l'efficience informationnelle des march s financiers

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Sandrine Lardic Valrie Mignon

Lefficience informationnelle des marchs financiers

Remerciements. Nous tenons remercier Vladimir Borgy, Emmanuel Dubois et Auguste Mpacko Priso pour leur relecture attentive et pour leurs remarques trs pertinentes. Nous remercions galement Pascal Combemale et trois lecteurs anonymes pour leurs remarques constructives. Nous restons seules responsables des ventuelles erreurs ou omissions.

ISBN 10 : 2-7071-4860-1 ISBN 13 : 978-2-7071-4860-5Le logo qui figure au dos de la couverture de ce livre mrite une explication. Son objet est dalerter le lecteur sur la menace que reprsente pour lavenir de lcrit, tout particulirement dans le domaine des sciences humaines et sociales, le dveloppement massif du photocopillage. Le code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressment la photocopie usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique sest gnralise dans les tablissements denseignement suprieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilit mme pour les auteurs de crer des uvres nouvelles et de les faire diter correctement est aujourdhui menace. Nous rappelons donc quen application des articles L. 122-10 L. 122-12 du Code de la proprit intellectuelle, toute reproduction usage collectif par photocopie, intgralement ou partiellement, du prsent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre franais dexploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intgrale ou partielle, est galement interdite sans autorisation de lditeur. i vous dsirez tre tenu rgulirement inform de nos parutions, il vous suffit denvoyer vos nom et adresse aux ditions La Dcouverte, 9 bis, rue Abel-Hovelacque, 75013 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel la Dcouverte. Vous pouvez galement retrouver lensemble de notre catalogue et nous contacter sur notre site www.editionsladecouverte.fr.

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ditions La Dcouverte, Paris, 2006.

Introduction

epuis les annes 2000, les crises financires et, en particulier, les crises boursires se sont multiplies. De telles crises ne sont cependant pas nouvelles, et lhistoire est marque par de nombreux pisodes deffondrement des prix des actifs montaires et financiers, ainsi quen tmoigne le tableau 1 (voir infra). Lune des premires crises majeures est ainsi la tulipomanie au XVIIe sicle, o une srie de spculations sur les tulipes amena le prix des bulbes des niveaux trs levs. Leffondrement ultrieur conduisit la faillite de nombreux spculateurs. Dautres crises ont suivi, telles celles, clbres, du Mississipi et de la Compagnie des mers du Sud [voir Kindleberger, 1978, pour un expos dtaill des diffrentes crises financires]* jusqu la rcente crise des annes 2000. Lanalyse des crises boursires mene par Boucher [2003] montre que la frquence des crises tend diminuer au cours des deux premires dcennies du XXe sicle, avant datteindre des niveaux record dans les annes 1930. Les annes 1990 sont marques par une faible frquence des crises, par opposition aux annes 2000. De 1995 2000, la prosprit a dop la Bourse, conduisant des excs spculatifs. En 1999, la Place de Paris enregistre sa plus belle priode boursire depuis la cration de lindice CAC 40 en 1987 (+ 51,12 %). Cependant, cette priode conduit des drives spculatives, suivies de chutes spectaculaires en Asie (1997-1998), aux* Les rfrences entre crochets renvoient la bibliographie en fin douvrage.

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tats-Unis et en Europe (2000-2001). En effet, ds septembre 2000, alors quapparaissent les premiers signes dun ralentissement de la croissance amricaine, le CAC 40 perd prs de 15 % en lespace de quatre mois. En 2001 et 2002, les attentats de New York, la chute des marchs des nouvelles technologies et la crainte dune rcession amricaine ont conduit des reculs successifs du CAC 40 de 21,97 % en 2001 et de 33,75 % en 2002. Les annes 2003 et 2004 correspondent des annes de reprise amorce, avec lloignement de lincertitude qui a prvalu en 2002 et le choc des scandales financiers. Mme si, au premier semestre 2003, les marchs boursiers atteignent des plus bas historiques (le CAC 40 atteint 2 401 points la mi-mars) la suite de lintervention arme de la coalition amricaine en Irak, les marchs font face ds la seconde partie de lanne 2003. Cette rsurgence des crises depuis les annes 2000 a raviv les recherches dans le domaine de la finance. Lune des principales illustrations des crises rcentes est la crise boursire qui sest dclenche en mars 2000 aux tats-Unis sur le Nasdaq, le deuxime march amricain des actions, spcialis dans les nouvelles technologies. Cette crise est qualifie de bulle Internet ou bulle des nouvelles technologies , le terme bulle faisant rfrence au fait que le cours observ scarte durablement de la valeur relle des entreprises. Ainsi, aprs avoir atteint un maximum de 5 048 points le 10 mars 2000, le march amricain des nouvelles technologies sest effondr pour atteindre un minimum de 1 114 points le 9 octobre 2002, soit une chute de plus de 75 % en deux ans et demi. Le graphique 1 illustre lvolution quotidienne du cours du Nasdaq sur la priode mai 1991-mai 2006. Une telle bulle sest galement produite sur le nouveau march boursier franais, qui est le march cr en fvrier 1996 sur le principe du Nasdaq et regroupant les jeunes entreprises innovantes dont lactivit se situe essentiellement dans des domaines high-tech comme linformatique, les biotechnologies ou Internet. Ainsi, aprs une hausse trs marque entre octobre 1999 et fvrier 2000, lindice technologique IT CAC a chut de prs de 90 % entre le 10 mars 2000 et le 8 octobre 2002, comme lillustre le graphique 2.

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500 0 03/05/1991 03/11/1991 03/05/1992 03/11/1992 03/05/1993 03/11/1993 03/05/1994 03/11/1994 03/05/1995 03/11/1995 03/05/1996 03/11/1996 03/05/1997 03/11/1997 03/05/1998 03/11/1998 03/05/1999 03/11/1999 03/05/2000 03/11/2000 03/05/2001 03/11/2001 03/05/2002 03/11/2002 03/05/2003 03/11/2003 03/05/2004 03/11/2004 03/05/2005 03/11/2005 03/05/2006

Graphique 2. volution quotidienne de lindice IT CAC, France, janvier 1999-octobre 2006

Graphique 1. volution quotidienne de lindice Nasdaq composite, tats-Unis, mai 1991-mai 2006

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INTRODUCTION

01/01/1999 01/04/1999 01/07/1999 01/10/1999 01/01/2000 01/04/2000 01/07/2000 01/10/2000 01/01/2001 01/04/2001 01/07/2001 01/10/2001 01/01/2002 01/04/2002 01/07/2002 01/10/2002 01/01/2003 01/04/2003 01/07/2003 01/10/2003 01/01/2004 01/04/2004 01/07/2004 01/10/2004 01/01/2005 01/04/2005 01/07/2005 01/10/2005 01/07/2006 01/10/2006

Source : Datastream.

Source : Datastream.

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Il est noter que cette crise boursire des annes 2000 ne se limite pas aux seuls marchs des nouvelles technologies. Lindice Dow Jones industriel qui est lindice du New York Stock Exchange (NYSE), le march de rfrence Wall Street a galement subi une forte chute sur la priode 2000-2002 (voir graphique 3) : lindice a chut de prs de 40 % entre janvier 2000 et octobre 2002.Graphique 3. volution quotidienne de lindice Dow Jones Industriel, tats-Unis, avril 1991-avril 200612 500 11 500 10 500 9 500 8 500 7 500 6 500 5 500 4 500 3 500 2 500 26/04/1991 26/10/1991 26/04/1992 26/10/1992 26/04/1993 26/10/1993 26/04/1994 26/10/1994 26/04/1995 26/10/1995 26/04/1996 26/10/1996 26/04/1997 26/10/1997 26/04/1998 26/10/1998 26/04/1999 26/10/1999 26/04/2000 26/10/2000 26/04/2001 26/10/2001 26/04/2002 26/10/2002 26/04/2003 26/10/2003 26/04/2004 26/10/2004 26/04/2005 26/10/2005 26/04/2006

Source : Datastream.

La crise boursire des annes 2000 a frapp lensemble des pays et est dune ampleur si importante que son interprtation reste sujette dbat, linstar des autres crises. Un des points essentiels de ce dbat concerne lefficience informationnelle des marchs.

INTRODUCTION

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Crises, scandales financiers et efficienceLa thorie de lefficience informationnelle constitue le noyau dur de la thorie financire moderne. Au fondement de la thorie de lefficience, se trouve lhypothse selon laquelle les titres possdent une vraie valeur, appele valeur fondamentale . Ainsi, la valeur fondamentale dun titre est dfinie comme le flux de revenus futurs auquel il donne droit. Dans le cas des actions, de tels revenus sont constitus des dividendes distribus par lentreprise mettrice. La valeur fondamentale dune action est donc gale la valeur actualise du flux des dividendes distribus par lentreprise. Bien entendu, les dividendes futurs sont inconnus. Les investisseurs doivent en consquence les anticiper sur la base des informations dont ils disposent. cet gard, on suppose que les individus utilisent linformation de faon optimale, cest--dire quils font des anticipations rationnelles. Lhypothse defficience informationnelle, dont la rationalit des investisseurs est une condition ncessaire, stipule ainsi que le prix observ sur le march reflte au mieux, compte tenu de linformation disponible, la valeur fondamentale. Lmergence des diverses crises, et, en particulier, celle de la crise des annes 2000, ravive de faon continue le dbat sur lefficience informationnelle des marchs. Les cours trs levs des actions observs durant la bulle Internet refltent-ils la valeur fondamentale, cest--dire la vraie valeur des entreprises ? Les investisseurs sont-ils rationnels ? Ces diverses questions apparaissent dautant plus pertinentes que nombre de scandales financiers, telles les affaires Enron ou Worldcom en 2001 et 2002, ont frapp les conomies durant les annes 2000. Enron, aprs stre considrablement dveloppe en dix ans, est devenue une socit emblmatique de la bulle Internet en accdant en mars 2000 au rang de sixime groupe nergtique mondial. Les manipulations comptables opres par lentreprise lont conduite dposer son bilan en dcembre 2001, entranant dans son sillage la disparition du cabinet daudit Arthur Andersen. Ainsi que le note la Banque des rglements internationaux dans son rapport de 2003, laffaire Enron nest que la manifestation la plus spectaculaire dune tendance actuelle qui a

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men un affaiblissement progressif des mcanismes produisant les informations requises . Cette remarque lie la nature de linformation conduit naturellement se poser la question de lefficience des marchs. La question de lefficience ne cesse dtre dactualit dans la mesure o les interprtations des crises touchant les marchs quelles soient ou non couples aux scandales financiers sont le plus souvent contradictoires. Ainsi, pour certains, les crises boursires constituent une vidence en faveur de linefficience des marchs. Pour dautres, au contraire, de telles crises jouent le rle dune force de rappel, ramenant les cours boursiers au niveau des fondamentaux de lconomie ; le march deviendrait ainsi efficient. Ds lors, comment expliquer, malgr labondante littrature sur le sujet, labsence de conclusion claire et unanime en ce qui concerne lvolution des marchs financiers et, plus spcifiquement, celle des marchs boursiers ? Tel est lobjet de cet ouvrage : faire le point sur la thorie de lefficience informationnelle des marchs boursiers.

Les diffrentes catgories defficienceLefficience est un concept pouvant revtir plusieurs dimensions. On distingue en gnral : lefficience allocative, lefficience fonctionnelle ou oprationnelle, lefficience informationnelle et le comportement rationnel des agents. Lefficience allocative a trait la rpartition du capital et est telle que le cours des titres volue de manire galiser les taux marginaux de rendement ajusts en fonction du risque entre tous les pargnants et tous les investisseurs. Lefficience oprationnelle concerne les fonctions proprement conomiques de lindustrie financire. Cette notion est lie au cot dobtention du capital, au sens o les cots de transaction induits par le transfert du capital doivent se maintenir un niveau raisonnable. Lefficience informationnelle renvoie la question de la transparence et de la divulgation des informations ncessaires la prise dune dcision dinvestissement. Sur un march informationnellement efficient, le prix des actifs tient compte de toute

INTRODUCTION

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linformation disponible, refltant ainsi leur valeur conomique sous-jacente. Mme si ces diverses dimensions de lefficience sont interdpendantes lefficience allocative tant subordonne lefficience informationnelle et oprationnelle , nous nous intresserons ici lefficience informationnelle ainsi qu la rationalit du comportement et des anticipations des agents. Ce choix peut sexpliquer par le fait que, dune part, lefficience informationnelle constitue le pilier essentiel, la pierre angulaire de la thorie de la finance moderne, et, dautre part, parce que la rationalit est un concept incontournable dans la thorie conomique. Nous verrons que la rationalit est en fait une condition ncessaire lefficience dun march financier.

Un concept majeur en financeLa thorie de lefficience informationnelle des marchs financiers, selon laquelle le prix observ reflte chaque instant toute linformation disponible, constitue le noyau dur de la thorie financire moderne. Les modles thoriques dquilibre et darbitrage des actifs financiers (voir encadr Modles dvaluation des actifs financiers , chapitre II) reposent sur cette hypothse. En outre, comme le soulignent Dimson et Mussavian [1998], tout professionnel de la finance emploie le mot efficience . Ds lors, remettre en cause lefficience des marchs a pour consquence linvalidit de toutes ces thories et de ces modles. Limportance que revt lefficience dans la thorie conomique est galement accrue par le fait quelle est indissociable du concept de rationalit ; la thorie de lefficience ntant que le pendant de la thorie de lquilibre concurrentiel dans le domaine conomique. Ainsi, un march ne peut tre considr comme efficient que si les oprateurs sur ce march ont des anticipations et un comportement rationnels. Remettre en question lefficience revient donc jeter un doute sur lhypothse dagents rationnels maximisant leur utilit espre.

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Un sujet toujours trs controvers ct de ces aspects thoriques, de trs nombreuses tudes ont cherch valuer lhypothse defficience dun point de vue empirique. Il en ressort, de faon globale, une absence de conclusion. Trois points peuvent expliquer cette absence de rsultats unanimes. En premier lieu, il convient de noter que lefficience est toujours dfinie en rfrence un modle de formation des cours boursiers. Pour la grande majorit des auteurs, ce modle correspond au modle dactualisation des dividendes futurs anticips rationnellement par les agents (voir encadr suivant). Le prix observ sur le march est ainsi uniquement fonction des anticipations de dividendes, ce qui implique que les dividendes intgrent toute linformation disponible propos des fondamentaux. La consquence essentielle dune telle approche est que lon ne peut prtendre tester rellement lefficience. On teste en effet invitablement lhypothse jointe de la validit du modle de formation des cours et lefficience. Ds lors, si une telle hypothse est rejete, comment dterminer si ce rejet provient dune inefficience du march ou dune mauvaise spcification du modle de formation des cours ? Cette question est dautant plus pertinente que la valeur fondamentale dune action cest--dire la valeur dtermine par les fondamentaux conomiques est particulirement difficile dterminer. En deuxime lieu, il sagit dun sujet sensible puisque remettre en cause lhypothse defficience, cest remettre plus gnralement en cause la vision dagents rationnels, capables daffecter de manire optimale les moyens aux fins . Lopinion de Shiller [1984] ce sujet parat trs instructive : comme il le souligne, alors que, pendant plusieurs centaines dannes, il tait admis que les marchs financiers taient influencs par les sentiments des investisseurs, les phnomnes de mode ou encore les bulles, la recherche acadmique sur la psychologie des marchs sest interrompue dans les annes 1950 avec lapparition de la thorie de lutilit espre en conomie. Il convient cependant de noter que ces lments relatifs la psychologie des marchs ont t rintroduits par la suite.

INTRODUCTION

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Le modle dactualisation des dividendesLe modle de base dvaluation du prix dun actif est le modle dactualisation des dividendes futurs. Il est donn par la relation : q 1 Pt = S E [Dt + j|It] j+1 j = 0 (1 + r) o Pt est le prix du titre considr la date t, r est le taux dactualisation (suppos ici constant) qui permet dexprimer la valeur prsente dune srie de variables futures, et E[Dt + j|It] dsigne lesprance des dividendes D pour la date t + j conditionnellement lensemble dinformation disponible It la date t. En dautres termes, E[Dt + j|It] reprsente lanticipation rationnelle dun investisseur sur les dividendes quil percevra pour la date t + j. En accord avec le modle dactualisation, le prix dun titre est donc fonction uniquement des anticipations de dividendes. En supposant que les dividendes intgrent toute linformation sur les fondamentaux conomiques, le prix Pt dfinit la valeur fondamentale de lactif.

Enfin, la trs grande dispersion des rsultats empiriques concernant la validit ou non de lefficience peut provenir des tests conomtriques utiliss. Les premiers tests sur lefficience taient peu puissants et la littrature empirique sur lefficience sest largement dveloppe avec lapparition de nouveaux outils conomtriques. Malgr le nombre considrable de travaux, lefficience reste encore et toujours dactualit en raison prcisment de ces nouvelles procdures de tests. En outre, limportante volatilit des cours observe partir des annes 1980 et la dtection danomalies et de saisonnalits dans les rentabilits ont raviv le dbat.

Plan de louvrageCet ouvrage sarticule autour de cinq chapitres. Le premier chapitre pose le cadre gnral en prsentant les deux dimensions de lefficience que sont linformation et la rationalit. Lexistence de diffrentes catgories dinformations conduit prsenter de faon dtaille, au cours du deuxime chapitre, les trois formes que revt lefficience informationnelle : forme

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faible, forme semi-forte et forme forte. Ainsi que le dcrit le troisime chapitre, lobservation empirique des marchs fait par ailleurs ressortir la prsence de diverses anomalies et saisonnalits dans les rentabilits, de mme quune excessive volatilit de celles-ci. Cherchant approfondir le constat de volatilit excessive des rentabilits, le quatrime chapitre prsente la thorie des bulles rationnelles, les phnomnes de mode (bulles irrationnelles) et lapproche mimtique. Le dernier chapitre vise exposer les nouvelles approches de lefficience, en faisant notamment une large part aux phnomnes sociologiques et comportementaux.Tableau 1. Bref historique des principales crises financiresAnne Pays Objet de spculation Sommet Crise Lie

1636 1720

Hollande Tulipes France Compagnie du Mississipi, Banque gnrale, Banque royale

t 1636 Dc. 1719

Nov. Nouveaux bulbes 1636 Mai Mort de Louis XIV 1720 (1715)

1720 1763 1772

Grande- Compagnie des mers Bretagne du Sud Hollande Sucre Grande- Immobilier, canaux, Bretagne routes

Avril 1720 Jan. 1763 Juin 1772 1815 Nov. 1836 Nov. 1836 1863 Dc. 1892

Sept. Trait dUtrecht 1720 (1713) Sept. Fin de la guerre de 1763 Sept Ans Jan. Guerre de Sept Ans 1773 (dix ans aprs) 1816 Fin des guerres napoloniennes Sept. Jackson prsident 1837 Juin Monarchie de Juillet 1837 (1830) Jan. Fin de la guerre de 1864 Scession amricaine Mai Trait sur largent 1893 (Sherman, 1890)

1815- Grande- Exportations de 1816 Bretagne matires premires 1837 1838 1864 1893 tats-Unis Coton, terres France France Coton, terrains de construction Coton, entreprises navales

tats-Unis Argent, or

INTRODUCTION

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Anne Pays

Objet de spculation

Sommet Crise Lie

1907

tats-Unis Caf, Compagnie ferroviaire de lUnion Pacific

Dbut 1907

Oct. Guerre 1907 russo-japonaise ? Tremblement de terre de San Francisco ?

1920- Grande- Valeurs mobilires, 1921 Bretagne, bateaux, mat. tats-Unis premires, stocks 1929 tats-Unis Valeurs mobilires

t 1920 Prin- Fin du boom ( court temps terme) 1921 daprs-guerre Sept. 1929 Divers Oct. Fin du boom ( long 1929 terme) daprs-guerre Divers Convertibilit sans coordination macroconomique 1974- Bretton Woods, choc 1975 ptrolier

1950 Monde 1960 1974- Monde 1975 1980 Monde

Taux de change

Stocks, valeurs mobilires, bureaux, tankers, Boeing 747 Or, argent, platine

1974

Jan.-fv. Mars1980 avril 1980 Fv. -mars 1985 Aot 1987 Dc. 1989 Fv.-dc. 1997 Fv. Fin de la premire -mars Administration 1985 Reagan Oct. 1987 Fv. Retrait des banques 1990 de la Bourse de Tokyo Afflux massif de capitaux, tensions inflationnistes, dvaluations Mars Ouverture aux 2000 marchs financiers dconomies en forte croissance, nouvelles technologies

1985

Monde

Dollar

1987 1990

Monde Japon

Valeurs mobilires Valeurs mobilires, devises

1997- Asie, Valeurs mobilires 1998 Amrique latine 1999- Monde 2000 Bulle Internet

Mars 2000

Source : daprs Kindleberger [1978].

I / Les deux dimensions de lefficience : information et rationalit

Lhypothse de march informationnellement efficient est issuedes travaux originels de Cootner [1964] et a t formalise par Fama dans les annes 1960. Cette hypothse constitue une pierre angulaire des modles financiers et un a priori trs fort en sa faveur existe, ce qui rend dautant plus ardue sa remise en cause.

DfinitionLa valeur fondamentale dun actif Le concept defficience renvoie en premier lieu lexistence dun prix intrinsque des actifs, li aux fondamentaux sur le march. Si les agents sont neutres vis--vis du risque, quils oprent dans un environnement concurrentiel, quils ont des fonctions dutilit sparables au cours du temps, un taux psychologique de prfrence pour le prsent nul signifiant quils sont indiffrents entre consommer immdiatement et consommer ultrieurement , alors la condition de premier ordre de la maximisation de lutilit intertemporelle des agents (quation dEuler, cest--dire la drive premire de la fonction dutilit) scrit : E[Rt|It] = r, o E dsigne loprateur desprance mathmatique, It est lensemble dinformation disponible au temps t

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Variations des cours, rentabilits et valeur fondamentalePt + 1 Pt + Dt , o Pt est le prix Pt du titre en t et Dt le dividende la mme date. La rentabilit se compose ainsi de P Pt deux parties : le taux de gain en capital t + 1 et le rapport dividendes/prix Pt Dt (ou dividend yield) reprsentant le taux de rmunration du titre pour une Pt priode de dtention. Si lon suppose que le taux de rmunration du titre est une quantit ngli Pt P . geable par rapport au taux de gain en capital, on en dduit R t f t + 1 Pt Pt + 1 Pt + 1 Pt Finalement, en retenant lapproximation selon laquelle Rt f f ln Pt , Pt il ressort que la rentabilit est approximativement gale la variation logarithmique des prix qui quivaut leur taux de croissance. Le taux de rentabilit dun titre est dfini par : Rt =

(

)

( )

( )

Valeur fondamentale On dduit de la condition defficience E [Rt|It] = r lexpression suivante : 1 1 Pt = E [P t + 1 |I t ] + E [D t |I t ] = qE [P t + 1 |I t ] + E [D t |I t ], avec q = ! 1 qui 1+r 1+r reprsente le facteur dactualisation. En supposant que lensemble dinformation en t est inclus dans ce mme ensemble en t + 1 (hypothse de mmoire parfaite), on peut rsoudre cette quation de manire rcursive, en utilisant la loi des esprances itres : E [E(.|It + i)|It] = E [.|It] Gi 6 0. Ainsi : Pt = qE [Pt + 1|It] + E [Dt|It] et Pt + 1 = qE [E(Pt + 2|It + 1)|It] + qE [E(Dt + 1|It + 1)|It]. Il sensuit : Pt = q2E [Pt + 2|It] + q2E [Dt + 1|It] + qE [Dt|It]. En procdant de manire itrative, on obtient la relation suivante : Pt = qn E [Pt + n|It] +n1 j=0

Sq

j+1

E [Dt + j|It].

Si lon impose la condition terminale (ou condition de transversalit) lim qnE [Pt + n|It] = 0, selon laquelle seuls les dividendes actualiss contribuent lanhq

dtermination du prix, on obtient finalement lexpression de la valeur fondamentale du titre : P* = tj=0

Sq

q

j+1

E [Dt + j|It].

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(incluant notamment les cours et dividendes passs et prsents) commun tous les agents, r est le taux dintrt (suppos ici constant et unique) et Rt est la rentabilit de lactif au temps t (voir encadr ci-dessus). Cette condition, appele parfois condition defficience, implique que lanticipation rationnelle du taux de rentabilit, compte tenu de linformation disponible, est gale au taux dintrt. Lefficience suppose ainsi la rationalit des agents au niveau tant de leur comportement au travers de la maximisation de lutilit intertemporelle que de leurs anticipations. En remplaant Rt par sa valeur dans cette expression, on obtient lquation gouvernant les prix (voir encadr ci-dessus) : P* = t1

Sqj=0

q

j+1

E[Dt + j|It],

o q = (1 + r) est le facteur dactualisation et Dt + j sont les dividendes perus en t + j. P* est appele valeur fondamentale du t titre et est gale la somme actualise des dividendes futurs anticips rationnellement par les agents. Le prix observ sur le march est donc uniquement fonction de lanticipation des dividendes futurs et du taux dactualisation. Notons ds prsent que cette solution nest quune solution particulire dans la mesure o lon suppose ici labsence de bulle spculative (voir chapitre IV).

Quelques repres La thorie de lefficience suppose que le prix observ sur le march reflte instantanment toute linformation disponible. Ce prix englobe instantanment les consquences des vnements passs et reflte les anticipations concernant les vnements futurs [Fama, 1965]. Les oprateurs prennent position sur le march en fonction de linformation dont ils disposent et de leur situation propre. Cette information est suppose commune tous les agents et gratuite (hypothse dinformation parfaite). Dans la mesure o le prix de march agrge lensemble des comportements des individus et reflte ds lors, chaque instant, toute linformation disponible, il sensuit que le prix observ sur le march est gal la valeur fondamentale. Ainsi,

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DIMENSIONS

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LEFFICIENCE

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une condition sous-jacente la thorie de lefficience des marchs est que toute linformation pertinente est disponible sans cot pour tous les participants sur le march. La thorie de lefficience repose galement sur la prsence dun grand nombre doprateurs sur le march (hypothse datomicit des agents). Ceux-ci sont en concurrence active de telle sorte quaucun dentre eux ne peut lui seul influer sur le niveau des prix qui stablira. Comme soulign par Fama [1965], du fait de la prsence active de ces nombreux oprateurs sur le march, les carts du prix observ par rapport la valeur fondamentale dcroissent. De ce fait, en moyenne, les ajustements du prix la valeur fondamentale sont instantans : un march est dautant plus efficient que le nombre dindividus sur le march est important. En outre, si les prix refltent pleinement linformation disponible, tous les vnements futurs dont dpendent les profits des entreprises sont identifis, ainsi que leurs consquences. Il sensuit que les fluctuations de prix ne peuvent tre dues qu lapparition dvnements imprvisibles et sont donc alatoires. Il est possible de rapprocher limprvisibilit des variations de prix sous-jacente la thorie de lefficience et le modle de marche alatoire. Les variations de prix, cest--dire les rentabilits (voir encadr Variations des cours, rentabilits et valeur fondamentale ), sont imprvisibles puisque tous les vnements connus et anticips sont dj reflts dans le cours actuel. Ceci a initialement t interprt en termes dabsence dautocorrlation des rentabilits au cours du temps. Dans ce cas, il est en effet impossible de prvoir les rentabilits futures partir des rentabilits passes. En dautres termes, les prix suivent une marche alatoire et les rentabilits rpondent un processus de bruit blanc, cest--dire un processus de moyenne nulle, de variance constante et dont les valeurs ne sont pas autocorrles. Formellement, soit Pt le cours dun actif au temps t. Pt suit une marche alatoire logarithmique sil vrifie la relation suivante : ln(Pt) = ln(Pt 1) + et, o et est un bruit blanc (voir encadr). Ceci signifie que la meilleure prvision du prix la date t est le prix observ la date prcdente.

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Bruit blanc, marche alatoire et martingaleUn processus et est un bruit blanc sil vrifie les trois conditions suivantes : E(et) = 0 Var(et) = s2 Gt Cov(etet) = 0 Gt 0 t, o E dsigne lesprance, Var la variance et Cov la covariance. Lquation de marche alatoire des prix ln(Pt) = ln(Pt 1) + et permet dcrire : Pt Pt P Pt 1 = et. En retenant lapproximation selon laquelle : Rt f t f ln , ln Pt 1 Pt 1 Pt 1 Pt P t 1 o Rt dsigne la rentabilit du titre linstant t, on a : Rt f = et. Pt 1 Les rentabilits suivent ainsi un bruit blanc : elles ne prsentent aucune autocorrlation. Par consquent, la srie des rentabilits a une mmoire nulle et il est impossible de prvoir les rentabilits futures partir des rentabilits prsentes et passes. Le prix observ sur le march fluctue de faon alatoire autour de la valeur fondamentale. Le modle de martingale est moins restrictif que celui de la marche alatoire au sens o aucune condition nest impose sur lautocorrlation des rsidus. Le processus de prix Pt suit une martingale si : E [Pt + 1|It] = Pt. Cette quation signifie que la meilleure prvision que lon puisse faire du prix en t + 1, sur la base de lensemble dinformation It, est le prix en t. On peut encore crire : E [(Pt + 1 Pt)|It] = 0. Cette dfinition implique que lon ne peut sattendre une rentabilit qui soit suprieure la rentabilit de march au sens o lesprance conditionnelle des variations de prix est nulle. En revanche, le modle de martingale ninterdit pas la dpendance entre les rentabilits successives, contrairement au modle de marche alatoire. Une des conditions ncessaires la validit du modle de martingale est la neutralit vis--vis du risque, supposant que la fonction dutilit est linaire et que lutilit marginale est donc constante. Cette neutralit implique la martingale mais nimplique pas le modle plus restrictif de marche alatoire. En effet, la neutralit vis--vis du risque a pour consquence que les agents ne sintressent quau premier moment de la distribution des rentabilits, et non pas aux moments dordre deux (variance et covariance). De ce fait, ils ne peuvent tirer profit dune ventuelle autocorrlation des rentabilits. Pour cette raison, le modle de martingale est apparu plus adapt pour reprsenter lhypothse defficience que le modle de marche alatoire.

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Ainsi, la thorie de lefficience des marchs, de par le caractre imprvisible des rentabilits, est trs souvent associe au modle de marche alatoire. Il est cependant trs important de remarquer que la relation entre marche alatoire et efficience nest pas

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une quivalence. En effet, si lhypothse de marche alatoire repose sur la thorie de lefficience, lhypothse de march efficient nimplique pas que les prix suivent une marche alatoire. Par consquent, le fait que les prix ne suivent pas une marche alatoire nentrane pas linefficience du march. Il suffit par exemple que lhypothse de neutralit vis--vis du risque ne soit pas respecte ou bien que les fonctions dutilit des individus ne soient pas sparables et additives [Leroy, 1982], signifiant quil est impossible de dissocier les dcisions de consommation et dinvestissement. Suite aux violations empiriques (voir infra) de lindpendance des rentabilits, le modle de marche alatoire est apparu trop restrictif, ce qui a conduit Samuelson [1965] dvelopper le lien entre march efficient et martingale (voir encadr ci-dessus). Pour finir, il convient de sattarder quelque peu sur le lien entre limpossibilit de raliser des profits anormaux et le modle de martingale. Samuelson [1965] a montr que ce modle impliquait dune part limprvisibilit des rentabilits futures et dautre part lgalit, chaque instant, entre le prix observ et la valeur fondamentale. Plus prcisment, Samuelson a dmontr que si le prix observ est gal la valeur fondamentale, il est impossible de prvoir les rentabilits futures, ce que le modle de martingale postule. Lapport fondamental de Samuelson consiste affirmer que les prix observs sur un march sont toujours gaux la valeur fondamentale et non plus quils fluctuent autour de celle-ci. La diffrence est de taille. En effet, si les prix fluctuent alatoirement autour de la valeur fondamentale, il est possible dacheter (respectivement de vendre) les titres dont les prix sont infrieurs (respectivement suprieurs) la valeur fondamentale. En revanche, si les prix sont toujours gaux la valeur fondamentale, il est bien vident que lon ne peut esprer tirer un profit en spculant sur une diffrence entre les deux valeurs. Ceci conduit Jensen [1978] proposer une nouvelle dfinition de lefficience : Un march est efficient, conditionnellement un ensemble dinformation Wt, sil est impossible de raliser des profits en spculant sur la base de cet ensemble dinformation Wt. Ainsi, les rentabilits peuvent tre (faiblement) dpendantes, mais il est impossible de

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spculer sur cette dpendance pour obtenir des profits anormaux, cest--dire des rentabilits suprieures la rmunration du risque. En dautres termes, cette faible autocorrlation des rentabilits ne permet pas llaboration dune stratgie rmunratrice sur le march boursier. Un exemple est fourni par la clbre exprience du singe mene par le Wall Street Journal. Depuis 1988, chaque dbut de mois, quatre experts de la Bourse de New York sont convis par le Wall Street Journal slectionner des actions. Paralllement, un singe choisit ses actions en lanant des flchettes sur des tiquettes reprsentant ces titres. Enfin, lindice Dow Jones fournit une troisime indication. Le rsultat de cette exprience est que les experts ont perdu devant le singe dans 39 % des cas et devant lindice dans 49 % des cas. La dfinition de Jensen [1978] est trs proche de celle retenue par Malkiel [2003], selon laquelle les marchs [financiers efficients] ne permettent pas aux investisseurs de raliser des gains suprieurs la moyenne sans accepter de prendre des risques suprieurs la moyenne . Ces dfinitions sont intgres dans la classification de Fama, notamment dans lefficience au sens fort. Les trois formes de lefficience informationnelle La dfinition propose par Fama [1965], selon laquelle un march est informationnellement efficient si le prix observ sur le march reflte pleinement et instantanment toute linformation disponible, prend en compte le contexte informationnel dans son ensemble et est, de ce fait, trop gnrale pour permettre une quelconque vrification empirique. Cest pourquoi Fama [1970] propose trois formes defficience selon linformation contenue dans cet ensemble dinformation disponible . Cette classification initiale est ensuite lgrement modifie par Fama [1991] en raison de labondance des travaux portant sur ltude empirique du concept defficience. Lefficience au sens faible. Dans la forme faible de lefficience, lensemble dinformation disponible comprend uniquement lhistorique des prix. Ainsi, un march est efficient au sens

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faible si toute linformation fonde sur les cours passs est pleinement reflte dans le prix des titres. La majorit des tests visant apprhender lefficience faible dun march est constitue des tests de marche alatoire qui ont pour objet de dterminer sil est possible de prvoir les rentabilits futures partir des rentabilits passes. Lefficience au sens semi-fort. La forme semi-forte de lefficience renvoie un ensemble dinformation contenant toute linformation publique. Cet ensemble peut regrouper toute information concernant lentreprise, telle que les rapports annuels, les annonces de rsultats, les distributions dactions gratuites, les rumeurs, etc. Lobjet est alors de tester si les prix sajustent rapidement cette information, cest--dire si le march a correctement anticip lvnement. Lefficience au sens fort. Cette dernire forme de lefficience est la plus restrictive puisque lensemble dinformation comprend, en plus de linformation publique, toute information prive. Lefficience au sens fort renvoie notamment aux dlits dinitis et ltude des performances des investisseurs professionnels. Les tests attachs cette hypothse ont pour objet de dterminer si les individus ayant un accs monopolistique linformation sont capables de raliser des profits suprieurs ceux des autres agents. Un march est efficient au sens fort si toute linformation, publique et prive, est pleinement reflte dans les prix. Bien videmment, lefficience au sens fort englobe les deux autres formes defficience. Renouvellement de la classification. Face labondante littrature visant tester lefficience (voir chapitre II), Fama [1991] suggre doprer une nouvelle classification. Concernant les formes semi-forte et forte, il propose uniquement un changement de dnomination : les tests dtudes vnementielles remplacent les tests de forme semi-forte et aux tests de forme forte se substituent les tests sur linformation prive. En revanche, la forme faible se trouve modifie par le contenu de lensemble dinformation. Celui-ci comprend non seulement lhistorique des sries

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de prix, mais galement lhistorique de toutes les variables conomiques ou financires pouvant servir la prvision des rentabilits, telles que les taux dintrt, le ratio dividendes/ cours, etc. Les tests de forme faible sont dornavant appels tests de prvisibilit des rentabilits.

Rationalit du comportement et des anticipationsLa thorie de lefficience des marchs financiers suppose la rationalit des agents tant au niveau du comportement quau niveau des anticipations. En effet, dune part, tout agent se comportant conformment la maximisation de lutilit espre est jug rationnel [Lucas, 1978 ; Grossman et Shiller, 1981]. Dautre part, de cette optimisation dcoule la valeur fondamentale dune action, dfinie comme la somme actualise des dividendes futurs anticips rationnellement par les agents. Dfinition gnrale du concept de rationalit Selon la dfinition dAllais [1953], un homme est rput rationnel lorsquil poursuit des fins cohrentes entre elles et quil emploie des moyens appropris aux fins poursuivies . En accord avec ce principe de rationalit, lagent est capable de comparer les biens en fonction de ses prfrences et de les classer de faon cohrente ; il est ainsi muni dun prordre de prfrences. Par ailleurs, lagent opre des choix conformes ses prfrences dans la limite des ressources financires dont il dispose. Lhomo oeconomicus est la personnification de lhypothse de comportement rationnel. Il constitue une reprsentation abstraite du sujet conomique labore par les noclassiques et prise comme unit lmentaire de dcision. Lhomo oeconomicus a trois caractristiques essentielles : cest un tre intress, son unique mobile daction est lintrt personnel (hdonisme) ; il est rationnel, puisque toutes ses dcisions sont logiques et adaptes leur but ;

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il est universel et atemporel, son comportement ne dpendant pas de donnes gographiques, historiques, sociales, etc. Il reste indiffrent au milieu en tant quidal-type de la rationalit. Les modles standard font ainsi lhypothse que les choix de tous les individus peuvent tre considrs comme le choix dun individu reprsentatif. Ce dernier maximise son utilit, son choix concidant avec lagrgation des dcisions des diffrents individus. La rationalit apprhende au travers de la maximisation de lutilit ne constitue cependant pas la seule dfinition de la rationalit. En particulier, elle est difficilement applicable sur les marchs financiers o lincertitude rgne. Dans de telles conditions, les concepts de rationalit cognitive et de rationalit limite semblent plus adapts (voir encadr). Anticipations rationnelles : dfinition, proprits et implications La thorie de lefficience des marchs financiers suppose que les agents font des anticipations rationnelles. Dfinition. La dfinition des anticipations rationnelles est due Muth [1961] : Les anticipations, puisquelles sont des prvisions bien informes des vnements futurs, sont essentiellement les mmes que les prvisions de la thorie conomique pertinente. Au risque de confondre cette hypothse purement descriptive avec une opinion tranche sur ce que les entreprises devraient faire, nous appellerons de telles anticipations des anticipations rationnelles. Formellement, lhypothse danticipations rationnelles peut tre dfinie comme suit : Xa = E [Xt|It 1] o Xa est lanticipation t t faite en t 1 pour la variable Xt, It-1 est lensemble dinformation disponible en t 1 et E est loprateur desprance mathmatique conditionnelle lensemble dinformation disponible. De faon gnrale, lhypothse danticipations rationnelles reflte lapplication du comportement de rationalit lacquisition et au traitement de linformation ainsi qu la formation des anticipations. Les agents forment leurs anticipations en utilisant au mieux linformation dont ils disposent. Cet ensemble dinformation disponible comprend le modle conomique sous-jacent

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Les diffrentes formes de rationalitLa rationalit instrumentale Les premiers conomistes noclassiques ont construit leur thorie sur la base de lhypothse suivant laquelle tout individu adopte un comportement optimisateur : lindividu cherche maximiser son utilit (sous contrainte) dans un univers o linformation est illimite et sans cot. Le modle permettant dapprhender un tel type de rationalit, appele rationalit instrumentale, repose sur la thorie de lutilit espre. Cette rationalit instrumentale est conue comme une adquation des moyens aux fins poursuivies, elle reflte une efficacit en termes daction. Les contraintes auxquelles lagent est soumis sont de type externe, telles que le revenu ou ltat de la technologie ; tout comme linformation, les capacits cognitives de lindividu sont supposes illimites. Une telle conception de la rationalit a fait rapidement lobjet de vives critiques concernant notamment lirralisme de la gratuit de linformation et le caractre illimit des capacits cognitives de lindividu [Arrow, 1987]. Se sont alors dveloppes dautres conceptions de la rationalit, constituant un affaiblissement de la rationalit classique. La rationalit cognitive Walliser [1982] introduit la notion de rationalit cognitive afin de tenir compte dune correspondance entre les informations dtenues par les agents et les reprsentations que se font ces agents de lunivers qui les entoure. Ces reprsentations sont fonction des croyances individuelles et diffrent

selon les agents. La rationalit cognitive met laccent sur le fait quil peut y avoir une diffrence entre environnement rel et environnement peru, et traduit ainsi ladquation des anticipations sur lenvironnement aux informations dtenues. La rationalit limite ou procdurale Selon lhypothse de rationalit limite introduite par Simon [1955], lagent est limit tant dans ses capacits cognitives que dans ses facults recueillir et traiter linformation. Alors que, dans le cadre de la rationalit instrumentale, les contraintes auxquelles un agent est soumis sont de type externe, celles-ci sont internes dans une situation de rationalit limite et proviennent de la capacit limite des agents traiter linformation. De ce fait, lagent ne cherche pas maximiser sa satisfaction, mais atteindre un seuil de satisfaction quil juge suffisant. Le principe de satisfaction implique que laction qui est choisie nest pas ncessairement la meilleure relativement aux conditions objectives et subjectives de la dcision, mais est la plus satisfaisante (cest--dire celle dont lvaluation est suprieure au seuil de satisfaction du sujet). Les modles de rationalit limite sintressent ainsi la rationalit du processus de choix et non pas aux rsultats du choix.

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lvolution de la variable considre ainsi que les valeurs prsentes et passes de lensemble des variables figurant dans le modle. Les agents connaissent la totalit des composantes influenant la variable anticiper et le modle gouvernant lvolution de cette mme variable. Supposer que les anticipations sont rationnelles, cest supposer que le modle est juste. Ceci nest donc possible que si tous les individus utilisent le mme modle modle exact de lconomie pour former leurs anticipations. Comme le note Walliser [1982], trois conditions sont ainsi ncessaires la formation danticipations rationnelles. Premirement, lagent a correctement spcifi le modle liant la variable anticipe aux autres variables (omniscience). Deuximement, lagent connat lhistorique de toutes les variables figurant dans le modle (transparence). Troisimement, lanticipation, conditionnelle lensemble dinformation disponible, de lagent est une estimation sans biais de la variable prvoir (optimalit). Implications et caractristiques des anticipations rationnelles. Les agents utilisent tous le mme modle le modle dactualisation des dividendes futurs pour former leurs anticipations. En dautres termes, ils pensent tous pareillement : Ce sont tous des fondamentalistes, cest--dire quils utilisent tous le mme modle dcrivant la faon dont les donnes fondamentales dterminent les divers prix et quantits de lconomie [Phelps, 1987, p. 14]. Ainsi, tout conomiste utilisant un modle de prvision doit partir du principe selon lequel tous les autres conomistes connaissent son modle et lutilisent pour former leurs prdictions. Le fondement de cette injonction tient en ce que, si vous nadmettez pas que les acteurs de votre modle aient des anticipations rationnelles, vous supposez ncessairement quils commettent des erreurs systmatiques dans leurs prvisions, ce que vous, le modlisateur, ne faites pas. Il y a l une asymtrie indfendable, un vritable pch dorgueil : il est toujours plus sage de ne pas se prsumer plus intelligent queux [Phelps, 1987, p. 15]. La dfinition des anticipations rationnelles fournie par Muth [1961] peut paratre a priori inadapte aux situations relles. En

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effet, on suppose implicitement que tous les agents ont des capacits illimites de recueil et de traitement de linformation, et ce un cot nul. Cependant, selon Muth, cette hypothse ne fait que reflter les conclusions des tudes empiriques selon lesquelles tout se passe comme si les agents disposaient dune connaissance parfaite de la thorie conomique pertinente. En effet, si tel ntait pas le cas, des agents pourraient raliser des profits en spculant sur certains biens ou en vendant leurs services de prvisions aux entreprises. De telles occasions de profits sont limines si les prvisions des entreprises ne sont pas systmatiquement diffrentes de celles de la thorie conomique. Notons par ailleurs que les anticipations rationnelles ne sont pas des prvisions parfaites. Les deux notions ne concident quen situation de certitude. Dans un contexte dincertitude, caractristique des marchs financiers, les anticipations rationnelles dune variable diffrent des ralisations par la prsence dun terme alatoire ; ces anticipations seront alors ralises en moyenne. Les agents commettent en effet des erreurs, mais celles-ci ne sont pas systmatiques.

II / Les trois formes de lefficience informationnelle

n march informationnellement efficient est tel que le prix observ reflte pleinement et instantanment toute linformation disponible. Ce chapitre propose une tude dtaille des trois formes de lefficience informationnelle (faible, semi-forte, forte) et des rsultats empiriques qui leur sont attachs.

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La forme faible et les tests de prvisibilit des rentabilitsCette catgorie de tests inclut les tests de forme faible consistant dterminer si lon peut prvoir les rentabilits futures partir des rentabilits passes, mais galement les tests plus gnraux de prvisibilit des rentabilits partir dautres variables telles que les taux dintrt, le ratio dividendes/cours, le price earning ratio (dfini comme le rapport entre le cours de laction et le bnfice net par action), etc. Les tests de forme faible Brve prsentation. Les tests de forme faible sont les plus nombreux puisquils ont t couramment associs aux tests de marche alatoire. Lide sous-jacente est de dterminer sil est possible de prvoir les rentabilits futures partir des rentabilits passes. Rappelons que le prix Pt dun titre suit une marche

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alatoire logarithmique sil vrifie la relation suivante : ln(Pt) = ln(Pt 1) + et, o = 1 et et est un bruit blanc. Ainsi, la prsence dune racine gale lunit ( = 1) et celle de variations de prix non autocorrles (et bruit blanc) sont les deux caractristiques fondamentales dune marche alatoire. Pour cette raison, les principaux tests de marche alatoire sont fonds sur les tests de racine unitaire et sur les tests dautocorrlation [pour une prsentation dtaille des tests, voir Mignon, 1998 ; Lardic et Mignon, 2002]. Il existe galement des tests non paramtriques ayant pour objet de tester lhypothse dindpendance des rentabilits : tests des runs, de filtres, de corrlation de rang de Spearman, de points de retournement, du signe, de suites homognes, etc. Lun des tests les plus utiliss est le test des runs en raison de sa facile mise en uvre. Un run est dfini comme une squence dobservations successives de mme signe. Ainsi, un run positif (respectivement ngatif) de longueur i est constitu de i rentabilits successives positives (respectivement ngatives) prcdes et suivies par une rentabilit ngative (respectivement positive) ou nulle. Si la srie des rentabilits est alatoire, le nombre total de runs suit une loi normale. Le test consiste donc comparer le nombre total de runs thorique au nombre de runs observ. Un autre test frquemment utilis est le test des filtres [Alexander, 1961, 1964]. Un filtre correspond une rgle de spculation dfinie comme suit : lorsque le cours monte dau moins x % par rapport un minimum antrieur, il faut acheter et conserver sa position jusqu ce que le prix baisse dau moins x % par rapport au maximum prcdent. Il faut alors liquider sa position et se porter vendeur dcouvert jusqu ce que le prix monte dau moins x % par rapport au minimum prcdent. Le test des filtres consiste comparer les profits que lon dgage en appliquant cette rgle de spculation ceux auxquels on sattend lorsque lon utilise la stratgie dite du buy and hold. Cette dernire reflte une procdure nave consistant acheter des titres au dbut de la priode dobservation choisie et les conserver jusqu la fin de celle-ci. Si les prix suivent une marche alatoire, une telle rgle de spculation ne doit pas conduire

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des profits suprieurs ceux issus de la stratgie basique du buy and hold. Principaux rsultats obtenus. On distingue les rsultats obtenus concernant les rentabilits horizon court (infrieur un an) de ceux portant sur des horizons plus lointains. horizon court, des autocorrlations non nulles, mais impossibles exploiter des fins de profits : les premiers tests de lefficience au sens faible font gnralement ressortir la prsence dautocorrlations significativement diffrentes de zro dans les rentabilits. Ainsi, Fama [1965] trouve que lautocorrlation du premier ordre dans les rentabilits quotidiennes est positive pour 23 des 30 titres composant lindice boursier amricain du Dow Jones industriel sur la priode 1957-1962. French et Roll [1986] observent par ailleurs que les rentabilits quotidiennes des actions individuelles des plus grandes firmes cotes au New York Stock Exchange (NYSE) sont positives. De mme, Lo et MacKinlay [1988], en utilisant les tests du rapport de variances, montrent que les rentabilits hebdomadaires des petits portefeuilles dactions du NYSE sont prvisibles partir des rentabilits passes. En utilisant le test des filtres, Alexander [1961] trouve que lhypothse dindpendance des rentabilits boursires amricaines nest pas vrifie. En appliquant ces mmes tests avec des filtres allant de 0,5 % 50 %, Fama et Blume [1966] comparent diverses rgles de spculation pour les actions de lindice Dow Jones. Ils montrent quil est possible de battre la stratgie nave du buy and hold uniquement trs court terme. Toutefois, selon Fama [1970], battre la technique buy and hold trs court terme induit des cots de transaction levs et, par consquent, les diverses stratgies seraient en ralit moins profitables que la procdure nave. Les rsultats prsents brivement ci-dessus font ressortir la prsence dautocorrlations significatives horizon court, en particulier sur donnes quotidiennes et hebdomadaires [pour un expos dtaill des rsultats des tests de lefficience faible, voir notamment Mignon, 1998 ; Gillet, 1999]. Selon Fama [1970, 1991] et Malkiel [2003], mme si ces autocorrlations sont significatives dun point de vue statistique, elles ne le sont pas dun

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point de vue conomique au sens o il est impossible dexploiter ces autocorrlations pour tablir des rgles de spculation conduisant des profits anormaux. De plus, selon Fama [1991], malgr leur significativit statistique, les autocorrlations restent proches de zro. Fama [1970, 1991] juge donc que ces divers rsultats ne peuvent en aucun cas remettre en cause lhypothse defficience des marchs. On se trouve ici face un problme inhrent toute tude sur lefficience : alors que les tests conomtriques font apparatre une prvisibilit des rentabilits partir des valeurs passes, les partisans de lefficience affirment que la connaissance de ce phnomne ne la remet nullement en cause. Devant cet tat de fait, divers auteurs se sont attachs tester lhypothse defficience en travaillant sur des horizons plus longs. horizon long, le phnomne de retour la moyenne : travers un exemple simple, Summers [1986] montre que lon peut ne pas observer dautocorrlation court terme alors mme que le processus est autocorrl. Pour apprhender cette autocorrlation, il est indispensable de travailler sur des horizons longs. Plus spcifiquement, Summers montre que si le modle habituel de formation des cours modle dactualisation des dividendes futurs est vrifi, alors on doit observer des autocorrlations ngatives horizon long, ce qui tmoigne du phnomne de retour la moyenne des rentabilits (mean reversion) : les excs de rentabilit dfinis comme lcart entre les rentabilits et le taux dintrt sont ngatifs lorsque le prix est suprieur la valeur fondamentale et positifs si le prix est infrieur la valeur fondamentale. Ce phnomne de retour la moyenne est illustr par le graphique 4 : aprs une hausse, les rentabilits tendent retourner vers leur valeur moyenne correspondant la tendance de long terme. Diverses tudes concernant le phnomne de retour la moyenne ont vu le jour la suite des travaux de Summers [1986], les plus clbres tant celles de Fama et French [1988a] et Poterba et Summers [1988] qui mettent en vidence un tel phnomne pour les actions amricaines sur la priode 1926-1985. Ce rsultat est confirm par DeBondt et Thaler [1989] pour les actions des entreprises cotes au NYSE sur la

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Graphique 4. Le phnomne de retour la moyenne (mean reversion)Rt

priode 1926-1982. Ils expliquent le phnomne de mean reversion par la surraction des individus aux mouvements de prix rcents. Quelle est alors limplication du phnomne de retour la moyenne des prix en termes defficience ? Tout dabord, le fait que les prix retournent vers la valeur fondamentale indique que, durant la priode o le phnomne de mean reversion prend place, les rentabilits sont prvisibles partir des rentabilits passes. Les prix ne suivent donc pas une marche alatoire. Le rejet de la marche alatoire nimplique pas le rejet de lhypothse defficience. Cependant, la prsence dune composante mean reverting dans les prix induit ncessairement un cart (plus ou moins durable) du prix la valeur fondamentale, ce qui remet en cause lhypothse de Samuelson concernant lgalit tout instant entre le prix et la valeur fondamentale. En outre, plus lcart des prix la valeur fondamentale est durable, plus les autocorrlations dans les rentabilits seront durablement ngatives et plus il sera possible dtablir des rgles de spculation permettant de procurer des profits anormaux [Mignon, 1998 ; Lardic et Mignon, 1999]. Summers [1986] et Poterba et Summers [1988] voient ainsi dans le phnomne de mean reversion une source dinefficience du march. linverse, Fama et French

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[1988a] et Malkiel [2003] suggrent que lautocorrlation ngative des rentabilits horizon long peut rsulter du fait que les rentabilits attendues sont variables au cours du temps. Or le fait que ces rentabilits espres varient au cours du temps reflte la possibilit dun taux dintrt variable, ce qui nest pas incompatible avec lefficience. Malkiel [2003] prcise galement que, mme si la plupart des tudes mettent en vidence un phnomne de mean reversion, celui-ci nest pas uniforme selon les priodes dtude retenues : la mean reversion serait ainsi plus marque dans les analyses intgrant la priode de la grande dpression de 1929. Par ailleurs, alors que les adversaires de lefficience insistent sur le fait que la prsence dune composante mean reverting dans le prix tmoigne dun cart plus ou moins durable entre le prix et la valeur fondamentale, les partisans de lefficience voient dans cette composante le fait que le prix tend retourner vers la valeur fondamentale, ce qui entrane la vrification de lhypothse defficience long terme. On voit ici apparatre nouveau une difficult : un mme phnomne dans le cas prsent, la mean reversion peut tre interprt de deux manires diamtralement opposes selon que lon est ou non partisan de lefficience.

Gnralisation des tests de prvisibilit des rentabilits Selon la nouvelle classification de Fama [1991], il est possible dtudier la prvisibilit des rentabilits partir dautres variables conomiques ou financires telles que les taux dintrt, le ratio dividendes/cours (dividend yield), le price earning ratio (PER), etc. De faon gnrale, on peut regrouper les divers tests et rsultats en deux catgories : les tests traditionnels fonds sur les rgressions et les tests de co-intgration. Les tests traditionnels de rgression consistent rgresser les rentabilits sur un ensemble de variables explicatives et tester si ces dernires sont ou non significatives. Les tudes empiriques [Fama et French, 1988b ; Campbell, 1991 ; Cutler, Poterba et Summers, 1991 ; Bekaert et Hodrick, 1992] mettent globalement en vidence le fait que les rentabilits sont prvisibles

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partir des fondamentaux et plus particulirement sur la base du ratio dividendes/cours et du taux dintrt court terme. Les tests de co-intgration reposent, quant eux, sur lide selon laquelle il existe des relations stables entre certaines variables thoriquement lies et que ces dernires doivent voluer ensemble long terme, mme si une divergence peut apparatre court terme. Dun point de vue conomtrique, la co-intgration trouve son fondement dans le fait que les variables financires sont en gnral non stationnaires. De ce fait, un grand nombre de procdures de tests ne sont plus adaptes et lon doit tenir compte explicitement de la nonstationnarit dans la modlisation, ce que permet prcisment la thorie de la co-intgration (voir encadr page suivante). Quel est lintrt du concept de co-intgration pour ltude de lefficience ? Si deux variables non stationnaires sont co-intgres, elles peuvent tre reprsentes sous la forme dun modle correction derreur (voir encadr page suivante). Il est donc possible de prvoir une variable partir de son pass et du pass de lautre variable. Trois implications peuvent tre dduites de cette proprit. En premier lieu, selon Granger [1986], les prix de deux titres (X et Y) tablis sur deux marchs efficients (ou sur un mme march efficient) ne peuvent tre co-intgrs. En effet, si tel tait le cas, un des prix pourrait aider prvoir lautre, ce qui est contraire lhypothse defficience. De plus, puisque le prix dun actif sur un march informationnellement efficient intgre toute linformation disponible, le prix de X linstant t ne doit pas permettre de prvoir lvolution de Y, suppose imprvisible. Dans ce cas, lefficience est incompatible avec la co-intgration. En deuxime lieu, si, linverse, Xt et Yt reprsentent les prix dun mme actif sur deux marchs (march au comptant et march terme) et sont co-intgrs, alors les deux marchs supports sont efficients [Lai et Lai, 1991 ; Chowdhury, 1991 ; Dutt, 1994]. En troisime lieu, il convient de sattarder sur lambigut de la relation entre cours et dividendes. Si les cours et les dividendes ne sont pas co-intgrs, cest--dire si le rsidu de la relation entre les cours et les dividendes est non stationnaire, il

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Co-intgration et causalit au sens de GrangerSoit deux variables Xt et Yt, toutes deux non stationnaires. Elles sont dites intgres dordre d sil est ncessaire de les diffrencier d fois pour les rendre stationnaires. Les diffrences dmes de ces variables sont alors stationnaires, cest--dire intgres dordre 0. Considrons, pour simplifier, le cas de variables intgres dordre 1. Gnralement, la combinaison de deux variables intgres dordre 1 est aussi intgre dordre 1, mais, sil existe une constante A telle que la relation Zt = Xt AYt est stationnaire, alors les variables Xt et Yt sont dites co-intgres. En dautres termes, deux variables intgres dordre 1 sont co-intgres sil est possible de trouver une combinaison linaire de ces deux variables qui soit stationnaire. La relation Xt = AYt est appele quation de long terme ou dquilibre. Zt mesure lcart du systme {Xt, Yt} par rapport lquilibre. Une proprit particulirement intressante des variables co-intgres est quelles peuvent tre reprsentes sous la forme dun modle correction derreur du type : DXt = r1Zt 1 + retards (DXt, DYt) + d1 (L)e1t DYt = r2Zt 1 + retards (DXt, DYt) + d2 (L)e2t, o L est loprateur retard (LnXt = Xt n), d1 (L) et d2 (L) sont des polynmes finis en L, e1t et e2t sont des bruits blancs et |r1| + |r2| 0 0. Pour tester la co-intgration, une technique simple consiste tester si le rsidu Zt de la relation de long terme est ou non stationnaire. Lhypothse nulle dabsence de co-intgration nest pas rejete si Zt est non stationnaire [pour plus de dtails, voir Lardic et Mignon, 2002]. Si Xt et Yt sont co-intgres, alors il existe ncessairement une causalit au sens de Granger dans au moins une direction. En dautres termes, une variable peut aider prvoir lautre. Ainsi, X cause Y au sens de Granger si la prvision de Y la date t fonde sur la connaissance des passs conjoints de X et Y est meilleure que la prvision fonde sur la seule connaissance du pass de Y.

{

existe un cart durable entre le cours et la valeur fondamentale en vertu du modle dactualisation des dividendes futurs. Le prix ne revient donc pas vers la valeur fondamentale, ce que lon peut interprter comme des indices dinefficience. linverse, si les cours et dividendes sont co-intgrs, il nexiste pas dcart durable entre le prix et la valeur fondamentale, ce qui est cohrent avec lefficience. Il convient cependant de noter que la co-intgration entre cours et dividendes ne permet pas dobtenir de conclusion fiable quant lefficience des marchs. En effet, dans le cadre de lefficience, les cours et les dividendes doivent constituer une relation stationnaire, mais la co-intgration signifie galement quil est possible de prvoir les cours partir

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des dividendes et cours passs, ce qui devient plus difficilement compatible avec lefficience. Le sens de la causalit entre cours et dividendes est ici primordial : si les cours causent les dividendes, il est possible de prvoir les dividendes partir des cours et dividendes passs, ce qui, selon Lilti [1994], reste cohrent avec lefficience. Mais, si ce sont les dividendes qui causent les cours, la conclusion quant lhypothse defficience reste ambigu [Campbell et Shiller, 1987]. Comme dans le cas de la mean reversion, les rsultats des tests de co-intgration entre les cours et les dividendes peuvent donner lieu deux interprtations opposes. Dune part, la co-intgration indique labsence dcart durable entre le prix et la valeur fondamentale, ce qui est cohrent avec lhypothse defficience. Dautre part, la co-intgration induit la prsence dune prvisibilit des cours partir des dividendes passs, ce qui va lencontre du concept defficience.

La forme semi-forte et les tests dtudes vnementiellesDans cette dfinition, les prix intgrent non seulement toute linformation portant sur lhistorique des prix et des variables fondamentales, mais galement toute linformation publique concernant la sant des entreprises (annonces des rsultats annuels, mission de nouvelles actions, distributions dactions gratuites, etc.). De telles informations sont frquemment appeles news dans la littrature financire. Lobjet des tests dtudes vnementielles (ou tudes dvnements) est de dterminer si les prix intgrent rapidement ces diverses informations publiques. On teste ainsi la raction du march une information rendue publique en analysant la vitesse laquelle le prix sajuste cette information. Prsentation de la mthodologie des tudes dvnements Cette approche tudie le comportement des cours suite larrive dune information publique. La mthodologie peut tre dcompose en trois tapes. La premire tape consiste

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identifier prcisment les vnements et les horodater. Lhorodatage est effectu notamment par le recours la presse spcialise. La deuxime tape a pour objet la dtermination des rentabilits anormales. La dernire tape vise alors tudier le comportement de ces rentabilits anormales afin dvaluer la vitesse dajustement des cours une nouvelle information. Dans la majorit des tudes concernant les effets dannonce, la mthodologie adopte pour le calcul des rentabilits anormales renvoie la mthode des rsidus ou mthode CAR (cumulated average residual). Il convient de distinguer les fluctuations de prix dues au mouvement gnral du march des fluctuations de prix causes par des facteurs spcifiques la situation de lentreprise mettrice. Ainsi, soit : Rit = E[Rit|Rmt, bit] + eit, o Rit est la rentabilit observe du titre i sur la priode t, E[Rit|Rmt, bit] est la rentabilit espre selon le modle dvaluation conditionnellement la rentabilit observe du march Rmt et au risque estim bit du titre i, et eit est la rentabilit rsiduelle estime du titre i pendant la priode t. La rentabilit rsiduelle eit dfinie par : eit = Rit E[Rit|Rmt, bit] permet prcisment de mesurer lexcs de rentabilit (ou rentabilit anormale). Les rentabilits anormales cumules sont dfinies par : CARi =i=1

Se , o CAR dsigneit i

N

la rentabilit anormale cumule du titre i durant la fentre dobservations de N jours. Le calcul de ces rentabilits cumules permet de considrer lajustement graduel des cours. Si le march est efficient au sens semi-fort, lannonce ne devrait pas avoir dinfluence sur les cours et eit ne devrait donc pas tre significativement diffrent de zro. Ceci est naturellement d au fait que, si le march est efficient au sens semifort, il a correctement (rationnellement) anticip lannonce, et le prix, avant mme la publication de lannonce, reflte dj cette information. Ainsi, si le dlai de raction du march lannonce tend vers zro, cest--dire si la vitesse dajustement du march est infinie, cela signifie que la raction du march une nouvelle information est immdiate, donc que le march est efficient au sens semi-fort.

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Principaux rsultats obtenus Fama, Fisher, Jensen et Roll [1969] analysent la raction dun titre la suite dune annonce de distribution dactions gratuites. Ils tudient les rentabilits autour des dates de distribution dactions gratuites et cherchent si ces rentabilits exhibent un comportement inhabituel . Leur tude porte sur 940 distributions dactions gratuites concernant 622 actions cotes au NYSE entre 1927 et 1959. Les auteurs montrent que ces distributions nont eu aucun effet sur les cours puisque le march les avait correctement anticipes sur la base des informations publies au cours des trente mois prcdents, relatives notamment aux rsultats des entreprises concernes et leurs bnfices attendus. Ces rsultats sont donc conformes lhypothse defficience des marchs au sens o le prix reflte toute linformation publiquement disponible. Ball et Brown [1968] tudient les effets de lannonce des rsultats annuels de 261 entreprises amricaines sur la priode 1946-1966. Ils montrent que, en moyenne, le march a correctement anticip les rsultats des entreprises avant quils ne soient publis et valident lhypothse defficience dans sa forme semi-forte. Les rsultats obtenus par Charest [1978] amnent cependant nuancer ces conclusions. En tudiant les effets de lannonce des dividendes des entreprises cotes au NYSE entre 1947 et 1967, il montre que le march a eu une raction tale dans le temps. Il remet ici en cause lhypothse defficience puisque les prix nont pas intgr immdiatement toute linformation publiquement disponible. Ltude dAsquith [1983], relative la fusion dentreprises, fait ressortir que le cours de laction de lentreprise absorbant une autre entreprise (la cible) ne rpond que lentement lannonce de cette absorption. Cependant, quelques jours aprs lannonce, le prix se met dcrotre lentement. Roll [1986] explique un tel rsultat par linefficience du march : lentreprise qui absorbe lentreprise cible le fait un prix trop lev, mais le march nen prend conscience que trs lentement. Divers auteurs tels que Franks, Harris et Titman [1991] ou Mitchell et Ehn [1990], cherchant rhabiliter lhypothse defficience, vont tenter dapporter des justifications un

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tel phnomne en avanant respectivement des problmes de biais dans la mesure des rentabilits anormales et la spcificit de lchantillon retenu. Mitchell et Mulherin [1994] sintressent aux effets de linformation publique sur les cours et lactivit du march. Alors que les tudes prcdemment cites portent sur des informations spcifiques aux firmes, ces auteurs y ajoutent lanalyse de limpact dinformations plus macroconomiques. Sommairement, lensemble dinformation publique est constitu des titres des articles du Wall Street Journal sur la priode 1983-1990. Sans conclure vritablement une inefficience du march, les auteurs mettent en avant le fait que le march ne reflte pas immdiatement toute linformation publiquement disponible puisque, lorsquelle est publie, elle a un impact fortement significatif sur lactivit du march. Par ailleurs, Bernard et Thomas [1990], en tudiant les annonces de bnfices (donnes trimestrielles de 1974 1986, 2 649 entreprises), mettent en avant lexistence possible de rentabilits anormales. Ils concluent que les prix ne refltent pas pleinement linformation publique disponible, jetant nouveau un doute sur lefficience au sens semi-fort. Sur la base des tudes empiriques, peut-on conclure de faon gnrale lefficience ou linefficience au sens semi-fort ? Selon Fama [1991], la majorit des tudes vnementielles menes sur donnes quotidiennes fait ressortir un ajustement rapide (de lordre dune journe) des cours des actions toute information publique, ce qui conforte lhypothse defficience au sens semi-fort. Toutefois, les analyses de Charest [1978], Mitchell et Mulherin [1994] et Bernard et Thomas [1990] montrent que le march ne ragit pas rapidement lannonce. Dans ce cas dajustement lent des prix, Fama [1991] met en avant le problme de lhypothse jointe selon lequel tout test defficience est un test joint de lhypothse defficience et dun modle dvaluation des actifs. Lefficience nest donc pas directement testable au sens o elle est ncessairement teste conjointement avec un certain modle de formation des prix (marche alatoire, martingale, modle dquilibre, modle darbitrage, etc. ; voir encadr suivant). Ainsi, si lhypothse nulle est rejete, il est impossible de dterminer avec certitude si le rejet de cette hypothse nulle

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provient de linefficience du march ou dune mauvaise spcification du modle de formation des prix retenu. Par ailleurs, mme si lajustement des prix reste relativement rapide, Fama [1991] indique que la majorit des tudes mettent en vidence des dispersions assez importantes dans les rentabilits des entreprises autour de la date dannonce. Deux explications peuvent alors tre proposes. Dune part, on peut penser que cest le rsultat rationnel de lincertitude pesant sur les nouvelles informations, auquel cas lefficience nest pas remise en cause selon Fama [1991]. Dautre part, il peut sagir de sous- et surractions irrationnelles suite larrive dune information, mais qui se compensent en moyenne, simulant un ajustement rapide des prix. Dans ce cas, on accepterait lefficience alors mme que le comportement des agents serait irrationnel. De mme que pour la forme faible, les tudes empiriques sur la forme semi-forte de lefficience restent caractrises par une certaine ambigut au niveau de linterprtation des rsultats des tests. Limites des modles usuels et nouvelles approches La deuxime tape de la mthodologie des tudes dvnements est cruciale dans la mesure o elle repose sur le calcul des rentabilits anormales, un tel calcul tant fond sur lutilisation dun modle thorique particulier. Dans la plupart des cas, il sagit du modle de march ou du modle dquilibre des actifs financiers (voir encadr page suivante). Le recours ces modles usuels pour dterminer les rentabilits anormales pose cependant quelques problmes. Tout dabord, les modles de march et dquilibre des actifs financiers reposent sur lhypothse de normalit des rentabilits. Une telle hypothse est rarement vrifie en pratique dans la mesure o les sries de rentabilits sont frquemment caractrises par des queues de distributions plus paisses que celles de la loi normale et par une certaine asymtrie. En consquence, les tests de Fisher ou de Student traditionnellement utiliss pour tester la significativit des rentabilits anormales ne sont pas valides. Afin de remdier ces limites, il est possible dutiliser des tests non paramtriques qui permettent dtudier la

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Modles dvaluation des actifs financiersLe modle de march Le modle de march est n de lobservation de Markowitz [1952] selon laquelle il existe une relation entre la rentabilit dun titre particulier et la rentabilit du portefeuille de march. Ds lors, les fluctuations du cours dune action sont dues au march en gnral ainsi qu des vnements propres lentreprise mettrice de laction. On peut dcomposer le risque de laction considre en deux parties. La premire composante est lie au march lui-mme : le cours dune action varie du fait dvnements gnraux qui affectent lensemble du march. Le risque correspondant est appel risque de march ou risque systmatique ou encore risque non diversifiable. La seconde composante rsulte des caractristiques propres lentreprise mettrice : le cours dune action varie en raison dvnements particuliers touchant uniquement la socit mettrice du titre. On parle de risque spcifique ou risque diversifiable. Lquation liant la rentabilit dune action i celle du march scrit comme suit : Rit = ai + biRmt + eit, o Rit est la rentabilit de laction i la priode t, Rmt est la rentabilit du march m (mesure, par exemple, par un indice gnral) durant la priode t, bi est un paramtre spcifique laction i, appel coefficient bta, exprimant la sensibilit des fluctuations de laction i celles du march. ai est un coefficient reprsentant la rentabilit qui aurait pu tre obtenue sur laction i si la rentabilit de lindice du march tait nulle. eit est le terme derreur ; son cart type fournit une mesure du risque spcifique. Le risque total dune action s2(Ri) peut scrire comme la somme de deux composantes : s2(Ri) = b2 2 (Rm) + s2 (ei), o b2 2 (Rm) est le risque non diveri.s i.s sifiable de laction i (risque de march) et s2(ei) est le risque spcifique de laction i (risque diversifiable), s2 dsignant la variance. Le modle dquilibre des actifs financiers ou capital asset pricing model (CAPM) Le CAPM repose sur lexistence de portefeuilles efficients au sens du critre moyenne-variance de Markowitz. Un portefeuille efficient est un portefeuille qui, pour une rentabilit globale donne (respectivement pour un risque donn), prsente le risque le plus faible (respectivement la rentabilit la plus leve). On obtient ainsi une frontire efficiente dterminant lensemble des portefeuilles optimaux qui, pour un niveau de risque donn, maximisent la rentabilit espre ou qui, de manire quivalente, pour un niveau de rentabilit espre, minimisent le risque. Lquation du CAPM est donne par : E(R i ) = R l + b i [E(R m ) R l ], o cov(R i ,R m ) , cov dsignant la covariance et var la variance. La rentabilit bi = var(Rm) espre de lactif risqu i est gale la rentabilit de lactif non risqu (Rl) plus une prime de risque (diffrence entre la rentabilit dun actif risqu et celle dun actif non risqu). Cette dernire est elle-mme dcompose en deux lments : la prime de risque du march (E(Rm) Rl) Rm dsignant la rentabilit du portefeuille de march)

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et le coefficient de sensibilit bi de lactif i au march. Lide de base du CAPM est ainsi que la diversification dun portefeuille permet de rduire le risque. Roll [1977] critique vigoureusement le CAPM en notant que lexistence de la relation linaire entre la rentabilit espre dun titre et son bta par rapport au march provient du fait que le portefeuille de march est situ sur la frontire efficiente. Cette relation dfinissant le CAPM existe ncessairement pour tout portefeuille situ sur la frontire efficiente. Par consquent, la relation E(Ri) = Rl + bi[E(Rm) Rl] implique que le portefeuille de march m est efficient, et rciproquement. Roll [1977] montre alors limportante sensibilit de cette relation au choix du portefeuille de march m. Plus spcifiquement, ce portefeuille est suppos inclure la totalit des titres financiers et, dans la mesure o il ne pourra jamais tre identifi, le CAPM ne pourra pas tre rigoureusement test. La prise en compte de linfluence dautres facteurs que le march sur la rentabilit dun titre a conduit llaboration de larbitrage pricing theory, ou APT. Le modle dvaluation par arbitrage ou arbitrage pricing theory (APT) Le modle repose sur lhypothse dabsence dopportunit darbitrage. Larbitrage est une stratgie dinvestissement consistant combiner plusieurs oprations financires simples dans le but de raliser un profit sans investissement net. Ainsi, labsence dopportunit darbitrage signifie quun portefeuille de cot nul ne peut conduire une rentabilit certaine strictement positive. Lhypothse de base de lAPT est que le cours de chaque action est influenc par un nombre limit de facteurs communs tous les titres ainsi que par un facteur spcifique cette action, indpendant des autres facteurs. Le modle factoriel scrit alors : Ri = E(Ri) +

Sbj=1

k

ij

fj + ei,

o Ri est la rentabilit de lactif i, E(Ri) est la rentabilit anticipe de i, bij est le coefficient de sensibilit du titre i au facteur j, fj est la valeur prise par le facteur commun j et ei est la rentabilit non anticipe due au facteur spcifique (ei est un bruit blanc). On suppose en outre que lesprance des facteurs fj, j = 1,, k, est nulle et que la covariance entre ei et fj est gale zro. Ross [1976] montre que sur un march efficient, o toutes les opportunits darbitrage sont limines, la rentabilit anticipe de laction i est une combinaison linaire des btas de chaque facteur. Ainsi, chaque bta fournit une mesure du risque systmatique (par rapport chaque facteur commun) et chaque bta est attach un prix du risque : E(Ri) = d0 +j=1

S d b , o dj ij

k

0

est la rentabilit de lactif non risqu. Aux k facteurs communs tous

les titres correspondent k prix du risque (dj, j = 1, , k) associs chaque risque (bij, j = 1, , k). Cette relation indique donc que la rentabilit anticipe dun actif i est gale la somme de la rentabilit de lactif non risqu et dune prime de risque fonction des coefficients de sensibilit de lactif i aux k facteurs communs. Sil nexiste quun seul facteur commun, lAPT et le CAPM sont quivalents. En effet, on a dans ce cas : E(Ri) = d0 + d1bi. En posant que d0 est la rentabilit de lactif non risqu (Rl) et que d1 est la prime de risque du march (E(Rm) Rl), on obtient bien lquation du CAPM : E(Ri) = Rl + bi[E(Rm) Rl].

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significativit statistique des rentabilits anormales sans recourir lhypothse de normalit. Les rentabilits anormales peuvent en outre tre autocorrles, contrairement ce que supposent les modles usuels : le fait que certains titres sont moins liquides que dautres, que leur frquence de cotation est plus faible engendre des problmes de donnes manquantes qui peuvent se rpercuter sur lestimation des paramtres du modle de march ou du CAPM. Un tel problme conduit une estimation biaise du coefficient bta par les moindres carrs ordinaires. Divers auteurs ont alors cherch pallier cette difficult en utilisant diverses techniques destimation reposant sur le calcul de la matrice de variance-covariance des rentabilits : mthode des moindres carrs gnraliss [Collins et Dent, 1984], modle incluant des variables dichotomiques [Malatesta, 1986] ou encore mthode du maximum de vraisemblance [Mc Donald, 1987]. Enfin, la principale limite des modles usuels est quils supposent que la volatilit de lactif considr apprhende par le coefficient bta est constante au cours du temps durant la priode de test. En dautres termes, les ventuelles variations de la volatilit autour de la date de lannonce ne sont pas prises en compte, ce qui revient supposer la constance du risque systmatique. Ceci pose problme dans la mesure o laugmentation probable du risque systmatique suite lannonce affecte bien entendu la rentabilit anormale. Ce phnomne a conduit divers auteurs dvelopper de nouveaux modles dans lesquels les fluctuations de la volatilit des rentabilits sont prises en considration. Dans ce contexte, Connoly et MacMillan [1987] proposent de combiner un modle standard dtudes dvnements et un modle dynamique autorgressif sur la variance des rentabilits. Ball et Torous [1988] proposent quant eux une modlisation tenant compte de lvolution de la variance des rentabilits autour de lannonce, mais aussi de lincertitude attache la date de lvnement. Grar [1992] suggre un modle intgrant la modification de la variance, mais galement la possibilit de rvision du risque systmatique la suite de certains vnements.

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La forme forte et les tests sur linformation priveCette troisime dfinition de lefficience informationnelle porte sur le traitement de linformation prive : existe-t-il des investisseurs dtenant une information prive qui nest pas reflte dans les prix ? Dans laffirmative, ces investisseurs peuvent-ils esprer des rentabilits suprieures celles des agents ne disposant pas de cette information ? La dtention dinformation prive Il est vident que certains investisseurs, comme les professionnels du march, peuvent disposer dune information prive. Granger et Morgenstern [1970] mettent ainsi en vidence la position privilgie des teneurs de march spcialistes du regroupement des ordres sur certaines valeurs la Bourse de New York. Ces investisseurs peuvent anticiper quasi parfaitement le cours douverture de la sance suivante si les ordres conditionnels ordres selon lesquels on achte (respectivement vend) si le prix ne dpasse pas (respectivement ne descend pas sous) telle valeur limite nont pas t raliss lors de la sance en cours. Sils pouvaient prendre une position pour leur propre compte sur le march, ils pourraient esprer des profits anormaux. Il est galement vident que les investisseurs institutionnels (tels que les caisses de retraite, les gestionnaires de fonds communs, les SICAV) accdent plus facilement et plus rgulirement linformation prive. De plus, de par leurs connaissances suprieures la moyenne , ils pourraient ventuellement raliser des profits plus importants que les autres oprateurs agissant sur la base dinformations publiques. De faon gnrale, les tudes sur lefficience au sens fort peuvent tre classes en trois catgories. La premire est constitue des tudes sur les dlits dinitis dont lobjet est de dterminer si des investisseurs possdant une information prive ralisent un arbitrage. La deuxime catgorie repose sur lanalyse des performances des portefeuilles grs par les professionnels, lobjet tant de dterminer si ces derniers ralisent ou non des profits anormaux. Enfin, la troisime catgorie est constitue de

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divers tests, tels que les rsultats dexpriences menes en laboratoire, lanalyse doprations dinitis spcifiques ou les mesures de richesse (pseudo-initis). Les dlits dinitis Les premires tudes concernant la dtention dinformation prive dans le cadre des dlits dinitis sont dues Niederhoffer et Osborne [1966], Scholes [1972] et Jaffe [1974]. Les deux premires mettent en vidence le fait que certains investisseurs notamment les insiders qui sont principalement des dirigeants de socit spculant sur leurs propres titres disposent dune information prive qui nest pas reflte dans les prix, dbouchant sur la ralisation de profits anormaux. Selon Fama [1970], ces deux tudes tmoignent dune inefficience au sens fort du march. Ltude de Jaffe [1974] concerne la spculation des insiders. Il montre, dune part, que les insiders disposent dinformations prives non refltes dans les cours et, dautre part, quils peuvent raliser des profits anormaux, ce qui lamne conclure en termes dinefficience au sens fort. En utilisant la mthode des rsidus (mthode CAR), Jaffe [1974] montre en outre que le march ne ragit que trs lentement lannonce doprations dinsiders. Les outsiders peuvent alors tirer profit de linformation publique concernant ces oprations dinsiders, ce qui constitue une remise en cause supplmentaire de lefficience (ici au sens semi-fort). La ralisation de profits anormaux Selon Malkiel [2003], les tests visant tudier la capacit des investisseurs professionnels battre le march sont les tests les plus directs et les plus convaincants de lhypothse defficience. Ltude majeure dans ce domaine est celle de Jensen [1968, 1969] portant sur les gestionnaires de fonds communs. Cette analyse a pour objet de dterminer si ceux-ci ont accs une information spcifique leur permettant de raliser des gains anormaux. Ltude montre que, sur 115 fon