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l'empire romain et le christianisme

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Sur la couverture :

Cliché Boudot-Lamot te .

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claude lepelley chargé d'enseignement à la faculté des lettres et sciences humaines d'amiens

l'empire romain et le christianisme

questions d'histoire collection

dirigée par marc ferro

flammarion

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I g 1 9 6 9 , FLAMMARION.

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CHRONOLOGIE

63 av. J.-C. Pompée impose à la Palestine le pro- tectorat romain.

27 av. J.-C. Auguste organise le régime du Principat. 7 ap. J.-C. Dix ans après la mort d'Hérode le

Grand, la Judée est annexée à l'em- pire romain.

14 Mort d'Auguste. Principat de Tibère. Vers 28-30 Prédication de Jésus. 37 Caligula empereur. Vers 38 Conversion de Paul. 41 Claude empereur. 49 Concile de Jérusalem : les païens

devenus chrétiens sont dispensés des pratiques juives.

50 Claude expulsede Rome les Juifs qui s'agitent au sujet de « Chrestus ».

54 Néron empereur. 58 Arrestation de Paul à Jérusalem. Il

est transféré à Rome. 64 Martyrs à Rome, à la suite de l'incen-

die de la Ville. Parmi eux, Pierre et Paul, à une date qui n'est pas connue avec précision.

66 Révolte de la Judée. 68 Assassinat de Néron et guerre civile. 69 Vespasien empereur.

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70 Prise et destruction de Jérusalem par le César Titus.

79 Titus empereur. 81-96 Sous le règne de Domitien, des mises

à mort de chrétiens sont décidées. La violence anti-romaine de l'Apocalypse en est la conséquence.

98 Trajan empereur. I I I Correspondance de Pline le Jeune, gou-

verneur de Pont-Bithynie et de Trajan, fixant la procédure des procès pour délit de christianisme. Sous Trajan, martyre de saint Ignace d'Antioche.

117-138 Hadrien empereur. 138-161 Antonin empereur. 161-180 Sous le règne de Marc-Aurèle, les

exécutions de chrétiens sont plus nombreuses.

Entre 163 et 167 Martyre de saint Justin à Rome. Entre 161 et 169 Martyre de saint Polycarpe à Smyrne. 177 Martyre des chrétiens de Lyon. 180-192 Commode empereur. 193-211 Septime-Sévère empereur. 197 Apologétique de Tertullien ; dans les

mêmes années, rédaction de la Lettre à Diognète. Sous Septime-Sévère, l'attitude impé- riale se durcit ; en 202, un édit interdit tout prosélytisme juif et chrétien. La persécution sévit en Afrique (mar- tyre de Félicité et de Perpétue à Car- thage), en Egypte, en Gaule (martyre de saint Irénée). A cette époque, l'école chrétienne d'Alexandrie élabore la première grande synthèse de la doctrine chré- tienne et de la pensée antique. Pan- tène y enseigne de 180 à 199. Clément de 193 à 202, Origène de 203 à 231.

211-235 Les successeurs de Septime-Sévère abandonnent la politique anti-chré- tienne violente.

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235-250 Sauf quelques violences sous Maximin (235-238), les premiers empereurs militaires de l'époque de la grande crise pratiquent une politique de tolérance. L'empereur Philippe l'A- rabe (244-249) semble même favo- rable aux chrétiens.

250 Edit de l'empereur Dèce obligeant tous les citoyens à sacrifier aux dieux de l'Empire. Persécution violente mais brève; martyre du pape saint Fabien à Rome; nombreux reniements.

257 Premier édit de Valérien contre le christianisme; interdiction sous peine de mort du culte chrétien; exil des clercs qui refusent de sacrifier aux dieux de l'Empire.

258 Second édit, ordonnant la mise à mort des évêques, des sénateurs et des chevaliers qui persisteront dans la foi chrétienne et la confiscation des biens des condamnés et des églises; mar- tyres de saint Cyprien à Carthage et de saint Sixte II à Rome.

259 Valérien captif des Perses. 260 Gallien, fils de Valérien, revient à la

politique de tolérance, qui sera, dans l'ensemble, suivie jusqu'à la fin du 111e siècle.

284-305 Règne de Dioclétien ; à partir de 293, Tétrarchie.

302 Poussé par le César Galère, Dioclé- tien fait épurer le palais impérial et l'armée des éléments chrétiens.

303-304 Quatre édits de persécution sont publiés. Ordre de détruire tous les édifices du culte chrétien, de destituer les chrétiens occupant des charges pu- bliques, puis ordre, sous peine de mort, à tous les habitants de l'Empire, de sacrifier aux dieux romains. En Occi- dent, cette persécution cesse dès 305.

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305 Abdication de Dioclétien. Galère, promu Auguste, continue la persécu- tion en Orient où les victimes sont nombreuses.

311 Edit de tolérance de Galère, qui reconnaît le christianisme comme religion licite.

312 Constantin, vainqueur au Pont-Milvius, domine l'Occident.

313 Fin totale de la persécution en Orient. Lettre de Licinius, empereur qui gouverne l'Orient, aux gouverneurs de province, faisant état de l'accord survenu entre lui-même et Constantin sur la liberté à donner aux chrétiens et sur la restitution des édifices et des biens chrétiens (texte appelé tradi- tionnellement « édit de Milan »).

325 Concile de Nicée, convoqué et présidé par Constantin.

330 Inauguration de la nouvelle capitale, Constantinople.

337 Baptême et mort de Constantin. 337-361 L'empereur Constance (seul empe-

reur à partir de 351) favorise l'aria- nisme.

361-363 Règne de Julien l'Apostat : réaction païenne.

379 Avènement de Théodose en Orient. 380 Théodose, empereur orthodoxe publie

un édit contre l'arianisme. 381 Théodose convoque à Constanti-

nople le second concile œcuménique. 391 Lois de Théodose contre le paga-

nisme : le culte public païen est inter- dit, les temples fermés ou détruits. Le christianisme orthodoxe est devenu religion d'état.

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PREMIÈRE PARTIE : Les faits et les problèmes.

INTRODUCTION

Deux images contradictoires se présentent à l'esprit de qui évoque les rapports de l'Empire romain et de la reli- gion chrétienne. La première est celle de l'amphithéâtre, où des chrétiens furent barbarement exécutés, sur l'ordre de l'autorité romaine et à l'instigation de la populace païenne qui assistait avec joie à leur supplice. La seconde image est celle des vastes et riches basiliques, décorées de mosaïques, que Constantin et ses successeurs firent bâtir pour le culte nouveau, désormais comblé des faveurs impériales.

En effet, les chrétiens furent d'abord considérés comme un élément subversif et délétère, irréductible à l'ordre romain. Pour le peuple, ils étaient, par leur impiété et leur « athéisme ), la cause des malheurs publics; pour les autorités, leur loyalisme était des plus suspects : leur refus du culte des entités sacrées Rome et Auguste, la cité et l'empereur divinisés, en était la preuve. Tacite les accusait d'être « les ennemis du genre humain », c'est-à- dire de se tenir à l'écart de la société et de ne pas parti- ciper à la vie des cités. Eux-mêmes n'affirmaient-ils pas que leur cité était dans le ciel ? Ils se considéraient dans la cité terrestre comme des étrangers domiciliés, et cer- tains, même, attaquaient vigoureusement Rome et les puissances de ce monde, qu'ils jugeaient être le domaine du diable, promis à une destruction proche et radicale.

Tout changea au IVe siècle. Quelques dix ans après le

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début de la plus longue, de la plus systématique, de la plus sanglante des persécutions, celle de Dioclétien, Constantin inaugura une période qui vit l'Etat romain multiplier les faveurs envers les églises et, à la fin du siècle, faire du christianisme la religion officielle de l'Empire. De leur côté, les autorités chrétiennes accom- plirent alors un ralliement rapide et quasi total, et se firent les défenseurs de la romanité contre ses ennemis de l'intérieur et de l'extérieur.

Ces deux types successifs de rapports posent l'un et l'autre de difficiles problèmes à l'historien : le conflit, car Rome tolérait, par ailleurs, d'innombrables cultes et ne manifestait nul exclusivisme; la conciliation, au IVe siècle, par sa rapidité et son caractère révolutionnaire. Nous voudrions montrer la complexité des rapports de Rome et du christianisme, dès les origines de celui-ci, et souligner que l'aspect conflictuel ne fut pas la seule com- posante de ces relations. Albert Mathiez écrivait, à propos de la révolution française, que les véritables révolutions « cheminent longtemps invisibles avant d'éclater au grand jour ». Avant lui, Tocqueville avait montré que les grands bouleversements dus à ladite révolution plongeaient leurs racines loin dans l'Ancien Régime. Nous examinerons si une analyse de ce type peut s'appliquer à la révolution constantinienne.

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CHAPITRE PREMIER

LES ORIGINES DU CONFLIT

I. L'UNIVERS RELIGIEUX PAÏEN

La vie religieuse dans le monde romain au temps de l'apparition du christianisme se caractérisait par une diver- sité presque infinie, à l'image de celle des peuples mul- tiples et disparates qui composaient l'Empire. Aux dieux latins et aux dieux grecs, il fallait ajouter ceux des pan- théons celtique, phénicien, égyptien et autres. Chaque cité, chaque ethnie, possédait ses dieux propres. Les rites, les théologies, les organisations sacerdotales étaient mul- tiformes. Les religions orientales à mystères, supposant une initiation visant à assurer le salut personnel du myste, différaient fort des cultes civiques ouverts à tous les membres d'une cité, mais les uns et les autres se super- posaient à un vieux fond animiste, toujours très vivant chez les paysans, soucieux de se Concilier les forces magiques qui assuraient la croissance des récoltes et la vie des troupeaux.

Ce foisonnement de cultes et de rites n'amenait cepen- dant nul affrontement. L'autorité romaine manifestait la plus large tolérance, quitte à contrôler parfois les aspects un peu troubles de certaines sectes orientales. Les rai- sons de cette tolérance étaient simples. Fondamentale- ment, elle procédait du fait que les adeptes de ces cultes disparates étaient tous d'accord sur certains points essen- tiels. Le premier de ces points était que chaque groupe

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humain, famille, ethnie, cité, région, possédait ses dieux tutélaires, différents de ceux des autres collectivités, et que les intéressés pouvaient et devaient, sous peine d'impiété, les honorer. Le second point d'accord était que le divin était répandu partout, et que ces innombrables dieux ou forces divines devaient être adorés par le plus grand nombre de fidèles possible. Il était donc légitime, et même salutaire, qu'après avoir rendu aux dieux de sa famille et de sa cité l'hommage qui leur était dû, on ado- rât d'autres dieux, ou qu'on se fit initier aux mystères d'une divinité étrangère. Les cultes païens n'étaient pas exclusifs et, à Rome, le fidèle d'une divinité orientale, comme Isis ou Mithra, ne négligeait pas les dieux natio- naux.

Cette unité dans la diversité était renforcée par les progrès du syncrétisme. Depuis longtemps, on avait admis une équivalence entre les dieux latins et les dieux grecs, entre Jupiter e* Zeus par exemple. Cette tendance s'amplifia et, à l'époque impériale, de très nombreuses assimilations furent faites : ainsi, on assimila le Baal car- thaginois à Saturne et le Teutatès gaulois à Mars. Allant plus loin, des philosophes tentèrent une sorte de mono- théisme syncrétiste : les stoïciens (dans un sens pan- théiste), puis, au 111e siècle, les néoplatoniciens, voulurent montrer que les divers dieux étaient des aspects ou des visages d'une seule divinité. Cette interprétation, remar- quons-le bien, n'entraînait en aucune manière une mise en question de la légitimité des vieux cultes et des vieux rites.

Le dernier point d'accord entre les païens avait une grande importance politique : c'était que, pour tous, la religion était le garant du pacte social, le lien fondamental des groupes humains; l'impiété ne pouvait qu'entraîner des catastrophes, à cause de la colère des dieux offensés et de la désagrégation sociale qu'elle impliquait. Les épi- curiens, fort incrédules en matière religieuse, mettaient sous les termes de piété et de religion des notions morales profanes, guère différentes, au fond, de celles qu'y met- taient les stoïciens. Le détachement de ces philosophes à l'égard des croyances traditionnelles ne les amenait pas à récuser des rites qui exprimaient et réalisaient la cohé- sion de la société.