Voici les matières concernées : Arts plastiques, Histoire.

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Le Triptyque de la Guerre.

L’artiste : Otto Dix (1891-1969) est un artiste peintre allemand qui a connu la Première Guerre Mondiale (1914-18), en tant que soldat. De retour du front, il s’est par la suite, consacré au travers de son art, à la dénonciation des horreurs de la guerre. Peintre de l’expressionisme allemand, il s’attire plus-tard les foudres des nazis en créant la Nouvelle Objectivité. En représailles, ceux-ci le qualifient « d’artiste dégénéré », et ne manquent pas de lui confisquer pas moins de 250 de ses œuvres. Otto Dix préférera par la suite s’exiler sur le lac de Constance (à la frontière entre l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche) où il finira ses jours. L’Expressionnisme est mouvement artistique de la fin du XIXème siècle à 1925, principalement européen, fortement individualiste, dans lequel les artistes expriment leur émotion et leur subjectivité. La nouvelle Objectivité est un mouvement artistique qui, de 1920 à 1930, succède à l’expressionisme en se consacrant à la représentation de l’ambiance berlinoise d’après-guerre. Il évoque durement les aspects de désordre moral, de violence et d’hypocrisie de cette période.

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L’œuvre :

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Triptyque de la Guerre, 1932, Otto Dix, huile et tempera sur bois, panneau central : 204 x 204 cm, panneaux latéraux : 60 x 204 cm,

Staatliche Kunstsammlungen Dresden - Galerie Neue Meister.

Cette peinture d’Otto Dix a pour titre « La Guerre », et pourtant, elle ne la montre pas. Ce qui est visible, ce sont tous les moments qui précèdent ou suivent l’éclatement de celle-ci. Ainsi, l’artiste invite l’observateur à « contempler » les horreurs de cette guerre ; et l’absence de celle-ci la rend plus terrible encore. Un triptyque est un support composé de trois panneaux. La tempera, également appelée « détrempe », est un procédé de peinture au jaune d’œuf qui permet d’obtenir des couleurs éclatantes et une bonne conservation de l’œuvre en atmosphère sèche.

Le panneau de gauche : Des hommes en armes forment une masse compacte qui se presse contre le bord droit du panneau; renforçant ainsi l’impression d’entrée en force sur le champ de bataille annoncé par des volutes de fumée noires. Ces volutes font écho aux quelques nuages déchirés et saignants du ciel. La partie supérieure et la partie inférieure du panneau sont toutes deux sombres ; suggérant ainsi une bouche ouverte : La guerre ne fera qu’une bouchée de ces soldats. Le panneau central : Ce panneau est composé d’une prédelle (voir plus loin) Tout n’y est que ruine, calme, et désolation. La couleur dominante de ce panneau est le jaune, lequel jaune en se mêlant au coin de ciel bleu délavé prend une teinte d’un vert maladif. La partie céleste est en grande partie occultée par la partie terrestre. Une couleur dominante est une couleur que l’on voit le plus sur une œuvre.

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La prédelle : Refuge du seul ordre apparent de l’ensemble du triptyque, ce panneau montre des soldats proprement alignés. Ce qui renvoie à un vestige d’humanité, une prise de conscience (trop) tardive. Les visages des soldats sont tournés vers le sol, leur ultime horizon. La couleur dominante est cette fois-ci le rouge. Sombre, il fait songer à de la terre gorgée de sang. Le principal paradoxe du triptyque est que la couleur chaude se concentre dans le monde souterrain des morts, tandis que la couleur froide se concentre au dessus ; sur la terre, chez les « vivants ». Une prédelle est la partie inférieure d’un polyptique, ou retable (œuvre composée de plusieurs panneaux).

Le panneau de droite : Un soldat, seul au milieu de tous, de rien. Dans ses bras, un compagnon à la tète ensanglantée bien que bandée, peut-être déjà mort… Telle une peau de chagrin (voir le livre au titre éponyme d’Honoré de Balzac), le ciel s’est considérablement réduit, jusqu’à être totalement oblitéré par les voraces langues de feu. Tout espoir a disparu.

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La pose méditative du soldat rescapé (2) renvoie au Penseur (2) du sculpteur français Auguste Rodin (1840-1917). Or, pour mémoire, cette sculpture correspond à l’agrandissement d’un petit personnage qui trônait au sommet d’une autre et monumentale sculpture appelée Porte de l’enfer. Cette Porte illustrait le célèbre poème de l’écrivain italien Dante alighieri (1265-1321) : la Divine Comédie, écrite entre 1307 et 1321 dont le sculpteur conservait toujours un exemplaire dans sa poche. Etre ou ne pas être …vivant, parmi les morts. 1 Détail du triptyque de la Guerre d’Otto Dix. 2 Le Penseur, 1881, Auguste Rodin, bronze, 71,5 x 40 x 58 cm, Paris, Musée Rodin. 3 et 4 La Porte de l'Enfer, 1880-1917, Auguste Rodin, bronze, Paris, Musée Rodin.

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Œuvres pouvant être mises en rapport :

5 On ne peut pas parler de l’expressionisme sans citer l’œuvre fétiche de ce mouvement :

Le Cri. Un personnage, les mains posées sur sa tête, semble crier devant l’effondrement de son monde intérieur. Le cri, immense, part de la bouche du personnage et envahit, déforme tout le paysage environnant. Deux autres personnages énigmatiques sont visibles dans le fond. Ce tableau symbolise l’homme moderne emporté par une crise d’angoisse. 5 Le Cri, 1895, Edvard Munch, lithographie, Oslo, Nasjonalgall. Une lithographie est une technique de reproduction d’œuvre sur une pierre calcaire.

Revenons à la question de la représentation de la guerre :

6 7 8 Le photographe américain Timothy O’ Sullivan prend en photo le champ après la bataille de Gettysburg (6) et donne à la scène le titre de Moisson de mort… Quelques années plus-tard, semblant s’inspirer du visage du soldat mort (7), Salvador Dali peint le Visage de la Guerre (8). Le but manifeste est là aussi de dénoncer la Guerre en la rendant aussi repoussante que possible. 6 et 7 La Moisson de Mort, Gettysburg, Pennsylvanie, Juillet, 1863, Timothy O’ Sullivan, cliché photographique. 8 Le Visage de la Guerre, 1940, Salvador Dali, huile sur toile.

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L’art profane et l’art sacré : Otto Dix fait un usage profane du retable, car, par convention, celui-ci est habituellement dévolu à la représentation de scènes religieuses (9) ou en rapport avec le religieux (10) ; à l’instar des deux œuvres suivantes.

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9 Le Polyptyque de l'Adoration de l'Agneau mystique, 1426-1432, Jan van Eyck, huile sur bois, Ghent, Cathédrale de St Bavo, panneau ouvert 10 Le Triptyque du Jardin des Délices, vers 1500, huile sur panneau, Jérôme Bosch, Museo del Prado, Madrid. L’art profane désigne des œuvres qui tout en se référant à des épisodes sacrés n’en respectent pas les codes de représentations usités. Exemples : Les Noces de Cana de Véronèse (L) correspondent à une lecture profane de la Cène à laquelle elles renvoient. Ainsi, en plus de la figure centrale du Christ, les 131 autres personnages visibles (dont Véronèse, qui s’est représenté vêtu de blanc et jouant d’un instrument de musique au premier plan) ne semblent pas le moins du monde de se soucier du Christ (le désordre règne), contrairement aux seuls disciples entourant sagement Jésus dans cette Cène de Léonard de Vinci :

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11 Les Noces de Cana, 1562-1563, Paolo Véronèse, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre. 12 La Cène, 1498, Leonard de Vinci, fresque murale, Couvent Santa Maria delle Grazie, Milan. La Cène correspond au tout dernier repas de Jésus pris en compagnie de ses disciples. Le premier plan désigne tous les éléments formels qui se trouvent le plus prés de l’observateur.

L’autre élément sacré auquel Otto Dix semble faire référence concerne la partie inférieure de la Trinité de Masaccio. Or cette œuvre a un rôle-clé dans l’Histoire de l’art, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la toute première application connue des préceptes de la perspective dans la Renaissance italienne (14).

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15 16 13, 14, et 15 Trinité, 1425-28, Masaccio, fresque, 640 x 317 cm, Florence, Santa Maria Novella. 16 Détail de la Guerre d’Otto Dix. « La perspective » est un mot dérivé du verbe latin « prospicere » qui signifie « regarder au loin ». Il s’agit donc de l’ensemble des règles (ou préceptes) qui permettent de placer et de représenter un objet, ou un individu, dans un espace rendu cohérent grâce au respect de ces règles.

Les couleurs de La Guerre : Elles font penser à la chair et au sang. Ce qui est logique puisqu’il s’agit d’un charnier. L’important emploi de ces couleurs renvoie ainsi au romantisme, mouvement de la fin du XIXème siècle dans lequel le caractère des personnages et leur expression est mis en avant. L’œuvre la plus représentative de ce mouvement est Le Radeau de la Méduse de Théodore Géricault. Cette peinture renvoie à un funeste épisode de l’Histoire de la marine (cannibalisme entre les rares survivants du naufrage de la Méduse, réunis sur un frêle esquif).

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17 17 Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, Théodore Géricault, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre.

D’autres œuvres dénoncent la violence et/ou les horreurs de la guerre :

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20 18 Gun 1, New York, 1955, William Klein, photographie. 19 Good-Bye Vietnam, 1975, Erro, huile sur toile. 20 Œuvre extraite Série « Stop the Violence », 2010, François Robert, assemblage d’os humain sur fond noir.

Dans son style très reconnaissable, Otto Dix s’est également évertué à montrer les conséquences de la guerre sur les corps brisés des soldats ; ceux qu’on a appelé en France les « Gueules cassées » :

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Le corps du personnage de gauche (22) est à ce point démembré qu’il fait penser à l’Acrobate de Pablo Picasso (23).

Parfois, la mort pendant un conflit est présentée sur le point d’être donnée (24), ou encore, au moment précis où (25).

24 25 21 Prager Strasse (La rue de Prague), 1920, Otto Dix, huile et collage sur toile, 101 x 81 cm, Stuttgart, Galerie der Stadt. 22 Iinvalides de guerre, 1920, Otto Dix, huile et collage sur toile, 110×87 cm, Berlin, galerie Nationale. 23 L'Acrobate bleu, 1929, Pablo Picasso, huile et fusain sur toile, Paris, Centre Georges Pompidou. 24 Exécution en pleine rue d'un prisonnier viet-cong, 1968, Eddie Adams, cliché photographique. 25 Mort d'un militant à Cerro Muriano sur le front de Cordoue, 5 septembre 1936, Robert Capa, cliché photographique.

D’autres ouvrages, de bande-dessinée proposent de s’immerger dans le contexte…

26 27 …tandis que d’autres, plus crûment (et de façon plus polémique) exposent des vêtements ensanglantés de soldats mort pendant le conflit en Yougoslavie (Oliviero Toscani, également auteur de la célèbre campagne de publicités pour la marque italienne Benetton).

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Le mythe de la douce mort du soldat (Le Dormeur du Val, d’Arthur Rimbaud) s’en trouve ainsi écorné. La mort sur les « champs d’honneurs », autrefois si extatiquement fantasmée par Anne-Louis Girodet-Trioson…

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…est complètement abandonnée au profit d’une réalité à la fois beaucoup plus douloureuse et plus terre à terre. A mesure que les conflits se font ainsi de plus en plus durs, les raisons des conflits, la raison elle-même semble être peu à peu réduites à néant (Voir le film Johnny s’en va-t-en guerre (en version originale « Johnny got his gun »), réalisé en 1971 par le réalisateur et écrivain américain Dalton Trumbo. Le soldat-moignon reste finalement seul, perdu quelque part entre le rêve éveillé et le cauchemar…

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Henri Rousseau, plus connu sous le nom de Douanier Rousseau, peintre français de l’art naïf avait pour sa part réalisé le portrait de la guerre, portrait inoubliable car il ne faisait pas vraiment peu…

30 La Guerre, vers 1894, Henri Rousseau, huile sur toile, H. 114 ; L. 195 cm, Paris, Musée d'Orsay.

L’art naïf est un terme utilisé l’ensemble des productions artistiques réalisées par des artistes qui, par choix ou par maladresse, ne respectent pas les règles de bases de la représentation. Liste des références convoquées : 1 Le Triptyque de la Guerre, 1932, Otto Dix, huile et tempera sur bois, panneau central : 204 x 204 cm, panneaux latéraux : 60 x 204 cm, Staatliche Kunstsammlungen Dresden - Galerie Neue Meister. (-) La Peau de chagrin, 1831, Honoré de Balzac, roman. 1bis Détail du triptyque de la Guerre d’Otto Dix. 2 Le Penseur, 1881, Auguste Rodin, bronze, 71,5 x 40 x 58 cm, Paris, Musée Rodin. 3 et 4 La Porte de l'Enfer, 1880-1917, Auguste Rodin, bronze, Paris, Musée Rodin. 5 Le Cri, 1895, Edvard Munch, lithographie, Oslo, Nasjonalgall. 6 et 7 La Moisson de Mort, Gettysburg, Pennsylvanie, Juillet, 1863, Timothy O’ Sullivan, cliché photographique. 8 Le Visage de la Guerre, 1940, Salvador Dali, huile sur toile. 9 Le Polyptyque de l'Adoration de l'Agneau mystique, 1426-1432, Jan van Eyck, huile sur bois, Ghent, Cathédrale de St Bavo, panneau ouvert 10 Le Triptyque du Jardin des Délices, vers 1500, huile sur panneau, Jérôme Bosch, Museo del Prado, Madrid. 11 Les Noces de Cana, 1562-1563, Paolo Véronèse, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre. 12 La Cène, 1498, Leonard de Vinci, fresque murale, Couvent Santa Maria delle Grazie, Milan. 13, 14, et 15 Trinité, 1425-28, Masaccio, fresque, 640 x 317 cm, Florence, Santa Maria Novella. 16 Détail de la Guerre d’Otto Dix. 17 Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, Théodore Géricault, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre. 18 Gun 1, New York, 1955, William Klein, photographie. 19 Good-Bye Vietnam, 1975, Erro, huile sur toile. 20 Œuvre extraite Série « Stop the Violence », 2010, François Robert, assemblage d’os humain sur fond noir. 21 Prager Strasse (La rue de Prague), 1920, Otto Dix, huile et collage sur toile, 101 x 81 cm, Stuttgart, Galerie der Stadt. 22 Iinvalides de guerre, 1920, Otto Dix, huile et collage sur toile, 110×87 cm, Berlin, galerie Nationale. 23 L'Acrobate bleu, 1929, Pablo Picasso, huile et fusain sur toile, Paris, Centre Georges Pompidou. 24 Exécution en pleine rue d'un prisonnier viet-cong, 1968, Eddie Adams, cliché photographique. 25 Mort d'un militant à Cerro Muriano sur le front de Cordoue, 5 septembre 1936, Robert Capa, cliché photographique. 26 C’était la guerre des tranchées, Tardi, bande-dessinée. (-) Le Dormeur du Val, d’Arthur Rimbaud, poème. 27 Tenue de soldat tué en Yougoslavie, 1994, Erro, cliché photographique. 28 Ossian, ou L'Apothéose des Héros français morts pour la patrie pendant la guerre de la Liberté, 1801, Anne-Louis GIRODET-TRIOSON, huile sur toile, 192 × 182 cm, Musée National de Malmaison. 29 Johnny s’en va-t-en guerre, (« Johnny got his gun »), 1971, Dalton Trumbo, long-métrage. 30 La Guerre, vers 1894, Henri ROUSSEAU, huile sur toile, H. 114 ; L. 195 cm, Paris, Musée d'Orsay.

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