Porc-Epic ”. En ce qui concerne Botchan, on le suit a la trace et on veut l’empecher de manger quatre bols de nouilles garnies de friture ou des boulettes

de riz, de nager dans le bain public au nom de soit-disantes regles de bonne conduite :“J’eus

I’impression que tous Jes eleves de l’ecole se liguaient pour m'espionner. Cela me flanqua un coup

de cafard. Que Jes eleves disent ou fassent ce qu'ils voulaient, moi je continuerai comme je l'avais

decide, mais dans cette ville, je commenc;ai vraiment a me sentir oppress 己comme dans une cage

trap 己troite."

“Madone" sera bris 佐, Madone lui etant derobee par “Chemise-Rouge ”’ et il sera conduit, par

une machination des deux directeurs, a s’exiler contre son gre de sa ville natale, ou il est

proprietaire d’une maison et d’un terrain, pour une contr 己e lointaine, et a devoir quitter sa mere

dont il prend soin. “Pore-Epic ”, pour avoir tenu tete a la direction de l'ecole, en particulier en

intervenant a plusieurs reprises en faveur de “Courge verte ”, voyant clair dans les manipulations

ou les machinations et en denon 伊 nt aussitot les effets, incarnant ainsi le “geneur ”par

excellence, sera entraine subrepticement dans une situation qui le contraindra a demissionner et

a quitter la ville.

Cependant, cette “collectivite" abrite en son sein tous les vices, caches ou non de la societ 己,

bassesse, avidite, cupidit 己, envie, convoitise, affairisme, corruption, prevarication, di 百amation, so 江

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Le theme de l’Edokko (le natif de Tokyo) et de l’mdividualite

dans le roman “Botchan ”de Natsume Soseki

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de jouissances des biens de ce monde, amoralisme absolu sous le couvert de discours moralistes.

“Chemise-Rouge ”est le type m 在me du Tartuffe, qui semblerait etre sorti directement de

Moliere, un Tartuffe de l'ere Me りi, utilisant tous Jes raffinements que sa formation universitaire

lui a donnes pour mieux berner le monde et reussir a ses fins qui consistent a eliminer systematiquement tous ceux qui le derangent sur un plan professionnel ou sentimental. Ikagin, le

marchand d’objets d’art sans scrupules, n'hesite pas a contrefaire des signatures pour mieux

escroquer sa clientele, Madame Hagino, de bonne descendance, mais d己voree de curiosite et

cancaniere, n’hesite pas a di 妊user les secrets les plus intimes dont elle a pu avoir connaissance,

violant ainsi impunement l’individualite des autres, et a conseiller a Botchan une augmentation de

salaire, toute immorale par ses ressorts filt-elle. La patronne de l’auberge, qui a d ’abord h己berge

Botchan dans les pires conditions, dans une piece surchauffee sous l’escalier, alors que de

nombreuses chambres fraiches etaient disponibles, apres avoir re 与u un pourboire royal de 5 yens

qu ’a donne Botchan par impulsivite congenitale, 1’installe dans la chambre la plus luxueuse de

l’etablissement.

Regardons maintenant Jes caracteristiques individuelles de ceux qui ont pour mission d’animer

et de mener ces “collectivites ”. Le directeur “Le blaireau ”est beau parleur, mais suscite de la

mefiance chez le heros qui pen;oit toute la rouerie de cet homme. Les relations avec “Chemise

Rouge" sont plus complexes. Son role dans le discours narratif est essentiel. C’est aussi un

personnage-cle extremement interessant ; doux et sincere en apparence, puisqu'il ira jusqu ’a duper Botchan, c’est un hypocrite, un tartuffe-ne, un provocateur et un comploteur. II y a dans sa

personnalite des elements, peut-etre meme des dins d’ceil volontaires de l’auteur, qui evoquent a la fois le Tartuffe de Moliere, car sous des dehors moralisants, preconisant les “distractions

intellectuelles ぺii seduira la jolie fiancee “Madone ”de “Courge Verte ”tout en entretenant des

relations avec une jeune et jolie geisha Kosuzu, et Pietr Verkhovensky dans “Les Possedes ”de

Dosto'ievski, agitateur et comploteur. En fait, 1’importance du personnage depasse ces el 己ments

et peut-etre l’ceuvre elle-meme ; car ii nous semble que nous devrions y voir un veritable double

de 1’auteur, Natsume Soseki, venant directement s’opposer a l’enfant d’Edo mythique, candide

pur et impulsif, d句eint sous Jes traits du narrateur Botchan. Dans la conference “Ma conception

de l’individualisme ”, l’己crivain apporte une precision qui nous semble etre du plus haut interet,

meme elle n’est pas denu 白 d’ironie, d’ambivalence, voire de provocation paradoxale : II serai t

possible de voir sous les traits de

Soseki lui-m 在me :‘ inalement, un an apres, je fus nomme dans un college de campagne. I I

s’agissait d'un college situe a Matsuyama, dans la Province de Iyo. Je vois que vous riez a la mention du college de Matsuyama. Vous avez sans doute lu mon ceuvre qui s’intitule “Botchan ”.

Dans ce roman, il ya un personnage qui porte le sobriquet de “chemise rouge ”.A l’epoque, on

me demanda qui done pouvait etre cette personne. A ce 抗e periode, j'etais le seul du college a avoir obtenu une licence es lettres. Et si l’on voulait reconnaitre derriere chaque personnage de

Botchan des personnes qui ont r白llement existe, et bien, derriere “la chemise rouge ”, c;a serait

a mon grand honneur moi-meme qui me cache. Je desire vous dire que c'est pour moi un grand

bonheur .'’ Doit-on voir dans ces propos un seul gout prononce pour le paradoxe ou bien serait-il

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envisageable d’entrevoir derriere le personnage du sous-directeur un “Moi diabolique ”de

l’ecrivain, tartuffe et dominateur, celui-la m 色me dont il denonce clans ses ceuvres les mefaits et les

dangers qu'il fait courir aux autres par les menaces qu'il exerce sur l’individualite et la vie privee ?

II y aurait-il ici une volonte d’exorciser un demon clans son sein ? Que dire aussi du seducteur qui

apparait chez “Chemise Rouge “? La lecture d’ceuvres telles que “Haltes en Mandchourie et en

Cor 白” revele chez l’ecrivain une attirance pour le “deuxi 合me sexe ”.

Et ici le bin6me antagoniste Chemise Rouge/Botchan prend toute son ampleur, qui pourrait

connaitre sa resolution clans un bin6me le Moi et son Double, !es deux personnages, face sombre

et face claire, puisant en realit 己a la source d’un meme etre en proie a un phenomene de

dechirement interieur et de dedoublement.

4

Examinons maintenant l’autre composante du bin6me Collectivite / Individualite, c’est-a-dire

l’individualite, tenant compte de celle de l’autre, representee en particulier par le personnage de

Botchan qui donne a l ’ceuvre tout son sou 旺le et toute sa lumiere, essence de nature! et de

spon 回neite, jaillissant magistralement du traitement mythique de “l’enfant d’Edo ”.

Quatre elements fondamentaux, emergeant d’une accumulation de materiaux 【livers proposes

par l’auteur au fil du recit, visant a cerner Jes contours de cet “enfant d’Edo ”, sembleraient le

caracteriser : 1. Une apparence le differenciant des autres, comme sa d己marche ou son accent :

“Je me lan<_;ai dans ma le<_;on d’une voix forte, n’hesitant pas a prononcer !es mots en Jes roulant.

Au commencement, les 己!eves etaient trop desorientes pour r旬以r... je me mis a utiliser de plus

en plus, ce qui est ma sp 己cialite, la prononciation t6ky6i'te, quand un eleve, en plein milieu du

premier rang, (…) se dressa soudain et Ian 伊・ monsieur !… Yous parlez trop vite, on comprend

rien, pourriez pas aller plus doux, quoi, si c’etait un effet de votre bonte, s’pas ?” 2. une

impulsivite, une fougue, une impatience et un temperament risque-tout instinctifs, qui le porterait

a foncer tete baissee vers le but qu'il s’est fixe, malgr 己les desagrements, et dans les pieges qu ’on lui tend, comme ceux du sous 一directeur

avec son irr 己flexion native, avec son collegue de mathematiques “Porc-Epic ”par exemple, ou le

professeur de dessin "Le Bouffon ”qu ’il roulera de coups a deux reprises, et vouloir se ba 抗re

avec plus fort que soi et contre des moulins a vent, les calomnies de la presse en particulier.

Prompt a l ’autocritique, soit vis a vis de soi-meme, soit devant les autres, il d句lore en lui un

manque d’intelligence : "Pour etre franc, je dois vous avouer que mon intelligence n’est pas a la

hauteur de mon courage. ”. 3. une simplicite, une franchise, une droiture, 1’horreur de tout

compromis, de toute lachet 己, le respect supreme de la parole donnee et de l’amitie, qui lui fait

refuser une augmentation de salaire et demander sa demission, la haine de tout mensonge qui lui

fait rendre au directeur eberlue sa nomination -“Comme je hais les mensonges, je me dis que je

devais en prendre mon parti, me resigner a avoir ete dupe, mais que j’allais refuser ce poste et

rentrer chez moi... Tout etait preferable au mensonge, pensai-je ; je declarais donc au directeur

que je ne pouvais absolument pas me conformer a ce qu ’II me demandait et que je voulais lui

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Le theme de l’Edokko (le natif de T6ky6) et de l’individualite

dans le roman “Botchan ”de Natsume S6seki

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rendre ma nomination."4. Un Ideal authentique dont la r白lisation ne cesse de tourmenter le

heros : se montrer "un digne enfant d’Edo ”; c’est ce qui le fait rester dormir sur place dans le

corridor de l’internat au cours du chahut, pour ne pas donner l'air de fuir mis 己rablement :“Dans

ces circonstances, je ne savais tout bonnement pas comment m'en sortir. Jene le savais pas. Mais

il n’etait pas question pour moi de me retirer battu. Abandonner la place ainsi serait le

d白 honneur. Il ne serait pas dit qu ’un enfant d’Edo se fut montre poltron. '’ A quoi cela

correspondrait-il ? Quel modele ou plus exactement quel st 仕己otype se cacherait-il dans ces

termes ? Il faudrait y voir des conceptions morales rigoureuses, exaltant les valeurs d’honneur, de

franchise, d’honnetete, d’amitie, voire d’incorruptibilit 己, inalterables, frisant par ses exces la

caricature et declenchant le rire chez le lecteur, 1’appreciation syst 己matique de toute situation en

termes de Bien et de Mal, une sorte d’incarnation d'individualite a l'etat pur, jaillissante et

bouillonnante, qui formerait une puissante antidote aux miasmes emanant de la “collectivite".

Cet ideal de fils d’Edo est appuye par deux elements. D’abord le dualisme Botchan/Le Bouffon

qui, lui aussi, est originaire de la Capitale, mais, pour emprunter une terminologie

dostoi"evskienne, il ne serait qu ’un “usurpateur ”:“Si voila Jes enfants d’Edo,j ’aimerais n’y etre

jamais ne, me dis-je pour moi-m 色me. ”Lors de la partie de peche, le professeur de dessin

exaspere le heros : “くく 11 n’y a personne ici. Aucun danger ≫, fit le Bouffon en jetant un coup

d’ceil de mon cote ; il detourna la tete avec un sourire 伺uivoque. Son attitude me froissa ... Un

comportement de rustre. Et il avait le culot de se vanter, avec un curieux accent du terroir, d’etre

comme moi un 自ls d’Edo !” Et cette impression d’appropriation illegitime de la haute dignite que

confere le fait d’etre “自ls d’Edo ”explique la rancCPur et la violence que le narrateur exerce a

l'egard du “Bouffon ”en lui jetant huit ceufs au visage et en le bourrant de coups de poings au

petit jour dans l'allee de cedres. En outre, le narrateur fait etat de ses origines aristocratiques qui

remonteraient tres loin dans l’histoire du Japon et ne semble vouer que mepris a l ’encontre de ses

eleves, manifestement de basse extraction :“Moi, dont les anc 色tres etaient des vassaux directs

des Shoguns. Qui tous appartenaient a l'ancienne famille des Minamoto, descendant en droite

ligne de l’Empereur Seiwa ; j ’avais donc parmi mes ai"eux un noble samourai" du nom de Tada no

manju. ]'etais de beaucoup plus haute extraction que ces paysans de rien. ”Ainsi, par le jeux

d’affinites ancestrales, la lignee est fond 己e et la qualite de “自ls d’Edo ”s’avere legitimisee.

L’enfant d’Edo, personnifie par Botchan, s’identifie ici a une individualite dont les actes

respectent la liberte de l'autre. Et ce qui nous semble fondamental ici, c’est que cette conception

de l’individualisme qu ’exprime le heros puiserait sa source dans l’origine de Samoura"i noble de sa

famille, donc proviendrait en droite ligne du patrimoine socioculturel japonais et ne serait en rien

soumis a la tutelle d'idees occidentales en matiere d’individualisme qui auraient ete importees

sous l’effet de la mode. Elle puiserait directement dans une spontaneite de caractere et des

principes moraux, jaillissant en parfaite harmonie avec la nature. Botchan sous ses traits d’Enfant

d'Edo, presente un modele de dart 己et de conceptions morales qui se font jour en toute

spontaneite, dans un processus constitue d’affinit 白 ancestrales. En outre, la lumiere que je 仕e

Botchan, qui finit par recevoir le solide appui de “Porc-Epic ”dans son combat sacre contre les

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16 天理大学学報

“Forces du mal", n'est pas la seule a briller clans l'obscuri 尚早1i l’environnerait, form 白 par

l’hypocrisie, 1’a旺airisme, la dissimulation, le mensonge et Jes machinations t白1ebreuses de la

“collectivite". Elle est puissamment relay 白 par celle que projette “Courge Verte ”, rayonnant

clans tous ses actes de bont 己, de sincerite et d’humanisme, et egalement celle de l’eternel

maternel feminin, represente par Kiyo. Sonde par sa deuxieme logeuse sur sa situation de famille,

le heros n’hesitera pas a faire croire que l’auteur des longues lettres qu'il re 与oit de Kiyo est sa

femme. lei egalement, ii y aurait un d白ir, conscient ou non, de legitimiser une relation toute

platonique. Et la derniere demeure de Kiyo, symboliquement, ne sera autre que le caveau de la

famille de Botchan, introduisant un dualisme Mere ut 仕ine/Mere adoptive. 回yo, se plac;ant en

opposition par rapport a la vraie mere qui n'aime pas son fils cadet, symbolise l’'Amour maternel.

La vraie mere, sur le plan affectif, de Botchan n’est pas sa mere de sang. Et ce paradoxe sert de

revelateur a l ’ambigui'te, au dualisme qui pese sur le monde. Ainsi, aussi paradoxal que cela

puisse sembler, la vraie nature peut etre d’origine non naturelle. La megalopole egalement,

malgre la pollution et les miasmes, peut paradoxalement engendrer des temperaments d’enfant

d’Edo, tel que S6seki le depeint dans Botchan.

La Lumiere que nous avons 己voquee plus haut, comme si elle subissait un curieux phenomene

de diffraction, se dedouble dans l’ぽuvre en trois tendances, correspondant chacune,

respectivement, au jaillissement de la nature (Botchan), au rayonnement de l’Ideal (“Courge

verte づ et a !'expression de la tendresse maternelle idealisee (Kiyo). La clarte qui 己mane de ces

trois personnages fait reculer les tenebres du calcul, du mensonge, de la domination et de

l'obscurantisme, incarnees par la “Collectivite". L’enfant d’Edo sert ainsi de liaison dynamique

aux deux phares qui eclairent et rechau 旺ent l'humanite, 1’Id 白let I’Eternel maternel feminin. La

critique et traductrice russe M. Grigorieva, citee precedemment, met quant a elle l’accent sur le

cote de Don Quichotte de Botchan, disant de lui qu'il “est un jeune Don Quichotte, s’epuisant

dans la lutte qu ’ii mene contre les moulins a vent." En fait, ce 仕e lutte contre Jes moulins sera

breve. Sentant le terrain de cette ville de province irrem 付 iablement pourri et craignant de

pouvoir se laisser gagner par la gangrene morale qui rongerait les etres dans ce bouillon de

culture, apres s’etre venge de ℃hemise Rouge ”et du 官 ouffon ”, ii rentre a Tokyo ou il rejoint

Kiyo et trouvera un emploi en dehors de l'enseignement. “L’enfant d’Edo ”incarnerait done a la

fois un souffle vital extremement puissant et une app 同ciation des valeurs en termes de Bien et de

mal, presentant en quelque sorte un modele id 白let pratique servant a aborder Jes relations

humaines en respectant l’individualite.

En outre, si l’on qui 抗e le champ d’affrontement du Moi et du monde exterieur, et si l'on revient

a l ’interiorite de l’ecrivain, cette “face claire ”permettrait d’equilibrer Jes pulsions de la “face

sombre ”, l'auteur etant susceptible d'abriter en son sein, comme nous l'avons vu prec 己demment,

aussi bien

la l'unique destinee de Natsume S6seki? Nous-meme, n’abriterions-nous pas en notre sein un tel

bin6me dualiste Botchan/Chemise Rouge? Et c’est precis 己ment ici, a nos yeux, que residerait la

fonction universalisante de “Botchan ”et le message que souhaiterait nous livrer l'ecrivain.

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Le theme de l’Edokko (le natif de T6ky6) et de l’individualite

dans le roman “Botchan ”de Natsume S6seki

Notes:

17

1 Till Eulenspiegel (primitivement Utlenspiegel ,くくMiroir aux chouettes >>; en fran 写ais Till

l’Espiegle), personnage l己gendaire d’origine allemande dont le modele est sans doute un bouffon

professionnel du XIVe s. Ses multiples aventures, magnifiees par la tradition orale, ont et 己diffus 己es a

partir de 1480; on en a fait un heros de la guerre des Gueux. Richard Strauss en brosse un saisissant

portrait, riche en harmonies complexes, dans son poeme symphonique “!es Plaisantes Farces d巴Till

l’Espiegle ”( 1895).

2. La Bruyere (Jean de) (Paris, 1645 - Versailles, 1696 ),白rivain a caract 合re satirique. En 1688, il

publia les Caracteres de Th 己ophraste traduits du grec, avec les caracteres ou !es mceurs de ce siecle,

dont chaque edition, jusqu'a celle de 1696, s’enrichit de portraits ;ぶ己loignant de Th 己ophraste, La

Bruyere moralise sur l’homme de son temps, dans un style travaille et image.

3. Saltykov-Chtchedrine (Mikha'il Ievgrafovitch Saltykov, dit) (Spas-Ougol, gouvernement de Tver,

1826 - Saint-Petersbourg, 1889), romancier russe satirique. II fit paraitre ses premiers 己crits dans la

revue Le Messager Russe (Esquisses Provinciales, I 856- I 857) et connut aussit6t une grande

popularite. En 1862, ii devint un des collaborateurs de la revue de Nekrassov, Le Contemporain. Dans

ce periodiqu 巴 et dans la revue de Dosto"ievski Le Ten ψs, parurent Recits innocents et Satires en 戸rose

( 1857-1863). II prit la dir 巴ction des Ann ales de la Patrie ( I 868 四 1884) avec Nekrassov et developpa

son talent de satiriste en publiant Histoire d'une ville (1869-1870), Les Pompadours, messieurs et

dames ( 1863 1874), Les Messieurs de Tachkent ( 1869 I 872), Journal d'un provinci αI (1872),

Discours bien intentionnes ( 1872-1876). Ces satires, dirigees pour la plupart contre la noblesse

provinciale et !es notabilites qui se piquaient de culture apparaissent aujour ぜhui difficile a decrypter

car, Saltykov-Chtchedrine a beau viser des personnalites celebres a l ’己poque, il dut en cacher le nom

a cause de la censure et !es cl 白 sont perdues. Son unique roman Les Golovlev ( I 880) est une satire

sociale qui met en scene une famille de nobles campagnards bornes et brutaux. On retrouve entre

Natsume S6seki et Saltykov-Chtchedrine une parente indubitable.

4.L ’ideogramme du nom Kiyo signifie lui-meme “purete “(清).

5. Bar ℃uk “Botchan “, traduction M.P. Grigorieva, Vostochnoie Obozrenie,Editions Dairen Mantetstu

K6h6ka, 1942,p.4 :くくTun 6apqy1rn, IrnK n TIIIlbI Bcex aTIIX Kpa CHbIX Py6a 凹eK, Ilam_¥OB,

EapcyKoB n npoqnx K O 且O pHTHbIXφH ryp npOH3Be):(eHHl! l!BπH IOTCl! CBOero

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MIIPOBO 負耳目TepaTpbI ,且an B co6CTBeHHO 白 Ha 凹ei 主砲店HH.>>

6. “Fondements philosophiques des Belles-lettres (I )”, traduction annotee, in Tenri Daigaku

Gakulu5, septembre 1997.

7 Cf. "La fonction du Voyage dans ”L’oreiller d’herbes “et !es autres romans de Natsume S6seki.

D ’un Voyage vers la Cr 己ation au Voyage Expiatoire ?”, in Tenri Daigaku Gakuho, septembre 1995.

8. Cf. “Dualisme, vision dialectique du monde et symbolisme dans

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Soseki ”, in Tenri Daigaku Gakuho, mars 1995.

9. Cf. “La civilisation japonaise moderne ”de Natsume Soseki : Modernisation et Nature, in Tenri

Daigakuho, mars 1996.

10. “Botchan ”, Editions du Serpent a plume, Paris, 1993, p. 7, traduction H 己l色ne Morita, Prix

Shibusawa Claude! 1990.

11. “The stoηF moves rapidly toward his denouement without digressions, and “Botchan ”makes

delightful reading for those not seeking profundity of thought or subtlety of feeling. ”(Twaine ’S

Authors Serie Japan, Beong Cheon Yu, Wayne State University, Natsume Soseki, The Frustrated

Years (1903-1907), Twaynes Publishers Inc. N.Y. 1969, p. 47.

12. <く Iρrsqu'on affichait les resultats d’un examen, c’etait angoissant d’y aller seul et l’on s’y d 句la<;ait

en groupe pour aller voir 目 On 己tait tous rives a la note de 60, situation eminemment perilleuse.

Hashimoto 己tait un gar<;on petulant : ayant compos 己un poeme, il le montra a nous tous. Cモtait une

longue piece, sans rime ni metres. Dans cette po 白ie, il y avait un vers ou 1’on s'inquietait des

avantages du systeme consistant a compter les noms a partir du bas et personne ne comprenait

gou 仕E ace qu ’ii voulait dire. En ecoutant plusieurs fois le poeme, je finis par comprendre que si l’on

commen<;ait a lire par le haut la liste des re<;us a l ’examen, on n’arrivait pas a calculer le rang, alors

que si l’on commen<;ait par le bas, c恰tait beaucoup plus facile. Ce vers 的 oquait tout a fait une

pr 己diction divine. En entendant ces propheties, nous avions tous froid dans le dos. ≫ (Haltes en

Mandchourie et en Coree, Editions La Quinzaine Li 仕己raire/Louis Vuitton, 1997, trad. 。目 Jamet, p.

176).

13. くく 11 est vrai que j’avais l’habitude de faire le brave devant les autres. Neanmoins, comme jモtais

jeun 巴, je n’avais eu encore que tres rarement 1’occasion de paraitre devant une foule d’inconnus. Les

cer ・emonies me faisaient rougir de confusion. Arr 旬e en ce lieu, je me trouvai etre tout a coup le

prisonnier d'un groupe de mineurs. A la vue de cette masse noiratre, je me sentis rapidement perdre

pied. S’ils avaient ete des individus ordinaires, il n’y aurait pas eu de problemes. Yous allez me dire

que vous ne comprenez rien a c 巴 que je vous raconte ! Et oui, s'ils avaient 己te des gens normaux qui

fussent devenus des mineurs, il n’y aurait eu aucun probleme. Or, a !'instant meme 011 ma tete

apparut au sortir de l’escalier, toute cette masse se tourna vers moi comme un seul lwmme. On e(d dit

qu'ils s'etaient donne le mot. En voyant leur visage, je me fis tout petit. Ce n’etait pas des facies

habituels. Ce n’己taient pas des figures humaines ordinaires. C'etait des visages authentiques de

mineurs. ≫ (Le Mineur, trad. 0. Jamet, p. 90, destine a etre publi 己prochainement chez Gallimard,

Bibliotheque de la Pleiade, Natsume Soseki ,回uvres, tome I) . Cet extrait est a comparer avec le

texte de Botchan ・くく La salle des professeurs 己匂it une vaste piec 巴 tout en longueur. Le long des

murs, des tables s’alignaient et les enseignants avaient pris place autour. Lorsque j’entrai dans la

piece, ils se tournerent comme un seul homme vers nwi 戸our me regarder, on aurait cru qu'ils s'etaient

donne le mot.Jene suis pas un objet de curiosit 己, tout de meme. ≫ (Botchan, op. cit. p. 31)

14. Le blaireau est mis en scene dans le folklore japonais en tant qu ’animal intelligent et ruse, suppose

se metamorphoser pour tramper les gens.

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Le theme de l’Edokko (le natif de T6ky6) et de l’individualite

dans le roman “Botchan ”de Natsume S6seki

15. “Botchan ”, op. cit. p. 121.

16. “Botchan ”, op. cit. p. 150.

19

17. Dans Botchan, N atsume S6seki parle de la rivalite entre l’Ecole Normale et Jes autres

佐tablissements d'enseignement, du discours moralisateur que Jui fait “Le blaireau ”et du malaise

qu ’ii ressent en commenc;ant a enseigner. Lui 田m 在me, a Tokyo, au tout 【lebut de sa carriere, a

enseigne a l ’Ecole normale, tout en enseignant egalement au lycee. II parle de son exp 己rience dans la

conference “Ma conception de l'individualisme ’'. On trouve aussi l’allusion autobiographique au

modele que le professeur se doit d’offrir a ses 己!eves et a l ’impression de gene que l’auteur ressentait

en enseignant :くく... Je fis presque simultanement l’objet de deux propositions. L’une emanait du

Lycee Sup 仕ieur N。1, I’autre de l’Ecole Normale Sup 己rieure. Je donnai a moitie mon accord a mon

ain 岳qui m ’avait recommande au Lyc 己e Sup 己rieur et, en meme temps, je faisais a la legere des

d己monstrations de civilites a l ’egard de l’Ecole Normale. Je me trouvai ainsi dans de beaux draps.

Jモtais jeune. Ce!a me faisait commettre des erreurs et je faisais preuve den 己gligence.C ’etait normal

donc que je paye Jes pots cass 白. Mais, en realite, je me sentais totalement desempare. Je fus

convoque par mon aine qui etait un professeur experimente au Lycee Superieur et me fis vertement

sermonner :‘'Tu me dis que tu viens ici. Et en meme temps, tu pr 巴nds des contacts avec un autre

etablissement. Alors, moi qui t’ai servi d’interm 砧 iaire, me voila dans une facheuse situation !”

Poussant la stupidite jusqu ’h avoir l'humeur quinteuse, c’est a mettre au compte de la jeunesse, je me

dis que cモtait pref ,己rable de refuser Jes deux postes a la fois et commenc;ai a faire des demarches

dans ce sens. Or, je rec;us un jour un message de Monsieur Kuhara, a l ’epoque proviseur du Lyc 白

Superieur, actuel President de l’Universite des Sciences de Kyoto, qui me demandait de venir le voir

dans son 己tablissement. Je m ’y depechai et trouvai dans son bureau le Directeur de I’Ecole Normale

Superieure, Monsieur Jigor6 Kano, ainsi que mon aine qui avait pr 己sente ma candidature. Monsieur

Kuhara m'informa qu ’un arrangement avait ete trouve : je n'avais aucune gene a句rouver vis a vis du

Lycee et ii etait pr 己f己rable que j’aille travailler a l’Ecole Normale. Etant donn 己Jes circonstances, je ne

pouvais refuser et je repondis que j’avais l’intention d’accepter ce 恥 proposition. Mais je ne pouvais

m ’emp 色cher de penser, dans mon for interieur, que la situation etait ennuyeuse. II faut vous dire qu'a

l’句oque je n'estimais pas beaucoup l’Ecole Normale. Bien sur, quand j’y repense aujourd'hui, c’est

tout a fait injustifie. J’avais beau rencontrer Monsieur Kano pour la premiere fois, je tentai de

tergiverser en disant :“D ’apres vos propres paroles, vous demandez aux enseignants de servir, en

tant qu ’己ducateur, de modeles aux 己tudiants. Je me sens tout a fait incapable de tenir un tel rδle .'’

Alors, Monsieur Kano eut la repartie suivante :“Vous 色tes une p巴rsonne competente. Quand je vous

entends decliner ma proposition av 巴c une telle honnetete, je desire encore plus que vous veniez

travailler chez nous. ”II ne me laissa pas refuser le poste. Malgre le fait que je nもtais nullement une

nature cupide qui aurait souhaite enseigner dans deux ecoles a la fois, a cause de mon defaut de

maturite, j’avais cause du tracas a plusieurs personnes. Je desirai en fin de compte d’aller enseigner a

l’Ecole Normale. Toutefois, comme je manquai depuis le debut de la qualification pour devenir un

bon pedagogue, je suis confus de dire que je me sentais tres mal a l'aise. Monsieur Kano avait dit que

c’etait genant que je sois trop honnete. Peut-etre aurait il et 己pr 己ferable d’avoir l’esprit ruse.

Cependant, je ne pouvais m'empecher de penser que ce poste ne me convenait pas. Pour parler sans

ambages, je me sentais comme un elephant dans un magasin de porcelaine. “(“Ma conception de

l'individualisme, premiere partie, traduction annot 己e”, in Tenri Da 信aku ho, n° 181, mars 1996, p. 132

et 133)

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18. K6chi : chef-lieu du departement de K6chi dans 1'1le de Shikoku, p01t dans la Baie de Tosa.

19. “Botchan ”, op. cit. p. 184 目

20. "Botchan ”, op. cit. p. 184.

21. “Botchan ”, op. cit. p. 190.

22. “Botchan ”, op. cit. p. 204.

23. Roman picaresque, genre romanesque qui apparut en Espagne, au milieu du XVIe s., par reaction

contre !es pastoraJes, Jes romans de chevaJerie et Jes raffinements du "gongorisme ’'. La vie du

“picaro ”, coquin aux prises avec Ja faim et la sou 宜rance physique, est au centre de toute ceuvre

picaresque: Lazarille de Torm es ( 1554) exp rime remarquabJement l’esprit popuJaire castillan.

Certains Jui ont trouve des antec 己dents: Je Livre du bon amour (1343) de Juan Ruiz (v. 1285

1350), Ja CeJestine (1499) de Fernando de Rojas. Le genre connait son epanouissement au d己but

du XVIIe S田町田 Guzman d’Alfarache ( 1599 et 1603) de Mateo Aleman et Picara Justina ( 1605) de

Lopez de Ubeda (medecin sur lequeJ !es informations manquent), qui prend une femme pour

heroi"ne. L’age d’or dure un demi si 合cle: Vie de l’ecuyer Marcos de Obregon (1618) de Vicente

EspineJ; la Fille de CeJestine (1612) et Je ChevaJier partait (1620) d’Alonso de SaJas Barbadillo

(1581 1635);J ’Histoire de don Pablo de Segovie ( 1626) de Francisco Gomez de Quevedo ( 1580 -

1645); la Fouine de Seville (1642) d’Alonso de Castillo y SoJ6rzano (1584 - 1648); le DiabJe

boiteux (1641) de V己Jez de Guevara. En France, Charles SoreJ (Francion, 1622), Marivaux (le

Paysan parvenu, 1734 1735) et surtout Lesage subirent cette influence, importante aussi en

Angleterre: Moll FJanders (1722) et Lady Roxana (1724) de Defoe, Tom Jones (1749) de

FieJding, deux romans de Smolett. En ce qui concerne l’AlJemagne, V. SimpJicius Simplicissimus (la

Vie de l’aventurier).

24. “Ma conception de l’individualisme, premiere partie et deuxieme partie, traduction annotee", in

Tenri Daigakuho, mars et septembre 1996, traduction 0. Jamet.

25. “Botchan ”, op. cit. p. 31.

26. “Botchan ”, op. cit. p. 31 et 32.

27. “Botchan ”, op. cit. p. IOI.

28. “Ma conception de l’individualisme, deuxieme partie, traduction annotee ”, in Tenri Daigakuh6, n°

183, septembre 1996, p. 255.

29. “Botchan ”, op. cit. p. 158 et 159.

30. “Botchan ”, op. cit. p. 40 et 41.

31. “Botchan ”, op. cit. p. 61.

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Le theme de l’Edokko (le natif de T6ky6) et de l’individualite

dans le roman “Botchan ”de Natsume S6seki

32. “Botchan ”, op. cit. p. 5.

21

33. Tartu 丘町 comedie en 5 actes (a l’origine 3 actes) et en vers de Moliere ( 1664): un honnete

bourgeois, Orgon, a introduit clans sa maison un faux devot, Tartuffe, qui y regente tout. II a obtenu

la main de Marianne, fille d’Orgon, qui aime Valere, etveut s剖 uire Elmire, la jeune epouse d’Orgon.

Tous se liguent contre l’imposteur, mais Orgon persiste clans son aveuglement et fait don a Tartuffe de ses biens. Elmire pousse Tartuffe a lui faire une declaration en presence de son mari cache sous

une table. Represent 己e devant IρuisXIV, qui l’appr 己cia, cette piece deplut a 1’archeveque de Paris et

ne put etre jouee qu ’en 1669.

34. Les Possed 白 ou les Demons, roman de Dosto'ievski, publi 己en 1872: P. S. Verkhovensky, le chef

d’un groupe de nihilistes athees, a la fois peu interessant et satanique, a fait de Stavroguine l’homme

cle de sa future revolution. Mais Stavroguine n’est qu ’un aristocrate くく ennuy 己de vivre jusqu ’a l’h品位tude≫. Comme le groupe menace d'eclater, P. S. Verkhovensky 白it assassiner un membre

repute peu stlr (Chatov), ce qui maintient les autres dans la terreur d’une denonciation de ce crime.

Mais un autre membre, le jeune Kirilov, se suicide pour des raisons metaphysiques, ce qui

detournera les soupc;ons.

35. “Ma conception de 1’individualisme, premiere partie, traduction annot 白”, in Tenri Daigakuho, n。

181, mars 1996, p 133.

36. “Documentaire historique, autobiographie et romantisme dans “Etapes en Mandchourie et en

Coree ”de Natsume Soseki, in Tenri Daigakuho, n° 183, septembre 1996.

37. Dosto'ievski, puis Nicolas Berdiaev designerent ce phenomene sous le nom de Razdvoennost ’

( pas 月BOeHHOCTb), qui signifie “s己paration en deux parties ”. Nicolas Berdiae 百ou Berdiaev

(Kiev, 1874 - Clamart, 1948), philosophe et essayiste russe. Mar 玄iste devenu chr 己tien, il vecut en

France a partir de 1925, professant un existentialisme theiste : Cinq meditations sur 1’existence

( 1936), Esprit et Realite ( 1943).

38. “Botchan ”, op. cit. p. 40.

39. “Botchan ”, op. cit. p. 65.

40. “Botchan ”, op. cit. p. 31.

41. “Botchan ’', op. cit. p. 65.

42. “Botchan ”, op. cit. p. 35 et 36.

43. “Botchan ”, op. cit. p. 35.

44. Empereur Seiwa (850-880); de celui-ci descend la lignee des Minamoto, dont le Samoura'i Tada

Mitsunaka.

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45. “Botchan ”, op. cit. p. 65 et 66.

46. Don Quichotte, heros de Cervant 白 (l'Ingenieux Hidalgo don Quichotte de la Manche); type du

I吋 resseur de torts dont la 民的reuse na"ivete est proche de la folie. Miguel de Cervantes Saavedra

(Alcala de Henares, 1547 - Madrid, 1616), ecrivain espagnol. Soldat, ii fut prisonnier des pirates

barbaresques de 1575 a 1580. II passa une importante partie de sa vie a 己crire des comedies. En 1585

parut son roman pastoral, Galat 己e et, en 1605, la premiere partie de son chef-d ’ceuvre Don Quichotte

de la Manche. II publia ses Nouvelles exemplaires et le Voyage au Parnasse en 1614, une serie de

comedies (Ocho Comedias) et la seconde paiiie de Don Quichotte en 1615. Ce roman symbolise

l’opposition entre le reel et l’ideal, la verit 己poetique et la verit 己concrete.

47. Barcuk “Botchan ”, traduction M.P. Grigorieva, op. cit. p. 8.

Bibliographie succincte :

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