l'entreprenant en droit ohada
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Lâentreprenant en droit OHADADanielle Beatrice Ongono Bikoe
To cite this version:Danielle Beatrice Ongono Bikoe. Lâentreprenant en droit OHADA. Droit. UniversitĂ© PanthĂ©on-Sorbonne - Paris I, 2020. Français. ïżœNNT : 2020PA01D003ïżœ. ïżœtel-02943078ïżœ
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA
THESE EN VUE DE LâOBTENTION DâUN DOCTORAT EN DROIT PRIVE
Présentée et soutenue par : Danielle Béatrice ONGONO BIKOE
Directeur de thĂšse : François-Xavier LUCAS Professeur Ă lâEcole de droit de La Sorbonne (UniversitĂ© de Paris 1)
Membres du jury
M. Mamadou Ismaila KONATE Avocat Ă la Cour, Barreaux du Mali et de Paris
M. Sylvain Sorel KUATE TAMEGHE MaĂźtre de confĂ©rences Ă lâuniversitĂ© de YaoundĂ© 2 Soa, HDR
M. François-Xavier LUCAS Professeur Ă lâEcole de droit de La Sorbonne (UniversitĂ© de Paris 1)
M. Didier PORACCHIA Professeur Ă lâEcole de droit de La Sorbonne (UniversitĂ© de Paris 1)
M. Pascal RUBELLIN Maßtre de conférences à la faculté de droit de Poitiers, HDR
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | iii
DEDICACE
A Emmanuel, le FidĂšle et VĂ©ritable.
A nos enfants, Daniel et David Esdras KAMDOUM.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | iv
REMERCIEMENTS
Pour commencer, je tiens Ă remercier lâEternel qui mâa permis de faire cette thĂšse.
Il ne mâa pas abandonnĂ©e, et mâa secourue dans les temps difficiles. A lui soit toute la gloire.
Je remercie Ă©galement mon directeur, le Professeur François-Xavier LUCAS dâavoir
accepté de me diriger. Merci pour sa patience, ses conseils, ses encouragements.
Merci Ă mon Ă©poux, Alain Ledoux KAMDOUM, qui mâa encouragĂ©e Ă faire cette
thĂšse et qui me pousse toujours Ă aller plus loin. Merci pour lâaide quâil mâa apportĂ©e dans
la rĂ©alisation de ce travail et pour les sacrifices quâil a consentis durant toutes ces annĂ©es de
recherche. Cette thĂšse est la nĂŽtre !
Merci Ă Alain Pascal et Pascaline MBWENTOUM, mes frĂšres, mes amis, mes bien-
aimés qui ont été à mes cÎtés depuis le début de ce travail. Merci pour leur soutien, leurs
priĂšres, leur amour.
Merci à Daniel GINTZ, un ami cher. Merci pour TOUT. Je ne pourrais pas énumérer
tout ce quâil a fait pour moi durant ces longues annĂ©es dâĂ©tudes et les mots me manquent
pour lui exprimer ma gratitude. Tout simplement, je lui dis merci de tout cĆur.
Je ne terminerai pas sans exprimer ma reconnaissance Ă ces personnes dont le soutien
a énormément contribué à ce que cette thÚse soit réalisée. Je pense particuliÚrement à Samuel
et Sandy KWAK et aux bien-aimés de la communauté Foursquare de Cotonou et Porto Novo
au BĂ©nin.
A tous ceux qui, dâune maniĂšre ou dâune autre, mâont apportĂ© leur soutien pendant
ces années de recherche, je dis un grand merci.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | v
LISTE DES ABRĂVIATIONS
Art. : Article
AUDCG : Acte uniforme portant sur le Droit
commercial général
AUDCIF : Acte uniforme relatif au droit
comptable et Ă lâinformation financiĂšre
AUPCAP : Acte uniforme portant organisation
des procĂ©dures collectives dâapurement du passif
AUSCGIE : Acte uniforme relatif au droit des
sociĂ©tĂ©s commerciales et du groupement dâintĂ©rĂȘt
Ă©conomique
BEP : Brevet dâEtudes Professionnelles
C. com. : Code de commerce
CA : Chiffre dâaffaires
CAP : Certificat dâaptitude Professionnelle
Cass. Com. : Cour de Cassation Chambre
Commerciale
CCJA : Cour Commune de Justice et dâArbitrage
CDE : Centre de DĂ©veloppement de lâEntreprise
CEFORE : Centre de Formalités des Entreprises
au Burkina Faso
CEMAC : Communauté Economique et
MonĂ©taire de lâAfrique Centrale
CFCE : Centre de formalité de Création des
Entreprises
CFE : Centre de Formalités des Entreprises
CGI : Code Général des ImpÎts
CIPAV : Caisse Interprofessionnelle de
PrĂ©voyance et dâAssurance Vieillesse
CJCE : Cour de Justice des Communautés
Européennes
CJUE : Cour de Justice de lâUnion EuropĂ©enne
CNPS : Caisse Nationale de Prévoyance Sociale
CNPS : Caisse Nationale de Prévoyance Sociale
CNSS : Caisse nationale de sécurité sociale
CREDIJ : Centre de recherche et dâĂ©tudes en
Droit et Institutions judiciaires en Afrique
DGI : Direction générale des impÎts
DNI : DĂ©claration notariĂ©e dâinsaisissabilitĂ©
EI2P : Entrepreneur individuel Ă deux patrimoines
et deux personnalités
EIRL : Entrepreneur Individuel à Responsabilité
Limitée
ERSUMA : Ecole régionale supérieure de la
magistrature
Ets : Etablissement
EUE : Editions universitaires européennes
EURL : Entreprise Unipersonnelle Ă
Responsabilité Limitée
FCFA : Franc de la Coopération FinanciÚre en
Afrique Centrale ou Communauté FinanciÚre
Africaine (dans les Etats dâAfrique de lâOuest)
FMI : Fonds Monétaire International
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | vi
GUFE : Guichet Unique de Formalisation des
Entreprises
Ibid. : Ibidem (mĂȘme endroit)
IREEP : Institut de Recherche Empirique en
Economie Politique
JCP : Juris-Classeur périodique
Jgt : Jugement
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
LME : Loi de modernisation de lâĂ©conomie
MINPMEESA : MinistĂšre des Petites et
Moyennes Entreprises de lâEconomie Sociale et de
lâArtisanat
MPE : Micro et petites entreprises
MSA : Mutualité Sociale Agricole
NIU : NumĂ©ro dâidentifiant Unique
OECD : Organisation de Coopération et de
DĂ©veloppement Economique
OHADA : Organisation pour lâHarmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
OIT : Organisation Internationale du Travail
Op. cit. : opus citatum (Ćuvre citĂ©e ou ouvrage
cité)
PME : Petites et Moyennes Entreprises
PUA : Presses Universitaires dâAfrique
RCA : RĂ©publique centrafricaine
RCCM : Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier
RCDA : Revue congolaise de droit et des affaires
RCS : Registre du Commerce et des Sociétés
RDC : République démocratique du Congo
RJPF : Revue juridique personnes et famille
RM : RĂ©pertoire des MĂ©tiers
RRJ Droit prospectif : Revue de la Recherche
Juridique Droit prospectif
RSI : Régime social des indépendants
RTD Com. : Revue Trimestrielle de Droit
Commercial
SCS : Société en commandite simple
SIREN : SystĂšme dâIdentification du RĂ©pertoire
des Entreprises
SIRET : SystĂšme dâIdentification du RĂ©pertoire
des Etablissements
SMT : SystÚme Minimal de Trésorerie
SNC : Société en nom collectif
SSI : Sécurité sociale des indépendants
TGI : Tribunal de Grande Instance
TPE : TrĂšs Petites Entreprises
TPI : Tribunal de PremiĂšre Instance
TPS : Taxe professionnelle synthétique
TRHC : Tribunal RĂ©gional Hors Classe
TVA : Taxe Sur la Valeur Ajoutée
UNESCO : United Nations Educational Scientific
and Cultural Organization
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | vii
SOMMAIRE
PREMIĂRE PARTIE. LâACCES AU STATUT DâENTREPRENANT
TITRE 1. LâEXISTENCE DES CRITERES DâĂLIGIBILITĂ
Chapitre 1. Les critĂšres dâĂ©ligibilitĂ© liĂ©s au demandeur du statut Chapitre 2. Des critĂšres liĂ©s Ă lâactivitĂ© Ă exercer
TITRE 2. LâACCOMPLISSEMENT DE FORMALITES
Chapitre 1. Lâaccomplissement de la dĂ©claration dâactivitĂ© en vue dâacquĂ©rir le statut Chapitre 2. Lâaccomplissement de formalitĂ©s diverses en cas dâabandon du statut
DEUXIEME PARTIE. LES REGLES GOUVERNANT LE STATUT
DâENTREPRENANT
TITRE 1. LES REGLES DU DROIT COMMUNAUTAIRE
Chapitre 1. Les rĂšgles liĂ©es au statut dâentreprenant Chapitre 2. Les rĂšgles communes aux entrepreneurs en cas de procĂ©dures collectives
TITRE 2. LES REGLES DU DROIT NATIONAL
Chapitre 1. Les rĂšgles du droit fiscal Chapitre 2. Les rĂšgles du droit social
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 1
INTRODUCTION GĂNĂRALE
1. « Le droit OHADA de la premiÚre génération a été en grande partie un droit
dâapplication limitĂ©e aux investissements Ă©trangers et au secteur formel. TrĂšs vite, sâest
posée la question des investissements locaux et du secteur informel. Il faut adapter le droit
OHADA à cette donnée significative de la réalité économique des pays membres »1. Cette
affirmation du professeur Paul-GĂ©rard POUGOUE a toute sa place dans cette Ă©tude
consacrĂ©e Ă lâentreprenant dont le statut a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par lâOrganisation pour lâHarmonisation
en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) lors de la révision de son Acte uniforme portant
sur le droit commercial général (AUDCG) le 10 décembre 2010.
2. Câest en sâinspirant du statut de lâauto-entrepreneur2 français que le lĂ©gislateur
communautaire a mis sur pied celui de lâentreprenant. Cependant, il importe de faire une
prĂ©cision importante. C'est quâĂ la diffĂ©rence du micro-entrepreneur français, le statut de
lâentreprenant nâa pas (dâabord) pour but dâinciter plus de monde Ă entreprendre. Il
sâadresse, en premier plan, Ă des personnes qui sont dĂ©jĂ en activitĂ©, et plus prĂ©cisĂ©ment aux
opĂ©rateurs du secteur informel. Pour prĂ©senter lâobjectif principal qui a justifiĂ© son adoption,
Lionel YONDO BLACK affirmait quâil a Ă©tĂ© mis sur pied afin de « faciliter le passage des
opérateurs du secteur informel vers le secteur formel et, par contrecoup, réduire
progressivement la taille des circuits Ă©conomiques dits de survie » 3. Câest donc pour lutter
contre lâinformalitĂ© qui gangrĂšne lâĂ©conomie de ses Etats membres que lâOHADA a crĂ©Ă© le
statut de lâentreprenant. GrĂące celui-ci, il espĂšre inciter les entrepreneurs qui Ă©voluent en
marge du cadre réglementaire à se formaliser.
1 P.-G. POUGOUE, « Les quatre piliers cardinaux de la sagesse du droit OHADA », in Les horizons du droit
OHADA. M la ges e lâho eu du P ofesseu Filiga Mi hel SAWADOGO, CREDIJ, 2018, p. 399.
2 Devenu le micro-entrepreneur e lo s de lâe t e en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014
relative Ă l'artisanat, au commerce et aux trĂšs petites entreprises.
3 L. YONDO BLACK, « Les enjeux de la réforme : une volonté de favoriser la création d'entreprises, les
échanges commerciaux et la confiance dans la zone OHADA », in Droit et Patrimoine, (mars 2011), n°201,
p.45.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 2
Pour que cette finalitĂ© soit atteinte, le nouveau statut se doit dâintĂ©resser tous les
opĂ©rateurs, quelles que soit la nature de leurs activitĂ©s. A lâarticle 30 de lâAUDCG,
lâentreprenant est prĂ©sentĂ© comme un entrepreneur individuel qui exerce une activitĂ©
professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole. Le statut est donc ouvert Ă ceux
qui exercent une activitĂ© commerciale autant quâĂ ceux qui exercent une activitĂ© civile. En
cela, il se distingue du statut commerçant qui Ă©tait, jusquâavant la rĂ©vision de 2010, le seul
acteur dont les activitĂ©s Ă©taient encadrĂ©es par les dispositions de lâAUDCG. On reprochait
alors aux rĂšgles de lâOHADA de ne pas ĂȘtre adaptĂ©es aux opĂ©rateurs du secteur informel4.
Non seulement, elles concernaient essentiellement les activités commerciales, mais elles
étaient jugées trop contraignantes pour de trÚs petits entrepreneurs. Le statut de
lâentreprenant est censĂ© apporter Ă ces derniers des facilitĂ©s qui leur permettront de se
formaliser.
3. Lâune des ambitions majeures de la rĂ©vision de lâAUDCG en 2010 Ă©tait de rĂ©soudre
les difficultés et les contraintes pratiques qui compromettent la formalisation des
transactions, et par conséquent la sécurisation du monde des affaires5. Par le biais du statut
de lâentreprenant, le lĂ©gislateur offre aux entrepreneurs qui disposent de faibles moyens
financiers, la possibilité de se régulariser rapidement et avec facilité. Il « ⊠a été conçu afin
de stimuler la crĂ©ation sans complications ni tracasseries d'entreprises »6. Dans le mĂȘme
ordre dâidĂ©es, Cheikh Abdou Wakhab NDIAYE, affirmait que « par un allĂšgement des
conditions dâaccĂšs, la loi offre ainsi le statut dâentreprenant aux professionnels afin quâils
quittent la prĂ©caritĂ© dâune activitĂ© non dĂ©clarĂ©e pour entrer dans le circuit Ă©conomique
officiel »7Par ailleurs, le législateur entend également accorder à ceux qui opteraient pour le
statut de lâentreprenant un certain nombre de prĂ©rogatives, visant Ă allĂ©ger leurs obligations,
notamment sur les plans comptable, fiscal et social. En leur faisant miroiter ces avantages,
le lĂ©gislateur espĂšre convaincre un grand nombre dâopĂ©rateurs de sortir de lâinformalitĂ©.
4 S. KWEMO et P. DELEBECQUE, LâOHADA et le se teur informelâŻ: lâe e ple du Ca e ou , Bruxelles, Ed.
Larcier, 2012, p. 44, n° 64 ; E. SANGO KABONGA, « Lâi stitutio de lâe t ep e a t : une maĂźtrise du secteur
informel en RDC ? », p. 13, Ohadata D-17-03.
5 âu ette uestio , oi : A. CISSE, « Le nouvel Ă©lan du droit OHADA », in Droit et Patrimoine, (mars 2011),
n°201, p. 47.
6 L.YONDO BLACK, ibid.
7 C.A.W.NDIAYE, Droit des entreprises individuelles, LâHa atta -SĂ©nĂ©gal, 2018.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 3
4. Bien que ce ne soit pas sa vocation premiĂšre, le statut de lâentreprenant pourra
intéresser de nouveaux entrepreneurs, autrement dit les personnes qui souhaitent débuter
une activité entrepreneuriale. Comme le disait Félix ONANA ETOUNDI, il pourra
« âŠpermettre aux gens qui entendent se lancer dans les affaires d'effectuer en quelque sorte
un essai (âŠ) de ne poursuivre l'exploitation de celle-ci que dans l'hypothĂšse oĂč un minimum
de certitude est acquis au sujet de sa prospérité... »8. Pour cette catégorie de personnes, ce
serait le moyen de commencer une activité avec beaucoup de facilités et sans courir trop de
risques. Pour certains ce serait la formule idéale pour tester une idée ou développer une
activité secondaire qui les passionne sans avoir à faire de gros investissements (en termes
dâargent, de temps, dâĂ©nergie, etc.). Pour dâautres, porteurs de projets plus sĂ©rieux et animĂ©s
dâune forte ambition entrepreneuriale, le statut pourrait servir de tremplin.
5. Ainsi succinctement prĂ©sentĂ©, le statut de lâentreprenant semble ĂȘtre intĂ©ressant.
Cependant, pour mieux comprendre son rĂŽle dans le droit OHADA, il est important dâavoir
une idĂ©e de ce quâest le secteur informel dans les Etats membres de ladite Organisation. En
effet, lâintĂ©rĂȘt dâun objet ne peut sâapprĂ©cier quâen fonction de son aptitude Ă atteindre les
buts pour lesquels il a été créé, de sa capacité à satisfaire les besoins qui ont justifié son
adoption.
I- PrĂ©sentation du secteur informel dans les pays de lâOHADA
a) Ampleur et dĂ©finition du secteur informel dans les pays de lâOHADA
6. De maniÚre générale, le secteur informel occupe une place prépondérante dans
lâĂ©conomie des pays en dĂ©veloppement9. Dans les Etats membres de lâOHADA, environ
75% des activités économiques sont informelles et prÚs de 90 % des emplois y proviennent.
Ces statistiques expliquent pourquoi ce secteur retient lâattention des pouvoirs publics
africains depuis plusieurs dĂ©cennies. Câest en effet dans les annĂ©es 1970 que le phĂ©nomĂšne
a commencĂ© Ă susciter de lâintĂ©rĂȘt chez des chercheurs en Afrique. Bien que de nombreuses
Ă©tudes y aient Ă©tĂ© consacrĂ©es, force est de constater que plus de quarante ans aprĂšs, câest une
8 Propos de Félix ONANA ETOUNDI dans la préface du livre des professeurs P.G. POUGOUE et S.S. KUATE
TAMEGHE, L'entreprenant OHADA, PUA, 2013, p. 5-6.
9 A. DEMENET, « Transitions entre les secteurs formel et informel en période de crise au Vietnam », in
Mondes en développement, vol. n° 166 (19 juin 2014), n° 2, p. 73.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 4
réalité qui reste difficile à cerner10. Pour exprimer cette difficulté, CHARMES et ADAIR
ont cité des auteurs qui, les uns à la suite des autres, ont comparé le secteur informel à des
animaux. Cet extrait de leur article sur le secteur informel est aussi surprenant que parlant :
« Hans Singer, l'un des pÚres du concept au début des années 1970, a comparé le secteur
informel Ă une girafe "difficile Ă dĂ©finir selon les normes habituelles, mais facile Ă
reconnaßtre quand vous en rencontrez une" (cité par Lubell, 1991). Ce n'est pas une girafe,
mais une licorne, il en existe de nombreuses définitions mais elle n'existe pas selon Lautier
(1990). La girafe est changée en éléphant (Mead and Morrisson, 1996) qui est trop grand
pour passer inaperçu ou pour que l'Ătat puisse en venir Ă bout par des mesures simples. On
pourrait aussi le comparer au caméléon, pour sa capacité à devenir invisible et se faufiler
Ă travers les mailles des rĂ©glementations. Mais, pour sĂ»r, ce n'est pas un dinosaure, il nâest
guÚre en danger d'extinction ! » 11 .
Câest au regard de ce caractĂšre fluctuant quâil nous semble indispensable de
dĂ©terminer ce quâest le secteur informel avant dâessayer de lui appliquer des solutions.
Jusquâici, les diverses formules qui ont Ă©tĂ© proposĂ©es pour rendre compte de ce quâil est,
ont du mal Ă faire lâunanimitĂ©. DâentrĂ©e de jeu, il est important de faire remarquer que la
plupart de ces dĂ©finitions ont Ă©tĂ© proposĂ©es Ă la suite dâĂ©tudes menĂ©es dans un milieu prĂ©cis.
Ces dĂ©finitions dĂ©pendent en quelque sorte du contexte dans lequel lâĂ©tude a Ă©tĂ© menĂ©e.
Elles peuvent donc varier dâun milieu Ă un autre, ou encore dâun auteur Ă un autre.
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le secteur informel est perçu comme lâensemble des activitĂ©s
à petite échelle, génératrices de faibles revenus qui sont menées hors du cadre réglementaire
officiel et qui utilisent ordinairement peu de capitaux, de technologie, de compétences et
offrant un emploi instable12. On mettra alors lâaccent sur divers critĂšres se rapportant
10 Beau oup dâauteu s sâa o de t Ă di e ue le "secteur informel" est une notion floue. Voir : G. REISACHER,
Le statut de lâe t ep e a t : e t e espoi et d sillusio dâu e te tative de fo alisatio de lâ o o ie e zo e
OHADA, mémoire de Master, Université Paris 1, 2013-2014.
11 J. CHARMES et P. ADAIR, « Lâi o sta t a l o , ou o e t app he de lâi fo elâŻ? », in Mondes en
développement, vol. n° 166 (19 juin 2014), n° 2, p. 7.
12 Sur cette définition du Bureau International du Travail (BIT) en 2011, voir M.-C. CHALUS-SAUVANNET et F.
NOGUERA, « Ătude e pi i ue au sei dâu e e t ep ise su saha ie e », in Revue française de gestion, n°
204 (23 juillet 2010), vol. n° 5, p. 18 ; O. A. AKINBOADE., « Les femmes, la pauvreté et le commerce informel
en Afrique orientale et australe », in Revue internationale des sciences sociales, vol. n° 184 (2005), n° 2, p.
284.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 5
notamment Ă la taille des unitĂ©s de production informelles, Ă la faiblesse des capitaux quâon
y affecte et des revenus quâon en tire, Ă leur mode de gestion et Ă leur absence
dâenregistrement.
En ce qui concerne la taille et les revenus, il est reconnu que la majorité des
entreprises qui relĂšvent du secteur informel sont de trĂšs petite taille et pratiquent des
activités de subsistance13.
Au sujet de leur mode de gestion, il a été remarqué que la plupart des activités du
secteur informel ne sont pas structurĂ©es ou ont une organisation qui nâobĂ©it pas aux rĂšgles
habituelles issues de la loi ou des usages. Par exemple, elles ne tiennent pas de comptabilité
Ă©crite ou formelle14.
Quant Ă lâenregistrement, il est admis que les activitĂ©s qui relĂšvent du secteur
informel sont celles qui nâont pas officiellement Ă©tĂ© enregistrĂ©es conformĂ©ment aux
exigences lĂ©gales. Le professeur MUBAKE dit quâil sâagit dâactivitĂ©s « âŠqui Ă©chappent
aux circuits officiels ou qui ne sont pas saisies par les statistiques officielles » et il les
qualifiait dâĂ©conomie souterraine15. Cependant, dire quâelles nâont pas dâexistence
officielle, ne signifie pas forcément que les pouvoirs publics ignorent leur existence.
Nombreuses sont les unités de productions qui exercent à la vue des pouvoirs publics16.
Quelques-unes ont un local ou un emplacement qui permet de les localiser, dâautres sont
enregistrĂ©es auprĂšs de lâAdministration fiscale et paient des impĂŽts. Toutefois, elles ne
seront pas considĂ©rĂ©es comme ayant une existence officielle tant quâelles nâauront pas
accompli les formalités spécifiques que la loi prescrit à cet effet17. En effet, dans chaque
13 E. M. KOUMBA., « Les e jeu de lâe te sio de lâA te u ifo e elatif au p o du es olle ti es
dâapu e e t du passif au e t ep ises i fo elles af i ai es : enjeux juridiques et Ă©conomiques », in Revue
de lâERSUMA, (juin 2012), n° 1, p. 160.
14 Câest e ue pe se Mireille RAZAFINDRAKOTO. Propos recueillis lors de la ConfĂ©rence iD4D â Quelles
politiques pour le secteur informel ?, te ue e a il Ă lâAFD, .afd.f 15DĂ©finition extraite de son article « Economie souterraine et secteur informel au ZaĂŻre : caractĂ©ristiques et
fonctions », Zaïre-Afrique, n° 188 (1994), p. 7, et citée par E. M. KOUMBA, op. cit, p. 160.
16 Par conséquent elles ne sont pas forcément illégales. Le secteur informel ou économie souterraine ne doit
pas ĂȘtre confondue Ă une Ă©conomie illĂ©gale. Cette derniĂšre expression renvoie plutĂŽt aux activitĂ©s qui sont
prohibées par la loi.
17 Câest juste e t pa e uâelles âo t pas a o pli les fo alitĂ©s ui leu pe ette t dâe iste
offi ielle e t uâo a du al Ă recenser ces unitĂ©s de production. Elles e iste t da s lâo e.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 6
pays la crĂ©ation dâentreprises obĂ©it Ă des procĂ©dures spĂ©cifiques qui peuvent varier en
fonction de la nature de lâactivitĂ© exercĂ©e. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il sâagit dâaccomplir une
ou plusieurs formalitĂ©s prĂ©cises Ă lâissue desquelles lâacte de naissance de lâunitĂ© de
production est dĂ©livrĂ©. Ce nâest quâaprĂšs avoir effectuĂ© ces formalitĂ©s que lâunitĂ© de
production est réputée officiellement exister. Il ne suffit pas aux entrepreneurs de se faire
enregistrer auprĂšs de nâimporte quelle Administration dâun Etat pour prĂ©tendre exister
officiellement. Il faudrait surtout se faire enregistrer auprĂšs de la bonne Administration.
7. Tous ces diffĂ©rents critĂšres ne permettent pas toujours dâidentifier les activitĂ©s
informelles car, dans le secteur informel, de nombreuses entreprises présentent des critÚres
diffĂ©rents, voire mĂȘme opposĂ©s Ă ceux Ă©numĂ©rĂ©s ci-dessus. Certaines activitĂ©s ont une taille
imposante et font partie de ce quâon a qualifiĂ© de "gros informel". La plupart du temps, elles
adoptent un mode de gestion moderne. Elles sont bien structurées et tiennent une
comptabilité réguliÚre. Le caractÚre informel de ces entreprises est dû à leur absence
dâenregistrement. Ce contraste avec les critĂšres prĂ©sentĂ©s plus haut montre combien il peut
ĂȘtre difficile dâapprĂ©hender le secteur informel. Or, pour efficacement appliquer et lĂ©gifĂ©rer
sur le secteur informel, il faut pouvoir identifier les entreprises qui relĂšvent de ce secteur et
cela ne sera possible que si lâon dĂ©cĂšle le ou les critĂšres que ces unitĂ©s de production ont en
commun.
8. Jusquâici, lâabsence dâenregistrement semble ĂȘtre le seul critĂšre que les diffĂ©rentes
unitĂ©s dĂ©crites ci-dessus ont en commun. Câest Ă©galement le critĂšre qui semble faire
lâunanimitĂ© entre les auteurs. Quel que soit le milieu de lâĂ©tude sur le secteur informel, celui-
ci est prĂ©sentĂ© comme lâensemble des activitĂ©s qui sont non-dĂ©clarĂ©es et Ă©chappent au
contrĂŽle des pouvoirs publics. Quâelles soient grandes ou petites, bien ou mal structurĂ©es,
quâelles tiennent une comptabilitĂ© ou non, paient des impĂŽts ou non, ces entreprises sont
menées en marge du systÚme et des procédures en vigueur, en dehors du cadre réglementaire
Ă©tabli.
9. Pour nous, dans le cadre de ce travail, câest ce seul critĂšre que nous retiendrons. Nous
qualifierons dâopĂ©rateurs du secteur informel, tous les entrepreneurs qui exercent une
activitĂ© civile ou commerciale sans avoir accompli la ou les formalitĂ©s dâenregistrement
spécifiques prescrites par la loi encadrant leur(s) activité(s). En matiÚre commerciale, il
sâagit des personnes qui ne se sont pas fait immatriculer au RCCM ; en matiĂšre civile, il
sâagit des personnes qui nâont pas accompli, auprĂšs de lâAdministration compĂ©tente, les
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formalitĂ©s spĂ©cifiques prĂ©vues par la loi encadrant lâactivitĂ© exercĂ©e. LâinformalitĂ© qui
caractérise ces entrepreneurs fait fi de la taille de leur entreprise, de leur mode de gestion,
du fait quâils paient ou non des impĂŽts, quâils tiennent une comptabilitĂ© ou non. Lâunique
critĂšre qui importe pour nous, câest le fait pour ces entreprises de nâavoir pas fait lâobjet
dâune dĂ©claration ou dâun enregistrement conformĂ©ment aux exigences de la loi. Ce sont
des entreprises qui se dĂ©veloppent en marge du cadre officiel et qui, par consĂ©quent, nâont
pas dâexistence sur le plan juridique.
Cette dĂ©finition a lâavantage dâĂȘtre simple et semble correspondre Ă ce que
lâOHADA a considĂ©rĂ© jusquâici comme des entrepreneurs de fait. Elle permettrait
dâidentifier assez facilement les acteurs du secteur informel.
b) Les acteurs du secteur informel
10. Parler des acteurs du secteur informel revient à présenter ceux qui exercent dans ce
milieu composĂ© dâune population assez variĂ©e et Ă©tonnante. On y retrouve des activitĂ©s de
toutes natures menées par des personnes de tous les ùges, des employeurs et des employés,
des entreprises de petite taille et des entreprises de taille importante.
11. Des personnes de tous genres et de tous Ăąges. En ce qui concerne le genre et lâĂąge,
le secteur informel est celui qui offre des opportunités à tout le monde. On y retrouve un
nombre important de femmes18. Les jeunes sây engagent de plus en plus Ă cause de la
pauvreté et du chÎmage montant. Les mineurs non émancipés y trouvent également une
18 H. GHERBI, « Ca a t isti ues et d te i a ts de lâe ploi i fo el f i i e Alg ie. Le as de la Wila a
de Bejaia », in Mondes en développement, vol. n° 166 (19 juin 2014), n° 2, p. 45 ; C.J. NORDMAN et J.
VAILLANT, « E t ep e a iat i fo el et ge e Ă Madagas a âŻ: le ĂŽle des o es de solida it et des
responsabilités domestiques dans les écarts de performances », in Mondes en développement, vol. n° 166
(19 juin 2014), n° 2, p. 59 ; O.A. MENYE et F. SATEU, « Lâe t ep e eu iat f i i au Ca e ou âŻ: e jeu et
perspectives », in Revue Congolaise de Gestion, vol. n° 24 (2017), n° 2, p. 13 ; G. TCHOUASSI, N. NGWEN, H.T.
OUMBE et S. TEMFACK, « Connaissances entrepreneuriales des jeunes et des femmes et développement
Ă©conomique », in Revue i te atio ale des s ie es de lâo ga isatio , vol. n° 5 (24 juillet 2018), n° 1, p. 58;
L. ALEXANDRE , « Typologie des entrepreneurs, une approche par le genre », in Revue de lâE t ep e eu iat,
vol. 15 (20 décembre 2016), no 3, p. 110; O.A. AKINBOADE, « Les femmes, la pauvreté et le commerce
informel en Afrique orientale et australe », in Revue internationale des sciences sociales, vol. n° 184 (2005),
no 2, p. 285.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 8
place. Etant donnĂ© que la loi ne leur permet pas dâentreprendre, ces derniers nâont pas
dâautres choix que de le faire de maniĂšre informelle.
12. Des employeurs et des employés. En ce qui concerne le statut des personnes qui
travaillent dans lâinformel, on distingue Ă la fois travailleurs indĂ©pendants et travailleurs
salariĂ©s. GĂ©nĂ©ralement, quand il est question de ce secteur, on a tendance Ă ne penser quâĂ
ceux qui entreprennent. Pourtant, outre ceux qui entreprennent, le secteur informel
comprend beaucoup de travailleurs salariés. On y trouve des personnes qui y travaillent
exclusivement et des personnes qui, bien quâexerçant dans le secteur formel, y travaillent Ă
temps partiel pour complĂ©ter leurs revenus. Le secteur informel va donc ĂȘtre composĂ© de
ceux qui travaillent pour leur propre compte (les entrepreneurs) et de ceux qui travaillent
pour le compte dâautrui (les employĂ©s). Autant il existe des entreprises qui fonctionnent sans
avoir officiellement été enregistrées, autant on retrouve de nombreuses personnes qui
travaillent sans avoir Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es. Ces emplois non dĂ©clarĂ©s sont le fait dâentreprises
informelles et dâentreprises du secteur formel. En effet, les unitĂ©s de production du secteur
informel ne sont pas les seules Ă ne pas dĂ©clarer le personnel quâelles emploient. De
nombreuses entreprises du secteur formel dissimulent les emplois. Câest ce qui fait dire Ă
certaines personnes que lâinformalitĂ© se dĂ©cline de diffĂ©rentes maniĂšres ou se vit Ă des
niveaux diffĂ©rents. Une entreprise peut ĂȘtre totalement informelle lorsquâelle ne dĂ©clare ni
son activitĂ© ni son personnel, et quâelle ne respecte aucune des dispositions lĂ©gislatives et
rĂ©glementaires auxquelles elle est assujettie. Une autre ne peut ĂȘtre informelle quâen partie.
Câest le cas de lâentreprise qui, bien quâĂ©tant immatriculĂ©e, pratique la fraude fiscale ou ne
déclare pas tout son effectif19.
13. Des entreprises de petites et de grandes tailles. Au sujet de la taille, on assimile
gĂ©nĂ©ralement le secteur informel Ă lâĂ©conomie de subsistance. Certains croient que les
activitĂ©s qui y sont menĂ©es sont uniquement de petite, voire de trĂšs petite taille. MĂȘme sâil
est vrai que la plupart dâentre elles sont de dimension rĂ©duite, il ne faut pas ignorer quâon y
retrouve quelques-unes qui ont une taille importance. Benjamin MBAYE, ancien doyen de
la FacultĂ© des Sciences Ă©conomiques et de gestion de lâUniversitĂ© Cheick Anta Diop de
19 E.M. KOUMBA, « Les e jeu de lâe te sio de lâA te u ifo e elatif au procĂ©dures collectives
dâapu e e t du passif au e t ep ises i fo elles af i ai es : enjeux juridiques et Ă©conomiques », in Revue
de lâERSUMA, (juin 2012), n° 1, p. 160. Sur cette question, voir Ă©galement : « Chapit e . Lâ o o ie
i fo elle », i Etudes o o i ues de l'OCDE, ° , o , p. .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 9
Dakar, qualifie ces entreprises de taille importante de « gros informel » 20. Contrairement Ă
ce quâon pense, elles sont nombreuses (bien quâelles ne soient pas majoritaires) et rivalisent
avec celles du secteur formel. Ce sont elles qui constituent le « gros informel ».
14. Des commerçants et des non commerçants. MĂȘme si dans le secteur informel, la
plupart des activitĂ©s sont de nature commerciale, force est de constater quâon y retrouve
également des activités civiles, notamment celles qui relÚvent du domaine artisanal.
Beaucoup dâauteurs excluent du secteur informel les activitĂ©s agricoles et bien des
personnes pensent quâil est impossible dâexercer des activitĂ©s libĂ©rales de maniĂšre
informelle. Pourtant, force est de constater quâun bon nombre dâactivitĂ©s relevant de ces
deux domaines sont menĂ©es sans dĂ©claration officielle. Dans son article sur lâextension des
rĂšgles de lâAUPCAP aux activitĂ©s informelles, Mesmin KOUMBA affirmait quâon retrouve
dans le secteur informel des professions libĂ©rales Ă lâinstar de la clinique mĂ©dicale
moderne21.
15. LâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de la population du secteur informel peut se justifier par les diverses
raisons qui poussent les uns et les autres Ă sây engager.
c) Les motivations pour exercer dans le secteur informel
16. Les raisons qui poussent des entrepreneurs Ă exercer informellement sont diverses et
varient dâun acteur Ă un autre. DâaprĂšs CĂ©line NDONGO, elles « vont des stratĂ©gies de
survie au dĂ©sir dâindĂ©pendance, de lâespĂ©rance de gains Ă©levĂ©s Ă la perpĂ©tuation de
traditions artisanales »22. StĂ©phanie KWEMO constatait, lors de lâĂ©tude quâelle a menĂ©e sur
le secteur informel et lâOHADA, que les activitĂ©s informelles « apparaissent plus comme
un secteur de développement spontané des activités économiques des ménages que comme
20 Il lâoppose au « petit informel » ui est lâe se le des a ti it s e es pa les t s petits e t ep e eu s.
Article accessible via le lien : www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/ELEMENTS_COMMUNS/pdf/Conference-
iD4D-Secteur-Informel-synthĂšse.pdf. Sur la question du gros informel, voir Ă©galement : C. NDONGO, Le
nouveau visage de la prévention en Droit OHADA, ThÚse, Université de Paris 1, 2017, p. 43, n° 69.
21 E.M. KOUMBA, « Les e jeu de lâe te sio de lâA te u ifo e elatif au p o du es olle tives
dâapu e e t du passif au e t ep ises i fo elles af i ai es : enjeux juridiques et Ă©conomiques », in Revue
de lâERSUMA, (juin 2012), n° 1, p. 162.
22 C. NDONGO, Le nouveau visage de la prévention en Droit OHADA, op. cit., p. 43.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 10
procĂ©dant dâune stratĂ©gie de contournement de la lĂ©gislation en vigueur » 23. Sâappuyant
sur les rĂ©sultats dâune Ă©tude officielle menĂ©e au Cameroun en 2005, lâauteure montre que
33,9% des personnes qui exercent une activitĂ© dans le secteur informel ignorent quâil faut
sâenregistrer et que 42,7% croient que cet enregistrement nâest pas obligatoire. Câest au total
plus de 75% des entrepreneurs du secteur informel qui ignorent que lâexercice dâune activitĂ©
entrepreneuriale nĂ©cessite que lâon se fasse obligatoirement enregistrer. Cela signifie que,
contrairement Ă ce quâon pense gĂ©nĂ©ralement, la majoritĂ© de ceux qui entreprennent dans le
secteur informel ne sont pas dâabord animĂ©s de lâintention de se soustraire Ă la loi. Ce sont
des personnes qui, sans trop se questionner sur les exigences légales, sans trop réfléchir,
développent de maniÚre spontanée des activités susceptibles de leur générer des revenus.
Christel TESSIER DARGENT qualifie cette premiĂšre catĂ©gorie « dâentrepreneurs par
nĂ©cessitĂ© »24. En face dâeux, on retrouve aussi dans le secteur informel, une minoritĂ© de
personnes qui sâengagent dans le secteur informel de maniĂšre consciente, câest-Ă -dire
animĂ©es dâune volontĂ© dĂ©libĂ©rĂ©e dâĂ©chapper aux contraintes auxquelles sont confrontĂ©s ceux
qui veulent exercer formellement. Les motivations présentées par cette deuxiÚme catégorie
de personnes ont gĂ©nĂ©ralement trait aux moyens financiers, Ă lâAdministration et aux
obligations prescrites par la loi.
17. Des motivations dâordre financier. Le chĂŽmage25, la pauvretĂ©26 et le faible niveau
de revenus sont autant de raisons qui incitent un grand nombre de personnes Ă travailler dans
le secteur informel. Ce secteur offre des opportunités qui se font de plus en plus rares dans
le secteur formel (emplois, revenus suffisants). Ceux qui sâengagent dans la voie de
23 S. KWEMO et P. DELEBECQUE, LâOHADA et le se teu i fo elâŻ: lâe e ple du Ca e ou , Bruxelles, Ed.
Larcier, 2012, p. 133.
24 C. TESSIER DARGENT, Les entrepreneurs pa essit âŻ: dâu e di hoto ie si plifi at i e Ă u o ti uu
o ple eâŻ: d fi itio s et t pologie des e t ep e eu s pa cessit âŻ: tude de la di e sio effe tuale des
processus de création par nécessité, ThÚse, Université Grenoble Alpes, 2015, p. 10. Sur cette question, voir
Ă©galement : E. VIVANT, « Les jeunes diplĂŽmĂ©s auto-entrepreneursâŻ: e t e su o di atio , insertion et
indĂ©pendance. », in S ie es de lâHo e et de la So i t , (2014),
https://isidore.science/document/10670/1.15wlsg.
25 B. LAUTIER, « Secteur informel et emploi », op. cit., p.152.
26 A.S. FALL et O.S. SY, « Les économies domestiques ouest-africaines dans un contexte de mondialisation »,
in PrĂ©sence Africaine, vol. n° 167-168 (2003), no 1, p. 16 ; Y. PESQUEUX, « Lâ o o ie i fo elle, u e o e
«⯠au aise p ati ueâŻÂ»âŻ? », in Revue française de gestion, vol. n° 228-229 (2012), no 9, p. 218.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 11
lâinformalitĂ© sont, la plupart du temps, animĂ©s par lâintention de saisir les opportunitĂ©s27 qui
sây trouvent. Non seulement le secteur informel offre la possibilitĂ© de dĂ©velopper des
activités génératrices de revenus, mais il offre la possibilité de le faire avec des moyens
modestes. Beaucoup dâentrepreneurs dĂ©butent avec trĂšs peu. Le secteur informel est propice
Ă ce type dâentrepreneuriat. Ici, on peut dĂ©marrer une activitĂ© sans formalisme avec des
biens dont on se sert personnellement au quotidien. Une personne peut décider de se lancer
sans forcĂ©ment avoir rĂ©uni tout ce quâun entrepreneuriat formel et par consĂ©quent plus
sérieux nécessiterait, notamment en termes de local et de matériel professionnel. Elle peut
Ă©galement dĂ©marrer sans avoir Ă sâacquitter des frais quâengendrent certaines dĂ©marches
administratives permettant de formaliser les entreprises.
18. Des motivations dâordre administratif. Pour plusieurs entrepreneurs,
lâinvestissement dans le secteur informel, est un moyen de fuir les tracasseries que lâon
déplore dans les Administrations africaines. Dans ces derniÚres, les procédures sont
généralement longues et complexes. Les délais et tarifs officiels prescrits par la loi ne sont
pas respectés, le personnel est désagréable et corrompu. La plupart du temps, il faut verser
des pots de vin pour espérer obtenir un service qui est pourtant payant. Pour éviter de faire
face Ă toutes ces difficultĂ©s, beaucoup dâentrepreneurs prĂ©fĂšrent sâengager dans le secteur
informel. Décrivant bien cette situation, Guy ONAMBELE affirmait que « la corruption, la
fraude fiscale et douaniĂšre constituent aujourdâhui des maux qui gangrĂšnent
lâAdministration de lâEtat. Elles sont nourries par la lourde et asphyxiante pression fiscale
et parafiscale, les tracasseries administratives et policiĂšres, les contrĂŽles intempestifs (âŠ)
et ont pour effet de pousser plusieurs entreprises Ă se rĂ©fugier dans lâinformel⊠»28.
19. Des motivations liées aux obligations. Exercer dans le secteur informel procure une
certaine libertĂ©. Lâentrepreneur peut dĂ©cider de sâinstaller nâimporte quand, nâimporte oĂč et
comme il veut. Il est Ă©galement libre de suspendre ou dâarrĂȘter son activitĂ© quand et comme
il lâentend sans avoir Ă accomplir une quelconque formalitĂ©. Exercer clandestinement
27 M.K. de LETTENHOVE et A. LEMAITRE, « Micro-entreprises du secteur informel dans le Mono (Bénin) : vers
un approfondissement Ă t a e s u e app o he dâ o o ie populai e », in Mondes en dĂ©veloppement, vol.
n° 1 (2018), p. 11-25.
28 G. ONAMBELE, « Pe spe ti es pou lâe i hisse e t du Regist e du o e e et du dit o ilie e
RDC », in Les horizons du droit OHADA. M la ges e lâho eu du P ofesseur Filiga Michel SAWADOGO,
CREDIJ, 2018, p. 263â289.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 12
permet Ă beaucoup de personnes dâĂ©chapper aux nombreuses obligations que la loi prescrit,
en particulier sur les plans fiscal, comptable et social. Lâentrepreneur peut mener son activitĂ©
sans contrainte particuliĂšre. Il nâest pas obligĂ© de tenir une comptabilitĂ© et, lorsquâil en tient
une, celle-ci ne respecte pas les formes et autres exigences prescrites par la loi. Il peut
facilement se soustraire au paiement des diffĂ©rents impĂŽts et taxes et nâest obligĂ©, ni
dâimmatriculer les salariĂ©s quâil embauche, ni de se soumettre aux rĂšgles du droit du travail.
20. Bien quâil semble procurer Ă ses acteurs des avantages, le secteur informel a
malheureusement un impact négatif.
d) Lâimpact du secteur informel
21. Le secteur informel : des avantages et inconvĂ©nients. Lâexistence du secteur
informel présente à la fois des conséquences positives et des conséquences négatives sur la
sociĂ©tĂ©. Pour bien apprĂ©cier la place quâoccupe le secteur informel dans les Etats membres
de lâOHADA, il ne faut pas perdre de vue quâil reprĂ©sente 75% de lâĂ©conomie nationale.
Câest donc en grande partie le secteur informel qui anime ou fait vivre lâĂ©conomie des pays
membres de lâOrganisation. Il participe non seulement Ă la production et la distribution des
biens, Ă la fourniture des services, mais Ă©galement Ă la crĂ©ation dâemplois puisque 80% des
emplois et 55% du PIB des pays membres de lâOHADA en proviennent29. De nombreux
ménages en tirent leurs ressources et, par conséquent, en dépendent. Cela signifie que la
contribution du secteur informel aux revenus des ménages est plus importante que celle de
lâEtat et des entreprises du secteur formel rĂ©unis. Au regard de tous ces arguments, le secteur
informel apparaĂźt comme indispensable pour lâĂ©conomie des Etats membres de lâOHADA.
Cependant, il ne faut pas ignorer le revers de la mĂ©daille. MalgrĂ© le gain incontestable quâil
procure Ă beaucoup de personnes, il engendre des consĂ©quences nĂ©gatives aussi bien Ă
lâĂ©gard de lâEtat que des personnes (entrepreneurs, salariĂ©s et consommateurs).
29 J. DJOGBENOU, « Lâi fo el et le gle e t des litiges par application du droit OHADA », colloque organisĂ©
pa lâIRJâ su le th e : Le s st e ju idi ue de lâOHADA et lâatt a tivit des Etats, 2013. ; N. ALI,
«Lâi fo alit des micro et petites entreprises en Egypte : une analyse transversale », in Mondes en
développement, vol. n° 166 (19 juin 2014), n° 2, p. 87 ; A.M. ABATE, « Les motivations et les logiques de
lâi fo alisatio des e t ep ises fo elles », in Revue congolaise de gestion, vol. n°25 (25 octobre 2018), n°
1, p. 12 ; C.J. NORDMAN et J. VAILLANT, « Entreprenariat informel et genre à Madagascar », op.cit., p. 59.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 13
22. Des consĂ©quences nĂ©gatives Ă lâĂ©gard des Etats. Lâexistence dâun grand nombre
dâentreprises du secteur informel est mĂ©connue des pouvoirs publics et notamment de
lâAdministration fiscale30 . TrĂšs peu dâentreprises de ce secteur sont fiscalement
immatriculĂ©es, câest çà dire enregistrĂ©es auprĂšs des services des impĂŽts. Cela engendre un
gros manque Ă gagner sur les recettes fiscales. A cause du manque dâinformations sur le
nombre exact dâentreprises et de travailleurs qui exercent dans ce secteur, il est difficile
dâĂ©tablir des statistiques officielles qui rendent vĂ©ritablement compte de la situation
Ă©conomique des Etats. Il est Ă©galement difficile, voire impossible, de recouvrer les impĂŽts
que ces entreprises sont normalement tenues de payer. Le secteur informel représentant
environ les trois-quarts de lâĂ©conomie nationale, il nâest pas exagĂ©rĂ© de penser que les
recettes fiscales enregistrĂ©es chaque annĂ©e sont de loin infĂ©rieures Ă ce quâon aurait collectĂ©
si les entreprises du secteur informel régularisaient leur situation. Il a été relevé que la
plupart des entreprises du secteur informel qui paient leurs impĂŽts sont soumises Ă un impĂŽt
forfaitaire. Si les choses Ă©taient bien faites, beaucoup de ces entreprises relĂšveraient du
rĂ©gime fiscal du rĂ©el. Mais, Ă©tant donnĂ© que lâAdministration fiscale nâa aucune visibilitĂ©
sur les Ă©tats financiers et comptables de ces entreprises, on les taxe de maniĂšre forfaitaire
aprĂšs une simple estimation de leurs chiffres dâaffaires. LâEtat nâa aucun moyen de contrĂŽler
de telles entreprises, ce qui favorise une évasion fiscale. Le doyen MBAYE, précédemment
citĂ©, affirmait que « ⊠dans nos pays, beaucoup dâentreprises atteignent le chiffre dâaffaires
de cent millions, dâun milliard ⊠et restent assujetties au rĂ©gime du forfait. En recourant Ă
un systÚme de comptabilité un peu truqué, ces acteurs parviennent à rester dans
lâinformel ».31
23. Le fait pour les entreprises du secteur informel dâĂ©chapper au contrĂŽle de lâEtat
favorise la corruption des agents de lâAdministration fiscale et le dĂ©tournement des impĂŽts
collectĂ©s. En effet, il arrive que lâAdministration fiscale fasse la chasse Ă ces entrepreneurs
en irrégularité. La loi punit de tels dissidents et leur enjoint de régulariser leur situation en
se faisant immatriculer et en sâacquittant de ce quâils doivent au fisc. Cependant, il nâexiste
30 Y. PESQUEUX, « Lâ o o ie i fo elle, u e o e «⯠au aise p ati ueâŻÂ»âŻ? », in Revue française de
gestion, vol. n° 228-229 (2012), no 9, p. 218.
31 Article accessible par le lien :
www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/ELEMENTS_COMMUNS/pdf/Conference-iD4D-Secteur-Informel-
synthĂšse.pdf
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 14
aucun moyen de contrĂŽler le travail des agents de lâAdministration fiscale. Nombreux sont
ceux qui acceptent de fermer les yeux sur lâirrĂ©gularitĂ© de ces entrepreneurs du secteur
informel en contrepartie, bien Ă©videmment, de pots de vin. Et mĂȘme si les recettes de
quelques unitĂ©s de production informelles seraient collectĂ©es, rien ne garantit quâelles soient
effectivement versĂ©es dans les caisses de lâEtat. En effet, le nombre rĂ©el des entreprises qui
existent étant méconnu, il est difficile de contrÎler le recouvrement qui provient du secteur
informel.
24. Des consĂ©quences nĂ©gatives Ă lâĂ©gard des travailleurs du secteur informel. Outre
le dĂ©ficit quâil cause aux Etats, le secteur informel va Ă©galement dĂ©ployer ses mĂ©faits sur les
personnes, non seulement sur les entrepreneurs eux-mĂȘmes, mais aussi sur leurs tiers.
Comme cela a Ă©tĂ© dit plus haut, le secteur informel est constituĂ© dâentreprises et dâemplois
informels. Il est donc animé par des entrepreneurs et des salariés. Les activités de ces acteurs
étant menées en marge des rÚgles en vigueur dans la société, ces acteurs ne pourront pas
bĂ©nĂ©ficier de la protection juridique que la loi garantit Ă tout sujet de droit. Parce quâils nâont
pas accompli les formalités prescrites par la loi pour avoir une certaine légitimité, les
entrepreneurs du secteur informel ne pourront pas se prévaloir des avantages attachés à leurs
statuts. Ils ne pourront pas non plus invoquer leur irrégularité pour se soustraire aux
obligations qui sont les leurs32. Quant aux salariés dudit secteur, ceux-ci sont généralement
exposĂ©s Ă toutes sortes dâatteintes. Ici, peu dâimportance est accordĂ©e aux rĂšgles du droit du
travail. Câest la volontĂ© des employeurs qui fait force de loi. Ces premiers fixent le montant
des salaires, la plupart du temps, inférieurs aux seuils définis par la loi ; ils déterminent
unilatĂ©ralement le temps de travail et la durĂ©e des contrats quâils peuvent dĂ©cider de rompre
quand bon leur semble et ce, sans respecter les conditions légales de rupture de la relation
de travail. En plus de cela, dans le secteur informel, on fait trĂšs peu attention aux conditions
dâhygiĂšne et de sĂ©curitĂ©. Mais Ă cause du chĂŽmage qui croĂźt, les salariĂ©s nâont pas dâautres
choix que de supporter toutes ces atteintes : salaires inférieurs aux seuils prévus par la
réglementation, non-respect du temps de travail, de la durée des contrats et des conditions
de licenciement ; nĂ©gligence des mesures dâhygiĂšne et de sĂ©curitĂ© ; absence de couverture
sociale, etc.
25. Des consĂ©quences nĂ©gatives Ă lâĂ©gard des tiers concurrents et consommateurs.
Dans la catĂ©gorie des tiers, on distinguera dâune part les entrepreneurs du secteur formel
32 A t. ali a de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 15
pour qui les unitĂ©s de production informelles sont des concurrentes et dâautre part les
consommateurs qui sont ceux à qui les produits et services de ces unités irréguliÚres sont
proposés.
Vis-à -vis des entreprises formelles, il existe une concurrence déloyale dans la mesure
oĂč les entreprises informelles peuvent appliquer des prix fortement concurrentiels sans pour
autant ĂȘtre soumis aux mĂȘmes contraintes que les autres. A lâĂ©gard des consommateurs, les
produits issus du commerce informel peuvent présenter un véritable danger pour la santé.
En amont, il est quasiment impossible de sâassurer que les normes prescrites pour garantir
la sécurité et la santé des consommateurs sont respectées lors de la fabrication, la circulation
et la conservation de ces produits. En aval, il nâest pas toujours aisĂ© de retracer le circuit des
produits pour mettre la main sur de potentiels responsables au cas oĂč ces produits
causeraient des dommages. Et, comme si tous ces points négatifs ne suffisaient pas, il faut
souligner que dâun point de vue macroĂ©conomique, la production issue de ce secteur est
largement au-dessous du potentiel quâon pourrait en tirer si toutes ces activitĂ©s Ă©taient
encadrées.
26. Lâexistence des activitĂ©s informelles dans lâĂ©conomie des Etats membres de
lâOHADA est Ă la fois une source de gains et dâennuis. Le secteur informel sâavĂšre
aujourdâhui ĂȘtre un mal nĂ©cessaire. Dâun cĂŽtĂ©, il contribue Ă la vie de lâĂ©conomie des Etats
membres et, de lâautre, il la tue. Dans lâintĂ©rĂȘt des Etats et des particuliers il faudrait trouver
le moyen de tirer le maximum de profits de ce secteur ou, plus exactement des entreprises
qui le composent et, de rĂ©duire, voire dâenrayer son cĂŽtĂ© nĂ©gatif.
II- Solutions pratiquĂ©es par les Etats pour lutter contre lâinformalitĂ© avant 2010
27. Face au phénomÚne du secteur informel, les Etats africains ont multiplié des
politiques qui visent tantÎt à réprimer les activités informelles, tantÎt à les accompagner.
28. Des politiques hostiles Ă lâĂ©gard des entrepreneurs informels. A cause de la
prĂ©caritĂ©, de lâinsĂ©curitĂ© et du dĂ©ficit quâil engendre, le secteur informel a longtemps Ă©tĂ©
perçu comme un monstre quâil fallait Ă tout prix Ă©liminer. Pour de nombreux Etats, la
politique Ă mener devait consister Ă lâĂ©radiquer. Pour y arriver, certains nâont pas hĂ©sitĂ© Ă
mettre sur pied des politiques hostiles Ă lâĂ©gard des entrepreneurs informels afin de les
contraindre Ă se formaliser. Dans son article sur lâinformel et le droit OHADA, Sylvie
BISSALOUE faisait remarquer que « lâapproche des pouvoirs publics face aux digressions
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 16
du secteur informel a souvent été celle de la répression »33. Ce fut par exemple le cas au
BĂ©nin oĂč les pouvoirs publics avaient dĂ©cidĂ© de mener la chasse aux entrepreneurs du
secteur informel. Ils organisĂšrent des opĂ©rations de dĂ©guerpissement qui consistaient Ă
détruire les étals des vendeurs installés aux abords des routes et à chasser ceux qui sont
ambulants34. Ces tentatives dâĂ©radication du secteur informel se sont malheureusement
avérées inefficaces car les entrepreneurs informels se sont montrés tenaces et le secteur
informel, loin de dĂ©cliner, a pris de lâampleur. Face Ă cette rĂ©sistance de lâinformalitĂ©, on
convient avec Mireille RAZAFINDRAKOTO que le secteur informel nâest pas vouĂ© Ă
disparaßtre, du moins pas à court terme. Il « est là et il va perdurer un certain moment »35.
Au lieu dâessayer de lâĂ©radiquer, la solution voudrait peut-ĂȘtre quâon trouve le moyen dâen
tirer le meilleur.
29. Des politiques favorables Ă lâĂ©gard des entrepreneurs informels. Au regard du
potentiel quâil dĂ©tient et des gains que mĂ©nages et Administrations pourraient tirer du
secteur informel, certains Etats ont opté pour des politiques visant à mieux contrÎler le
secteur informel. Pour y arriver, certains ont développé des politiques visant à les intégrer
au secteur formel mais sans succĂšs. Pour une partie de la doctrine, les raisons de cet Ă©chec
seraient dues au fait que les rĂšgles rĂ©gissant les activitĂ©s Ă©conomiques nâĂ©taient pas adaptĂ©es
aux réalités des entreprises informelles. Un auteur affirmait que « ⊠dans les pays africains,
les différentes lois (fiscales et commerciales) et les codes (des investissements, des
financesâŠ) accusent gĂ©nĂ©ralement une inadĂ©quation flagrante aux rĂ©alitĂ©s locales.
Fortement influencĂ©es par des concepts et mĂ©thodes dâun modĂšle mimĂ©tique de
développement importé, les structures institutionnelles ne parviennent guÚre à assurer une
meilleure insertion des petits producteurs dans le tissu Ă©conomique et social »36. Pour ĂȘtre
efficaces, ces rÚgles applicables aux activités économiques informelles devraient tenir
compte des réalités et spécificités de ces unités informelles car, comme disait Céline
33 S. BISSALOUE, « Lâi fo el et le d oit OHADA », in Les ho izo s du d oit OHADA. M la ges e lâho eur du
Professeur Filiga Michel SAWADOGO, CREDIJ, 2018, p. 847â878.
34 Georges Vivien HOUNGBONON, « LâAf i ue des id es. Que faut-il faire pour rĂ©duire le secteur informel ? »,
terangaweb.com/que-faut-il-faire-pour-réduire-le-secteur-informel/
35 Voir la page, www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/ELEMENTS_COMMUNS/pdf/Conference-iD4D-Secteur-
Informel-synthĂšse.pdf
36 Propos de Maldonado CUVELIER cités par M. NGARLEM NGARGUINAM, Le droit pratique des affaires au
Tchad : quelle place pour le commerce informel ?, ThÚse, Université de Paris 1, 2010, p. 205.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 17
NDONGO, câest au « droit de sâadapter aux phĂ©nomĂšnes quâil entend rĂ©gir et non
dâattendre que les faits se plient Ă lui »37.
30. Quâelles soient hostiles Ă lâĂ©gard des entrepreneurs ou quâelles visent Ă les intĂ©grer
au secteur formel, les politiques menĂ©es par les Etats jusquâen 2010 se sont soldĂ©es par des
Ă©checs. On prendra pour preuve la taille du secteur informel qui nâa cessĂ© de prendre de
lâampleur au fil des annĂ©es38. Georges Vivien HOUNGBONON affirmait « quâen dĂ©pit des
stratĂ©gies de politiques publiques mises en Ćuvre jusquâaujourdâhui, la taille du secteur
informel continue dâaugmenter. Il est donc grand temps dâaccepter de nouvelles stratĂ©gies
qui sâattaquent aux causes plutĂŽt quâaux consĂ©quences de ce phĂ©nomĂšne »39. Câest sans
doute animĂ©s de la mĂȘme pensĂ©e que lui, que les Etats membres de lâOHADA ont dĂ©cidĂ©
de crĂ©er le statut de lâentreprenant en 2010 lors de la rĂ©vision de lâAUDCG.
III- Le statut de lâentreprenant comme moyen de lutte contre lâinformalitĂ© dans les pays membres de lâOHADA depuis 2010
31. LâĂ©tude sur le statut de lâentreprenant prĂ©sente un intĂ©rĂȘt certain pour les pays
membres de OHADA oĂč lutter contre lâinformalitĂ© est un impĂ©ratif. Dâune maniĂšre
générale, elle aborde des problématiques qui se rapportent aux entreprises individuelles .
Celles-ci représentent prÚs de 95% des unités économiques des pays en développement car
leur forme juridique est la plus accessible. Câest sur elles que repose lâĂ©conomie de
nombreux pays. En effet, comme disaient Bruno AMANN et Jacques JAUSSAUD, elles
« ⊠dominent en nombre et pĂšsent lourd en termes dâemplois et de valeurs ajoutĂ©e⊠Elles
jouent un rÎle clé dans le renouvellement de notre tissu économique »40.
37 C. NDONGO, Le nouveau visage de la prévention en Droit OHADA, op. cit., p. 44, n° 68.
38 A.M ABATE., « Les oti atio s et logi ues de lâi fo alisatio des e t ep ises fo elles », in Revue
Congolaise de Gestion, vol. n° 25 (25 octobre 2018), no 1, p. 11â66.
39 G. V. HOUNGBONON, « LâAf i ue des id es. Que faut-il faire pour rĂ©duire le secteur informel ? »,
terangaweb.com/que-faut-il-faire-pour-réduire-le-secteur-informel/
40 B. AMANN et J. JAUSSAUD, « La petite entreprise: prospective économique et de gestion », in La petite
entreprise, LGDJ, 2017, p. 17-28. Voir Ă©galement, A. LYON-CAEN, « E u te ju idi ue de lâe t ep ise », in la
crise de l'entreprise et de sa reprĂ©sentation, Dalloz, 2012; A. BOUKHRIS KALLEL, Les s st es dâappui Ă la
atio dâe t ep ises en Tunisie: quels enjeux et quels rĂŽles pour les jeunes diplĂŽmĂ©s porteurs de projets?:
cas de la région de Sfax, ThÚse, Universités de Sfax et Bourgogne, 2015.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 18
Dâune maniĂšre plus spĂ©cifique, cette Ă©tude traite de questions qui concernent
lâentrepreneuriat des trĂšs petits acteurs Ă©conomiques41. Il sâagit lĂ dâun sujet dâactualitĂ© qui
est au cĆur des considĂ©rations Ă©conomiques et politiques des pouvoirs publics. En effet, Ă
cause de la crise Ă©conomique et de la montĂ©e du chĂŽmage, lâauto-entreprise est perçue
comme un moteur de croissance et de crĂ©ation dâemplois42. Câest la raison pour laquelle,
toutes les législations encadrent de maniÚre spécifique les activités des micro-entrepreneurs
et travaillent continuellement Ă rendre leurs statuts plus attractifs afin dâinciter le maximum
de personnes Ă entreprendre. Aux Etats Unis dâAmĂ©rique par exemple, on peut le voir avec
le Small Business Act qui est une loi visant à favoriser les petites entreprises installées sur
le territoire américain. Depuis son adoption en l953, elle ne cesse de subir des modifications
qui ont pour but de rendre le climat des affaires propice au développement des petites
entreprises. Cette loi a notamment permis de mettre sur pied un systĂšme dâaide, de conseil,
dâassistance et de protection des intĂ©rĂȘts des petits entrepreneurs. Elle leur garantit lâaccĂšs
aux marchés publics en leur réservant un certain pourcentage de ceux-ci et, leur facilite
lâaccĂšs au crĂ©dit bancaire grĂące Ă la garantie de lâAdministration43.
41 Les entreprises sont classĂ©es en fonction du nombre de salariĂ©s uâelles e ploie t et/ou de leu hiff e
dâaffai es. De a i e g ale, o a disti gue les trĂšs petites entreprises (TPE) ou micro-entreprises, les
petites et moyennes entrep ises PME et les g a des e t ep ises GE . Les it es dâappa te a e Ă
ha u e de es at go ies so t p is s pa ha ue l gislateu et peu e t do a ie dâu pa s Ă u aut e.
E F a e, âest le d et ° -1354 du 18 dĂ©cembre 2008 qui fixe les it es dâappa te a e dâu e
entreprise Ă chaque catĂ©gorie. Il considĂšre comme micro-e t ep ises ou TPE, les e t ep ises âe plo a t
pas plus de sala i s et a a t u hiff e dâaffai es i f ieu Ă illio s dâeu os. Les PME o t u effe tif de
moins de e plo s et u hiff e dâaffai es âe da t pas illio s dâeu os. âo t o sid es o e
entreprises de taille intermédiaire (ETI), celles qui emploient moins de 5000 personnes et réalisent un chiffre
dâaffai es âe da t pas illio s dâeuros ou un total de bilan infĂ©rieur Ă 2000 euros. Sont classĂ©es
parmi les grandes entreprises (GE), celles qui peuvent ĂȘtre classĂ©es dans les catĂ©gories prĂ©cĂ©dentes.
42 M. HENTIC-GILIBERTO et R. PATUREL, « Quelles caractéristiques distinctives pour les micro-
entrepreneurs� », in Recherches en Sciences de Gestion, vol. n° 119 (13 octobre 2017), no 2, p. 151-174.
43 Mode de ga a tie pa le uel lâAd i ist atio se po te ga a te du e ou se e t des p ts a o d s au
petits entrepreneurs. Elle se substitue Ă eux lorsque ceux-ci ne parviennent pas Ă rembourser leurs
emprunts.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 19
En Europe Ă©galement, les pays de lâUnion entendent tirer exemple du Small Business
Act44. En France, on assistait Ă la crĂ©ation du statut de lâauto-entrepreneur grĂące Ă la loi n°
2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Ce statut, créé dans le but
dâinciter plus de personnes Ă entreprendre, est venu simplifier les formalitĂ©s administratives
de création des entreprises et réduire leurs coûts de fonctionnement45. Comparativement aux
statuts qui existaient jusque-lĂ , il sâavĂ©rait ĂȘtre le moins contraignant et les adoucissements
apportés par la loi étaient évidents. Le nouveau statut était véritablement attractif, il suscita
une grande effervescence auprÚs du public ciblé. DÚs son entrée en vigueur en 2009, il
connut un grand succĂšs. On assista Ă une vague impressionnante de crĂ©ations dâentreprises.
Sur les 580 200 créées cette année-là , plus de la moitié était des auto-entreprises46.
En sâinspirant de lâexpĂ©rience française, lâOHADA, Ă son tour, a crĂ©Ă© le statut de
lâentreprenant. Par le biais de celui-ci, le lĂ©gislateur voulait faciliter, aux nombreux petits
entrepreneurs qui exercent dans le secteur informel, lâaccĂšs Ă un statut lĂ©gal et peu
contraignant. Pourtant, contrairement Ă lâauto-entrepreneur qui connaĂźt un grand succĂšs
jusquâaujourdâhui, lâentreprenant ne semble pas susciter lâengouement escomptĂ© dans les
pays membres de lâOHADA. DĂšs son adoption, il a fait lâobjet de critiques sĂ©vĂšres.
32. Critiques Ă lâencontre du statut. Peu de temps seulement aprĂšs son adoption, le
statut de lâentreprenant Ă©tait qualifiĂ© de « monstre juridique inefficace (âŠ) dĂ©connectĂ© de la
réalité du terrain »47. Certains auteurs y voyaient un statut inadapté au mode de
fonctionnement des entreprises informelles africaines. Ils prédisaient dÚs lors que les
opĂ©rateurs du secteur informel afficheraient de lâindiffĂ©rence Ă son Ă©gard et quâil nâattirerait
pas un grand nombre de postulants48. Presquâune dĂ©cennie aprĂšs lâinsertion de ce nouvel
acteur dans le droit des affaires de lâOHADA, les faits semblent leur donner raison. En effet,
44 Voi lâa ti le de T. âENE, «â all Busi ess A t : une stratĂ©gie europĂ©enne pour les PME », consultable via le
lien suivant : http://www.nouvelle-europe.eu/small-business-act-une-strategie-europeenne-pour-les-pme .
45 N. LEVRATTO et E. SERVERIN, « Lâauto-entrepreneur, instrument de compĂ©titivitĂ© ou adoucissant de la
rigueur? Bilan de trois années de fonctionnement du régime », in Revue de la régulation. Capitalisme,
institutions, pouvoirs, (2012), no 12.
46 Voir ces statistiques sur www.insee.fr.
47 M.E. KOUMBA, « Les enjeux de l'extension des Actes Uniformes aux entreprises informelles africaines »,
in Revue congolaise de droit et des affaires, (Octobre-novembre-décembre 2012), n° 10, p. 27
48 A. FOKO, « La consécration d'un nouveau statut professionnel dans l'espace OHADA : le cas de
l'entreprenant », in Cahiers juridiques et politiques, (2010), p. 62.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 20
le statut tant valorisĂ© par ses promoteurs, nâest toujours pas opĂ©rationnel dans la plupart des
pays de lâOrganisation. Jusquâici, plusieurs Etats membres ont adoptĂ© des dispositions sur
lâentreprenant sans toutefois rendre le statut applicable. Pourtant vu lâintĂ©rĂȘt quâils
semblaient manifester Ă trouver une solution au problĂšme de lâinformel, on se serait attendu
à voir les différents Etats déployer tous les moyens nécessaires pour rapidement rendre le
statut opĂ©rationnel sur leurs territoires. Ce nâest quâen 2015 que le BĂ©nin, premier parmi les
dix-sept (17) membres de lâOrganisation, mit en Ćuvre le statut de lâentreprenant49. Ici
comme dans les pays oĂč le nouveau statut est dĂ©jĂ opĂ©rationnel, les entrepreneurs du secteur
informel ne semblent pas se bousculer pour lâacquĂ©rir. Lors de la phase-pilote organisĂ©e Ă
Cotonou en prĂ©lude au lancement officiel du statut dâentreprenant, seuls quatre cent vingt-
quatre (424) opĂ©rateurs sur les trois mille six-cents (3600) 50 retenus pour lâexpĂ©rimentation
ont acceptĂ© de se formaliser en adoptant le statut et ce, malgrĂ© les avantages quâon leur
faisait miroiter (formation en matiĂšre comptable, prĂ©paration de plan dâaffaires, accĂšs aux
services bancaires et protection contre les abus de lâAdministration). Le statut ne semble
pas susciter lâenthousiasme espĂ©rĂ©. Câest tout lâinverse de ce qui sâĂ©tait passĂ© en France avec
le statut de lâauto-entrepreneur. Dix (10) ans aprĂšs son entrĂ©e en vigueur, il est toujours
celui que la majorité des entrepreneurs préfÚre51.
49 Le statut a Ă©galement t is e Ću e au Bu ki a Faso oi lâa ti le « Lancement de la phase pilote du
statut de l'entreprenant Ă Ouagadougou (Burkina Faso) avec plus de 300 acteurs des micros et petites
entreprises enregistrés, le 31 juillet 2018 » sur www.ohada.com, publié le 02 août 2018). En RDC aussi, il est
d jĂ possi le dâa u ir le statut (voir la publication de P. LWANGO MIRINDI et C. CHANDA BWIRIRE, « La
oe iste e de lâe t ep e a t et du petit o e ça t e R pu li ue D o atique du Congo : cas de la ville
de Bukavu » sur le site www.institut-idef.org). La principale difficulté que nous rencontrons est celle de
lâi fo atio . Il est diffi ile de sa oi da s uels pa s de lâO ga isation le statut est dĂ©jĂ opĂ©rationnel, ni
combien de personnes se sont déclarées au RCCM. A ce jour, le fichier régional de ce dernier ne fournit pas
ces renseignements.
50 Voi lâa ti le i titul « Le B i , p e ie pa s e e de lâOHADA Ă ett e e Ćuvre le Statut de
lâE t ep e a t, u gi e simplifiĂ© et gratuit pour promouvoir la formalisation des micro et petites
entreprises » publié sur le site de la Banque mondiale, www.banquemondiale.org, le 05 mai 2015.
51 âelo lâINâEE, e , su nouvelles entreprises crĂ©Ă©es en France, 45% Ă©taient des micro-
entreprises, soit 308 300 nouveaux auto-entrepreneurs cette seule année.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 21
33. ProblĂ©matique, intĂ©rĂȘt et plan de lâĂ©tude. La situation dĂ©crite ci-dessus amĂšne Ă
sâinterroger sur les raisons qui expliqueraient cette rĂ©ticence Ă lâĂ©gard du statut de
lâentreprenant. Ce dernier ne rĂ©pondrait-il pas aux besoins qui ont motivĂ© son adoption ?
34. RĂ©pondre Ă cette question nĂ©cessite que lâon examine le rĂ©gime dans son ensemble,
partant des conditions dâaccĂšs au statut de lâentreprenant aux consĂ©quences quâentraine son
adoption. Le statut ayant rĂ©cemment Ă©tĂ© mis en Ćuvre dans quelques pays seulement, il ne
nous serait pas facile de procĂ©der Ă une Ă©tude de cas ou de mener des enquĂȘtes auprĂšs des
entrepreneurs du secteur informel. Nous nous appuierons donc essentiellement sur les textes
qui lâencadrent. Ceux-ci laissent penser quâĂȘtre entreprenant ne prĂ©sente aucun intĂ©rĂȘt pour
les acteurs du secteur informel dont la plupart se soucient uniquement de se faire des revenus
à travers des activités spontanées ou espÚrent échapper aux contraintes du secteur formel.
Pour ces entrepreneurs, devenir entreprenant revient Ă sâexposer Ă plus de contraintes car,
non seulement lâaccĂšs audit statut est conditionnĂ© (Partie 1) mais en plus de cela lâon est
obligé de se soumettre aux nombreuses rÚgles qui le gouvernent (Partie 2).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 22
PREMIĂRE PARTIE. LâACCES AU STATUT DâENTREPRENANT
35. Il est important de toujours garder Ă lâesprit les raisons pour lesquelles le statut de
lâentreprenant a Ă©tĂ© crĂ©Ă©. Sâil a vu le jour, câest tout dâabord, et on ne le dira jamais assez,
afin dâattirer les entrepreneurs du secteur informel vers le secteur formel. Il est donc en
prioritĂ© destinĂ© aux personnes qui, rencontrant des difficultĂ©s dâordres divers, nâont eu pour
seul choix que de débuter dans le secteur informel ; à ceux pour qui les formalités de
régularisation sont à la fois complexes et couteuses. Face à ces difficultés, ces personnes
nâont pas eu dâautres choix que dâexercer en marge du cadre Ă©tabli par la loi, autrement dit
de maniĂšre informelle. Le statut de lâentreprenant est censĂ© leur apporter une rĂ©ponse qui
leur permettra de se régulariser de la maniÚre la plus simple et la moins coûteuse qui soit.
36. Si une telle prĂ©sentation des objectifs visĂ©s au travers du statut de lâentreprenant a le
mérite de nous faire savoir qui en sont les destinataires, elle ne nous dit pas comment ces
derniers peuvent lâacquĂ©rir pour en jouir.
37. Bien que le nouveau statut ait pour but de faciliter ou simplifier les procédures, son
acquisition est soumise Ă des conditions. Ceux qui veulent en jouir doivent remplir les
critĂšres dĂ©finis par la loi (Titre 1) et ĂȘtre prĂȘts Ă accomplir un certain nombre de formalitĂ©s
(Titre 2).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 23
TITRE 1. LâEXISTENCE DES CRITERES DâĂLIGIBILITĂ
38. Comme câest le cas pour tous les statuts, les conditions dâĂ©ligibilitĂ© au statut
dâentreprenant seront Ă la fois subjectives et objectives. Les conditions subjectives sont
celles qui ont trait Ă lâentrepreneur, demandeur du statut (Chapitre 1). Il sâagit des
conditions que le postulant au statut doit personnellement remplir pour y prétendre. Les
conditions objectives, quant Ă elles, concernent lâobjet de lâactivitĂ© exercĂ©e ou, pour faire
simple, lâactivitĂ© proprement dite (Chapitre 2).
39. Pour prĂ©tendre au statut dâentreprenant, lâentrepreneur qui en est intĂ©ressĂ© devra
sâassurer quâil remplit les conditions dâordre personnel dĂ©finies par la loi et, que lâactivitĂ©
quâil entend exercer sous ce statut correspond aux exigences lĂ©gales.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 24
Chapitre 1. Les critĂšres dâĂ©ligibilitĂ© liĂ©s au demandeur du statut
40. Le statut dâentreprenant est un vĂ©ritable statut professionnel52. Comme les autres
statuts dâentrepreneurs individuels, il va sâadresser Ă une cible prĂ©cise. A priori, on sait que
le statut est destiné à des personnes qui disposent de faibles moyens et qui souhaitent exercer
de maniÚre formelle. Cependant, cette présentation reste vague et ne permet pas de savoir
qui peut prétendre audit statut.
41. Dans ce chapitre il sera question de déterminer qui, dans la vaste population des
entrepreneurs individuels, est Ă©ligible au statut dâentreprenant ; il sera question dâidentifier,
parmi tous ceux qui exercent déjà de maniÚre informelle et ceux qui nourrissent le projet de
dĂ©marrer une activitĂ©, ceux qui peuvent effectivement solliciter le statut dâentreprenant.
Pour y arriver, il est important de dĂ©gager les conditions dâordre subjectif que les postulants
au statut doivent remplir.
Lâarticle 30 de lâAUDCG, nous fait explicitement savoir que lâentreprenant doit ĂȘtre
une personne physique (Section 1) qui, conformĂ©ment Ă dâautres dispositions du mĂȘme Acte
uniforme, doit ĂȘtre capable dâexercer lâactivitĂ© quâelle entend exercer (Section 2).
52 Dans ce sens voir A. FOKO, « La cons atio dâu ou eau statut p ofessio el da s lâespa e OHADA : le
as de lâe t ep e a t », in Cahiers Juridiques et Politiques, (2010), p. 51 ; Commentaires du Professeur S.
AKUETE PEDRO de lâ A te u ifo e du 15 dĂ©cembre 2010 portant sur le droit commercial gĂ©nĂ©ral, in OHADA
Traité et actes uniformes commentés et annotés, 4Ú éd., 2012, p. 243 ; D. TRICOT, « Statut du commerçant
et de l'entreprenant », in Droit et Patrimoine, (mars 2011), n° 201, p. 68.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 25
Section 1. Ătre une personne physique
42. Lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG prĂ©sente lâentreprenant comme, « un entrepreneur
individuel, personne physique qui⊠exerce une activité professionnelle⊠». Cette
disposition montre, sans ambiguĂŻtĂ©, que le statut dâentreprenant est exclusivement rĂ©servĂ©
aux personnes physiques. Ceci se traduit, non seulement par le fait quâil soit un entrepreneur
individuel, mais Ă©galement par le fait quâil exerce lui-mĂȘme lâactivitĂ© de lâentreprise. Ainsi,
on peut affirmer que, toute personne qui souhaite entreprendre sous le statut dâentreprenant,
doit accepter de le faire sous la forme juridique dâune entreprise individuelle53 (Paragraphe
1) et personnellement sâimpliquer dans lâexercice de lâactivitĂ© (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Lâexigence de la forme individuelle de lâentreprise
43. En affirmant que « lâentreprenant est un entrepreneur individuel », le lĂ©gislateur
communautaire fait clairement savoir, quâopter pour le statut dâentreprenant, oblige Ă
exercer son activité professionnelle en son nom propre et pour son compte personnel54.
A. Lâexercice de lâactivitĂ© en nom propre
44. Lâexercice dâune activitĂ© en nom propre impose dâune part que lâentreprise
appartienne Ă une seule personne et dâautre part que cette entreprise nâait pas la personnalitĂ©
morale.
1. Lâappartenance de lâentreprise Ă une seule personne
45. Au regard du fonctionnement de lâentreprise individuelle, on peut affirmer que le
statut de lâentreprenant est destinĂ© Ă des personnes seules, autrement dit Ă des individus.
Cependant, au regard de certaines situations courantes dans le secteur informel, on pense
53 A la diff e e de lâEURL ui est u e pe so e ph si ue ais ui a hoisi dâe e e sous la fo e de so i t . 54 P.G. POUGOUE et S.S. KUATE TAMEGHE, ibid, n°4, p. 16.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 26
quâil peut Ă©galement convenir Ă des personnes travaillant ensemble.
1.1. Le fonctionnement de lâentreprise individuelle
46. Pour quâune entreprise soit vĂ©ritablement qualifiĂ©e dâentreprise individuelle, il faut,
que dans les faits, elle soit gĂ©rĂ©e comme la chose dâun seul propriĂ©taire55. PrĂ©sentant
lâentreprise individuelle comme celle d'une personne qui l'exploite seule et sans partage,
Augustin BOUJEKA, insistant sur lâindividualisme qui doit caractĂ©riser l'exploitant dâune
entreprise individuelle, affirmait quâil « est seul investi du pouvoir de mener l'affaire dont il
est aussi le propriĂ©taire »56. Le statut de lâentreprenant est donc destinĂ© Ă des personnes
seules et, en lâabsence de cette individualitĂ©, lâentreprise pourrait ĂȘtre requalifiĂ©e en sociĂ©tĂ©.
47. Un propriĂ©taire unique. Lâune des caractĂ©ristiques fondamentales de lâentreprise
individuelle repose sur le fait quâelle appartient Ă une seule personne. Dans les faits, le
caractÚre individuel pourra se vérifier au regard : du nombre de personnes qui ont créé
lâentreprise, du nombre de personnes qui la dirigent, des personnes qui endossent les
responsabilités, partagent les bénéfices et supportent les pertes.
48. Un crĂ©ateur unique. Lâentreprise individuelle est crĂ©Ă©e par une seule personne
physique57. Lâentrepreneur individuel en est lâunique auteur ou crĂ©ateur. De la conception
du projet dâentreprise et particuliĂšrement jusquâĂ Ă la concrĂ©tisation de celui-ci,
lâentrepreneur doit ĂȘtre seul. Il doit non seulement ĂȘtre lâunique porteur du projet mais
55 Certains seront peut-ĂȘtre gĂȘnĂ©s par les mots chose et propriĂ©taire qui font pe se ue lâe t ep ise
individuelle est u ie . La g e peut se o p e d e a il est ai ue lâe t ep ise i di iduelle âa pas de
personnalitĂ© ju idi ue et pa o s ue t se o fo d Ă so auteu . Cepe da t, lâe t ep ise se prĂ©sente aussi
comme un bien. Didier GUEVEL parlant de « lâi age o je ti e » de lâe t ep ise, esti ait ue e si
lâe t ep ise i di iduelle a u e di e sio su je ti e, elle o espo d aussi ie Ă la d fi itio dâu ie ui
est « une chose corporelle ou incorporelle (ou un ensemble de choses) pouvant prétendre à une valeur
o o i ue et sus epti le, d s lo s, dâ t e ju idi ue e t p ot g e ». Ă ce propos, voir Didier GUEVEL,
Lâe t ep ise ie ju idi ue, Fo ds de o e e et otio s voisi es, Op ations sur le fonds et sur les titres
sociaux, Paris, Ă©ditions Juris Service, 1994, p. 21 n° et p. ° . O se e d o pte ue e lo s uâelle
est i di iduelle, lâe t ep ise pouse pa faite e t les a a t isti ues dâu ie . 56 A. BOUJEKA, « SynthĂšse - Commerçants et artisans », in JurisClasseur Entreprise individuelle, (2 mai 2019).
57 M. BENEJAT-GUERLIN, Droit de lâe t ep ise, ellipses, 2018.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 27
surtout, il doit en ĂȘtre lâunique rĂ©alisateur.
Le nombre de personnes au moment de la rĂ©alisation du projet dâentreprise est
particuliÚrement important. Celui-ci va déterminer à qui appartient effectivement
lâentreprise et, par consĂ©quent, la forme de celle-ci. Cela aura Ă©galement une incidence sur
lâexercice du pouvoir au sein de lâentreprise, le partage des gains, lâendossement des pertes
et des responsabilités.
Ă lâorigine dâune entreprise individuelle, il nâest censĂ© y avoir quâun seul auteur.
Câest ce dernier seul qui apporte lâinvestissement nĂ©cessaire, câest lui ou son reprĂ©sentant
qui procĂšde aux formalitĂ©s de crĂ©ation de lâentreprise. Câest donc lui seul qui en est le
propriĂ©taire. Cela Ă©tant, il est seul Ă dĂ©tenir les pleins pouvoirs pour diriger lâentreprise.
49. Le dirigeant principal. Dans une entreprise individuelle, le pouvoir de direction est
exercĂ© par lâentrepreneur individuel seul. En tant quâunique titulaire de lâentreprise,
lâentreprenant doit Ă©galement ĂȘtre celui qui dĂ©tient, seul, le pouvoir de direction. Il est
lâautoritĂ© la plus Ă©levĂ©e de lâentreprise et exerce en toute souverainetĂ© toutes les prĂ©rogatives
que la loi reconnaĂźt aux dirigeants dâentreprise58. Il ne reçoit dâordre de personne et il nâest
pas tenu de requĂ©rir lâavis ou lâaccord de qui que ce soit.
50. Le fait quâil soit lâunique propriĂ©taire de lâentreprise ou lâautoritĂ© la plus Ă©levĂ©e, ne
lâempĂȘche pas de nommer dâautres dirigeants. Ainsi, il peut dĂ©cider de mettre Ă la tĂȘte de
lâentreprise, une ou plusieurs personnes qui assumeront sa gestion au quotidien. Quâil soit
prĂ©sent ou pas, impliquĂ© ou non dans lâexĂ©cution des activitĂ©s de lâentreprise nâa aucune
incidence sur son titre dâentrepreneur parce que câest lui qui est inscrit comme tel dans le
registre correspondant Ă lâactivitĂ© exercĂ©e. Toutefois, il veillera Ă prĂ©server le lien de
subordination qui le lie aux autres, lien qui prouve que ces derniers ne sont que des salariés
et non des associés.
Cela Ă©tant, aussi grand que pourra ĂȘtre le pouvoir dâun dirigeant au sein de lâentreprise
individuelle et quelle que soit lâĂ©tendue de sa marge de dĂ©cision, celui-ci est censĂ© travailler
sous lâautoritĂ© de lâentrepreneur unique. Il exĂ©cute les ordres ou les orientations donnĂ©s par
lâentrepreneur. Il reste un simple travailleur de lâentreprise et en tant que tel ne peut rĂ©pondre
58 Câest Ă lui uâappa tie e t Ă la fois, le pou oir de direction, le pouvoir rĂ©glementaire et le pouvoir
Disciplinaire.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 28
au nom de celle-ci.
51. Lâunique responsable. En tant que propriĂ©taire unique et vu quâil est lâautoritĂ© la
plus Ă©levĂ©e de lâentreprise, lâentrepreneur individuel sera Ă©galement celui qui rĂ©pondra des
actes et des faits de lâentreprise. Câest lui qui rĂ©pare les dommages causĂ©s dans le cadre de
lâexploitation. Il supporte seul les pertes et câest Ă©galement lui qui sâacquitte, mĂȘme sur ses
biens personnels, des dettes contractĂ©es dans le cadre de lâactivitĂ© de lâentreprise. Câest donc
Ă juste titre que les bĂ©nĂ©fices dĂ©gagĂ©s par lâentreprise lui sont exclusivement attribuĂ©s.
52. Les affirmations de ce dernier paragraphe doivent ĂȘtre modĂ©rĂ©es dans certains cas.
PlutĂŽt que de dire que les responsabilitĂ©s, les pertes et les bĂ©nĂ©fices sont imputĂ©s Ă
lâentrepreneur individuel seul, il convient plutĂŽt de dire que les bĂ©nĂ©fices et les pertes lui
sont directement imputĂ©s. En effet, mĂȘme si lâentrepreneur individuel est mis au-devant dans
la mesure oĂč câest en son nom que lâentreprise a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e, il est important de souligner quâil
nâest pas toujours le seul Ă rĂ©pondre des obligations de lâentreprise et Ă jouir des revenus
tirĂ©s de son activitĂ©. Lorsquâil est mariĂ© sous le rĂ©gime de la communautĂ©, dans certaines
circonstances, son conjoint pourra solidairement ĂȘtre appelĂ© Ă rĂ©pondre des obligations nĂ©es
dans le cadre de lâentreprise. Câest notamment le cas lorsque le conjoint participe Ă lâactivitĂ©
de son Ă©poux entrepreneur. Cette derniĂšre situation est problĂ©matique dans la mesure oĂč elle
pousse Ă se demander si lâexploitation dans laquelle les deux conjoints participent, mĂ©rite
vĂ©ritablement le qualificatif dâentreprise individuelle ou doit ĂȘtre requalifiĂ©e en sociĂ©tĂ©.
53. Quelques cas de requalification. De la simple idĂ©e dâentreprise Ă la rĂ©alisation de
celle-ci, il est possible de voir intervenir plusieurs personnes. Il arrive trĂšs souvent quâun
projet dâentreprise soit menĂ© ou partagĂ© par plusieurs individus qui, parfois injectent de
lâargent pour la concrĂ©tisation dudit projet et interfĂšrent dans le fonctionnement de
lâentreprise crĂ©Ă©e. Des questionnements et quelques fois des litiges surgissent sur le fait de
savoir si lâentreprise appartient Ă une ou Ă plusieurs personnes. En rĂ©alitĂ©, cette interrogation
soulĂšve le problĂšme de la nature juridique de lâentreprise crĂ©Ă©e. On se demande sâil sâagit
effectivement dâune entreprise individuelle ou dâune sociĂ©tĂ©. Ăvidemment, il ne suffit pas
de dĂ©clarer administrativement quâune entreprise est individuelle pour quâelle le soit
effectivement sur le plan juridique. Lâexistence officielle dâun seul dĂ©clarant, unique
propriĂ©taire de lâentreprise, ne suffit pas juridiquement pour que la qualification dâentreprise
individuelle soit reconnue. Les faits y participent Ă©galement. Lâentreprise individuelle
pourrait ĂȘtre requalifiĂ©e en sociĂ©tĂ© sâil Ă©tait dĂ©montrĂ© que lâentrepreneur dĂ©clarĂ© nâest pas
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 29
seul Ă exercer le pouvoir de direction, mais quâil existe au sein de lâentreprise des dirigeants
de fait qui sâimmiscent dans les fonctions de direction en prenant des actes positifs en toute
indĂ©pendance et souverainetĂ©59. En sâimpliquant dans la gestion de lâentreprise, ces
dirigeants de faits partagent les bĂ©nĂ©fices et supportent les pertes avec lâentrepreneur
déclaré. Selon Brigitte PEREIRA et Alain FAYOLLE, une telle requalification « résulte du
comportement de personnes qui ont participĂ© ensemble Ă une Ćuvre Ă©conomique commune
dont elles ont partagé les profits et supporté les pertes. On dit que ces personnes se sont, en
définitive, conduites comme des associés sans en avoir pleine conscience »60.
Ce fut le cas dans lâaffaire El hadji Khouma GUEYE contre Mouhamadou Bamba
GUEYE61 ou dans celle opposant Jacques KAGO LELE contre Christophe TCHOUPO62.
En lâespĂšce, une entreprise individuelle fut requalifiĂ©e en sociĂ©tĂ© de fait. Bien
quâofficiellement monsieur TCHOUPO fut lâunique crĂ©ateur de lâentreprise, il avait Ă©tĂ©
dĂ©montrĂ© quâil entretenait avec monsieur KAGO des relations similaires Ă celles
quâentretiennent des associĂ©s. En effet, monsieur KAGO avait contribuĂ© Ă lâachat du four Ă
main utilisĂ© dans lâentreprise (apport), avait en outre participĂ© Ă la prise de dĂ©cisions en
proposant dâembaucher un salariĂ© de lâentreprise. En plus de cela, les bĂ©nĂ©fices de
lâentreprise avaient Ă©tĂ© partagĂ©s entre les parties. Dans des correspondances quâil adressait
à monsieur GAKO, Monsieur TCHOUPO utilisait la mention « cher associé ». Au regard
de tous ces Ă©lĂ©ments, la Cour dâappel du Centre a estimĂ© quâil existait entre les parties une
société de fait et a partiellement infirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance du
Mfoundi qui avait estimĂ© quâil sâagissait dâune entreprise individuelle dans la mesure oĂč le
statut de fonctionnaire de Monsieur GAKO Ă©tait incompatible avec celui dâassociĂ© dâune
société commerciale.
59 F. ALEXANIAN, La direction de fait par personne interposée, mémoire de Master, Université Panthéon-
Assas- Paris II, 2015 ; D. LEGEAIS, Droit commercial et des affaires, Paris, Dalloz, 25e Ă©d.,2019.
60 B. PEREIRA et A. FAYOLLE, « Confia e ou d fia e, le pa ado e de lâauto-entrepreneuriat », in Revue
française de gestion, vol. n° 231 (27 mai 2013), no 2, p. 35-54.
61 Cou dâappel de Daka , a t du ja ie , El HADJI KHOUMA GUEYE / Mouha adou BAMBA GUEYE,
Ohadata J-03-147.
62 Cour d'appel du Centre, arrĂȘt n° 380 /CIV/2008 du 05 novembre 2008, Jacques KAGO LELE c/ Christophe
TCHOUPO, Ohadata J-10-134.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 30
Ce fut Ă©galement le cas dans lâaffaire Bernard ADOKO SESSINOU contre DĂ©sirĂ©
NACOULMA, Michael YANOGO, SONGNABA et Claudine COMPAORE63. Monsieur
ADOKO avait saisi la cour dâappel de Ouagadougou pour quâelle infirme le jugement rendu
par le tribunal de grande instance de Ouagadougou dans lequel il reconnait lâexistence dâune
sociĂ©tĂ© de fait entre les parties. Il fondait sa demande sur le fait que lâautorisation
dâouverture administrative de lâĂ©tablissement porte son nom seul et quâĂ cet effet, il en Ă©tait
lâunique propriĂ©taire. Mais, considĂ©rant que les intimĂ©s avaient participĂ© Ă la constitution
du capital social de lâĂ©tablissement en versant chacun la somme de 2 500 000 francs, quâils
avaient réguliÚrement des réunions au cours desquelles Monsieur ADOKO leur rendait
compte de la gestion de lâĂ©tablissement les appelant par abus de langage cofondateurs, et
que, pendant les annĂ©es qui ont suivi la crĂ©ation de lâĂ©tablissement, ils se partageaient les
bĂ©nĂ©fices et les risques, la cour dâappel a estimĂ© que le premier juge avait fait une bonne
application de la loi en requalifiant lâĂ©tablissement en sociĂ©tĂ© de fait.
Un troisiĂšme cas que nous pouvons citer en guise dâexemple est celui opposant
monsieur Tino ATCHIMOU contre les ayant droits de feu Yao NDRI AKA64. Dans cette
espĂšce, Tano ATCHIMOU prĂ©tendait ĂȘtre le seul exploitant dâune plantation dâhĂ©vĂ©a. Mais
les ayants droits de feu Yao NDRI AKA estiment quâil existait entre leur grand-pĂšre et le
recourant une sociĂ©tĂ© de fait. La cour dâappel dâAbidjan a retenu cette derniĂšre qualification
en estimant que les conditions de constitution dâune sociĂ©tĂ© de fait Ă©taient rĂ©unies, Ă savoir
un apport et le partage de bénéfices. La cour a considéré que le fait pour M. NDRI de mettre
son champ Ă la disposition de M. ATCHIMOU constituait bel et bien un apport ; et que la
somme de 250 000 francs que M. ATCHIMOU avait remise Ă M. NDRI aprĂšs exploitation
de la plantation constituait une preuve incontestable du partage des pertes et bénéfices entre
les deux hommes. Au vu de ces Ă©lĂ©ments, la CCJA a conclu que câest Ă juste titre que la
cour dâappel dâAbidjan avait retenu lâexistence dâune sociĂ©tĂ© de fait entre eux et a prononcĂ©
la dissolution de celle-ci.
54. La probabilitĂ© pour que lâentreprise individuelle soit requalifiĂ©e est grande lorsque
deux ou plusieurs personnes conviennent de lancer une entreprise commune au nom dâune
63 Cour d'Appel de Ouagadougou, arrĂȘt n° 86 du 21 avril 2006, Bernard ADOKO SESSINOU c/ DĂ©sirĂ©
NACOULMA, Michael YANOGO, SONGNABA, Claudine COMPAORE, Ohadata J-09-24.
64 CCJA, 3Ăš chambre, arrĂȘt n° 191/2015 du 23 dĂ©cembre 2015, Tine ATCHIMOU c/ Les ayants-droit de feu
Yao NDRI AKA, Ohadata J-16-184.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 31
seule personne. Ce sera Ă©galement le cas si en lâabsence dâun tel accord avant la crĂ©ation de
lâentreprise, plusieurs personnes au cours du fonctionnement de lâentreprise agissent en
copropriĂ©taires ou codĂ©tenteurs de lâentreprise. Dans ces deux cas, le caractĂšre individuel
de lâentreprise nâest quâapparent. Dans les faits, lâentreprise obĂ©it vĂ©ritablement au mode
gestion ou dâorganisation dâune sociĂ©tĂ©. La diffĂ©rence se situe toutefois au niveau des
motivations des parties. Dans le premier cas, lâaccord est expressĂ©ment conclu avant la
crĂ©ation de lâentreprise et les "associĂ©s" agissent alors en toute conscience dans le but
frauduleux dâĂ©chapper aux contraintes quâimpose la sociĂ©tĂ© et de bĂ©nĂ©ficier des facilitĂ©s de
lâentreprise individuelle. Dans le second cas, les parties ne prĂ©mĂ©ditent pas de crĂ©er une
entreprise individuelle écran, mais conviennent de se partager les bénéfices et les pertes
alors que lâentreprise est dĂ©jĂ crĂ©Ă©e. De pareils cas sont lĂ©gion dans la pratique. De tels
Ă©lĂ©ments emporteraient la requalification de lâentreprise en sociĂ©tĂ©. En cas de dommage Ă
autrui, les associés de fait seraient appelés à répondre solidairement et indéfiniment des
dettes de lâentreprise sur leurs biens personnels.
1.2. Des situations exceptionnelles assimilĂ©es Ă lâentreprise individuelle
55. Le cas du conjoint participant Ă lâactivitĂ© de son Ă©poux entrepreneur individuel.
Un cas plus problématique et par conséquent moins évident à trancher est celui des conjoints
qui tous deux participent à une activité et se comportent comme de véritables associés. En
effet, il est courant de voir des personnes sâimpliquer dans lâentreprise individuelle de leurs
Ă©poux. Face Ă cette pratique assez rĂ©pandue, il nâest pas anormal de se demander si ces
entreprises mĂ©ritent vĂ©ritablement le qualificatif dâentreprises individuelles.
56. Dans lâOHADA, la loi communautaire nâinterdit pas au conjoint de lâentrepreneur
individuel dâexercer Ă ses cĂŽtĂ©s. Conscient de cette pratique le lĂ©gislateur sâest contentĂ© de
dire, Ă lâarticle 7 de lâAUDCG, que le conjoint qui travaille au sein de lâentreprise de son
Ă©poux commerçant nâa pas la qualitĂ© de commerçant. Celle-ci ne lui sera reconnue que sâil
accomplit des actes de commerce à titre de profession séparément de ceux de son époux.
Cette disposition est Ă©galement valable pour lâentreprenant dans la mesure oĂč lâarticle 1 de
lâAUDCG applique Ă ce dernier les mĂȘmes dispositions que celles du commerçant. En
suivant cette logique, on peut penser que le conjoint qui sâimplique dans lâactivitĂ© de son
Ă©poux entreprenant ne peut avoir le statut dâentrepreneur individuel que sâil exerce une
activité professionnelle séparément, à son nom propre. Lorsque les deux époux travaillent
ensemble dans lâentreprise individuelle de lâun dâeux, lâAUDCG ne prĂ©cise pas en quelle
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 32
qualité le conjoint non-entrepreneur exerce.
57. Dans la loi française, le législateur a clairement déterminé en quelle qualité un
conjoint peut exercer auprÚs de son époux entrepreneur individuel. En fonction de son degré
de participation, il peut opter pour le statut de salarié, celui de collaborateur ou celui
dâassociĂ©65.
Le cas du conjoint associĂ© nous intĂ©resse moins dans la mesure oĂč il est
copropriĂ©taire de lâentreprise crĂ©Ă©e. Il ne sâagit donc plus ici dâune entreprise individuelle,
mais dâune sociĂ©tĂ©. Dans les deux premiers cas, il sâagit rĂ©ellement dâentreprises
individuelles dans lesquelles les statuts des conjoints ont expressément été choisis et
dĂ©clarĂ©s auprĂšs des organismes habilitĂ©s Ă enregistrer lâimmatriculation de lâentreprise66.
Est salarié, le conjoint qui participe de maniÚre effective, professionnelle et
habituelle Ă lâactivitĂ© de son Ă©poux en contrepartie dâune rĂ©munĂ©ration. Comme tout
employé, il est soumis à la législation du travail.
Le conjoint aura le statut de collaborateur lorsquâil participe Ă titre principal Ă
lâactivitĂ© de son conjoint, câest-Ă -dire que lâessentiel de son temps de travail y est consacrĂ©.
A la diffĂ©rence du conjoint salariĂ©, il ne reçoit pas de rĂ©munĂ©ration mais bĂ©nĂ©ficie dâune
couverture sociale semblable Ă celle des entrepreneurs. Comme ces derniers, il est inscrit au
registre de commerce et des sociĂ©tĂ©s. Son pouvoir au sein de lâentreprise est plus important
que celui du simple salarié, mais il se limite toutefois à la prise des décisions en rapport avec
la gestion quotidienne de lâentreprise (renouvellement de stocks, commandes, paiement,
etcâŠ). Les dĂ©cisions dâune certaine gravitĂ© Ă lâinstar des actes de disposition relĂšvent, en
principe, de la compĂ©tence exclusive de lâentrepreneur.
Outre ces différents statuts, il existe également le statut de co-exploitant. La loi
française prévoit notamment cette éventualité en matiÚre agricole. On parlera de co-
exploitation lorsque des conjoints exploitent un fonds en commun et sur un pied dâĂ©galitĂ©,
65 C.com art. L. 121-4. Sur cette question, voir également : J. VALLANSAN, « Commerçants et artisans.
Statut du conjoint », in JurisClasseur Commercial, (15 janvier 2010), Fasc. 49.
66 D. BERT et F. PLANCKEEL, Cours de droit commercial et des affaires, Licence 2 et 3, Issy-les-Moulineaux,
Lextenso éditions, 2e éd., 2016, n°265, p. 262.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 33
partagent la direction de lâexploitation67. A priori on pourrait croire quâil sâagit dâune
sociĂ©tĂ©, mais les articles L 321-1 et suivants du code rural et de la pĂȘche maritime rĂ©vĂšlent
sans ambiguĂŻtĂ© quâelle nâen est pas une.
Lâinitiative du lĂ©gislateur français dâavoir dĂ©terminĂ© les statuts sous lesquels un
conjoint peut exercer au sein de lâentreprise individuelle de son Ă©poux est louable.
Théoriquement, les rÎles de chacun sont clairement précisés et des limites sont tracées. Mais
dans la pratique, il nâest pas rare que lâimplication du conjoint sâapparente Ă celle dâun
associĂ© dans la mesure oĂč il peut lui arriver de contribuer au capital de lâentreprise, de
participer à la prise de décisions importantes, de partager les bénéfices et de supporter les
pertes aux cĂŽtĂ©s de son Ă©poux entrepreneur. Cette situation de fait peut ĂȘtre lourde de
conséquences. En cas de litige avec des créanciers, ces derniers pourraient demander à la
juridiction compĂ©tente de reconnaĂźtre lâexistence dâune sociĂ©tĂ© de fait entre les Ă©poux68 ou
de déclarer le conjoint solidairement responsable des dettes de ladite entreprise au motif
quâil sâest comportĂ© comme un vĂ©ritable entrepreneur. Cette derniĂšre solution fut appliquĂ©e
par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans une décision rendue le 15 mars
200569. Dans cette affaire, M. X qui exploitait un fonds de commerce, faisait lâobjet dâune
procédure collective. Le liquidateur avait saisi le tribunal de commerce pour étendre la
procédure à son épouse, Mme X. Ayant été débouté en premiÚre instance, il saisit la cour
dâappel qui, elle, a infirmĂ© le jugement de la premiĂšre juridiction en Ă©tendant la procĂ©dure
Ă Mme X. Câest alors que celle-ci a demandĂ© la cassation de lâarrĂȘt de la seconde juridiction
au motif que la procĂ©dure ne peut lui ĂȘtre Ă©tendue que sâil lui est reconnu la qualitĂ© de
commerçant. La cour de cassation a conclu que la dĂ©cision de la cour dâappel Ă©tait justifiĂ©e
dans la mesure oĂč il avait Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que Mme X inscrite au RCS comme co-exploitante
du fonds, a contractĂ© des prĂȘts et donnĂ© en garantie ses biens propres pour assurer le
paiement des dettes nĂ©es dans le cadre de lâactivitĂ© conjointe. Ainsi, la cour dâappel en a
dĂ©duit quâelle est personnellement et habituellement intervenue, avec ou sans son mari, dans
67 Art. L. 321-1 et suivants du code rural et de la pĂȘche maritime en France. Sur cette question, voir
Ă©galement : J. MESTRE, M.-E. PANCRAZI, I. GROSSI, L. MERLAND et N. TAGLIARINO VIGNAL, Droit commercial
. Tome 1. ActivitĂ© o e iale, St u tu es dâe t ep ises, Paris, LGDJ, 30e Ă©d., 2016; B. GRIMONPREZ, La
coexploitation agricole, n°3, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01570960/document; L. VOGEL , Du droit
commercial au droit Ă©conomique, Paris, LGDJ, 20e Ă©d., 2016.
68 J. CHARLIN, « Le ouple da s lâe t ep ise fa iliale », in DefrĂ©nois, (15 fĂ©vrier 2001), no 3, p. 141.
69 Com. 15 mars 2005, Bull. civ. IV n° 56, p. 60, D. 2005. obs. F-X Lucas, pourvoi n° 03-19.359.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 34
lâaccomplissement dâactes commerciaux profitant Ă lâentreprise commune. Câest donc Ă
juste titre que la cour a retenu la qualitĂ© de commerçant Ă Mme X et quâelle lui a Ă©tendu la
procédure collective.
Cette solution nous semble critiquable dans la mesure oĂč lâon ne peut pas retenir la
qualitĂ© dâentrepreneur au conjoint alors que la loi dispose trĂšs clairement que cette qualitĂ©
ne peut ĂȘtre retenue que si le conjoint exerce son activitĂ© sĂ©parĂ©ment de celle de son conjoint.
Le fait que le conjoint se soit comportĂ© en entrepreneur au sein de lâentreprise de son Ă©poux
devrait plutĂŽt entrainer la requalification de lâentreprise individuelle en sociĂ©tĂ© puisque les
deux ont agi dans le mĂȘme cadre et cela justifierait le fait quâils soient solidairement
condamnĂ©s Ă rembourser les dettes contractĂ©es dans le cadre de cette activitĂ©. Câest cette
derniĂšre solution qui sera adoptĂ©e par les juridictions des pays membres de lâOHADA.
58. Le cas des entreprises dites familiales70. Comme en droit français, dans le droit des
affaires de lâOHADA, le conjoint dâun commerçant (et de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale dâun
entrepreneur individuel) aura la qualitĂ© dâentrepreneur individuel si et seulement sâil exerce
une activité séparée de celle de son époux. Le fait que la loi ne lui attribue aucun statut
prĂ©cis tout en admettant lâĂ©ventualitĂ© quâil travaille aux cĂŽtĂ©s de son Ă©poux ne permet pas
de rĂ©pondre avec fermetĂ© Ă la question de savoir si lâimplication du conjoint entraine
systĂ©matiquement la requalification de lâentreprise individuelle en sociĂ©tĂ©. Il est dâautant
plus difficile dâapporter une rĂ©ponse ferme et dĂ©finitive que dans les pays membres de
lâOHADA, on assimile gĂ©nĂ©ralement les entreprises familiales informelles aux entreprises
individuelles. En effet, dans le secteur informel, les entreprises dites familiales sont
gĂ©nĂ©ralement des unitĂ©s de trĂšs petite taille crĂ©Ă©es par les membres dâune mĂȘme famille ou
par des conjoints. J.-C. BOUNGOU BAZIKA le souligne trĂšs bien dans son article en
affirmant que lâentreprise familiale appartient Ă des « personnes liĂ©es par des liens de
70 âu la d fi itio dâe t ep ise fa iliale, voir : H. PICHARD, B. PICHARD et C. PICHARD, La transmission de
lâe t ep ise fa iliale, Paris, Lexis Nexis, 2e Ă©d., 2014. Da s et ou age, les auteu s d fi isse t lâe t ep ise
fa iliale o e elle ui se t a s et au sei dâu e e fa ille. Ils soutie e t ue e âest uâĂ pa ti
de la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ratio uâo peut pa le dâu e e t ep ise fa iliale. Cette o eptio de lâe t ep ise
fa iliale est juste, ais elle âest pas la seule. Da s les pa s af i ai s su tout, lâe t ep ise dite fa iliale est
elle da s la uelle lâesse tiel du pe so el est o pos des e es dâu e e fa ille. La plupa t du
temps, ce sont de trÚs petites entreprises de fait créées par une personne qui se fait assister par les membres
de sa famille. Ce sont des entreprises dans lesquelles les conjoints travaillent ensemble oi lâa ti le de C.
FEVILIYE, « E t ep e d e a e lâOHADA », p. 4, Ohadata D-12-49).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 35
consanguinitĂ© directs ou indirects » 71. Ces microstructures sont gĂ©nĂ©ralement assimilĂ©es Ă
des « Ă©tablissements », câest-Ă -dire Ă des entreprises individuelles72. Pour illustrer cela, on
peut citer ces nombreuses entreprises individuelles qui ont des noms commerciaux du type
« Ets X et fils ». Par ce seul nom, on comprend clairement que lâĂ©tablissement appartient Ă
plusieurs membres dâune mĂȘme famille, notamment le pĂšre et le(s) fils. Par ailleurs, dans ce
type dâentreprise les membres de la famille impliquĂ©s se comportent gĂ©nĂ©ralement comme
de véritables associés : ils participent tous à la constitution du capital, partagent les bénéfices
et supportent les pertes.
59. Certains estiment que le statut dâentreprenant est aussi destinĂ© aux petites entreprises
familiales qui foisonnent dans le secteur informel73. Ces entreprises sont généralement
assimilées à des entreprises individuelles. Pourtant, sur un plan juridique, cette conception
ne peut se justifier. Le terme familial laisse sous-entendre que lâentreprise appartient Ă
plusieurs personnes, fussent-elles membres dâune mĂȘme famille. Cette pluralitĂ© de titulaires
est contraire Ă lâesprit qui sous-tend lâentreprise individuelle. Dans son article citĂ© plus haut
et relatif Ă la co-exploitation agricole entre Ă©poux, le Professeur BenoĂźt GRIMONPREZ
affirmait que « tout juriste sait que le passage du singulier au pluriel, loin dâĂȘtre simplement
d'ordre grammatical, entraĂźne un changement de paradigme ». Lorsquâon passe du singulier
au pluriel, la qualification change et les rĂšgles applicables Ă©galement. On voit donc mal
comment une entreprise peut ĂȘtre individuelle et familiale ou, vice-versa, familiale et
individuelle Ă la fois. On peut se demander si le fait dâautoriser cette pratique, sans prĂ©ciser
en quelle qualité le conjoint travaille aux cÎtés de son époux ou de son épouse et sans limiter
le rĂŽle quâil est censĂ© y jouer, nâest pas une maniĂšre implicite ou dĂ©guisĂ©e dâadmettre la
71 J.-C. BOUNGOU BA)IKA, «Lâe t ep ise fa iliale : dĂ©finition et fonctionnalitĂ© dans une perspective
africaine », http://www.entrepreneuriat.auf.org/IMG/pdf/04-74.pdf, p.7.
72 Da s e tai s pa s e es de lâO ga isatio o utilise le ot Ă©tablissement pour dĂ©signer les entreprises
individuelles. Pourtant, un Ă©tablissement est u lieu oĂč lâe t ep ise e e e so a ti it . Elle peut e a oi
plusieu s o e o peut le li e au a ti les et sui a ts de lâAUDCG. Lâa ti le - de lâAUPC le p se te
comme tout lieu d'exploitation ou d'opĂ©rations oĂč un entrepreneur (le dĂ©biteur) exerce de façon non
transitoire une activité économique de production, de transformation, de commercialisation ou de
fourniture de biens ou de services avec des moyens humains et matériels.
73 S. BISSALOUE, « Lâi fo el et le d oit OHADA », op. cit.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 36
société entre époux74.
60. Quoi quâil en soit, si le cas des conjoints (et donc celui de lâentreprise familiale) peut
juridiquement Ă©chapper Ă une requalification de lâentreprise en sociĂ©tĂ©, les autres cas oĂč
plusieurs individus se comportent comme des associĂ©s, au sein dâune structure qui a
officiellement la forme dâune entreprise individuelle, nây Ă©chapperont certainement pas en
cas de litige. Ces associés de fait pourront solidairement répondre des dettes et obligations
contractĂ©es dans le cadre de cette entreprise mĂȘme si cette derniĂšre nâa pas la personnalitĂ©
morale.
2. Lâabsence de personnalitĂ© morale de lâentreprise
61. Il faut le rĂ©itĂ©rer, le statut dâentreprenant nâa Ă©tĂ© conçu que pour des personnes
physiques qui exercent seules et en leur nom propre. Il ne peut ĂȘtre attribuĂ©, ni Ă un groupe
dâindividus dĂ©sireux de travailler ensemble dans le but de se partager les bĂ©nĂ©fices de leur
activitĂ©, ni Ă ceux qui entendent exercer seuls sous le couvert dâune sociĂ©tĂ©. Le caractĂšre
individuel de lâentreprise que doit exploiter lâentreprenant lâoblige Ă renoncer Ă toute forme
de société, y compris la société unipersonnelle75. Parce que son entreprise est dépourvue de
la personnalitĂ© morale, lâentreprenant devra agir en tant que personne physique, son
entreprise se confondant Ă lui-mĂȘme. Il forme avec elle une seule et mĂȘme entitĂ©, titulaire
dâun seul patrimoine composĂ© des biens, droits et dettes issues aussi bien de lâactivitĂ© que
la vie privĂ©e de lâentrepreneur76.
62. Entreprise et individu : une entitĂ© unique. Affirmer que lâentreprise individuelle et
son auteur forment une entitĂ© unique voudrait simplement dire quâils sont considĂ©rĂ©s aux
yeux de la loi comme une seule et mĂȘme personne. Dans le cadre de son activitĂ©,
lâentrepreneur agit en son propre nom. MĂȘme si la loi lui permet dâadopter un nom
commercial, les actes quâil accomplit sont juridiquement considĂ©rĂ©s ĂȘtre posĂ©s par la
74 A t. de lâA te u ifo e is elatif au d oit des so i t s o e iales et du g oupe e t dâi t t
Ă©conomique.
75 R. NEMEDEU, « Société unipersonnelle du droit OHADA », in Encyclopédie du droit OHADA, Paris, Lamy,
2011, p.2050, n°5. Dans la mĂȘme encyclopĂ©die, voir D. POHE TOKPA, « PersonnalitĂ© morale des sociĂ©tĂ©s »,
p. 1361, n°s 69 et 70.
76 W. DROSS, « Le patrimoine », in Précis de culture juridique, LGDJ, 2018, p. 119-124.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 37
personne physique quâil est. Parce quâil forme avec lâentreprise une entitĂ© unique, celle-ci
prendra fin Ă la mort de lâentrepreneur. En effet, si lâentrepreneur cesse dâexister, lâentreprise
individuelle ne peut plus exister puisquâelle forme un avec son auteur. Par contre,
lâentrepreneur de son vivant, peut dĂ©cider de mettre fin Ă lâentreprise individuelle et de ce
fait, on peut considĂ©rer lâentreprise individuelle comme un prolongement de la personne.
Juridiquement il ne sâagit pas dâune personne nouvelle, mais dâune extension de lâindividu
Ă laquelle ce dernier peut choisir de mettre fin Ă tout moment. Tous les agissements commis
dans cette partie lâengagent. Câest Ă cet Ă©gard que lâentrepreneur sera obligĂ© de rĂ©pondre,
indĂ©finiment, sur son patrimoine des effets causĂ©s dans le cadre des activitĂ©s de lâentreprise.
63. Entreprise et individu : un patrimoine unique. La personnalitĂ© morale sâapparente
Ă un Ă©cran qui vient dissocier lâentreprise des individus qui la crĂ©ent, faisant dâelle une
personne diffĂ©rente. Ainsi, en lâabsence de cette personnalitĂ© morale, les individus restent
liĂ©s Ă lâentreprise et ne forment quâun avec elle. DĂšs lors, il y a confusion de patrimoine :
les biens et dettes acquis et contractĂ©s dans le cadre de lâentreprise sont attribuĂ©s aux auteurs
de celle-ci et forment, avec les biens et dettes acquis et contractés dans un cadre personnel,
un seul et mĂȘme patrimoine. Lâabsence de sĂ©paration entre les auteurs de lâentreprise et
lâentreprise elle-mĂȘme empĂȘche de scinder le patrimoine et par consĂ©quent de distinguer
lâactif et le passif personnels de lâactif et du passif liĂ©s Ă lâactivitĂ© professionnelle. Les biens
et les dettes de lâindividu seront considĂ©rĂ©s indĂ©pendamment de leur origine. Lâentrepreneur
sera tenu de répondre, sur ses biens personnels, des dettes contractées dans le cadre de
lâentreprise car celles-ci sont censĂ©es avoir Ă©tĂ© contractĂ©es pour son propre compte.
B. Lâexercice de lâactivitĂ© pour son compte
64. Exercer une activité pour son compte consiste à travailler pour son profit personnel.
Lâentrepreneur individuel travaille alors de maniĂšre indĂ©pendante (1) et se voit directement
imputer les gains et pertes réalisés dans le cadre de son activité professionnelle (2).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 38
1. LâindĂ©pendance dans lâexercice de lâactivitĂ© de lâentreprise
65. Dans un contexte dâentreprise, on peut dĂ©finir lâindĂ©pendance comme le fait de ne
pas ĂȘtre soumis Ă un supĂ©rieur en vertu dâun contrat de travail77. Ainsi, lâentrepreneur
individuel qui crĂ©e et travaille dans sa propre entreprise peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un
travailleur indĂ©pendant. Dans ce cadre, il nâest subordonnĂ© Ă aucun supĂ©rieur, mais est son
propre patron. DĂšs lors, il ne reçoit dâordres de personne et dĂ©finit lui-mĂȘme son temps, son
rythme et ses méthodes de travail.
66. Lâabsence de lien de subordination dans lâexercice de son activitĂ©. Le contrat de
travail se caractérise principalement par le lien de subordination qui existe entre le salarié
(celui qui exécute un travail) et son employeur (celui pour le compte de qui le travail est
exĂ©cutĂ©). Dans le cadre de son activitĂ© professionnelle, lâentrepreneur individuel peut ĂȘtre
appelé à effectuer un travail pour des tiers. Toutefois, la relation qui le lie avec ces derniers
se distingue dâun contrat de travail dans la mesure oĂč il nâexiste entre eux aucun lien de
subordination. Lâentrepreneur nâaccomplit pas ses prestations sous lâautoritĂ© de ses
cocontractants, mais en toute autonomie. Ces tiers qui contractent ne peuvent, dĂšs lors, ĂȘtre
considérés comme ses employeurs, mais plutÎt comme des clients qui sollicitent les
prestations de lâentrepreneur.
67. Il est important de relever que la limite entre un tel contrat dâentreprise et le contrat
de travail est faible. Laurent DEAR et Emmanuel PLASSCHAERT faisaient la remarque
lorsquâils affirmaient que « les frontiĂšres entre le statut de travailleur salariĂ© et celui de
travailleur indĂ©pendant sont devenues poreuses »78. Le risque dans certains cas, câest de
voir le contrat dâentreprise qui lie deux entreprises ĂȘtre requalifiĂ©e de relation de travail.
Câest gĂ©nĂ©ralement le cas lorsquâune trĂšs petite entreprise individuelle effectue des
prestations rĂ©guliĂšres pour un seul et unique client dâune taille plus importante que la sienne.
La qualification que les parties donnent Ă leur contrat ne suffit pas, il faut Ă©galement
que les faits suivent. Le comportement des parties dĂ©terminera sâil sâagit, effectivement,
dâun contrat dâentreprise ou dâun contrat de travail. En France, plusieurs entreprises ont
77 C. BESSIERE et S. GOLLAC, « Travailleurs indĂ©pendants », in Dictionnaire sociologique de lâe t ep e eu iat,
éd. Sciences Po., 2014, p. 537 ; E. SANGO KABONGA, « Les entités économiques en Droit OHADA », p. 6,
Ohadata D-17-20.
78 L. DEAR et E. PLASSCHAERT, Le contrat de travail revisité à la lumiÚre du XXiéme siÚcle, Larcier, 2018.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 39
recours aux services de travailleurs indĂ©pendants afin dâĂ©viter de supporter les charges
salariales. Certains exigeaient mĂȘme que leurs salariĂ©s acquiĂšrent le statut dâauto-
entrepreneurs. Ces rapports, rĂ©pĂ©tĂ©s, peuvent vite sâassimiler Ă une relation de travail. Le
contrat dâentreprise qui liait les parties au dĂ©part pourrait ĂȘtre requalifiĂ© en contrat de travail
car, comme le dit Jean-Emmanuel RAY, « lâexistence dâune relation de travail ne dĂ©pend ni
de la volontĂ© exprimĂ©e par les parties ni de la dĂ©nomination quâelles ont donnĂ©e Ă leur
convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercĂ©e lâactivitĂ© des
travailleurs »79.
68. Un tel scĂ©nario pourrait Ă©galement se dĂ©rouler dans lâOHADA oĂč, pour se soustraire
aux contraintes du droit du travail et de la sécurité sociale, certaines entreprises pourraient
imposer aux demandeurs dâemploi de solliciter le statut dâentreprenant. La probabilitĂ© pour
que de tels cas de figures se prĂ©sentent est mĂȘme Ă©levĂ©e dans les pays de lâOrganisation car
trĂšs peu dâentreprises ont la culture dâimmatriculer leurs salariĂ©s et de verser les cotisations
salariales. Il nâest pas exagĂ©rĂ© de craindre quâĂ lâavenir les entreprises relativement
importantes essayent de frauder en se servant du statut de lâentreprenant.
69. Le droit français accorde Ă lâauto-entrepreneur la possibilitĂ© dâĂȘtre Ă©galement salariĂ©.
Lâindividu a alors une double casquette, travaillant dâune part pour son propre compte et
dâautre part pour le compte dâautrui. Lâauto-entrepreneur peut ainsi exercer son activitĂ© Ă
titre accessoire ou Ă titre principal, Ă temps partiel ou Ă temps plein.
Comme lui, lâentreprenant pourrait arborer une double casquette. Rien dans la loi
communautaire ne semble sâopposer au cumul des statuts dâentrepreneur individuel et de
salariĂ©. Lâentreprenant pourrait donc trĂšs bien exercer une activitĂ© salariĂ©e parallĂšlement Ă
son activitĂ© personnelle. Dâune part, il travaillerait pour le compte dâautrui, Ă©tant
subordonnĂ© Ă un employeur et, dâautre part, il travaillerait pour son propre compte en toute
indépendance. Il lui appartiendra de déterminer parmi les deux activités laquelle il entend
79 J.-E. RAY, Les elatio s i dividuelles de t avail. De lâe au he Ă la uptu e du o t at, Wolters Kluwer
France, 2015. J. DE WILDE DâEâTMAĂȘL et A. YERNAUX, « Le processus de (re)qualification de la nature de la
relation de travail: aspects administratifs et procéduraux », in Subordination et parasubordination. La place
de la subordination juridique et la dépendance économique dans la relation de travail, Anthemis, 2017 ; Cass.
28 avril 2003, JTT, 2003, p. 261 ; Cass. 23 déc 2002, JTT, 2003, p. 271 ; Cass. 20 mars 2006, RG, n° S.05.0069.N,
www.juridat.be; Cass. Soc. 8 fév. 2005 ; Cass. Soc. 6 mai 2015.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 40
exercer Ă titre principal et laquelle il exercera Ă titre accessoire.
70. Pour limiter les risques de concurrence déloyale, la loi devrait encadrer ce cumul des
statuts. Le salarié à qui il est permis de créer sa propre entreprise ne devrait pas faire
concurrence Ă lâentreprise qui lâemploie. LâactivitĂ© quâil exerce au sein de son entreprise
personnelle ne devrait pas avoir un objet similaire ou concurrent Ă celui de lâentreprise dans
laquelle il est salariĂ©. La loi française a rĂ©glĂ© cette question pour le cas de lâauto-
entrepreneur. Ce dernier doit non seulement informer lâemployeur de lâexistence dâune
activitĂ© entrepreneuriale personnelle, mais en plus, celle-ci ne doit pas faire concurrence Ă
lâactivitĂ© de lâemployeur80.
71. MalgrĂ© le cumul des statuts, lâentrepreneur individuel reste un professionnel Ă part
entiĂšre. MĂȘme sâil nâaccorde quâune partie de son temps Ă son activitĂ© personnelle,
lâentrepreneur individuel reste considĂ©rĂ© comme un professionnel autant que ceux qui se
consacrent Ă temps plein Ă leur activitĂ©. Ce point de vue, il faut le prĂ©ciser, nâest pas partagĂ©
par tout le monde. Dâaucuns estiment quâune activitĂ© est professionnelle lorsque la personne
qui la mĂšne y consacre le plus clair de son temps ou y tire lâessentiel de ses ressources81.
Cette derniĂšre conception de lâactivitĂ© professionnelle nâest pas fausse en soi, cependant elle
nâest pas exclusive. Il est vrai que dans un contexte oĂč il est de plus en plus difficile de
trouver un emploi, les entreprises informelles sont la principale ou lâunique source de
revenus de ceux qui les crĂ©ent et cela justifie quâon y passe le plus clair de son temps.
Toutefois, le caractĂšre professionnel dâune activitĂ© ne provient pas dâabord du temps quâon
y passe mais de lâhabitude, de la rĂ©gularitĂ©, de la frĂ©quence avec laquelle on accomplit cette
activitĂ©. Cela signifie que le caractĂšre professionnel dâune activitĂ© ne sâapprĂ©cie pas en
termes de durée ou de temps alloué mais en fonction de la répétition des actes accomplis.
Un auteur affirmait dâailleurs Ă cet effet, parlant du commerçant, que « la loi ne subordonne
pas la reconnaissance de la qualitĂ© de commerçant Ă lâexercice du commerce de façon
exclusive ou Ă titre principal »82. MĂȘme si, dâune certaine maniĂšre, le temps est pris en
compte, reconnaissons que le caractĂšre professionnel de lâactivitĂ© dâune entreprise
individuelle est fortement dĂ©terminĂ© par lâindĂ©pendance avec laquelle lâentrepreneur
80 A t. ali a de lâa a t-p ojet dâA te u ifo e elatif au d oit du t a ail du o embre 2006.
81 S.S KUATE TAMEGHE, « ENTREPRENANT » in Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, p. 778, n° 22.
82 H. B. MODI KOKO, Droit communautaire des affaires (OHADA â CEMAC), tome 1, Droit commercial gĂ©nĂ©ral
et droit de la concurrence, ChenneviĂšres-sur-Marnes, DianoĂŻa, 2008.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 41
exĂ©cute son travail habituel83. Lâindividu qui accomplit des actes Ă titre principal et de
maniĂšre habituelle sous lâautoritĂ© dâune autre personne sera juridiquement considĂ©rĂ© comme
un salarié et non comme un professionnel indépendant. En cette qualité de salarié, il
bĂ©nĂ©ficie dâune certaine protection et ne peut se voir imputer les responsabilitĂ©s qui
incombent Ă lâentreprise.
2. Lâimputation des pertes et des gains de lâentreprise
72. Lâentrepreneur individuel est celui qui recueille les bĂ©nĂ©fices gĂ©nĂ©rĂ©s par lâactivitĂ©
et supporte les pertes qui y sont liĂ©es. Câest Ă©galement lui qui responsable de lâentreprise,
câest-Ă -dire quâil assume toutes les obligations qui lui incombent, aussi Ă lâextĂ©rieur de
lâentreprise quâĂ lâintĂ©rieur de celle-ci.
73. Vis-Ă -vis de lâextĂ©rieur, câest Ă lâentrepreneur individuel que sont imputĂ©s tous les
torts de lâentreprise. Câest lui qui rĂ©pond des dommages causĂ©s par ses employĂ©s dans
lâexercice de leurs fonctions. Il garantit la qualitĂ© de ses produits et services et rĂ©pare tous
les prĂ©judices qui en dĂ©coulent. Quelques-fois, il peut ĂȘtre contraint de se servir de ses biens
personnels pour sâacquitter des obligations contractĂ©es dans le cadre de lâactivitĂ©
professionnelle.
74. Sur le plan interne, il lui appartient, lorsquâil emploie des salariĂ©s, dâassurer leur
protection et de payer leurs cotisations sociales. Il exerce toutes les fonctions imputables Ă
un dirigeant dâentreprise et peut personnellement sâimpliquer dans lâexercice de lâactivitĂ©
proprement dite.
Paragraphe 2. Lâimplication personnelle de lâentrepreneur dans lâexercice de lâactivitĂ©
75. Lâartisan est un « travailleur autonome qui exerce une activitĂ© et qui en assure la
pleine responsabilitĂ© de la direction et de la gestion, tout en participant lui-mĂȘme au
83 D. GUEVEL, op. cit., p. 96, n° 171.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 42
travail »84. Câest un professionnel qui « exerce pour son propre compte un mĂ©tier manuel
pour lequel il justifie dâune qualification professionnelle, assure la direction de son
entreprise et prend personnellement et habituellement part Ă lâexĂ©cution de son travail » 85.
Certains se demanderont sans doute pourquoi nous introduisons cette partie relative
Ă lâimplication personnelle de lâentrepreneur dans lâexercice de son activitĂ© en prĂ©sentant
lâartisan. Nous leur rĂ©pondrons tout simplement que ces dĂ©finitions rĂ©sument parfaitement
les idĂ©es dĂ©veloppĂ©es dans les lignes qui suivront. En effet, bien quâelles soient spĂ©cifiques
Ă lâartisan, ces dĂ©finitions mettent lâaccent sur le rĂŽle dâun micro-entrepreneur au sein de
son entreprise individuelle. En appliquant cette vérité aux entreprenants qui sont des micro-
entrepreneurs individuels, on dira quâils doivent personnellement sâimpliquer dans lâactivitĂ©
de lâentreprise, dâune part en accomplissant le travail lui-mĂȘme (A) et dâautre part en la
dirigeant (B).
A. Lâimplication dans lâaccomplissement du travail de lâentreprise
76. Il est dit Ă lâarticle 30 de lâAUDCG que « lâentreprenant est un entrepreneur
individuel, personne physique qui⊠exerce une activité professionnelle ». Il ne sera donc
pas Ă©tonnant de voir lâentreprenant sâimpliquer personnellement dans lâexĂ©cution des tĂąches
au sein de sa propre entreprise. Dâailleurs, cette situation sied trĂšs bien au profil de
lâentreprenant qui est censĂ© ĂȘtre un trĂšs petit entrepreneur ne disposant pas toujours de
moyens suffisants pour employer des salariĂ©s. MĂȘme lorsquâil serait capable de rĂ©munĂ©rer
des employĂ©s, rien ne sâoppose Ă ce que lâentreprenant prenne lui-mĂȘme part au travail de
lâentreprise.
77. Eu Ă©gard Ă la catĂ©gorie dâentrepreneurs visĂ©s par ledit statut, il sera tout Ă fait normal
de voir lâentreprenant sâimpliquer personnellement dans lâaccomplissement de lâactivitĂ©.
84 Art. 8 de la loi n° 2007/00 du juillet gissa t lâa tisa at au Ca e ou . Pou d fi itio se la le,
voir Ă©galement : art. 4 de la loi ° 98-037 du 22 nove e po ta t ode de lâa tisa at e R pu li ue du
BĂ©nin ; art. 9 alinĂ©a 4 de la loi n° 2014-338 du 05 juin 2014 relati e Ă lâa tisa at e R pu li ue de CĂŽte
dâI oi e.
85 Cette d fi itio de lâa ti le er du dĂ©cret n° 52-849 du 16 juillet 1952 abrogĂ© est citĂ© par H. AZARIA,
Lâa tisa at, Paris, Lexis Nexis, 2e Ă©d., 2010.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 43
Câest le contraire qui serait plutĂŽt Ă©tonnant. On a du mal Ă imaginer quâun petit entrepreneur
qui dispose Ă peine de moyens suffisants exploite une main dâĆuvre sans lui-mĂȘme
sâinvestir dans lâexercice de lâactivitĂ©. En tant que titulaire du titre, câest lui qui est considĂ©rĂ©
comme le professionnel, câest Ă dire comme la personne qui, dotĂ©e des connaissances
nĂ©cessaires, exerce une activitĂ© prĂ©cise. En tant que professionnel, câest lui qui est censĂ©
avoir la compĂ©tence nĂ©cessaire pour exercer lâactivitĂ©, objet de son entreprise. Il devrait
donc avoir les aptitudes techniques et intellectuelles indispensables pour effectuer cette
activité86.
78. Il faut souligner que lâacquisition de certains statuts professionnels exige que leurs
titulaires aient au préalable une qualification professionnelle. Dans ces métiers, les
professionnels doivent dĂ©tenir un savoir-faire en rapport avec lâactivitĂ© quâils veulent
exercer. Câest notamment le cas de certaines activitĂ©s artisanales et libĂ©rales.
Les activités artisanales se caractérisent par un savoir-faire manuel généralement
acquis au travers dâune formation professionnelle. Dans le contexte des pays membres de
lâOHADA oĂč le secteur informel occupe une place importante, une grande partie de ces
formations professionnelles se fait de maniĂšre informelle, auprĂšs dâune personne ou dâune
structure qui nâest pas officiellement habilitĂ©e Ă former. Dans divers pays de lâOrganisation,
de nombreux mĂ©tiers de lâartisanat (couture, coiffure, boulangerie, etc) sâapprennent sur le
tas au sein dâune entreprise artisanale en contrepartie dâune rĂ©munĂ©ration ou auprĂšs dâun
membre de la famille, un parent, un ami proche. Ceux qui suivent ce type de formation
informelle se mettent généralement à leur propre compte personnel sur la base de
lâexpĂ©rience acquise seule. MalgrĂ© lâabsence de diplĂŽme et dâattestation prouvant quâils ont
les acquis nĂ©cessaires, certains Etats leur reconnaissent la qualitĂ© dâartisan. Câest le cas au
BĂ©nin oĂč le titre dâartisan peut ĂȘtre reconnu Ă une personne lorsque son milieu social
tĂ©moigne de son expĂ©rience dans lâactivitĂ©87. Par contre, ailleurs comme câest le cas en
France, lâexercice des activitĂ©s artisanales est subordonnĂ© au respect dâexigences plus
importantes. Un auteur relevait quâen principe lâexercice dâune activitĂ© artisanale nâest pas
soumis Ă une condition, mais par exception certaines dâentre elles Ă©taient rĂ©servĂ©es aux
personnes justifiant dâune qualification au regard de leur caractĂšre complexe ou
86 Câest pou uoi la loi traite plus rigoureusement le professionnel par rapport au consommateur.
87 Article 5 de la Loi ° 98-037 du 22 novembre 20 po ta t ode de lâa tisa at e R pu li ue du B i .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 44
dangereux88. Pour ces activitĂ©s, le savoir-faire seul ne suffit pas toujours. En plus dâavoir
suivi une formation, lâartisan doit apporter la preuve de sa qualification professionnelle au
moyen dâun diplĂŽme (CAP ou BEP), dâun titre ou dâune expĂ©rience professionnelle avĂ©rĂ©e
dans le métier89.
79. Les activitĂ©s libĂ©rales requiĂšrent Ă©galement des aptitudes cette fois-ci dâordre
intellectuel. Lâexercice dâun bon nombre de professions libĂ©rales nĂ©cessite une formation
préalable généralement sanctionnée par un diplÎme ou une attestation. Dans certains cas on
exigera, en plus du diplĂŽme ou de lâattestation, une autorisation dâexercice sans laquelle le
professionnel ne peut exercer légalement. Ces professions sont pour la plupart réglementées.
Contrairement au secteur de lâartisanat, ici, il sera plus difficile de se former informellement.
80. De maniÚre générale, peu importe que la formation ait été informelle pour les uns et
formelle pour les autres, ce que les professionnels artisanaux et libéraux ont en commun
câest quâils ne sauraient exercer sans avoir suivi une formation90. Câest cette compĂ©tence
intellectuelle ou technique qui fait croire que le professionnel, qui exerce de maniĂšre
autonome au sein de sa propre entreprise, sâimpliquera personnellement dans la rĂ©alisation
des tĂąches. Toutefois il faut prĂ©ciser que mĂȘme si dans la pratique il est courant de voir des
entrepreneurs sâimpliquer personnellement dans lâexĂ©cution des tĂąches, il existe Ă©galement
des cas oĂč lâentrepreneur emploie des salariĂ©s et se contente simplement de diriger
lâentreprise.
B. Lâimplication dans la direction de lâentreprise
81. MĂȘme si on considĂšre que lâentreprenant nâa pas de grands revenus, lâĂ©ventualitĂ©
quâil puisse recruter des employĂ©s nâest pas Ă exclure. En effet, dĂšs lors quâelle ne dĂ©passe
pas le plafond du chiffre dâaffaires, lâentreprise dâun entreprenant pourrait ĂȘtre aussi grande,
88 B. PETIT, Droit commercial, Lexis Nexis, 6e Ă©d., 2016.
89 J.-B. BLAISE, Droit des affaires, Commerçants, Concurrence, Distribution, LGDJ, 8Ú éd., 2015, n° 189, p. 104.
Voir également, art. 22 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux trÚs
petites entreprises.
90 Contrairement au commerçant dont la profession ne nécessite pas toujours une formation. Effectuer des
actes de commerce par nature ne nécessite pas forcément une formation particuliÚre. Il suffit simplement de
savoir comment se faire des bénéfices, et cela ne nécessite pas toujours un apprentissage ou des diplÎmes.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 45
et mĂȘme plus, quâune entreprise dirigĂ©e par un entrepreneur exerçant sous un statut plus
contraignant. Ainsi, un entreprenant peut trĂšs bien disposer de moyens suffisants pour
employer des salariĂ©s91. En tant que dirigeant de lâentreprise, câest lui qui exercera les
pouvoirs dĂ©volus au chef dâentreprise, Ă savoir le pouvoir de direction, le pouvoir
réglementaire et le pouvoir disciplinaire92.
82. Il faut prĂ©ciser que les fonctions de direction sont cumulables avec lâimplication
personnelle dans lâaccomplissement des tĂąches. Lâentrepreneur peut tout aussi bien
personnellement exercer lâactivitĂ© tout en dirigeant ou gĂ©rant le personnel quâil a sous ses
ordres. Câest dâailleurs le scĂ©nario auquel on sâattend le plus au sein dâune trĂšs petite
entreprise comme celle que lâentreprenant est censĂ©e dĂ©tenir. En France, il semblerait mĂȘme
que ce soit indispensable pour les artisans. Lâimplication personnelle de ces derniers dans
lâexĂ©cution du travail semble dĂ©terminante pour que la qualification dâartisan soit retenue.
Lâartisan peut ĂȘtre dĂ©fini comme un professionnel qui travaille seul, qui tire ses gains
essentiellement du produit de son travail personnel et ne spécule ni sur les marchandises ni
sur la main dâĆuvre. Il semblerait donc que lâartisan français ne puisse se contenter de
diriger son entreprise. Quoi quâil en soit, le nombre de ses salariĂ©s ne doit pas excĂ©der dix
(10).
Il faut encore prĂ©ciser quâen tant quâentrepreneur individuel, lâentreprenant qui
embauche des salariĂ©s est le seul Ă possĂ©der le pouvoir de direction. MĂȘme sâil nomme un
gĂ©rant, le pouvoir de ce dernier se limitera aux actes dâadministration93, câest Ă dire Ă une
simple gestion quotidienne de lâentreprise (commande, organisation du travail,
encaissement, décaissement, gestion du personnel, renouvellement des stocks, etc.). Par
contre, tous les actes de disposition restent du ressort de lâentrepreneur lui-mĂȘme. Ils ne
peuvent ĂȘtre accomplis par une autre personne quâen vertu dâun mandat spĂ©cial de
lâentrepreneur. Les actes ainsi accomplis seront toujours considĂ©rĂ©s comme ayant Ă©tĂ© faits
91 Les entreprises du secteur informel so t e o ues pou t e pou o euses dâe ploi. E , e se teu
e plo ait e t e % Ă % de la ai dâĆu e oi le Rappo t Af i ue de lâOuest 2007-2008 fait par
lâO ga isatio de oop atio et de d eloppe e t o o i ues OECD su le se teu i fo el,
www.oecd.org).
92 P. WAQUET, Y. STRUILLOU et L. PECAUT-RIVOLIER, Pouvoi s du hef dâe t ep ise et li e t s du sala i . Du
salarié-citoyen au citoyen-salarié, Liaisons, 2014; F. DOMINGUEZ, Dirigeants (de droit ou de fait),
Entrepreneurs. Vos responsabilités et exonérations, Editions du guerrier, 2013.
93 P.CONTE, Le commerçant et son entreprise, Juris-Classeur, 2003.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 46
par lâentrepreneur lui-mĂȘme. La nomination dâun "gĂ©rant" ne peut ĂȘtre assimilĂ©e Ă un
partage du pouvoir de direction ou à une co-exploitation. Le gérant ou le dirigeant nommé
demeure hiĂ©rarchiquement sous lâautoritĂ© de lâentrepreneur Ă qui sont imputĂ©s tous les actes
accomplis dans le cadre de lâactivitĂ© de lâentreprise. Ce dernier devra supporter, sur ses biens
personnels, les consĂ©quences de la gestion de lâentreprise. Câest pour cette derniĂšre raison
que toute personne physique qui prĂ©tend au statut dâentreprenant doit en ĂȘtre capable.
Section 2. Ne pas faire lâobjet dâune restriction
83. Pour cette deuxiĂšme condition, nous nous inspirons du chapitre II de lâAUDCG
intitulĂ© "CapacitĂ© dâexercer le commerce". En effet, autant il faut ĂȘtre capable dâexercer le
commerce pour acquĂ©rir la qualitĂ© de commerçant94, autant nous pensons quâil faut au
prĂ©alable ĂȘtre capable dâexercer une profession pour prĂ©tendre lâexercer sous le statut
dâentreprenant. Le chapitre II de lâAUDCG citĂ© ci-dessus prĂ©sente quelques limites Ă
lâexercice de la profession de commerçant : lâincapacitĂ©, lâincompatibilitĂ© et lâinterdiction.
On peut appliquer ces mĂȘmes limites Ă toute profession que lâon souhaite exercer sous le
statut de lâentreprenant. Ainsi, les personnes Ă©ligibles au statut dâentreprenant sont celles
qui, eu Ă©gard Ă lâactivitĂ© quâelles entendent exercer, ne font lâobjet dâaucune de ces
restrictions. On peut dâores et dĂ©jĂ exclure les personnes incapables (Paragraphe 1) et
celles qui font lâobjet dâune interdiction (Paragraphe 2)95.
94 J. VALLANSAN, « Commerçants â IncapacitĂ©s. Interdictions. IncompatibilitĂ©s. Commerçants Ă©trangers », in
JurisClasseur Commercial, (15 février 2009), Fasc. 44.
95 On pourrait encore envisager une troisiĂšme cause dâe lusio : lâi o pati ilit . Celle-ci consiste Ă
i te di e le u ul dâu e a ti it a e des fo tio s ou statuts ui pou aie t e o p o ett e lâe e i e.
O p e d a i i lâe e ple des fo tio ai es ui, au te es de lâa ticle 9 de lâAUDCG, e peu e t pas e e e
une activitĂ© commerciale. U e uestio uâo pou ait se pose est elle de sa oi si u fo tio ai e peut
e e e u e a ti it i ile sous le statut dâe t ep e a t. Selon A. AYEWOADAN, Ă cause du principe de
lâe lusi it de lâe e i e de la fo tio pu li ue, les fo tio ai es e de aie t pas fi ie du statut
dâe t ep e a t. Lâauteu soutie t ue ela ite ait les o flits dâi t ts AYEWOUADAN A.,
« Lâe treprenant en Droit uniforme OHADA », in RRJ Droit prospectif, (2013-1), p. 312, n° 24). Mais dans la
pratique de nombreux fonctionnaires entreprennent de maniĂšre informelle. PlutĂŽt que de les laisser
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 47
Paragraphe 1. Lâexclusion des personnes incapables
84. En Droit, la capacitĂ© dĂ©signe lâaptitude Ă ĂȘtre titulaire de droits et Ă les exercer soi-
mĂȘme. Cette dĂ©finition de la capacitĂ© met lâaccent sur lâaptitude naturelle de chaque individu
Ă Ă©mettre un consentement sain96. Certaines personnes, en raison de leur Ă©tat intellectuel ou
physique, ont une aptitude naturelle rĂ©duite ou inexistante, ce qui les empĂȘche dâĂ©mettre un
consentement sain. Cette situation peut les faire tomber sous le coup de lâincapacitĂ©, ce
dernier terme dĂ©signant «la technique juridique consistant, pour des raisons liĂ©es Ă lâĂ©tat
ou Ă la situation du sujet de droit, Ă lui retirer la libertĂ© dâagir juridiquement que lui confĂšre
en principe la personnalité juridique »97. Cette technique juridique atteint notamment les
mineurs (A) à raison de leur ùge et les majeurs protégés pour des raisons liées à leur état de
santé (B)98.
A. Le cas des mineurs
85. Sont considĂ©rĂ©es comme mineures toutes les personnes physiques qui nâont pas
encore atteint lâĂąge de la majoritĂ©, câest-Ă -dire lâĂąge Ă partir duquel on peut user de ses droits
civils ou politiques99. En lâĂ©tat actuel de la lĂ©gislation en vigueur dans les pays membres de
lâOrganisation, il nâest pas possible aux mineurs dâexercer une activitĂ© en leur nom propre
(1). Cette position occasionne des problĂšmes qui nĂ©cessitent que lâon revoie la question de
lâentrepreneuriat individuel des mineurs (2).
entreprendre de maniÚre dissimulée, on pourrait mettre en place un dispositif qui leur permettrait de le faire
e toute l galit . Le statut de lâe t ep e a t pou ait t e le o e id al de o t ĂŽle et de li ite leu s
activités.
96 M. KONE, Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA, Comparaisons avec le droit français,
LGDJ, 2003, p. 93, n° 10.
97 F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil, les personnes. Personnalité - Incapacité - Protection, Paris, Dalloz, 8e
Ă©d., 2012.
98 La loi les dĂ©clare i apa les da s le ut de les p ot ge o pa le alo s dâi apa it de protection).
Cepe da t da s e tai s as lâi apa it peut a oi pou ut de p ot ge les tie s o t e la pe so e uâelle
atteinte. FOSSIER T., « Lâe t ep ise fa iliale et lâi apa le », in DefrĂ©nois, (15 fĂ©vrier 2001), no 3, p. 51.
99 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2013.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 48
1. La position du Droit des pays membres Ă lâĂ©gard des mineurs sous lâAUDCG de 2010
86. Sous lâAUDCG rĂ©visĂ© de 2010, le principe juridique voudrait que le mineur ne
puisse exercer une activité en son nom propre. La loi prévoit cependant une exception
lorsque le mineur acquiert son émancipation. Ainsi, nous envisagerons séparément le cas du
mineur non Ă©mancipĂ© et celui du mineur qui a fait lâobjet dâune Ă©mancipation.
1.1. Le principe : lâinĂ©ligibilitĂ© du mineur au statut dâentreprenant
87. Le mineur est frappĂ© dâune incapacitĂ© gĂ©nĂ©rale100 qui lâempĂȘche dâexercer une
activitĂ© en son nom propre. Ce principe est clairement Ă©noncĂ© dans lâAUDCG en ce qui
concerne les activités commerciales. Quelques dispositions issues des lois encadrant les
diffĂ©rentes activitĂ©s laissent penser que le principe est Ă©galement le mĂȘme en matiĂšre civile.
88. En matiĂšre commerciale. Les articles 6 et 7 de lâAUDCG disent, de maniĂšre non
équivoque, que le mineur non émancipé ne peut ni avoir la qualité de commerçant, ni
effectuer des actes de commerce. Par ces dispositions, le lĂ©gislateur consacre lâincapacitĂ©
du mineur Ă exercer le commerce dans les pays membres de lâOHADA. Cette incapacitĂ©
constitue une limite Ă la libertĂ© de commerce et dâindustrie que chaque individu est censĂ©
avoir. Si elle est valable en ce qui concerne le statut du commerçant, on peut trÚs bien penser
quâelle lâest Ă©galement en ce qui concerne le statut de lâentreprenant. En effet, ce qui est en
jeu ici, câest lâexercice du commerce et pas seulement le titre ou le statut sous lequel ce
commerce est exercĂ©. Ce que la loi interdit ici, câest que le mineur puisse exercer une activitĂ©
commerciale. LâincapacitĂ© dont il est frappĂ© a pour but de le protĂ©ger des risques que lâon
encourt dans le monde des affaires en général et dans le commerce en particulier. Accorder
Ă un mineur le statut dâentreprenant pour lâexercice dâune activitĂ© commerciale viendrait Ă
violer le principe posĂ© aux articles 6 et 7 de lâAUDCG.
89. En matiĂšre civile. La difficultĂ© en matiĂšre civile câest que les domaines dâactivitĂ©
sont divers et les lois qui les régissent également. Il faudrait examiner, pays par pays, ce qui
ressort des textes encadrant chaque domaine dâactivitĂ©. Cependant, Ă©tant donnĂ© que lâenjeu
est de savoir si le mineur peut exercer en son nom propre, on est tenté de penser que le
100 A. BATTEUR, Droit des familles et des majeurs protégés, Paris, LGDJ, 7e éd., 2013.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 49
principe est le mĂȘme quâen matiĂšre commerciale. A cause de lâincapacitĂ© gĂ©nĂ©rale qui
lâatteint, le mineur ne peut pas exercer en son nom propre car cela lâobligerait Ă engager sa
responsabilitĂ© personnelle, ce qui serait contraire au principe de Droit civil. Lâexamen de
quelques dispositions des lois nationales nous conforte dans cette analyse. Câest le cas de
lâarticle 17 de la loi n° 7-2010 du 22 juin 2010 rĂ©gissant lâartisanat en RĂ©publique du Congo
qui dispose que « toute personne exerçant la profession dâartisan doit avoir la capacitĂ©
dâexercice. LâincapacitĂ© sâapplique aux mineurs non Ă©mancipĂ©s, aux mineurs Ă©mancipĂ©s de
moins de dix-huit ans⊠». Cela revient en dâautres termes Ă dire que lâexercice dâune activitĂ©
artisanale au Congo est réservé aux personnes majeures et aux mineurs émancipés ayant au
moins dix-huit (18) ans. Il ne sâagit pas ici dâun exercice en tant que salariĂ© car lâĂąge minimal
pour travailler est de seize (16) ans au Congo101. Il sâagit bel et bien dâun exercice en nom
propre, câest-Ă -dire en tant quâentrepreneur individuel, en qualitĂ© de chef dâentreprise.
90. En CĂŽte dâIvoire, la position du lĂ©gislateur est sensiblement la mĂȘme. Lâarticle 16
alinĂ©a 1 de la loi n° 2014-338 du 05 juin 2014 relative Ă lâartisanat dispose que « lâexercice
dâune activitĂ© du secteur de lâartisanat est ouvert Ă toute personne majeure ou mineure
Ă©mancipĂ©e ayant la capacitĂ© juridique ». Le principe voudrait donc quâun mineur nâexerce
pas dâactivitĂ© artisanale en son nom propre. Mais lâalinĂ©a 2 poursuit en disant que
« toutefois, les mineurs non émancipés de plus de dix-sept (17) ans sont autorisés à exercer
une activitĂ© du secteur de lâartisanat ». Lâexercice dâune activitĂ© artisanale en nom propre
est donc possible pour un mineur en CĂŽte dâIvoire. Il faut cependant que celui-ci ait atteint
lâĂąge de dix-sept (17) ans. Par cette derniĂšre disposition, le lĂ©gislateur ivoirien consacre une
exception qui laisse penser que le mineur peut ĂȘtre Ă©ligible au statut de lâentreprenant.
1.2. Des exceptions envisageables
91. Il existe quelques exceptions qui montrent quâĂ certaines conditions le mineur peut
ĂȘtre Ă©ligible au statut de lâentreprenant. A certaines conditions, la loi de certains Etats
autorise les mineurs à exercer certaines activités en son nom propre.
92. Lâautorisation dâexercer certaines activitĂ©s en nom propre accordĂ©e aux mineurs
non Ă©mancipĂ©s. Lâexemple de la loi ivoirienne sur lâartisanat citĂ© prĂ©cĂ©demment a
clairement montrĂ© quâun mineur peut exercer une activitĂ© artisanale. Lâarticle 16 alinĂ©a 2
dispose en effet que « âŠles mineurs non Ă©mancipĂ©s de plus de dix-sept (17) ans sont
101 Art. 16 de la Constitution 2015 en RĂ©publique du Congo.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 50
autorisĂ©s Ă exercer une activitĂ© du secteur de lâartisanat ». Il est important de prĂ©ciser quâil
sâagit bel et bien ici dâun exercice en tant quâentrepreneur individuel car, lorsquâon lit les
articles 5 et 9 de la mĂȘme loi sur lâartisanat, on voit quâil est question dâun exercice qui
sâeffectue de maniĂšre personnelle et indĂ©pendante. DĂšs lors on peut trĂšs bien penser que, si
la loi autorise le mineur Ă exercer sous le statut classique dâartisan, rien ne devrait sâopposer
Ă ce quâelle lui permette dâexercer la mĂȘme activitĂ© en tant quâentreprenant. La loi ivoirienne
autorisant le mineur non Ă©mancipĂ© Ă avoir le statut dâartisan, on peut en dĂ©duire quâelle lui
accorderait volontiers le statut dâentreprenant pour exercer cette activitĂ© en nom propre.
93. Lâautorisation dâexercer en nom propre accordĂ©e en cas dâĂ©mancipation.
LâĂ©mancipation est dĂ©finie comme lâ « acte juridique par lequel un mineur acquiert la
pleine capacitĂ© dâexercice et se trouve de ce fait assimilĂ© Ă un majeur »102. Elle peut
sâobtenir Ă la suite dâune demande introduite par les parents ou tuteurs de lâenfant mineur
avant lâĂąge de sa majoritĂ©103. LâĂ©mancipation peut Ă©galement sâobtenir par le mariage. Dans
la plupart des pays de lâOrganisation, lâĂąge minimal pour se marier est de 15 ans pour les
filles et 18 ans pour les garçons. Le mineur qui se marie acquiert son émancipation de plein
droit et nâa plus besoin dâaccomplir dâautres formalitĂ©s. EmancipĂ©, il est assimilĂ© Ă une
personne majeure.
94. Sur le plan civil, le mineur émancipé acquiert une pleine capacité et peut alors
exercer un certain nombre de droits reconnus aux majeurs capables104 , par exemple le droit
dâexercer lâactivitĂ© de son choix105. En CĂŽte dâIvoire, lâarticle 16 de la loi sur lâartisanat
102 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2013.
103 LâĂąge de la ajo it a ie dâu Etat Ă u aut e. Da s e tai s pa s de lâO ga isatio , il est t s le pa
e e ple au Ca e ou , e CĂŽte dâI oi e, au Ga o , au B i , au Togo oĂč elle est fi e Ă a s . Lâa uisitio
de la plei e apa it dâe e i e variera do dâu pa s Ă u aut e. U jeu e ui se ait jug apte Ă
e t ep e d e et e e e lâa ti it de so hoi da s u pa s de lâO ga isatio , se ait inapte Ă le faire dans
un autre pays de la mĂȘme Organisation alors que la mĂȘme loi est applicable dans les deux pays. Ne faudrait-
il pas harmoniser ?
104 Art. 413-1 à 413-8 du C. civ français.
105 En vertu de la libertĂ© dâe t ep ise toute personne est li e dâe e e lâa ti it de so hoi ta t uâelle e
to e pas sous le oup dâu e est i tio justifiĂ©e par la loi. Le mineur Ă©mancipĂ© Ă©tant dĂ©sormais assimilĂ© Ă
u ajeu , âest plus sous le oup de lâi apa it qui atteint les mineurs en gĂ©nĂ©ral. Il pourra donc jouir de
ette li e t fo da e tale dâe t ep e d e. âo a ipatio lui pe et dâe e e lâa ti it de so hoi ,
sous se e ue lâe e i e de elle- i e soit e p ess e t a o d uâau pe so nes ayant atteint un Ăąge
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 51
dispose que lâexercice dâune activitĂ© artisanale est ouvert Ă toute personne mineure
Ă©mancipĂ©e ayant la capacitĂ© juridique. Ailleurs, lâĂ©mancipation seule ne suffit pas toujours
Ă donner aux mineurs les mĂȘmes droits quâaux majeurs. On le voit Ă travers lâarticle 18 de
la loi rĂ©gissant lâartisanat au Congo. Il y est dit que lâĂąge requis pour exercer lâartisanat est
de dix-huit (18) ans. Toutefois, des dĂ©rogations pourront ĂȘtre accordĂ©es par le procureur de
la RĂ©publique aux mineurs Ă©mancipĂ©s justifiant dâune expertise avĂ©rĂ©e dans lâactivitĂ©. Câest
dire quâau Congo, les mineurs Ă©mancipĂ©s nâacquiĂšrent pas dâoffice le droit dâexercer une
activitĂ© artisanale. En plus dâĂȘtre Ă©mancipĂ©s, il faut non seulement quâils aient une
expĂ©rience reconnue dans lâexercice dâun mĂ©tier de lâartisanat, mais il leur faut Ă©galement
une autorisation du procureur de la RĂ©publique.
Les exemples de ces diffĂ©rents pays montrent quâen matiĂšre civile, le sort des
mineurs varie dâun pays Ă un autre, dâune activitĂ© civile Ă une autre. Il faut vĂ©rifier, pour
chaque activité civile, ce que la loi de chaque pays membre prévoit. Dans certains cas,
lâĂ©mancipation pourra ĂȘtre un moyen qui permet au mineur dâexercer une activitĂ© en son
nom propre. Dans dâautres cas, elle ne suffira pas, le mineur devant encore remplir des
conditions supplĂ©mentaires. Dans dâautres cas encore, elle ne lui permettra pas dâexercer en
nom propre.
95. En matiĂšre commerciale, les choses sont plus simples. Lâarticle 7 de lâAUDCG dit
que le mineur émancipé peut avoir la qualité de commerçant et effectuer des actes de
commerce. Cela signifie donc quâun mineur Ă©mancipĂ© peut crĂ©er une propre entreprise
individuelle commerciale. Si tel est le cas, rien ne devrait plus lâempĂȘcher de solliciter le
statut dâentreprenant. Ce dernier statut serait mĂȘme indiquĂ© dans son cas. A cause de son
jeune Ăąge, la probabilitĂ© est grande quâil ne dispose pas de moyens financiers, matĂ©riels,
voire intellectuels suffisants pour créer une entreprise.
96. La simplicité avec laquelle le Droit OHADA traite la question de la capacité du
mineur Ă©mancipĂ© Ă exercer le commerce est Ă saluer. Le lĂ©gislateur ne subordonne lâexercice
de lâactivitĂ© en nom propre Ă aucune autre condition supplĂ©mentaire. Sous dâautres cieux, il
nâen est pas ainsi. En lâoccurrence, en France lâĂ©mancipation ne permet pas dâemblĂ©e au
p is. E guise dâe e ple, o peut ite e tai es p ofessio s li ales o e elle dâa o at uâo e peut
e e e uâĂ pa ti dâu e tai Ăąge a s au Ca e ou . Et e a ip ou a oi attei t lâĂąge de la majoritĂ©
e suffi ait pas da s de tels as. O peut e o e p e d e lâe e ple de la F a e oĂč, le i eu mancipĂ© ne
peut exercer une activité commerciale que si une autorisation expresse lui est accordée.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 52
mineur qui lâobtient dâexercer le commerce. Bien quâĂ©tant Ă©mancipĂ©, il devra encore
requĂ©rir et obtenir lâautorisation expresse du juge des tutelles dâeffectuer des actes de
commerce. Cette requĂȘte doit expressĂ©ment ĂȘtre formulĂ©e lors de la demande
dâĂ©mancipation. Le juge des tutelles rendra alors sa dĂ©cision au moment oĂč il prononcera
son jugement dâĂ©mancipation. Lâautorisation devra ĂȘtre demandĂ©e et dĂ©livrĂ©e par le
prĂ©sident du tribunal de grande instance lorsque la requĂȘte est introduite postĂ©rieurement Ă
la dĂ©cision dâĂ©mancipation106.
Il importe de souligner que ce nâest quâen matiĂšre commerciale quâune autorisation
expresse est exigĂ©e au mineur Ă©mancipĂ© pour lui permettre dâeffectuer des actes de
commerce en tant quâentrepreneur individuel. En ce qui concerne lâexercice dâune activitĂ©
civile, la loi française ne dit pas que le mineur émancipé devra au préalable obtenir
lâautorisation de la juridiction compĂ©tence. On peut donc supposer que le mineur qui obtient
son Ă©mancipation est de plein droit capable dâexercer une activitĂ© civile en son nom propre,
Ă moins le cas Ă©chĂ©ant, quâil nâait pas encore atteint lâĂąge minimum fixĂ© pour exercer
lâactivitĂ© qui lâintĂ©resse ou quâil ne remplisse pas toutes les autres conditions requises pour
le faire. Quoi quâil en soit, dĂšs lors quâil remplit les conditions requises pour exercer
lâactivitĂ© de son choix, le mineur Ă©mancipĂ© doit ĂȘtre prĂȘt Ă rĂ©pondre des engagements et
dommages dont il serait lâauteur dans le cadre de son activitĂ©.
97. Si le fait de permettre aux mineurs Ă©mancipĂ©s dâexercer en leur propre nom peut ĂȘtre
apprĂ©ciĂ©, il faut faire remarquer que câest loin dâĂȘtre suffisant dans un contexte comme celui
des pays de lâOHADA. En effet, trĂšs peu de personnes dans ces milieux ont recours Ă
lâĂ©mancipation et le nombre important de jeunes quâon retrouve dans le secteur informel
laisse penser quâil est peut-ĂȘtre temps que les Etats revoient leur position sur le cas des
mineurs non émancipés.
106 Articles L. 121-2 du code de commerce et 413-8 du code civil français. Voir également : B. SAINTOURENS,
« Actes de commerce, commerçant et fonds de commerce », in RTD Com., (Octobre-Décembre 2010), n° 4,
p. 686 et s.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 53
2. La nĂ©cessitĂ© de rĂ©former la position de lâAUDCG Ă lâĂ©gard des mineurs
98. Dans les pays du Sud en gĂ©nĂ©ral et dans ceux de lâOHADA en particulier, le nombre
important de mineurs non Ă©mancipĂ©s dans le secteur informel nĂ©cessite que lâon se penche
sur leur cas et que lâon y apporte des solutions adaptĂ©es.
2.1. Le nombre important de mineurs non émancipés dans des activités
professionnelles informelles
99. Plusieurs raisons montrent quâil serait plus avantageux, voire nĂ©cessaire, pour les
Etats, de traiter la question de lâentrepreneuriat des mineurs non Ă©mancipĂ©s. A cause de la
pauvretĂ© et du chĂŽmage qui ne cessent de prendre de lâampleur, de plus en plus de jeunes et
notamment de mineurs, sont professionnellement actifs. Cette activité, il faut le préciser, est
la plupart du temps informelle107.
LâAfrique est incontestablement le continent le plus jeune dans la mesure oĂč sa
population est en majorité constituée de jeunes108. En 2015 au Cameroun, plus de la moitié
de la population avait moins de 20 ans109. Cette jeunesse peut ĂȘtre un atout pour lâĂ©conomie
des Etats membres car elle reprĂ©sente la force non seulement en termes de main dâĆuvre
mais aussi en ce qui concerne lâentrepreneuriat.
Hélas, la pauvreté ambiante et le taux de chÎmage sans cesse croissant ne permet
plus aux Etats et aux entreprises du secteur formel dâassurer un emploi Ă la plus grande
partie de cette tranche de la population. 60% des chĂŽmeurs sont des jeunes110. Les chiffres
de lâOrganisation Internationale du Travail (OIT) rĂ©vĂ©laient quâen 2012, sur les 38,1% de
travailleurs pauvres en Afrique sub-saharienne, 23,5% Ă©taient des jeunes111. Lâauteur de
107 Sur cette question, voir A. AYEWOUADAN, « Lâe t ep e a t en Droit uniforme OHADA », in RRJ Droit
prospectif, (2013-1), p. 301, n° 5.
108 En 2012, 70% de la population en Afrique sub-saharienne Ă©taient des personnes de moins de 30 ans. Voir
statistiques sur www.unesco.org .
109 Voi A uai e statisti ue du Ca e ou dit pa lâI stitut National de la Statistique en 2015,
www.stat.cm.
110 Do es de la Ba ue Mo diale it es da s lâa ti le de Ki gsle IGHOBOR, « Le chĂŽmage des jeunes Ă
lâo e de la oissa e o o i ue », Afrique Renouveau, Edition spĂ©ciale jeune 2017, www.un.org.
111 Voi lâarticle intitulĂ© « Lâe ploi des jeu es e Af i ue » accessible via le lien :
https://www.ilo.org/africa/areas-of-work/youth-employment/lang--fr/index.htm
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 54
lâarticle affirmait alors, quâavec la pauvretĂ© et le chĂŽmage, ces jeunes africains ne peuvent
pas se permettre de ne pas travailler. Câest ce qui explique pourquoi un nombre important
de jeunes, y compris des mineurs non émancipés, se retrouvent dans le secteur informel. En
effet, pour survivre, ces jeunes nâont pas dâautres choix que de sây lancer. Ici, la probabilitĂ©
de trouver un emploi est plus grande que dans le secteur formel. Un article du journal
Madagascar-Tribune rapportait que 97,2% des jeunes se retrouvent dans le secteur informel.
Au Cameroun, câest 92% de cette population qui exerce dans lâinformel112.
100. Il faut souligner que mĂȘme sâil constitue encore une roue de secours pour ces jeunes,
le secteur informel ne saurait garantir Ă tous un emploi. Une bonne partie de ces jeunes est
encore sans activitĂ© et ceux-lĂ , lâauto-emploi semble ĂȘtre la meilleure solution envisageable.
Cette derniĂšre situation est connue car, un peu partout dans les pays de
lâOrganisation, des programmes sont mis sur pied pour aider les jeunes gens Ă sâautonomiser
en entreprenant des activités génératrices de revenu. Ces programmes semblent traduire une
prise de conscience de cette situation de la part des pouvoirs publics, cependant hélas, la
rĂ©glementation en vigueur est loin dâĂȘtre adaptĂ©e aux rĂ©alitĂ©s pratiques et est incompatible
avec les politiques mises en place. En effet, comme nous lâavons bien soulignĂ© plus haut,
dans les pays membres de lâOHADA, lâentrepreneuriat des mineurs non Ă©mancipĂ©s nâest
pas encore autorisĂ© par la loi, notamment en matiĂšre commerciale oĂč la loi communautaire
est trÚs claire. Les mineurs non émancipés ne peuvent donc pas officiellement exercer une
activitĂ© Ă©conomique (commerciale, pour ne parler que de cette catĂ©gorie dâactivitĂ©) en leur
nom propre. Pour exercer formellement, ils doivent obtenir leur émancipation ou, à défaut
de cela, attendre lâĂąge de la majoritĂ© qui peut ĂȘtre trĂšs Ă©levĂ© dans certains pays.
Quand on considÚre le nombre important de mineurs non émancipés qui sont
contraints de travailler de maniÚre informelle, la précarité dans laquelle se retrouvent ceux
qui rĂ©ussissent Ă trouver un emploi113, lâexploitation dont ils peuvent faire lâobjet de la part
112Pour ces chiffres, voir lâa ti le de R gis Ka a , « 98% des jeunes dans le secteur informel » sur
http://www.madagascar-tribune.com/98-des-jeunes-dans-le-secteur,23160.htm, Newsletter de Cameroun
Entreprises Développement, n° de Janvier-Février 2017 ; Voir également
http://www.iecd.org/file/2017/02/201702_NL_CED_FR.pdf
113 Voi les d eloppe e ts de lâi t odu tio g ale su les o s ue es du se teu i fo el.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 55
de leurs employeurs, on se demande sâil ne serait pas plus avantageux que lâon amĂ©nage un
dispositif qui leur permettra dâentreprendre dâune maniĂšre encadrĂ©e.
2.2. Les solutions envisageables
101. « Les jeunes en Afrique ne peuvent pas se permettre de rester à la maison. Beaucoup
dâentre eux vendent des marchandises dans la rue ou lavent des voitures dans la ville pour
gagner leur vie, et ils ne trouvent pas un travail de plus de quelques heures par jour. La
question est de savoir comment les politiques peuvent cibler ce groupe de travailleurs. »
affirmait Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique en
2014, lors dâune table ronde organisĂ©e dans le cadre des RĂ©unions de printemps Ă
Washington le 11 avril 2014 par la Banque mondiale et le FMI114 . Cette affirmation résume
parfaitement la situation dâun grand nombre de mineurs dans de nombreux pays africains et
son auteur souligne la nĂ©cessitĂ© dây remĂ©dier.
Face au nombre important de jeunes et notamment de mineurs non émancipés que
lâon retrouve dans le secteur informel, le droit des affaires doit rĂ©gir autrement la question
de lâentrepreneuriat des jeunes. Il ne sâagit pas ici dâĂŽter les garde-fous115 et dâaccorder Ă
tout mineur non Ă©mancipĂ© le droit dâexercer une activitĂ© en son nom propre mais il est plutĂŽt
question de mettre sur pied des rÚgles de droit qui soient véritablement adaptées aux réalités
des Etats membres. Deux solutions sont alors envisageables : revoir Ă la baisse lâĂąge de la
majoritĂ© dans les Etats membres de lâOrganisation ou mettre sur pied un entrepreneuriat
encadré des mineurs en général, et plus précisément des mineurs non émancipés.
102. La rĂ©vision Ă la baisse de lâĂąge de la majoritĂ©. Il faut admettre que dans quelques
pays de lâOrganisation, lâĂąge de la majoritĂ© est Ă©levĂ©. Il peut aller jusquâĂ 21 ans. Avant
quâils nâatteignent ce seuil dĂ©fini par le lĂ©gislateur, les jeunes ne peuvent pas exercer en leur
nom propre et pour leur compte. Pourtant, dans ces mĂȘmes pays, la loi les autorise Ă
travailler pour le compte dâun tiers dĂšs lâĂąge de 14 ans et mĂȘme de 13 ans si la situation au
sein dâun Etat le justifie116.
114 Voi lâa ti le i titul « Rele e le d fi de lâe ploi des jeunes en Afrique » publiĂ© le 11 avril 2014 sur
www.banquemondiale.org.
115 Ca o est o s ie t ue lâi apa it qui atteint le mineur non Ă©mancipĂ© a pour but de le protĂ©ger.
116 Voir les articles 3 Ă 7 de la Convention n°13 su lâĂąge i i u dâad issio Ă lâe ploi adopt e pa
lâO ga isatio I te atio ale du T a ail OIT le jui www.ilo.org). Ils fi e t Ă a s lâĂąge i i u
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 56
Ce gros Ă©cart entre lâĂąge de la majoritĂ© et lâĂąge minimal pour exercer un emploi
salariĂ© amĂšne Ă sâinterroger sur les raisons qui poussent les lĂ©gislateurs Ă donner Ă ces jeunes
le droit de travailler pour un tiers trĂšs tĂŽt et Ă fixer Ă si tard le moment oĂč ils pourront
travailler pour eux-mĂȘmes.
Plusieurs estimeront que lâĂ©tat psychologique de ces mineurs non Ă©mancipĂ©s et les
risques quâils encourent dans le monde des affaires justifient cet Ă©tat des choses. Dans le
cadre dâun contrat de travail, ils ne sont pas exposĂ©s aux risques inconsidĂ©rables encourus
par les entrepreneurs. Pourtant il faut admettre que ces jeunes sont trÚs souvent dotés
dâaptitudes techniques et intellectuelles importantes qui leur permettraient dâacquĂ©rir leur
Ă©mancipation. Or, dans ces pays, lâon est trĂšs peu habituĂ© Ă ce type de procĂ©dures et
beaucoup en ignorent mĂȘme lâexistence. Pour les autoritĂ©s, ces mineurs sont plus protĂ©gĂ©s
en travaillant pour autrui quâen travaillant pour eux-mĂȘmes.
Une solution pour permettre aux nombreux jeunes qui nâont pas encore atteint lâĂąge
de la majoritĂ© dâexercer une activitĂ© en leur nom propre consisterait Ă revoir Ă la baisse lâĂąge
de la majoritĂ©. Cette dĂ©cision serait certainement la bienvenue dans les pays oĂč ce sont
encore les rÚgles du code civil français de 1804 qui sont encore en vigueur. Ici, pour devenir
majeur, il faut attendre lâĂąge de 21 ans. Les Etats auraient le choix entre diminuer lâĂąge de
la majoritĂ© de maniĂšre gĂ©nĂ©rale ou crĂ©er une majoritĂ© entrepreneuriale. De mĂȘme, la loi
prévoit des aménagements spéciaux pour les mineurs non émancipés notamment en ce qui
concerne le travail (dĂšs 14 ans), le mariage (dĂšs 15 ans pour les filles et 18 ans pour les
garçons), les sanctions pĂ©nales et en matiĂšre de sociĂ©tĂ©, de mĂȘme le lĂ©gislateur pourrait
prĂ©voir un amĂ©nagement particulier en matiĂšre dâentrepreneuriat. Dans ces diffĂ©rents cas, si
le lĂ©gislateur nâa pas attendu que le mineur atteigne lâĂąge de la majoritĂ©, câest quâil estime
que son Ă©tat psychologique lui permet dĂ©jĂ dâavoir la maturitĂ© nĂ©cessaire pour assumer les
responsabilités qui seront les siennes. En matiÚre entrepreneuriale, il est possible de
procéder pareillement. Le mineur non émancipé qui aurait atteint un certain ùge pourrait
exercer une activitĂ© en son propre nom et son entreprise ferait, bien Ă©videmment, lâobjet
dâun encadrement particulier.
général à partir duquel les enfants peuvent travailler. Mais lorsque la situation de certains pays en
dĂ©veloppement permet de le justifier, cet Ăąge peut ĂȘtre ramenĂ© Ă 14 ans, et mĂȘme Ă 13 ans lorsque le travail
à effectuer est léger.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 57
103. La mise sur pied dâun entrepreneuriat encadrĂ© en faveur des mineurs. Pour
commencer les législateurs nationaux devraient, eu égard à la situation économique et
sociale de leur pays, fixer un ùge à partir duquel les mineurs non émancipés peuvent devenir
entrepreneurs individuels. Ensuite, pour les protéger, ils devraient mettre sur pied des rÚgles
qui encadreraient les entreprises créées par ces jeunes. On peut par exemple exiger de ces
derniers quâils endossent le statut dâentreprenant. Autrement dit, un mineur non Ă©mancipĂ©
ne pourrait entreprendre que sous le statut dâentreprenant. Il pourrait ainsi bĂ©nĂ©ficier des
avantages dudit statut et aurait un champ dâaction limitĂ© Ă cause du chiffre dâaffaires qui ne
peut excéder un certain plafond.
Pour le cas particulier du mineur non émancipé, le dépassement de ce plafond
pendant deux années consécutives lui ferait perdre ses avantages fiscaux et sociaux.
Toutefois, il conserverait son statut dâentreprenant. Eu Ă©gard Ă son Ăąge, il ne pourrait pas
migrer vers un autre statut dâentrepreneur individuel, mais eu Ă©gard Ă son chiffre dâaffaires
il devrait assumer les mĂȘmes obligations fiscales et sociales que les entrepreneurs qui ont
les mĂȘmes capacitĂ©s Ă©conomiques que lui. Un tel dispositif aurait pour but de circonscrire
lâactivitĂ© du mineur non Ă©mancipĂ©.
Des mesures supplémentaires seraient encore nécessaires. Entre autres, on devrait
limiter le pouvoir du mineur non Ă©mancipĂ©. En sâinspirant du modĂšle français, on pourrait
restreindre les pouvoirs du mineur non Ă©mancipĂ© Ă lâaccomplissement des actes
dâAdministration. Tous les actes de disposition devront ĂȘtre signĂ©s par ses parents ou
responsables légaux.
On peut Ă©galement limiter le montant des contrats Ă conclure avec un mineur non
émancipé. Pour restreindre les obligations et les risques, on pourrait par exemple limiter la
valeur des contrats conclus entre lâentreprise du mineur non Ă©mancipĂ© et un mĂȘme
cocontractant. Lâensemble des engagements du mineur Ă lâĂ©gard de tous ses cocontractants
ne devrait pas excĂ©der un certain montant au cours dâune pĂ©riode bien dĂ©finie.
Par ailleurs, les mineurs non Ă©mancipĂ©s auraient le devoir dâinformer leurs
cocontractants de leur Ăąge afin que ces derniers sachent Ă quoi ils sâengagent117. La formule
117 Les potentiels cocontractants du mineur pou o t sâe gager en ayant connaissance de ce que la loi prĂ©voit
dans de tels cas (actes que celui-ci peut accomplir ou non, limitation du montant des contrats Ă conclure,
etc.).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 58
« Mineur Non Emancipé » devrait par exemple figurer sur leurs documents officiels
(dĂ©claration dâactivitĂ©, enseigne, factures, quittances de paiement, etc.).
Enfin, les mineurs non Ă©mancipĂ©s auraient lâobligation dâopter pour un patrimoine
sĂ©parĂ© parce que lâexercice en leur nom propre prĂ©sente des risques pour le patrimoine
personnel de lâentrepreneur. Le mineur non Ă©mancipĂ© serait alors tenu de procĂ©der Ă une
sĂ©paration de son patrimoine au moment de la dĂ©claration dâactivitĂ©. Sa responsabilitĂ© serait
donc limitĂ©e Ă hauteur du capital affectĂ© Ă lâactivitĂ©. Cette mesure permettrait dâassurer sa
protection.
104. Ces Ă©bauches de solutions montrent que lâĂ©ligibilitĂ© des mineurs est envisageable
dĂšs lors que lâon trouve un moyen de les protĂ©ger. Mais contrairement Ă eux, les choses
semblent ĂȘtre plus complexes en ce qui concerne les majeurs protĂ©gĂ©s.
B. Le cas des majeurs protégés
105. On dĂ©signe sous lâexpression de majeurs protĂ©gĂ©s les personnes physiques qui, ayant
atteint lâĂąge de la majoritĂ©, ont une altĂ©ration de leurs facultĂ©s mentales ou corporelles qui
empĂȘche lâexpression de leur volontĂ©. La question qui se pose par rapport Ă cette catĂ©gorie
de personnes est de savoir si elles peuvent ĂȘtre Ă©ligibles au statut dâentreprenant, bien
Ă©videment dans le but dâexercer une activitĂ© en leur nom propre. Y rĂ©pondre nĂ©cessite que
lâon sâintĂ©resse aux mesures de protection dont elles peuvent faire lâobjet ainsi quâĂ leurs
conséquences.
106. Lâexistence dâune mesure de protection. Il est important de rappeler que lâincapacitĂ©
est une exception car elle restreint les libertĂ©s de la personne quâelle atteint. Cela Ă©tant, elle
ne peut ĂȘtre automatique118 et doit expressĂ©ment ĂȘtre prĂ©vue par la loi qui fixe les conditions
de son existence.
LâincapacitĂ© qui frappe les majeurs dits protĂ©gĂ©s doit ĂȘtre prononcĂ©e par la
juridiction compĂ©tente. Pour cela, il faut que lâaltĂ©ration ou la dĂ©ficience dont souffre la
personne visée par la mesure soit médicalement constatée, que la mesure de protection
118 E. PECQUEUR et L. PECAUT-RIVOLIER, Protéger un majeur vulnérable. Tutelle- Curatelle, Mesures
alternatives, Paris, Dalloz, 2018..
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 59
judiciaire soit Ă la fois nĂ©cessaire, subsidiaire (câest-Ă -dire quâil soit impossible de recourir
à une autre solution) et proportionnelle à la faiblesse que manifeste la personne concernée
119.
107. En fonction de la gravitĂ© de lâĂ©tat de la personne concernĂ©e, la justice prononcera
une mesure de protection qui aura pour effet, soit de lâempĂȘcher dâexercer certains droits,
soit de les lui accorder Ă certaines conditions120. La plupart des membres de lâOrganisation
ayant hérité du droit civil français, il y a lieu de croire que les mesures de protection qui
pourraient le plus ĂȘtre appliquĂ©es aux majeurs dans ces Etats sont la tutelle et la curatelle.
La tutelle des personnes majeures est une mesure de protection des majeurs qui se
rapproche de celle des mineurs. Comme ces derniers, le majeur qui fait lâobjet de cette
mesure de protection ne peut accomplir seul les actes de la vie civile dâune certaine
importance et doit toujours ĂȘtre reprĂ©sentĂ©. Ceci est la consĂ©quence dâune dĂ©ficience grave
qui justifie que ce soit le tuteur qui prenne toutes les décisions à la place du majeur protégé.
La curatelle, elle, est une mesure dâassistance. La dĂ©ficience physique ou mentale de
la personne qui est atteinte Ă©tant moins grave que celle du majeur sous tutelle, celui-ci devra
simplement se faire assister dans lâaccomplissement de certains actes importants.
108. Les conséquences de la mesure de protection. Répondre à la question posée dÚs le
début de cette partie, à savoir si les majeurs protégés sont éligibles au statut de
lâentreprenant, revient simplement Ă dĂ©terminer sâils peuvent exercer une activitĂ© en nom
propre, autrement dit, sâils peuvent crĂ©er une entreprise individuelle.
Le chapitre II de lâAUDCG intitulĂ© "CapacitĂ© dâexercer le commerce" ne nous
donne pas des éléments pour répondre à cette question car le législateur communautaire ne
fait pas allusion aux majeurs protégés. Pour connaßtre le sort que la loi leur réserve, il
faudrait se référer aux dispositions du droit national en vigueur dans chaque Etat membre
de lâOrganisation.
En ce qui concerne la tutelle, tout porte Ă croire quâelle ne permet pas au majeur
protĂ©gĂ© dâexercer une activitĂ© en nom propre. Etant donnĂ© que le majeur protĂ©gĂ© doit ĂȘtre
119 J. COMBRET et A. HOUIS, « Focus sur les majeurs protégés De quelques questions pratiques », in La
Semaine Juridique Notariale et ImmobiliÚre, (14 décembre 2018), no 50, p. 1362.
120 C. MBA-OWONO, Précis de droit civil gabonais. Les personnes - Les incapacités, Paris, Dianoïa, 2019.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 60
représenté, lui permettre de créer une entreprise individuelle reviendrait à lui faire exercer
une activitĂ© par personne interposĂ©e. Ce sont les tuteurs qui exerceraient lâactivitĂ© Ă leur
place, câest-Ă -dire en leur nom, et ce sont eux qui prendraient des engagements au nom des
majeurs protĂ©gĂ©s quâils reprĂ©sentent, les exposant aux risques encourus dans le monde des
affaires et mettant leur patrimoine personnel en danger. Une telle solution ne saurait ĂȘtre
envisageable, notamment en matiĂšre commerciale121.
Le cas du majeur sous curatelle, lui, semble différent. Le professeur François
TERRE affirmait Ă son sujet quâil « ⊠ne peut agir seul, car ses facultĂ©s mentales ou sa
maturitĂ© ne sont pas suffisantes ; mais elles sont suffisantes pour quâon ne lâĂ©carte pas
radicalement de la scĂšne juridique ; il pourra donc conclure lâacte mais en Ă©tant
accompagnĂ© dâune personne qui lâassistera »122. Contrairement Ă lui, dâautres personnes
pensent que le majeur sous curatelle ne pourra pas exercer en nom propre mĂȘme sâil est
assistĂ©123. En effet, les exigences dâune entreprise voudraient que lâon soit pleinement libre
et quâon puisse rĂ©agir assez promptement, alors que le majeur sous curatelle devra trĂšs
souvent requĂ©rir lâavis de son curateur. En cas de dĂ©saccord avec ce dernier, il faudrait
solliciter lâintervention du juge, ce qui paralyserait ou ralentirait lâactivitĂ©. ThĂ©oriquement,
on peut envisager quâil puisse crĂ©er une entreprise individuelle, mais en pratique le fait quâil
doive se faire assister peut rendre son activité contraignante, voire impossible.
On peut toujours supposer quâil sera toujours plus facile pour le majeur sous curatelle
dâaccomplir des actes dâAdministration que des actes de disposition et quâune activitĂ© civile
lui conviendrait mieux quâune activitĂ© commerciale. Mais quelle que soit la nature,
lâexercice dâune activitĂ© en nom propre sâavĂšre trop risquĂ© pour un majeur protĂ©gĂ©. MĂȘme
si dans les pays membres de lâOHADA, la loi ne leur interdit pas de maniĂšre explicite et
121 G. RAOUL-CORMEIL, « Les distorsions entre la théorie et la pratique du droit des majeurs protégés », in
La Semaine Juridique Edition Générale, (4 février 2019), no 5, p. 121 ; D. GUEVEL, Droit du commerce et des
affaires, LGDJ, 2017.
122 F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil, les personnes. Personnalité - Incapacité - Protection, op. cit.
123 J. COMBRET, « E t e d oit des pe so es p ot g es et d oit de lâe t ep ise, u e o iliatio diffi ile », in
E it de d oit de lâe t ep ise. M la ges e lâho eu de Pat i k Se loote , Dalloz, 2015, p. 183-199.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 61
que, théoriquement cela semble possible, pratiquement il leur sera trÚs difficile de le faire124.
Pour certains auteurs, cela est mĂȘme impossible125.
109. En France la rĂ©ponse Ă la question posĂ©e nâest pas Ă©vidente non plus. Comme dans
lâOHADA, le code de commerce et le code civil ne se prononcent pas sur la possibilitĂ© pour
des majeurs protĂ©gĂ©s dâexercer le commerce. En 2018, la question avait Ă©tĂ© posĂ©e Ă la Cour
de cassation Ă lâoccasion dâune affaire. Celle-ci a fait une interprĂ©tation favorable des textes
de lois et a conclu quâaucune disposition nâinterdit Ă la personne en curatelle dâexercer le
commerce et dâopter pour un exercice en nom propre dans le cadre dâune micro-entreprise.
Elle estime cependant que, pour lâaccomplissement dâactes de disposition, le majeur sous
curatelle doit ĂȘtre assistĂ©126.
110. Eu Ă©gard Ă tout ce qui a prĂ©cĂ©dĂ©, dans lâOHADA le sort des majeurs protĂ©gĂ©s ne
semble pas ĂȘtre bien diffĂ©rent de celui des mineurs non Ă©mancipĂ©s. LâinĂ©ligibilitĂ© qui les
frappe est positive car elle prĂ©serve leurs intĂ©rĂȘts. Elle ne devrait donc pas ĂȘtre mal accueillie
contrairement aux mesures dâinterdiction qui, elles, sont des sanctions Ă lâencontre de ceux
qui en sont frappés.
124 M. MENJUCQ, « Lâi apa le majeur en droit des affaires », in La Semaine Juridique Notariale et ImmobiliĂšre,
(20 mai 1999), no 20, p. 836.
125 Voir H. B. MODI KOKO, Droit communautaire des affaires, OHADA-CEMAC, tome 1, Droit commercial
général et droit de la concurrence, ChenneviÚres-sur Marne, Dianoïa, 2008, p. 34.
126 CASS. 1Úre CIV., 6 DEC. 2018, Defrénois Flash 14 JANV. 2019, N° 148S8, P. 26 ; A.-F. ZATTARA-GROS, « Pour la
o st u tio dâu d oit o e ial des pe so es ul a les », in Gazette du palais, (26 mars 2019), no 12,
p. 70 ; A. GOSSELIN-GORAND, « Lâe e i e de lâa ti it o e iale par un majeur sous curatelle affirmĂ© par
la Cour de cassation », in Defrénois, (14 février 2019), no 7, p. 21 ; J. COMBRET, « Le majeur en curatelle
dispose-t-il de la apa it o e iale� », in Defrénois, (21 février 2019), no 8, p. 26 ; I. MARIA, « Le majeur
e u atelle apa le dâe e e le o e eâŻ! », in Droit de la famille, (mars 2019), no 3, comm. 64 ; N.
BAILLON-WIRTZ, « La capacitĂ© o e iale du ajeu e u atelleâŻ: a is du d e e de la Cou de
cassation », in La Semaine Juridique Notariale et ImmobiliÚre, (18 janvier 2019), no 3, p. act. 158.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 62
Paragraphe 2 : Lâexclusion des personnes faisant lâobjet dâinterdiction
111. Lâinterdiction est la manifestation dâune mĂ©fiance que le droit Ă©prouve Ă lâĂ©gard dâun
sujet qui prĂ©senterait un risque pour les autres127. Câest une mesure prononcĂ©e par une
juridiction Ă lâencontre dâun individu dans le but de lâempĂȘcher dâexercer une activitĂ©
spĂ©cifique ou une catĂ©gorie dâactivitĂ©s. Câest une sanction qui consiste Ă Ă©carter un individu
du champ dâexercice dâune activitĂ©. Lâinterdiction dĂ©coule toujours dâune dĂ©cision
prononcĂ©e Ă lâencontre dâun individu par une juridiction. Elle peut ĂȘtre expresse ou tacite.
Lâinterdiction expresse est celle qui est explicitement prononcĂ©e. A lâopposĂ©, lâinterdiction
tacite nâest pas expressĂ©ment prononcĂ©e par une juridiction mais elle est la consĂ©quence
dâune condamnation.
112. Dans les articles 10 et suivants de lâAUDCG, le lĂ©gislateur communautaire fait Ă©tat
des interdictions en rapport avec lâexercice du commerce. Les personnes qui rĂ©unissent les
critÚres prévus dans ces dispositions ne peuvent pas exercer le commerce. Plus loin aux
articles 63 et suivants du mĂȘme Acte uniforme, il fait encore allusion Ă des interdictions,
conditionnant lâaccĂšs au statut dâentreprenant. Ainsi, les personnes qui font lâobjet
dâinterdictions telles que le prĂ©voit lâAUDCG, ne pourront pas prĂ©tendre au statut
dâentreprenant. Il leur est impossible dâacquĂ©rir le statut dâentreprenant si câest dans le but
dâeffectuer lâactivitĂ© dont lâexercice leur est interdit.
113. Dans ce paragraphe, nous nous intéresserons aux causes de ces interdictions (A),
ainsi quâĂ la durĂ©e pendant laquelle elles produisent leurs effets (B).
A. Les causes de lâinterdiction
114. DâaprĂšs lâarticle 63-3 de lâAUDCG, celui qui demande le statut dâentreprenant doit
prouver quâil ne fait pas lâobjet dâune interdiction128 lâempĂȘchant dâexercer lâactivitĂ©
envisagĂ©e. Pour sâassurer quâil nâest pas sous le coup dâune interdiction, on recherche des
127 F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil, les personnes. Personnalité - Incapacité - Protection, op. cit.
128 Le de a deu doit joi d e Ă so fo ulai e de d la atio dâa ti it , u e d la atio su lâho eu
attesta t uâil e fait lâo jet dâau u e des i te di tio s p ues pou so as. Ensuite, dans un dĂ©lai de
soixante-quinze (75) jours à compter de la date de dépÎt de sa déclaration, il devra fournir un extrait de son
casier judiciaire ou, à défaut un document qui en tient compte.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 63
Ă©lĂ©ments prĂ©cis en fonction de la nature de lâactivitĂ© quâil souhaite exercer. Ainsi,
lâapprĂ©ciation de la situation du demandeur variera selon que lâactivitĂ© envisagĂ©e par
lâentrepreneur est de nature commerciale (1) ou civile (2).
1. Pour lâexercice dâune activitĂ© commerciale
115. ConformĂ©ment Ă lâarticle 63-3 citĂ© ci-dessus, le demandeur qui souhaite exercer une
activitĂ© commerciale sous la casquette dâentreprenant doit attester « quâil nâest frappĂ©
dâaucune des interdictions prĂ©vues Ă lâarticle 10 » du mĂȘme Acte uniforme. Lorsquâon
remonte Ă lâarticle 10, il est Ă©crit que « nul ne peut exercer une activitĂ© commerciale,
directement ou par personne interposĂ©e, sâil a fait lâobjet :
- dâune interdiction gĂ©nĂ©rale, dĂ©finitive ou temporaire, prononcĂ©e par une
juridiction de lâun des Etats parties, que cette interdiction ait Ă©tĂ© prononcĂ©e comme peine
principale ou comme peine complémentaire ;
- dâune interdiction prononcĂ©e par une juridiction professionnelle ; dans ce cas,
lâinterdiction ne sâapplique quâĂ lâactivitĂ© commerciale considĂ©rĂ©e ;
- dâune interdiction par lâeffet dâune condamnation dĂ©finitive Ă une peine privative
de libertĂ© pour un crime de droit commun, ou Ă une peine dâau moins trois mois
dâemprisonnement non assortie de sursis pour un dĂ©lit contre les biens, ou une infraction
en matiÚre économique ou financiÚre ».
116. Pour apprĂ©cier la situation du postulant au statut dâentreprenant lorsque celui-ci
envisage dâexercer une activitĂ© commerciale, on recherchera sâil nâexiste pas contre lui :
une dĂ©cision de justice prononçant Ă son encontre une interdiction gĂ©nĂ©rale dâexercer le
commerce, une dĂ©cision de justice lui interdisant lâexercice dâune activitĂ© commerciale
spĂ©cifique, lâexistence dâune condamnation Ă une peine privative de libertĂ©.
1.1. La condamnation Ă une interdiction gĂ©nĂ©rale dâexercer le commerce
117. Lâarticle 10 fait premiĂšrement allusion Ă une interdiction gĂ©nĂ©rale en rapport avec
lâexercice du commerce. Il sâagit ici dâune interdiction qui nâest pas spĂ©cifique Ă une activitĂ©
commerciale en particulier. Le demandeur qui est sous le coup dâune telle interdiction ne
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 64
peut pas exercer le commerce en général. Cela étant, il ne peut solliciter le statut
dâentreprenant dans le but dâexercer une activitĂ© commerciale quelconque.
Ce premier cas renvoie à une interdiction expressément prononcée par une
juridiction de droit commun de lâun des Etats membres de lâOHADA129. Il importe peu que
cette sanction soit rendue comme peine principale ou comme peine complĂ©mentaire, quâelle
soit définitive ou limitée dans le temps.
Lâexamen de la situation du demandeur semble graduel. Dans un premier temps,
lâAdministration chargĂ©e dâexaminer la dĂ©claration dâactivitĂ© sâassurera quâil nâa pas Ă©tĂ©
prononcĂ© Ă lâencontre du demandeur une interdiction lâempĂȘchant dâexercer le commerce
en gĂ©nĂ©ral. A dĂ©faut dâune dĂ©cision Ă portĂ©e gĂ©nĂ©rale, on sâassurera quâil nâen existe pas
une qui soit plus spécifique.
1.2. La condamnation Ă une interdiction dâexercer une activitĂ© commerciale en
particulier
118. Il sâagit dâune dĂ©cision expresse Ă©manant, cette fois-ci, dâune juridiction Ă caractĂšre
professionnel. Câest ce qui explique pourquoi lâinterdiction se limitera Ă lâexercice de la
profession concernĂ©e. Lâarticle 10 prĂ©cise, en effet, quâelle « ne sâapplique quâĂ lâactivitĂ©
commerciale considĂ©rĂ©e ». Elle empĂȘche dâexercer une activitĂ© commerciale bien prĂ©cise.
Le demandeur qui est sous le coup dâune telle interdiction peut exercer toute activitĂ©
commerciale Ă lâexception de celle-lĂ . Le demandeur qui se trouve dans cette deuxiĂšme
situation ne peut ĂȘtre Ă©ligible au statut dâentreprenant que pour exercer une activitĂ©
commerciale diffĂ©rente de celle dont lâexercice lui est interdit.
AprĂšs sâĂȘtre assurĂ©e quâil nâexiste pas Ă lâencontre du postulant au statut
dâentreprenant une dĂ©cision qui lâempĂȘche dâexercer le commerce de maniĂšre gĂ©nĂ©rale ou
lâactivitĂ© commerciale spĂ©cifique qui lâintĂ©resse, lâAdministration chargĂ©e dâexaminer la
dĂ©claration dâactivitĂ© devra sâassurer que le demandeur nâa pas non plus, fait lâobjet dâune
condamnation entrainant lâinterdiction dâexercer le commerce.
129 On peut se demander si les interdictions rendues en deho s des pa s e es de lâO ganisation ne seront
pas valables.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 65
1.3. La condamnation à une peine privative de liberté
119. Lâexistence « dâune interdiction par lâeffet dâune condamnation » renvoie au cas oĂč
la dĂ©cision dâexercer le commerce nâa pas Ă©tĂ© expressĂ©ment prononcĂ©e mais fait suite Ă une
condamnation prononcĂ©e Ă lâencontre du demandeur. Lâinterdiction est tacite, elle nâest que
la consĂ©quence de la condamnation quâa subie le demandeur. Il faut cependant prĂ©ciser que
des conditions prĂ©cises doivent ĂȘtre rĂ©unies pour quâune condamnation entraine
lâinterdiction dâexercer le commerce. Lâexistence dâune condamnation seule ne suffira pas
pour disqualifier le demandeur, on devra encore tenir compte de la nature de lâinfraction qui
a donné lieu à cette condamnation et/ou de la peine infligée.
En ce qui concerne la nature de lâinfraction, la loi communautaire prĂ©cise que le
demandeur ne pourra pas exercer une activitĂ© commerciale sâil a fait lâobjet dâune
condamnation pour un crime de droit commun, pour un délit contre les biens, pour une
infraction en matiÚre économique. On remarquera que pour les deux premiÚres catégories
dâinfractions, le lĂ©gislateur a prĂ©cisĂ© la peine. Ainsi, il faudra non seulement que le
demandeur ait Ă©tĂ© condamnĂ© pour lâune de ces infractions, mais aussi que la peine infligĂ©e
lors de cette condamnation corresponde au minimum prévu par la loi communautaire. Le
demandeur condamnĂ© pour un crime de droit commun ne sera disqualifiĂ© que sâil a fait
lâobjet dâune peine privative de libertĂ©. Celui qui a Ă©tĂ© condamnĂ© pour dĂ©lit contre les biens
ne sera pas Ă©ligible au statut dâentreprenant que sâil a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă une peine
dâemprisonnement Ă©gale ou supĂ©rieure Ă trois mois sans sursis.
Sur cette troisiĂšme catĂ©gorie dâinterdiction, le sort du demandeur commerçant se
rapproche de celui du demandeur qui envisage exercer une activité civile.
2. Pour lâexercice dâune activitĂ© civile
120. Comme pour le demandeur commerçant, lâarticle 63-3° de lâAUDCG impose Ă celui
qui veut exercer une activitĂ© civile sous la casquette dâentreprenant de prouver « quâil nâa
fait lâobjet dâaucune interdiction dâexercer en relation avec sa profession et quâil nâa fait
lâobjet dâaucune condamnation pour les infractions prĂ©vues par lâarticle 10 ». DĂšs lors,
lâexamen de la situation du demandeur non commerçant nĂ©cessitera donc que lâon recherche
sâil existe contre lui une interdiction dâexercer la profession envisagĂ©e ou une condamnation
pour les infractions mentionnĂ©es Ă lâarticle 10.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 66
2.1. Une condamnation interdisant dâexercer lâactivitĂ© civile souhaitĂ©e
121. Le demandeur non commerçant qui a fait lâobjet dâune interdiction en rapport avec
lâactivitĂ© civile quâil envisage dâexercer est inĂ©ligible au statut dâentreprenant.
Lâinterdiction dont il est question ici, est assez spĂ©cifique et ne produira des effets que pour
lâexercice dâune ou de quelques activitĂ©s bien ciblĂ©es. Le demandeur, Ă©tant privĂ© du droit
dâexercer une activitĂ© particuliĂšre, ne pourra pas obtenir le statut dâentreprenant pour
exercer cette activité spécifique. Ce serait alors contourner la loi. Cependant, le statut
dâentreprenant pourrait trĂšs bien lui ĂȘtre accordĂ© pour lâexercice dâautres activitĂ©s civiles.
Dans ce premier cas de figure, le sort du demandeur non commerçant se rapproche
de celui qui envisage exercer une activitĂ© commerciale dans la mesure oĂč la loi prĂ©voit,
Ă©galement Ă lâĂ©gard de ce dernier, lâĂ©ventualitĂ© dâune interdiction dâexercer une activitĂ©
commerciale spĂ©cifique. Mais en ce qui concerne lâexistence de condamnations, la loi
communautaire va faire une différence importante entre commerçants et non commerçants.
2.2. La condamnation pour les infractions mentionnĂ©es Ă lâarticle 10 de lâAUDCG
122. DâentrĂ©e de jeu il est important de faire remarquer la nuance que le lĂ©gislateur fait
en ce qui concerne le demandeur non commerçant. Ce dernier ne doit avoir fait « lâobjet
dâaucune condamnation pour les infractions prĂ©vues Ă lâarticle 10 ». Câest donc seulement
la derniĂšre partie de lâarticle 10 qui nous intĂ©ressera ici. En effet, câest dans cette partie que
des infractions identifiables sont mentionnées : crime de droit commun, délit contre les biens
et infraction en matiÚre économique ou financiÚre. Le demandeur non commerçant qui a fait
lâobjet dâune condamnation pour lâune de ces infractions se verra purement et simplement
refuser le statut dâentreprenant.
123. Il est important de faire remarquer quâen ce qui concerne le demandeur non
commerçant, la loi communautaire prĂ©cise quâil ne doit pas avoir fait lâobjet dâune
condamnation pour lâune de ces infractions. Par contre, pour les commerçants, la mĂȘme loi
dispose simplement quâil ne doit pas ĂȘtre frappĂ© des interdictions prĂ©vues Ă lâarticle 10. La
nuance faite dans la formulation est importante. En effet, comme cela a été démontré plus
haut, le demandeur commerçant ne sera dĂ©clarĂ© inĂ©ligible que si les conditions de lâarticle
10 in fine sont rĂ©unies, Ă savoir lâinfraction et la peine. Le postulant commerçant ne pourra
ĂȘtre Ă©cartĂ© que sâil a Ă©tĂ© condamnĂ© pour lâune des infractions de lâarticle 10 et si la peine qui
lui a Ă©tĂ© infligĂ©e correspond au minimum Ă celle mentionnĂ©e dans la mĂȘme disposition. Par
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 67
contre, en ce qui concerne le demandeur non commerçant, la condamnation seule pour les
infractions citĂ©es Ă lâarticle 10 suffit. La peine infligĂ©e ne semble avoir aucune incidence
dans lâapprĂ©ciation de la situation du demandeur.
Cette situation nâest pas sans importance car elle donne lâimpression que la loi
communautaire est plus sĂ©vĂšre Ă lâĂ©gard des demandeurs non commerçants. On aurait
pourtant cru quâelle aurait Ă©tĂ© plus sĂ©vĂšre envers ceux qui veulent exercer une activitĂ©
commerciale.
124. Une sĂ©vĂ©ritĂ© plus importante Ă lâĂ©gard des demandeurs non commerçants ? Pour
que lâinterdiction joue Ă lâĂ©gard de ceux qui veulent exercer une activitĂ© commerciale, on
tiendra compte de deux Ă©lĂ©ments : lâinfraction et la peine. Cela rend un peu plus difficile la
constitution de lâinterdiction130. En effet, plus il y a de critĂšres plus il est difficile de
constituer lâinterdiction. En revanche, moins il y a de critĂšres, plus il est facile de constituer
lâinterdiction. Le demandeur qui aurait Ă©tĂ© condamnĂ© pour lâune de ces infractions mais dont
la peine serait infĂ©rieure Ă celles prĂ©vues par lâarticle 10, pourra se voir accorder le statut
dâentreprenant. Par exemple, le demandeur qui a fait lâobjet dâune peine privative de libertĂ©
pour un délit de droit commun est éligible au statut ainsi que celui qui est condamné pour
dĂ©lit contre des biens mais qui bĂ©nĂ©ficie dâun sursis car ils ne remplissent plus les conditions
prĂ©vues par lâarticle 10.
125. En ce qui concerne les demandeurs non commerçants, lâinfraction seule suffit. Le
demandeur non commerçant qui a Ă©tĂ© condamnĂ© pour lâune des infractions sera disqualifiĂ©
au regard de la condamnation seule, peu importe la peine.
La non-considĂ©ration de la peine facilite la constitution de lâinterdiction et, par
consĂ©quent, rend la loi un peu plus sĂ©vĂšre Ă lâĂ©gard des non commerçants. A lâopposĂ©,
lâexistence de critĂšres supplĂ©mentaires Ă lâĂ©gard des commerçants rend la loi plus souple Ă
leur endroit. Les Professeurs POUGOUE et KUATE relevaient déjà cet état des choses dans
leur ouvrage sur lâentreprenant lorsquâils affirmaient que « lâimpĂ©trant appelĂ© Ă opĂ©rer
130 Le demandeur qui a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă une peine privative de libertĂ© pou u d lit de d oit o u âe t e
plus da s les o ditio s p ues Ă lâa ti le . Qua d o sait ue dâap s la loi p ale Ca e ou aise, le dĂ©lit
est u e i f a tio do t la pei e p i ati e de li e t est sup ieu e Ă jou s et âe de pas a s, o
conviendra que celui qui a été condamné pour délit contre les biens à un emprisonnement de moins de 3
mois âe t e plus da s les it es de lâa ti le .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 68
parallĂšlement en tant que commerçant nâest concernĂ© par lâinterdiction que dans la mesure
oĂč il a Ă©tĂ© condamnĂ© pour un crime de droit commun ou pour une infraction de nature
Ă©conomique dâune certaine gravitĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e Ă lâarticle 10 in fine » 131. La nuance ainsi faite
rend les dispositions de lâarticle 63 plus sĂ©vĂšres Ă lâĂ©gard des demandeurs non commerçants.
En ce qui concerne les commerçants, lâimportance accordĂ©e Ă la peine augmente leur
probabilitĂ© dâĂ©chapper Ă lâinterdiction et dâacquĂ©rir le statut dâentreprenant132. Cependant,
ce quâil convient de retenir, aussi bien pour les demandeurs commerçants que pour les
demandeurs non commerçants, câest que les chances dâacquĂ©rir le statut dâentreprenant sont
rĂ©duites lorsquâon a fait lâobjet dâune condamnation. La question qui se pose alors est celle
de savoir jusquâĂ quand lâinterdiction qui lâatteint produira ses effets, autrement dit, pendant
combien de temps lâinterdit subira ses consĂ©quences.
B. La durĂ©e de lâinterdiction
126. Face aux dĂ©veloppements relatifs Ă lâinterdiction, la question quâon peut se poser est
celle de savoir jusquâĂ quand une interdiction peut empĂȘcher une personne de prĂ©tendre au
statut dâentreprenant. En dâautres termes, jusquâĂ quand elle produit ses effets. Pour
rĂ©pondre Ă cette question, nous nous contenterons de ce qui est prĂ©vu Ă lâarticle 11 de
lâAUDCG (1) car lâarticle 63-3° qui fait Ă©galement rĂ©fĂ©rence Ă la durĂ©e des interdictions
nous semble ambigu (2).
1. La durĂ©e de lâinterdiction au regard de lâarticle 11 de lâAUDCG
127. Pour apprĂ©cier la durĂ©e dâune interdiction, il est important de dĂ©terminer son
commencement. DâaprĂšs la loi communautaire, il faut compter Ă partir « du jour oĂč la
dĂ©cision prononçant lâinterdiction est devenue dĂ©finitive ». Avant de parler de sa fin
proprement dit, il est important de relever quâune interdiction peut ĂȘtre prononcĂ©e « Ă titre
131 P.-G. POUGOUE et S.S. KUATE TAMEGHE, Lâe t ep e a t OHADA, YaoundĂ©, PUA, 2013.
132 P.-G. POUGOUE et S.S. KUATE TAMEGHUE, ibid. De prime abord, on serait enclin Ă penser que le
l gislateu se ait plus s e Ă lâ ga d des o e ça ts. Cette prĂ©somption se justifie par le fait que les
activitĂ©s commerciales semblent ĂȘtre les plus connues et les plus encadrĂ©es et par le souci qui anime le
l gislateu o u autai e de s u ise la ie des affai es depuis la atio de lâOHADA.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 69
temporaire » ou « à titre définitif.
128. Lâinterdiction Ă titre temporaire. Lâinterdiction Ă titre temporaire est celle qui est
assortie dâun terme. Sa durĂ©e est limitĂ©e dans le temps et la personne qui la subit en sera
libĂ©rĂ©e Ă lâexpiration du dĂ©lai fixĂ© par la juridiction qui a prononcĂ©e lâinterdiction133.
La durĂ©e des interdictions peut varier. Lâarticle 11 de lâAUDCG fait allusion aux
interdictions dont la « durée est supérieure » à cinq (05) ans. On peut donc supposer que la
durĂ©e dâune interdiction peut ĂȘtre infĂ©rieure Ă cinq (05) ans. La loi communautaire ne fixe
pas de minimum. Celui-ci dĂ©pend sans doute de lâinfraction commise. Il faut se rĂ©fĂ©rer aux
lois nationales pour connaitre les durées prévues dans chaque Etat partie. Au Cameroun par
exemple, lâarticle 36 (2) du Code pĂ©nal dispose que lâinterdiction est prononcĂ©e pour une
durĂ©e qui ne peut ĂȘtre infĂ©rieure Ă un (01) an134. Cette durĂ©e ne peut, en principe excĂ©der
cinq (05) ans, sauf dans les cas oĂč la loi en dispose autrement. En cas de rĂ©cidive, la loi
prĂ©voit la possibilitĂ© de la rendre perpĂ©tuelle, câest-Ă -dire dĂ©finitive.
129. Lâinterdiction Ă titre dĂ©finitif. Lâinterdiction Ă titre dĂ©finitif est celle qui nâa pas de
terme, sa durée est illimitée. La personne qui en est atteinte est censée subir cette interdiction
toute sa vie. En principe, elle ne devrait plus jamais exercer lâactivitĂ© qui lui est interdite.
Cependant, lâarticle 11 de lâAUDCG laisse entrevoir la possibilitĂ© dây mettre un terme.
130. La fin de lâinterdiction. Les dispositions de lâarticle 11 de lâAUDCG nous
permettent dâaffirmer quâune interdiction peut prendre fin Ă lâarrivĂ©e du terme fixĂ© par la
juridiction qui lâa prononcĂ©e ou, de maniĂšre anticipĂ©e. La fin qui est due Ă lâarrivĂ©e du terme
ne nĂ©cessite pas lâon accomplisse des formalitĂ©s particuliĂšres. En revanche, la fin nĂ©cessite
que certaines conditions soient rĂ©unies et que la personne qui fait lâobjet de lâinterdiction
adresse une demande Ă la juridiction qui lâavait condamnĂ©e. A lâarticle 11 de lâAUDCG, il
est dit que « lâinterdiction Ă titre temporaire dâune durĂ©e de 5 ans, de mĂȘme que
lâinterdiction Ă titre dĂ©finitif, peuvent ĂȘtre levĂ©es, Ă la requĂȘte de lâinterdit, par la juridiction
qui a prononcĂ© cette interdiction. Cette requĂȘte nâest recevable quâaprĂšs expiration dâun
133 La du e de lâi te di tio est probablement fixĂ©e par la juridiction qui rend la dĂ©cision. Cependant, on
peut se uestio e su le as des i te di tio s ta ites ou l gales. Lâi te di tio â ta t pas e p ess e t
p o o e, o se de a de o ie de te ps elle du e a. Da s le as dâu e o da atio pour faillite
personnelle, la du e de lâi te di tio e peut t e i f ieu e Ă si ois i e de di a s. 134 Loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant code PĂ©nal de la RĂ©publique du Cameroun.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 70
dĂ©lai de cinq ans Ă compter du jour oĂč la dĂ©cision prononçant lâinterdiction est devenue
dĂ©finitive ». En principe, pour quâune interdiction soit levĂ©e avant son terme, il faut quâelle
ait été prononcée pour une durée supérieure à cinq (05) ans. Il faut, en outre, que cinq (05)
années se soient écoulées depuis que la décision est devenue définitive. Cette mesure permet
de sâassurer que lâinterdit subisse effectivement lâeffet de lâinterdiction pendant quelques
annĂ©es. Ce nâest quâĂ lâexpiration de ce dĂ©lai minimum que son mandataire ou lui-mĂȘme
pourra solliciter la levĂ©e de son interdiction par le biais dâune requĂȘte135.
131. Lâarticle 11 de lâAUDCG parle Ă©galement de la fin par la rĂ©habilitation dans les
conditions et formes prĂ©vues par lâActe uniforme portant organisation des procĂ©dures
collectives dâapurement du passif. Le lexique des termes juridiques de 2013 prĂ©sente la
réhabilitation comme la procédure qui vise à relever une personne des déchéances découlant
dâune interdiction de gĂ©rer, diriger, administrer une entreprise commerciale ou qui permet
de faire disparaßtre une condamnation pénale ainsi que ses conséquences. Une personne peut
ĂȘtre rĂ©habilitĂ©e si sa probitĂ© est reconnue136. Elle doit alors introduire une demande en
rĂ©habilitation qui, aprĂšs examen de la juridiction saisie, peut ĂȘtre rejetĂ©e ou admise. Lorsque
la demande est rejetĂ©e, elle ne peut ĂȘtre renouvelĂ©e quâaprĂšs une annĂ©e. Lorsquâelle est
admise, la décision de réhabilitation est transcrite au RCCM de la juridiction qui a statué et
de celle du domicile du demandeur. Cette décision est également transmise au MinistÚre
public du lieu de naissance du demandeur pour quâune mention soit faite sur son casier
judiciaire.
132. Aussi longtemps que durera lâinterdiction, la personne qui en est atteinte ne pourra
pas exercer la ou les activitĂ©s concernĂ©es par la mesure. Le statut de lâentreprenant ne pourra
donc pas lui ĂȘtre accordĂ© pour exercer ces activitĂ©s. Ce nâest quâune fois que lâinterdiction
prendra fin quâil pourra Ă nouveau exercer ces activitĂ©s, le cas Ă©chĂ©ant, sous le statut
dâentreprenant. MĂȘme si lâarticle 11 de lâAUDCG permet de savoir dans quelles conditions
lâinterdiction peut prendre fin, il nous semble utile de revenir sur lâarticle 63-3° dont les
dispositions nous paraissent ambiguës.
135 S.S. KUATE TAMEGHE, « Actes de commerce », in Encyclopédie du Droit OHADA, Lamy, 2011, p. 1-17.
136 Art. de lâAUPCAP.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 71
2. Les ambigĂŒitĂ©s de lâarticle 63-3° de lâAUDCG
133. Dans lâarticle 63-3°, le lĂ©gislateur communautaire emploie des formules ambigĂŒes
quâil serait judicieux de modifier.
134. PremiĂšre ambigĂŒitĂ©. Dans cet article, il est dit que celui qui envisage dâexercer une
activitĂ© civile sous le statut dâentreprenant doit attester « quâil nâa fait lâobjet dâaucune
interdiction dâexercer en relation avec sa profession et quâil nâa fait lâobjet dâaucune
condamnation pour les infractions prĂ©vues par lâarticle 10 ». De prime abord la formule
employĂ©e par le lĂ©gislateur peut paraĂźtre sans intĂ©rĂȘt. Mais quand on y prĂȘte attention, on
sâinterroge sur lâemploi du passĂ© dans cette phrase. On se demande, en effet, pourquoi le
lĂ©gislateur ne sâest pas simplement exprimĂ© au prĂ©sent comme il lâa fait plus haut en ce qui
concerne le demandeur commerçant. Ce dernier doit attester « quâil nâest frappĂ© dâaucune
interdiction ». Pour le demandeur commerçant, on comprend sans ambigĂŒitĂ© quâil ne doit
pas ĂȘtre sous le coup dâune interdiction au moment oĂč il dĂ©clare son activitĂ©. Par contre,
pour le demandeur dont lâactivitĂ© est civile, lâemploi du passĂ© prĂȘte Ă confusion.
Dâune part, il peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme voulant dire que les demandeurs dont
lâactivitĂ© est civile ne pourront pas solliciter le statut dâentreprenant si une interdiction avait
antérieurement été prononcée contre eux. Cela reviendrait à exclure de maniÚre générale et
systĂ©matique tous les entrepreneurs civils qui ont fait lâobjet dâune interdiction telle que la
loi communautaire le prĂ©voit Ă lâarticle 10 de lâAUDCG. Mais une telle interprĂ©tation ne
nous semble pas juste dans la mesure oĂč lâinterdiction peut avoir une durĂ©e limitĂ©e ou peut
ĂȘtre levĂ©e. Une personne peut trĂšs bien avoir fait lâobjet dâune interdiction dans le passĂ©,
mais celle-ci peut avoir pris fin au moment oĂč cette personne effectue sa dĂ©claration
dâactivitĂ©. La personne Ă©tant dĂ©gagĂ©e des effets de lâinterdiction, peut Ă nouveau exercer
lâactivitĂ© qui lui Ă©tait interdite. Au lieu dâemployer un temps passĂ©, il aurait Ă©tĂ© plus clair et
plus simple pour le lĂ©gislateur dâutiliser le prĂ©sent, car câest au moment oĂč lâentrepreneur
soumet sa demande quâon apprĂ©cie sa situation, câest Ă ce moment quâil est intĂ©ressant de
savoir sâil est (encore) sous le coup dâune interdiction prononcĂ©e dans le passĂ©. On veut
donc croire que lâexpression « quâil nâa fait lâobjet dâaucune interdiction dâexercer » veut
en rĂ©alitĂ© dire que le dĂ©clarant ne fait lâobjet dâaucune interdiction dâexercer.
Il aurait Ă©tĂ© plus simple dâadopter une formule moins ambigĂŒe dâautant plus quâil
nâest pas toujours facile dâapprĂ©cier la durĂ©e de lâinterdiction. Sâil est avĂ©rĂ© que
lâinterdiction ou la condamnation sont antĂ©rieures Ă la dĂ©claration dâactivitĂ©, il est important
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 72
de savoir si cette interdiction ou condamnation produit encore ses effets, autrement dit
jusquâĂ quand elle est susceptible dâempĂȘcher le demandeur dâaccĂ©der au statut
dâentreprenant. Lâemploi de temps au passĂ© pourrait faire penser Ă certaines personnes que
lâinterdiction est perpĂ©tuelle. En effet, la loi communautaire se contente de dire que le
demandeur doit attester quâil nâa fait lâobjet dâaucune interdiction ou condamnation sans
prĂ©ciser Ă quand doit remonter cette condamnation137. DĂ©terminer la durĂ©e qui sâĂ©coule entre
le moment de la condamnation et le moment de la demande ne va pas de soi138, cela peut
varier en fonction des infractions commises ou dâun pays Ă un autre. Au Cameroun par
exemple, la dĂ©chĂ©ance peut durer jusquâĂ 10 ans aprĂšs lâexpiration de la peine139, Ă moins
dâavoir Ă©tĂ© levĂ©e avant lâarrivĂ©e de ce terme. Le lĂ©gislateur communautaire devrait apporter
plus de précisions en ce qui concerne les délais pendant lesquels un demandeur, jadis
condamnĂ© Ă lâune des infractions prĂ©vues Ă lâarticle 10 de lâAUDCG, ne peut ĂȘtre Ă©ligible
au statut dâentreprenant. Il pourrait par exemple dire que le demandeur doit attester que,
depuis un certain nombre dâannĂ©es, il nâa fait lâobjet dâaucune condamnation pour lâune
des infractions prĂ©vues par lâarticle 10 de lâAUDCG. Tout le monde serait mieux Ă©clairĂ© sur
cette question et il serait plus facile et plus objectif de se prononcer sur lâĂ©ligibilitĂ© dâun
demandeur au moment précis de la demande.
135. DeuxiĂšme ambigĂŒitĂ©. Comme la premiĂšre, cette deuxiĂšme controverse concerne
toujours le dĂ©clarant qui souhaite exercer une activitĂ© civile. Il est dit quâil doit Ă©galement
attester « quâil nâa fait lâobjet dâaucune condamnation pour les infractions prĂ©vues Ă
lâarticle 10 ». Il faut faire remarquer ici que, non seulement le lĂ©gislateur emploie un temps
passĂ©, mais en plus il parle de "condamnation" et non dâinterdiction. Au sujet du dĂ©clarant
dont lâactivitĂ© est commerciale, il emploie uniquement le terme "interdiction"140.
La remarque nâest pas sans importance. Pour lâun, le lĂ©gislateur parle dâinterdictions
137 Le législateur français avait précisé, lorsque les interdictions légales existaient encore, que le demandeur
ne de ait pas a oi fait lâo jet dâu e o da atio da s les a s ui p daie t sa de a de. 138 Il est important que les agents administratifs soient formĂ©s sur ces questions complexes qui nĂ©cessitent
une bonne connaissance juridique.
139 Art. 31 du Code pénal camerounais.
140 O o p e d uâil sâagit aussi ie des i te di tio s e pli ites ui o t e p ess e t t p o o es ue
des interdictions implicites qui découlent de certaines condamnations. Voir les développements précédents
su les auses de lâi te diction, p. 58 et s.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 73
seules et pour lâautre il parle dâinterdictions et de condamnations comme si dans lâemploi
de ces deux expressions rĂ©side une diffĂ©rence quâil ne faut pas nĂ©gliger. Une formule
exigeant dâattester quâil ne fait lâobjet d'aucune interdiction d'exercer en relation avec sa
profession et ni dâaucune interdiction pour les infractions prĂ©vues par l'article 10 nâaurait
pas suscitĂ© dâinterrogation. Il semblerait ici quâen ce qui concerne les demandeurs civils, la
condamnation seule soit un motif de disqualification.
En effet, faire lâobjet des "interdictions prĂ©vues Ă lâarticle 10" est diffĂ©rent de faire
lâobjet dâune "condamnation pour les infractions prĂ©vues Ă lâarticle 10". La nuance peut
ĂȘtre lourde de consĂ©quences, ceci dâautant plus que ces deux formules sont employĂ©es pour
des sujets différents (les uns étant des commerçants et les autres étant des entrepreneurs
civils). Pour sâen convaincre, il suffit dâintĂ©grer les dispositions de lâarticle 10 de lâAUDCG
Ă celles de lâarticle 63-3° du mĂȘme Acte uniforme : le demandeur dont lâactivitĂ© est civile
doit attester quâil nâa fait lâobjet dâaucune interdiction dâexercer en relation avec sa
profession et quâil nâa fait lâobjet dâaucune condamnation pour un crime de droit commun,
pour un délit contre les biens, ou pour une infraction en matiÚre économique ou financiÚre.
Dit ainsi, on comprend que pour le demandeur civil, câest la condamnation pour lâune de
ces infractions qui entraine lâinterdiction et ceci peu importe la peine.
Une telle interprĂ©tation a tout lâair dâĂȘtre inexacte car elle reviendrait Ă dire que la
condamnation pour lâune des infractions Ă©numĂ©rĂ©es Ă lâarticle 10 empĂȘche dâexercer des
activitĂ©s civiles sous le statut dâentreprenant. Aucune activitĂ© civile particuliĂšre nâest ciblĂ©e
ici, lâinterdiction dâexercer est donc gĂ©nĂ©rale, or en matiĂšre civile lâinterdiction doit ĂȘtre en
rapport avec une activité spécifique141.
Comme pour la premiĂšre controverse, le vĂ©ritable problĂšme rĂ©side dans lâĂ©noncĂ© de
la disposition. Il serait judicieux de le reformuler.
141 âi o ela e ie d ait Ă i te di e lâe e i e de toutes les a ti it s i iles Ă une personne.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 74
Conclusion du chapitre
136. Dans ce chapitre, il Ă©tait question dâexaminer les critĂšres dâĂ©ligibilitĂ© que toute
personne intĂ©ressĂ©e par le statut dâentreprenant doit remplir.
137. Il a premiĂšrement Ă©tĂ© Ă©tabli que le demandeur doit ĂȘtre une personne physique qui
envisage dâexercer seule et en son nom propre. Il doit avoir pour objectif de crĂ©er une
entreprise individuelle car, le statut de lâentreprenant ne peut ĂȘtre accordĂ© Ă plusieurs
personnes qui envisagent de mettre sur pied une entreprise commune. Il ne peut non plus
ĂȘtre accordĂ© Ă une personne seule qui prĂ©voit crĂ©er une sociĂ©tĂ©. Câest un statut fait pour des
travailleurs indépendants.
138. Cela Ă©tant, il a ensuite Ă©tĂ© Ă©tabli que tout postulant au statut dâentreprenant doit
pleinement ĂȘtre capable dâexercer lâactivitĂ© de son choix. Ce doit ĂȘtre une personne majeure
disposant de facultés physiques et intellectuelles lui permettant de mesurer les risques
auxquels il sâexpose et de rĂ©pondre des dommages Ă©ventuels quâil causerait Ă autrui dans le
cadre de son activitĂ©. Il ne doit non plus faire lâobjet dâune interdiction lâempĂȘchant
dâexercer lâactivitĂ© souhaitĂ©e.
139. Quelques-uns de ces critĂšres peuvent ĂȘtre un frein pour beaucoup de travailleurs du
secteur informel. Leur exigence ne permet pas dâatteindre un bon nombre de personnes
pour qui le statut de lâentreprenant serait une bonne opportunitĂ©. Pour apprĂ©hender tous les
acteurs du secteur informel, notamment les mineurs et les fonctionnaires, le législateur
devrait peut-ĂȘtre songer Ă revoir leur situation sur le plan juridique. Hormis ces cas-lĂ , les
personnes qui remplissent les critĂšres dâordre subjectif devraient sâassurer que les activitĂ©s
qui les intĂ©ressent sont compatibles avec le statut dâentreprenant.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 75
Chapitre 2. Des critĂšres liĂ©s Ă lâactivitĂ© Ă exercer
140. Chaque statut dâentrepreneur individuel est associĂ© Ă un objet particulier. Le
commerçant exerce une activitĂ© commerciale, lâartisan exerce une activitĂ© artisanale,
lâagriculteur exerce une activitĂ© agricole, le professionnel libĂ©ral exerce une activitĂ© libĂ©rale.
Câest dâailleurs grĂące Ă lâobjet dâune activitĂ© quâon identifie un professionnel indĂ©pendant.
Câest au regard de ce quâil fait quâon dĂ©termine Ă quelle catĂ©gorie professionnelle il
appartient.
141. Le statut de lâentreprenant devrait Ă©galement rĂ©pondre Ă cette logique. Cependant, il
faut reconnaĂźtre que le mot entreprenant nâest pas trĂšs Ă©vocateur et de prime abord ne renvoie
Ă aucune activitĂ© en particulier. La question que lâon se pose face Ă ce nouveau statut est de
savoir quel est son objet, autrement dit à quelle activité il se rattache.
Lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG donne des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse en affirmant que
lâentreprenant est un entrepreneur individuel qui exerce une activitĂ© civile, commerciale,
artisanale ou agricole, toutes des activités économiques142. Pour acquérir ce nouveau statut,
il faut non seulement que lâactivitĂ© que lâon souhaite exercer fasse partie dâune de ces
catĂ©gories (Section 1), mais aussi quâelle soit conciliable avec le profil que la loi dresse de
cet entrepreneur (Section 2).
142 En effet, les activités économiques sont des activités de production ou de transformation, ou de
circulation des richesses. Elles sont de nature commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale. Voir
M. KONE, Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA, Comparaisons avec le droit français,
LGDJ, 2003, p. 90, n°4.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 76
Section 1. Lâexercice dâune activitĂ© Ă©conomique
142. LâĂ©numĂ©ration de lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG montre dâentrĂ©e de jeu quâun
choix est offert Ă lâentreprenant quant Ă la nature de lâactivitĂ© quâil souhaite exercer
(paragraphe 1). Câest cette possibilitĂ© de choix qui fait sa particularitĂ© (paragraphe 2).
Paragraphe 1. Le choix offert Ă lâentrepreneurâŠ
143. Rappelons-le, lâentreprenant est un entrepreneur individuel qui exerce des activitĂ©s
de nature civile, commerciale, artisanale ou agricole. Cette disposition permet de dire avec
certitude que lâentreprenant peut choisir dâexercer une activitĂ© commerciale ou civile (A).
Cependant, on ne peut affirmer quâun cumul dâactivitĂ©s est possible pour lui (B).
A. La certitude quant au choix de lâactivitĂ© Ă exercer
144. Le Droit établit clairement une différence entre les activités qui ont un caractÚre
commercial et celles qui ont un caractĂšre civil.
1. Lâexercice dâune activitĂ© commerciale
145. DâentrĂ©e de jeu, il convient de dĂ©finir ce quâest une activitĂ© commerciale. Pour ce
faire, nous partirons de la définition du commerçant car ce dernier est reconnu comme le
professionnel du commerce : il est celui qui, par essence, accomplit des activités à caractÚre
commercial. Aux termes de lâarticle 2 de lâAUDCG, le commerçant est celui qui fait de
lâaccomplissement des actes de commerce par nature sa profession143.
143 Sur cette question, voir : A. GOSSELIN-GORAND, « Commerçants. â QualitĂ© de commerçant », in
JurisClasseur Commercial, (17 septembre 2013), Fasc. 42. ; F. DEKEUWER-DEFOSSEZ et E. BLARY-CLEMENT,
Droit commercial. Actes de commerce - Fonds de commence - Commerçants - Concurrence, LGDJ, 11e éd.,
2015.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 77
146. Notons quâil Ă©tait important de prĂ©ciser, dans la prĂ©sentation du commerçant, quâil
accomplit des actes de commerce par nature. En effet, il existe plusieurs catĂ©gories dâactes
de commerce. Aux actes de commerce par nature, on peut notamment opposer les actes de
commerce par accessoire qui sont des actes civils. Ces derniers ne deviennent commerciaux
que sâils sont effectuĂ©s dans le cadre dâune activitĂ© commerciale, autrement dit par un
commerçant. Les actes de commerce par nature, eux, sont commerciaux par essence. Leur
commercialité ne dépend pas de celui qui les accomplit ni du cadre dans lequel ils sont
accomplis. Ils peuvent ĂȘtre effectuĂ©s par nâimporte qui (personnes majeures ou mineures,
capables ou incapables, professionnelles ou non, etc.). Ils sont donc commerciaux
indépendamment de la qualité de celui qui les accomplit.
147. Etant commerciaux par nature, ces actes peuvent trĂšs bien ĂȘtre accomplis de maniĂšre
isolĂ©e, autrement dit de maniĂšre ponctuelle144. Ceux qui les accomplissent nâacquiĂšrent pas
pour autant la qualité de commerçant. Mais, lorsque cet accomplissement est fait de maniÚre
habituelle ou rĂ©pĂ©tĂ©e, avec lâintention de faire des profits145, celui qui effectue ces actes de
commerce par nature devient commerçant.
148. La qualitĂ© de commerçant Ă©tant donc liĂ©e Ă lâaccomplissement dâactes de commerce
par nature, on peut dĂ©finir lâactivitĂ© commerciale comme celle qui consiste Ă accomplir des
actes de commerce par nature de maniĂšre rĂ©pĂ©titive avec lâintention dâen tirer des bĂ©nĂ©fices.
On peut donc en dĂ©duire que lâentreprenant sera rĂ©putĂ© exercer une activitĂ© commerciale
lorsquâil accomplit des actes de commerce par nature avec lâintention dâen tirer tout ou une
partie de ses revenus.
149. Lâarticle 3 de lâAUDCG fait une Ă©numĂ©ration non exhaustive des actes de commerce
par nature146. On citera entre autres: lâachat de biens, meubles ou immeubles, en vue de leur
revente ; les opĂ©rations de banque, de bourse, de change, de courtage, dâassurance et de
transit ; lâexploitation industrielle des mines, carriĂšres et de tout gisement de ressources
naturelles ; les opérations de location de meubles ; les opérations de manufacture, de
transport et de télécommunication ; les opérations des intermédiaires de commerce, telles
144 T. LEOBON, Droit commercial, Bréal, 2018.
145 A ti le de lâAUDCG.
146 Sur cette question, voir J.-M KUMBU KI NGIMBI et G. MUWAWA LUWUNGI, « Imbroglio avéré dans
lâ u atio des a tes de o e e pa atu e da s lâa ti le de lâAUDCG du d e e »,
Ohadata D-16-05.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 78
que la commission, le courtage, lâagence, ainsi que les opĂ©rations dâintermĂ©diaire pour
lâachat, la souscription, la vente ou la location dâimmeubles, de fonds de commerce,
dâactions ou parts de sociĂ©tĂ© commerciale ou immobiliĂšre. La question quâil convient de se
poser est celle de savoir quels actes de commerce par nature lâentreprenant peut effectuer.
Etant un professionnel modeste et diffĂ©rent du commerçant, on se demande sâil peut
accomplir tous les actes de commerce accessibles au commerçant personne physique ou sâil
existe quelques-uns qui lui Ă©chappent. En effet, lâexploitation de quelques-unes de ces
activitĂ©s ne semble pas ĂȘtre conciliable avec le statut de lâentreprenant. Il sâagit notamment
des opĂ©rations de banque, de bourse, de courtage, dâassurance qui sont rĂ©servĂ©es aux
personnes morales. On pense Ă©galement aux opĂ©rations dâintermĂ©diaires de commerce
(commission, courtage, agents) dont les professionnels ont la qualité de commerçants.
Lâarticle 170 de lâAUDCG dit expressĂ©ment que les intermĂ©diaires de commerce sont des
commerçants et bien que la loi communautaire ne le dise pas expressément, il y a tout lieu
de croire quâil nâest pas possible dâexercer ce type dâactivitĂ© sous le statut dâentreprenant.
Hormis ces deux catĂ©gories dâactes de commerce par nature, lâentreprenant pourra
choisir son activitĂ© parmi les autres actes Ă©numĂ©rĂ©s Ă lâarticle 3. Cela lui laisse un vaste
choix sur le plan commercial, tout comme en matiĂšre civile.
2. Lâexercice dâune activitĂ© civile
150. « Lâentreprenant est un entrepreneur individuelâŠquiâŠexerce une activitĂ©
professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole ». LâĂ©numĂ©ration faite par le
lĂ©gislateur communautaire dans cette disposition de lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG est
un peu curieuse. Il aurait Ă©tĂ© plus simple de dire que lâentreprenant est un entrepreneur qui
exerce une activité professionnelle civile ou commerciale. En effet, il est admis en Droit des
affaires que tout ce qui nâest pas commercial est civil. Les activitĂ©s agricoles et artisanales
Ă©tant des activitĂ©s civiles, on peut se demander dans quel intĂ©rĂȘt le lĂ©gislateur cite ces deux
sous-catĂ©gories dâactivitĂ©s alors quâil avait dĂ©jĂ fait allusion aux activitĂ©s de nature civile.
La question se pose dâautant plus que ces deux catĂ©gories ne sont pas tout de suite Ă©numĂ©rĂ©es
aprĂšs lâexpression « activitĂ© professionnelle civile ». A la suite de cette derniĂšre expression,
le lĂ©gislateur a dâabord fait allusion Ă lâactivitĂ© commerciale, donnant ainsi lâimpression que
les activités artisanales et agricoles sont différentes des activités civiles dont il a au préalable
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 79
fait allusion147. On peut dÚs lors se demander quelle activité le législateur voulait désigner
en employant lâadjectif « civile ». Il est en effet admis quâil existe trois catĂ©gories dâactivitĂ©s
civiles : les activités agricoles, les activités artisanales et les activités ou professions
libĂ©rales. LâAUDCG ne dit pas expressĂ©ment que lâentreprenant peut exercer une activitĂ©
libĂ©rale. Il nâexclut non plus cette possibilitĂ©. On peut supposer que par le mot « civile », le
législateur cible également les professions libérales.
151. Les activitĂ©s artisanales. Est qualifiĂ©e dâartisanale toute activitĂ© indĂ©pendante de
production, de transformation, de réparation ou de prestation de services qui nécessite un
travail personnel et, le plus souvent, manuel de la part du professionnel148. Ici le caractĂšre
manuel est trĂšs important et permet de distinguer lâentreprise artisanale de lâentreprise
industrielle (et donc commerciale). Lâusage rĂ©current des mains dans lâaccomplissement du
travail nâest pas toutefois le seul critĂšre qui entre en compte dans lâidentification des
activitĂ©s artisanales. Il faut parfois cumuler Ă cela dâautres critĂšres tels que le nombre trĂšs
restreint dâemployĂ©s et lâimplication personnelle de lâentrepreneur dans le travail de
lâentreprise. Partageant ce point de vue Daniel BERT et FrĂ©dĂ©ric PLANCKEEL affirment
que lâartisan est « un professionnel civil exerçant une activitĂ© Ă prĂ©pondĂ©rance manuelle et
dirigeant une petite structure »149. Abondant dans le mĂȘme sens, lâauteure HĂ©lĂšne AZARIA
le décrira comme un travailleur autonome, manuel et surtout un professionnel qui, sans
147 En effet, si les termes « artisanale ou agricole » a aie t t it s tout de suite ap s lâe p essio « activitĂ©
professionnelle civile », on aurait pu en dĂ©duire que les activitĂ©s civiles ue lâe t ep e a t peut exercer sont
de nature artisanale ou agri ole. Telle uâelle est faite, lâ u atio laisse pe se ue pou le l gislateu ,
lâe t ep e a t a la possi ilit dâe e e , out e les a ti it s a tisa ales ou ag i oles, des a ti it s i iles dâu e
autre nature. Il faudrait do o sid e ue lâa ti it i ile do t il est uestio Ă lâa ti le ali a e oie
Ă u e aut e at go ie dâa ti it diff e te de lâa tisa at et de lâag i ultu e. 148 Mis Ă pa t uel ues diff e es, les d fi itio s de lâa tisa at pa les lois des Etats se rejoignent. Voir Ă cet
effet lâa ti le de la loi ° / du juillet gissa t lâa tisa at au Ca e ou ; lâa ti le de la
loi n° 7- du jui gissa t lâa tisa at e R pu li ue du Co go ; lâa ti le de la Loi ° -037 du
22 novembre 2001 portant code de lâa tisa at e R pu li ue du B i ; lâa ti le de la loi ° -338 du
jui elati e Ă lâa tisa at e R pu li ue de CĂŽte dâI oi e. E F a e, oi lâa ti le la loi ° -603
du 5 juillet 1996 relative au dĂ©veloppement et Ă la promotion du o e e et de lâa tisa at, loi dite Raffa i . 149 D. BERT et F. PLANCKEEL, Cours de droit des commercial et des affaires, Lextenso Ă©d., 2Ăš Ă©d., 2016-2017,
p. 64, n° 176 ; J.-P. LE GALL et C. RUELLAN, Droit commercial. Notions générales, Dalloz, 17e éd., 2017. Au
Ca e ou et au B i pa e e ple, le o e dâe plo s dâu a tisa doit t e i fĂ©rieur Ă dix (10) ; Au
Congo il est inférieur à (06).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 80
spĂ©culer sur la circulation des richesses et le travail dâautrui et sans faire appel Ă une
mécanisation poussée, vit du produit de son travail150.
152. MĂȘme sâils sont indispensables pour identifier les activitĂ©s artisanales, il est
important de faire remarquer que la réunion de ces deux critÚres ne suffit pas toujours à faire
dâune activitĂ© une profession artisanale. Il est arrivĂ© quâon qualifie de commerciale
lâentreprise de maçonnerie qui effectuait un travail manuel et employait moins de 10
salariĂ©s. Dans le cas dâespĂšce, la cour avait estimĂ© que lâentrepreneur nâĂ©tait pas
personnellement impliquĂ© dans le travail et quâil ne tirait pas, par consĂ©quent, lâessentiel de
ses ressources de son travail personnel mais plutĂŽt de la main dâĆuvre et de la valeur des
matĂ©riaux utilisĂ©s151. Ceci montre toute la difficultĂ© quâil y a Ă cerner les activitĂ©s artisanales.
Faute de pouvoir en donner une dĂ©finition qui soit prĂ©cise et fasse lâunanimitĂ©, lâon procĂšde
gĂ©nĂ©ralement par Ă©numĂ©ration. Cette derniĂšre, il faut le prĂ©ciser, ne peut pas ĂȘtre exhaustive
mais elle a lâavantage de vider toute contestation sur le caractĂšre artisanal ou non des
activitĂ©s qui y sont rĂ©pertoriĂ©es. A ces derniĂšres sâajoutent encore bien dâautres activitĂ©s
qui, en cas de litige sur la question de savoir si elles sont ou non artisanales, seront soumises
Ă lâapprĂ©ciation du juge compĂ©tent. En effet, il nâest pas toujours aisĂ© de faire une distinction
ferme entre les activités artisanales et les activités commerciales car la frontiÚre entre ces
deux catĂ©gories est trĂšs faible. Lâartisan, comme le commerçant, est parfois appelĂ© Ă
transformer et revendre des biens quâil achĂšte. Le statut de lâentreprise sera dĂ©terminĂ© en
fonction du degrĂ© de transformation des marchandises achetĂ©es ou au regard de lâimportance
des ventes des produits non transformés.
153. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, on remarquera que la frontiĂšre entre les activitĂ©s
artisanales et les activitĂ©s libĂ©rales nâest pas toujours Ă©tanche. Autant certaines activitĂ©s
artisanales requiÚrent des compétences intellectuelles bien précises, autant il existe des
activités libérales qui nécessitent une habilité manuelle. Les auteurs François-Xavier
LUCAS et Jean-Pierre CLAVIER, pour lâillustrer, prenaient lâexemple du plombier qui est
un artisan mais dont la profession exige une réflexion qui conduit à poser un diagnostic pour
trouver une solution et celui du dentiste considéré comme professionnel libéral et dont le
mĂ©tier demande une extrĂȘme habiletĂ© manuelle. Face Ă cette situation, on se demande, avec
150 H. AZARIA, Lâa tisa at, op. cit.
151 Cass. Com., 19 juin 1984, Pankanin c/ Caisse des congés payés de la région Nord. Affaire citée dans
lâou age de F a çois-Xavier LUCAS et Jean-Pierre CLAVIER, Droit commercial, Ă©d. Flammarion, 2003, p. 48
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 81
ces auteurs, ce qui justifie que le premier soit classé comme artisan et le second comme
professionnel libéral.
154. Les activités libérales. Une définition de la Cour de justice des communautés
européennes152 (CJCE) présente les activités libérales comme « des activités qui présentent
un caractÚre intellectuel marqué, requiÚrent une qualification de niveau élevé et sont
dâhabitude soumises Ă une rĂ©glementation professionnelle prĂ©cise et stricte. Dans lâexercice
dâune telle activitĂ©, lâĂ©lĂ©ment personnel a une importance spĂ©ciale et un tel exercice
suppose, de toute maniĂšre, une grande autonomie dans lâaccomplissement des actes
professionnels »153. Dans le Dictionnaire OHADA, elles sont présentées comme des
professions sans caractÚre commercial exercées par une personne qui est liée à ses clients
par une confiance personnelle154. Ce quâon peut retenir de ces deux dĂ©finitions, câest que les
professions libérales sont des activités de service qui portent sur des prestations
intellectuelles et pour lesquelles la considération de la personne est essentielle. La
rĂ©munĂ©ration de telles activitĂ©s se fait trĂšs souvent sous forme dâhonoraires. Il est vrai que
malgrĂ© cette prĂ©sentation, il nâest pas toujours facile de faire la distinction entre les
professions libĂ©rales et certaines professions artisanales155. Câest la raison pour laquelle
plusieurs estiment simplement quâil sâagit dâactivitĂ©s menĂ©es de maniĂšre indĂ©pendante et
qui ne relÚvent pas des autres secteurs économiques. Pour eux, une activité est libérale,
lorsquâon ne peut lui attribuer un caractĂšre commercial, artisanal ou agricole.
155. Les activitĂ©s agricoles. Est rĂ©putĂ©e agricole toute activitĂ© qui sâinscrit dans
lâexploitation dâun cycle biologique de caractĂšre animal ou vĂ©gĂ©tal. Les activitĂ©s agricoles
sont donc celles qui ont trait Ă lâĂ©levage dâanimaux ou Ă la culture de vivres. On peut affirmer
que contrairement Ă lâauto-entrepreneur, lâentreprenant peut choisir son activitĂ© dans ce
152 Actuellement dĂ©no e Cou de justi e de lâU ion europĂ©enne (CJUE).
153 Voir CJCE, affaire n° / du o to e , Ch istia e ADAM / Ad i ist atio de lâe egist e e t
et des douanes, http://eur-lex.europa.eu.
154 H. A. BITSAMANA, Dictionnaire OHADA, Ă©d. 2010 ; M. DUPUIS, Droit commercial, Paris, ellipses, 2018.
155 Les critÚres énumérés (services, prestation intellectuelle, considération de la personne et paiement en
ho o ai es e so t pas p op es au a ti it s li ales. Des a ti it s dâu e aut e at go ie, ota e t les
activitĂ©s artisanales, rĂ©unissent les es it es. Câest pa e e ple le as du plo ie do t le t a ail
nĂ©cessite une rĂ©flexion intellectuelle ; il peut ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© en fonction de la nature de la tĂąche ou de la
durĂ©e du travail Ă effectuer ; au vu du travail satisfaisa t uâil peut a o pli il peut sâ ta li e t e lui et ses
clients une relation de confiance qui pousse ces derniers à préférer ses services à ceux des autres plombiers.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 82
domaine. Cependant, rien ne permet de dire, si comme lui, il (lâentreprenant) peut cumuler
des activités de différentes natures.
B. Incertitude quant au cumul des activités
156. On ne cessera pas de rappeler que, selon lâarticle 30 de lâAUDCG, lâentreprenant est
un entrepreneur individuel qui exerce une activité professionnelle civile, commerciale,
artisanale ou agricole. Cette disposition montre sans ambiguĂŻtĂ© que lâentreprenant a la
possibilitĂ© de choisir son activitĂ© dans lâun des domaines Ă©numĂ©rĂ©s. Toutefois, elle ne nous
permet pas de savoir sâil est autorisĂ© Ă plusieurs activitĂ©s de natures diffĂ©rentes. Se
questionner Ă ce sujet se rĂ©vĂšle pertinent lorsquâon lit lâarticle 62 de lâAUDCG qui, semble
limiter le nombre dâactivitĂ©s que lâentreprenant peut exercer (1). Une telle limitation aurait
pour effet de limiter la libertĂ© dâentreprendre de ce professionnel (2).
1. Une limitation apparente du nombre dâactivitĂ©s de lâentreprenant
157. Le commerçant, lâartisan ou lâagriculteur sont des entrepreneurs qui exercent une
activitĂ© principale dâune nature bien prĂ©cise. Câest cette activitĂ© qui permet dâailleurs de les
reconnaitre ou de les identifier. Cependant, il nâest pas rare quâĂ cĂŽtĂ© de cette activitĂ©
principale, ils exercent accessoirement des activitĂ©s dâune autre nature. Câest dire quâils ont
la possibilitĂ© de diversifier leurs activitĂ©s, ce qui ne semble pas ĂȘtre le cas de lâentreprenant.
En effet, dâaprĂšs lâarticle 62 de lâAUDCG, lâentrepreneur qui voudrait effectuer une
dĂ©claration est tenu de faire « la description de l'activitĂ© » quâil entend exercer. Lâemploi du
singulier est frappant ici lorsquâon fait une comparaison avec le statut du commerçant. Pour
son immatriculation au RCCM, le commerçant utilise un formulaire quasiment identique Ă
celui de lâentreprenant, mais pourtant lâarticle 44 lui prescrit dâindiquer « la ou les
activitĂ©s » quâil exerce.
De prime abord, la différence peut paraßtre négligeable et plusieurs ne lui accorderont
aucun intĂ©rĂȘt car ils ne verront aucune incidence de lâemploi du pluriel pour le commerçant
et du singulier pour lâentreprenant. Ils ne verront donc pas, dans lâexpression « la
description de son activitĂ© », une intention du lĂ©gislateur de limiter Ă un le nombre dâactivitĂ©
de lâentreprenant. Pour eux, ce dernier a la possibilitĂ© dâexercer autant dâactivitĂ©s quâil
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 83
souhaiterait156.
158. Pourtant lorsquâon revoit les motivations qui ont poussĂ© le lĂ©gislateur Ă mettre sur
pied le statut de lâentrepreneur, on porte un autre regard sur cette diffĂ©rence apparemment
banale. Gardons toujours Ă lâesprit que le statut de lâentreprenant a Ă©tĂ© conçu pour des
personnes qui sont censées avoir trÚs peu de moyens pour développer une activité
entrepreneuriale. Dans lâesprit du lĂ©gislateur, les entrepreneurs pour qui ce statut a Ă©tĂ© mis
sur pied sont des personnes particuliÚrement démunies jouissant de moyens précaires pour
entreprendre et il les imagine mal avec suffisamment de moyens pour développer plusieurs
activités157.
159. Il faut remarquer que chaque fois que cela concerne lâentreprenant, le lĂ©gislateur a
employĂ© le mot activitĂ© au singulier. Entre autres exemples, on peut voir dĂšs lâintitulĂ© du
titre III de lâAUDCG quâil parle de la « DĂ©claration dâactivitĂ© de lâentreprenant au Registre
de Commerce et du CrĂ©dit Mobilier » ; Ă lâarticle 62, il fait allusion Ă lâ« adresse dâexercice
de lâactivitĂ© », puis Ă la « description de lâactivitĂ© ». Il continue avec les expressions telles
que « commencer son activitĂ© » et plus loin Ă lâarticle 65 « changement dâactivitĂ© ». En
revanche, pour le commerçant, le législateur emploie trÚs souvent le pluriel, montrant par-
là que le commerçant peut avoir plusieurs activités158. La nuance dans la formule « la ou les
activités exercées » montre qu'il est donné au commerçant la possibilité d'exercer plusieurs
activitĂ©s. Le lĂ©gislateur aurait pu faire de mĂȘme pour lâentreprenant mais il a optĂ© pour
lâemploi du singulier seul. A dessein ou non, cet usage rĂ©pĂ©tĂ© du singulier peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©
156 Câest sa s doute ette o p he sio ui a a i le l gislateu B i ois. Dans le formulaire de
dĂ©claratio dâa ti it uâil a o çu, il offre au dĂ©clarant la possibilitĂ© de dĂ©crire une activitĂ© principale et une
activité secondaire. Mais on peut aussi penser que le législateur Béninois a procédé à cet aménagement
pa e uâil a ele la ua e faite pa le l gislateur communautaire entre le commerçant et lâe t ep e a t.
Pou e pas li ite lâe t ep e a t et afi dâadapte le gi e aux rĂ©alitĂ©s de son pays, il a voulu remĂ©dier
aux limites de la loi OHADA.
157 Da s u ha ge a e lâu des pa ti ipa ts Ă lâ la o atio du statut de lâe t ep e a t, celui-ci nous
confiait que ce statut vise effectivement les micro-entrepreneurs et ue â tait pou ela uâils a aie t choisi
de pa le de lâa ti it de lâe t ep e a t au si gulie . Dâap s lui, le statut de lâe t ep e a t tait se au
micro-entrepreneurs ne disposant pas de moyens pour diversifier leurs activités. Il estime que la
diversificatio des a ti it s est u sig e ue lâe t ep e eu dispose dâassez de o e s pou pou oi se fai e
immatriculer. Il qualifie de tels entrepreneurs de « fraudeurs ».
158 Voir par exemple lâa t. - °, lâa ti le â °, lâa t. al. .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 84
comme une intention implicite du lĂ©gislateur de limiter le nombre dâactivitĂ© de
lâentreprenant159, intention qui ressort encore fasse Ă la restriction du nombre
dâĂ©tablissement de lâentreprenant.
160. Si on ne peut contester quâil existe une diffĂ©rence entre lâĂ©noncĂ© des dispositions qui
régissent le statut du commerçant et celui des dispositions qui encadrent le statut de
lâentreprenant, rien ne nous dit quelle en est la finalitĂ©. Elle peut avoir pour simple but de
donner lâimpression que le statut de lâentreprenant est effectivement plus simple que celui
du commerçant, tout comme elle peut traduire une réelle volonté de limiter les activités de
lâentreprenant. Il est difficile de se prononcer avec certitude, mais une chose est certaine,
câest que le lĂ©gislateur ne veut pas mettre lâentreprenant sur le mĂȘme pied dâĂ©galitĂ© que le
commerçant et câest pour cette raison quâil ne lui accorde pas les mĂȘmes privilĂšges quâĂ ce
dernier. Restreindre la marge de manĆuvre de l'entreprenant permet sans doute dâĂ©tablir une
sorte d'Ă©quitĂ© entre les diffĂ©rents statuts, dâĂ©viter de favoriser les entreprenants au dĂ©triment
des entrepreneurs qui exercent sous des statuts classiques comme ceux du commerçant, de
lâartisan, de lâagriculteur et du professionnel libĂ©ral. Toutefois, notons que mĂȘme si cette
intention est noble et louable, une telle limitation du nombre dâactivitĂ© et du nombre
dâĂ©tablissement de lâentreprenant sâavĂšre injustifiĂ©e sur le plan juridique et par consĂ©quent
viole la libertĂ© de commerce et dâindustrie garantie par la Constitution Ă tout individu.
2. Une limitation apparente de la libertĂ© dâentreprendre de lâentreprenant
161. Philippe DUPICHOT dĂ©finit la libertĂ© dâentreprendre comme « celle qui consiste,
pour une personne physique ou une personne morale, Ă pouvoir se mettre Ă faire une chose
(âŠ), Ă embrasser cette chose particuliĂšre quâest une activitĂ© Ă©conomique »160. Selon
Jacques MESTRE et plusieurs autres auteurs, cette libertĂ© « est gĂ©nĂ©rale dans la mesure oĂč
notre droit ne connaĂźt ni dâĂ©numĂ©ration limitative des activitĂ©s commerciales permises (âŠ)
159 Câest assu e t pou ette aiso ue so hiff e dâaffai es a t li it . Mais u e hose est de li ite le
hiff e dâaffai es et u e aut e est de li ite le o e dâa ti it s. Da s le as f a çais, le hiff e dâaffai es u
auto-entrepreneur Ă©tait li it . Toutefois, ela e lâe p hait pas dâe e e plusieu s a ti it s de la e
nature ou de natures diffĂ©rentes) Ă la fois. 160 P. DUPICHOT, « La libertĂ© dâe t ep e d e », in PrĂ©cis de culture juridique, LGDJ, 2018, p. 333-340.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 85
ni de localisation obligatoire des établissements commerciaux »161. De cette affirmation, on
peut conclure que la libertĂ© dâentreprendre concerne aussi bien le nombre dâactivitĂ© quâon
voudrait entreprendre que le lieu oĂč lâon voudrait les exercer. En vertu de ce principe gĂ©nĂ©ral
de droit Ă valeur constitutionnelle162, toute personne pourrait exercer autant dâactivitĂ©
quâelle le souhaite dĂšs lors quâelle remplit les conditions pour le faire et elle devrait ĂȘtre Ă
mĂȘme de les exercer dans autant dâendroits quâelle le souhaite. En dâautres termes, en vertu
de la libertĂ© dâentreprendre toute personne a le droit dâexercer des activitĂ©s en aussi grand
nombre quâelle (la personne) le souhaite et le peut. Toute libertĂ© Ă©tant encadrĂ©e, on exigera
que lâexercice de toute activitĂ© se fasse dans le respect des prescriptions lĂ©gales. Ainsi, les
raisons qui justifieraient que lâon empĂȘche une personne dâexercer une quelconque activitĂ©
seraient quâelle ne remplisse pas les conditions prĂ©vues pour le faire ou afin de prĂ©server
lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
162. Contraindre lâentreprenant Ă exercer une seule activitĂ© ou lâempĂȘcher dâexercer
plusieurs activités revient incontestablement à limiter la possibilité que la loi offre à toute
personne dâexercer la ou les activitĂ©s de son choix. Câest limiter sa libertĂ© dâentreprendre.
Certains diront certainement quâil nâexiste pas de libertĂ© absolue et que le lĂ©gislateur a le
pouvoir de restreindre certains droits quand il le juge nécessaire. Cependant, il a plusieurs
fois Ă©tĂ© rappelĂ© quâon ne peut porter atteinte Ă un droit qui a une valeur constitutionnelle
que pour des raisons justifiĂ©es par lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou liĂ©es Ă des exigences
constitutionnelles163. Dans le cadre de lâOHADA, la limitation du nombre dâactivitĂ©s semble
donc injustifiĂ©e car elle ne repose sur aucun motif dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Elle est critiquable Ă
plus dâun titre, non seulement dâun point de vue juridique mais eu Ă©gard aux rĂ©alitĂ©s des
pays membres de lâOHADA. Sur le plan juridique, cette limitation nâest justifiĂ©e par aucun
des motifs prĂ©vus Ă cet effet. Dâun point de vue pratique, elle nâest pas adaptĂ©e aux rĂ©alitĂ©s
sur le terrain. En effet, pour maximiser les revenus, les entrepreneurs nâhĂ©sitent pas Ă
multiplier et diversifier les activités de leurs micro-entreprises. Il est courant que des
personnes exercent plusieurs activitĂ©s de mĂȘme nature ou plusieurs activitĂ©s de natures
diffĂ©rentes. Câest par exemple les cas dâun chauffeur de taxi qui, parallĂšlement, dĂ©tient un
161 J. MESTRE, M.-E PANCRAZI., I. GROSSI, L. MERLAND et N. TAGLIARINO VIGNAL, Droit commercial . Tome
1. A tivit o e iale, St u tu es dâe t ep ises, op. cit.
162 F.-X. LUCAS et D. PORACCHIA, Manuel de droit commercial, Paris, PUF,1re Ă©d., 2018 ; M. BENEJAT-
GUERLIN, D oit de lâe t ep ise, op. cit.
163 En France, voir Cons Const., QPC, 30 nov 2012, n° 2012- 285.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 86
garage automobile ; dâune femme qui exerce Ă la fois dans la restauration et la location
dâappartements ; de cette couturiĂšre qui fait en mĂȘme temps dans la location des meubles et
la décoration lors des cérémonies ; de cette vendeuse de beignets qui est à la fois coiffeuse ;
de ce jeune-homme qui installe dans son salon de coiffure des machines de jeu et expose
des vĂȘtements. Des cas similaires sont lĂ©gion.
163. S'il faut interpréter la loi sur l'entreprenant à la lettre en considérant que
l'entreprenant ne peut exercer qu'une activité à la fois, on constatera que le nombre
d'opĂ©rateurs informels qui peuvent rentrer dans ce moule est limitĂ©. TrĂšs peu dâentrepreneurs
de ce secteur et trÚs peu de ceux qui débutent dans le monde des affaires seront tentés de
recourir au nouveau statut parce que le trouvant trop restrictif. Des personnes pourraient
mĂȘme officiellement dĂ©clarer une seule activitĂ© en tant quâentreprenant tout en dĂ©veloppant
des activitĂ©s supplĂ©mentaires dans lâombre. La probabilitĂ© est donc grande de voir un
nombre important d'activitĂ©s ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es dans les tĂ©nĂšbres malgrĂ© l'avĂšnement de
l'entreprenant.
La limitation du nombre dâactivitĂ© et dâĂ©tablissement serait davantage critiquable
quand on sait que le statut dâentreprenant a Ă©tĂ© conçu pour de trĂšs petits entrepreneurs et
dans le but de leur servir de tremplin. Plusieurs estimeront quâen limitant ainsi les activitĂ©s
et Ă©tablissements des entreprenants le lĂ©gislateur sâassure que le statut est exploitĂ© par de
véritables petits entrepreneurs. Mais force est de penser que la chose se serait faite toute
seule. Un entrepreneur qui ne dispose pas de moyens suffisants pour lancer une activité
aurait non seulement du mal à en développer plusieurs mais surtout à ouvrir plusieurs
Ă©tablissements au regard du coĂ»t que cela exigerait. La solution adĂ©quate pour sâassurer que
le statut est vraiment exploitĂ© par des personnes en situation de prĂ©caritĂ© ne consistait pas Ă
restreindre la taille de lâactivitĂ© des entreprenants, mais plutĂŽt Ă limiter les conditions
dâaccĂšs audit statut. Cette solution sâavĂšre dâautant plus inadaptĂ©e quand on sait que le statut
dâentreprenant peut servir de tremplin pour faire prospĂ©rer les trĂšs petites entreprises et
permettre aux entreprenants de passer à un statut plus important. Or cette prospérité
nécessite parfois que les entreprises diversifient leurs activités.
Quoi quâil en soit, pour Ă©viter dâĂ©ventuelles polĂ©miques sur cette question et pour
une meilleure cohérence avec ce qui se passe sur le terrain, une reformulation des
dispositions de lâAUDCG ne serait pas mauvaise. Le lĂ©gislateur bĂ©ninois lâa fait, en
prĂ©voyant sur le formulaire de dĂ©claration dâactivitĂ© de lâentreprenant, un espace pour
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 87
donner des renseignements sur une éventuelle activité secondaire ou un éventuel
Ă©tablissement secondaire. Dans la loi communautaire, rien ne permet dâaffirmer quâun
entreprenant peut avoir une ou plusieurs activités secondaires, ni un ou plusieurs
Ă©tablissements secondaires. Il faudrait que les dispositions de lâOHADA Ă©tablissent, de
maniĂšre explicite, que lâentreprenant peut exercer la ou les activitĂ©s de son choix. Cette
prĂ©cision serait utile164 mĂȘme si ce nâest pas cela qui fait de lâentreprenant un statut
particulier.
Paragraphe 2. âŠUne particularitĂ© du statut dâentreprenant
164. A cause de la possibilité qui lui est offerte de choisir entre les activités commerciales,
artisanales et agricoles, le statut dâentreprenant vient se dĂ©marquer des autres statuts
traditionnels. On rĂ©alise quâil nâexiste aucune dĂ©pendance entre ledit statut et une catĂ©gorie
particuliĂšre dâactivitĂ©s. Ce qui pousse Ă se demander sâil sâagit dâun statut de la mĂȘme nature
que les autres. Dâaucuns se sont posĂ©s la question de savoir si le statut de lâentreprenant est
un statut de mĂȘme type que les autres165. Cela revient Ă se demander si le statut
164 E e da t les dispositio s de lâAUDCG plus p ises, le l gislateu o u autai e a pe ett e au Etats
de dĂ©terminer le plafond du hiff e dâaffai es lo s ue uâu e t ep e a t exerce des activitĂ©s de natures
diff e tes. LâA te u ifo e p oit si ple e t des plafo ds pa at go ie dâa ti it , ais e e tio e
pas lâh poth se oĂč les a ti it s so t a i es. Tout e i o t e e o e lâi t t uâil a Ă se uestio e sur
u e tuel u ul dâa ti it s pa lâe t ep e a t. Faud a-t-il ue la so e des hiff es dâaffai es alis s pa
les diffĂ©rentes activitĂ©s soit Ă©gale au plafond le plus Ă©levĂ© ou, faudra-t-il simple e t ue le hiff e dâaffai es
de chaque activitĂ© soit co fo e au seuil d fi i pou ha u e dâelles ? La loi française, elle, a envisagĂ© tous
les o tou s de la uestio . Le statut de lâauto-entrepreneur pe et Ă so titulai e dâe ercer plusieurs
a ti it s Ă la fois. Il e sâagit pas de Ă©er plusieurs auto-e t ep ises ais dâe e e au sei de la e auto-
entreprise diffĂ©rentes activitĂ©s connexes ou indĂ©pendantes les unes des autres. Ces activitĂ©s peuvent ĂȘtre
de la mĂȘme nature ou de atu es diff e tes. Le plafo d du hiff e dâaffai es Ă ne pas dĂ©passer va dĂ©pendre
de la nature des activités exercées. Lorsque les activités sont de natures différentes, il est fixé en fonction de
lâa ti it p i ipale.
165 Le terme statut peut dĂ©sig e lâe se le des gles ui e ad e t u o jet ou u e personne. Dit ainsi,
les choses semblent simples. Face aux expressions telles "statut de commerçant", "statut dâa tisa ", "statut
dâe t ep e a t", "statut de lâEIRL", o o p e d uâil est uestio de lâensemble de rĂšgles qui encadre
ha u . Ces diff e ts o jets so t diff e ts da s leu atu e. Le o e ça t, lâa tisa , lâag i ulteu ou le
professionnel libĂ©ral sont tous des p ofessio els ui e e e t da s u do ai e dâa ti it ien dĂ©fini. Par
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 88
dâentreprenant est un statut Ă part entiĂšre qui vient sâajouter Ă la liste des statuts classiques
(commerçant, artisan, agriculteur et professionnel libĂ©ral) ou sâil sâagit dâun statut dâun type
particulier quâon endosse en sus du statut professionnel initial.
165. Il semblerait quâen le mettant sur pied, le lĂ©gislateur a conçu le statut dâentreprenant
comme un statut Ă part entiĂšre distinct des statuts classiques. A lâarticle 64, il lâaffirme
explicitement. En outre, on peut constater quâĂ la diffĂ©rence des statuts traditionnels
(commerçant, artisan, agriculteur), le statut dâentreprenant nâest rattachĂ© Ă aucune activitĂ©
en particulier. Cette indĂ©pendance se traduit par lâabsence de lien entre le titre
dâentreprenant et lâexercice dâune activitĂ© particuliĂšre. Le mot « entreprenant » ne fait
rĂ©fĂ©rence Ă aucune activitĂ© prĂ©cise, par consĂ©quent le statut ne saurait sâacquĂ©rir par
lâexercice dâune activitĂ©.
A. Lâentreprenant : un mot sans lien avec une activitĂ© spĂ©cifique
166. « Câest aux fruits quâon reconnaĂźt lâarbre ». Cet adage repris par JĂ©rĂŽme JULIEN et
Alexandra MENDOZA-CAMINADE166 traduit bien les développements qui suivront dans
cette partie. En effet, câest Ă travers son activitĂ© quâon reconnait un professionnel.
167. Dire que le statut dâentreprenant ne fait rĂ©fĂ©rence Ă aucune activitĂ© signifie quâil ne
permet pas dâĂ©tablir un rapport avec une activitĂ© en particulier. A son sujet, le professeur
Santos AKUETE PEDRO affirmait quâ « il n'est ni un commerçant, ni un non-commerçant,
ni un artisan, ni un agriculteur.(...) Le législateur lui réserve une place particuliÚre, propre
o t e, lâauto-entrepreneur, lâEIRL so t des fo es pa ti uli es sous les uelles les diff e ts p ofessio els
Ă©numĂ©rĂ©s ci-dessus peuvent exercer. Pour expli ue e uâest le statut de lâe t ep e a t, plusieu s auteurs
o t dit de lui uâil est "u ou el a teu ", "u p ofessio el". Mais e si es ualifi atifs e so t pas fau ,
il est i po ta t de soulig e uâils e pe ette t pas de e e la otio dâe treprenant. Se questionner sur
la vĂ©ritable nature du « statut dâe t ep e a t » e ie t Ă se de a de sâil sâagit dâu e i e at go ie de
professionnel de la e atu e ue le o e ça t, lâa tisa , le p ofessio el li al ou lâag i ulteu , ou
sâil sâagit plutĂŽt dâu e ou elle fo e sous la uelle es uat e p ofessio els peu e t hoisi dâe e e leu
a ti it . Câest ette de i e o eptio de lâe t ep e a t ui ous se le t e o e te. Lâe t ep e a t est
certes un nouvel acteur introduit dans le d oit des affai es de lâOHADA, u p ofessio el, ais a a t tout il
est e fo tio de so do ai e dâa ti it , u o e ça t, u a tisa , u p ofessio el li al, u ag i ulteu
ui a hoisi dâe e e so a ti it e se faisa t appli ue des gles pa ti uliĂšres.
166 J. JULIEN et A. MENDOZA-CAMINADE, Droit commercial, LGDJ,3e Ă©d., 2017.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 89
à lui, un véritable statut de professionnel indépendant »167. En effet, à la différence des
statuts traditionnels tels que le commerçant, lâartisan, lâagriculteur, lâentreprenant nâa, a
priori, aucun lien avec aucune activitĂ© particuliĂšre. Le terme « entreprenant » ne renvoie Ă
aucune activitĂ© et ne peut, dĂšs lors, renseigner sur la nature de lâactivitĂ© exercĂ©e. DâentrĂ©e
de jeu, face Ă une personne qui se prĂ©sente comme un entreprenant, lâon ne saurait dire si
lâactivitĂ© quâelle exerce est civile, commerciale, artisanale, agricole ou libĂ©rale. Pourtant,
face Ă celui qui sâidentifie comme un commerçant, un artisan, un agriculteur ou un
professionnel libĂ©ral, on connaĂźt dâemblĂ©e la nature des activitĂ©s quâil accomplit.
168. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, câest Ă partir de la nature dâune activitĂ© que lâon tire le
qualificatif de celui qui lâexerce. Câest de lâexercice du commerce que vient le qualificatif
de commerçant ; dans le mĂȘme ordre dâidĂ©e, le titre dâartisan vient de lâexercice dâune
activitĂ© artisanale ; câest par lâexercice dâune activitĂ© agricole que lâon est agriculteur et
enfin, câest Ă cause de la nature libĂ©rale de lâactivitĂ© quâon parlera de professionnel libĂ©ral.
169. Fort de ce qui prĂ©cĂšde, on pourra dire quâun commerçant est un professionnel qui
exerce une activitĂ© commerciale, quâun artisan est quelquâun qui exerce une activitĂ©
artisanale, quâun agriculteur est une personne qui sâadonne Ă une activitĂ© agricole et que le
professionnel libéral exerce une activité libérale. Par contre, par le seul vocable
« entreprenant », il nâest pas toujours Ă©vident de deviner quâil sâagit dâun entrepreneur et
encore moins le type dâactivitĂ© quâil exerce. Lâentreprenant va donc se distinguer des autres
professionnels. En général, le terme employé pour qualifier ces derniers donne un indice sur
le type dâactivitĂ©s quâils exercent. Il leur confĂšre en quelque sorte une identitĂ©
professionnelle168 qui permet au premier abord de dĂ©terminer leur domaine dâactivitĂ©. Les
titres professionnels permettent gĂ©nĂ©ralement dâidentifier la profession ou la catĂ©gorie
professionnelle Ă laquelle appartiennent ceux qui les portent. Câest ainsi quâon sait, par
167 Co e tai es de lâAUDCG is ti s de OHADA, TraitĂ© et actes uniformes commentĂ©s et annotĂ©s,
Juriscope, 4Ăšme Ă©dition, 2012, p. 243.
168 Lâe p essio « ide tit p ofessio elle" e oie si ple e t Ă la fa ult uâu tit e a Ă e seig e su le
do ai e dâa ti it de elui ui le po te. M e si o e peut pas, dâe l e, di e a e p isio uel tie
ce professionnel e e e, o a au oi s u e id e su la t a he dâa ti it Ă la uelle il appa tie t. E effet,
dans chaque domaine, il peut exister des métiers différents. On aura par exemple, chez les commerçants,
ceux qui achÚtent en vue de revendre, des exploitants de mines, des intermédiaires de commerce, etc. Chez
les a tisa s o au a des a tisa s dâa t, des a tisa s de p odu tio , des a tisa s de se i es. Pa eille e t ,
chez les agriculteurs, on comptera des Ă©leveurs, des cultivateurs, etc.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 90
exemple, quâun mĂ©decin effectue des actes mĂ©dicaux ; quâun policier est un agent des forces
de lâordre ; quâun enseignant exerce dans lâenseignement ; etcâŠ. Mais tout ce que lâon sait
de lâentreprenant, câest quâil est un entrepreneur individuel sans plus. Rien ne permet a
priori de savoir sâil exerce une activitĂ© commerciale, civile, agricole ou libĂ©rale. Le terme
entreprenant devrait beaucoup plus ĂȘtre utilisĂ© pour dĂ©signer un rĂ©gime auquel certains
professionnels peuvent bĂ©nĂ©ficier. Ce terme ne dĂ©signe pas dâabord le professionnel, mais
les rĂšgles particuliĂšres qui sâappliquent Ă lui et qui, dĂšs lors, le distinguent de ceux qui ne
sont pas assujettis aux mĂȘmes rĂšgles. Le professionnel est en rĂ©alitĂ© un commerçant, un
artisan, un agriculteur ou un professionnel libéral bénéficiant de ce régime particulier.
170. ConsidĂ©rant cette particularitĂ©, certains pourraient penser que lâentreprenant est un
entrepreneur sans activité fixe, une personne qui entreprend tout ce qui lui passe sous la
main. Cela ne serait pas dâailleurs loin de ce que lâon observe dans la pratique169. Mais,
mĂȘme sâil a la possibilitĂ© dâexercer une activitĂ© civile ou commerciale sous un mĂȘme statut,
lâentreprenant a pourtant bel et bien une activitĂ© bien prĂ©cise.
171. Lâentreprenant nâest pas cet entrepreneur qui entreprend tout et nâimporte quoi. Il
nâest pas un entrepreneur qui, Ă son grĂ©, peut dĂ©cider dâexercer telle ou telle autre activitĂ©
sans accomplir aucune formalitĂ©. Le privilĂšge quâil a de choisir ou de varier la nature de son
activitĂ© ne lâexempte pas dâaccomplir certaines formalitĂ©s. Dans sa dĂ©claration dâactivitĂ©
initiale, il est tenu de fournir des renseignements sur la nature de son activité. En cas de
changement de celle-ci, il devra procéder à une déclaration modificative dans laquelle il
prĂ©cise la nature de la nouvelle activitĂ©170. Lâentreprenant ne saurait dĂ©clarer quâil exerce
une activitĂ© commerciale alors quâen rĂ©alitĂ© il exerce une activitĂ© artisanale. Il est tenu de
choisir, de dĂ©clarer et donc dâexercer une activitĂ© prĂ©cise. En fonction de la nature de
lâactivitĂ© quâil exerce, certaines personnes le considĂšrent comme un entrepreneur en
miniature. Pour eux, il nâest rien dâautre quâun petit commerçant, un petit artisan, un petit
169 En effet, plusieurs petits opérateurs du secteur informel entreprennent en fonction des opportunités qui
sâoff e t Ă eu . Lâa ti it peut a ie e fo tio des o e s, des saisons, de la demande, etc. Un jour on
vend des produits champ t es, u aut e âest la e te de ou itu e. Câest lâe e ple de et ag i ulteu ui,
un jour vend les produits de son champ sans les transformer (vente du manioc). Le mĂȘme agriculteur plus
tard, décide de les transformer avant de le vendre (transformation du manioc en bùton de manioc, etc.)
170 Voi da s lâAUDCG, lâa ti le 62 â ° de pou le o e e e t de lâa ti it et lâa ti le ali a pou le
ha ge e t dâa ti it .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 91
agriculteur, etc.
172. Ces diffĂ©rentes conceptions de lâentreprenant ne sont pas fausses car lâentreprenant
est un entrepreneur dont le statut ne sâacquiert pas par lâexercice dâune activitĂ© en particulier.
B. Lâentreprenant : un statut ne sâobtenant pas par lâexercice dâune activitĂ©
173. Si un statut renvoie Ă une activitĂ© particuliĂšre câest parce quâen gĂ©nĂ©ral il dĂ©coule de
lâexercice ce cette activitĂ©, autrement dit il sâacquiert par lâexercice de lâactivitĂ© en question.
Lâexemple qui illustre le mieux ceci est celui du commerçant. Est qualifiĂ© de commerçant,
celui qui fait de lâaccomplissement dâactes de commerce par nature sa profession171.. En
dâautres termes, celui qui exerce de maniĂšre habituelle une activitĂ© commerciale. Ainsi câest
par son activitĂ© que le commerçant se reconnaĂźt. Câest par elle quâil acquiert son statut.
174. La qualitĂ© de commerçant ne sâacquiert pas par lâaccomplissement dâune formalitĂ©,
mais par lâaccomplissement habituel dâactes de commerce par nature. Emmanuel
CORDELIER faisait remarquer que la définition de commerçant « ne fait pas allusion aux
dĂ©marches qui auraient pu ĂȘtre effectuĂ©es par la personne qui prĂ©tend Ă la qualitĂ© de
commerçant »172 et il en est ainsi aussi bien en Droit français quâen Droit OHADA.
Lâimmatriculation, qui est la formalitĂ© principale que le commerçant doit accomplir, crĂ©e
simplement une prĂ©somption de commercialitĂ© Ă lâĂ©gard de la personne immatriculĂ©e. Cela
signifie que ce ne sont pas toutes les personnes qui sont immatriculées au RCCM qui ont la
qualitĂ© de commerçant. Câest par ses actes quâon reconnaĂźt le commerçant173 et câest
dâailleurs Ă cause de la nature commerciale de ses activitĂ©s quâil a la qualitĂ© de commerçant.
Câest donc dans les faits que sa qualitĂ© se prouve. La CCJA a rĂ©glĂ© cette question en
171 C. TOHON, Le droit pratique du commerce informel, thÚse, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, p.
94.
172 E. CORDELIER, Droit commercial et droit des affaires, Bruylant, 2e Ă©d., 2018, p. 317.
173 Voi lâi t odu tio de lâou age de G. RIPERT et R. ROBLOT, L. VOGEL, M. GERMAIN, TraitĂ© de droit des
affaires : du droit commercial au droit économique, Tome 1, LGDJ, Paris, 2010, p. 171, n°4.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 92
affirmant que lâimmatriculation « qui est une simple mesure de publicitĂ©, ne confĂšre pas la
qualitĂ© de commerçant mais sâapplique Ă une personne lâayant dĂ©jà ⊠»174.
Une personne qui ne fait pas de lâaccomplissement dâactes de commerce par nature
sa profession nâa pas le statut de commerçant bien quâelle soit immatriculĂ©e. Si, a priori, son
immatriculation fait croire quâelle est commerçante, elle peut apporter la preuve du contraire
dans les faits. Mais celui qui exerce une activitĂ© commerciale sans ĂȘtre immatriculĂ© sera tout
de mĂȘme qualifiĂ© de commerçant. Il ne peut se prĂ©valoir de sa non-immatriculation pour se
soustraire à ses obligations de commerçant. Michel PEDAMON et Hugues KENFACK
affirmaient quâun tel entrepreneur nâa ni le droit ni les privilĂšges du statut de commerçant,
mais en a les charges et les obligations175.
175. A lâimage du commerçant, seront dĂ©clarĂ©s artisans ceux qui exercent effectivement
une activité qui relÚve du domaine artisanal ; ne seront considérés comme agriculteurs que
ceux dont lâactivitĂ© est classĂ©e comme agricole ; pourront ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des
professionnels libĂ©raux ceux dont lâactivitĂ© est libĂ©rale. Un entrepreneur ne saurait porter
un statut qui ne reflÚte pas la nature de son activité ni refuser la qualification qui est
intrinsĂšquement attachĂ© Ă son activitĂ©. Câest de la nature de lâactivitĂ© exercĂ©e que dĂ©coule
le statut. Lâappartenance dâun professionnel Ă telle ou telle autre catĂ©gorie professionnelle
ne dĂ©pend pas de son bon vouloir, mais bien effectivement de la nature de lâactivitĂ© quâil
exerce. Ce nâest pas la qualification que lâentrepreneur se donne lui-mĂȘme qui importe, mais
plutĂŽt celle que donne la loi176 au regard de lâactivitĂ© quâil exerce. Une personne qui
accomplit habituellement des actes de commerce ne peut choisir de se faire qualifier de
professionnel libĂ©ral alors quâau regard de ses activitĂ©s elle est commerçante. Dans la mĂȘme
logique, elle ne peut refuser le statut de commerçant puisquâelle rentre dans le moule de ce
174 CCJA, arrĂȘt n° 008/2017 du 26 janvier 2017, SociĂ©tĂ© GETMA Togo SA, SociĂ©tĂ© MANUPORT Togo SA c/
Etablissement Comptoir International pour le Commerce (CIC).
175 M. PEDAMON et H. KENFACK, Droit commercial. Commerçants et fonds de commerce. Concurrence et
contrat du commerce, Dalloz, 4e Ă©d., 2015.
176 Lâad i istration chargĂ©e des formalitĂ©s des entreprises ou le juge (en cas de litige) ne sont pas tenus de
ete i la ualifi atio uâu e t ep e eu se donne. Sur la base de critĂšres dĂ©finis par la loi, ils vont
déterminer le statut exact auquel il appartient afin de lui appliquer la réglementation qui lui sied. En
procédant à la déclaration de leurs activités, certains auto-entrepreneurs se sont vus classés dans des
at go ies au uelles ils âa aie t pas pe s . Pa e e ple, alo s uâils o aie t ĂȘtre des professionnels
libĂ©raux, de nombreux auto-e t ep e eu s o t t e egist s o e a tisa s pa lâad i ist atio .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 93
que la loi qualifie de commerçant.
176. Lorsquâon revient au statut de lâentreprenant, on constate que la rĂ©alitĂ© est diffĂ©rente.
A lâopposĂ© des autres professionnels, ce statut sâacquiert par lâaccomplissement dâune
formalitĂ© particuliĂšre : la dĂ©claration dâactivitĂ©. Ainsi lâexercice rĂ©gulier et Ă titre
professionnel dâune activitĂ© bien prĂ©cise ne saurait confĂ©rer Ă son titulaire la qualitĂ©
dâentreprenant. Rappelons-le, dâaprĂšs lâalinĂ©a 1 de lâarticle 30 de lâAUDCG, lâactivitĂ© de
lâentreprenant peut-ĂȘtre civile commerciale, artisanale ou agricole. Or, pour chacune de ces
activités, il existe un statut précis. Face à celui qui exerce une activité commerciale, la
pensĂ©e premiĂšre est de croire quâil est, au regard de lâactivitĂ© quâil exerce, un commerçant,
un artisan ou un agriculteur. De prime abord, quand on observe un entrepreneur dans
lâexercice de son activitĂ©, rien ne laisse prĂ©sager quâil est un entreprenant. Etant donnĂ© que
lâentreprenant a la possibilitĂ© dâexercer les mĂȘmes activitĂ©s que le commerçant, lâartisan et
lâagriculteur, ce ne sera certainement pas au travers de son activitĂ© quâon pourra lâidentifier.
177. Pourra vĂ©ritablement se prĂ©valoir du statut dâentreprenant, lâentrepreneur qui, bien
quâexerçant une activitĂ© commerciale ou civile, aura au prĂ©alable effectuĂ© sa dĂ©claration
dâactivitĂ©177. Ce nâest pas au regard de son activitĂ© quâil sera entreprenant, mais au regard
de divers signes ostentatoires178 que lâon saura quâil est un entreprenant. On ne saurait parler
d'entreprenant de fait. Lâentrepreneur qui nâa pas effectuĂ© sa dĂ©claration dâactivitĂ© et qui nâa
accompli aucune autre formalité prescrite pour se formaliser, est un simple entrepreneur
individuel. Son défaut de formalisation fait de lui un entrepreneur de fait.
178. Le fait, pour lâentreprenant de tirer son statut de lâaccomplissement dâune formalitĂ©,
le différencie davantage des autres statuts. Mais pour accomplir cette formalité, il faudrait
que lâactivitĂ© Ă exercer soit conciliable avec le profil que le lĂ©gislateur a dressĂ© de
lâentreprenant.
177 A ce sujet, voir : P. KEUBOU et F. C. KAMLA FOKA, « La sanction pénale du non-respect des formalités
relatives au RCCM da s lâespa e OHADA : le cas du Cameroun », in Revue de lâERSUMA, (juin 2012), n° 1,
p.193.
178 Des signes tels ue le u o de d la atio dâa ti it sui i de lâi di atio du RCCM dans lequel cette
dĂ©claration est enregistrĂ©e et la mention « E t ep e a t dispe s dâi at i ulatio ». Voi lâa t. 62 al. 3 de
lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 94
Section 2 : Lâexercice dâune activitĂ© conciliable avec le profil de
lâentreprenant
179. La prĂ©sentation faite Ă lâalinĂ©a 1 de lâarticle 30 de lâAUDCG donne lâimpression
quâavec le statut de lâentreprenant, il est possible dâexercer toutes les activitĂ©s. Il sâapparente
ainsi à une espÚce de « fourre-tout », par le biais duquel un entrepreneur peut exercer tout
type dâactivitĂ©. Pourtant, quand on considĂšre le profil des personnes ciblĂ©es par ce statut, on
est forcĂ© dâadmettre quâil nâest pas conciliable avec toutes les activitĂ©s. Il y en a qui, malgrĂ©
leur caractĂšre civil ou commercial, sâaccordent mal avec le statut dâentreprenant. Elles
doivent, par consĂ©quent, ĂȘtre cartĂ©es de son champ dâaction. MĂȘme si on peut trouver dans
la loi communautaire des indices qui permettent dâen identifier quelques-unes (paragraphe
1), il serait plus judicieux pour les législateurs (communautaire et nationaux) de définir des
critĂšres dâexclusion prĂ©cis (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les activités à exclure
180. La lecture des dispositions de lâarticle 30 donne une idĂ©e des activitĂ©s quâon ne peut
pas exercer sous la casquette dâentreprenant. DâaprĂšs ce texte, lâentreprenant est un
entrepreneur individuel qui exerce une activitĂ© professionnelle dont le chiffre dâaffaires ne
doit pas excéder un certain montant. De cette présentation, il ressort deux critÚres : celui de
la forme juridique et celui du capital. Sur la base de ces deux éléments on peut exclure avec
certitude les activités qui nécessitent la personnalité morale (A) et celles dont le coût
dâinvestissement est Ă©levĂ© (B).
A. Lâexclusion des activitĂ©s exigeant la personnalitĂ© morale
181. Christine LEBEL affirmait « les activités les plus diverses sont réalisées dans le
cadre dâune entreprise individuelle, Ă lâexception de celles pour lesquelles le lĂ©gislateur
impose une forme juridique pour son exercice »179. Pour quâune activitĂ© soit exercĂ©e sous le
statut dâentreprenant, il faudrait quâelle soit exploitable sous la forme dâune entreprise
individuelle. Autrement dit, on doit pouvoir lâexercer en son nom propre. Les activitĂ©s pour
179 C. LEBEL, Lâe t ep ise i dividuelle. CrĂ©ation - Gestion - Dissolution, Lamy, 2011.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 95
lesquelles la loi impose une autre forme juridique, celles dont lâexploitation nĂ©cessite que
lâon ait la personnalitĂ© morale, Ă©chapperont donc Ă lâentreprenant. Câest par exemple le cas
des activités commerciales telles que les opérations de banque, de bourse, de courtage, de
change, d'assurance, de transit. La loi ne permet pas aux personnes physiques de les exercer,
encore moins Ă lâentreprenant dont la taille de lâentreprise est rĂ©duite180. Non seulement elles
sont exploitées par des sociétés, mais en plus de cela ces activités nécessitent un coût
dâinvestissement important. Or, mĂȘme lorsque des activitĂ©s seraient exploitables sous la
forme juridique dâentreprise individuelle, il est conseillĂ© Ă celui qui entend opter pour le
statut dâentreprenant dâĂ©viter celles dont le coĂ»t dâinvestissement serait Ă©levĂ©.
B. Lâexclusion des activitĂ©s nĂ©cessitant un investissement important
182. La limitation du chiffre d'affaires de l'entreprenant181 a deux conséquences. La
premiĂšre voudrait quâen amont, le capital investi lors du dĂ©marrage de l'activitĂ©, ne soit pas
trĂšs important. Un investissement Ă©levĂ© va nĂ©cessiter des rentrĂ©es dâargent importantes et
lâentrepreneur devra Ă tout prix dĂ©gager un chiffre dâaffaires Ă la hauteur de lâinvestissement
afin de couvrir les dĂ©penses effectuĂ©es. Or on sait, et câest la seconde consĂ©quence, quâavec
le statut dâentreprenant, les recettes sont limitĂ©es. Leur montant annuel ne doit pas dĂ©passer
un certain plafond fixé par chaque pays membre182.
183. Les opérateurs du secteur informel, principaux destinataires du statut de
l'entreprenant, disposent majoritairement de faibles revenus. Le nouveau statut mis sur pied
par le législateur vient répondre à leur souhait de pouvoir entreprendre à moindres coûts,
câest-Ă -dire sans forcĂ©ment nĂ©cessiter un gros capital. Cependant, on nâignore pas quâil
existe Ă leurs cĂŽtĂ©s de gros opĂ©rateurs qui, bien quâĆuvrant informellement, investissent des
sommes importantes. Il est Ă©vident que le statut dâentreprenant ne conviendra pas Ă cette
180 P.-G. POUGOUE et S.S. KUATE TAMEGHE, Lâe t ep e a t OHADA, op. cit.
181Art. 30 alinéa 4 de l'AUDCG.
182 A lâe t e e igueu de lâAUDCG de , la uestio du plafo d a sus it des pol i ues. Les
dispositio s de lâa ti le taie t assez a iguĂ«s et e pe ettaient pas de savoir si ce sont les seuils fixĂ©s
da s lâA te u ifo e elatif au D oit o pta le ui sâappli uaie t ou sâil fallait sâe te i au seuils fi s pa
chaque Etat. Tout porte à croire que ce sont les seuils fixés par chaque Etat membre qui seront certainement
appliqués.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 96
catĂ©gorie dâopĂ©rateurs. Le capital qu'ils ont investi au dĂ©marrage exigera quâils rĂ©alisent des
chiffres dâaffaires Ă©levĂ©s qui auront tĂŽt fait de leur faire perdre ledit statut183.
Les activitĂ©s Ă faible coĂ»t dâinvestissement sont vĂ©ritablement celles qui conviennent Ă
lâentreprenant et cela montre encore Ă juste titre que câest la forme juridique dâentreprise
individuelle qui correspond parfaitement Ă ce statut. Lâentrepreneur qui entend endosser le
statut dâentreprenant ne devrait pas porter son attention sur les activitĂ©s qui nĂ©cessitent un
coĂ»t dâinvestissement Ă©levĂ© ni sur celles dont lâexploitation requiert la personnalitĂ© morale.
On ne peut, cependant pas, affirmer que ces deux critĂšres sont les seuls qui permettent
dâidentifier les activitĂ©s que lâentreprenant ne peut pas exercer. Les activitĂ©s correspondant
Ă la description de lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG ne sont pas toutes compatibles avec le
statut de lâentreprenant. Câest le cas de certaines activitĂ©s libĂ©rales, notamment de celles qui
sont rĂ©glementĂ©es (exemple des activitĂ©s mĂ©dicales). Lâexercice de ces derniĂšres sous le
statut dâentreprenant ne semble pas convenable. En effet, il sâagit de professions qui font
lâobjet dâun encadrement spĂ©cifique et dont lâexercice est trĂšs conditionnĂ©. Leur exercice
nécessite généralement des diplÎmes ou qualifications particuliÚres, une autorisation ou des
agrĂ©ments, des assurances et des garanties financiĂšres. Câest ce qui peut expliquer pourquoi,
contrairement aux professions libérales non réglementées, leur nombre est limité. La plupart
du temps, ce sont des professions qui ont un rapport avec la justice ou le Droit, la santé. On
pensera par exemple aux avocats, dentistes, médecins, architectes, etc. Le profil de ces
professionnels ne semble pas correspondre à celui des personnes visées par le statut de
lâentreprenant. Le regard que la sociĂ©tĂ© leur porte dans les pays de lâOrganisation est
incompatible avec le portrait que le lĂ©gislateur a dressĂ© de lâentreprenant. Dans lâimaginaire
populaire ce sont des personnes qui disposent de moyens intellectuels et financiers
suffisamment Ă©levĂ©s184. DĂšs lors la sociĂ©tĂ© attache un certain honneur Ă lâexercice de ces
professions. Endosser le statut dâentreprenant pour les exercer pourraient porter atteinte Ă la
dignitĂ© que lâon associe Ă ces professions. En outre, parce que ce sont des professions qui,
pour la plupart, mettent en jeu les intĂ©rĂȘts des autres (santĂ©, droits, âŠ), il est important que
ces professionnels fassent preuve dâintĂ©gritĂ© et que la recherche du gain ne soit pas leur
motivation premiĂšre. Or, lâidĂ©e du lucre est attachĂ©e au statut dâentreprenant : maximiser les
183 Le statut dâe t ep e a t se pe d si, pe da t deu a es o s uti es, lâe t ep e eu a dĂ©passĂ© le
plafond fixé.
184 Sur cette question, voir : S. ANDREETTA, « Professions libérales et production du service public », in Revue
internationale des études du développement, vol. n° 236 (14 novembre 2018), no 4, p. 40.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 97
gains en minimisant les dĂ©penses. Câest pour cela que câest un statut qui sied bien aux
professionnels dont lâactivitĂ© vise en premier lieu Ă se faire des profits comme celui du
commerçant, de lâartisan, de lâagriculteur. Soutenant que lâexercice des professions libĂ©rales
nâest pas compatible avec la recherche du lucre, Yves GUYON affirmait que « les
incompatibilitĂ©s paraissent sâexpliquer davantage par un motif de conscience
professionnelle⊠le commerçant est animé principalement par la volonté de réaliser des
bĂ©nĂ©fices alors que le fonctionnaire doit ĂȘtre inspirĂ© par lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et le membre
dâune profession libĂ©rale par le dĂ©sir de rendre un service qui nâest pas uniquement
pĂ©cuniaire. Il serait donc difficile quâune mĂȘme personne obĂ©isse en mĂȘme temps, selon la
nature de ses activités, à des motivations aussi différentes »185.
Lâexercice de ce type de professions ne convient non plus Ă lâentreprenant lorsquâon
considĂšre les moyens financiers quâelles peuvent nĂ©cessiter, lâhonneur que la sociĂ©tĂ© leur
attache, la probité et le sens du désintéressement qui devraient caractériser ceux qui les
exercent. Mais en lâabsence de disposition les Ă©cartant du champ dâactivitĂ© de
lâentreprenant, lâexclusion de ces activitĂ©s ne peut ĂȘtre quâhypothĂ©tique. Pour Ă©viter que cela
repose sur lâarbitraire, il serait judicieux que le lĂ©gislateur communautaire dĂ©finisse des
critÚres sur la base desquels on peut légalement les exclure.
Paragraphe 2 : La nécessité de définir des critÚres plus précis
184. Dans leur ouvrage sur lâentreprenant, les Professeurs POUGOUE et KUATE se
posaient déjà la question de savoir si toutes les activités (économiques) sont exerçables sous
le statut dâentreprenant. AprĂšs avoir exposĂ© divers arguments, ils finissaient par conclure,
et nous sommes de leur avis, que toutes les activités économiques ne sont pas exploitables
sous le statut dâentreprenant. Le fait, pour le lĂ©gislateur OHADA, dâavoir superficiellement
ou vaguement Ă©numĂ©rĂ© les activitĂ©s que lâon peut exercer sous le statut dâentreprenant
pourrait avoir des consĂ©quences (A) quâon peut Ă©viter en dĂ©finissant des critĂšres prĂ©cis (B).
185 Y. GUYON, Droit des affaires, tome 1, Droit commercial général et Sociétés, Paris, Economica, 12e éd.,
2003, p 46, n°48.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 98
A. Les Ă©ventuelles consĂ©quences de lâimprĂ©cision des critĂšres
185. Dans leur Ă©noncĂ© actuel, les dispositions de lâAUDCG ne donnent pas une idĂ©e
prĂ©cise des activitĂ©s que lâentreprenant peut ou ne peut pas exercer. Tout ce que lâon sait,
câest quâil a le choix entre des activitĂ©s de nature civile ou commerciale. Cette prĂ©sentation,
à la fois succincte et vague, montre les limites de la loi actuelle et est susceptible de créer
des problĂšmes dâordres divers, tels que lâarbitraire au sein des Administrations chargĂ©es de
rĂ©ceptionner et examiner les dĂ©clarations dâactivitĂ©, des diffĂ©rences lĂ©gislatives entre les
pays membres sur la question des activitĂ©s exerçables par lâentreprenant, la rĂ©cupĂ©ration
dudit statut par des personnes nâayant aucune difficultĂ© Ă©conomique, etc.
186. Lâarbitraire des agents administratifs. Certains agents administratifs chargĂ©s de
recevoir et de traiter les dĂ©clarations dâactivitĂ© pourraient arbitrairement refuser dâaccorder
le statut dâentreprenant Ă un demandeur. La question qui se poserait dans un tel cas de figure
est celle du fondement juridique qui justifie ce refus. En déterminant clairement les activités
quâon ne peut pas exercer sous le statut dâentreprenant, le lĂ©gislateur fournit aux agents de
lâAdministration compĂ©tente une base lĂ©gale pour fonder et motiver leurs dĂ©cisions.
187. Les diffĂ©rences entre les lĂ©gislations. En outre, lâabsence de prĂ©cision de lâAUDCG
sur les activitĂ©s que lâon ne peut pas exercer en tant quâentreprenant ne permet pas
dâharmoniser la lĂ©gislation entre les Etats membres de lâOrganisation. Au contraire, elle crĂ©e
plus de différences entre eux.
188. La rĂ©cupĂ©ration du statut. Enfin, le statut de lâentreprenant pourrait ĂȘtre dĂ©tournĂ©
de sa finalité premiÚre186. Les « petits » entrepreneurs initialement visés par le nouveau statut
ne seraient pas les seuls Ă pouvoir y prĂ©tendre. A leurs cĂŽtĂ©s, des personnes qui nâĂ©prouvent
aucune difficulté économique pourraient trÚs bien, elles aussi, solliciter et acquérir le statut
dâentreprenant. Pour eux, le statut dâentreprenant servirait simplement Ă bĂ©nĂ©ficier des
facilités de créations et des allÚgements fiscaux, comptables et de gestion.
189. Certains ne partageront pas cet avis en prenant lâexemple du micro-entrepreneur
français qui est ouvert Ă ceux qui ont des moyens comme Ă ceux qui nâen ont pas beaucoup.
Mais il ne faut pas perdre de vue que les motivations qui ont poussé les deux législateurs
186 Pa eil d tou e e t a t o se e e ui o e e lâauto-entrepreneur français. Plusieurs personnes
p ofitaie t de lâe iste e de e statut pou a oi u sala iat d guis .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 99
(français et OHADA) Ă adopter ces statuts ne sont pas les mĂȘmes. Le statut de lâentreprenant,
comme celui de lâauto-entrepreneur, ont permis de simplifier lâaccĂšs Ă un statut lĂ©gal,
néanmoins les buts recherchés par les législateurs sont différents. En simplifiant les
formalités des auto-entrepreneurs, le législateur français espÚre inciter un grand nombre de
personnes Ă entreprendre. Dans lâOHADA, le but premier du lĂ©gislateur est de toucher une
cible bien prĂ©cise, les opĂ©rateurs du secteur informel. La crĂ©ation du statut de lâentreprenant
a pour but de les attirer vers le secteur formel. Dâune maniĂšre accessoire, le statut pourra
servir Ă des personnes qui ne disposent pas de moyens (financiers, intellectuels) suffisants
pour crĂ©er et gĂ©rer une entreprise. Cela signifie que, mĂȘme sâil semble ĂȘtre accessible Ă tout
le monde, le statut de lâentreprenant a dâabord Ă©tĂ© mis sur pied pour des personnes rĂ©pondant
à un profil bien défini.
190. Il est important de toujours se rappeler que lâarticle 30 de lâAUDCG prĂ©sente
lâentreprenant comme un entrepreneur individuel qui exerce une activitĂ© tantĂŽt commerciale
tantĂŽt civile qui ne doit pas dĂ©passer un certain plafond. Plus loin Ă lâarticle 63, il va prĂ©ciser
que cet entrepreneur ne doit pas avoir fait lâobjet de certaines interdictions. On peut dĂ©duire
de ces dispositions que pour acquĂ©rir le statut dâentreprenant il suffit simplement dâĂȘtre une
personne physique qui nâest soumise Ă aucune restriction prĂ©vue par la loi. Ainsi prĂ©sentĂ©
le statut de lâentreprenant sâapparente fortement Ă un fourre-tout, câest-Ă -dire Ă un statut qui
est à la portée de tout le monde et sous lequel on peut tout exercer. En effet, toute personne
qui remplit ces deux critÚres est un potentiel entreprenant. Pour éviter que le statut soit dévié
de lâobjectif qui a motivĂ© le lĂ©gislateur Ă lâadopter, lâon devrait songer Ă dĂ©finir des critĂšres
plus précis en affinant le profil des personnes qui peuvent y prétendre et en déterminant, au
moins, les activitĂ©s que lâon ne peut exercer sous ledit statut.
B. Quelques solutions pour y remédier
191. Deux solutions peuvent permettre de résoudre les problÚmes énumérés ci-dessus : la
dĂ©finition de critĂšres plus prĂ©cis permettant dâidentifier les activitĂ©s quâon ne peut exercer
sous le statut dâentreprenant ou, lâĂ©numĂ©ration indicative des activitĂ©s Ă exclure de son
champ dâaction.
192. La définition de critÚres plus précis. Le législateur communautaire devrait ajouter
aux critĂšres prĂ©sentĂ©s Ă lâarticle 30 alinĂ©a 1, des critĂšres sur la base desquels on pourrait
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 100
identifier les activitĂ©s que lâon ne peut pas exercer sous la casquette dâentreprenant. Il
pourrait par exemple déclarer certaines fonctions incompatibles avec le statut
dâentreprenant. Ces incompatibilitĂ©s auraient pour effet de protĂ©ger les professionnels qui
exercent ces fonctions des Ă©ventuels conflits dâintĂ©rĂȘts et des abus ou vices auxquels la
recherche excessive dâun profit peut les inciter187.
193. LâĂ©numĂ©ration indicative des activitĂ©s Ă exclure. A dĂ©faut de dĂ©finir des critĂšres
précis, le législateur pourrait par exemple dresser une liste indicative des activités que
lâentreprenant ne peut pas exercer. Cette Ă©numĂ©ration ne serait pas exhaustive au regard de
la quantitĂ© innombrable des activitĂ©s Ă©conomiques qui existent et qui ne cessent dâĂȘtre crĂ©es.
Elle permettra, cependant, dâavoir une idĂ©e objective des activitĂ©s quâon ne saurait
entreprendre lorsquâon souhaite acquĂ©rir le statut dâentreprenant.
194. « Un micro-entrepreneur peut exercer toutes activités artisanales, la plupart des
activitĂ©s commerciales et certaines activitĂ©s libĂ©rales »188. Cette phrase dâun auteur inconnu
relevĂ©e sur le site www.economie.gouv.fr peut ĂȘtre faite parce quâil existe dans la lĂ©gislation
française des dispositions qui permettent dâidentifier les activitĂ©s quâil nâest pas possible
dâexercer en tant que micro-entrepreneur. Le lĂ©gislateur a pris le soin de dĂ©finir des critĂšres
sur la base desquels lâon peut exclure une activitĂ© du champ du micro-entrepreneur. Il sâagit,
entre autres :
- des activitĂ©s libĂ©rales relevant dâune caisse de retraite autre que la SĂ©curitĂ© sociale
des indépendants anciennement connue sous le nom de Régime social des indépendants
(RSI) et la Caisse Interprofessionnelle de PrĂ©voyance et dâAssurance Vieillesse (CIPAV)
189. On exclut donc notamment les professions juridiques et judiciaires telles que les avocats,
les huissiers, les notaires, etc. ; les professions de la santé comme infirmiers, médecins,
pharmaciens, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, vétérinaires, etc. ; les agents
gĂ©nĂ©raux et dâassurance, les experts comptables et commissaires aux comptes, etc. ;
187 J.-B. BLAISE, Droit des affaires, commerçants, concurrence, distribution, LGDJ, 4Ú éd., 2011, p. 233, n° 384.
188 Phrase relevée le 07 mai 2019 sur la page https://www.economie.gouv.fr/entreprises/micro-entreprise-
auto-entreprise-multi-activites .
189 Il faut sig ale uâĂ lâe t e e igueu du rĂ©gime de lâauto-entrepreneur, les professionnels libĂ©raux
ele a t du gi e ieillesse de la CIPAV e pou aie t pas a oi d oit. Ce âest uâe 2010 que la possibilitĂ©
dâadopte e statut leur a Ă©tĂ© accordĂ©e.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 101
- des activitĂ©s artistiques rĂ©munĂ©rĂ©es par des droits dâauteurs ;
- des activitĂ©s de location dâimmeubles non meublĂ©s ou professionnels ;
- des activités relevant de la TVA immobiliÚre telles que marchands de biens,
lotisseurs, agents immobilier, etc. ;
- des activités agricoles rattachées au régime social agricole.
195. MĂȘme si cette liste nâest pas exhaustive, elle donne quand mĂȘme une idĂ©e des
activitĂ©s quâon ne peut pas exercer sous le rĂ©gime de la micro-entreprise. Lâentrepreneur qui
projette dâexercer lâune de ces activitĂ©s peut savoir Ă lâavance quâil ne peut pas endosser le
statut de micro-entrepreneur. LâAdministration dispose Ă©galement dâĂ©lĂ©ments juridiques
nĂ©cessaires pour justifier son refus de valider une dĂ©claration dâactivitĂ© lorsquâelle juge que
lâactivitĂ© ne permet pas dâendosser le statut de micro-entrepreneur. DĂ©finir des critĂšres
dâexclusion serait Ă©galement utile au sein de lâOHADA.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 102
Conclusion du chapitre
196. Il était question, dans le présent chapitre, de déterminer quelles sont les activités
quâon peut exercer en tant quâentreprenant. Aux termes de lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG,
lâentreprenant exerce des activitĂ©s civiles, commerciales, artisanales ou agricoles. Sous ce
statut, la loi donne Ă lâentrepreneur la possibilitĂ© de choisir le type dâactivitĂ© quâil souhaite
exercer. Ceci est une particularitĂ© de lâentreprenant qui peut choisir dâexercer une activitĂ©
civile ou commerciale.
197. Le critĂšre de lâactivitĂ© ne pose pas une vĂ©ritable difficultĂ© pour accĂ©der au statut de
lâentreprenant. Cependant, il est important de souligner que, mĂȘme si les possibilitĂ©s qui
sâoffrent Ă lui sont larges, le statut de lâentreprenant nâest pas compatible avec toutes les
activitĂ©s Ă©conomiques. En dâautres termes, toutes les activitĂ©s Ă©conomiques ne peuvent pas
ĂȘtre exercĂ©es sous le statut de lâentreprenant. Vu le profil de ce dernier, les activitĂ©s quâil
convient dâexercer sous ce statut doivent ĂȘtre exploitables sous la forme dâentreprise
individuelle, elles ne doivent pas nécessiter un gros investissement. En outre, pour conserver
lâesprit qui lâa motivĂ© Ă mettre sur pied ce nouveau statut et vu la cible quâil vise, le
lĂ©gislateur devrait Ă©carter un certain nombre dâactivitĂ© du champ de lâentreprenant. Il
devrait également définir des critÚres plus précis à partir desquels on pourra identifier les
activitĂ©s que lâon peut exercer sous le statut de lâentreprenant et celles quâon ne peut pas
exercer sous ce statut.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 103
Conclusion du titre
198. Comme cela a Ă©tĂ© dit plus haut, lâaccĂšs au statut de lâentreprenant est conditionnĂ©.
Lâentrepreneur qui souhaite acquĂ©rir ledit statut, doit remplir des critĂšres Ă la fois subjectifs
et objectifs. Non seulement il doit ĂȘtre capable dâexercer lâactivitĂ© qui lâintĂ©resse, mais il
doit Ă©galement sâassurer que le statut de lâentreprenant convient Ă lâexercice de cette activitĂ©.
Pour les entrepreneurs du secteur informel, ces conditions ne constituent pas de grosses
difficultĂ©s pour lâacquisition du statut de lâentreprenant. Elles ne sont donc pas susceptibles
de dĂ©courager un grand nombre dâentrepreneurs contrairement aux formalitĂ©s qui, elles,
peuvent vĂ©ritablement ĂȘtre contraignantes et dissuasives.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 104
TITRE 2. LâACCOMPLISSEMENT DE FORMALITES
199. Comme cela a déjà été démontré plus haut, contrairement au statut du commerçant
auquel il a beaucoup empruntĂ©, le statut de lâentreprenant ne sâacquiert pas par lâexercice
dâune activitĂ©. Pour sâen prĂ©valoir, il faut impĂ©rativement accomplir une formalitĂ© prĂ©cise :
la dĂ©claration dâactivitĂ©. Etre entreprenant nâest pas un titre quâon sâarroge. On ne
sâautoproclame pas entreprenant. Il est vrai que le statut a Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour de trĂšs petits
entrepreneurs, mais ceux-ci ne peuvent ĂȘtre qualifiĂ©s dâentreprenants tant quâils nâont pas
accompli la formalitĂ© prescrite par la loi Ă cet effet. LâaccĂšs au statut est donc conditionnĂ©.
Ceux qui veulent lâacquĂ©rir doivent, au prĂ©alable, effectuer une dĂ©claration dâactivitĂ©
(Chapitre 1). Lâaccomplissement de cette formalitĂ© les oblige, plus tard, Ă accomplir
diverses formalités si, pour une raison ou pour une autre, ils venaient à perdre le statut
dâentreprenant (Chapitre 2).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 105
Chapitre 1. Lâaccomplissement de la dĂ©claration dâactivitĂ© en vue
dâacquĂ©rir le statut
200. Pour acquĂ©rir le statut dâentreprenant, tout entrepreneur doit effectuer une
dĂ©claration dâactivitĂ© au RCCM. Le lĂ©gislateur la prĂ©sente, dans lâAUDCG, comme une
formalitĂ© simple. En effet, la crĂ©ation du statut de lâentreprenant avait pour but de permettre
aux entrepreneurs de se formaliser sans tracasserie. La dĂ©claration dâactivitĂ© est censĂ©e
décharger les entrepreneurs des contraintes des procédures existantes. Le qualificatif
« simple », employé par le législateur a précisément pour but de mettre en avant les facilités
que la dĂ©claration dâactivitĂ© offre comparativement Ă lâimmatriculation au RCCM qui Ă©tait,
jusquâĂ la rĂ©vision de lâAUDCG en 2010, lâunique procĂ©dure de formalisation des
entreprises prĂ©vue par lâOHADA. Mais on est forcĂ© dâadmettre que, comme toute
procĂ©dure, la dĂ©claration dâactivitĂ© a des exigences auxquelles les entrepreneurs sont obligĂ©s
de se soumettre (Section 1). Elle donne la possibilitĂ© de jouir dâun statut que lâentrepreneur
est susceptible de perdre quelques temps plus tard. Dans certains cas, cette perte peut
occasionner des problĂšmes qui font penser que la dĂ©claration dâactivitĂ© est une procĂ©dure
peu opportune (Section 2).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 106
Section 1. La dĂ©claration dâactivitĂ© : une procĂ©dure ayant des exigences
201. Les exigences dâune procĂ©dure Ă©manent des rĂšgles qui lâencadrent. Elles se
traduisent à travers divers éléments tels que les informations à communiquer, les documents
Ă fournir, les Ă©tapes Ă respecter, les conditions Ă remplir, les dĂ©lais dâattente, le prix Ă payer,
les recours Ă effectuer, etc⊠Dans le cas de la dĂ©claration dâactivitĂ©, ces exigences se font
ressentir aussi bien pendant lâintroduction de la demande (Paragraphe 1) quâau cours de
son traitement (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Lâintroduction de la demande
202. Les exigences auxquelles lâon doit se plier au cours de cette premiĂšre phase de la
procĂ©dure de dĂ©claration dâactivitĂ© ont trait aux personnes habilitĂ©es Ă effectuer la dĂ©marche
(A), au moment oĂč celle-ci doit ĂȘtre accomplie (B) et au contenu de la demande Ă soumettre
Ă lâAdministration (C).
A. Les personnes habilitĂ©es Ă effectuer la dĂ©claration dâactivitĂ©
203. DâaprĂšs les dispositions de lâAUDCG, la dĂ©claration dâactivitĂ© peut ĂȘtre effectuĂ©e
par lâentrepreneur lui-mĂȘme (1) ou par un tiers mandatĂ© par lui (2).
1. Lâentrepreneur
204. En principe, câest Ă lâentrepreneur qui souhaite adopter le statut dâentreprenant quâil
appartient dâeffectuer les formalitĂ©s nĂ©cessaires. Lâarticle 62 alinĂ©a 1 de lâAUDCG dispose
Ă cet effet que « Lâentreprenant dĂ©clare son activité⊠». Câest donc celui qui est intĂ©ressĂ©
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 107
par le statut qui doit procĂ©der Ă la dĂ©claration dâactivitĂ©. Les articles 63 et 66 alinĂ©a 3 du
mĂȘme Acte uniforme le dĂ©signent tantĂŽt comme le demandeur, tantĂŽt comme le dĂ©clarant190.
205. Dans le chapitre 1 du Titre prĂ©cĂ©dent, nous avons prĂ©sentĂ© les conditions quâun
entrepreneur doit remplir pour prĂ©tendre au statut dâentreprenant. Il faut cependant prĂ©ciser
que ceux qui rĂ©unissent ces conditions dâĂ©ligibilitĂ© 191 ne seront pas tous autorisĂ©s Ă se
dĂ©clarer car le statut de lâentreprenant nâest pas ouvert aux personnes qui sont immatriculĂ©es
au RCCM. Seules des personnes non immatriculées à ce registre sont habilitées à y déclarer
leurs activitĂ©s. En effet, Ă lâarticle 64 alinĂ©a 3 de lâAUDCG, il est que « Lâentreprenant ne
peut en mĂȘme temps ĂȘtre immatriculĂ© au registre du commerce et du crĂ©dit mobilier ». Cette
disposition laisse clairement comprendre quâun entrepreneur ne peut, aprĂšs avoir dĂ©clarĂ©
son activitĂ© au RCCM, demander son immatriculation Ă ce mĂȘme registre. Tant quâil
bĂ©nĂ©ficie du statut dâentreprenant, il ne peut pas se faire immatriculer au RCCM. On peut
reformuler lâarticle 64 en disant quâil nâest pas possible dâĂȘtre, Ă la fois, dĂ©clarĂ© et
immatriculĂ© au RCCM. Le raisonnement par lâinverse est donc valable, une personne
immatriculĂ©e au RCCM ne peut en mĂȘme temps y dĂ©clarer son activitĂ©, autrement dit elle
ne peut en mĂȘme temps avoir le statut dâentreprenant. Pour bĂ©nĂ©ficier de ce dernier statut,
elle doit au préalable se faire radier. La radiation mettra fin à son immatriculation au RCCM
et lui permettra de se déclarer comme entreprenant. La loi OHADA ne dit pas si un délai
doit sâĂ©couler entre la radiation et la nouvelle inscription. A priori, rien nâempĂȘche de penser
que les deux formalitĂ©s peuvent se faire simultanĂ©ment. Une fois que lâacte de radiation est
Ă©tabli, la dĂ©claration dâactivitĂ© devrait pouvoir se faire le mĂȘme jour192. Lâentrepreneur
pourrait alors choisir de lâeffectuer lui-mĂȘme ou de mandater un tiers qui agira en son nom.
190 A lâa ti le , le l gislateu utilise le te e demandeur pour faire allusion Ă celui qui dĂ©clare son activitĂ©.
Plus loi Ă lâa ti le , il emploie le mot dĂ©clarant, pou disti gue elui ui effe tue u e d la atio dâa ti it
de celui qui sollicite son immatriculation.
191 A savoir, ĂȘt e u e pe so e ph si ue e faisa t lâo jet dâau u e est i tio e p ha t dâe e e lâa ti it
économique souhaitée.
192 Dans ce cas, on ne pourra pas di e uâil y a effectivement eu essatio dâa ti it . Th o i ue e t lâa te de
adiatio o state lâa t de lâa ti it , ais da s les faits elle- i âa ja ais t i te o pue.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 108
2. Le mandataire de lâentrepreneur
206. Un mandataire est une personne qui représente une autre personne et exécute
fidĂšlement sa mission dans lâintĂ©rĂȘt de celle-ci193. Lâarticle 39 de lâAUDCG affirme sans
ambiguĂŻtĂ© que la dĂ©claration dâactivitĂ© de lâentreprenant peut ĂȘtre signĂ©e par son mandataire.
Cela signifie que la formalitĂ© prescrite par la loi peut ĂȘtre effectuĂ©e par un tiers dĂ©signĂ© par
lâentrepreneur qui souhaite obtenir le statut dâentreprenant194. Cette tierce personne doit
justifier dâun mandat, câest-Ă -dire une autorisation spĂ©ciale, qui lui donne le pouvoir dâagir
au nom et pour le compte de lâentrepreneur qui reste considĂ©rĂ© comme le demandeur ou le
déclarant.
207. La loi communautaire donne quelques précisions en ce qui concerne cette
reprĂ©sentation. A priori, elle peut ĂȘtre faite par tout individu juridiquement capable. Le
lĂ©gislateur nâa posĂ© aucune limite quant aux personnes habilitĂ©es Ă agir au nom du dĂ©clarant.
Ce dernier peut donc se faire reprĂ©senter par nâimporte qui. Cette libertĂ© dans le choix du
mandataire est louable dans un contexte comme celui des Etats membres de lâOHADA oĂč
de nombreux entrepreneurs sont analphabÚtes ou ignorants des démarches administratives.
Au lieu de solliciter les services payants des professionnels désignés par la loi (avocat,
huissier, notaire, syndic ou professionnel agréé195), ils pourraient simplement demander
lâaide dâun proche (membre de famille ou ami). Il faudrait seulement que ce dernier se
munisse de sa piĂšce dâidentitĂ© et dâune procuration signĂ©e par le dĂ©clarant. LâAUDCG ne
donne pas plus de dĂ©tails sur les caractĂšres de cet Ă©crit. On ne saurait dire sâil doit respecter
193 K. MAWUNYO AGBENOTO, « Le mandat double », in Les horizons du droit OHADA. M la ges e lâho eu
du Professeur Filiga Michel SAWADOGO, CREDIJ, 2018, p. 759-801.
194 La possibilité de se faire représenter par un mandataire est trÚs appréciable car elle facilitera les relations
des entrepreneurs a e lâAd i ist atio . Les lenteurs administratives, la corruption, les mauvais traitements,
sont des causes de dĂ©couragement qui incitent plusieurs e t ep e eu s Ă ite lâAdministration et Ă exercer
informellement. La possibilité de mandater un tiers permettra à certains entrepreneurs de désigner des
personnes qui agiront Ă leur place. Ainsi, ils ne traiteront pas directement a e lâAd i ist atio , ais
pourront accomplir les formalités prescrites par la loi.
195 Lâe p essio est t op ague et o peut se de a de ui le l gislateu oulait d sig e i i e deho s des
avocats dont la profession co siste dâoffi e Ă ep se te . Lâexpression montre que la liste des mandataires
dispe s s de p o u atio âest pas e hausti e. Pou ite ue e tai s p ofessio els se voient exiger une
procuration, le lĂ©gislateur aurait dĂ» ĂȘtre plus prĂ©cis sur les mandataires qui e so t pas te u dâa oi u e
procuration.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 109
un formalisme particulier comme, par exemple, comporter un timbre. En principe, si on veut
respecter les objectifs qui visent à alléger les charges des entrepreneurs, cette procuration
ne devrait pas faire lâobjet dâune formalitĂ© spĂ©ciale qui nĂ©cessiterait plus de frais et de temps.
Toutefois, en lâabsence dâindications prĂ©cises d du lĂ©gislateur communautaire Ă ce sujet,
rien nâempĂȘche les Etats dâimposer dâautres critĂšres. Quels quâils soient, une fois quâils
sont rĂ©unis, la mandataire devrait pouvoir accomplir la dĂ©claration dâactivitĂ© au moment
opportun.
B. Le moment de la dĂ©claration dâactivitĂ©
208. En ce qui concerne le moment opportun pour effectuer la dĂ©claration dâactivitĂ©, il
est dit, Ă lâarticle 62 alinĂ©a 3 de lâAUDCG, que lâentreprenant ne peut commencer son
activitĂ© quâaprĂšs rĂ©ception de son numĂ©ro de dĂ©claration. Cette disposition laisse clairement
entendre que lâactivitĂ© dâun entreprenant ne peut commencer quâaprĂšs lâaccomplissement
de la dĂ©claration dâactivitĂ©. Cela voudrait dire que celui qui souhaite acquĂ©rir le statut
dâentreprenant, doit accomplir sa dĂ©claration dâactivitĂ© avant de commencer son activitĂ©.
Cette disposition situe le dĂ©but de lâactivitĂ© aprĂšs lâaccomplissement de la formalitĂ©
prescrite par la loi. Retenir cette interprétation revient à dire que les entrepreneurs qui ont
dĂ©jĂ commencĂ© leur activitĂ© ne peuvent pas prĂ©tendre au statut dâentreprenant. Pourtant, ce
dernier statut a prioritairement été créé pour des opérateurs du secteur informel, autrement
dit pour des personnes ayant déjà commencé leur activité. Cette vérité incontestable nous
oblige Ă interprĂ©ter autrement la disposition de lâarticle 62 alinĂ©a 3. On essayera de
comprendre ce cela implique pour des entrepreneurs qui ont commencé leur activité de
maniÚre informelle (1) et pour ceux qui commencé de maniÚre formelle (2).
1. Pour les entrepreneurs du secteur informel
209. Il est important de toujours garder Ă lâesprit que câest dâabord en vue dâattirer les
entrepreneurs du secteur informel que le statut de lâentreprenant a Ă©tĂ© crĂ©Ă©. Câest donc pour
des personnes qui ont déjà commencé une activité que ce statut a été mis sur pied. Akodah
AYEWOUADAN affirmait que « lâentreprenant constitue dĂ©sormais une nouvelle
catĂ©gorie juridique. Elle est entendue comme la formalisation dâune situation qui a dĂ©jĂ une
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 110
existence empirique, Ă savoir les activitĂ©s de lâĂ©conomie informelle »196. Cela dĂ©montre que
la dĂ©marche prescrite pour acquĂ©rir le statut dâentreprenant est formalitĂ© qui concerne des
activitĂ©s qui existent dĂ©jĂ . DĂšs lors, on sâinterroge sur ce que le lĂ©gislateur a voulu dire en
disposant que « Lâentreprenant ne peut commencer son activitĂ© quâaprĂšs rĂ©ception » de son
numéro de déclaration. On se demande ce que cela signifie ou implique pour des personnes
dont lâactivitĂ© ne peut ĂȘtre quâantĂ©rieure Ă la dĂ©claration dâactivitĂ©.
210. Cette formule peut ĂȘtre reçue, Ă la fois, comme une condition et une interdiction. En
tant que condition, elle laisse sous-entendre que celui qui veut acquérir le statut
dâentreprenant, doit recevoir son numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© avant de commencer son
activité. Dit autrement, il doit se déclarer avant le commencement de son activité197. En tant
quâinterdiction, cette formule laisse comprendre que lâentrepreneur qui opte pour le statut
dâentreprenant ne peut commencer son activitĂ© sâil nâa reçu son numĂ©ro de dĂ©claration. En
dâautres termes, il ne peut commencer son activitĂ© sâil ne sâest pas dĂ©clarĂ©.
Cette comprĂ©hension de lâarticle 62 alinĂ©a 3 ne nous semble pas tout Ă fait juste et, elle nâa
aucun sens Ă lâĂ©gard des opĂ©rateurs du secteur informel car il est manifeste que ces derniers
ont dĂ©jĂ commencĂ© leurs activitĂ©s. On devrait peut-ĂȘtre voir en cela, une maniĂšre pour le
lĂ©gislateur, de dire que lâactivitĂ© de lâentreprenant sera considĂ©rĂ©e comme ayant
officiellement dĂ©butĂ© Ă compter de la rĂ©ception du numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ©. Le
lĂ©gislateur a sans doute voulu attribuer une date de commencement officiel Ă lâactivitĂ©
196 A. AYEWOUADAN, « Lâe t ep e a t en Droit uniforme OHADA », in RRJ Droit prospectif, (2013-1), p. 307,
n° 15.
197 Le o e ça t et lâauto-entrepreneur ont la possibilitĂ© de commencer leurs activitĂ©s a a t dâa o pli
les formalitĂ©s prescrites par la loi. Da s lâOHADA, lâa ticle 44 alinĂ©a de lâAUDCG a o de Ă elui ui e e e
le o e e u d lai dâu ois Ă o pte du o e e e t de lâa ti itĂ© pour se faire immatriculer. Bien
uâil pa aisse ou t, ce dĂ©lai peut offre au commerçant la possibilitĂ© de dĂ©buter son activitĂ© avant de requĂ©rir
son immatriculation. Ceci peut se justifier par le fait que la qualité de commerçant ne dépend pas de
lâa o plissement de la formalitĂ© administrative mais plutĂŽt de lâe e i e p t dâa tes de o e e pa
atu e. Qua t Ă lâauto-entrepreneur aujou dâhui appel i o-entrepreneur), la loi française lui donne la
possibilitĂ© de se dĂ©clarer aprĂšs le dĂ©marrage de son activitĂ©. Tant que cette d la atio âest pas a o plie,
lâe t ep e eu e peut se p aloi du tit e dâauto-entrepreneur. En effet, contrairement au statut de
commerçant, le tit e dâauto-e t ep e eu âest pas li Ă lâe e i e gulie dâu e a ti it particuliĂšre, mais Ă
lâa o plisse e t dâu e fo alit prĂ©cise, la d la atio dâa ti it . Ainsi, nul ne peut prĂ©tendre ĂȘtre auto-
entrepreneur (ou plutĂŽt micro-entrepreneur) sâil âa pas d larĂ© son activitĂ©.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 111
informelle. Il essaie certainement de situer le commencement formel de lâactivitĂ© au
moment oĂč un numĂ©ro de dĂ©claration est attribuĂ© Ă lâentrepreneur, câest-Ă -dire au moment
oĂč ce dernier acquiert le statut dâentreprenant.
211. Cette maniĂšre dâinterprĂ©ter lâalinĂ©a 3 de lâarticle 62 semble a priori correcte car elle
tient compte des opérateurs du secteur informel. Cependant, elle suscite quelques
questionnements. La premiĂšre interrogation concerne les actes de ces entrepreneurs
accomplis avant leur dĂ©claration dâactivitĂ©. Si on considĂšre que leurs activitĂ©s ont
officiellement commencĂ© aprĂšs la rĂ©ception du numĂ©ro de dĂ©claration, autrement dit Ă
compter de la dĂ©claration dâactivitĂ©, quâen est-il des actes rĂ©alisĂ©s antĂ©rieurement Ă cette
formalité ? Comment ces actes seraient-ils appréhendés an cas de litige, leur applique-t-on
les rĂšgles applicables Ă lâentreprenant ou non ? La difficultĂ© est plus perceptible lorsque
lâactivitĂ© est civile. On se demande si les actes nĂ©s antĂ©rieurement Ă la dĂ©claration dâactivitĂ©
de lâentrepreneur tombent sous le coup de la loi commerciale, notamment en matiĂšre preuve
et de prescription, ou si on leur applique les rÚgles de la loi civile qui encadre les activités
de lâentrepreneur.
212. La seconde interrogation concerne la date exacte Ă partir de laquelle on peut
considĂ©rer que lâentreprise existe. Plusieurs Ă©tudes montrent que quelques entrepreneurs du
secteur informel dĂ©tiennent une carte de contribuable et paient les impĂŽts. Si lâon considĂšre
que lâactivitĂ© de lâentreprenant a officiellement commencĂ© aprĂšs lâattribution dâun numĂ©ro
de déclaration, la question qui va se poser consistera à déterminer la date à partir de laquelle
on peut estimer que lâentreprise a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e. Faut-il considĂ©rer quâelle existe depuis
lâimmatriculation de lâentrepreneur auprĂšs de lâAdministration fiscale, immatriculation Ă la
suite de laquelle un numĂ©ro de contribuable lui a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© ou, faut-il sâen tenir Ă la date
de la dĂ©claration dâactivitĂ© ? Il est vrai que, dâun point de vue juridique, lâimmatriculation
fiscale et le fait de payer les impĂŽts ne font pas dâune entreprise une unitĂ© formelle. On le
comprend facilement en matiĂšre commerciale. Tant que le commerçant nâest pas
immatriculé au RCCM, il est considéré comme un entrepreneur de fait. En matiÚre civile,
on peut Ă©galement penser que lâentrepreneur est en situation informelle tant quâil nâa pas
accompli les formalitĂ©s prĂ©cises indiquĂ©es par la loi. Mais la question nâest pas dâabord de
savoir quand lâentreprise sâest formalisĂ©e, mais depuis quand elle est juridiquement
considĂ©rĂ©e comme existante. Si on estime quâelle existe depuis lâaccomplissement de la
dĂ©claration dâactivitĂ©, la question qui se posera est celle de savoir comment seront
appréhendées toutes les situations nées antérieurement à cette formalité. Si, en revanche, on
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 112
retient une date antĂ©rieure Ă la dĂ©claration dâactivitĂ© (par exemple la date dâimmatriculation
auprĂšs de lâAdministration des impĂŽts), la question que lâon se poserait consisterait alors Ă
savoir si câest Ă juste titre que cette entreprise Ă©tait considĂ©rĂ©e comme informelle. En effet,
si lâimmatriculation auprĂšs du fisc marque lâexistence officielle dâune lâentreprise, on ne
peut plus logiquement la considérer comme étant informelle.
213. La situation qui est mise en exergue ici, a longtemps eu cours dans certains Etats de
lâOHADA et, jusquâaujourdâhui elle existe encore. Des entrepreneurs ont la possibilitĂ© de
se faire immatriculer auprĂšs du fisc sans toutefois accomplir les formalitĂ©s dâexistence
prescrites par la loi. Cette pratique favorise le développement des activités informelles. En
principe, un entrepreneur ne devrait pas obtenir un numĂ©ro dâidentification fiscale ou de
sĂ©curitĂ© sociale sâil ne dĂ©tient pas de numĂ©ro dâinscription au registre officiel prĂ©vu pour
son activité. Logiquement, cette inscription doit se faire avant toute autre formalité. Si les
Etats acceptent de percevoir les impĂŽts de ces entrepreneurs non formellement inscrits, ils
ne devraient plus les considérer comme en situation informelle198. Soit ils les considÚrent
comme en situation informelle et les incitent dâune maniĂšre ou dâune autre Ă se formaliser
avant de percevoir leurs impĂŽts, soit ils acceptent de percevoir leurs impĂŽts et ne les
considĂšrent plus comme des entrepreneurs du secteur informel. Pour efficacement lutter
contre le secteur informel, les Etats doivent veiller Ă ce que tout entrepreneur soit
formellement inscrit avant son immatriculation. Il est vrai que dans quelques Etats, des
dispositifs199 sont mis en place dans les Administrations pour obliger les entrepreneurs, qui
sollicitent un numéro de contribuable ou un numéro de sécurité sociale, à fournir la preuve
de leur inscription au RCCM. Mais parallĂšlement Ă ces mesures, on constate
malheureusement quâil existe encore des procĂ©dures qui permettent de contourner cette
198 Câest o e a epte ue les « travailleurs au noir » paient des impĂŽts sur les revenus tirĂ©s de leurs
activitĂ©s informelles. En acceptant de percevoir leu s i pĂŽts, lâEtat e o aĂźt ait leu e iste e et de e fait,
ne devrait plus les considérer comme des travailleurs informels.
199 Entre autres, la crĂ©ation de centres de formalitĂ©s des entreprises oĂč toutes les formalitĂ©s se font
simultanĂ©ment. Les ent ep e eu s se fo t i s i e au RCCM e e te ps uâils se fo t e egist e aup s
des aut es Ad i ist atio s. Cepe da t, o d plo e ue da s e tai s pa s Ă lâe e ple du Ca e ou , seuls
les commerçants peuvent bĂ©nĂ©ficier de leurs services. Ils devraient Ă©galement ĂȘtre accessibles aux
entrepreneurs civils.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 113
exigence et la plupart du temps, ce sont les petits entrepreneurs qui profitent200. Les Etats
devraient veiller à ce que les différentes procédures qui ont cours sur leurs territoires ne
favorisent pas lâinformalitĂ©.
214. Les développements qui précÚdent montrent les limites de la deuxiÚme interprétation
que nous avons faite de lâarticle 62 alinĂ©a 3 de lâAUDCG. Il est difficile de comprendre
cette disposition implique Ă pour des opĂ©rateurs du secteur informel. Peut-ĂȘtre a-t-elle un
sens Ă lâĂ©gard des entrepreneurs qui exercent dĂ©jĂ une activitĂ© formelle.
2. Pour les entrepreneurs du secteur formel
215. DâentrĂ©e de jeu, il convient de prĂ©ciser, que le statut de lâentreprenant nâa pas Ă©tĂ©
conçu pour des personnes qui exercent une activité de maniÚre formelle. Cependant, rien
dans la loi ne permet dâaffirmer quâelles ne peuvent pas y prĂ©tendre. Quelques-uns dâentre
eux pourraient ĂȘtre tentĂ©s de dĂ©clarer leur activitĂ© au RCCM pour bĂ©nĂ©ficier des avantages
du nouveau statut. Il a été démontré plus haut que les commerçants immatriculés doivent au
prĂ©alable se faire radier du RCCM avant dâacquĂ©rir le statut dâentreprenant. En revanche, la
loi communautaire ne dit rien en ce qui concerne les entrepreneurs civils qui sont dĂ©jĂ
inscrits sur les registres prévus en fonction de la nature de leurs activités. A priori, rien ne
permet dâaffirmer quâun entreprenant ne peut en mĂȘme temps ĂȘtre inscrit Ă un autre registre.
Cependant, il est difficile de soutenir quâun entrepreneur civil inscrit sur un registre lĂ©gal
diffĂ©rent du RCCM peut se dĂ©clarer son activitĂ©. Lâarticle 62 alinĂ©a 3 peut valablement ĂȘtre
invoquĂ© pour faire obstacle Ă leur dĂ©claration dâactivitĂ©. Cet article de lâAUDCG dispose
que lâentreprenant ne peut commencer son activitĂ© quâaprĂšs rĂ©ception de son numĂ©ro de
déclaration. Or, pour les entrepreneurs civils qui exercent une activité formelle, le
commencement officiel de leur activitĂ© sera antĂ©rieur Ă la dĂ©claration dâactivitĂ© car il a eu
lieu lors de leur inscription au registre prĂ©vu pour les activitĂ©s quâils exercent. Comme les
200 Câest pa e e ple le as e RDC oĂč un service public (la Division des petites, moyennes entreprises et
a tisa at d li e des pate tes au petits o e ça ts e e tu dâu e loi de alo s ue es derniers ne
so t pas i s its au RCCM. âu ette uestio , oi lâa ti le de P. LWANGO MIRINDI et C. CHANDA BWIRIRE,
« La oe iste e de lâe t ep e a t et du petit o e ça t e R pu li ue D o ati ue du Co go : as de
la ville de Bukavu » sur le site www.institut-idef.org.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 114
commerçants immatriculés, les entrepreneurs qui exercent une activité civile formelle
risquent de ne pas ĂȘtre admis Ă se dĂ©clarer comme entreprenants.
216. Le lĂ©gislateur communautaire devrait peut-ĂȘtre songer Ă revoir le cas de tous ces
entrepreneurs formels. Il ne semble pas avoir envisagĂ© lâĂ©ventualitĂ© oĂč ceux-ci pourraient
ĂȘtre intĂ©ressĂ©s par un statut moins contraignant. Il nâa pas prĂ©vu lâhypothĂšse oĂč des
entrepreneurs du secteur formel voudraient migrer vers le statut dâentreprenant. Quelques-
uns parmi eux répondent aux critÚres des petits entrepreneurs201 et peuvent avoir une
situation financiĂšre prĂ©caire. Pour mieux poursuivre leur activitĂ©, ils peuvent ĂȘtre tentĂ©s
dâendosser le statut dâentreprenant dans le but de profiter des avantages quâil procure.
Le législateur communautaire a exclusivement conçu le nouveau statut et la
dĂ©claration dâactivitĂ© pour des entrepreneurs qui dĂ©butent sur un plan formel. Il aurait Ă©tĂ©
plus rĂ©aliste dâoffrir aux entrepreneurs en situation rĂ©guliĂšre la possibilitĂ© dâendosser le
statut de lâentreprenant lorsque leur chiffre dâaffaires nâexcĂšde pas le plafond fixĂ©.
217. La loi française est appréciable sur ce dernier point car elle permet aux entrepreneurs
qui exercent une activitĂ© sous un statut dâentrepreneur individuel de basculer vers le statut
de micro-entrepreneur à tout moment de leur activité sans au préalable se faire radier du
registre dans lequel ils sont inscrits. Un tel changement se fait facilement car la micro-
entreprise est avant tout une entreprise individuelle. Si son chiffre dâaffaires est infĂ©rieur au
plafond fixĂ© pour la micro-entreprise, lâentrepreneur est simplement tenu dâexprimer, au
service des impĂŽts compĂ©tent, son souhait de renoncer au rĂ©gime fiscal du rĂ©el et dâopter
pour le régime micro fiscal.
218. MĂȘme si le lĂ©gislateur africain nâa pas procĂ©dĂ© comme son homologue français, il
faut reconnaitre que sa dĂ©marche nâest pas dĂ©nuĂ©e de sens. Comme on lâa soulignĂ© Ă
plusieurs reprises, son objectif Ă©tait de lutter contre lâentrepreneuriat informel. Son but
premier était de simplifier les procédures et alléger les obligations pour permettre aux
opĂ©rateurs du secteur informel dâacquĂ©rir un statut lĂ©gal qui leur servirait de tremplin et leur
201 Il suffit de considĂ©rer le plafond du hiff e dâaffai es d fi i pa le l gislateu . Celui-ci est relativement haut
pou ue des e t ep e eu s du se teu fo el puisse t sâ et ou e .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 115
permettrait de progresser vers des statuts plus importants202. Il a conçu le statut de
lâentreprenant comme un statut intermĂ©diaire, une passerelle vers un statut classique
dâentrepreneur individuel ou celui de sociĂ©tĂ©. Cela explique pourquoi il a focalisĂ© son
attention sur les entrepreneurs en situation irrĂ©guliĂšre. Il nâa certainement pas jugĂ©
nécessaire de revoir la situation des entrepreneurs qui sont en situation réguliÚre, estimant
que ces derniers ont dĂ©jĂ pu surmonter les difficultĂ©s liĂ©es Ă la crĂ©ation dâentreprise. Pour
lui, ces entrepreneurs du secteur informel nâavaient plus besoin des mĂȘmes facilitĂ©s que
ceux qui sont encore en situation irrĂ©guliĂšre. Mais cette conception des choses nâest vraie
quâen ce qui concerne les formalitĂ©s de crĂ©ation de lâentreprise. Les petits entrepreneurs du
secteur formel pourraient bien avoir envie de profiter des allĂšgements fiscaux et sociaux de
lâentreprenant. Le lĂ©gislateur devrait peut-ĂȘtre songer Ă amĂ©nager les choses de maniĂšre Ă
leur permettre de migrer, sâils le souhaitent, vers le statut dâentreprenant. Il vaut mieux leur
offrir cette opportunité plutÎt que de les laisser supporter des charges qui pourraient
entrainer une cessation dâactivitĂ©.
219. De tout ce qui prĂ©cĂšde, on peut constater quâaucun dĂ©lai nâest imposĂ© pour
lâaccomplissement de la dĂ©claration dâactivitĂ©. Rien nâoblige un entrepreneur Ă adopter le
statut dâentreprenant. Justine DIFFO TCHUNKAM le relevait en affirmant que « le statut
dâentreprenant rĂ©sulte dâun choix du requĂ©rant, et ne saurait ĂȘtre imposĂ© »203. Endosser ce
nouveau statut reste une option. Ceux qui souhaitent lâacquĂ©rir effectueront leur dĂ©claration
dâactivitĂ© au moment oĂč ils le voudront, Ă lâaide dâune demande dĂ»ment complĂ©tĂ©e.
C. La composition de la demande
220. A lâarticle 63 de lâAUDCG, le lĂ©gislateur emploie le mot demandeur pour
dĂ©signer celui qui dĂ©clare son activitĂ©. Cela montre que la dĂ©claration dâactivitĂ© est
202 Lâesp a e du l gislateu âest de voir ceux qui optent pour le nouveau statut Ă©voluer e s dâaut es
statuts parce que leurs activitĂ©s auraient telle e t p is de lâi po ta e uâils e pou aie t plus conserver
le statut dâe t ep e a t. 203 J. DIFFO TCHUNKAM, « Du d oit o e ial g al au d oit o o i ue. Lâesp it de la fo e de lâa te
OHADA relatif au droit commercial gĂ©nĂ©ral opĂ©rĂ©e le 15 dĂ©cembre 2010 », in Re ueil dâ tudes su lâOHADA
et les normes juridiques africaines, vol. VI, col. Horizons Juridiques Africaines, Centre de Droit Economique,
PUAM, p. 176, n° 17.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 116
vĂ©ritablement une demande. En effet, celui qui lâaccomplit sollicite de lâAdministration
compĂ©tente quâelle lui accorde le statut dâentreprenant. Il introduit sa requĂȘte Ă lâaide dâun
formulaire (1) auquel il joint des piĂšces justificatives (2).
1. Le formulaire de dĂ©claration dâactivitĂ©
221. Il est dit Ă lâarticle 62 de lâAUDCG que le dĂ©clarant doit remplir un formulaire
mis Ă sa disposition par lâAdministration compĂ©tente. Ce formulaire recense un certain
nombre dâinformations relatives aussi bien Ă la personne mĂȘme de lâentrepreneur quâĂ son
activité.
222. Les informations sur le demandeur. En ce qui le concerne personnellement, le
demandeur doit fournir des informations sur son identité et, le cas échéant, son régime
matrimonial. On peut remarquer quâau sujet de lâidentitĂ© du demandeur, lâarticle 62 ne
mentionne que ses noms et prénoms comme si ce sont les seules informations que le
dĂ©clarant doit communiquer. Pourtant, quand on lit lâarticle 44 qui prĂ©sente les informations
contenues dans le formulaire dâinscription au RCCM, on se rend compte quâil existe
plusieurs autres champs Ă renseigner, entre autres : le domicile personnel du demandeur, ses
date et lieu de naissance, sa nationalité. Toutes ces informations sont nécessaires pour une
bonne identification du demandeur et, par consĂ©quent, ne peuvent pas ĂȘtre facultatives. A
lâarticle 62, le lĂ©gislateur donne lâimpression que tout a Ă©tĂ© simplifiĂ© pour lâentreprenant en
nâĂ©numĂ©rant que ses noms et prĂ©noms. A priori, cela laisse croire que ce sont les seules
informations que lâentreprenant doit fournir. Pourtant comme le commerçant, il existe
dâautres informations quâil doit impĂ©rativement communiquer204.
223. Les informations sur lâactivitĂ©. Le dĂ©clarant est tenu de dĂ©crire son et dâindiquer
lâadresse de son lieu dâexercice. La description requise a sans doute pour but de dĂ©terminer
la nature de lâactivitĂ© exercĂ©e. Cela est nĂ©cessaire pour apprĂ©cier lâĂ©ligibilitĂ© du dĂ©clarant205
mais aussi pour connaĂźtre le plafond du chiffre dâaffaire que celui-ci ne doit pas excĂ©der. En
France, la description de lâactivitĂ© est indispensable pour plusieurs raisons. Elle permet,
204 Voir, plus bas, les d eloppe e ts su la o pa aiso e t e la d la atio dâa ti it et lâi at i ulatio
au RCCM.
205 Voir les développements précédents sur les interdictions et les condamnations.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 117
entre autres, de déterminer à quelle catégorie professionnelle appartient le micro
entrepreneur (commerçant, artisan ou professionnel libéral), à quelles obligations fiscales et
sociales on doit le soumettre, le cas échéant à quel registre il doit se faire immatriculer (RCS
ou RM), Ă quel organisme de sĂ©curitĂ© sociale il doit ĂȘtre affiliĂ© (SSI, CIPAV, etc.).
224. En ce qui concerne le lieu dâexercice de lâactivitĂ©, il nâest pas exclu quâon demande
au déclarant de joindre à sa demande un plan qui permet de le localiser. Dans beaucoup de
pays membres de lâOrganisation, ce plan de localisation peut sâavĂ©rer indispensable pour
retrouver lâĂ©tablissement oĂč lâactivitĂ© est menĂ©e. En effet, dans ces pays, lâindication dâune
adresse postale seule ne permet pas toujours de retrouver un lieu. Les adresses postales ne
correspondent pas toujours au lieu physique oĂč se trouve lâĂ©tablissement. Câest par exemple
le cas au Cameroun oĂč les boĂźtes Ă lettres sont situĂ©es au bureau de poste. Les adresses
postales ne peuvent donc permettre de localiser un lieu précis. Pour se faire localiser, il est
indispensable de fournir un plan assez détaillé avec des points de repÚres précis. Outre le
plan de localisation, lâentrepreneur peut ĂȘtre amenĂ© Ă fournir des informations
supplĂ©mentaires qui ne sont pas mentionnĂ©es aux articles 44 et 39 de lâAUDCG206. Comme
on peut sâen douter, le demandeur devra fournir des documents qui qui prouvent lâexactitude
des informations quâil communique. En un mot, il devra fournir des justificatifs.
2. Les justificatifs
225. Pour ĂȘtre recevable, le formulaire de dĂ©claration dâactivitĂ© doit impĂ©rativement
ĂȘtre accompagnĂ© des piĂšces justificatives indiquĂ©es aux articles 62 et 63 de lâAUDCG. Ces
documents ont pour but de prouver que les informations fournies dans le formulaire sont
exactes. Ils auront trait aussi bien Ă lâindividu quâĂ lâactivitĂ©.
226. Les documents relatifs au dĂ©clarant lui-mĂȘme. En ce qui le concerne
personnellement, le déclarant devra fournir un extrait de son acte de naissance ou tout
document administratif justifiant son identité, un certificat de résidence, le cas échéant un
extrait de son acte de mariage et le justificatif de régime matrimonial, une déclaration sur
206 Câest le as au B i oĂč le fo ulai e de d la atio dâa ti it a Ă©tĂ© adaptĂ©. On y trouve des
e seig e e ts elatifs au o e dâe fa ts Ă ha ge, Ă lâa ti it p i ipale, au u o dâi at i ulation
fiscale.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 118
lâhonneur dans laquelle il atteste nâĂȘtre frappĂ© dâaucune des interdictions prĂ©vues par la loi
communautaire. Cette derniĂšre piĂšce devra ĂȘtre complĂ©tĂ©e, soixante-quinze jours aprĂšs la
dĂ©claration, dâun extrait de casier judiciaire.
227. Les documents relatifs Ă lâactivitĂ©. Comme justificatif se rapportant Ă lâactivitĂ©,
lâarticle 63 de lâAUDCG fait uniquement mention, lorsque cela est nĂ©cessaire, dâune
autorisation dâexercice. Il nâest cependant pas exclu que dâautres piĂšces justificatives soient
demandĂ©es au dĂ©clarant. En effet, si sa situation le nĂ©cessite, ce dernier pourrait ĂȘtre tenu de
fournir les mĂȘmes piĂšces que lâarticle 45 de lâAUDCG prĂ©voit pour lâimmatriculation des
commerçants207. On pourrait, par exemple, lui demander de produire un titre de propriété,
un contrat de location ou tout autre titre dâoccupation de lâĂ©tablissement. Dâautres
documents prĂ©vus par des textes particuliers pourraient Ă©galement ĂȘtre exigĂ©s. Ce nâest
quâune fois que toutes ces piĂšces sont rĂ©unies, que le dĂ©clarant pourra soumettre, sans
frais208, sa demande Ă lâAdministration compĂ©tente qui se chargera de la traiter.
Paragraphe 2. Le traitement de la demande
228. Dans cette deuxiĂšme phase de la procĂ©dure de dĂ©claration dâactivitĂ©, nous nous
intĂ©resserons Ă lâAdministration chargĂ©e de traiter la demande (A), aux Ă©tapes du traitement
(B) et aux issues envisageables Ă la fin de celui-ci (C).
A. LâAdministration chargĂ©e du traitement de la demande
229. Il est dit Ă lâarticle 34 de lâAUDCG que le RCCM est instituĂ© aux fins de permettre
aux entreprenants de faire leur dĂ©claration dâactivitĂ©. Lâarticle 35, plus bas, dispose que le
RCCM a pour objet de recevoir la dĂ©claration dâactivitĂ© de lâentreprenant. Les entrepreneurs
qui optent pour le statut de lâentreprenant doivent donc forcĂ©ment se faire enregistrer au
207 Voi , plus as, les d eloppe e ts su la o pa aiso de lâi atriculation au RCCM et de la dĂ©claration dâa ti it . 208 A t. , al. et de lâAUDCG. Toute fo alit ultĂ©rieure en rapport avec la d la atio dâa ti it sera
Ă©galement gratuite (modifications, radiation . Les l gislateu s atio au lâo t ie i t g da s les lois
nationales. Par exemple, au Cameroun, le décret relatif aux formalités de création des entreprises précise
ue la p o du e dâi s iptio de lâe t ep e a t au RCCM, la d la atio dâa ti it est g atuite.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 119
RCCM209 tenu par le greffe de la juridiction compĂ©tente ou lâorgane Ă qui lâEtat partie aurait
dĂ©cidĂ© dâattribuer cette fonction (1). Ils pourraient Ă©galement, le cas Ă©chĂ©ant, le faire dans
des centres de formalités des entreprises généralement appelés guichets uniques (2).
1. Le greffe de la juridiction compĂ©tente ou lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie
230. Pour dĂ©signer lâAdministration habilitĂ©e Ă recevoir et traiter les dĂ©clarations
dâactivitĂ©, lâarticle 36 de lâAUDCG fait allusion au greffe de la juridiction compĂ©tente ou Ă
lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie. Câest donc dire quâen fonction de lâEtat oĂč lâon se
trouve, lâinterlocuteur des postulants au statut dâentreprenant peut ĂȘtre le greffe de la
juridiction compĂ©tente ou un autre organe Ă qui lâEtat aurait attribuĂ© cette compĂ©tence.
1.1. Le greffe de la juridiction compétente
231. En principe, chaque juridiction est dotĂ©e dâun greffe. La question que lâon peut se
poser est de savoir à quelle juridiction appartient le greffe chargé de recevoir et de traiter les
dĂ©clarations dâactivitĂ© des entreprenants. Le lĂ©gislateur communautaire sâest, en effet,
contenté de faire allusion au greffe « de la juridiction compétente » sans donner plus de
précision. Pour déterminer le greffe auprÚs duquel un entrepreneur doit déclarer son activité,
il faut au préalable identifier la juridiction compétente. Pour y arriver, on tiendra compte de
la compétence territoriale et de la compétence matérielle.
232. La compétence matérielle de la juridiction. En ce qui concerne la compétence
matĂ©rielle, lâabsence de prĂ©cision de la part du lĂ©gislateur communautaire laisse penser quâil
appartient à chaque Etat de déterminer la juridiction dont le greffe est chargé de tenir le
RCCM. DâentrĂ©e de jeu, on est tentĂ© de penser que câest Ă la juridiction statuant en matiĂšre
commerciale que cette compĂ©tence est dĂ©volue. En effet, puisquâelle a vocation Ă
sâintĂ©resser aux questions relatives au commerce en gĂ©nĂ©ral et aux activitĂ©s Ă©conomiques
209Dans le cas du micro-entrepreneur français, la d la atio dâa ti it se fait auprĂšs du Centre des FormalitĂ©
des E t ep ises. Lâe egist e e t au RCS ou au RM est une formalitĂ© diffĂ©rente et elle âest o ligatoi e ue
depuis décembre 2014.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 120
en particulier, son greffe semble ĂȘtre le mieux placĂ© pour gĂ©rer le RCCM210. Cependant, les
choses ne sont aussi évidentes car, tous les Etats membres ne sont pas dotés de tribunaux de
commerce ni de juridictions exclusivement spécialisées pour des questions relatives au
monde des affaires. La plupart du temps, la compétence des juridictions est assez générale
et il nâest pas toujours facile, notamment pour des profanes, de savoir Ă laquelle sâadresser
pour des questions précises.
Au Cameroun211 par exemple, les tribunaux de premiĂšre instance (TPI) et des
tribunaux de grande instance (TGI), sont compĂ©tents pour connaĂźtre des questions dâordres
civil, commercial et social212. Puisque ces deux juridictions sont compétentes en matiÚre
commerciale, la question que lâon peut se poser est de savoir laquelle des deux est la
« juridiction compétente », autrement dit celle dont le greffe tient et gÚre le RCCM. La
réponse à cette question permettra de déterminer la juridiction vers laquelle les postulant au
statut dâentreprenant doivent ĂȘtre orientĂ©s. La loi de 2006 portant organisation judiciaire au
Cameroun nâattribue pas expressĂ©ment la tenue du RCCM Ă lâune de ces deux juridictions.
Cependant, tout porte Ă croire que câest au TPI quâil revient dâassurer cette tĂąche car lâarticle
66 alinĂ©a 5 de lâAUDCG dispose que les dĂ©cisions du greffe chargĂ© de recevoir et de traiter
les dĂ©clarations dâactivitĂ© sont susceptibles de recours devant la juridiction compĂ©tente
« statuant Ă bref dĂ©lai ». Or, dâaprĂšs les dispositions de lâarticle 15 (2) de la loi de 2006
portant organisation judiciaire au Cameroun, câest le PrĂ©sident du TPI qui est compĂ©tent
pour statuer sur les procĂ©dures en rĂ©fĂ©rĂ© dites Ă bref dĂ©lai. On peut donc prĂ©sumer quâau
Cameroun, câest le TPI qui est la « juridiction compĂ©tente » au sens de lâarticle 36 de
210 LâAUDCG p ise ue le RCCM est, certes, tenu par le greffe mais sous la surveillance du PrĂ©sident de la
ju idi tio o p te te. Di e ue âest la ju idi tio o p te te e ati e o e iale ui est apte Ă
o ait e des uestio s elati es au o e e, e ie t Ă di e ue âest so greffe qui semble le plus
compĂ©tent pour gĂ©re le RCCM. Da s e se s, oi lâa ti le de Me B. BENAU « Le contentieux de
lâi at i ulatio des personnes au Registre du Commerce et du crĂ©dit mobilier (4Ăšme partie) » sur
www.lavoixdujuriste.com , article publié le 17 juillet 2015.
211 O peut e o e ite dâaut es e e ples o e elui de la R pu li ue D o ati ue du Co go oĂč le
RCCM est tenu par le greffe du Tribunal de commerce ou à défaut de celui-ci, par le greffe du TGI (voir note
i ulai e ° du ja ie de la Mi ist e de la Justi e su lâi at i ulatio au RCCM). Au SĂ©nĂ©gal,
le RCCM peut ĂȘtre tenu par les greffes des Tribunaux de commerce ou des TGI. Aux Comores, il est tenu par
le greffe du TPI (art. 3 du Décret n°67-237 du 23 mars 1967 relatif au Registre de commerce). En République
Centrafricaine (RCA), le RCCM est tenu par le greffe du Tribunal de commerce.
212 Art. 15 et 18 de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au Cameroun.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 121
lâAUDCG. Câest donc son greffe qui tient et gĂšre le RCCM et câest auprĂšs de lui que la
dĂ©claration dâactivitĂ© doit se faire.
En fonction de lâEtat membre oĂč il souhaite exercer son activitĂ©, chaque entrepreneur
devra se référer aux textes nationaux pour déterminer la juridiction vers laquelle il devra se
rendre. Celle-ci doit ĂȘtre compĂ©tente aussi bien sur le plan matĂ©riel que sur le plan territorial.
233. La compĂ©tence territoriale de la juridiction. Lâentrepreneur doit dĂ©clarer son
activité auprÚs de la juridiction territorialement compétente. Celle-ci dépend du lieu
dâexercice mais cependant, il nâen est pas toujours proche. Comme le relevait Sylvain
KUATE, le ressort territorial des juridictions est parfois si vaste que des villes lui
appartenant sont parfois éloignées de la juridiction proprement dite. Le professeur faisait
remarquer que dans certains Etats il nâexiste quâun seul registre local installĂ© au greffe du
tribunal de la capitale213. AccĂ©der au RCCM peut donc parfois ĂȘtre difficile Ă cause de
lâĂ©loignement. Au lieu dâaller trĂšs loin de leur lieu dâactivitĂ© se faire enregistrer, certains
entrepreneurs préfÚreront exercer leur activité clandestinement.
234. Face à une telle situation, on ne peut que saluer la volonté du législateur
dâinformatiser le RCCM. Cela permettra aux entrepreneurs qui se trouvent dans des endroits
enclavĂ©s ou Ă©loignĂ©s dâaccomplir leurs formalitĂ©s dâenregistrement Ă distance. Toutefois,
pour que cela soit possible, il faudrait que le réseau informatique soit accessible dans ces
endroits éloignés ou enclavés. Il faudrait également que les greffes soient dotés des moyens
technologiques nécessaires pour recevoir les demandes et piÚces justificatives par voie
électronique. On craint que ce problÚme ne soit pas résolu avant longtemps car la réalisation
dâun tel projet nĂ©cessitera des dĂ©penses importantes. ParallĂšlement Ă lâinformatisation du
RCCM, les Etats peuvent envisager dâautres solutions. Dans les villes les plus Ă©loignĂ©es ou
enclavées, ils pourraient confier la gestion du RCCM aux Administrations présentes214.
213 Voir les commentaires du professeur Santos AKUETE PEDRO dans lâAUDCG du d e e ,
édition de OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2012, p. 281.
214 Par exemple aux communes. Cependant, le problĂšme qui risque de se poser est celui de la centralisation
des données. Les greffes doivent avoir accÚs aux informations de ces communes et organes relatives aux
inscriptions au RCCM et celles-ci devraient remonter au fichie atio al de a i e guli e. Lo s uâo
o sulte le po tail du RCCM de lâOHADA, o o state ue les i fo atio s elati es au i s iptio s
effe tu es da s plusieu s pa s âo t pas t t a s ises pa es derniers et que pour un bon nombre, les
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 122
Cette solution ne devrait pas surprendre quand on sait que lâAUDCG donne dĂ©jĂ aux Etats
la possibilitĂ© dâattribuer cette compĂ©tence Ă des organes autres que les greffes.
1.2. Lâorgane compĂ©tent dans lâĂtat partie
235. Comme pour le cas de la juridiction compétente, le législateur communautaire est
restĂ© trĂšs Ă©vasif en ce qui concerne « lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie ». Il ne donne
aucune information permettant dâidentifier cette autre structure susceptible de recevoir et de
traiter les dĂ©clarations dâactivitĂ© des entreprenants. De cette maniĂšre, le lĂ©gislateur
communautaire donne Ă chaque pays la possibilitĂ© dâattribuer cette compĂ©tence Ă
lâAdministration de son choix. Ainsi, un Ătat peut dĂ©cider de confier lâexclusivitĂ© de la
gestion du RCCM à un organe unique, différent du greffe. Il peut également, en fonction
des réalités qui sont les siennes, choisir de partager cette compétence entre le greffe et une
autre Administration comme câest le cas depuis lâouverture, dans certains Ătats membres,
des guichets uniques encore appelés centres de formalités des entreprises.
2. Les centres de formalités des entreprises
236. Les centres de formalités des entreprises généralement appelés guichets uniques sont
des lieux oĂč les entrepreneurs peuvent accomplir toutes les dĂ©marches administratives liĂ©es
Ă la crĂ©ation de leurs entreprises, aux modifications quâelles peuvent subir en cours de vie
et Ă leur fermeture. Comme leur nom lâindique clairement, ce sont des lieux oĂč sâeffectuent
les formalitĂ©s des entreprises. Lâouverture de tels guichets offre aux entrepreneurs de
nombreux avantages. Les entrepreneurs ne sont plus obligés de faire le tour des différentes
Administrations qui interviennent dans la vie des entreprises afin dâaccomplir les formalitĂ©s
que la loi leur impose. Les dĂ©marches ne sâeffectuent plus de maniĂšre isolĂ©e auprĂšs de
chaque Administration mais plutĂŽt simultanĂ©ment devant lâunique interlocuteur quâest le
Centre. GrĂące au dossier unique dossier quâils soumettent Ă ce dernier, les entrepreneurs
gagnent non seulement en temps mais aussi en argent.
237. En plus de faciliter les démarches administratives, les centres de formalités des
entreprises sont Ă©galement des lieux dâinformation. Les entrepreneurs peuvent sây rendre
informations transmises ne sont pas à jour. Ces manquements traduisent la difficulté que le nombreux Etats
ont à recenser les inscriptions effectuées sur leur territoire.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 123
directement pour avoir une idĂ©e prĂ©cise des formalitĂ©s quâils doivent effectuer et du coĂ»t
global que cela va leur exiger.
238. Les Etats membres de lâOHADA ont bien compris que lâouverture des guichets
uniques est indispensable pour rendre leur environnement des affaires plus attractif. Depuis
quelques annĂ©es, ils sâefforcent dâen crĂ©er sur leurs territoires. En guise dâexemples, on peut
citer : le Centre de Formalités des Entreprises (CEFORE) au Burkina Faso ; le Guichet
Unique de Formalisation des Entreprises (GUFE) au Bénin ; Le Centre de Formalités de
Création des Entreprises (CFCE) au Cameroun ; le Guichet Unique de Formalités des
Entreprises (GUFE) en Centrafrique ; le Centre de DĂ©veloppement de lâEntreprise au Gabon
(CDE) ; le Centre des Formalités des Entreprises (CFE) au Niger, au Tchad et au Togo; le
Centre pour la Formalisation des Entreprises (CFE) en Guinée Bissau ; le Guichet des
formalitĂ©s dâentreprise en CĂŽte dâivoire ; le Guichet Unique pour la crĂ©ation dâentreprise au
Mali ; le Centre des Formalités administratives des Entreprises (CFE) au Congo.
239. Les missions assignĂ©es Ă ces centres et leur fonctionnement peuvent varier dâun Etat
membre à un autre. Au Cameroun, on remarquera que la compétence des guichets uniques
se limite à la création des entreprises. Le nom qui leur est attribué le démontre trÚs bien :
Centre de Formalités de Création des Entreprises. A priori, on ne peut pas y accomplir les
formalités relatives aux modifications que subissent les entreprises ni celles qui concernent
leur fermeture. Pour ces questions, il semblerait que les entrepreneurs doivent directement
sâadresser aux Administrations concernĂ©es. Par exemple, un entreprenant qui aurait effectuĂ©
les formalités de création de son entreprise dans un CFCE devra se rendre au greffe de la
juridiction compétente pour toute modification ou pour la cessation de son activité. Si cela
est nĂ©cessaire, il devra Ă©galement contacter dâautres Administrations (impĂŽts, prĂ©voyance
sociale, archives, etc.) 215. Cette situation est bien curieuse et pousse Ă se demander pourquoi
le législateur camerounais a choisi de limiter la compétence du CFCE. Il aurait été plus
simple et plus cohérent de lui confier les formalités relatives aux changements que les
entreprises peuvent subir en cours de vie et celles qui ont trait Ă leur fermeture. En un mot,
il aurait été plus convenable de créer un véritable centre de formalités des entreprises auprÚs
duquel les entrepreneurs auraient pu effectuer toutes les dĂ©marches qui se rapportent Ă
215 Le Trésor public, les ImpÎts, le Greffe, la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, les Archives. A ce sujet,
voir la circulaire interministérielle n° 001/MINJUSTICE/ MINPMEESA/MINFI du 30 mai 2012 relative à la
procédure devant les Centres de Formalités de Création des entreprises (CFCE).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 124
lâentreprise. Lâinitiative de lâEtat camerounais qui voulait « instaurer un environnement des
affaires simplifié »216 en créant ce guichet unique est louable. Néanmoins, le processus de
simplification aurait été plus satisfaisant si les entrepreneurs pouvaient effectuer toutes les
autres formalitĂ©s au sein du mĂȘme guichet unique217.
240. Le BĂ©nin, a choisi de confier Ă son guichet unique une compĂ©tence Ă©largie. Lâarticle
4 du décret n° 2014-194 du 13 mars 2014 attribue au GUFE une compétence en ce qui
concerne « les formalitĂ©s de crĂ©ation dâentreprises, dâexercice, de modification, de
cessation dâactivitĂ© ou de dissolution »218. Ce choix ne prĂ©sente pas des avantages pour les
entrepreneurs seuls. LâEtat peut Ă©galement y trouver son intĂ©rĂȘt. Confier la gestion de toutes
les formalités des entreprises à un organisme unique facilite la collecte réguliÚre des
statistiques relatives aux entreprises (crĂ©ations dâentreprises, modifications, cessations
dâactivitĂ©, etc.). Ainsi il peut, en temps rĂ©el, avoir connaissance de lâĂ©volution des
entreprises qui sont situées sur son territoire et se faire une idée plus réaliste de son climat
Ă©conomique.
241. Quelle que soit la compétence des guichets uniques dans les Etats membres de
lâOHADA, la simple ouverture de tels centres est Ă saluer. Leur existence traduit la volontĂ©
des Etats de simplifier les dĂ©marches administratives et de faciliter lâentrepreneuriat. Tout
ce quâon peut souhaiter, câest que ces centres soient crĂ©Ă©s un peu partout sur chaque territoire
afin dâĂȘtre accessibles par tous les entrepreneurs. Jusquâici, on nâen retrouve que dans les
grandes villes219. Beaucoup dâentrepreneurs ne peuvent pas encore bĂ©nĂ©ficier de leurs
services, pourtant ils sont soumis aux mĂȘmes formalitĂ©s que les autres et le traitement de
leurs demandes suit exactement les mĂȘmes Ă©tapes.
216 Voir la circulaire citée ci-dessus.
217 En effet, qui se ait plus apte Ă e egist e et g e les odifi atio s su ies pa les e t ep ises si e âest
la st u tu e ui sâest ha g e de sa atio ?
218 Décret n° 2014-194 du 13 mars 2014 portant modification du Décret n°2009-542 du 20 octobre 2009
portant création, attributions, organisation et fonctionnement du Guichet Unique de Formalisation des
Entreprise.
219 Dans le cas du Cameroun, des CFCE sont opérationnels dans les villes de Bafoussam, Bamenda, Douala,
Ga oua, Yaou d et lâEtat a e ou ais e te d g alise lâou e tu e de es Gui hets u i ues su tout le
territoire.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 125
B. Les Ă©tapes du traitement
242. LâAUDCG donne au dĂ©clarant le choix de soumettre sa demande sur place, câest Ă
dire dans les locaux de lâAdministration compĂ©tente, ou par voie Ă©lectronique dĂšs lors
quâelle peut ĂȘtre transmise et reçue par cette derniĂšre voie par lâAdministration
destinataire220. JusquâĂ prĂ©sent câest la transmission sur support papier qui reste le principal
mode de soumission des demandes221.
243. Quelle que soit la voie empruntée, trois temps forts vont marquer cette deuxiÚme
phase de la procĂ©dure : lâattribution immĂ©diate dâun numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© au
dĂ©clarant (1), le contrĂŽle de sa demande par lâAdministration compĂ©tente (2) et lâissue de
ce contrĂŽle quâon peut considĂ©rer comme la rĂ©ponse dĂ©finitive donnĂ©e Ă la demande de statut
(3).
1. Lâattribution immĂ©diate dâun numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© Ă
lâentrepreneur
244. Lorsquâil reçoit la demande soumise par le dĂ©clarant, le greffier ou le responsable de
lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie effectue une vĂ©rification succincte pour sâassurer que
le formulaire a été bien rempli et que toutes les piÚces justificatives ont été jointes.
245. Lâentrepreneur dont le dossier est complet nâaura pas besoin dâattendre longtemps
avant de jouir du statut de lâentreprenant. LâAdministration qui rĂ©ceptionne sa demande lui
attribue immédiatement un numéro de déclaration avec lequel il peut commencer son
activitĂ©. Cela signifie quâun numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© est attribuĂ© au dĂ©clarant au
moment oĂč il dĂ©pose son dossier. GrĂące Ă ce numĂ©ro, lâentrepreneur peut se prĂ©valoir du
titre dâentreprenant et donc bĂ©nĂ©ficier des avantages qui lâaccompagnent. Il peut se prĂ©senter
220 A t. de lâAUDCG. 221 Il faut toutefois prĂ©ciser que des Etats membres mettent tout e Ću e pou i fo atise leu RCCM. Un
logi iel dâe ploitatio des RCCM lo au et atio aux a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© grĂące au financement de la Banque
o diale et est p t Ă t e d plo depuis ai . A e jou , plusieu s pa s Ă lâi sta du Mali, du Togo, de
la Cote dâi oi e, du Bu ki a Faso, du Co go, de la RCA et de la GuinĂ©e Bissau se sont dotĂ©s du matĂ©riel
nécessaire leur permettant de le déployer.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 126
en tant que tel auprÚs des Administrations et des tiers en mentionnant son numéro de
déclaration sur tous ses documents222.
246. Le législateur a ainsi voulu raccourcir les délais de procédure et permettre aux
entrepreneurs de débuter leurs activités le plus rapidement possible. Le temps pour acquérir
le statut dâentreprenant dĂ©pend donc en majeure partie de lâentrepreneur lui-mĂȘme. Plus vite
il constitue son dossier de dĂ©claration dâactivitĂ©, plus vite il pourra le dĂ©poser et acquĂ©rir le
numĂ©ro qui lui permettra dâexercer officiellement comme entreprenant. De ce point de vue,
on peut considĂ©rer que le dĂ©lai dâaccomplissement de la formalitĂ© correspond au temps que
lâentrepreneur mettra Ă constituer un dossier conforme aux exigences de la loi223.
247. En France, le processus est similaire. Le déclarant reçoit automatiquement un
numĂ©ro dâenregistrement au moment oĂč il soumet sa dĂ©claration dâactivitĂ©. Avec ce numĂ©ro,
il est juridiquement considéré comme un auto-entrepreneur. Il peut, dÚs lors, commencer ou
poursuivre224 son activité en toute légalité. Il importe cependant de faire remarquer que la
jouissance de ce numĂ©ro attribuĂ© instantanĂ©ment peut ĂȘtre provisoire car le dossier soumis
Ă lâAdministration fera obligatoirement lâobjet dâun examen ou contrĂŽle.
2. Lâexamen ou le contrĂŽle de la demande
248. Objet du contrĂŽle. AprĂšs lâexamen succinct qui permet Ă lâAdministration de
réceptionner la demande du déclarant, vient un second examen plus approfondi. Ce
deuxiĂšme contrĂŽle vise Ă sâassurer que le dossier remis par le dĂ©clarant est effectivement
complet et que les informations communiquées sur le formulaire sont conformes aux piÚces
justificatives produites225. Câest un contrĂŽle purement formel car lâAdministration se
contente de vérifier la concordance des renseignements fournis dans le formulaire avec ceux
qui figurent dans les documents donnés en appui de la demande.
222 Art. 62 al. de lâAUDCG. 223 Da s la p ati ue, les hoses e se passe t pas fo e t ai si. Ceu ui sâi s i e t au RCCM âo tie e t
pas toujours un numéro immédiatement aprÚs le dépÎt de leur demande.
224 La loi française permet aux auto-entrepreneurs de commencer leurs activitĂ©s avant dâeffe tue leu
déclaration. 225 Art. 66 al. 1.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 127
249. La superficialité de cet examen est étonnante et critiquable. Un contrÎle au fond et
des vérifications, à la source, des informations communiquées auraient été plus indiqués.
En effet, le plus difficile nâest pas de fournir des piĂšces reprenant exactement les
informations Ă©mises sur le formulaire. Au lieu de se borner Ă examiner les concordances
entre les Ă©nonciations faites sur le formulaire et celles qui figurent sur les documents joints
au dossier, le greffier devrait en plus sâassurer que les piĂšces fournies sont authentiques et
que les informations qui y figurent sont vraies. Cela contribuerait à crédibiliser le statut de
lâentreprenant et Ă renforcer la sĂ©curitĂ© dans le monde des affaires.
250. La loi communautaire précise que si le greffier constate, au cours de sa vérification,
des inexactitudes ou sâil rencontre des difficultĂ©s dans lâaccomplissement de sa mission, il
peut convoquer le déclarant pour obtenir des explications et des piÚces complémentaires. En
cas dâinsatisfaction persistante, il pourra procĂ©der au retrait et Ă la radiation de la dĂ©claration
dâactivitĂ©226.
251. Le caractĂšre purement formel du contrĂŽle quâeffectue le greffier ou le responsable
de lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie, pousse Ă sâinterroger sur la fiabilitĂ© des
informations dĂ©tenues dans le RCCM. En effet, pour faciliter lâacquisition dâun statut lĂ©gal,
le législateur a simplifié les formalités à remplir et la composition du dossier de demande.
Lâentrepreneur qui sollicite le statut dâentreprenant nâest plus tenu de fournir des copies
lĂ©galisĂ©es des piĂšces justificatives quâil joint Ă sa demande. De simples photocopies sont
suffisantes. Dans le passĂ©, il fallait dĂ©poser des copies certifiĂ©es conformes Ă lâoriginal. Les
copies des justificatifs qui Ă©taient produites lors dâune demande de statut lĂ©gal ou lors de la
crĂ©ation dâune entreprise individuelle devaient au prĂ©alable ĂȘtre vĂ©rifiĂ©es par une autoritĂ©
habilitée à le faire. Le cachet de cette autorité attestait que les informations contenues dans
lesdits documents étaient vraies et, on pouvait en déduire que les renseignements fournis
par le demandeur étaient également vrais. Les législateurs, communautaires et nationaux,
ont entrepris de supprimer un certain nombre de formalismes qui rendent les procédures
longues et coûteuses et, par conséquent, peuvent dissuader les entrepreneurs de se
formaliser. Néanmoins, il faut admettre que la légalisation a toute son utilité dans le
processus de sĂ©curisation des affaires. Elle permet au moins que lâauthenticitĂ© des
226 A t. al. et al. de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 128
documents produits par les entrepreneurs soit vĂ©rifiĂ©e. MĂȘme si elle nâĂ©carte pas totalement
les risques de fraude, elle contribue quand mĂȘme Ă les rĂ©duire.
252. Le contrĂŽle du greffier ou du responsable de lâorgane compĂ©tent est un simple
examen de concordance par lequel il vérifie la conformité des énonciations de la demande
aux piĂšces justificatives produites par lâentreprenant. Il ne porte pas sur lâauthenticitĂ© des
actes joints au dossier, mais vise Ă sâassurer que lâentrepreneur a bien retranscrit sur sa
demande les informations qui figurent sur les documents quâil a produits. Lâarticle 66 alinĂ©a
2 dit clairement que ce contrÎle porte purement et simplement sur « la régularité formelle »
de la dĂ©claration de lâentreprenant. Pour des questions de sĂ©curitĂ©, il y a lieu de se demander
sâil nâĂ©tait pas judicieux de prĂ©voir un examen au fond des piĂšces. En effet, si malgrĂ©
lâexistence dâun contrĂŽle au fond des cas de fraude ou de faux peuvent avoir lieu, on se
demande ce quâil en sera de la sĂ©curitĂ© dans le monde des affaires quand ce contrĂŽle se
limitera simplement Ă la forme. Lâabsence dâun contrĂŽle au fond Ă©quivaut Ă une absence
totale de vĂ©rification. Elle favorise un climat de mĂ©fiance car rien ne garantit lâauthenticitĂ©
des piĂšces justificatives produites par les dĂ©clarants et la vĂ©racitĂ© des informations quâils
fournissent. Savoir que les informations communiquĂ©es par lâentreprenant nâont fait lâobjet
dâaucune vĂ©rification peut crĂ©er une certaine rĂ©ticence des potentiels partenaires dâaffaires
Ă son Ă©gard. En revanche, lâexistence dâun contrĂŽle au fond les rassurerait. Le fait de savoir
que la lĂ©gislation dâun pays prĂ©voit un tel dispositif peut avoir un effet sĂ©curisant et attractif.
Cela peut contribuer Ă renforcer la confiance des bailleurs de fonds qui seraient alors plus
enclins Ă contracter avec des petits entrepreneurs comme lâentreprenant, Ă leur octroyer des
crédits.
253. Certaines personnes estimeront que lâadmission de simples copies des piĂšces
justificatives est une pratique qui a cours dans dâautres systĂšmes juridiques et plus
prĂ©cisĂ©ment en France oĂč le statut de lâauto-entrepreneur a vu le jour. Mais il nâest pas
question de transposer, point pour point, le modÚle français dans le contexte des pays
membres de lâOHADA car les rĂ©alitĂ©s ne sont pas les mĂȘmes. Il faudrait tenir compte des
moyens et de la configuration de chaque systĂšme227. Il est vrai que lâadmission de simples
photocopies à la place de copies certifiées ou légalisées simplifie les formalités
administratives et allĂšge les coĂ»ts des procĂ©dures ; il est vrai quâavec la transmission des
227 Dans beaucoup de pays africains les Administratio s e so t pas e seau et ela e fa ilite pas lâ ha ge
dâi fo atio s et la Ă©rification de celles- i. Le is ue dâ ett e de fau do u e ts est le .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 129
documents par voie Ă©lectronique, les choses seront davantage plus simples car les
entrepreneurs nâauront plus forcĂ©ment besoin de se prĂ©senter Ă lâAdministration avec les
originaux des piÚces demandées. Cependant, toutes ces mesures de simplification des
procĂ©dures ne doivent pas ĂȘtre prises au dĂ©triment de la sĂ©curitĂ© des affaires.
254. DĂ©lai du contrĂŽle. DâaprĂšs les articles 50 et 66 de lâAUDCG, le contrĂŽle dâune
demande est censĂ© sâeffectuer dans un dĂ©lai de trois mois Ă compter de sa rĂ©ception.
LâAUDCG nâa pas prĂ©vu le cas oĂč ce dĂ©lai ne serait pas respectĂ©. On ne peut dire avec
exactitude ce quâil adviendrait si le greffier effectue son contrĂŽle aprĂšs les trois mois prĂ©vus
par la loi. Le législateur communautaire devrait envisager cette éventualité et y apporter des
solutions précises car non seulement les Administrations des pays membres sont réputées
pour leurs lenteurs228 mais, ce nâest quâĂ lâissue du contrĂŽle formel du dossier que
lâentrepreneur pourra dĂ©finitivement ĂȘtre fixĂ© sur son sort.
3. Lâissue du contrĂŽle ou la rĂ©ponse dĂ©finitive de lâAdministration
255. Lâentrepreneur qui veut exercer sous le statut dâentreprenant va dĂ©finitivement ĂȘtre
fixĂ© sur son sort trois mois aprĂšs le dĂ©pĂŽt de sa demande. En effet, Ă lâissue du contrĂŽle
formel effectuĂ© par lâAdministration compĂ©tente, deux situations sont envisageables : le
maintien de la dĂ©claration dâactivitĂ© ou son retrait.
256. Le maintien de dĂ©claration dâactivitĂ©. Lorsque le dossier soumis par un dĂ©clarant
ne prĂ©sente pas dâirrĂ©gularitĂ©, le greffier ou le responsable de lâorgane compĂ©tent dans lâEtat
partie nâaccomplit aucune formalitĂ© particuliĂšre. Il nâadresse aucune notification Ă
lâentrepreneur qui sollicite le statut dâentreprenant. Cette absence de notification, trois mois
aprĂšs le dĂ©pĂŽt de la demande, est tacitement censĂ©e valider la dĂ©claration dâactivitĂ©. Le
numĂ©ro attribuĂ© au moment du dĂ©pĂŽt est conservĂ© et le statut dâentreprenant dĂ©finitivement
acquis. Ce nâest quâen cas de retrait quâune notification est faite Ă lâentrepreneur.
257. Le retrait de la dĂ©claration dâactivitĂ©. Lâentrepreneur Ă qui lâon a attribuĂ© un numĂ©ro
de dĂ©claration au moment du dĂ©pĂŽt de sa demande peut en ĂȘtre privĂ© quelques mois plus
tard. La loi communautaire dit que le greffier ou le responsable de lâorgane compĂ©tent peut
228 Diverses raisons peuvent expliquer cette lenteur : le manque de matériel adéquat, le manque de
pe so el, la o uptio et pa fois lâig o a e des te tes pa le pe so el ad i istratif.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 130
procĂ©der au retrait de la dĂ©claration dâactivitĂ© dâun entreprenant lorsquâil constate des
irrĂ©gularitĂ©s lors de lâexamen de sa demande. Cela signifie que lâattribution du numĂ©ro de
dĂ©claration au moment du dĂ©pĂŽt de la demande nâest que provisoire229. En rĂ©alitĂ©, le statut
dâentreprenant nâest dĂ©finitivement acquis quâaprĂšs lâexpiration des trois mois pendant
lequel le greffier ou le responsable de lâorgane compĂ©tent effectue son contrĂŽle. Tant que
ce dĂ©lai nâest pas passĂ©, lâentrepreneur ne peut vĂ©ritablement ĂȘtre fixĂ© sur son sort. Ă tout
moment pendant cette période, une décision lui notifiant le retrait de sa déclaration peut lui
ĂȘtre notifiĂ©e230. Cette dĂ©cision doit ĂȘtre motivĂ©e et elle est susceptible de recours dans un
délai de quinze (15) jours à compter de la date de sa notification.
258. Le recours contre la décision de retrait. Comme toute décision judiciaire ou
administrative, lâacte de retrait dâune dĂ©claration dâactivitĂ© est susceptible de recours.
ConformĂ©ment aux dispositions de lâarticle 66 alinĂ©a 5, ce dernier doit ĂȘtre exercĂ© « devant
la juridiction compĂ©tente ou lâautoritĂ© compĂ©tente dans lâEtat partie statuant Ă bref dĂ©lai »
231. Câest donc le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s qui doit ĂȘtre saisi pour ce genre de contestation. La dĂ©cision
celui-ci rendra peut, Ă son tour, ĂȘtre portĂ©e « devant la juridiction de recours compĂ©tente
statuant de la mĂȘme maniĂšre » dans un dĂ©lai de quinze (15) jours Ă compter de son prononcĂ©.
259. Dans les cas de figure oĂč des recours sont effectuĂ©s, les entrepreneurs devront
attendre plus de trois mois pour savoir si leur dĂ©claration dâactivitĂ© est maintenue. Ce nâest
que dans ce dernier cas quâils pourront aisĂ©ment jouir du statut de lâentreprenant.
Malheureusement pour quelques-uns, cette dĂ©claration dâactivitĂ© va sâavĂ©rer peu opportune.
229 Ce âest pas le u o ui est p o isoi e, ais plutĂŽt son attribution. Ce numĂ©ro sera conservĂ© par
lâe t ep e eu sâil e plit toutes les o ditio s pou e e e e ta t uâe t ep e a t. Par contre, dans le
cas inverse, il lui sera retiré et le greffier procÚdera à sa radiation du RCCM.
230 Quelles se aie t les o s ue es dâu e d isio du greffier prise aprĂšs les trois mois ? Une notification
intervenant bien au-delĂ du dĂ©lai prĂ©vu par la loi serait-elle ala le e sâil est a ue le de a deu
e e plit pas les o ditio s e uises pou e e e e ta t uâe t ep e a t?
231 On se demande alors si la décision de retrait du greffier a un caractÚre judiciaire ou administratif. La
dĂ©cision est portĂ©e devant la juridiction compĂ©tente en matiĂšre de rĂ©fĂ©rĂ©s qui est Ă©galement la juridiction Ă
laquelle appartient le greffe qui a reçu et traitĂ© la demande de statut. A p io i ela sâappa e te Ă un recours
administrativement hiĂ©rarchique, mais lĂ encore se pose la question de savoir si le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s peut ĂȘtre
considĂ©rĂ© comme le supĂ©rieur hiĂ©rarchique du greffier. Quand on lit lâAUDCG, tout porte Ă croire que le
législateur communautaire ne considÚre pas la décision de retrait du greffier comme un acte administratif
car les seuls recours possibles contre cette décision se font par voie judiciaire.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 131
Section 2. La dĂ©claration dâactivitĂ© : une formalitĂ© peu opportune
260. Pour les entrepreneurs qui exercent une activitĂ© civile, la dĂ©claration dâactivitĂ© peut
sâavĂ©rer peu opportune au regard des problĂšmes quâelle engendre Ă leur Ă©gard (Paragraphe
2). Pour ceux dont lâactivitĂ© est commerciale, ce peut ĂȘtre le cas si on considĂšre les
nombreuses similitudes quâelle prĂ©sente avec lâimmatriculation au RCCM tant critiquĂ©e
(Paragraphe 1).
Paragraphe 1. Une formalité peu opportune pour les commerçants au regard des
similitudes avec lâimmatriculation au RCCM
261. Comparativement Ă lâimmatriculation au RCCM, la dĂ©claration dâactivitĂ© est trĂšs
souvent prĂ©sentĂ©e comme une formalitĂ© simplifiĂ©e, accessible aux plus dĂ©munis. Câest sur
cette formalitĂ© que repose la raison dâĂȘtre du statut de lâentreprenant. Elle est censĂ©e apporter
des solutions aux problĂšmes qui sont gĂ©nĂ©ralement Ă©voquĂ©s en matiĂšre dâimmatriculation
et par conséquent, faciliter la formalisation des entreprises du secteur informel. Pourtant
lorsquâon compare la dĂ©claration dâactivitĂ© et lâimmatriculation au RCCM, on se rend
compte que les diffĂ©rences entre les deux formalitĂ©s sont loin dâĂȘtre aussi importantes quâon
le croit. Bien au contraire, elles sont identiques en plusieurs points, notamment en ce qui
concerne la composition des dossiers des demandes (A) et le traitement de celles-ci (B).
A. Des similitudes dans la composition des dossiers de demandes
262. Dans lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG, il est dit que lâentreprenant est un
entrepreneur qui exerce son activitĂ© « sur simple dĂ©claration dâactivitĂ© ». Ces propos du
législateur ont précisément pour but de mettre en avant les facilités de la déclaration
dâactivitĂ© comparativement Ă lâimmatriculation au RCCM qui Ă©tait, jusquâĂ la rĂ©vision de
lâAUDCG en 2010, lâunique procĂ©dure de formalisation des entreprises prĂ©vue par
lâOHADA. Mais cependant, on peut constater que les renseignements et les piĂšces
justificatives Ă fournir pour demander les deux statuts sont sensiblement, pour ne pas dire
exactement, les mĂȘmes.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 132
1. Des renseignements identiques Ă communiquer
263. Câest dans les articles 62 et 63 de lâAUDCG que sont Ă©numĂ©rĂ©s les renseignements
et les piĂšces quâun entrepreneur doit communiquer pour dĂ©clarer son activitĂ© et ainsi
acquĂ©rir le statut dâentreprenant. Le fait que cette Ă©numĂ©ration tienne sur deux articles donne
vĂ©ritablement lâimpression que la dĂ©claration dâactivitĂ© est une formalitĂ© simple et facile Ă
effectuer. Ce sentiment de simplicité est davantage conforté quand on compare la longueur
des dispositions qui rĂ©gissent la dĂ©claration dâactivitĂ© Ă celle des dispositions qui organisent
lâimmatriculation du commerçant au RCCM. On a alors le sentiment que lâimmatriculation
est plus contraignante que la dĂ©claration dâactivitĂ©. Mais pour aller au-delĂ de la simple
impression et savoir ce quâil en est exactement, il faudrait analyser de maniĂšre approfondie
les articles 44 et 45 qui encadrent lâimmatriculation et les articles 62 et 63 relatifs Ă la
dĂ©claration dâactivitĂ©.
264. Les informations Ă fournir obligatoirement. A lâĂ©gard du commerçant, lâarticle 44
de lâAUDCG dispose que toute personne physique dont lâimmatriculation est requise doit
faire sa demande avec le formulaire prĂ©vu Ă lâarticle 39. Dans ce formulaire le demandeur
doit indiquer : ses noms et prénoms ; ses date et lieu de naissance ; sa nationalité ; le cas
Ă©chĂ©ant, le nom sous lequel il exerce son activitĂ© ainsi que lâenseigne utilisĂ©e ; la ou les
activités exercées ; le cas échéant, la date et le lieu de mariage, le régime matrimonial
adopté, les clauses opposables aux tiers restrictives de la libre disposition des biens des
Ă©poux ou lâabsence de telles clauses, les demandes en sĂ©paration de biens ; les noms,
prĂ©noms, date et lieu de naissance des personnes ayant le pouvoir dâengager par leur
signature la responsabilitĂ© de lâassujetti ; lâadresse du principal Ă©tablissement et, le cas
échéant, celle de chacune des succursales et de chacun des établissements exploités sur le
territoire de lâEtat partie ; le cas Ă©chĂ©ant, la nature et lâadresse des derniers Ă©tablissements
quâil a exploitĂ©s prĂ©cĂ©demment avec lâindication de leur numĂ©ro dâimmatriculation au
Registre de Commerce et du Crédit Mobilier.
265. Plus loin, cette fois-ci Ă lâĂ©gard de lâentreprenant, il est dit Ă lâalinĂ©a 1 de lâarticle 62
que le dĂ©clarant effectue sa dĂ©claration dâactivitĂ© avec un formulaire prĂ©vu par le mĂȘme
article 39. Cependant, remarquons quâil est seulement prĂ©cisĂ© que lâentrepreneur devra
fournir les renseignements relatifs Ă : ses noms et prĂ©noms ; lâadresse dâexercice de
lâactivitĂ© ; la description de lâactivitĂ© ; le justificatif dâidentitĂ© ; le cas Ă©chĂ©ant, le justificatif
du régime matrimonial.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 133
266. La diffĂ©rence entre les deux listes est frappante, lâĂ©numĂ©ration des articles 44 et 62
ne manque pas dâattirer lâattention. En ce qui concerne le commerçant, on dĂ©nombre onze
(11) points Ă renseigner tandis que pour lâentreprenant il nây en que cinq (05). De prime
abord on est tentĂ© de croire que lâentreprenant nâest pas tenu de fournir les mĂȘmes
informations que le commerçant car, de toute évidence, tous les champs prévus pour ce
dernier ne figurent pas sur son formulaire. Mais pourtant, si sa situation le nécessite,
lâentreprenant doit pouvoir donner plus dâinformations que celles qui sont citĂ©es Ă lâarticle
62. Pour sâen convaincre, il suffit de comparer les formulaires prĂ©vus par lâOHADA ou ceux
prĂ©vus par les Etats232. Ceux-ci montrent quâun commerçant et un entreprenant se trouvant
dans des situations identiques seront tenus de fournir les mĂȘmes informations.
Les dispositions de lâAUDCG le montrent Ă©galement. Lâarticle 62 prĂ©cise que
lâentreprenant « fournit les Ă©lĂ©ments » Ă©numĂ©rĂ©s audit article. Cette expression dĂ©signe Ă la
fois les informations et les piĂšces justificatives quâil doit communiquer. Or les piĂšces
justificatives sont fournies dans le seul but dâattester une information prĂ©alablement
communiquĂ©e. Cela voudrait dire que lâentreprenant fournira des justificatifs qui prouvent
que les informations quâil a prĂ©alablement communiquĂ©es dans le formulaire sont vraies. Le
justificatif de rĂ©gime matrimonial ne sera nĂ©cessaire que sâil a indiquĂ© dans le formulaire
qui lui est remis quâil est mariĂ©. Ce justificatif viendra simplement confirmer lâinformation
quâil a prĂ©alablement donnĂ©e sur sa situation matrimoniale. Cela signifie donc quâil doit y
avoir, sur le formulaire de lâentreprenant, un champ dans lequel il peut indiquer son statut
matrimonial, le régime des biens et toute autre information se rapportant à celui-ci (le cas
Ă©chĂ©ant, lâexistence de toute clause opposable aux tiers restrictive de la libre disposition des
biens des Ă©poux ou lâabsence de telles clauses, les demandes en sĂ©paration de biens). Toutes
ces informations nâont pas Ă©tĂ© Ă©numĂ©rĂ©es par le lĂ©gislateur, pourtant elles sont cruciales pour
la sĂ©curitĂ© des personnes qui contracteraient avec lâentreprenant et doivent ĂȘtre requises. Le
fait quâelles ne soient pas mentionnĂ©es Ă lâarticle 62 de lâAUDCG ne signifie pas que des
champs prévus à cet effet ne figureront pas sur le formulaire que chaque Etat adoptera pour
lâentreprenant.
232 Certains Etats comme le BĂ©ni o t hoisi de e u fo ulai e diff e t pou la d la atio dâa tivitĂ©.
E jui , les ep se ta ts des Etats e es de lâO ga isatio se so t u is au B i da s le ad e
dâu atelie de alidatio de ou eau formulaires de RCCM.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 134
Pour abonder dans le mĂȘme sens, on peut Ă©galement prendre lâexemple de la date et
du lieu de naissance du dĂ©clarant. Lâarticle 62 de lâAUDCG ne dit pas expressĂ©ment quâil
doit indiquer ces informations. Pourtant, il semble logique et cohĂ©rent quâen fournissant un
document administratif justifiant son identitĂ© comme le prĂ©voit lâarticle 63, lâentreprenant
aura au préalable indiqué sa nationalité, ses date et lieu de naissance sur le formulaire de
dĂ©claration dâactivitĂ©. Il est Ă©vident que lâentreprenant ne se contentera pas de fournir les
seules informations Ă©numĂ©rĂ©es Ă lâarticle 62 (noms et prĂ©noms). Il devra immanquablement
donner dâautres informations indispensables pour son identification (entre autre la date et le
lieu de naissance). Il sera donc appelé à fournir des informations que le législateur ne
mentionne pas explicitement Ă lâarticle 62.
267. Les informations à fournir le cas échéant. En ce qui concerne la déclaration
dâactivitĂ©, lâAUDCG ne fait pas allusion aux renseignements relatifs: au nom commercial ;
Ă lâenseigne utilisĂ©e ; aux noms, prĂ©noms, date et lieu de naissance des personnes ayant le
pouvoir dâengager par leur signature la responsabilitĂ© de lâassujetti; Ă lâadresse du principal
établissement et, le cas échéant, celle de chacune des succursales et de chacun des
Ă©tablissements exploitĂ©s sur le territoire de lâEtat partie; le cas Ă©chĂ©ant, Ă la nature et
lâadresse des derniers Ă©tablissements quâil a exploitĂ©s prĂ©cĂ©demment. Ces informations sont
demandées au commerçant lors de son immatriculation et, comme on peut le constater, ce
sont des informations quâon ne fournit que « le cas Ă©chĂ©ant », si on en est concernĂ©. Certains
commerçants pourront donc ĂȘtre concernĂ©s par ces informations et dâautres pas. LâAUDCG
ne prĂ©voit ces renseignements que dans le cas dâune immatriculation au RCCM. Les articles
62 et 63 qui traitent de la dĂ©claration dâactivitĂ© nâen font pas mention comme si
lâentreprenant nâen est pas concernĂ©. A priori, on peut penser que seules les entreprises
dâune taille importante peuvent ĂȘtre concernĂ©es par ces informations car elles sont
susceptibles dâavoir plusieurs Ă©tablissements ou des succursales, des dirigeants autres que
lâentrepreneur lui-mĂȘme. Pourtant les entreprises de petite taille peuvent Ă©galement en ĂȘtre
concernées. Un entreprenant peut trÚs bien avoir recours à un nom commercial et à une
enseigne. Il nâest pas non plus exclu quâil fasse appel Ă un tiers Ă qui il donne le pouvoir
gĂ©nĂ©ral dâengager par sa signature la responsabilitĂ© de son entreprise. En effet, Ă©tant donnĂ©
quâil sâagit gĂ©nĂ©ralement dâentreprise familiale, lâentrepreneur peut se faire assister par son
conjoint ou un autre membre de sa famille. Par ailleurs, il serait tout à fait justifié de
demander Ă un entreprenant la nature de ses anciennes activitĂ©s, lâadresse du dernier
Ă©tablissement quâil a exploitĂ© car il peut trĂšs bien avoir exercĂ© une activitĂ© sous un autre
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 135
statut avant de solliciter celui dâentreprenant233. Il aurait Ă©galement Ă©tĂ© justifiĂ© de lui
demander la date du commencement de son activitĂ© actuelle et lâexistence dâĂ©ventuels
Ă©tablissements secondaires. Le lĂ©gislateur aurait dĂ» prĂ©voir ces mĂȘmes informations, Ă
fournir le cas Ă©chĂ©ant, pour des entreprenants. MĂȘme si ces derniers sont censĂ©s ĂȘtre de trĂšs
petits entrepreneurs, rien ne dit que quelques-uns ne peuvent pas ĂȘtre concernĂ©s par ces
informations. Leur demander de les communiquer lorsque leur situation le justifie ne
constituerait pas une contrainte supplĂ©mentaire, bien au contraire cela permettrait dâavoir
une meilleure connaissance de lâentrepreneur qui rassurerait davantage ses potentiels
partenaires dâaffaires.
268. Ce quâon peut retenir de ce qui prĂ©cĂšde, câest quâil existe des informations que tous
entrepreneurs doivent systématiquement communiquer au moment de leur inscription au
RCCM et dâautres quâils ne peuvent fournir que si leur situation sây prĂȘte. Les premiĂšres
informations sont les mĂȘmes pour la dĂ©claration dâactivitĂ© et lâimmatriculation.
Lâentreprenant et le commerçant seront tenus de les indiquer et câest ce qui explique
pourquoi il leur est demandé de fournir des piÚces justificatives identiques.
2. Des piĂšces justificatives identiques Ă joindre au dossier
269. Au sujet des piĂšces justificatives Ă joindre Ă la demande dâimmatriculation ou Ă la
dĂ©claration dâactivitĂ©, le raisonnement est le mĂȘme. En effet, si les renseignements Ă donner
au cours des deux procédures sont identiques, les justificatifs à fournir le seront également.
270. Au commerçant, lâarticle 45 de lâAUDCG commande dâapporter: un extrait de son
acte de naissance ou tout document administratif justifiant son identité ; un extrait de son
acte de mariage en tant que de besoin ; une dĂ©claration sur lâhonneur signĂ©e du demandeur
et attestant quâil nâest frappĂ© dâaucune des interdictions prĂ©vues par lâarticle 10 du mĂȘme
Acte uniforme ; un certificat de résidence ; une copie du titre de propriété ou du bail ou du
titre dâoccupation du principal Ă©tablissement et le cas Ă©chĂ©ant de celui des autres
Ă©tablissements et succursales ; en cas dâacquisition dâun fonds ou de location-gĂ©rance, une
copie de lâacte dâacquisition ou de lâacte de location-gĂ©rance ; le cas Ă©chĂ©ant, une
233 Voi les d eloppe e ts su lâe lusion des opĂ©rateurs formels. Une personne peut trĂšs bien demander
la radiation de son immatriculation afi de de a de le statut dâe t ep e a t.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 136
autorisation prĂ©alable dâexercer le commerce et les piĂšces prĂ©vues par des textes spĂ©ciaux.
Le demandeur dispose dâun dĂ©lai de soixante-quinze (75) jours pour complĂ©ter sa
dĂ©claration sur lâhonneur par un extrait de casier judiciaire
271. Ă lâĂ©gard de lâentreprenant, lâarticle 63 prescrit de joindre Ă sa dĂ©claration : un
extrait de son acte de naissance ou tout document administratif justifiant son identité ; le cas
Ă©chĂ©ant, un extrait de son acte de mariage ; une dĂ©claration sur lâhonneur signĂ©e du
demandeur attestant, sâil est commerçant, quâil nâest frappĂ© dâaucune des interdictions
prĂ©vues Ă lâarticle 10 de lâAUDCG et, sâil nâest pas commerçant, quâil nâa fait lâobjet
dâaucune interdiction dâexercer en relation avec sa profession et quâil nâa fait lâobjet
dâaucune condamnation pour les infractions prĂ©vues au mĂȘme article 10 ; un certificat de
rĂ©sidence ; le cas Ă©chĂ©ant, une autorisation prĂ©alable dâexercer lâactivitĂ© souhaitĂ©e. Comme
pour lâimmatriculation, le dĂ©clarant234 dispose dâun dĂ©lai de soixante-quinze (75) jours pour
complĂ©ter sa dĂ©claration sur lâhonneur par un extrait de casier judiciaire.
272. Comme on peut le constater, les deux listes sont sensiblement les mĂȘmes. Les seules
piĂšces qui ne sont pas demandĂ©es Ă lâentreprenant, Ă la diffĂ©rence du commerçant, sont : la
copie du titre de propriĂ©tĂ©, du bail ou du titre dâoccupation de son lieu dâactivitĂ© et, le cas
Ă©chĂ©ant, la copie de lâacte dâacquisition du fonds. Lâentreprenant Ă©tant censĂ© ĂȘtre un trĂšs
petit entrepreneur, le lĂ©gislateur nâa certainement pas jugĂ© opportun dâajouter ces piĂšces Ă
la liste des documents indispensables quâil serait appelĂ© Ă fournir. Toutefois cette omission
ne peut pas ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme le dispensant de les joindre. Il sera tenu de le faire si sa
situation le nĂ©cessite. Par exemple, sâil exerce son activitĂ© dans un local, il doit non
seulement indiquer oĂč celui-ci se trouve, mais il doit Ă©galement justifier en quelle qualitĂ© il
lâoccupe. Il sera donc tenu de fournir un titre dâoccupation Ă lâinstar du bail, du titre de
propriĂ©tĂ© ou dâun autre titre dâoccupation. MĂȘme si lâAUDCG ne le dit pas expressĂ©ment,
câest en toute lĂ©gitimitĂ© que lâAdministration compĂ©tente lui demandera de fournir ce
justificatif. Certains textes nationaux le prĂ©voient explicitement. Câest le cas de la circulaire
234 Pour dĂ©signer celui qui dĂ©clare son activitĂ©, le lĂ©gislateur emploie Ă©galement le mot « demandeur » Ă
lâa ti le de lâAUDCG. Avant cela Ă lâa ticle 45, ce mĂȘme mot Ă©tait utilisĂ© pour parler de celui qui requiert
son immatriculation. Lâe ploi de e te e pou d sig e es deu at go ies dâe t ep e eu s montre bien
les similitudes qui existent entre le commerçant et lâe t ep e a t.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 137
relative Ă la procĂ©dure devant le CFCE au Cameroun235. Celle-ci stipule quâune copie du
contrat de bail ou de lâacte de propriĂ©tĂ© du lieu dâexercice de lâactivitĂ© doit ĂȘtre jointe au
dossier trois (03) mois Ă compter du jour oĂč lâentrepreneur engage la procĂ©dure de crĂ©ation
de son entreprise.
En ce qui concerne lâacte dâacquisition du fonds, le raisonnement est le mĂȘme. MĂȘme
si lâarticle 63 de lâAUDCG nâen parle pas, lâentreprenant qui a acquis son fonds doit
produire une copie de lâacte dâacquisition. Au Cameroun par exemple, la loi le prĂ©voit
expressément236.
273. Il importe de faire remarquer que les deux justificatifs dont il est question ci-dessus
(lâacte dâacquisition du fonds et le titre dâoccupation du local) sont Ă fournir lorsque la
situation de lâentrepreneur le permet. Hormis ces deux documents, le commerçant et
lâentreprenant devront joindre exactement les mĂȘmes documents aux formulaires
dâimmatriculation et de dĂ©claration dâactivitĂ©. Ces deux dossiers, une fois constituĂ©s, sont
soumis sur support papier ou par voie Ă©lectronique237, Ă la mĂȘme autoritĂ© qui les traitera de
maniĂšre identique.
B. Des similitudes dans le traitement des demandes
274. Il est dit Ă lâarticle 34 de lâAUDCG que le Registre du Commerce et du CrĂ©dit
Mobilier est instituĂ© aux fins de permettre aux assujettis Ă la formalitĂ© dâimmatriculation au
RCCM de faire leur demande dâimmatriculation et aux entreprenants de faire leur
dĂ©claration dâactivitĂ©. On rĂ©alise donc dâune maniĂšre incontestable que lâimmatriculation et
la dĂ©claration dâactivitĂ© sont enregistrĂ©es dans le mĂȘme registre, et partant, par la mĂȘme
autoritĂ©238. Ce quâil importe dĂšs lors, câest de savoir si les deux formalitĂ©s sont traitĂ©es
différemment ou de maniÚre identique. Un examen des dispositions de la loi communautaire
et des textes nationaux qui encadrent ces deux procĂ©dures montre quâil existe entre elles de
235 Circulaire interministérielle n° 001/MINJUSTICE/MINPMEESA/MINFI du 30 mai 2012 relative à la
p o du e de a t les Ce t es de Fo alit s de C atio dâE t ep ises. 236 Pour le cas du Cameroun, voir circulaire interministĂ©rielle relative Ă la procĂ©dure devant les CFCE.
237 Art. al. de lâAUDCG. 238 Le greffe de la juridiction compĂ©tente ou lâo ga e o p te t da s lâEtat pa tie.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 138
fortes similitudes ou, pour le dire autrement, de trÚs faibles différences. Elles ont des étapes
et des délais parfaitement identiques (1) et ne se différencient que par leurs coûts (2).
1. Des étapes et des délais identiques
275. Pour une immatriculation au RCCM ou une dĂ©claration dâactivitĂ©, la procĂ©dure est
la mĂȘme. DĂšs rĂ©ception de la demande et avant tout examen approfondi du dossier,
lâAdministration compĂ©tente attribue au demandeur un numĂ©ro dâinscription au RCCM.
276. Lâattribution dâun numĂ©ro dâinscription lors du dĂ©pĂŽt de la demande. Cette
premiĂšre est dĂ©crite, en ce qui concerne le commerçant Ă lâarticle 50 alinĂ©a 1 de lâAUDCG,
et en ce qui concerne lâentreprenant Ă lâarticle 62 alinĂ©a 2. On y lit que, dĂšs rĂ©ception de la
demande dâimmatriculation ou de la dĂ©claration dâactivitĂ©, le greffier ou le responsable de
lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie dĂ©livre Ă lâintĂ©ressĂ© un accusĂ© dâenregistrement
mentionnant la date de la formalité accomplie. Il attribue instantanément au demandeur,
selon la demande, un numĂ©ro dâimmatriculation ou un numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ©. Le
commerçant ou lâentreprenant reçoit alors sans dĂ©lai un numĂ©ro dâinscription qui lui permet
dâexercer en toute lĂ©galitĂ©. Lâacquisition de ce numĂ©ro nâest cependant pas dĂ©finitive. Le
dossier déposé devra ultérieurement subir un contrÎle de la part du greffier ou du
responsable de lâorgane compĂ©tent dans lâEtat Partie.
277. Le contrĂŽle du dossier par le greffe ou lâorgane compĂ©tent. Le dĂ©roulement de
cette deuxiĂšme Ă©tape est dĂ©crit Ă lâarticle 66 de lâAUDCG. Lâobjet du contrĂŽle, ses dĂ©lais,
son issue et éventuellement les recours exerçables sont identiques en matiÚre
dâimmatriculation ou de dĂ©claration dâactivitĂ©. Pour lâune comme pour lâautre formalitĂ©, le
contrĂŽle est purement formel et consiste Ă sâassurer que le dossier de demande est complet
et que les Ă©nonciations faites dans le formulaire sont conformes aux piĂšces justificatives
jointes. DâaprĂšs lâarticle 50 alinĂ©a 2, ce contrĂŽle doit avoir lieu dans les trois (03) mois Ă
compter du dĂ©pĂŽt de la demande. Au cours de cet examen le demandeur peut ĂȘtre convoquĂ©
pour apporter des informations ou des piÚces complémentaires. La décision du greffier ou
du responsable de lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie peut ĂȘtre positive ou non pour le
demandeur. NĂ©gative, elle doit ĂȘtre motivĂ©e et notifiĂ©e Ă lâintĂ©ressĂ© dont le numĂ©ro
dâinscription au RCCM sera radiĂ©. A compter de la notification de cette dĂ©cision
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 139
malheureuse, le demandeur disposera dâun dĂ©lai de quinze (15) jours pour contester cette
décision devant la juridiction compétente.
278. Ce dĂ©roulement prĂ©vu par les dispositions de lâAUDCG sâapplique aussi bien Ă
lâimmatriculation au RCCM quâĂ la dĂ©claration dâactivitĂ©. MĂȘme au niveau interne, on se
rend compte que les prescriptions applicables au commerçant et Ă lâentreprenant sont
similaires et que les délais impartis pour créer ou formaliser une entreprise individuelle sont
identiques et indépendants du statut choisi239. Cette politique vise à atteindre les objectifs de
simplification des procédures de création des entreprises en général. Dans les pays membres
de lâOrganisation, la cĂ©lĂ©ritĂ© quâon peut apprĂ©cier lors de la formalisation des entreprises
nâest pas propre au statut dâentreprenant mais sâapplique Ă tous les statuts en gĂ©nĂ©ral
(entreprises individuelles et sociĂ©tĂ©s) et elle est la mĂȘme pour les entreprises individuelles
en particulier. Pour ces derniĂšres, immatriculation et dĂ©claration dâactivitĂ© sont parfaitement
identiques. La seule diffĂ©rence que lâon peut Ă©tablir entre les deux formalitĂ©s repose sur
leurs coûts respectifs et il convient de noter que cette différence est relativement
significative.
2. Une différence de coûts relativement significative
279. DâaprĂšs lâarticle 62 alinĂ©a 1, la dĂ©claration dâactivitĂ© se fait sans frais. Cette gratuitĂ©
est un avantage non nĂ©gligeable de dĂ©claration dâactivitĂ© face Ă lâimmatriculation qui, elle,
est payante. Face Ă cette diffĂ©rence incontestable, la question quâil convient de se poser est
celle de savoir si cette diffĂ©rence de coĂ»ts entre lâimmatriculation et la dĂ©claration dâactivitĂ©
est suffisamment significative pour inciter les opérateurs à opter pour le statut
dâentreprenant. Cela revient Ă se demander si la gratuitĂ© de la dĂ©claration est un avantage
suffisamment attractif.
280. LâapprĂ©ciation relative de la gratuitĂ© de la dĂ©claration dâactivitĂ©. La rĂ©ponse Ă cette
question prend en compte des données objectives et des données subjectives. Objectivement
parlant, il faudrait tout dâabord tenir compte de la situation Ă©conomique du pays dans lequel
239 Au Ca e ou pa e e ple, o pa le de h pou la atio dâu e e t ep ise. Ce d lai est e s t e le
mĂȘme pour ceux qui demandent une immatriculation que pour ceux qui dĂ©clareront leur activitĂ©. (Voir la
Circulaire interministérielle n° 001/MINJUSTICE/MINPMEESA/MINFI du 30 mai 2012 relative à la procédure
devant les centres de formalitĂ©s de atio dâe t eprise).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 140
lâactivitĂ© est exercĂ©e. Chaque Etat partie fixe librement le coĂ»t de lâimmatriculation au
RCCM et lâapprĂ©ciation de ce coĂ»t dĂ©pend du pouvoir dâachat dans cet Etat. La diffĂ©rence
avec la gratuitĂ© de la dĂ©claration dâactivitĂ© sâapprĂ©ciera en fonction du gain que cela
représente dans un pays. Cependant, à cette réalité économique objective, il faut ajouter la
dimension subjective. LâapprĂ©ciation du gain quâon peut tirer de la gratuitĂ© de la dĂ©claration
dâactivitĂ© dĂ©pendra de chaque individu. En fonction des moyens dont ils disposent, certains
petits entrepreneurs trouveront cette diffĂ©rence de coĂ»ts significative et dâautres pas.
LâapprĂ©ciation est donc relative.
281. Bien que la gratuitĂ© de la dĂ©claration dâactivitĂ© soit un atout majeur du statut
dâentreprenant, on est loin dâimaginer un entrepreneur opter pour ledit statut pour ce seul
motif. MĂȘme si la question des moyens financiers est lâune des prĂ©occupations majeures des
petits entrepreneurs, il y a lieu de croire que ce nâest quâaprĂšs avoir pesĂ© lâensemble des
avantages et des inconvénients dudit statut que tout entrepreneur censé prendra sa décision.
Il y a lieu de craindre que la différence de prix seule ne soit pas suffisamment significative
pour inciter les opérateurs du secteur informel à se formaliser. Face aux conséquences que
la formalisation occasionnera pour ces habituĂ©s de lâombre, la gratuitĂ© de la dĂ©claration
dâactivitĂ© risque dâĂȘtre un argument peu convaincant. En effet, si quelques-uns se sont vus
contraints dâexercer dans lâinformel parce quâils ne disposaient pas de la somme nĂ©cessaire
pour payer les frais dâimmatriculation, pour dâautres ce nâest pas toujours le cas. Comme on
lâa soulignĂ© dans lâintroduction gĂ©nĂ©rale de ce travail, on retrouve dans le secteur informel,
des personnes dont les moyens leur permettent dâeffectuer les dĂ©marches exigĂ©es par la loi
mais qui préfÚrent exercer de maniÚre informelle.
282. Lâexistence dâĂ©ventuels autres frais. Il est important de faire remarquer que la
gratuitĂ© de la dĂ©claration dâactivitĂ© ne dispense pas les petits entrepreneurs de payer les
Ă©ventuels autres frais que la formalisation de leur entreprise pourra occasionner. Selon les
pays, les entrepreneurs peuvent ĂȘtre appelĂ©s Ă accomplir dâautres formalitĂ©s dont quelques-
unes peuvent ĂȘtre payantes. La gratuitĂ© de la dĂ©claration dâactivitĂ© ne signifie pas que les
entreprenants ne paieront aucun frais au cours du processus de formalisation de leur
entreprise. Lâinscription au RCCM nâest pas la seule formalitĂ© Ă accomplir lors de la crĂ©ation
dâune entreprise. Elle ne concerne quâun seul service et la crĂ©ation ou la formalisation dâune
entreprise ne se limite pas Ă cette seule formalitĂ©. Quand elle nâest pas faite dans un guichet
unique, lâinscription au RCCM nâest quâune formalitĂ© parmi tant dâautres que lâentrepreneur
devra accomplir pour pouvoir exercer en toute régularité. Il devra, entre autres, solliciter son
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 141
immatriculation auprĂšs de lâAdministration fiscale afin dâobtenir un numĂ©ro de
contribuable. Il devra en outre se faire immatriculer auprĂšs des services sociaux240.
283. Il faut toutefois admettre quâavec lâavĂšnement des guichets uniques les choses
ont été simplifiées. Le fait de se rendre dans un seul lieu pour la création de son entreprise
donne Ă lâentrepreneur lâimpression quâil nâaccomplit quâune seule formalitĂ©, mais en rĂ©alitĂ©
câest plusieurs formalitĂ©s qui sont accomplies en un lieu unique. En sây rendant
lâentrepreneur accomplit son inscription au RCCM (dĂ©claration dâactivitĂ© ou
240 Il est faux de pe se ue lâi s iptio au RCCM est la seule formalitĂ© sus epti le dâ t e pa a te. Da s la
p ati ue dâaut es f ais so t pa fois e ig s Ă lâe t ep e eu lors de la crĂ©ation de son entreprise. Ces frais
peuvent ĂȘtre destinĂ©s aux administrations en charge des impĂŽts et des cotisations sociales ou, tout
simplement, ils peuvent servir à rémunérer le service effectué par le guichet unique. Au Sénégal par
exemple, il faut prĂ©voir environ 17 000 francs CFA de f ais dâe egist e e t au RCCM, dont 10 000 francs de
frais de greffe. A supposer que pour un entreprenant, la part dévolue au greffe soit gratuite, il lui restera tout
de mĂȘme 7 000 francs Ă dĂ©bourser pour se faire enregistrer. Au BĂ©nin, les frais Ă prĂ©voir pour la crĂ©ation
dâune entreprise individuelle sâ l e t Ă e i o 000 FCFA, dont 5 pou lâi at i ulatio au RCCM.
En RCA, il faut prĂ©voir un minimum de 30 000 FCFA, dont 15 pou lâi atriculation au RCCM (en guise
dâe e ple, oi lâa e e su les D a hes et p o du es de atio dâe t ep ise en Centrafrique). Au
Gabon, 45 000 (dont 25 000 pour le CDE et 20 000 pour le greffe). On suppose que la part qui restera Ă
lâe t ep e a t sâ l e Ă 25 FCFA. Au T had, le oĂ»t glo al dâu e atio dâe t ep ise a oisi e les 000
FCFA. Au Niger, il faut compter dans les 16 500 FCFA, dont 11500 pour le timbre et 5 000 Francs pour le
Centre. Il faudra en outre prévoir des frais pour les impÎts, environ 3500 FCFA. Il est difficile dans ce dernier
e e ple de d te i e les f ais do t lâe t ep e a t se a dispensĂ© de payer (frais de timbres ou frais dĂ©volus
au Centre). Au Mali, la création nécessite environ 8400, dont 400 francs pour le greffe et 8000 de frais de
dossier. Au Congo, il faut prĂ©voir 60 FCFA, do t pou lâi at i ulatio au RCCM. Au Cameroun,
en 2016, il fallait compter de 41 500 FCFA Ă verser au greffe (dont 21 de f ais dâi at i ulatio et
de d oits dâe egist e e t . Offi ielle e t le p i de lâi at i ulatio est de 500 au Cameroun, mais
dans les greffes le montant est plus i po ta t. Out e les f ais Ă e se au g effe, lâe t ep e eu doit p oi
10 500 FCFA pour la CNPS, 10% du contrat de bail ou 0,11 % de la aleu de lâi eu le lo s ue lâe t ep e eu
est propriĂ©taire. Ces diffĂ©rents chiffres montrent Ă peu prĂšs e uâil faut p oi pou la atio dâu e
e t ep ise da s les pa s e es de lâOHADA. âu le te ai , lâe t ep e eu est sus epti le de d pe se des
frais plus importants que ceux indiquĂ©s ci-dessus et es f ais peu e t aug e te sâil est de atio alitĂ©
Ă©trangĂšre.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 142
immatriculation) en mĂȘme temps que les autres formalitĂ©s. Au lieu de plusieurs dossiers
diffĂ©rents, câest un dossier unique quâil devra constituer.
284. Dans les endroits oĂč les guichets uniques nâont pas encore Ă©tĂ© mis sur pied,
lâentrepreneur sera obligĂ©, en plus de son inscription au RCCM, de faire le tour des
Administrations pour accomplir les diffĂ©rentes formalitĂ©s qui sâimposent. Dans ce cas, la
procĂ©dure de formalisation de lâentreprise peut ĂȘtre longue et coĂ»teuse : longue parce que
les dĂ©lais de traitement varient dâune Administration Ă une autre ; coĂ»teuse parce quâil
faudra constituer Ă chaque fois un dossier diffĂ©rent et que des frais pourraient ĂȘtre demandĂ©s
pour chaque formalité.
285. Il est vrai que, telle quâelle est dĂ©crite par les dispositions de lâAUDCG, la
dĂ©claration dâactivitĂ© est censĂ©e ĂȘtre une procĂ©dure simplifiĂ©e et rapide. Mais il faut
admettre que cette simplicitĂ© et cette rapiditĂ© sâobservent pour tous les entrepreneurs grĂące
Ă lâouverture de guichets uniques. La crĂ©ation de ces derniers fait partie de la politique de
simplification des procédures de création des entreprises développée par les Etats. Les
facilités qui en résultent et notamment la célérité dans le traitement des dossiers et la
déduction du coût des formalités ne profitent pas aux entreprenants seuls mais à tous les
entrepreneurs. Câest donc lâouverture des guichets uniques quâil faut saluer et encourager
car, en lâabsence de tels centres, ceux qui optent pour le statut dâentreprenant devront, en
plus de la dĂ©claration dâactivitĂ©, accomplir dâautres formalitĂ©s qui peuvent sâavĂ©rer longues
et coûteuses.
286. La dĂ©claration dâactivitĂ©, malgrĂ© les avantages auxquels elle donne droit, peut
engendrer certains problĂšmes.
Paragraphe 2. Une formalité peu opportune pour les entrepreneurs civils au regard
des problÚmes engendrés à leur égard
287. Avant la rĂ©vision de lâAUDCG en 2010, les entrepreneurs civils nâĂ©taient pas tenus
de se faire enregistrer dans le RCCM. Pour régulariser leurs activités, ils devaient accomplir
les formalitĂ©s que la loi leur imposait en rapport avec leur secteur dâactivitĂ©. Depuis
lâavĂšnement de lâentreprenant, ceux qui optent pour ce statut doivent systĂ©matiquement se
déclarer au RCCM quelle que soit la nature de leur activité. Ainsi, entrepreneurs
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 143
commerçants et entrepreneurs civils peuvent effectuer une dĂ©claration dâactivitĂ© dans le but
de se formaliser.
288. Pour ceux qui exercent une activitĂ© commerciale, lâexigence dâune inscription au
RCCM nâest pas une nouveautĂ©. En revanche, pour beaucoup dâentrepreneurs civils
lâinscription dans ce registre est une formalitĂ© nouvelle. Ce changement occasionne des
problÚmes (A) auxquels il est impératif de trouver des solutions (B).
A. Les problĂšmes causĂ©s par la dĂ©claration dâactivitĂ© des entrepreneurs civils
289. Pour quelques-uns, la dĂ©claration dâactivitĂ© au RCCM est une formalitĂ©
supplĂ©mentaire (1) dont les bĂ©nĂ©fices peuvent ĂȘtre temporaires (2).
1. Une formalité supplémentaire
290. Avant la crĂ©ation du statut dâentreprenant, les entrepreneurs non commerçants
nâĂ©taient pas tenus de se faire immatriculer mais, en fonction de la lĂ©gislation de chaque
pays, devaient accomplir des formalitĂ©s prĂ©cises pour exercer lĂ©galement. Câest par exemple
le cas en matiĂšre artisanale oĂč lâinscription des artisans Ă un registre spĂ©cial est trĂšs souvent
requise par les lois nationales. Câest le cas au BĂ©nin oĂč lâarticle 12 de la loi rĂ©gissant
lâactivitĂ© artisanale prĂ©voit une inscription des artisans au registre des mĂ©tiers de la Chambre
et lâacquisition dâune carte dâidentification professionnelle auprĂšs des structures
compétentes.
Au Congo, lâarticle 19 de la loi n°7-2010 du 22 juin 2010 rĂ©gissant lâartisanat en
RĂ©publique du Congo, subordonne lâexercice de la profession dâartisan par des personnes
physiques Ă lâinscription au rĂ©pertoire des mĂ©tiers et Ă lâobtention dâune carte
professionnelle. Lâarticle 20 du mĂȘme texte de loi prĂ©cise que le rĂ©pertoire des mĂ©tiers
constitue, avec le registre des entreprises artisanales réservé aux personnes morales, « les
cadres lĂ©gaux dâidentification des agents opĂ©rant dans le domaine artisanal». Tout artisan
qui exerce sans avoir accompli cette formalité légale est réputée exercer en dehors du cadre
lĂ©gal, câest-Ă -dire de maniĂšre informelle.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 144
En CĂŽte dâIvoire lâarticle 33 alinĂ©a 1 de la loi de 2014 relative Ă lâartisanat dispose
quâun Registre des MĂ©tiers a Ă©tĂ© instituĂ© auprĂšs des Chambres des mĂ©tiers aux fins de
recevoir lâimmatriculation des personnes physiques ayant la qualitĂ© dâartisan. Ces derniers
doivent se faire immatriculer au plus tard trois (03) mois aprĂšs leur identification par la
Chambre des métiers de leur ressort territorial. Le manquement à cette obligation peut
entraĂźner le paiement dâune pĂ©nalitĂ© de retard.
Au Cameroun, lâarticle 10 de la loi n° 2007/004 du 03 juillet 2007 rĂ©gissant
lâartisanat dĂ©clare que tous les artisans et entreprises artisanales doivent se faire enregistrer
dans un rĂ©pertoire tenu par la commune de leur ressort dâactivitĂ©s. Lâenregistrement Ă ce
répertoire est gratuit et doit avoir lieu dans les trois (03) mois de chaque année241. Sur ce
dernier point le dĂ©cret camerounais nâest pas clair et on peut se demander si lâenregistrement
doit se faire chaque année pendant trois mois ou une seule fois au cours des trois mois qui
suivent la crĂ©ation de lâactivitĂ©. Cette derniĂšre hypothĂšse semble ĂȘtre la plus plausible car il
est dit que le répertoire est tenu chronologiquement. Ceci a sans doute pour but de
dĂ©terminer la date de crĂ©ation des entreprises artisanales. Quoi quâil en soit, ceux qui
exercent une activité artisanale sont tenus de se faire enregistrer auprÚs de la commune du
lieu de leur activitĂ©. Pour cela ils doivent remplir une fiche de dĂ©claration dâactivitĂ© en
fournissant les informations suivantes : les nom et prénom, les date et lieu de naissance, le
secteur de lâartisanat concernĂ© (art, production ou service), la spĂ©cification du mĂ©tier, la
description sommaire de lâactivitĂ©, la localisation du lieu dâexercice, et Ă©ventuellement
lâappartenance Ă une organisation de lâĂ©conomie sociale du secteur de lâartisanat. Ladite
dĂ©claration est accompagnĂ©e dâune photocopie de la carte nationale dâidentitĂ©. Lâartisan qui
la dĂ©pose se voit immĂ©diatement dĂ©livrer une attestation dâenregistrement. Dora Hortense
BEONDO NGABELA, déléguée du MinistÚre des Petites et Moyennes Entreprises, de
lâEconomie Sociale et de lâArtisanat (MINPMEESA) dans le dĂ©partement du Wouri en 2015
affirmait, quâau Cameroun, lâinstitution dâun rĂ©pertoire communal avait pour but
dâidentifier les artisans et de les faire sortir du secteur informel242. Comme câest Ă©galement
le cas dans les pays mentionnĂ©s plus haut, câest cette inscription qui donne aux artisans
inscrits rĂ©gularitĂ©. Elle leur permet de bĂ©nĂ©ficier de certains avantages tels que lâinformation
241 Voi a t. du d et ° / /PM du o e e fi a t les odalit s dâappli atio de la
loi n° 2007/004 du 03 juillet gissa t lâa tisa at au Ca e ou . 242 P opos ti s de lâa ti le dâu auteu i o u i titul « Cameroun-Artisanat : un secteur peu connu et sous
exploité », publié le 15 septembre 2015 sur le site ww.237online.com.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 145
et le conseil de base, lâassistance individuelle Ă la gestion, lâassistance technique collective,
lâassistance commerciale, lâassistance technologique et des facilitĂ©s financiĂšres.
291. Quand on considÚre ces formalités que les lois nationales prescrivent aux
entrepreneurs civils, la question que lâon se pose est celle de savoir si la dĂ©claration
dâactivitĂ© prĂ©vue par lâAUDCG suffira Ă faire de ces entrepreneurs civils des opĂ©rateurs en
situation rĂ©guliĂšre. Cela revient, en dâautres termes, Ă se demander si les entreprenants civils
seront encore obligĂ©s dâaccomplir les formalitĂ©s que les lois nationales rĂ©gissant leurs
activitĂ©s prescrivent ou sâils en seront dispensĂ©s. Il faut signaler que rien dans la loi
communautaire ne permet dâaffirmer que les entreprenants civils seront dispensĂ©s
dâaccomplir les formalitĂ©s dâinscription ou dâenregistrement qui sont propres Ă leur domaine
dâactivitĂ©. Bien au contraire, tout porte Ă croire que, malgrĂ© la dĂ©claration dâactivitĂ© ils
devront quand mĂȘme se faire inscrire conformĂ©ment Ă ce que la loi nationale leur indique.
Lâexemple ivoirien lâatteste bien avec lâarticle 17 de la loi n° 2014-338 du 05 juin 2014
relative Ă lâartisanat qui dispose que « sans prĂ©judice des dispositions des articles 62 Ă 65
de lâActe uniforme rĂ©visĂ© portant sur le droit commercial gĂ©nĂ©ral, toute personne physique
qui exerce dans le secteur de lâartisanat est tenue de sâinscrire au Registre des MĂ©tiers ».
Câest dire quâen CĂŽte dâIvoire, le fait pour les artisans de se dĂ©clarer au RCCM ne les
dispense pas de leur obligation de sâinscrire au Registre des MĂ©tiers. Pour les entrepreneurs
civils, la dĂ©claration dâactivitĂ© apparait dĂšs lors comme une formalitĂ© supplĂ©mentaire.
2. Un assujettissement temporaire Ă certaines dispositions du droit commercial
292. La dĂ©claration dâactivitĂ© permet aux entrepreneurs du secteur informel de se
formaliser. Les entrepreneurs civils qui lâaccomplissent acquiĂšrent le statut dâentreprenant
et, en tant que tels, sont soumis aux dispositions du droit commercial en qui concerne la
preuve et la prescription des actes accomplis dans lâexercice de leurs activitĂ©s. Ce qui nous
intĂ©resse ici câest leur situation une fois quâils perdent le statut dâentreprenant. La loi
communautaire fait clairement savoir quâils cesseront de bĂ©nĂ©ficier de certaines dispositions
du droit commercial et ne donne aucune garantie en ce qui concerne leur régularité.
293. La fin de lâassujettissement Ă certaines dispositions de lâAUDCG. « Le droit
OHADA accorde aux commerçants certains droits dont ne disposent pas les personnes
physiques ou morales nâayant pas le statut de commerçant, tout en leur imposant certaines
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 146
obligations et responsabilités. Dans leurs opérations commerciales, les commerçants sont
notamment assujettis à des rÚgles de preuve et des délais de prescription différents de ceux
applicables aux personnes physiques ou morales non commerçantes »243. Cette affirmation
montre quâen principe les rĂšgles applicables aux entrepreneurs commerçants ne sont pas les
mĂȘmes que celles qui sont appliquĂ©es aux entrepreneurs civils. De maniĂšre exceptionnelle,
le lĂ©gislateur communautaire nâa pas voulu faire de diffĂ©rence entre les commerçants et les
non commerçants exerçant sous le statut dâentreprenant. Tous sont soumis aux rĂšgles du
droit commercial rĂ©gissant la preuve et la prescription244. Cette situation nâest pas sans
consĂ©quence car ce nâest quâen tant quâentreprenants que les professionnels civils peuvent
bĂ©nĂ©ficier des dispositions de lâAUDCG encadrant ces deux derniĂšres matiĂšres. Une fois
quâils perdent ce statut, on cesse de leur appliquer les rĂšgles du droit commercial et câest
aux rĂšgles du droit civil quâon devra se rĂ©fĂ©rer pour traiter les litiges les concernant. Ces
entrepreneurs qui se sont vus appliquer les dispositions du droit commercial, seront
dorénavant soumis à des dispositions différences issues du droit civil. Pour des litiges du
mĂȘme genre, les mĂȘmes entrepreneurs se verront appliquer des rĂšgles diffĂ©rentes. Cela ne
justifie pas, surtout si lâon veut considĂ©rer le statut de lâentreprenant comme un statut
intermĂ©diaire par lequel les entrepreneurs sont censĂ©s se familiariser avec les rĂšgles. Dâun
point de vue juridique, ce changement est également critiquable car il établit une différence
de traitement entre les professionnels civils. Pour des situations similaires, des entrepreneurs
qui exercent pourtant la mĂȘme activitĂ© seront soumis Ă des dispositions diffĂ©rentes pour la
simple raison quâils nâont pas le mĂȘme statut. A lâun on appliquera les dispositions de
lâAUDCG parce quâil est inscrit au RCCM en tant quâentreprenant ; Ă lâautre on imposera
les dispositions du droit civil parce quâil exerce sous un statut classique dâentrepreneur
individuel. Câest Ă juste titre quâAkodah AYEWOUADAN affirmait que des disparitĂ©s ont
Ă©tĂ© renforcĂ©es au sein mĂȘme de la catĂ©gorie dâentreprenant245. Une telle incohĂ©rence invite
Ă se demander si ces entrepreneurs civils conservent au moins un statut lĂ©gal une fois quâils
ne peuvent plus ĂȘtre entreprenants.
294. Un retour possible Ă lâinformalitĂ©. Il est important de toujours se rappeler que le
243 B. MARTOR, N. PILKINGTON, D. SELLERS et S. THOUVENOT, Le droit uniforme africain des affaires issu de
lâOHADA, Paris, Lexis Nexis, 2009.
244 A t. de lâAUDCG. 245 A. AYEWOUADAN, Lâe t ep e a t en Droit uniforme OHADA, in RRJ Droit prospectif, (2013-1), p. 321, n°
44.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 147
statut de l'entreprenant a principalement été créé afin d'attirer les opérateurs du secteur
informel vers le secteur formel. Il a pour but de doter ces entrepreneurs dâun statut lĂ©gal
grùce auquel ils pourront se prévaloir des dispositions relatives à la preuve, à la prescription
et au bail Ă usage commercial246. La jouissance de ce statut est conditionnĂ©e et lâentrepreneur
qui ne remplit plus les conditions prévues par la loi ne peut plus se prévaloir du statut
dâentreprenant. En effet, il est dit aux alinĂ©as 4 et 5 de l'article 30 de l'AUDCG que
« Lorsque, durant deux années consécutives, le chiffre d'affaires de l'entreprenant excÚde
les limites fixées pour ses activités par l'Etat Partie sur le territoire duquel il les exerce, il
est tenu, dÚs le premier jour de l'année suivante et avant la fin du premier trimestre de cette
année, de respecter toutes les charges et obligations applicables à l'entrepreneur individuel.
DÚs lors, il perd sa qualité d'entreprenant et ne bénéficie plus de la législation spéciale
applicable à l'entreprenant. Il doit en conséquence se conformer à la réglementation
applicable Ă ses activitĂ©s ». DâaprĂšs cet article, il nâest pas possible de conserver le statut
dâentreprenant lorsquâon dĂ©passe le plafond du chiffre dâaffaires fixĂ© par la loi.
Lâentrepreneur qui se trouve dans une telle situation est tenu de se conformer Ă toutes les
obligations qui incombent à son nouveau statut. Il doit, entre autres, accomplir les formalités
dâenregistrement prescrites pour son domaine dâactivitĂ©. Le lĂ©gislateur montre ainsi quâil
appartient Ă lâentrepreneur de se mettre en rĂšgle quel que soit son nouveau statut. Il s'agira,
pour un entrepreneur dont l'activité est commerciale, de se conformer à la réglementation
applicable au commerce, c'est à dire aux dispositions régissant le statut du commerçant. Il
devra se faire immatriculer au RCCM. Les entrepreneurs civils, eux, devront accomplir la
ou les formalitĂ©s indiquĂ©es par la loi encadrant leurs activitĂ©s. A dĂ©faut dâaccomplir ces
formalités, ils risquent à nouveau de se retrouver en situation irréguliÚre, dépourvus de statut
lĂ©gal. Ils risquent de retourner dans lâinformalitĂ©. Cette situation met en exergue la prĂ©caritĂ©
du statut de lâentreprenant. La lĂ©galitĂ© qu'il confĂšre Ă ses titulaires est menacĂ©e une fois que
ceux-ci dĂ©passent le seuil du chiffre dâaffaires prĂ©vu par la loi. Pour Ă©viter un tel retour en
arriÚre, le législateur aurait pu prévoir des solutions qui permettraient aux entrepreneurs de
garder basculer automatiquement vers un autre statut légal.
246 Dispositions auxquelles les opérateurs du secteur informel ne peuvent se prévaloir.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 148
B. Des solutions envisageables pour remédier aux problÚmes soulevés
295. « Lâune des principales conditions de lâefficacitĂ© et de la compĂ©titivitĂ© (âŠ) est la
cohérence juridique »247. Cette affirmation de Félix ONANA ETOUNDI est la bienvenue
dans un contexte comme celui de lâOHADA oĂč on dĂ©nombre des incohĂ©rences. Jusquâen
2010, lâAUDCG rĂ©gissait essentiellement les activitĂ©s des commerçants. Depuis sa rĂ©vision,
il encadre Ă©galement les activitĂ©s dâune nouvelle catĂ©gorie de professionnels : les
entreprenants. En intĂ©grant ces acteurs dans le droit des affaires communautaire, lâOHADA
a fait incursion dans le domaine civil248. Cette situation ne sâest pas faite sans consĂ©quences
car des problĂšmes sont susceptibles de se poser lorsque les entreprenants civils perdent leur
statut. Non seulement ils tombent sous le coup du droit civil, mais en plus ils risquent de se
retrouver dans une situation informelle. Pour pallier Ă ces difficultĂ©s, lâon devrait songer Ă
faire du RCCM le principal registre dâinscription de tous les opĂ©rateurs Ă©conomiques (1) et
attribuer Ă ces derniers des numĂ©ros dâidentification quâils conserveront Ă vie (2).
1. Lâinstauration du RCCM comme registre dâinscription de tous les opĂ©rateurs
Ă©conomiques
296. Les formalitĂ©s dâenregistrement des entrepreneurs civils varient non seulement en
fonction des activités mais également en fonction des pays. Cette situation est tout à fait
justifiée car les activités civiles sont encadrées par les lois nationales et relÚvent de la
compétence de différentes Administrations. On a, par exemple, pour les activités artisanales
les chambres artisanales et pour les activitĂ©s agricoles, les chambres dâagriculture. En
fonction de la nature ou de la catégorie de son activité, un entrepreneur sera tenu de se faire
enregistrer auprĂšs de lâune ou de lâautre chambre. Les entrepreneurs commerçants, eux,
doivent se faire enregistrer au RCCM. Cet enregistrement au RCCM est Ă©galement requis
pour tous ceux qui optent pour le statut dâentreprenant, que leur activitĂ© soit civile ou
commerciale. Si cette possibilitĂ© leur est offerte en tant quâentreprenant, on pourrait
247 F. ONANA ETOUNDI, « Les e p ie es dâha o isatio des lois e Af i ue », in Re ueil dâ tudes su
lâOHADA et les o es ju idi ues af i ai es, vol. VI, col. Horizons Juridiques Africaines, Centre de Droit
Ă©conomique, PUAM, p. 11.
248 A. AYEWOUADAN, « Lâe treprenant en Droit uniforme OHADA », in RRJ Droit prospectif, (2013-1), p. 311,
n° 22.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 149
Ă©galement lâenvisager pour de simples entrepreneurs individuels. Le RCCM deviendrait
alors le registre commun Ă tous les entrepreneurs, câest-Ă -dire celui dans lequel tous les
entrepreneurs seraient inscrits. Une telle mesure sâavĂšre nĂ©cessaire pour plusieurs raisons et
nécessitera que des aménagements soient effectués.
1.1. Les raisons de la mesure
297. Nous convenons avec FĂ©lix ONANA ETOUNDI que lâharmonisation des lois
constitue un pilier du processus de croissance et de développement économique249. Depuis
lâadoption du statut de lâentreprenant, lâinscription de tous les entrepreneurs Ă un registre
unique sâimpose comme une nĂ©cessitĂ©. Le RCCM semble ĂȘtre le rĂ©pertoire le plus indiquĂ©
pour accueillir les inscriptions des différents opérateurs économiques. Non seulement il est
prĂ©sent dans tous les pays membres de lâOHADA mais en plus de cela, il est devenu un
vĂ©ritable registre des activitĂ©s Ă©conomiques depuis la rĂ©vision de lâAUDCG en 2010.
a. Le RCCM : un registre des activités économiques ou du professionnel depuis
la révision de 2010
298. Dans lâexposĂ© quâil avait prĂ©sentĂ© lors du colloque sur les transformations du droit
commercial en 2007, Bernard SAINTOURENS montrait déjà que le droit commercial ne
concerne plus le commerçant seul en affirmant que «la catégorie juridique des
commerçants, personnes physiques ou morales, demeure, mais il nâest plus possible, si cela
a pu ĂȘtre vrai un jour, de considĂ©rer quâelle suffit Ă englober tous les acteurs de la vie
économique »250. Cette affirmation trouve tout son sens dans le contexte des pays membres
de lâOHADA depuis la rĂ©vision de lâAUDCG en 2010. Ce dernier Acte uniforme ne
concerne plus seulement les commerçants, mais tous les professionnels, y compris les
entrepreneurs civils251. Cela Ă©tant, on se demande si lâheure nâest pas venue de passer de
249 F. ONANA ETOUNDI, « Les e p ie es dâha o isatio des lois e Af i ue », in Recueil dâ tudes su
lâOHADA et les o es ju idi ues af i ai es, vol. VI, col. Horizons Juridiques Africaines, Centre de Droit
Ă©conomique, PUAM, p. 11.
250 B. SAINTOURENS, « Des commerçants aux professionnels, de la justice commerciale à la justice
Ă©conomique », ollo ue o ga is pa lâU i e sit de Pa is Pa th o -Sorbonne et la Cour de cassation sur
le thĂšme : 1807-2007. Bicentenaire du code de commerce : la transformation du droit commercial sous
lâi pulsion de la jurisprudence, 2007.
251 Sur cette question, voir : D. TRICOT, « Le d oit OHADA au soutie de lâe t ep ise ag i ole », p.1, Ohadata
D-12-56 ; J. DIFFO TCHUNKAM, « Du droit commer ial g al au d oit o o i ue. Lâesp it de la fo e
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 150
lâActe uniforme relatif au droit commercial gĂ©nĂ©ral Ă lâActe uniforme relatif aux activitĂ©s
Ă©conomiques. Suivant la mĂȘme logique, on pourrait appliquer le mĂȘme changement au
RCCM qui, en réalité, est devenu un registre du professionnel ou des activités économiques.
Les professeurs POUGOUE et KALIEU, parlant du fait que la distinction Droit civil â Droit
commercial avait tendance à disparaßtre, affirmaient déjà en 2008 que le RCCM, purement
commercial, est lentement mais sûrement en passe de devenir un registre des activités
Ă©conomiques252. Il nous semble aujourdâhui que le nom qui lui convient est celui de Registre
des Activités Economiques et du Crédit Mobilier car, outre les commerçants, des non
commerçants peuvent dĂ©sormais sây faire inscrire.
299. Si lâinscription de ces derniers au RCCM se fait en tant quâentreprenants, on pourrait
Ă©galement lâenvisager sous dâautres statuts. Les professionnels civils ne seraient plus
seulement obligĂ©s dâavoir le statut de lâentreprenant pour ĂȘtre inscrits au RCCM, ils
pourraient Ă©galement y figurer en tant quâartisans, agriculteurs, professionnels libĂ©raux, etc.
Ceux qui sây Ă©taient inscrits par le biais de la dĂ©claration dâactivitĂ© pourraient quand mĂȘme
conserver leur inscription malgrĂ© la perte du statut dâentreprenant. Ainsi, faire du RCCM le
registre de tous les entrepreneurs (civils et commerçants) permettrait dâĂ©viter les difficultĂ©s
auxquelles les professionnels civils peuvent ĂȘtre confrontĂ©s lorsquâils ne peuvent plus
conserver le statut dâentreprenant. Tous les entrepreneurs seraient inscrits au RCCM et
resteraient assujettis aux rĂšgles du droit communautaire quel que soit leur statut.
300. Outre la solution quâelle apporterait aux problĂšmes des entrepreneurs civils,
lâinstauration du RCCM comme rĂ©pertoire de tous les opĂ©rateurs Ă©conomiques peut
Ă©galement ĂȘtre une solution qui faciliterait le recensement des entreprises. Etant donnĂ©
quâon retrouve ce registre dans tous les Etats membres de lâOHADA, il serait plus facile de
de lâa te OHADA elatif au d oit o e ial g al op e le d e e », in Re ueil dâ tudes su
lâOHADA et les o es ju idi ues af i ai es, vol. VI, col. Horizons Juridiques Africaines, Centre de Droit
Ă©conomique, PUAM, p. 170, n°2 ; M. GONOMY, « Le statut de lâe t ep e a t da s lâAUDCG is : entre le
pass et lâa e i », in Revue de lâE su a, (septembre 2014), n° 4. Certains auteurs abordaient dĂ©jĂ la
question des annĂ©es plus tĂŽt : B. MARTOR et S. THOUVENOT, « Lâu ifo isatio du d oit des affai es e
Af i ue pa lâOHADA », in Se ai e Ju idi ue, JCP, Cahie s de d oit de lâe t ep ise, (2004), n° 5, pp. 5-11 ; J.
LOHOUES OBLES, « Innovation dans le droit commercial général », in Petites Affiches, (13 octobre 2004), n°
205.
252 P.G POUGOUE et Y. R. KALIEU ELONGO, I t odu tio iti ue Ă lâOHADA, PUA, 2008, p. 139.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 151
sâen servir pour rĂ©pertorier les entreprises qui existent dans chaque pays en particulier et
dans la communauté en général.
b. Le RCCM : un registre commun Ă tous les Etats membres
301. Actuellement dans les Etats membres, les opérateurs économiques sont appelés à se
faire enregistrer auprĂšs de structures diffĂ©rentes et il nâest pas toujours aisĂ© de connaĂźtre le
nombre dâentreprises qui existent en gĂ©nĂ©ral et par secteur dâactivitĂ©s. En prescrivant
lâinscription de tous les entrepreneurs Ă un mĂȘme registre, il serait certainement plus facile
de dénombrer les entreprises formelles et de les classer par catégories aussi bien aux niveaux
local et national, quâau niveau rĂ©gional. Le RCCM nous semble ĂȘtre le registre le plus
indiquĂ© pour une telle mission car, en principe, tous les Etats membres de lâOrganisation en
sont dotĂ©s. Au niveau interne, il est assez rĂ©pandu et peut ĂȘtre plus accessible que tout autre
registre. Au Cameroun par exemple, il est tenu par le greffe du Tribunal de PremiĂšre
Instance quâon retrouve en principe au niveau de chaque arrondissement253. Il peut donc ĂȘtre
assez répandu sur le territoire camerounais. Par contre, les organismes habilités à recevoir
les inscriptions des artisans et des agriculteurs sont trĂšs peu connus et surtout trĂšs peu
reprĂ©sentĂ©s. Aucun dâeux nâest prĂ©sent au CFCE qui est pourtant le centre dĂ©diĂ© aux
formalités des entreprises. Cette situation est bien curieuse car le greffe qui gÚre le RCCM
ne concerne en réalité que les commerçants et les entreprenants. On peut alors se demander
quelle formalité les entrepreneurs civils, notamment les artisans et les agriculteurs, doivent
accomplir pour exister formellement. Le CFCE nâa Ă©tĂ© prĂ©vu que pour la formalisation de
ceux qui exercent une activité commerciale et de ceux qui optent pour le statut
dâentreprenant. Prescrire lâinscription au RCCM Ă tous les opĂ©rateurs Ă©conomiques
permettrait dâenrayer ces diffĂ©rences entre les entrepreneurs. Ce serait Ă©galement un moyen
de simplifier et de faire connaĂźtre au grand public les procĂ©dures dâenregistrement des
artisans et des agriculteurs.
302. Dans lâĂ©tat actuel des dispositions de lâAUDCG, les professionnels civils qui optent
pour le statut dâentreprenant sont obligĂ©s de se dĂ©clarer au RCCM et dâaccomplir les
formalités prescrites pour leur activité. Ils accomplissent donc une formalité supplémentaire
253 Les a o disse e ts so t les plus petites i o s iptio s ad i ist ati es au Ca e ou . Jus uâe ,
elles Ă©taient au nombre de hiff es o u i u s pa lâi stitut atio al de la âtatisti ue o t e
départements et 10 régions.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 152
par rapport aux autres entrepreneurs. Par ailleurs, une fois quâils perdent le statut
dâentreprenant, ils tombent sous le coup des lois nationales et ne se voient plus appliquer
certaines dispositions de lâAUDCG. Contrairement Ă eux, les entreprenants qui exercent une
activitĂ© commerciale nâont que la dĂ©claration dâactivitĂ© Ă accomplir et demeurent assujettis
aux dispositions de lâAUDCG malgrĂ© la perte de leur statut. Ces disparitĂ©s sont difficiles Ă
justifier. Elles crĂ©ent au sein du droit des affaires de lâOHADA des incohĂ©rences quâil
faudrait corriger.
Lâinstauration dâun registre dâinscription commun Ă tous les entrepreneurs
permettrait de tous les loger Ă la mĂȘme enseigne. Pour leur formalisation, tous les opĂ©rateurs
Ă©conomiques seraient tenus dâaccomplir la mĂȘme formalitĂ© : se faire enregistrer au RCCM.
Quant aux inscriptions auprÚs des organismes spécialisés en matiÚre agricole ou artisanale,
elles auraient simplement pour but de procurer des avantages particuliers Ă ceux qui les
effectueraient. Lâabsence dâinscription au RCCM serait le critĂšre (ou lâun des critĂšres) qui
permettrait dâidentifier les entreprises du secteur informel, quelle que soit la nature de son
activité. Les entrepreneurs en situation formelle se verraient appliquer les rÚgles de la preuve
et de la prescription indĂ©pendamment du fait quâils soient entreprenants ou pas. La mise en
Ćuvre dâune telle mesure va nĂ©cessiter que la configuration du RCCM soit modifiĂ©e, que
des aménagements soient effectués.
1.2. Les aménagements à effectuer dans le RCCM
303. Faire du RCCM le registre dâinscription de tous les entrepreneurs aura une incidence
sur sa structuration. Dans les articles 36 et suivants de lâAUDCG, on peut retrouver son
organisation actuelle. Le RCCM est tenu à trois niveaux différents. Au niveau local, il est
tenu par le greffe de la juridiction compĂ©tente ou par lâorgane compĂ©tent Ă cet effet. Il en
existe donc plusieurs dans chaque Etat membre. Les renseignements consignés dans le
RCCM à ce premier stade sont centralisés dans un fichier National. A leur tour, les
informations contenues dans les fichiers nationaux sont recensées dans un fichier Régional
tenu auprĂšs de la Cour Commune de Justice et dâArbitrage de lâOHADA.
304. Le RCCM comprend dans lâordre chronologique des informations sur lâinscription
(dĂ©claration dâactivitĂ© ou immatriculation, date dâaccomplissement de la formalitĂ© et
numĂ©ro dâenregistrement), le demandeur et son activitĂ© ainsi que les piĂšces dĂ©posĂ©es ; un
répertoire alphabétique des personnes immatriculées et des entreprenants ; un répertoire par
numéro attribués ; un dossier individuel pour chaque entrepreneur.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 153
305. Pour ĂȘtre capable dâaccueillir les inscriptions des entrepreneurs de tous statuts et de
toutes activitĂ©s confondues, le RCCM devra faire lâobjet de quelques amĂ©nagements. Aux
différents stades présentés ci-dessus, on pourrait par exemple trouver un registre général et
des registres spécialisés. Le registre général recenserait chronologiquement et
alphabĂ©tiquement toutes les inscriptions en prĂ©cisant Ă chaque fois la nature de lâactivitĂ© ou
des activitĂ©s exercĂ©e(s) et le statut de lâentrepreneur. Les registres spĂ©cialisĂ©s, eux, seraient
destinĂ©s Ă recevoir les inscriptions par catĂ©gories dâactivitĂ©s. On distinguerait ainsi le
registre des activités commerciales, le registre des activités artisanales, le registre des
activitĂ©s agricoles et, pourquoi pas, le registre des activitĂ©s libĂ©rales. Lâentrepreneur qui
exerce des activités de natures différentes serait inscrit aux différents registres spécialisés
correspondant à la nature de ses activités254. Pour chacune de ses inscriptions, on précisera
sâil sâagit de lâactivitĂ© principale ou dâune activitĂ© secondaire. Par exemple, une personne
qui exerce une activité artisanale et une activité commerciale sera enregistrée au registre
général, au registre des activités artisanales et au registre des activités commerciales. En
consultant le registre général, les tiers pourront savoir que cette personne exerce des activités
artisanales et commerciales à la fois. En consultant les registres spécialisés, on pourrait
identifier lâactivitĂ© principale de lâentreprise et celle qui est exercĂ©e accessoirement.
306. Comme cela a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© plus haut, si lâon sâen tient Ă ce qui a Ă©tĂ© adoptĂ© lors de
la rĂ©vision de dĂ©cembre 2010, les dispositions de lâAUDCG en matiĂšre de rĂ©gularisation ou
formalisation, de prescription et de preuve sont applicables aux entrepreneurs civils tant
quâils ont le statut dâentreprenant. Leur assujettissement aux rĂšgles de lâOHADA est
temporaire et cela est lourd de conséquences. Pour leur assurer une stabilité et leur appliquer
les rĂšgles de lâOHADA de maniĂšre pĂ©renne, il est non seulement important que lâon fasse
du RCCM le registre dâinscription de tous les entrepreneurs, y compris les entrepreneurs
civils qui nâont pas la qualitĂ© dâentreprenant. En plus de cela, il faudrait mettre sur pied un
dispositif qui permet dâattribuer aux entrepreneurs individuels un numĂ©ro dâidentification
dĂ©finitif, un numĂ©ro quâils conserveront Ă vie.
254 Câest le as de lâauto-entrepreneur qui peut Ă la fois ĂȘtre immatriculĂ© au RCS et au RM.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 154
2. Lâattribution dâun numĂ©ro dâidentification Ă vie Ă tous les opĂ©rateurs
Ă©conomiques
307. La mise sur pied dâun nouveau dispositif visant Ă dĂ©livrer Ă chaque entrepreneur
inscrit au RCCM un numĂ©ro dâidentification Ă vie se rĂ©vĂšle nĂ©cessaire lorsquâon considĂšre
les Ă©cueils du dispositif actuel.
2.1. Les Ă©cueils du dispositif actuel
308. DâaprĂšs les dispositions de lâAUDCG communautaire, le numĂ©ro dâinscription au
RCCM est personnel. Pourtant en lâĂ©tat actuel de la lĂ©gislation, ce numĂ©ro nâest pas dĂ©finitif
car tout changement dans le statut de lâentrepreneur ou dans le lieu dâexercice de son activitĂ©
entraine un changement de numéro.
a. Le changement de numĂ©ro en cas de changement de statut de lâentrepreneur
309. Trois cas de changement de statut montrent bien le changement que cela implique
sur le numĂ©ro de lâentrepreneur255.
310. Le passage du statut dâentreprenant Ă un statut classique. Lâentreprenant qui
exerce une activité commerciale sera obligé de se faire immatriculer pour passer au statut
de commerçant. Etant donnĂ© quâen lâĂ©tat actuel de la lĂ©gislation une personne ne peut Ă la
fois ĂȘtre dĂ©clarĂ©e et enregistrĂ©e, cet entrepreneur devra dâabord faire radier sa dĂ©claration
avant de se faire immatriculer. Cette transaction va certainement entrainer la suppression du
premier numĂ©ro sous lequel il exerçait en tant quâentreprenant et la dĂ©livrance dâun autre
numĂ©ro sous lequel il exercera en tant que commerçant. De mĂȘme, lâentrepreneur qui exerce
une activitĂ© civile sous le statut de lâentreprenant ne pourra plus conserver ce statut et, par
consĂ©quent, son numĂ©ro de dĂ©claration sâil dĂ©passe le plafond du chiffre dâaffaires pendant
deux années consécutives.
311. Le passage du statut de commerçant Ă celui dâentreprenant. Comme cela a Ă©tĂ©
démontré précédemment, le commerçant immatriculé au RCCM qui souhaiterait bénéficier
du statut de lâentreprenant devra dâabord faire radier son immatriculation avant de procĂ©der
Ă sa dĂ©claration dâactivitĂ©. Ainsi, le numĂ©ro personnel qui lui avait Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© au moment
255 En France, grĂące au SIREN, un auto-entrepreneur o se e so u o dâide tifi atio u i ue alg le
passage Ă un autre rĂ©gime ou statut. âu ette uestio , oi lâa ti le de L. NURIT-PONTIER, « Dispense
dâi at i ulatio de lâauto-entrepreneur : une simplification non dĂ©nuĂ©e de risques », D. 2009, Chron. p 587.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 155
de son immatriculation sera annulĂ© et un numĂ©ro lui sera attribuĂ© Ă lâissue de sa
déclaration256.
312. Le passage dâune activitĂ© commerciale Ă une activitĂ© civile. Lâentreprenant ou le
commerçant qui dĂ©cidera de passer dâune activitĂ© commerciale Ă une activitĂ© civile devra
forcĂ©ment solliciter sa radiation du RCCM. La cessation de lâactivitĂ© commerciale
entrainera ipso facto lâannulation de son inscription au RCCM.
b. Le changement de numĂ©ro en cas de changement du lieu dâactivitĂ©
313. Lâentrepreneur qui dĂ©place son lieu dâactivitĂ© dans le ressort dâune autre juridiction
est tenu de demander sa radiation du RCCM dans lequel il Ă©tait inscrit pour se faire
enregistrer dans le RCCM de son nouveau lieu dâexercice257. La radiation de la premiĂšre
immatriculation ou déclaration entrainerait alors annulation ou suppression du numéro
personnel qui lui avait Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©. Un numĂ©ro diffĂ©rent sera attribuĂ© Ă lâentrepreneur dans
son nouveau lieu dâexercice.
314. Ces diffĂ©rents cas de figures attestent bien que dans lâAUDCG de 2010, les numĂ©ros
personnels attribués aux entrepreneurs inscrits au RCCM ne sont que temporaires et un
mĂȘme entrepreneur individuel peut se voir attribuer plusieurs numĂ©ros personnels au cours
de sa carriĂšre. Lâentreprenant ou le commerçant qui cesse son activitĂ© et souhaite la
reprendre des annĂ©es plus tard ne se verra plus attribuer le mĂȘme numĂ©ro sous lequel il
exerçait auparavant. De mĂȘme, celui qui change simplement de lieu dâactivitĂ© pourrait
poursuivre son exploitation sous un numĂ©ro personnel diffĂ©rent. Pourtant, si lâon sâen tient
au principe juridique qui veut que lâentreprise individuelle et son auteur ne forment quâune
seule et mĂȘme entitĂ©, le numĂ©ro personnel dâun entrepreneur ne devrait pas changer quelles
que soient les circonstances. Bien au contraire, ce devrait ĂȘtre un numĂ©ro dĂ©finitif que
lâentrepreneur garderait aussi longtemps quâil vit et exerce une activitĂ© sous la forme
dâentreprise individuelle. En effet, si le statut de lâentrepreneur, la nature et le lieu de
lâactivitĂ© peuvent changer, lâentreprise reste la mĂȘme car lâidentitĂ© de lâindividu ne change
256 Le commerçant i at i ul e peut pas p ofite du statut dâe t ep e a t sauf sâil se fait adie pourtant
ils so t i s its da s le e egist e. Lâi at i ulatio au RCCM et la d la atio sâe lue t utuellement.
âoit lâo a epte de pe d e les a a tages de lâi at i ulatio pou fi ie du statut dâe t ep e a t, soit
o fi ie des a a tages de lâi at i ulatio tout e esta t sou is Ă des o ligatio s plus rigoureuses.
257 A t. et ali a de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 156
pas. Par souci de cohérence, il serait judicieux de repenser les choses en mettant sur pied un
nouveau dispositif dans lequel chaque entrepreneur individuel serait dotĂ© dâun numĂ©ro
personnel quâil conservera quels que soient les changements susceptibles de survenir. En un
mot, dâun numĂ©ro personnel Ă vie.
2.2. La mise sur pied dâun nouveau dispositif
315. Chaque entrepreneur enregistrĂ© au RCCM peut ĂȘtre dotĂ© dâun numĂ©ro quâil
conservera Ă vie si et seulement si, parallĂšlement au numĂ©ro personnel renvoyant Ă
lâentrepreneur, on attribue un numĂ©ro diffĂ©rent Ă chaque Ă©tablissement crĂ©Ă© par lui.
a. Lâattribution dâun numĂ©ro personnel et dĂ©finitif Ă chaque entrepreneur.
316. GrĂące Ă cette inscription de tous au RCCM, les entrepreneurs de tous domaines
dâactivitĂ©s auront droit Ă un numĂ©ro personnel dĂ©finitif quâils conserveront Ă vie. Chaque
entrepreneur individuel, indépendamment de la nature de son activité, se verra attribuer un
numéro au moment de son immatriculation. En fonction de la nature de son ou ses activités,
il sera inscrit dans un ou plusieurs fichiers spĂ©cialisĂ©s du RCCM. Lâinscription dans un
fichier spĂ©cialisĂ© ne nĂ©cessite pas la dĂ©livrance dâun numĂ©ro. Câest seul le numĂ©ro unique
et dĂ©finitif dâimmatriculation qui permettra dâidentifier lâentrepreneur et dâavoir les
informations sur la nature de son ou ses activités, et partant les fichiers spécialisés dans
lesquels il est inscrit.
Ainsi, lâentrepreneur qui dĂ©cidera de basculer dâune activitĂ© commerciale Ă une
activité civile (artisanat ou agriculture) sera radié du fichier spécialisé des commerçants tout
en conservant le numĂ©ro personnel dâimmatriculation qui lui avait Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© au moment de
son inscription. De mĂȘme celui qui, pour une raison quelconque choisira de cesser son
activitĂ©, pourra reprendre une activitĂ© en nom propre plus tard sous le mĂȘme numĂ©ro.
317. Ce dispositif prĂ©sente des avantages pour les entrepreneurs eux-mĂȘmes, pour
lâAdministration ou les Etats, pour les potentiels cocontractants des entrepreneurs qui
pourront apprĂ©cier lâĂ©volution des entreprises (et notamment des trĂšs petites entreprises258)
sur une durée relativement longue et, ainsi, se faire une idée plus juste de la santé
Ă©conomique.
258 Qui sont les plus nombreuses et par consĂ©quent trĂšs importantes pou la ie o o i ue dâu pa s.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 157
318. Il faut cependant préciser que le dispositif du numéro personnel à vie attribué aux
entrepreneurs ne pourrait fonctionner que si lâon dĂ©veloppe parallĂšlement un systĂšme de
numérotation des établissements qui consisterait à attribuer à chaque établissement un
numéro unique qui subsistera le temps de son fonctionnement.
b. Lâattribution dâun numĂ©ro unique et temporaire Ă chaque Ă©tablissement
319. Etant donnĂ© quâil est important que lâentrepreneur soit inscrit au RCCM du lieu oĂč
il exerce, il est nĂ©cessaire dâinstituer des numĂ©ros renvoyant aux Ă©tablissements. Ces
derniers numĂ©ros se distinguent du numĂ©ro personnel qui est unique en ce quâil a trait Ă la
personne de lâentrepreneur individuel. Ils sont attribuĂ©s par Ă©tablissement et, de ce fait sont
temporaires. A lâimmatriculation, lâentrepreneur individuel se verra dĂ©livrer deux numĂ©ros,
lâun renverra Ă sa personne et lâautre Ă lâĂ©tablissement. Pour chaque Ă©tablissement
supplĂ©mentaire, un numĂ©ro dâĂ©tablissement supplĂ©mentaire sera dĂ©livrĂ©. Etant donnĂ© que
chaque Ă©tablissement a un numĂ©ro prĂ©cis, lâentrepreneur pourra avoir autant
dâĂ©tablissements quâil le souhaite. Par ailleurs, il pourra changer de lieu dâactivitĂ© en
conservant le mĂȘme numĂ©ro dâinscription au RCCM.
320. Il faut préciser que la législation communautaire actuelle donne déjà aux
commerçants la possibilitĂ© dâavoir plusieurs Ă©tablissements. Avec le systĂšme de
lâimmatriculation principale et des immatriculations secondaires, lâentrepreneur peut faire
immatriculer des établissements secondaires dans différentes juridictions tout en conservant
le numĂ©ro de son immatriculation principale259. Il convient de prĂ©ciser quâil nâest pas
question ici du changement du lieu dâactivitĂ©, mais plutĂŽt de lâouverture de nouveaux
Ă©tablissements dans dâautres lieux. En cas de transfert de lâactivitĂ© dans le ressort territorial
dâune autre juridiction, lâentrepreneur doit requĂ©rir sa radiation du RCCM de la juridiction
oĂč il est immatriculĂ© et demander une nouvelle immatriculation au RCCM de la juridiction
oĂč il transfĂšre son activitĂ©260.
321. La mise sur pied du dispositif prĂ©conisĂ© dans ce travail permettra Ă lâentrepreneur de
changer de lieu dâactivitĂ© sans forcĂ©ment changer de numĂ©ro dâinscription au RCCM. Il
pourra se faire enregistrer dans le RCCM dâune autre juridiction tout en conservant le
numéro unique qui lui aurait initialement été attribué lors de sa formalisation. Seul le numéro
259 A t. de lâAUDCG. 260 A t. ali a de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 158
de lâĂ©tablissement changera dans la mesure oĂč câest lâĂ©tablissement qui a fermĂ© ou cessĂ©
dâexister. Lâentreprise, elle, a continuĂ© son activitĂ©. Pour se faire enregistrer dans un autre
RCCM, lâentrepreneur devra simplement solliciter, auprĂšs du greffe oĂč lâĂ©tablissement Ă©tait
implanté, la radiation de celui-ci et par conséquent la suppression du numéro unique auquel
ledit Ă©tablissement Ă©tait associĂ©. Son inscription auprĂšs du greffe du lieu oĂč il transfĂšre son
activitĂ© consistera Ă lâenregistrer sous son numĂ©ro personnel initial et Ă lui dĂ©livrer le
numĂ©ro du nouvel Ă©tablissement. Lâenregistrement en cas de changement de lieu dâexercice
consisterait, en un mot, en la dĂ©livrance dâun numĂ©ro dâĂ©tablissement.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 159
Conclusion du chapitre
322. Dans le prĂ©sent chapitre, notre attention a portĂ© sur la dĂ©claration dâactivitĂ©,
formalitĂ© Ă accomplir pour acquĂ©rir le statut dâentreprenant. En effet, contrairement aux
autres statuts, le statut de lâentreprenant nâest liĂ© Ă aucune activitĂ© spĂ©cifique et, par
consĂ©quent, ne sâacquiert pas par lâexercice habituel dâune profession. Nul ne peut donc se
prĂ©valoir du titre dâentreprenant sâil nâa au prĂ©alable dĂ©clarĂ© son activitĂ©.
323. La dĂ©claration dâactivitĂ© peut ĂȘtre accomplie par lâentrepreneur qui entend porter le
titre dâentreprenant ou par son mandataire. Les dispositions de lâAUDCG prescrivent quâelle
ait lieu avant le commencement de lâactivitĂ©. Cependant, vu que le statut a Ă©tĂ© mis sur pied
pour des personnes qui sont déjà en activité de maniÚre informelle, on peut affirmer que,
dans la pratique, certains entrepreneurs auront la possibilitĂ© dâeffectuer leur dĂ©claration
aprÚs le commencement de leur activité.
324. Une Ă©tude approfondie de la dĂ©claration dâactivitĂ© nous a permis de rĂ©aliser quâelle
prĂ©sente beaucoup de similitudes avec lâimmatriculation au RCCM que lâon a souvent
indexĂ©e comme Ă©tant une cause majeure de lâinformalitĂ©. La diffĂ©rence entre les deux
procĂ©dures repose essentiellement sur leurs coĂ»ts dont lâapprĂ©ciation dĂ©pendra de chaque
entrepreneur.
325. Nous avons, Ă©galement, rĂ©alisĂ© que lâapplication de la dĂ©claration dâactivitĂ© aussi
bien aux entrepreneurs civils quâaux entrepreneurs commerçants, cause un certain nombre
de problĂšmes. Il aurait fallu, avant de prescrire cette forme dâinscription au RCCM aux
entrepreneurs civils, que leur enregistrement Ă ce registre soit la condition de la
formalisation. Pour remĂ©dier aux problĂšmes susceptibles de se poser actuellement, lâon
devrait faire du RCCM le registre de tous les entrepreneurs, quâils soient entreprenants ou
non, commerçants ou civils. On devrait également attribuer à chaque entrepreneur inscrit un
numĂ©ro dâenregistrement quâil conserverait mĂȘme sâil lui arrivait, pour une raison ou pour
une autre, dâabandonner le statut de lâentreprenant.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 160
Chapitre 2. Lâaccomplissement de formalitĂ©s diverses en cas dâabandon du statut
326. Autant il faut accomplir une formalitĂ© pour acquĂ©rir le statut dâentreprenant, autant
il faudra respecter accomplir des formalitĂ©s lorsquâon le quitte. On trouve, dans la loi
OHADA, des dispositions qui encadrent les différentes situations dans lesquelles un
entrepreneur peut ĂȘtre appelĂ© Ă abandonner le statut de lâentreprenant. Chacune de ces
situations est soumise Ă lâaccomplissement dâune ou de plusieurs formalitĂ©s.
327. La formalitĂ© qui revient quelle que soit la situation, celle que lâentrepreneur devra
systĂ©matiquement accomplir, est la radiation. Elle consiste, pour lâentrepreneur, Ă se
dĂ©sinscrire du RCCM. En lâaccomplissant, lâentrepreneur qui perd son statut, se fait exclure
de la liste des entreprenants. Outre cette formalitĂ© principale, lâentrepreneur peut encore ĂȘtre
amenĂ© Ă effectuer dâautres formalitĂ©s qui varieront en fonction de la cause de lâabandon.
Pour les identifier, nous examinerons les diffĂ©rentes causes qui peuvent ĂȘtre volontaires
(Section 2) ou involontaires (Section 1).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 161
Section 1. Lâabandon du statut pour des causes involontaires
328. La perte est considĂ©rĂ©e comme involontaire lorsquâelle est due Ă des causes
Ă©trangĂšres Ă la volontĂ© de lâentrepreneur. Cela peut arriver en cas de dĂ©cĂšs de lâentrepreneur
(Paragraphe 2) ou pour des raisons Ă©conomiques (Paragraphe 1).
Paragraphe 1. Des raisons Ă©conomiques
329. Les raisons Ă©conomiques sont celles qui ont trait Ă la trĂ©sorerie de lâentreprise, aux
capacitĂ©s de paiement de lâentrepreneur. Celles-ci peuvent soit augmenter, ce qui serait alors
positif pour lâentreprise, soit diminuer. Dans lâun et lâautre cas, lâentrepreneur peut perdre
son statut. Tandis que dans lâAUDCG nous trouvons des dispositions qui traitent de la perte
en cas dâexcĂ©dent de moyens Ă©conomiques (A), dans lâAUPC on retrouve celles qui
encadrent la perte en cas de déficit économique (B).
A. Le dĂ©passement du plafond du chiffre dâaffaires ou lâexcĂ©dent des moyens Ă©conomiques
330. Comme cela a dĂ©jĂ Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© plus haut, une limite a Ă©tĂ© fixĂ©e au chiffre dâaffaires
annuel de lâentreprenant. ConformĂ©ment Ă lâarticle 30 de lâAUDCG il ne doit pas excĂ©der,
pendant deux exercices successifs, les plafonds fixés par la réglementation en vigueur261. En
261 Lâa t. de lâAUDCG âest pas p is Ă e sujet, o e sait pas e a te e t uels seuils o sid e . A lâal.
, il est uestio des seuils fi s pa lâA te u ifo e portant organisation et harmonisation des comptabilitĂ©s
des e t ep ises e pla pa lâA te u ifo e elatif au D oit o pta le et Ă lâi fo atio judiciaire adoptĂ©
le e ja ie au tit e du s st e i i al de t so e ie. A lâali a du e a ticle, il est plutĂŽt fait
allusio au seuils fi s pa lâEtat pa tie su le te itoi e du uel lâe t ep e a t e e e. Lo s dâu e rĂ©union des
pa s de lâOHADA o ga is e Ă Coto ou les et , le o it des e pe ts a ait souhait ue la Ă©daction de
et a ti le a igu soit odifi e. A et effet, oi lâa ti le dig pa le Ca i et d'a o ats R. BATTAJON,
« L'engagement des institutions de l'OHADA de donner son plein effet dans l'espace de l'OHADA lors de la
réunion de Cotonou des 13-14 décembre 2012 » paru dans la Newsletter « Droit économique en Afrique », n°
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 162
cas de dĂ©passement durant deux annĂ©es consĂ©cutives, lâentrepreneur ne peut conserver son
statut dâentreprenant. LâalinĂ©a 5 prĂ©cise quâil doit en consĂ©quence se conformer Ă la
réglementation applicable à ses activités. On voit bien, au regard des dispositions de ce
dernier alinĂ©a, que lâentrepreneur individuel dont le chiffre dâaffaires dĂ©passe le plafond
fixĂ© pendant deux annĂ©es basculera du statut dâentreprenant Ă un statut diffĂ©rent. Sans lui
imposer le nouveau statut quâil doit adopter, le lĂ©gislateur lui prescrit Ă lâalinĂ©a 5 de se
conformer à la réglementation applicable à ses activités. Ainsi, en fonction de la nature de
lâactivitĂ© quâil exerce, lâentrepreneur devra se soumettre Ă ces exigences. Par exemple, pour
les activitĂ©s de nature commerciale, lâentrepreneur devra procĂ©der Ă son immatriculation
soit en tant que commerçant personne physique, soit sâil choisit de transformer lâentreprise
en sociĂ©tĂ©, Ă lâimmatriculation de celle-ci. Dans la mĂȘme logique, lâentrepreneur dont
lâactivitĂ© est artisanale, agricole ou libĂ©rale, devra se conformer aux exigences de la loi Ă
lâĂ©gard des artisans, des agriculteurs et professionnels libĂ©raux.
A lâalinĂ©a 4 de lâarticle 30, il est dit que lâentreprenant qui excĂšde pendant deux
annĂ©es consĂ©cutives le seuil du chiffre dâaffaires fixĂ© par la loi, est tenu dĂšs le premier jour
de lâannĂ©e suivante et avant la fin du premier trimestre de la mĂȘme annĂ©e, de respecter toutes
les charges et obligations applicables Ă lâentrepreneur individuel. La question que lâon se
pose est celle de savoir ce quâil adviendrait de lâentrepreneur au cas oĂč il ne se soumet pas
aux charges et obligations auxquelles son chiffre dâaffaires excĂ©dentaire le soumet.
Quâadviendrait-il de lui au cas oĂč il ne se conforme pas Ă ce que la loi lui prescrit en cas de
dĂ©passement de chiffre dâaffaires ? Sâexpose-t-il Ă des sanctions prĂ©cises ?
331. Par ailleurs, il est intéressant de se demander si le basculement vers un autre statut
est automatique. A dĂ©faut pour lâentrepreneur de signaler ce changement ou dâaccomplir les
formalités nécessaires pour passer à un autre statut, les différentes Administrations ont-elles
la possibilité de constater ce changement intervenu dans la situation financiÚre de
lâentrepreneur et de lui appliquer les implications que cela gĂ©nĂšre ? De prime abord, on peut
penser quâau niveau des impĂŽts, le problĂšme ne se posera pas car lâAdministration fiscale a
rĂ©guliĂšrement connaissance du chiffre dâaffaires effectuĂ©. Elle pourra donc constater le
dĂ©passement au cours des deux exercices successifs et cesser dâappliquer Ă lâentrepreneur
les allĂ©gements dont il bĂ©nĂ©ficiait en tant quâentreprenant. Par contre, si lâentrepreneur
nâeffectue aucune formalitĂ© au niveau du greffe, ce dernier ne dispose a priori dâaucun
7, décembre 2012, p. 2.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 163
moyen de le savoir. La dĂ©claration dâactivitĂ© pourrait rester inscrite au RCCM alors que
dans les faits, lâentrepreneur ne peut plus se prĂ©valoir du statut dâentreprenant262.
332. Si lâaugmentation des moyens Ă©conomiques, une chose positive pour lâentreprise,
est susceptible dâentrainer la perte du statut dâentreprenant, notons quâun manque de moyens
peut occasionner la liquidation de lâentreprise, entrainant Ă©galement la perte dudit statut.
B. La liquidation de lâentreprise ou le manque de moyens Ă©conomiques
333. On dit dâune entreprise quâelle est en cessation de paiements lorsquâelle se trouve
dans lâimpossibilitĂ© de faire face Ă son passif exigible avec son actif disponible. Lâentreprise
qui est alors dĂ©bitrice peut faire lâobjet dâune procĂ©dure collective de liquidation des biens.
Aux termes de lâarticle 2 alinĂ©a 4 de lâAUPC rĂ©visĂ©, la liquidation des biens est destinĂ©e Ă
rĂ©aliser lâactif de lâentreprise dĂ©bitrice dont la situation est irrĂ©mĂ©diablement compromise
afin dâapurer son passif. La question que lâon peut alors se poser ici est celle de savoir si
lâentreprenant qui subit une liquidation des biens pourra, par la suite, poursuivre son activitĂ©.
334. La rĂ©alisation de lâactif. La rĂ©alisation de lâactif de lâentreprise est la vente des biens
de lâentreprise et le recouvrement de ses crĂ©ances en vue du remboursement de ses dettes
exigibles263. Les sommes ainsi collectées sont affectées au paiement des frais de la procédure
et au paiement des crĂ©anciers de lâentreprenant dĂ©biteur dans un ordre dĂ©fini par la loi
communautaire264.
La procédure de liquidation est clÎturée pour extinction du passif ou pour
insuffisance de lâactif. On parlera dâextinction du passif lorsque les fonds recueillis lors de
la rĂ©alisation de lâactif ont permis dâapurer complĂštement les dettes admises. Par contre, la
262 Les diff e tes ad i ist atio s â ta t pas fo ent en contact les unes avec les autres, on peut se
de a de de uels o e s o ets lâAd i ist atio e harge des cotisations sociales dispose pour savoir
ue lâe t ep e eu âest plus u e t ep e a t et uâil e peut plus fi ie des i itatio s p ues Ă so
Ă©gard ? Dans le cas du micro entrepreneur f a çais, u e f aude ous se le diffi ile e t alisa le a âest
sur la ase du hiff e dâaffai es d la ue les i pĂŽts et cotisations de lâe t ep e eu sont fixĂ©es. Une seule
dĂ©claration suffit pou pe ett e au diff e tes ad i ist atio s o e es dâa oi les i fo atio s
essai es su lâe t ep ise. 263 A t. al. de lâAUPC. 264 A t. et de lâAUPC.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 164
clĂŽture pour insuffisance de lâactif a lieu lorsque la valeur des biens rĂ©alisĂ©s ne permet pas
de désintéresser tous les créanciers. Dans ce dernier cas, les créanciers insatisfaits pourront
recouvrer, dans les conditions prévues par la loi, leur droit de poursuite individuelle afin
dâobtenir le remboursement de leurs crĂ©ances.
335. A lâissue dâune procĂ©dure de liquidation des biens, on sâattend logiquement Ă une
cessation dâactivitĂ© de lâentreprise car, sa situation Ă©tant irrĂ©mĂ©diablement compromise elle
nâa pas pu ĂȘtre redressĂ©e. Ceci suscite des questions notamment sur la possibilitĂ©, pour
lâentrepreneur individuel, dâentreprendre Ă nouveau.
336. La possibilitĂ© dâentreprendre Ă nouveau. Lâentrepreneur individuel qui a fait lâobjet
dâune procĂ©dure de liquidation des biens ne pourra pas aussitĂŽt exercer une activitĂ©
commerciale indĂ©pendante sâil a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© en Ă©tat de faillite personnelle265. A lâarticle 203
de lâAUPC, il est dit que la dĂ©cision qui prononce la faillite personnelle emporte de plein
droit l'interdiction générale de faire le commerce et, notamment, de diriger, gérer,
administrer ou contrÎler une entreprise commerciale à forme individuelle ou à personnalité
morale.
DâentrĂ©e de jeu, il convient de rappeler que lâentreprise individuelle nâest pas une
entitĂ© qui existe sĂ©parĂ©ment de son auteur. Certaines personnes vont mĂȘme jusquâĂ affirmer
quâelle nâexiste pas en rĂ©alitĂ© car elle se confond avec lâindividu qui la crĂ©e. DĂšs lors, il est
difficile de parler de lâextinction dâune entreprise individuelle tant que la personne physique
qui en est lâauteur vit. En effet, tant que cette personne est vivante, elle dispose en principe
du droit dâexercer une activitĂ© en son nom propre, autrement dit de mettre sur pied une
entreprise individuelle. Ceci signifie donc que lâentreprenant qui a fait lâobjet dâune
procédure de cessation de paiements pourra relancer une activité en son nom propre. La
nouvelle exploitation ainsi mise sur pied se confondra, comme la précédente, avec son
auteur ce qui laisse conclure quâil sâagit de la mĂȘme entreprise individuelle.
Bien que le fait dâavoir subi une liquidation des biens ne le prive pas de son droit
dâentreprendre, notons que dans certaines circonstances ce droit peut temporairement lui
ĂȘtre retirĂ©. Concomitamment Ă la liquidation des biens, la juridiction compĂ©tente peut
265 M.I. KONATE, Guides des procĂ©dures collectives dâapu e e t du passif e d oit OHADA, LGDJ, 2019. Voir
également : Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement commercial n° 149 du 8 juillet 2005, affaire la
Co pag ie de lâAf i ue O ide tale âA CBAO / âo i t Mau ita o-â galaise dâi estisse e t.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 165
prononcer la faillite personnelle de lâentrepreneur qui a commis certaines fautes Ă©numĂ©rĂ©es
Ă lâarticle 196. Ce serait, entre autres, le cas lorsque lâentrepreneur a soustrait la comptabilitĂ©
de son entreprise, détourné ou dissimulé une partie de son actif ou reconnu frauduleusement
des dettes qui n'existaient pas ; a obtenu, par dol, un concordat annulé par la suite ; a commis
des actes de mauvaise foi ou des imprudences inexcusables ou qui a enfreint gravement les
rĂšgles et usages du commerce. DâaprĂšs lâarticle 203 de lâActe uniforme organisant les
procédures collectives, la décision qui prononce la faillite personnelle entraine des
consĂ©quences telles que lâinterdiction gĂ©nĂ©rale de faire le commerce et de diriger, gĂ©rer,
administrer ou contrÎler une entreprise commerciale. La durée de cette interdiction ne peut
ĂȘtre infĂ©rieure Ă six (06) mois ni supĂ©rieure Ă trente (30) ans. Lâentreprenant dĂ©clarĂ© en
faillite personnelle ne pourrait pas reprendre une activité en son nom propre pendant la durée
de lâinterdiction, Ă moins dâĂȘtre rĂ©habilitĂ©. Lorsquâil remplit les conditions donnant lieu Ă
une rĂ©habilitation, lâentrepreneur dĂ©clarĂ© en faillite personnelle pourra ĂȘtre rĂ©habilitĂ© et ceci,
mĂȘme aprĂšs son dĂ©cĂšs.
Paragraphe 2. Le dĂ©cĂšs de lâentrepreneur
337. Ătudier le sort de lâentreprise individuelle aprĂšs la perte du statut dâentreprenant, et
particuliĂšrement en cas de cessation de lâactivitĂ© par ce dernier, montre lâimportance quâil
y a Ă ce quâune entreprise, bien que de trĂšs petite taille, soit pĂ©renne. La crĂ©ation et
lâextinction dâune entreprise met en jeu des intĂ©rĂȘts non seulement dâordre Ă©conomique (au
regard de la richesse produite) mais aussi humains (quand on considĂšre les emplois que cela
procure). Didier GUEVEL rappelait encore la dĂ©finition que lâĂglise donne de lâentreprise
qui « ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e seulement comme une "sociĂ©tĂ© de capital" ; elle est en mĂȘme
temps une "société de personnes" »266. Le sort de cette unité de production économique et
des personnes qui y travaillent appelle Ă sâinterroger sur ce quâil adviendra de lâentreprise
aprĂšs le dĂ©cĂšs de lâentreprenant.
338. Bien que lâAUDCG ne fasse pas expressĂ©ment allusion au dĂ©cĂšs de lâentreprenant,
on peut se rĂ©fĂ©rer aux dispositions de lâarticle 55 se rapportant au commerçant pour savoir
ce quâil y a lieu de faire en une telle circonstance. Il y est dit quâ« en cas de dĂ©cĂšs dâune
266 Citatio ti e de lâou age de D. GUEVEL, Lâe t ep ise, Bie ju idi ue, Fo ds de o e e et otio s
voisines, Opérations sur fonds et sur titres sociaux, p. 71, n° 35.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 166
personne physique immatriculĂ©e, ses ayants droit doivent, dans un dĂ©lai de trois mois Ă
compter du dĂ©cĂšs, demander la radiation de lâinscription au registre⊠». Deux options se
dĂ©gagent de cette disposition : la radiation de lâinscription de lâentrepreneur individuel ou
la reprise de son activité par ses ayants droit.
A. La radiation du défunt
339. Le dĂ©cĂšs de lâentrepreneur entraĂźne incontestablement la fin de lâentreprise
individuelle et, par la mĂȘme occasion, la perte du statut dâentreprenant. En effet, Ă©tant donnĂ©
que lâentreprise individuelle nâexiste quâau travers de lâindividu qui la crĂ©e, la mort de ce
dernier entraĂźnera inĂ©luctablement lâextinction de lâentreprise.
340. Lâarticle 55 citĂ© ci-dessus laisse clairement entendre quâen cas de dĂ©cĂšs de
lâentrepreneur individuel, ses ayants droits sont tenus de demander la radiation de son
inscription au RCCM267. Ainsi, Ă la mort de lâentreprenant, ses ayants droits doivent
demander la radiation de sa dĂ©claration dâactivitĂ© du RCCM. Mais certains ayants droits ne
trouveront aucun intĂ©rĂȘt Ă effectuer cette dĂ©marche et par consĂ©quent, seraient tentĂ©s de la
nĂ©gliger. Plusieurs estimeront certainement que lâentrepreneur Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ©, les agents
administratifs constateront dâeux-mĂȘmes que lâactivitĂ© a cessĂ©. La loi communautaire ne fait
pas allusion Ă dâĂ©ventuelles sanctions quâencourraient les ayants droits de lâentrepreneur
dĂ©cĂ©dĂ© au cas oĂč ils ne procĂšderaient pas Ă la radiation de leur auteur. Lâarticle 55 alinĂ©a 3
prĂ©voit seulement quâĂ dĂ©faut pour les ayant droits de lâavoir fait, le greffier ou le
responsable de lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie procĂšdera Ă la radiation aprĂšs dĂ©cision
de la juridiction compĂ©tente268 statuant Ă bref dĂ©lai saisie Ă sa requĂȘte ou Ă celle de tout
intéressé.
267 Sur cette question voir : G. ONAMBELE, « Pe spe ti es pou lâe i hisse e t du Regist e du o e e et
du crĂ©dit mobilier en RDC », in Les horizons du droit OHADA. M la ges e lâho eu du P ofesseu Filiga
Michel SAWADOGO, CREDIJ, 2018, p. 263â289.
268 Sur cette question, voir S.S KUATE TAMEGHE, La justice, ses mĂ©tiers, ses procĂ©dures, Pa is, LâHa atta ,
3e Ă©d., 2019, p. 951.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 167
B. La poursuite de lâactivitĂ© par ses ayants droit
341. En cas de dĂ©cĂšs de lâentrepreneur individuel, lâarticle 55 de lâAUDCG fait allusion
Ă lâĂ©ventualitĂ© dâune reprise de son activitĂ© par ses ayants droit. La formulation du
lĂ©gislateur suscite quelques interrogations dans la mesure oĂč elle laisse sous-entendre quâen
cas de reprise de lâactivitĂ© du dĂ©funt, les ayants droit nâauront pas Ă demander la radiation
de son inscription. Cela voudrait-il dire quâils poursuivront lâactivitĂ© tout en conservant
lâinscription du prĂ©cĂ©dent entrepreneur ? Par ailleurs, on se demande combien dâayants droit
peuvent reprendre lâactivitĂ© ?
342. Questionnement sur les formalités à accomplir : simple modification ou véritable
radiation de lâinscription du dĂ©funt. Cette interprĂ©tation ne sâinscrit pas en droite ligne
avec lâarticle 64 de lâAUDCG qui dispose que le numĂ©ro de dĂ©claration est personnel.
Chaque dĂ©claration ou immatriculation, autrement dit inscription au RCCM, donne lieu Ă
lâattribution dâun numĂ©ro unique et personnel Ă lâentrepreneur. En quoi consistera la
modification dont lâarticle 55 fait allusion : sâagira-t-il de modifier lâidentitĂ© du dĂ©funt par
celle du repreneur ou sâagira-t-il de changer Ă la fois lâidentitĂ© du dĂ©funt et le numĂ©ro
dâinscription ? Ce dernier cas sâassimilerait Ă une radiation et ce qui fait dire quâil aurait
certainement Ă©tĂ© plus simple et moins confus de dire quâen cas de dĂ©cĂšs de lâentrepreneur
individuel, ses ayants droit devraient demander la radiation de son inscription au RCCM et,
le cas Ă©chĂ©ant, leur propre inscription en cas de reprise de lâactivitĂ©. Dans son commentaire
dâun cas similaire oĂč le lĂ©gislateur prescrit, Ă lâarticle 139 alinĂ©a 4, au locataire-gĂ©rant de
faire modifier lâinscription du loueur du fonds, le professeur Santos AKUETE PEDRO,
soulignait que le législateur aurait dû demander la radiation et pas seulement la modification
de lâinscription du loueur dâun fonds qui cesse toute activitĂ© commerciale269. En effet, le
numĂ©ro dâinscription Ă©tant personnel, un individu ne saurait se substituer Ă un autre dans
lâinscription au RCCM. Ainsi, au lieu de prescrire aux ayants droits de procĂ©der Ă une simple
modification de lâinscription du dĂ©funt, le lĂ©gislateur aurait dĂ» prescrire de demander sa
radiation, quâils entendent reprendre ou non le fonds lĂ©guĂ©.
343. La reprise du fonds par un seul ayant droit. Sâil est admis, sur la question des
formalitĂ©s Ă accomplir, quâil faille que les ayants droit se fassent enregistrer Ă leur tour, il
269 Voi le o e tai e de lâa t. de lâAUDCG, T ait et A tes u ifo es o e t s de lâOHADA, Ăšme
Ă©dition, Juriscope, p. 314, 2012.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 168
reste Ă savoir combien dâayants droit sont susceptibles de reprendre lâactivitĂ© qui Ă©tait
exploitée au nom du défunt. La disposition stipule que les ayants droit (au pluriel) doivent
demander la radiation de lâinscription du dĂ©funt au RCCM « ... ou sa modification ». Deux
hypothĂšses sont alors envisageables. La premiĂšre consisterait Ă rĂ©aliser lâactif afin de
partager les biens du fonds entre les ayants droit du dĂ©funt. La seconde consisterait Ă
poursuivre lâactivitĂ© en attribuant le fonds Ă lâayant droit unique qui accepterait de reprendre
lâexploitation ou, en cas de pluralitĂ© des ayants droit, en transformant lâentreprise jadis
individuelle en société dans laquelle chacun aura sa part. Les ayants droit devront alors
procĂ©der aux formalitĂ©s qui sâimposeraient Ă tout entrepreneur qui dĂ©cide de changer de
statut.
Section 2. Lâabandon du statut pour des raisons volontaires
344. La perte du statut dâentreprenant est volontaire lorsque lâinitiative dâabandonner ledit
statut est librement prise par lâentrepreneur. Cette perte est une manifestation de sa volontĂ©
personnelle de changer de statut (paragraphe 1) ou de cesser son activité (paragraphe 2).
Paragraphe 1. Le changement de statut
345. Pour beaucoup, le statut dâentreprenant constituera un tremplin qui leur permettra
dâaffermir et accroĂźtre leur investissement afin dâĂ©voluer vers un statut lĂ©gal plus imposant.
Ils auront alors le choix entre conserver un statut dâentrepreneur individuel (A) et adopter la
forme sociétale (B).
A. Du statut dâentreprenant Ă celui dâentrepreneur individuel
346. Comme cela a Ă©tĂ© soulignĂ© prĂ©cĂ©demment, le statut dâentreprenant nâest quâun statut
dâentrepreneur individuel parmi tant dâautres. En fonction de son secteur dâactivitĂ©,
lâentreprenant peut dĂ©cider de migrer vers un statut dâentrepreneur individuel classique Ă
lâinstar du commerçant, de lâartisan, de lâagriculteur ou du professionnel libĂ©ral. Ce
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 169
changement de statut aura, bien évidemment, des conséquences et va nécessiter que
lâentrepreneur accomplisse un certain nombre de formalitĂ©s.
1. Les formalités à accomplir
347. Pour passer dâun statut Ă un autre il y a lieu dâaccomplir, dâune part, des formalitĂ©s
qui marquent la fin du statut prĂ©cĂ©dent et, dâautre part, celles qui constatent lâacquisition du
nouveau statut.
1.1. Les formalitĂ©s constatant lâabandon du statut dâentreprenant
348. Comme cela a Ă©tĂ© relevĂ© plus haut, un entrepreneur ne peut pas ĂȘtre Ă la fois inscrit
au RCCM en tant quâentreprenant et commerçant. Lâentreprenant qui souhaite exercer sous
le statut classique de commerçant devra auparavant radier sa déclaration pour ensuite
procéder à son immatriculation au RCCM. Mais, il est important de souligner que dans
lâAUDGC cette formalitĂ© ne concerne que lâentreprenant dont lâactivitĂ© est commerciale.
Rien nâest dit au sujet de celui qui exerce une activitĂ© civile. Or, lorsquâon sait que lâexercice
de toutes les activitĂ©s civiles ne nĂ©cessite pas forcĂ©ment lâimmatriculation au RCCM, on est
en droit de se demander ce quâil y a lieu de faire lorsque lâentreprenant nâexerce pas une
activitĂ© commerciale. MĂȘme si les dispositions de lâAUDCG nâabordent pas la question, on
peut penser que, quelle que soit la nature de lâactivitĂ© quâil exerce, lâentrepreneur qui dĂ©cide
de changer de statut devra au moins procĂ©der Ă la radiation de sa dĂ©claration dâactivitĂ©.
Cette formalitĂ© est importante car câest en fonction de son statut quâun entrepreneur
est assujetti Ă telle ou telle rĂ©glementation. Autrement dit, câest sur la base du statut de
lâentrepreneur quâon dĂ©terminera la fiscalitĂ©, les cotisations sociales, la comptabilitĂ© qui lui
sont applicables et bien dâautres mesures particuliĂšres Ă lâinstar du plafonnement du chiffre
dâaffaires. On peut se poser la question de savoir ce qui se passerait si lâentrepreneur ne
procĂšde pas Ă lâannulation de sa dĂ©claration dâactivitĂ©.
349. Il est difficile dâenvisager quâun entreprenant qui dĂ©sire changer de statut ne fasse,
au prĂ©alable, radier son numĂ©ro de dĂ©claration. Cette formalitĂ© nâa pas pour but dâarrĂȘter
lâexercice de lâactivitĂ©, mais elle est indispensable si lâentrepreneur souhaite poursuivre son
activitĂ© sous un statut lĂ©gal qui nĂ©cessite lâinscription au RCCM. Etant donnĂ© quâon ne peut
ĂȘtre inscrit au RCCM sous plusieurs statuts diffĂ©rents, lâentrepreneur a tout intĂ©rĂȘt Ă se
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 170
conformer aux exigences de la loi. Avec lâinformatisation du RCCM, il lui serait difficile
de se soustraire Ă cette obligation. En outre, il y a tout lieu de penser que si lâentrepreneur
trouve un intĂ©rĂȘt Ă changer de statut, il effectuera toutes les formalitĂ©s que cette migration
impliquera. La question qui semble plus pertinente ici est celle de savoir si toutes les
Administrations concernĂ©es par lâactivitĂ© de lâentrepreneur seront forcĂ©ment informĂ©es de
ce changement de statut. Etant donné que les Administrations ne sont pas toujours en liaison
dans les pays membres et que la dĂ©claration dâactivitĂ© ne concerne que le greffe, comment
les autres Administrations seront-elles informées de ce changement de statut ?
350. MĂȘme sâil semble que les autres Administrations ne seront informĂ©es que si
lâentrepreneur effectue cette information, il convient de souligner quâil serait difficile de
cacher indéfiniment cette modification. Divers éléments sont susceptibles de renseigner les
autres Administrations, notamment le fisc, sur le changement de statut de lâentrepreneur.
Par exemple, pour le paiement de ses impĂŽts lâentrepreneur est obligĂ© de faire connaĂźtre son
chiffre dâaffaires. Or, le chiffre dâaffaires de lâentreprenant Ă©tant plafonnĂ©, celui-ci est
obligatoirement classé dans un autre statut en cas de dépassement du plafond pendant deux
annĂ©es consĂ©cutives. Abandonner le statut dâentreprenant permet Ă un entrepreneur de
dépasser le seuil fixé par la loi. Le dépassement de ce plafond pendant deux années
consĂ©cutives obligera lâAdministration fiscale Ă lui appliquer les mesures qui correspondent
Ă sa rĂ©elle situation. Il semble donc difficile, et sans intĂ©rĂȘt, de cacher au fisc son changement
de statut.
Lâinterrogation est plus intĂ©ressante Ă lâĂ©gard de lâAdministration en charge des
cotisations sociales. De quels moyens dispose cette Administration pour ĂȘtre informĂ©e des
changements intervenus dans la situation de lâentrepreneur ? 270 La question a toute son
270 Cette question a été posée un peu plus haut, au début de ce chapitre. Pour y répondre, il faut savoir si
da s ha ue pa s e e lâe t ep ise o u i ue p iodi ue e t Ă lâAd i ist atio ha g es des
cotisations sociales so hiff e dâaffai es. La ise e seau des ad i ist atio s li ite ait les is ues de
f aude. âi da s les pa s e es de lâO ga isatio , les ad i istrations chargĂ©es du prĂ©lĂšvement des
otisatio s so iales âo t au u o e dâapp ie aussi ie la situatio ju idi ue dâu e e t ep ise le statut
de lâe t ep e eu ue lâ olutio de so hiff e dâaffai es, u e t ep e eu pou ait trĂšs bien changer de
statut tout en continuant de profiter des aménagements réservés aux entreprenants seuls. Dans chaque Etat,
o de ait ett e su pied des o e s ui pe ette t dâ ite ue ette situatio se p se te. U e solutio
consisterait par exemple à mettre les différentes administrations en réseau. Les guichets uniques ou centres
uniques des formalités des entreprises sont le moyen idéal pour relier les différentes administrations car
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 171
importance lorsquâon considĂšre lâarticle 30 alinĂ©a 6 de lâAUDCG dans lequel lâOHADA
encourage les Etats Ă adopter des mesures incitatives en matiĂšre dâassujettissement aux
charges sociales. Cela signifie que grĂące au statut dâentreprenant, un entrepreneur peut
bénéficier de certains allÚgements sur le plan social. En cas de changement de statut, il se
verrait donc retirer ces avantages. Certains entrepreneurs pourraient donc ĂȘtre tentĂ©s de ne
pas signaler le changement intervenu dans leur statut. Dans lâexemple français, informer les
diffĂ©rentes Administrations nâincombe pas Ă lâauto-entrepreneur. Les diffĂ©rentes
Administrations sont informées une fois que le changement est effectué au niveau du CFE.
351. Pour Ă©viter tout risque de fraude et que les entrepreneurs ne prennent trop de temps
Ă informer les diffĂ©rentes Administrations, il est nĂ©cessaire quâau sein des Etats membres
de lâOHADA, les Administrations impliquĂ©es dans la vie des entreprises soient mises en
relation. La crĂ©ation dâun rĂ©seau informatique les reliant ou lâexistence des guichets uniques
de formalitĂ©s des entreprises devraient ĂȘtre encouragĂ©es. Les entrepreneurs pourront
directement et rapidement y accomplir aussi bien les formalités qui mettent fin à un
prĂ©cĂ©dent statut que celles qui lui permettent dâen acquĂ©rir un autre.
1.2. Les formalitĂ©s visant lâacquisition du nouveau statut
352. Les formalitĂ©s en vue dâacquĂ©rir un nouveau statut varieront en fonction de la nature
de lâactivitĂ© exercĂ©e. MĂȘme si beaucoup sâaccordent Ă dire que lâAUDCG est devenu un
véritable Acte uniforme pour les professionnels depuis la révision de décembre 2010, il faut
reconnaĂźtre que le commerçant reste le professionnel dont lâactivitĂ© est la mieux rĂ©gie.
LâActe se prononce trĂšs peu, voire mĂȘme pas du tout, sur les formalitĂ©s Ă accomplir pour
exercer une activitĂ© non commerciale sous un statut autre que celui dâentreprenant. Pour
connaßtre les formalités que doivent effectuer les non commerçants, il faut se référer à la loi
nationale de chaque Etat partie.
353. Pour lâexercice dâactivitĂ©s commerciales. Lorsque lâactivitĂ© de lâentreprise est
commerciale, lâAUDCG nous fait savoir, dans ses articles 44 et 60 que lâimmatriculation de
lâentrepreneur au RCCM est obligatoire. Celui qui perd son statut dâentreprenant devra donc
se faire immatriculer. Cette dĂ©marche lui permettra certainement dâobtenir un numĂ©ro
toutes les formalités concernant les entreprises y sont effectuées (création, modifications et fermetures
dâe t ep ises .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 172
personnel distinct du numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© quâil avait en tant quâentreprenant271.
A dĂ©faut pour lui de se faire immatriculer, il basculera dans le secteur informel. NâĂ©tant plus
désormais inscrit au RCCM, il sera considéré comme un commerçant de fait. Il ne pourra,
dĂšs lors, se prĂ©valoir du statut de commerçant chaque fois que lâimmatriculation sera
requise. Il ne pourra non plus se soustraire aux obligations qui incombent aux commerçants
au motif quâil nâest pas immatriculĂ©.
354. Pour lâexercice dâactivitĂ©s non commerciales. Les formalitĂ©s Ă accomplir lorsque
lâactivitĂ© est non commerciale, varient en fonction du pays dans lequel lâentrepreneur exerce
son activitĂ©, mais Ă©galement en fonction du type dâactivitĂ© exercĂ©e (artisanale, agricole ou
libérale)272.
355. MĂȘme si lâentreprise conserve la forme juridique dâentreprise individuelle, il faut
souligner que le changement de statut se fera suivre de certaines conséquences.
2. Les conséquences du changement
356. Face Ă un changement de statut, on sâattend Ă ce quâil y ait des implications sur
lâidentitĂ© de lâentreprise et sur les rĂšgles qui lui seront applicables.
357. Sur lâidentitĂ© de lâentreprise. En dĂ©cidant dâabandonner son statut dâentreprenant
pour un autre statut dâentrepreneur individuel, lâentrepreneur fait le choix de poursuivre son
exploitation en son nom propre. Sur le plan juridique, lâentreprise reste la mĂȘme Ă©tant donnĂ©
que lâentrepreneur qui en est le titulaire nâa pas changĂ©. Cette situation se justifie par le fait
que lâentreprise individuelle et son auteur ne forment quâun. Lâentreprise reste la mĂȘme,
seul son statut change. Il faut rappeler, comme cela a Ă©tĂ© dit plus haut, quâau cas oĂč son
271 E effet, lâa al se des dispositio s de lâAUDCG o t e lai e e t ue lâi at i ulatio et la dĂ©claration
dâa ti it sont deux formalitĂ©s diff e tes. Cha u e dâelle do e lieu Ă la d li a e dâu u o pe so el.
Eta t do uâu e t ep e eu ne peut Ă la fois ĂȘtre immatriculĂ© et dĂ©clarĂ© au RCCM, on peut supposer
quâil faud ait p o de Ă la adiatio de lâu e de es deu fo alit s a a t de p o de Ă lâi s iptio de
lâaut e, e ui e t ai e a e tai e e t u ha ge e t de u o dâi s iptio au RCCM. 272 Voir par exemple les dĂ©veloppements du chapitre prĂ©cĂ©dents sur les formalitĂ©s que les artisans doivent
accomplir dans différents pays.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 173
nouveau statut nĂ©cessite une inscription au RCCM, lâentrepreneur se verra attribuer un
numĂ©ro diffĂ©rent de celui quâil avait en tant quâentreprenant273.
358. Sur les rĂšgles applicables Ă lâentreprise. MĂȘme si rien ne change dans lâidentitĂ© de
lâentreprise, il faut cependant noter quâelle sera assujettie Ă dâautres rĂšgles. Lâentrepreneur
sera dorénavant soumis à la réglementation qui correspond à son nouveau statut. Sur les
plans comptable, fiscal et social, on lui appliquera des rÚgles différentes de celles auxquelles
il avait droit en tant quâentreprenant.
On aurait Ă©galement observĂ© de tels changements dans la loi applicable Ă lâentreprise
si elle avait été transformée en société.
B. Du statut dâentreprenant Ă celui de sociĂ©tĂ©
359. Comme tout entrepreneur individuel, lâentreprenant a la possibilitĂ© de transformer
son entreprise en sociĂ©tĂ©. Bien entendu, ce changement va nĂ©cessiter lâaccomplissement de
certaines formalités et entraßner des conséquences importantes.
1. Les formalités à accomplir
360. La transformation dâune entreprise individuelle en sociĂ©tĂ© nâest rien dâautre que la
crĂ©ation dâune sociĂ©tĂ©. Les formalitĂ©s requises consisteront alors Ă faire radier la dĂ©claration
dâactivitĂ© si lâentrepreneur entend renoncer Ă son statut dâentreprenant. Concomitamment
ou aprĂšs cela, lâentrepreneur devra accomplir toutes les formalitĂ©s nĂ©cessaires allant de la
constitution Ă lâimmatriculation de la sociĂ©tĂ©. Câest cette formalitĂ© qui donne Ă la sociĂ©tĂ© la
personnalitĂ© juridique. Câest elle qui fait de lâentreprise une personne morale, diffĂ©rente de
lâentrepreneur. Outre lâimmatriculation au RCCM de la sociĂ©tĂ© nouvellement crĂ©Ă©e, la
273 E F a e, le u o dâi at i ulatio au RCS ou au RM est diffĂ©rent du numĂ©ro SIREN attribuĂ© Ă tout
entrepreneur au moment de la création de son entreprise. Avant décembre 2014, les auto-entrepreneurs
â taie t pas te us de se fai e i s i e au RCCM. U u o âIREN leu tait att i u et e as dâa a do
du statut dâauto-entrepreneur, ils pouvaient conserver ce numĂ©ro malgrĂ© le changement de statut. Depuis
décembre 2014, les auto-entrepreneurs français sont tenus de se faire immatriculer au RCS et ce dernier
u o dâi at i ulatio est diff e t du âIREN.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 174
question la plus importante est celle du fonds de commerce de lâentrepreneur. Celui-ci devra
ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă lâentreprise qui est une entitĂ© distincte de lâentrepreneur individuel.
ThĂ©oriquement, plusieurs solutions sont envisageables : premiĂšrement lâentrepreneur
individuel peut cesser son activitĂ© et procĂ©der Ă la rĂ©alisation de lâactif de lâentreprise ;
deuxiÚmement, il peut céder son fonds à la société ; troisiÚmement il peut transférer son
fonds comme apport à la société en contrepartie de parts sociales. La premiÚre solution nous
semble celle Ă laquelle lâon recourra le plus facilement.
361. Comme on peut se douter, la transformation de lâentreprise individuelle de
lâentreprenant en sociĂ©tĂ© entraĂźnera des consĂ©quences importantes.
2. Les conséquences du changement
362. Comme cela a déjà été relevé ci-dessus, la mutation vers la forme juridique de société
entraine obligatoirement un changement mĂȘme dans lâidentitĂ© de lâentreprise.
Contrairement Ă lâentreprise individuelle, la nouvelle entitĂ© sera soumise Ă la rĂ©glementation
applicable aux personnes morales. On lui appliquera non seulement le droit général
applicable aux sociĂ©tĂ©s, mais aussi le droit spĂ©cifique applicable aux sociĂ©tĂ©s de la mĂȘme
catégorie. On constatera des changements notamment sur les plans fiscal, comptable et
social. Sur le plan fiscal par exemple, lâentreprise sera dĂ©sormais assujettie Ă lâimpĂŽt sur les
sociĂ©tĂ©s. Sur le plan comptable, les rĂšgles applicables Ă lâentreprise pourront dĂ©pendre du
type de sociĂ©tĂ© (SA, SARL, ou autre), du chiffre dâaffaires de celle-ci et de lâactivitĂ© exercĂ©e.
363. Une question importante que lâon peut se poser concerne le sort des crĂ©ances et des
dettes nĂ©es Ă lâoccasion de lâactivitĂ© professionnelle lorsque lâentreprise Ă©tait individuelle.
Ces dettes et crĂ©ances dâorigine professionnelle peuvent-elles ĂȘtre transmises dans le
patrimoine de la nouvelle société ? A priori la réponse est négative car la société créée est
une personne distincte de lâentrepreneur individuel qui la crĂ©e. Il y a tout lieu de croire que
les créances et dettes de ce dernier demeurent dans son patrimoine274.
274 On peut Ă©galement envisager le cas oĂč il cĂšde ses crĂ©ances et, Ă certaines conditions ses dettes, Ă la
société qui est une personne distincte de lui.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 175
364. Quoi quâil en soit, la crĂ©ation dâune sociĂ©tĂ© laisse Ă lâentrepreneur la possibilitĂ© de
conserver son statut dâentrepreneur individuel parallĂšlement Ă sa qualitĂ© dâassociĂ© unique
ou dây renoncer en cessant toute activitĂ© en nom propre.
Paragraphe 2. La cessation ou lâarrĂȘt de lâactivitĂ©
365. Lâentreprenant est libre de mettre un terme Ă son activitĂ© Ă tout moment pour diverses
raisons. Il peut alors dĂ©cider de fermer lâentreprise en interrompant son activitĂ© ou il peut
choisir de faire poursuivre lâactivitĂ© en cĂ©dant lâentreprise Ă un tiers.
A. LâarrĂȘt de lâactivitĂ© sans cession de fonds
366. Par cessation dâactivitĂ©, il faut entendre ici lâarrĂȘt de lâactivitĂ© et la fermeture de
lâentreprise. Il ne sâagit pas dâune simple suspension temporaire de lâactivitĂ©, mais dâun arrĂȘt
dĂ©finitif de lâactivitĂ© de lâentreprise.
1. Les formalités à accomplir
367. Lâarticle 65 alinĂ©a 4 de lâAUDCG dispose quâen cas de cessation dâactivitĂ©,
lâentreprenant doit, Ă nouveau, faire une dĂ©claration auprĂšs du greffe compĂ©tent ou de
lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie. Outre cette information, lâarticle 65 se contente de
préciser que cette formalité est gratuite comme toutes les autres déclarations accomplies par
lâentreprenant275. On peut supposer que le greffe ou lâorgane compĂ©tent ici est celui auprĂšs
duquel sa dĂ©claration initiale est enregistrĂ©e. Autant câest auprĂšs de ce greffe que la
dĂ©claration dâactivitĂ© constatant la crĂ©ation ou lâexistence de lâentreprise a Ă©tĂ© enregistrĂ©e,
autant câest auprĂšs de lui que doit Ă©galement ĂȘtre enregistrĂ©e la dĂ©claration constatant la fin
de lâentreprise.
368. Afin dâavoir plus de dĂ©tails sur le dĂ©roulement de cette formalitĂ© tout aussi
importante que la premiĂšre, il convient de se rĂ©fĂ©rer aux articles 55 et suivants de lâAUDCG.
Ici, il est dit que « toute personne physique immatriculĂ©e doit, dans le dĂ©lai dâun mois Ă
275 AlinĂ©a 5 du mĂȘme article.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 176
compter de la cessation de son activité, demander sa radiation du Registre de Commerce et
du CrĂ©dit Mobilier »276. En vertu de lâarticle 1 du mĂȘme Acte uniforme, on peut Ă©tendre
lâapplication de cette disposition Ă lâentreprenant. Lorsque ce dernier dĂ©cidera, pour une
raison quelconque de mettre fin Ă son exploitation, il sera tenu de signaler cette situation au
greffe compĂ©tent dans un dĂ©lai dâun (01) mois Ă partir du jour oĂč il aura effectivement cessĂ©
son activité.
369. On peut sâinterroger sur lâintĂ©rĂȘt quâil y avait Ă imposer ce dĂ©lai. En effet, il est dit
plus bas, Ă lâalinĂ©a 4 de lâarticle 55, quâune fois que lâentrepreneur aura notifiĂ© la cessation
de son activitĂ©, le greffier devra lui dĂ©livrer un accusĂ© dâenregistrement mentionnant la
formalité accomplie ainsi que sa date. Ceci voudrait donc dire que la date qui figurera sur
lâacte constatant la cessation dâactivitĂ© nâest ni plus ni moins que la date du jour oĂč la
formalitĂ© a Ă©tĂ© accomplie et non la date des faits (autrement dit la date du jour oĂč lâentreprise
a effectivement arrĂȘtĂ© son activitĂ©).
370. Sâinterroger sur la pertinence de ce dĂ©lai dâun mois a encore tout son sens lorsquâon
rĂ©alise que la loi communautaire ne prĂ©voit aucune sanction Ă lâĂ©gard de lâentrepreneur qui
ne le respecte pas. A lâalinĂ©a 3, le lĂ©gislateur se contente de dire quâĂ dĂ©faut de dĂ©clarer la
cessation dans le dĂ©lai fixĂ©, le greffe ou lâorgane compĂ©tent procĂšde Ă la radiation aprĂšs
dĂ©cision de la juridiction compĂ©tente ou de lâautoritĂ© compĂ©tente dans lâEtat partie, statuant
Ă bref dĂ©lai et saisie Ă sa requĂȘte ou Ă celle de tout intĂ©ressĂ©.
371. La nécessité de se faire radier sans délais. En réalité, fixer ou non un délai ne change
rien dans la mesure oĂč câest la date dâaccomplissement de la formalitĂ© qui fait foi. Tant que
celle-ci nâest pas accomplie, lâentreprise est rĂ©putĂ©e fonctionner car le numĂ©ro de
dĂ©claration de lâentrepreneur figure toujours au RCCM. Lâentreprenant qui dĂ©cide dâarrĂȘter
son activitĂ© a donc tout intĂ©rĂȘt Ă procĂ©der, sans tarder, Ă sa radiation du RCCM. Ceci est
dâautant plus important que câest, en principe, lâacte de radiation qui attestera la cessation
dâactivitĂ© auprĂšs du fisc et de lâAdministration chargĂ©e des cotisations sociales. Tant que la
dĂ©claration de cessation dâactivitĂ© nâest pas effectuĂ©e, lâentrepreneur est en principe tenu de
sâacquitter de ses obligations envers le fisc et lâAdministration chargĂ©e des cotisations
sociales. En tous cas, telle est la procĂ©dure en ce qui concerne lâauto-entrepreneur français.
Aussi bien pour la création que pour la cessation de son entreprise, ce dernier a pour
276 Art. 55 al. 1.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 177
interlocuteur le CFE qui est en liaison avec les différentes Administrations concernées dans
la crĂ©ation, la vie et la fin dâune entreprise. Les dĂ©clarations faites au CFE sont retransmises
Ă ces Administrations qui appliquent aussitĂŽt Ă lâentreprise les effets des changements
survenus277. Dans certains pays membre de lâOrganisation africaine, il en est de mĂȘme. Câest
le cas du BĂ©nin avec le GUFE oĂč sont exĂ©cutĂ©es toutes les formalitĂ©s administratives
relatives Ă la crĂ©ation des entreprises, Ă lâexercice de lâactivitĂ©, aux modifications survenues
en cours de fonctionnement et à la cessation des activités278.
372. Dans dâautres pays de la mĂȘme Organisation, la procĂ©dure sera diffĂ©rente.
Lâentrepreneur est obligĂ© de se rendre auprĂšs de chaque Administration pour notifier la
cessation de son activitĂ© Au Cameroun, le Centre des formalitĂ©s des entreprises nâest
concernĂ© que pour la crĂ©ation des entreprises, dâoĂč son nom Centre des FormalitĂ©s de
CrĂ©ation des Entreprises (CFCE). Il nâintervient plus au moment de la fermeture de
lâentreprise. Pourtant, Ă©tant donnĂ© que tout est fait Ă la chaine au moment de la crĂ©ation, tout
devrait Ă©galement se faire Ă la chaine au moment de la cessation de lâactivitĂ©. Donc au lieu
dâun centre des formalitĂ©s de crĂ©ation des entreprises, ce quâil faudrait mettre en place est
un centre de formalités des entreprises gérant la création et la cessation ainsi que toutes les
modifications qui peuvent survenir pendant la vie de lâentreprise. Les diffĂ©rentes formalitĂ©s
seraient alors effectuĂ©es auprĂšs du centre des formalitĂ©s des entreprises qui se chargerait, Ă
son tour, de transmettre aux Administrations concernĂ©es lâinformation pour quâelles
prennent les mesures qui sâimposent.
2. Les consĂ©quences de lâarrĂȘt
373. En cas dâarrĂȘt dĂ©finitif de lâactivitĂ©, deux interrogations sont susceptibles de se
poser : que deviennent les biens jadis affectĂ©s Ă lâexploitation de lâactivitĂ© et lâex-
entreprenant pourra-t-il ultérieurement reprendre une activité à son nom propre ?
277 Ces changements peuvent mĂȘme se faire par voie Ă©lectronique, lâauto-entrepreneur âa a t pas esoin
de se déplacer physiquement pour accomplir les différentes formalités.
278 Art. 8 du décret n° 2014-194 du 13 mars 2014 portant modification du décret n° 2009-542 du 20 octobre
2009 portant création, attribution et fonctionnement du Guichet Unique des Formalités des Entreprises
(GUFE).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 178
374. Le sort des biens de lâentreprise. La cessation dâactivitĂ© peut ĂȘtre assimilĂ©e Ă lâarrĂȘt
total et dĂ©finitif de lâactivitĂ© dâune entreprise obligeant alors lâentrepreneur Ă mettre un
terme Ă son exploitation aussi bien administrativement que physiquement. La question qui
se pose alors ici est de savoir ce quâil advient des biens dont lâentrepreneur se servait dans
le cadre de lâexercice de son activitĂ©. Ces biens faisant partie de son patrimoine, le problĂšme
nâest donc pas de savoir sâils lui appartiennent ou non mais de savoir quel sort leur est
rĂ©servĂ© une fois que lâactivitĂ© professionnelle est arrĂȘtĂ©e. En tant que propriĂ©taire de ces
biens, lâancien entrepreneur peut dĂ©cider dâen faire ce quâil veut. Il peut choisir de les
vendre, de les donner, le cas Ă©chĂ©ant dâen faire usage Ă des fins personnelles ou encore de
les conserver en vue dâune rĂ©utilisation ultĂ©rieure en cas de reprise dâactivitĂ©.
375. La possibilitĂ© dâune reprise ultĂ©rieure. En vertu de la libertĂ© dâentreprendre qui est
un droit fondamental que lâon est censĂ© dĂ©tenir tout au long de sa vie, on peut penser que
lâentreprenant qui met un terme Ă son activitĂ© Ă un moment donnĂ© pourra recommencer une
activité en nom propre plus tard. La question est alors de savoir si la loi impose des
conditions, notamment en termes de délai, pour à nouveau exercer une activité et notamment
exercer en tant quâentreprenant. La loi OHADA ne prescrit aucun dĂ©lai pour redevenir
entreprenant, mais cela nâempĂȘche pas quâun Etat membre le fasse. En France, avant 2016,
il existait un délai de carence, pendant lequel un entrepreneur ne pouvait pas redevenir auto-
entrepreneur car celui qui avait cessĂ© son activitĂ© devait attendre la fin de lâannĂ©e civile pour
à nouveau ouvrir une auto-entreprise. Depuis 2016, ce délai de carence a été supprimé et
pour ouvrir la nouvelle auto-entreprise (micro-entreprise), lâentrepreneur doit simplement
procĂ©der comme il lâavait fait pour la premiĂšre. Juridiquement, cette seconde auto-entreprise
est considĂ©rĂ©e comme une entreprise diffĂ©rente de la premiĂšre. Ceci peut ĂȘtre critiquable.
En effet, il est utile de rappeler que la nouvelle exploitation est mise sur pied par le mĂȘme
entrepreneur. Or, Ă©tant donnĂ© que lâentreprise individuelle nâa ni personnalitĂ© juridique ni
patrimoines diffĂ©rents de ceux de lâentrepreneur et quâelle ne forme quâun avec celui qui la
crĂ©e, on devrait normalement considĂ©rer quâil sâagit de la mĂȘme entitĂ© juridique, autrement
dit de la mĂȘme entreprise. LâintĂ©rĂȘt et la cohĂ©rence quâil y a Ă considĂ©rer la reprise dâactivitĂ©
par un entrepreneur individuel comme étant une création nouvelle est purement
Ă©conomique. Sur le plan juridique on devrait logiquement considĂ©rer quâil sâagit de la mĂȘme
entitĂ©, de la mĂȘme entreprise individuelle, ce qui reviendrait Ă dire quâune entreprise
individuelle ne pourrait dĂ©finitivement sâĂ©teindre quâavec le dĂ©cĂšs de son auteur. De son
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 179
vivant, ce dernier pourrait Ă tout moment choisir de la relancer mĂȘme si la cessation de son
activitĂ© a fait lâobjet dâune cession de fonds.
B. LâarrĂȘt de lâactivitĂ© avec cession du fonds
376. La cession dâune entreprise individuelle correspond en rĂ©alitĂ© Ă une cession du fonds
Ă©tant donnĂ© que lâentreprise et lâindividu qui lâa crĂ©Ă©e se confondent. Le fonds professionnel
est un bien susceptible dâappropriation. Comme le dit Pascal OUDET, « il sâinscrit dans le
circuit Ă©conomique et comme tel peut ĂȘtre vendu »279. La cession du fonds consistera, pour
lâentrepreneur qui souhaite cesser son activitĂ©, Ă transfĂ©rer Ă un tiers les droits quâil possĂšde
sur un fonds. Avant dâexaminer les modalitĂ©s de la cession et ses consĂ©quences, il convient
de relever les remarques qui ressortent des dispositions de lâAUDCG encadrant la cession
de fonds.
377. La premiĂšre remarque est que lâActe uniforme ne traite que de la cession du fonds
de commerce seul280. On peut sâĂ©tonner que lâOHADA nâait pas pensĂ© Ă gĂ©nĂ©raliser la
question du fonds pendant la révision de 2010 comme cela a été fait pour le bail
professionnel. Avec lâintroduction de lâentreprenant qui exerce une activitĂ© civile, on se
serait attendu Ă ce que la loi communautaire fasse allusion au fonds professionnel.
Cependant, lâAUDCG rĂ©visĂ© ne rĂ©git que le fonds de commerce seul. Faut-il en dĂ©duire que
le législateur a voulu limiter les dispositions relatives à la cession de fonds aux commerçants
seuls ou faut-il Ă©galement Ă©tendre ces dispositions aux professionnels civils (entreprenants
ou non)? En lâĂ©tat actuel des choses, rien ne permet dâaffirmer que les dispositions de
lâAUDCG qui encadrent le fonds commercial seraient les mĂȘmes lorsquâil sâagirait dâun
fonds artisanal, libéral ou agricole. En France, quelques différences sont faites entre le fonds
commercial et le fonds dâune activitĂ© civile (artisanal, agricole, libĂ©ral)281.
279 P. OUDOT, Droit commercial et des affaires, 2e Ă©d., Gualino, 2010.
280 Da s des o e tai es uâil a faits sur le fonds de commerce peu de te ps ap s la isio lâAUDCG, D.
TRICOT âa allusio uâĂ lâe t ep e a t e e ça t u e a ti it o e iale. Cela laisse fortement penser que
ces dispositions ne concernent pas les entreprenants qui exercent une activitĂ© civile (Voir D. TRICOT, « Bail Ă
usage professionnel et fonds de commerce », p. 3, Ohadata D-12-17).
281 Pou le fo ds a tisa al, o peut se f e Ă lâa t. de la loi ° -603 du 5 juillet 1996 relative au
d eloppe e t et Ă la p o otio du o e e et de lâa tisa at. E e ui oncerne le fonds agricole, voir
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 180
378. La deuxiĂšme remarque est que le lĂ©gislateur nâa prĂ©vu que la cession Ă titre onĂ©reux,
en dâautres termes la vente282. Nulle part, il nâest fait allusion Ă la cession Ă titre gratuit. Mais
Ă©tant donnĂ© quâon peut disposer de son bien librement et que le droit civil admet
lâĂ©ventualitĂ© quâun bien puisse ĂȘtre cĂ©dĂ© gratuitement, nous envisagerons dâune part la
cession du fonds professionnel Ă titre onĂ©reux et dâautre part la cession Ă titre gratuit.
1. Les modalités de la cession
379. Il convient de distinguer selon que la cession est faite à titre onéreux ou à titre
gratuit.
1.1. La cession à titre onéreux
380. La cession sera dite onéreuse lorsque le fonds sera cédé en contrepartie du paiement
dâun prix. Le changement qui sâopĂšre alors oblige les parties Ă accomplir certaines
formalitĂ©s relatives Ă la formation de lâacte de cession lui-mĂȘme, Ă lâinformation des tiers
ainsi que les formalités auprÚs des différentes Administrations.
a. Les formalitĂ©s relatives Ă la formation de lâacte de cession
381. La cession du fonds professionnel va obéir aux rÚgles générales de la vente, aux
rĂšgles prĂ©vues par les dispositions de lâAUDCG et aux rĂšgles spĂ©cifiques Ă lâexercice de
certaines activitĂ©s commerciales283. Eu Ă©gard Ă ce qui ressort de lâAUDCG, la cession Ă titre
onĂ©reux doit respecter certaines conditions tenant Ă la forme et au fond de lâacte.
382. Sâagissant des conditions de forme, comme toute convention de vente, la cession Ă
titre onéreux est un contrat synallagmatique qui crée, à la charge des parties, des droits et
des obligations. MĂȘme si la loi communautaire ne le dit pas expressĂ©ment, cet acte doit
obligatoirement ĂȘtre un Ă©crit. Les parties pourront alors choisir de faire constater la vente
par un acte sous seing privé ou par un acte authentique dressé devant un notaire284.
la loi n° 2006- du ja ie dâO ie tatio ag i ole et plus p is e t lâa ti le L. -3 du code rural
et de la p he a iti e. Il âe iste pas e o e de te te i stitua t et gissa t le fo ds li al. 282 Art. 147 et sui a ts de lâAUDCG. 283 A t. de lâAUDCG . 284 Art. 150- 11° et 157 al. 1.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 181
383. En ce qui concerne les conditions de fond, dâaprĂšs lâarticle 150, lâacte de vente doit
Ă©noncer les mentions suivantes :
- les Ă©tats civils complets du vendeur et de l'acheteur ;
- les activités du vendeur et de l'acheteur ;
- leurs numĂ©ros dâenregistrement (immatriculation ou dĂ©claration) au Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier285 ;
- s'il y a lieu, l'origine du fonds au regard du titulaire qui a précédé le vendeur;
- l'Ă©tat des privilĂšges, nantissements et inscriptions grevant le fonds ;
- le chiffre d'affaires réalisé au cours de chacune des trois derniÚres années
d'exploitation ou depuis son acquisition si le fonds n'a pas été exploité depuis plus de trois
ans ;
- les rĂ©sultats commerciaux rĂ©alisĂ©s pendant la mĂȘme pĂ©riode ;
- le bail annexĂ© Ă lâacte avec lâindication, dans lâacte, de sa date, de sa durĂ©e, du
nom et de l'adresse du bailleur et du cédant s'il y a lieu ;
- le prix convenu. LâĂ©valuation du prix du fonds est complexe. Les parties peuvent,
si elles le souhaitent, solliciter lâaide dâun expert. En France, lâon peut avoir une idĂ©e du
prix du fonds grĂące Ă une liste tenue par les experts et les tribunaux et indiquant la valeur
approximative des fonds de commerce. LâĂ©valuation indicative tient ici compte du chiffre
dâaffaires annuel de lâentreprise cĂ©dĂ©e et de sa branche dâactivitĂ©.
- la situation et les éléments du fonds vendu ;
- le nom et l'adresse du notaire ou de l'établissement bancaire désigné en qualité de
séquestre si la vente a lieu par acte sous seing privé.
285 Le l gislateu e ploie lâe p essio " u o dâi at i ulatio ". Eta t do uâo peut appli ue ette
dispositio Ă lâe t ep e a t et uâil est uestio , da s le ad e de e t a ail de la essio de fo ds par un ce
de ie , il ous a se l plus i di u de pa le de u o dâe egist e e t. Celui-ci peut renvoyer aussi
ie au u o de d la atio o e âest le as pou lâe t ep e a t e deu , uâau u o
dâi at i ulatio si lâacheteur est un commerçant).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 182
Plus bas, lâarticle 151 prĂ©cise que lâomission ou la non-exactitude des informations
mentionnĂ©es peut entraĂźner la nullitĂ© de la vente, si lâacquĂ©reur la demande. Ce dernier devra
prouver quâil subit un prĂ©judice si les omissions ou inexactitudes affectent substantiellement
la consistance du fonds cĂ©dĂ©. Cette demande en nullitĂ© doit ĂȘtre formĂ©e dans un dĂ©lai dâun
an (01) Ă compter de la date de lâacte.
384. Une fois conclue, la vente du fonds doit impĂ©rativement ĂȘtre portĂ©e Ă la connaissance
du public au travers dâun certain nombre de formalitĂ©s.
b. Les formalitĂ©s relatives Ă lâinformation des tiers
385. Pour que les tiers soient informés des changements survenus sur le fonds, la loi met
Ă la charge des parties au contrat de vente de publier la vente. Cette publicitĂ© se fait, dâune
part au travers du RCCM et dâautre part au travers dâun journal dâannonces lĂ©gales.
386. En ce qui concerne les modifications Ă faire au niveau du RCCM, il ressort de
lâarticle 152 de lâAUDCG que, lâacte de cession du fonds doit ĂȘtre dĂ©posĂ© en une copie
certifiée conforme au RCCM. La loi communautaire ne détermine pas qui des deux parties
est tenue dâaccomplir cette formalitĂ©, elle se contente de dire quâelle doit ĂȘtre accomplie par
lâacquĂ©reur ou le vendeur. On peut en dĂ©duire quâil reviendra aux parties de sâentendre sur
cette question.
Les formalités à effectuer auprÚs du RCCM ne se limitent pas là . En plus de déposer
une copie du contrat de vente qui les lie, chaque partie doit, en ce qui la concerne, faire
procĂ©der aux mentions modificatives qui correspondent Ă sa nouvelle situation. Il sâagit, en
dâautres termes, de notifier, au greffier ou au responsable de lâorgane compĂ©tent dans lâEtat
partie, les changements intervenus dans sa situation et donc, de les faire apparaĂźtre au
RCCM.
387. La publication dans un journal dâannonces lĂ©gales. Outre les formalitĂ©s quâil doit
accomplir auprĂšs du greffe, lâacquĂ©reur du fonds devra publier lâacte de cession sous forme
dâavis dans un journal habilitĂ© Ă publier les annonces lĂ©gales et paraissant dans le lieu oĂč le
vendeur est inscrit au RCCM. Cette publication doit ĂȘtre faite dans un dĂ©lai de quinze (15)
jours francs Ă compter de la date de lâacte constatant la cession.
388. Les formalités à accomplir auprÚs des autres Administrations. La transmission
dâune entreprise peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une cessation dâactivitĂ©. Les changements
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 183
intervenus sur le fonds professionnel obligent les parties, notamment le vendeur, Ă les
notifier partout oĂč la nĂ©cessitĂ© lâimpose. Pour ne plus avoir Ă sâacquitter de certaines
obligations, le vendeur du fonds a tout intĂ©rĂȘt Ă notifier la vente de celui-ci Ă
lâAdministration des impĂŽts et Ă celle des cotisations sociales.
1.2. La cession Ă titre gratuit
389. La cession Ă titre gratuit est une donation. Cette partie peut susciter diverses
interrogations Ă©tant donnĂ© que le lĂ©gislateur nâen parle pas. On peut, entre autres, se
questionner sur le contenu de cet acte : quelles en sont les mentions obligatoires ? Par
ailleurs, doit-il absolument se faire devant notaire ou peut-il simplement ĂȘtre un acte sous
seing privĂ© ? A qui lâentrepreneur peut-il faire don de son fonds et quelles formalitĂ©s les
parties devront-elles accomplir ?
390. Les potentiels bĂ©nĂ©ficiaires de la donation. Il est important de sâinterroger sur les
personnes susceptibles de bénéficier de cette donation. En effet, la cession qui diminue le
patrimoine de lâentrepreneur va avoir des rĂ©percussions sur ceux de ses ayants droit. Il ne
sera pas surprenant que la donation soit remise en cause par ces derniers. Il est donc tout Ă
fait important de savoir qui peut en tirer un bénéfice et à quelles conditions. On envisagera
diffĂ©rents cas, selon que la donation est faite Ă un membre de la famille de lâentrepreneur ou
non (un salariĂ© de lâentreprise en cession ou une personne nâayant aucun lien de parentĂ© ou
de travail avec lâentrepreneur).
391. Forme et fond de lâacte. Lâacte de cession devra ĂȘtre constatĂ© par un Ă©crit. A la
diffĂ©rence dâune cession Ă titre onĂ©reux, lâacte qui constate la cession Ă titre gratuit est
unilatĂ©ral. Il peut se faire devant notaire ou par les parties elles-mĂȘmes. Un certain nombre
de mentions exigibles lors de la vente devront y apparaĂźtre. Entre autres, l'Ă©tat civil complet
du donateur et du donataire ; leurs activitĂ©s ; leurs numĂ©ros dâenregistrement
(immatriculation ou déclaration) au RCCM ; le cas échéant, l'origine du fonds cédé au
regard du titulaire qui a précédé le donateur ; l'état des privilÚges, nantissements et
inscriptions grevant le fonds ; le chiffre d'affaires réalisé au cours de chacune des trois
derniÚres années d'exploitation, ou depuis son acquisition si le fonds n'a pas été exploité
depuis plus de trois ans ; les rĂ©sultats commerciaux rĂ©alisĂ©s pendant la mĂȘme pĂ©riode ; le
bail annexĂ© Ă lâacte avec lâindication, dans lâacte, de sa date, de sa durĂ©e, du nom et de
l'adresse du bailleur et du cédant s'il y a lieu ; la situation et les éléments du fonds cédé ; le
cas échéant, le nom et l'adresse du notaire.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 184
a. Les formalités à accomplir par les parties.
392. Le changement de propriétaire du fonds contraint les parties à procéder aux
modifications nécessaires non seulement au niveau du RCCM mais également auprÚs des
autres Administrations concernĂ©es par la vie de lâentreprise.
393. La publication des modifications affectant le fonds. MĂȘme si la loi communautaire
nâen fait pas allusion, on peut penser que, comme pour la cession Ă titre onĂ©reux, les parties
devront veiller Ă ce que lâacte unilatĂ©ral de cession soit dĂ©posĂ© au RCCM et quâune
publication soit faite dans un journal dâannonces lĂ©gales du lieu oĂč le donateur est inscrit.
Lâancien et le nouveau propriĂ©taire du fonds devront procĂ©der Ă toutes les autres formalitĂ©s
dâinscription, de modification ou de dĂ©sinscription nĂ©cessaires auprĂšs du greffe ou de
lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie. Ces diffĂ©rentes publications sâavĂšrent nĂ©cessaires
pour informer le public des changements survenus sur le fonds de commerce.
394. La notification aux autres Administrations. Les parties ont tout intĂ©rĂȘt Ă signaler
les changements survenus aux autres Administrations concernĂ©es par la vie de lâentreprise,
notamment au fisc et Ă lâAdministration chargĂ©e des cotisations sociales.
En France, le donateur du fonds sera, entre autres, tenu au paiement immédiat des
impÎts sur les bénéfices de la derniÚre période et, le cas échéant, des plus-values. Le
bĂ©nĂ©ficiaire de la donation, lui, devra sâacquitter des droits de mutation Ă titre gratuit. Ces
derniers sont calculĂ©s sur la valeur du bien et en fonction de lâexistence ou non dâun lien de
parentĂ© avec lâentrepreneur comme dans les cas de succession entre parents ou entre non-
parents286.
2. Les conséquences de la cession
395. Lorsque la perte du statut dâentreprenant est due Ă la cession de lâentreprise Ă une
tierce personne, on peut se poser un certain nombre de questions notamment en ce qui
concerne lâidentitĂ© de lâentreprise et le sort des crĂ©ances et dettes nĂ©es dans le cadre de
lâexploitation de cette entreprise.
286 A.-L. STERIN, Sâi stalle Ă so o pte. C e et d veloppe so e t ep ise, le statut du t availleu
indépendant, Editions Delmas, 6e éd., 2008, p. 345, n° 1718.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 185
2.1. Le changement dâidentitĂ© de lâentreprise
396. En cas de cession dâentreprise, peut-on considĂ©rer que lâentreprise conduite par le
nouvel acquĂ©reur est la mĂȘme que celle qui Ă©tait dirigĂ©e par lâex-entreprenant ? DâentrĂ©e de
jeu, on est tentĂ© dâaffirmer que le changement de titulaire au sein dâune entreprise
individuelle Ă©quivaut Ă un changement dâentreprise. En effet, si on considĂšre que
lâentreprise individuelle nâa pas de personnalitĂ© juridique diffĂ©rente de son auteur, cela
revient Ă dire que lâentreprise individuelle et lâindividu qui la constitue ne forment quâun.
DÚs lors, le fait pour cet individu de mettre un terme à ses activités entrepreneuriales
Ă©quivaut Ă une cessation de lâactivitĂ© et donc Ă la fermeture de lâentreprise individuelle. Le
lĂ©gislateur de lâOHADA semble abonder dans ce sens en disposant Ă lâarticle 64 alinĂ©a 1 de
lâAUDCG que le numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© est personnel, câest-Ă -dire rattachĂ© Ă la
personne mĂȘme de lâentrepreneur. Or, Ă©tant donnĂ© que câest ce numĂ©ro qui constate
lâexistence formelle de lâentreprise, il ne serait pas faux de penser que câest lâinscription au
RCCM qui permet dâidentifier et de singulariser les entreprises du secteur formel.
Autrement dit, autant il y a de numĂ©ros dâinscription287, autant on peut estimer quâil existe
dâentreprises formelles, chaque numĂ©ro correspondant Ă une entreprise.
397. Il faut cependant souligner que la cession dâun fonds nâempĂȘche pas au cĂ©dant de
poursuivre une activitĂ© entrepreneuriale. En effet, Ă lâopposĂ© de cette premiĂšre position,
certains, ne pourront pas partager cet avis en estimant que lâentreprise se dĂ©finit Ă©galement
comme un ensemble de moyens distincts de lâentrepreneur lui-mĂȘme. Ainsi, en lâabsence
de ce dernier, lâentreprise peut toujours ĂȘtre palpable et lâactivitĂ© peut se poursuivre. Le
changement au niveau du titulaire nâentraine pas forcĂ©ment lâextinction de lâentreprise dans
la mesure oĂč un certain nombre dâĂ©lĂ©ments peuvent subsister Ă ce changement. Il sâagit des
Ă©lĂ©ments qui sont susceptibles dâĂȘtre transmis au nouvel acquĂ©reur et au regard desquels il
est possible de poursuivre lâexploitation sans que les tiers ne se rendent compte des
changements de titulaire. Il sâagit notamment des contrats en cours (contrats de travail288,
287 Il est uestio i i des u os dâi at i ulatio principale.
288 E F a e, lâa t. L. -1 du code de travail prĂ©voit la transmission des contrats des salariĂ©s lors de la
cession de lâe t ep ise au otif uâil a o ti uit de la elatio de t a ail alg le ha ge e t de
p op i tai e de lâe t ep ise.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 186
bail professionnel289, contrats avec les fournisseurs), de la clientĂšle, de lâenseigne, du nom
commercial.
Ce second point de vue peut davantage se justifier lorsquâon lit lâalinĂ©a 2 de lâarticle
55 de lâAUDCG qui dispose quâ« en cas de dĂ©cĂšs dâune personne physique immatriculĂ©e,
ses ayants droit doivent ⊠demander la radiation de lâinscription au Registre, ou sa
modification sâils doivent eux-mĂȘmes continuer lâactivitĂ© ». Cet article donne lâimpression
quâen cas de changement du titulaire dâune entreprise individuelle (pour cause de dĂ©cĂšs ou
pour toute autre cause), au lieu de procĂ©der Ă la radiation de lâinscription du premier titulaire,
on peut simplement procĂ©der Ă une modification de celle-ci. Mais la question quâon se pose
ici est celle de savoir en quoi va consister cette modification. Sâagira-t-il seulement de
remplacer le nom de lâancien titulaire par celui du nouvel acquĂ©reur ? Cette simple
modification au niveau du nom voudrait dire que le numĂ©ro dâinscription au RCCM serait
attribuĂ© au nouvel acquĂ©reur, ce qui semble contradictoire Ă lâarticle 64 qui voudrait que ce
numĂ©ro soit personnel. Sâagira-t-il plutĂŽt de remplacer, Ă la fois, le nom de lâancien
acquĂ©reur et son numĂ©ro dâinscription par le nom du nouvel acquĂ©reur et un nouveau
numéro ? Dans ce dernier cas, la modification reviendrait à totalement modifier les
informations qui figurent dans le Registre. On ne voit donc pas quel intĂ©rĂȘt le lĂ©gislateur
avait Ă nuancer son propos en parlant de radiation ou de modification de lâinscription.
2.2. Le sort des dettes et crĂ©ances dâorigine professionnelle
398. Les dispositions de lâAUDCG ne font nullement allusion Ă la cession des crĂ©ances
et des dettes lors de la cession du fonds. Toutefois, dans ses commentaires relatifs auxdites
dispositions, le Professeur Santos AKUETE PEDRO affirme que les créances et les dettes
sont exclues car elles sont personnelles Ă lâentrepreneur individuel290. En effet, Ă©tant donnĂ©
que lâentreprise individuelle nâa pas un patrimoine propre, toutes les dettes et crĂ©ances nĂ©es
dans le cadre de lâactivitĂ© professionnelle demeurent dans le patrimoine de lâentrepreneur
individuel au moment de la cession de son entreprise. La cession Ă titre gratuit ou Ă titre
onĂ©reux du fonds nâemporte donc pas le transfert des crĂ©ances et des dettes dâorigine
professionnelle. Toutefois, ceci ne sâoppose pas Ă ce que les parties sâaccordent Ă le faire.
289 A t. de lâAUDCG. 290 Voi o e tai es de lâa t. de lâAUDCG, p. , Ohada, TraitĂ© et actes uniformes commentĂ©s et
annotés, 4e édition, Juriscope 2012.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 187
Les parties peuvent convenir dâun transfert des crĂ©ances ou, dans certaines conditions, des
dettes de lâancien propriĂ©taire du fonds au nouvel acquĂ©reur.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 188
Conclusion du chapitre
399. Autant on peut acquĂ©rir le statut de lâentreprenant, autant on peut le perdre. Cette
perte peut ĂȘtre volontaire ou involontaire.
400. Dans le prĂ©sent chapitre, il Ă©tait question dâĂ©tudier les formalitĂ©s Ă accomplir en cas
de perte du statut de lâentreprenant. Ces formalitĂ©s-ci dĂ©pendent de la raison de la perte. La
principale, et celle qui revient quelle que soit la cause de la perte, est la radiation du RCCM.
Lâentrepreneur qui cesse dâendosser le titre dâentreprenant devra solliciter sa radiation
auprĂšs de lâAdministration compĂ©tente, dans les dĂ©lais impartis par la loi Ă cet effet.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 189
Conclusion du titre
401. Dans ce titre, nous avons abordĂ© les questions liĂ©es Ă lâacquisition et Ă la perte du
statut dâentreprenant. Lâune et lâautre nĂ©cessitent que des formalitĂ©s soient accomplies au
RCCM. Il faut cependant préciser que ces formalités au RCCM ne seront pas les seules que
lâentrepreneur devra accomplir. Outre la dĂ©claration dâactivitĂ© quâil doit accomplir pour
acquĂ©rir et la radiation quâil effectue lorsquâil perd le statut, lâentrepreneur devra encore
effectuer dâautres dĂ©marches auprĂšs des diffĂ©rentes Administrations. Toutes ces formalitĂ©s
peuvent ĂȘtre dissuasives car elles vont Ă lâencontre de lâobjectif du lĂ©gislateur dâĂ©viter un
« âŠformalisme inutile qui inciterait Ă demeurer dans le domaine de lâĂ©conomie parallĂšle
et souterraine »291.
291 D. TRICOT, « Le d oit OHADA au soutie de lâe t ep ise ag i ole », p. 1, Ohadata D-12-56.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 190
CONCLUSION DE LA PREMIĂRE PARTIE
402. Dans cette premiĂšre partie, nous avons Ă©tudiĂ© lâaccĂšs au statut de lâentreprenant.
Comme nous lâannoncions dĂ©jĂ , lâacquisition ou la jouissance de ce statut est soumise Ă des
conditions. Dâune part, les entrepreneurs devront remplir des conditions dâĂ©ligibilitĂ©, dâautre
part ils devront effectuer des démarches.
403. Si les premiÚres conditions ne semblent pas poser de réelles difficultés, les secondes,
par contre, peuvent ĂȘtre un vĂ©ritable obstacle pour des entrepreneurs qui, dans le secteur
informel, ne sont soumis à aucune formalité. En effet, ce sont des personnes qui, de maniÚre
spontanĂ©e dĂ©cident dâentreprendre ceci ou cela, afin de se faire des revenus. Ce sont
Ă©galement des personnes qui souhaitent, autant que possible, Ă©viter des tracasseries dâordre
financier ou administratif. Pour ces personnes, lâobligation dâaccomplir des formalitĂ©s, non
seulement pour acquĂ©rir le statut, mais aussi au moment de le quitter, peut ĂȘtre perçue
comme une source de tracasseries, une contrainte que beaucoup aimeraient Ă©viter.
Cependant, elle reste facilement surmontable par rapport au poids des autres obligations
auxquelles lâentrepreneur devra se soumettre une fois le statut acquis.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 191
DEUXIEME PARTIE. LES REGLES GOUVERNANT LE STATUT
DâENTREPRENANT
404. La question de lâaccĂšs au statut dâentreprenant ayant Ă©tĂ© rĂ©glĂ©e, il importe de
sâintĂ©resser Ă ce quâimplique lâacquisition dudit statut. Dans cette deuxiĂšme partie nous
aborderons la question des consĂ©quences du statut de lâentreprenant. Si la plupart du temps,
on a mis en avant les avantages auxquels le statut donne droit, il ne faut pas oublier quâen
contrepoids de ceux-ci, lâentrepreneur est tenu de se conformer aux diffĂ©rentes contraintes
auxquelles les lois qui sâappliquent Ă lui le soumettent. Ces contraintes peuvent rapidement
devenir pesantes dans la mesure oĂč elles sont nombreuses et Ă©manent dâautoritĂ©s diffĂ©rentes.
En effet, celui qui fait le choix dâexercer sous le statut dâentreprenant devra supporter, non
seulement le poids des rĂšgles du droit communautaire (Titre 1), mais Ă©galement celui des
rĂšgles du droit national du pays dans lequel il exerce (Titre 2).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 192
TITRE 1. LES REGLES DU DROIT COMMUNAUTAIRE
405. Etant une crĂ©ation de lâOHADA, lâentreprenant est tenu de se soumettre aux rĂšgles
de ladite Organisation. Il faut cependant prĂ©ciser que dâautres rĂšgles de droit communautaire
sont susceptibles de lui ĂȘtre appliquĂ©es292. En effet, plusieurs pays de lâOHADA sont
Ă©galement membres dâautres organisations communautaires telles la CEDEAO et
lâUEMOA en Afrique de lâOuest, la CEMAC en Afrique centrale. Les lois Ă©dictĂ©es par ces
organismes pourront ĂȘtre appliquĂ©es Ă lâentreprenant, notamment en ce qui concerne la
concurrence, les droits des consommateurs, la protection de lâenvironnement.
406. Dans le cadre de ce travail, nous focaliserons notre attention sur les dispositions de
lâOHADA car elles sont les mĂȘmes dans tous les pays de lâOrganisation. Nous distinguerons
dâune part les rĂšgles qui sâappliquent Ă lâentreprenant en considĂ©ration de son statut
(Chapitre 1) et dâautre part, celles qui lui sont appliquĂ©es indĂ©pendamment de celui-ci.
Nous faisons allusion ici aux rÚgles encadrant les procédures collectives, communes à tous
les entrepreneurs (Chapitre 2).
292 Out e les gles de lâOHADA et du pa s da s le uel il e e e, lâe t ep e a t est tenu de respecter les
autres rĂšgles communautaires applicables Ă son activitĂ©. Sur cette question, voir : A. CISSE, « Lâha o isatio
du d oit des affai es e Af i ueâŻ: », in Revue internationale de droit Ă©conomique, t. XVIII, 2 (2004), no 2, p.
197-225 ; GOND G., « La revue des livres », in Comptabilité - ContrÎle - Audit, Tome 23 (12 avril 2017), no 1, p.
127-131 ; E. NSIE, « Le licenciement devant les juridictions gabonaises », in Les horizons du droit OHADA.
M la ges e lâho eu du P ofesseu Filiga Mi hel SAWADOGO, CREDIJ, 2018, p. 669â685.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 193
Chapitre 1. Les rĂšgles liĂ©es au statut dâentreprenant
407. Plusieurs rĂšgles sont appliquĂ©es Ă lâentreprenant en vertu de sa qualitĂ©. Elles lui sont
appliquĂ©es parce quâil a optĂ© pour le statut dâentreprenant. Lâentrepreneur ne se serait pas
forcĂ©ment vu appliquer ces rĂšgles sâil avait optĂ© pour un autre statut. Autant elles procurent
Ă lâentreprenant des avantages, autant elles lui imposent des obligations (Section 1) et des
restrictions (Section 2).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 194
Section 1. Les obligations imposĂ©es Ă lâentreprenant
408. Dans cette section, nous examinerons les obligations que la loi OHADA met Ă la
charge de lâentreprenant. On en distingue quelques-unes qui ont trait Ă la comptabilitĂ©
(Paragraphe 1) et dâautres qui prĂ©sentent un lien avec le droit commercial (Paragraphe
2).
Paragraphe 1. Des obligations comptables
409. La loi communautaire prĂ©voit des rĂšgles qui permettent dâencadrer la comptabilitĂ©
des entrepreneurs en général et celle des entreprenants en particulier. Ces rÚgles obligent
lâentreprenant Ă tenir une comptabilitĂ© qui soit conforme aux normes prescrites par la loi
(A) et mettent Ă sa charge un certain nombre dâautres obligations (B).
A. La tenue obligatoire dâune comptabilitĂ© conforme aux prescriptions lĂ©gales
410. DâentrĂ©e de jeu, lâentrepreneur qui choisit dâendosser le statut dâentreprenant doit
savoir que tenir une comptabilitĂ© est obligatoire. A lâĂ©gard des opĂ©rateurs du secteur
informel pour, qui tenir une comptabilité était facultatif, et vis-à -vis de ceux qui en tenaient
une de maniÚre sporadique et désorganisée, ce ne sera plus une option mais une obligation
à laquelle ils devront se plier conformément à ce qui est prévu par la loi.
411. La loi communautaire oblige toute entreprise Ă tenir une comptabilitĂ©. A lâarticle 1er
de lâActe uniforme relatif au Droit comptable et Ă lâinformation financiĂšre (AUDCIF), il est
dit que « Toute entreprise (âŠ) doit mettre en place une comptabilitĂ© destinĂ©e Ă lâinformation
externe comme Ă son propre usage ». Lâarticle 2 du mĂȘme acte uniforme poursuit en ces
termes : « Sont astreintes à la mise en place d'une comptabilité, dite comptabilité financiÚre,
les entités soumises aux dispositions de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial
gĂ©nĂ©ral ⊠». Parmi les entitĂ©s soumises aux dispositions de lâAUDCG figurent les
entreprises individuelles crĂ©Ă©es par des entreprenants. La tenue dâune comptabilitĂ© est donc
une obligation pour ces derniers. Il ne sâagit pas dâune formalitĂ© facultative qui dĂ©pend du
bon vouloir de lâentrepreneur, aussi petit soit-il.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 195
412. Il faut cependant prĂ©ciser que les exigences ne sont pas les mĂȘmes pour toutes les
entreprises. Chaque entité économique sera soumise à un systÚme précis de comptabilité en
fonction de sa taille. DâaprĂšs lâarticle 13 de lâAUDCIF, les trĂšs petites entreprises aux rangs
desquelles figurent les entreprenants sont censĂ©es ĂȘtre assujetties au SystĂšme minimal de
trĂ©sorerie (SMT). Il sâagit dâun systĂšme de comptabilitĂ© simplifiĂ© et bien quâil soit allĂ©gĂ©,
le fait de tenir une comptabilitĂ© peut sâavĂ©rer contraignant pour de trĂšs petits entrepreneurs
issus du secteur informel. Contrairement à la liberté dont ils jouissaient dans le secteur
informel, le choix ne leur est plus laissĂ© sâils entendent se rĂ©gulariser. En effet, eu Ă©gard Ă la
petite taille de leur activitĂ©, beaucoup dâentrepreneurs ne trouvent pas nĂ©cessaire de tenir
une comptabilitĂ©293. Dâautres encore nâen tiennent pas une, tout simplement parce quâils ne
savent ni lire ni Ă©crire. Pour une troisiĂšme catĂ©gorie, lâabsence de tenue dâune comptabilitĂ©
est simplement due Ă la nĂ©gligence. En adoptant le statut de lâentreprenant pour se
rĂ©gulariser, tous ces entrepreneurs sâengagent Ă se soumettre aux exigences lĂ©gales. Il nây a
plus de place aux excuses, dâautant plus que la loi communautaire a simplifiĂ© les rĂšgles de
comptabilité qui leur sont applicables. Pour davantage les aider à respecter ce devoir, les
Etats mettent sur pied des mesures visant Ă accompagner ou former les entreprenants qui
nâont aucune connaissance en comptabilitĂ©294. La petitesse de lâactivitĂ© ou lâanalphabĂ©tisme
des entrepreneurs ne seront désormais plus des raisons valables pour se soustraire à la tenue
dâune comptabilitĂ© qui devra respecter le modĂšle prescrit par la loi.
413. Tenir une comptabilitĂ©, câest bien ; mais la tenir conformĂ©ment aux exigences
lĂ©gales, câest mieux. Il ne suffira pas Ă certains entrepreneurs de tenir une comptabilitĂ©,
encore faudra-t-il quâils la tiennent conformĂ©ment aux prescriptions lĂ©gales. Lâobligation de
tenir une comptabilité voudrait donc que les entrepreneurs respectent le modÚle prescrit par
la loi. Aux articles 31 et 32 de lâAUDCG, le lĂ©gislateur prĂ©cise non seulement les documents
que lâentreprenant devra tenir, mais aussi la prĂ©sentation et le contenu de ceux-ci.
293 Câest g ale e t le as des e t ep ises de t s petites tailles crĂ©Ă©es dans un but de subsistance. Ce qui
i po te pou les p o oteu s de telles e t ep ises, âest de e o stitue leu apital. Ils âo t pas
véritablement un projet de croissance.
294 Ce fut le cas du BĂ©nin qui, lors de la phase pilote de la e e t du statut de lâe t ep e a t, avait prĂ©vu
des formations aux mĂ©thodes de comptabilitĂ© simplifiĂ©e. Voir le p oto ole dâe u te p li i ai e
"Evaluatio dâi pa t du statut de lâE t ep e a t au B i " rĂ©alis pa lâI stitut de Re he he E pi i ue e
Economie Politique (IREEP).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 196
414. Les documents comptables de lâentreprenant. Si lâon sâen tient aux dispositions des
articles 31 et 32 de lâAUDCG, lâentreprenant devrait en principe avoir un seul document
comptable que la loi communautaire appelle le « livre ». Ce dernier doit ĂȘtre tenu
chronologiquement. Les dates des opĂ©rations doivent donc ĂȘtre mentionnĂ©es. Lâentrepreneur
doit indiquer, dâune part lâorigine et le montant des ressources en distinguant les rĂšglements
en espĂšces des autres modes de rĂšglement et, dâautre part la destination et le montant des
emplois. En bref, le livre chronologique tenu par lâentreprenant est un document rempli jour
aprÚs jour, dans lequel sont notées les dépenses et les recettes quotidiennes en précisant pour
chaque opĂ©ration, son objet, son montant et, lorsquâil sâagit de recettes, leur mode de
paiement.
415. Le cas Ă©chĂ©ant, lâentreprenant tiendra Ă©galement un registre qui rĂ©capitule tous les
achats. Pour chaque achat, il devra préciser le mode de rÚglement et la référence des piÚces
qui le justifient, autrement dit la référence des factures et reçus de paiement. Il est dit que
pour les entreprenants exerçant « des activitĂ©s de vente de marchandises, dâobjets, de
fournitures et denrées ou de fourniture de logement », un second document est exigé : un
registre récapitulatif par année, présentant le détail des achats, leur mode de rÚglement et les
références des piÚces justificatives.
416. Quâelle soit composĂ©e dâun ou de deux documents en fonction de lâactivitĂ© exercĂ©e,
la comptabilitĂ© de lâentreprenant est allĂ©gĂ©e comparativement Ă celle des autres
entrepreneurs individuels. Lorsquâon les compare Ă celles du commerçant, les obligations
comptables de lâentreprenant semblent moins contraignantes. En effet, il ressort des
dispositions de lâarticle 13 de lâAUDCG que tout commerçant, personne physique ou
morale, doit tenir tous les livres de commerce. A la diffĂ©rence de lâentreprenant qui ne doit
tenir quâun ou deux documents de comptabilitĂ©, le commerçant, lui, tient plusieurs livres. Il
sâagit notamment295:
- du livre-journal qui retrace les opérations de maniÚre chronologique. Le
commerçant y enregistre au jour le jour ses opérations ;
- du grand livre qui reprend ces opérations et les répartit en comptes ;
295 âu ette uestio , oi a t. de lâAUDCIF. Il faut toutefois p ise ue lo s uâil sâagit de petits
commerçants, tous ces livres ne sont pas forcément exigés.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 197
- de la balance générale des comptes qui est un état récapitulatif faisant
apparaĂźtre le solde dĂ©biteur ou crĂ©diteur Ă lâouverture de lâexercice, le cumul depuis
lâouverture de lâexercice des mouvements dĂ©biteurs et des mouvements crĂ©diteurs, le solde
débiteur ou créditeur à la date considéré ;
- du livre inventaire qui reprĂ©sente le patrimoine de lâentreprise, câest-Ă -dire
son actif et son passif.
Quelques-uns de ces documents comptables doivent ĂȘtre cĂŽtĂ©s, paraphĂ©s et numĂ©rotĂ©s
par la juridiction compétente296.
417. La présentation de ces différents documents de comptabilité et leur contenu doivent
ĂȘtre conformes aux exigences lĂ©gales. DâaprĂšs lâarticle 20 de lâAUDCIF, ils doivent ĂȘtre
tenus sans blanc ni altĂ©ration dâaucune sorte. Lâentrepreneur qui ne respecte pas ces
exigences sâexpose Ă des sanctions diverses.
418. Sanctions de lâirrĂ©gularitĂ© des documents comptables. La prĂ©sentation et le contenu
des documents comptables ne sont pas laissĂ©s au grĂ© de lâentrepreneur, au contraire ils
doivent ĂȘtre tenus selon le modĂšle prescrit par la loi. En cas de litige, la juridiction saisie
peut demander que ces documents soient prĂ©sentĂ©s pour servir de preuve. Lâarticle 68 alinĂ©a
1 de lâAUDCIF dispose en effet que « la comptabilitĂ© rĂ©guliĂšrement tenue peut ĂȘtre admise
en justice pour servir de preuve entre les entitĂ©s pour fait de commerce et autres ». LâalinĂ©a
2 prĂ©cise que « Si elle a Ă©tĂ© irrĂ©guliĂšrement tenue, elle ne peut ĂȘtre invoquĂ©e par son auteur
Ă son profit ». Mal tenus, les documents comptables ne seront pas dâune grande utilitĂ© Ă un
entrepreneur. On lâa bien vu dans lâaffaire opposant monsieur Fadel El SAHILI,
commerçant exerçant sous lâenseigne dâĂ©tablissement SĂ©nĂ©galo-BurkinabĂ© de Commerce
(SEBUCO), à la Société Industrielle de transformation de Produits Agricoles et Laitiers
(SITRAPAL)297. Le tribunal se basa sur les documents comptables pour déduire la mauvaise
ou la bonne foi des parties et rendre sa décision. Dans cette affaire, la SITRAPAL réclamait
à monsieur Fadel, commerçant, la somme de cent trente-trois millions huit cent soixante-
deux mille sept cent un (133 862 701) francs. Cette somme représentait le prix de vente des
296 A t. de lâAUDCIF. 297 Tribunal de grande instance de Ouagadougou, jugement 134/2005 du 04 mai 2005, Fadel El SAHALI c/
SITRAPAL SA, Ohadata J-07-122.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 198
produits laitiers quâelle avait confiĂ©s Ă monsieur Fadel. Pour contester cette rĂ©clamation,
monsieur Fadel nia lâexistence dâun quelconque lien contractuel avec la SITRAPAL. Cette
relation commerciale, la SITRAPAL produisit des factures appuyées par ses livres
comptables. Alors quâil soutenait que les documents comptables de la SITRAPAL seuls
nâĂ©taient pas suffisants pour prouver lâexistence de cette crĂ©ance, il fut demandĂ© Ă monsieur
Fadel de produire Ă son tour ses documents comptables. Celui-ci produisit quelques feuilles
manuscrites. Le tribunal releva que ces documents fournis par monsieur Fadel Ă©tablissaient
clairement lâexistence dâune relation contractuelle avec la SITRAPAL et que cette relation
contractuelle consistait effectivement en la vente de produits laitiers. Il en conclut que des
opérations financiÚres devaient donc effectivement se produire entre les parties. Pour
dĂ©terminer laquelle des deux Ă©tait redevable Ă lâautre, le tribunal se basa exclusivement sur
les documents comptables produits par les parties. Il donna gain de cause Ă la SITRAPAL
qui avait pu fournir des factures appuyées par des livres comptables correctement tenus, et
condamna monsieur Fadel qui nâavait produit que des feuilles volantes manuscrites ne
répondant à aucune forme légale au paiement de la somme réclamée. Le tribunal aurait
certainement procédé autrement si la présentation et le contenu des documents comptables
de lâĂ©tablissement SEBUCO Ă©taient conformes aux exigences lĂ©gales.
419. Le fait de tenir une comptabilitĂ© entachĂ©e dâirrĂ©gularitĂ© peut Ă©galement entrainer des
sanctions pĂ©nales Ă lâĂ©gard de lâentrepreneur298. Ce dernier peut ĂȘtre poursuivi pour dĂ©lits
de faux en Ă©criture de commerce, pour irrĂ©gularitĂ© ou dâabsence de tenue de livres, etc. En
cas de cessation de paiement, il peut ĂȘtre mis en faillite pour nâavoir pas fourni une
comptabilité conforme aux exigences légales.
420. Il faut reconnaĂźtre que mĂȘme si la tenue dâune comptabilitĂ© est une obligation, elle
est dâabord utile Ă lâentrepreneur dans la gestion quotidienne de son entreprise. Elle lui
permet, par exemple, de connaĂźtre lâĂ©tat de son actif et son passif ; de savoir Ă quoi il a
affectĂ© chaque dĂ©pense ; dâestimer au regard des dĂ©penses sâil fait des bĂ©nĂ©fices, etc. Câest
lâobligation de tenir sa comptabilitĂ© dâune certaine maniĂšre qui peut ĂȘtre contraignant et, par
consĂ©quent, dissuasif, pour des personnes qui nâavaient pas lâhabitude de consigner par Ă©crit
les opérations effectuées ou qui le faisaient à leur guise. Le manque de connaissance
(analphabétisme, illettrisme, ignorance des rÚgles en vigueur) de certains entrepreneurs
peut, en outre, constituer un blocage. Un pourcentage non négligeable des personnes actives
298 A t. de lâAUDCIF.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 199
dans le secteur informel ne savent ni lire ni Ă©crire299. Il est vrai que certains Etats ont
entrepris de former cette catĂ©gorie dâentrepreneurs en leur apprenant Ă tenir une comptabilitĂ©
qui soit conforme aux exigences lĂ©gales, mais ces mesures dâaccompagnement et dâaide
risquent dâavoir peu de succĂšs auprĂšs des entrepreneurs qui ressentiront quand mĂȘme le
poids des diverses obligations comptables.
B. Les autres obligations comptables
421. Tenir une comptabilitĂ© ne suffit pas, lâentreprenant devra encore inscrire son numĂ©ro
de déclaration sur ses documents comptables et les conserver pendant une certaine durée.
422. Lâinscription du numĂ©ro de dĂ©claration sur les documents comptables.
Lâentreprenant est tenu dâinscrire son numĂ©ro de dĂ©claration sur ses documents
comptables300. On peut voir cette obligation Ă lâarticle 62 alinĂ©a 3 de lâAUDCG qui dispose
que lâentreprenant ne peut commencer son activitĂ© quâaprĂšs rĂ©ception de son numĂ©ro de
dĂ©claration dâactivitĂ© quâil doit mentionner sur ses documents professionnels, suivi de
lâindication du RCCM qui a reçu sa dĂ©claration.
423. La conservation des documents comptables. Aux articles 31 et 32 de lâAUDCG, on
peut relever quâun autre devoir incombe Ă lâentreprenant, celui de conserver le livre
chronologique des recettes et dépenses et les piÚces justificatives des achats. Cette
prescription du lĂ©gislateur vise certainement Ă prĂ©server les intĂ©rĂȘts de lâentreprenant en cas
de litige. A lâarticle 5 de lâAUDCG, il est dit que « dans le cours dâune contestation, la
prĂ©sentation des livres de commerce et des Ă©tats financiers de synthĂšse peut ĂȘtre ordonnĂ©e
par le juge ⊠à lâeffet dâen extraire ce qui concerne le litige ». Lorsque lâentrepreneur est
un entreprenant, câest la prĂ©sentation du livre chronologique de recettes et dĂ©penses qui sera
demandĂ©e. Lâarticle 14 de lâAUDCIF affirme quâen tant que document comptable, ce livre
peut servir dâinstrument de preuve mais, sâil est irrĂ©guliĂšrement tenu, il ne peut ĂȘtre invoquĂ©
299 38% des adultes en Afrique sont analphabĂštes (chiffres pris sur le site de lâUNEâCO www.unesco.org. Dans
plusieu s pa s de lâOHADA, e tau os illait autou des % au d ut des a es oi .do es de la
Banque mondiale de 1970 Ă 2018 sur https://donnees.banquemondiale.org. Ces chiffres concernent les
personnes ùgées de 15 ans et plus)
300 A t. al. de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 200
par son auteur Ă son profit301. Lâentreprenant a donc tout intĂ©rĂȘt Ă tenir correctement son
document comptable, mais il doit Ă©galement le conserver le plus longtemps possible.
424. Lâarticle 31 in fine de lâAUDCG parle de la conservation du livre chronologique des
recettes et des dépenses pendant une durée minimale de cinq (05) ans. Quant aux piÚces
justificatives, la loi communautaire ne fixe aucune limite de temps, elle prescrit seulement
de les conserver. On suppose quâil faudra Ă©galement les conserver pendant une durĂ©e
minimale de cinq (05) ans Ă©tant donnĂ© que câest, en principe, au bout de cinq ans que les
actes accomplis dans le cadre de lâactivitĂ© de lâentreprenant se prescrivent. Cependant, dans
certaines circonstances et pour diverses raisons, il peut ĂȘtre opportun de conserver les
documents comptables et les piĂšces justificatives plus longtemps. En effet, un examen
approfondi des dispositions des Actes uniformes et de certaines dispositions nationales
laisse penser quâil serait prĂ©fĂ©rable pour lâentreprenant de conserver ses documents
comptables bien au-delĂ des cinq ans prescrit.
425. Sâagissant des Actes uniformes, Ă lâarticle 29 de lâAUDCG, il est dit que le dĂ©lai de
prescription des obligations nĂ©es dans le cadre des activitĂ©s de lâentreprenant peut ĂȘtre
allongĂ© jusquâĂ dix (10) ans Ă partir du jour oĂč le titulaire du droit dâagir a connu ou aurait
pu connaĂźtre les faits lui permettant dâexercer son action. Au lieu des cinq (05) ans
initialement prĂ©vus Ă lâarticle 16 de lâAUDCG, il est dit que les parties peuvent convenir
dâun dĂ©lai de prescription plus long. Pour se prĂ©venir des Ă©ventuels litiges qui pourraient
survenir plusieurs annĂ©es aprĂšs lâaccomplissement de ses actes, lâentreprenant aurait tout
intĂ©rĂȘt Ă conserver ses documents comptables pendant une durĂ©e au moins Ă©gale Ă dix (10)
ans. Câest dâailleurs ce dĂ©lai de dix ans que rĂ©itĂšre lâAUDCIF en son article 24. Ici, il est
clairement dit que « les livres comptables ou les documents qui en tiennent lieu, ainsi que
les piÚces justificatives sont conservées pendant dix ans ».
En ce qui concerne les lois nationales, on peut citer lâexemple du Cameroun oĂč le
minimum dĂ©cennal est imposĂ©. Lâarticle L5 du CGI prescrit aux contribuables de conserver
tous les documents sur lesquels lâAdministration fiscale peut exercer son droit de contrĂŽle,
de communication ou dâenquĂȘte pendant une durĂ©e de dix ans Ă compter de la derniĂšre
opĂ©ration quâils constatent.
Lâentreprenant doit donc pouvoir conserver ses documents et ses piĂšces justificatives
301 A t. al. de lâAUDCIF.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 201
pendant une durĂ©e minimale de dix annĂ©es. Mais, sâil semble a priori facile de conserver des
documents, il faut reconnaĂźtre que le faire sur une longue durĂ©e peut rendre lâobligation
lourde. Il ne serait pas bon dâobliger dâanciens opĂ©rateurs du secteur informel Ă conserver
trop longtemps les moyens de preuve Ă©crits dont ils disposent. Dâautant plus que ces
entrepreneurs qui font leur entrée dans le monde formel pourront encore faire face à des
obligations qui leur Ă©taient quasiment Ă©trangĂšres dans le secteur informel. Tenir une
comptabilité conformément aux exigences de la loi, conserver les documents comptables et
les piĂšces justificatives constitueront pour eux une nouveautĂ© au mĂȘme titre que
lâassujettissement Ă certaines rĂšgles du droit commercial.
Paragraphe 2 : Des obligations en lien avec le droit commercial
426. Quelle que soit la nature de son activitĂ©, lâentreprenant est assujetti aux rĂšgles du
droit commercial Ă©manant de lâOHADA. Parmi ces rĂšgles figurent celles qui ont trait Ă la
preuve (A) et à la prescription (B). En cas de litige, celui qui a opté pour le statut
dâentreprenant sera tenu de sây conformer, quâelles lui soient favorables ou non.
A. En matiĂšre de preuve
427. La liberté de la preuve. En matiÚre commerciale, le principe est celui de la liberté
de la preuve, consacrĂ© par lâarticle 5 alinĂ©a 2 de lâAUDCG qui dispose que les actes de
commerce se prouvent par tout moyen Ă lâĂ©gard des commerçants302. La simplicitĂ© avec
laquelle il est possible de prouver, laisse penser quâil est plus avantageux que lâon applique
ce principe aux professionnels des affaires. On a pu le voir Ă plusieurs occasions. Par
exemple, dans lâaffaire qui opposait la SociĂ©tĂ© Cote dâivoire CĂ©rĂ©ales Ă la SociĂ©tĂ© Shanny
Consulting, il avait Ă©tĂ© reprochĂ© au tribunal de premiĂšre instance de Yopougon dâavoir
appliqué à des commerçants des rÚgles de preuve de droit civil. En effet, la Société Cote
dâIvoire CĂ©rĂ©ales, par le biais de son directeur, avait adressĂ© une lettre Ă la SociĂ©tĂ© Shanny
Consulting dans laquelle elle reconnaissait lui devoir de lâargent et proposaient un plan
dâapurement de cette dette. La sociĂ©tĂ© dĂ©bitrice nâayant pas honorĂ© son engagement,
302 Sur cette question, voir : CCJA, 3Ăšme chambre, arrĂȘt n° 017/2018 du 25 janvier 2018, OBAME NGUEMA
Richard c/ SARL Orient BĂątiment.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 202
lâaffaire fut portĂ©e devant le TPI de Yopougon qui estima que la lettre Ă©crite par la SociĂ©tĂ©
Cote dâIvoire CĂ©rĂ©ales nâĂ©tait pas une preuve recevable dans la mesure oĂč elle nâĂ©tait pas
manuscrite et ne comportait pas la mention « Bon et approuvĂ© » comme lâexige les
dispositions du code civil. La Cour dâappel dâAbidjan et la CCJA aprĂšs elle, ont estimĂ© que
le premier juge avait fait une mauvaise application des dispositions de la loi civile. Les
parties Ă©tant commerçantes, ce sont les dispositions de lâAUDCG qui sâappliquaient. Tous
les moyens devaient ĂȘtre admis pour prouver lâexistence dâune crĂ©ance nĂ©e de lâune Ă lâĂ©gard
de lâautre.
428. Dans le cas de lâaffaire SociĂ©tĂ© des Transports abidjanais dite SOTRA SA contre
SociĂ©tĂ© de transformation dâHĂ©vĂ©as dite SOTHEV SA303, ce principe fut encore rappelĂ©.
Dans lâespĂšce, la CCJA avait rejetĂ© le pourvoi formĂ© par la SOTRA, estimant que les motifs
invoquĂ©s par la demanderesse ne visaient quâĂ remettre en discussions des Ă©lĂ©ments de
preuve souverainement appréciés par les juges de fond. En effet, les juges de premiÚre
instance et dâappel avait condamnĂ© la SOTRA Ă payer Ă la SOTHEV une dette de 1458000
francs CFA reprĂ©sentant le prix dâune livraison. Ils avaient dĂ©clarĂ© la crĂ©ance de la SOTHEV
certaine, liquide et exigible en se basant sur des courriers Ă©crits par les parties. Mais la
SOTRA, insatisfaite de cette décision a saisi la haute juridiction soutenant que des échanges
Ă©crits nâĂ©taient pas suffisants pour prouver la dette et que seuls des bons de commande et de
livraison devaient ĂȘtre admis comme moyen de preuve. La CCJA a justifiĂ© sa dĂ©cision en se
fondant sur lâarticle 5 qui dispose que la preuve des obligations entre commerçants est libre.
429. En vertu de lâarticle 65 de lâAUDCG, ce principe de la libertĂ© de la preuve peut ĂȘtre
Ă©tendu Ă lâentreprenant. Les actes nĂ©s dans le cadre de leur activitĂ© devraient en principe se
prouver par tout moyen. Toutefois, il est important de faire remarquer que lâarticle 5 fait
expressément allusion aux « actes de commerce ». Certains auteurs en déduisaient alors que
cette libertĂ© de la preuve ne sâapplique quâaux entreprenants qui exercent une activitĂ©
commerciale. Ainsi, les actes nĂ©s Ă lâoccasion des activitĂ©s des entreprenants civils seraient
soumis aux rÚgles de la preuve en droit civil. Il est difficile de réfuter cette position et on
peut reprocher au lĂ©gislateur dâavoir procĂ©dĂ© Ă un renvoi dâarticle. Il aurait Ă©tĂ© plus simple
303 CCJA, 1Úre chambre, n° 164/2015 du 17 décembre 2015, Société des Transports abidjanais dite SOTRA SA
/ âo i t de t a sfo atio dâH as dite âOTHEV âA, Ohadata J-16-157.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 203
et surtout plus clair de dire Ă lâarticle 65, que les actes nĂ©s dans le cadre des activitĂ©s de
lâentreprenant se prouvent par plusieurs moyens.
Quoi quâil en soit, lâentreprenant commerçant pourra au moins se prĂ©valoir de la libertĂ©
en cas de litige pour invoquer tout moyen de preuve. Des auteurs ont estimé que cette liberté
ne joue quâĂ lâĂ©gard du professionnel. DâaprĂšs eux, les non entreprenants et non
commerçants seuls peuvent invoquer tout moyen de preuve contre lâentreprenant. Ce
dernier, lui est tenu de respecter les rĂšgles de preuve de droit commun pour prouver contre
des non entreprenants ou non commerçants. Mais cette interprĂ©tation de lâarticle 5 nâest pas
partagĂ©e. Dans le commentaire quâils font de cet article, certains estiment que la libertĂ© de
la preuve joue Ă lâĂ©gard de toutes les parties au litige. DĂšs lors quâil est avĂ©rĂ© que lâacte de
commerce, objet du litige, a bel et bien pris naissance dans le cadre de lâactivitĂ© dâun
commerçant ou dâun entreprenant, les diffĂ©rentes parties sont libres de prouver leurs
allĂ©gations par tout moyen. Cette derniĂšre position semble dâailleurs ĂȘtre celle que partagent
les juridictions des pays membres.
Ces deux interprĂ©tations semblent se situer aux deux extrĂ©mitĂ©s de ce que prĂ©voit lâacte
uniforme. A lâalinĂ©a 2 de lâarticle 5, il est dit que « tout commencement de preuve par Ă©crit
autorise le commerçant à prouver par tous moyens contre un non commerçant ». Le
lĂ©gislateur semble en rĂ©alitĂ© avoir une position intermĂ©diaire qui nâautorise le professionnel
(commerçant ou entreprenant) à prouver contre le non professionnel par tout moyen que
lorsquâil existe un commencement de preuve par Ă©crit304. A lâĂ©gard des non commerçants ou
non entreprenants, lâentreprenant ne pourra pas systĂ©matiquement invoquer tout moyen de
preuve.
430. LâintĂ©rĂȘt du principe de la libertĂ© de la preuve. La libertĂ© de la preuve facilite
lâAdministration de la preuve et concourt, dans une certaine mesure, Ă accĂ©lĂ©rer la procĂ©dure
litigieuse. Les délais sont moins longs et les exigences moins rigoureuses, le professionnel
pourra gagner en temps. Les professeurs François-Xavier LUCAS et Jean-Pierre CLAVIER
affirmaient que la liberté de la preuve en matiÚre commerciale « se justifie par la nécessité
de favoriser la conclusion rapide et sans formalisme des actes de commerce »305. Le
304 Sur cette question, voir : Cou dâappel dâA idja , A t ° du f ie 03, Fall AZIZ c/ZAKPA Claude,
Ohadata J-03-243. Voir également : E. NSIE, « Portée abrogatoire du droit OHADA et preuve entre
commerçant et non-commerçant », in LâEsse tiel. D oits africains des affaires, (1 janvier 2018), no 1, p. 2.
305 J.P. CLAVIER et F.-X. LUCAS, Droit commercial, Flammarion, 2003, p. 64.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 204
systÚme de la preuve légale aurait été contraignant si un écrit était exigé chaque fois que le
montant de la demande atteint une certaine somme. Cela alourdirait certainement la
procédure et rallongerait les délais. Or en matiÚre professionnelle, il est nécessaire de
simplifier les procédures et de raccourcir leurs délais. Cela permet aux opérateurs
Ă©conomiques dâĂȘtre rapidement fixĂ©s sur lâissue dâun litige et de poursuivre leurs activitĂ©s.
De tels aménagements favorables sont également appréciables en ce qui concerne les délais
de prescription.
B. En matiĂšre de prescription
431. Le rĂ©gime de la prescription applicable au commerçant est Ă©galement applicable Ă
lâentreprenant. Les dispositions de lâAUDCG en la matiĂšre nous fournissent des
informations quant à la durée de la prescription, au décompte des délais, aux conditions dans
lesquelles elle peut ĂȘtre appliquĂ©e et aux parties Ă qui elle est appliquĂ©e.
432. La durée. En principe, la durée de la prescription en matiÚre commerciale est de cinq
ans306. Il est dit Ă lâarticle 33 alinĂ©a 1 de lâAUDCG que « les obligations nĂ©es Ă lâoccasion
de leurs activités entre entreprenants, ou entre entreprenants et non entreprenants, se
prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes »307.
La prescription dĂ©signe donc ici la pĂ©riode Ă lâissue de laquelle une personne ne peut plus
exercer une action en justice pour revendiquer un droit. Elle sera acquisitive lorsquâelle
permettra Ă une partie au litige dâacquĂ©rir un droit, et extinctive lorsquâelle aura fait perdre
lâexercice dâun droit. Toutes les revendications ou rĂ©clamations nĂ©es dans le cadre de
lâactivitĂ© de lâentreprenant doivent ĂȘtre faites dans le respect du dĂ©lai de prescription, faute
de quoi il ne sera plus possible de les invoquer. Dans une affaire portée devant le tribunal
de grande instance de Bobo-Dioulasso308, la requĂȘte en injonction de paiement dâun
créancier fut déclarée irrecevable au motif que la créance courait depuis sept ans, durée
306 C. BIGUENET-MAUREL, Dictionnaire de la prescription civile, Francis LefĂšbvre, 2010.
307 Sur cette question voir : B. KAMENA, « Rappel de la prescription commerciale », in LâEsse tiel. D oits
africains des affaires, (1 mars 2018), no 3, p. 2. ; Cour dâappel de Ouagadougou, Cha e o e iale, a t
n° 038 du 19 juin 2009, SGTF SARL c/ SGBB, Ohadata J-10-216.
308 Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, jugement n° 320 du 11 septembre 2002, M. O.T c/ M.
A.B, Ohadata J-07-211.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 205
supĂ©rieure au dĂ©lai quinquennal applicable dans le cas dâespĂšce. Le crĂ©ancier ne put
récupérer la somme de dix millions (10 000 000) de francs que lui devait son débiteur.
Ce fut Ă©galement le cas dans lâaffaire opposant la BIAO CĂŽte dâIvoire Ă madame
Traoré MATENIN épouse COULIBALY309. En 1989, monsieur Moussa TRAORE,
pharmacien, pÚre de madame Matenin TRAORE, avait emprunté la somme de trente
millions de francs CFA à la BIAO CI. La dette avait été constatée par un contrat
synallagmatique auprĂšs dâun notaire. A son dĂ©cĂšs en 1990, le dĂ©biteur nâavait remboursĂ©
que trois millions. En 2009, la BIAO CI intenta une action en recouvrement contre son
héritiÚre, lui demandant de lui payer le reliquat de 27 912 192 (vingt-sept millions neuf-cent
douze mille cent quatre-vingt-douze) francs CFA dus par son feu pĂšre. Lâaffaire fut
successivement portĂ©e devant le TGI et la Cour dâappel dâAbidjan, puis la CCJA qui
estimĂšrent que les parties Ă©tant toutes deux commerçantes, câest la prescription
quinquennale qui sâappliquait Ă leur transaction. Ainsi, la BIAO CI nâĂ©tait plus fondĂ©e Ă
rĂ©clamer le paiement de sa crĂ©ance plus de dix ans aprĂšs quâelle a Ă©tĂ© contractĂ©e.
433. Dans certains cas, la durĂ©e de cinq ans peut ĂȘtre allongĂ©e ou raccourcie. Lâarticle 33
citĂ© ci-dessus dispose quâelle peut ĂȘtre soumise Ă une durĂ©e plus courte. Ce fut le cas dans
une affaire portée devant la CCJA le 29 juillet 2016310.
Dans lâarticle 29, il est dit quâelle peut ĂȘtre abrĂ©gĂ©e ou allongĂ©e. Ainsi, une obligation
peut se prescrire Ă lâexpiration dâune durĂ©e infĂ©rieure ou supĂ©rieure Ă cinq ans en vertu dâun
texte de loi ou par accord des parties. Cependant, lorsque les parties conviennent dâappliquer
Ă leurs obligations une prescription autre que celle de cinq ans, celle-ci ne doit pas ĂȘtre
inférieure à un an ni excéder dix ans. Le législateur a non seulement pris soin de poser des
limites fermes Ă la libertĂ© quâil donne aux parties, mais il a Ă©galement prĂ©cisĂ© comment le
dĂ©lai de prescription doit ĂȘtre comptĂ©.
434. Le dĂ©compte des dĂ©lais. Le principe de la prescription quinquennale appliquĂ© Ă
lâentreprenant est calquĂ© sur celui applicable au commerçant311. Dâailleurs, plus loin Ă
309 CCJA, 2Ăšme Chambre, n° 008/2016 du 21 janvier 2016, BIAO-CĂŽte dâI oi e / Matenin TRAORE Ă©pouse
COULIBALY, Ohadata J-16-217.
310 E. NSIE, « OHADAâŻ: La p es iptio des o ligatio s commerciales », in LâEssentiel. Droits africains des
affaires, (1 décembre 2017), no 11, p. 1.
311 CCJA, arrĂȘt n°018/2011 du 29 Novembre 2011, SociĂ©tĂ© CATRAM c/ Paul DIHA, Ohadata J-13-162.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 206
lâalinĂ©a 3 du mĂȘme article 33, il est dit que le rĂ©gime de la prescription prĂ©vu aux articles
17 Ă 29, relatif au commerçant, sâapplique Ă lâentreprenant. DâaprĂšs ces derniĂšres
dispositions, le dĂ©lai de prescription commence Ă courir Ă partir du jour oĂč le titulaire du
droit dâagir a connu ou aurait dĂ» connaitre les faits lui permettant dâexercer son action. Le
dĂ©lai ne court pas forcĂ©ment Ă partir du moment oĂč lâobligation est contractĂ©e mais Ă partir
du moment oĂč celui qui revendique un droit a pris connaissance de la situation qui lui permet
dâexercer son droit. En guise dâexemple, nous reprendrons le cas du 29 juillet 2016 citĂ© ci-
dessus. La CCJA avait estimé que le délai de prescription commençait à courir, non pas en
novembre 2002 Ă la date de la vente du vĂ©hicule, mais en aoĂ»t 2009 lorsque lâacheteur a pris
connaissance des vices cachés312.
En guise dâexemple, nous prendrons ce cas en Droit des sociĂ©tĂ©s oĂč quelques
associĂ©s dâune sociĂ©tĂ© nâavaient pas Ă©tĂ© informĂ©s de la tenue dâune assemblĂ©e ni des
rĂ©solutions prises au cours de celle-ci car les procĂšs-verbaux nâavaient pas Ă©tĂ© archivĂ©s
conformément aux exigences de la loi. Ignorant la tenue de cette réunion et les décisions qui
avaient été prises, ces associés ne pouvaient pas demander leur nullité. Bien que le délai de
trois ans prescrit par la loi Ă©tait dĂ©jĂ passĂ© depuis la tenue de cette assemblĂ©e, la cour dâappel
a estimĂ© que la prescription ne pouvait commencer Ă courir quâĂ compter du jour oĂč ces
associés ont découvert ces faits. La prescription a commencé à courir non à partir du jour
oĂč les dĂ©cisions donnant lieu Ă nullitĂ© ont Ă©tĂ© prises, mais Ă compter du jour oĂč elles ont Ă©tĂ©
découvertes313.
Lâarticle 19 prĂ©cise que la prescription ne court pas Ă lâĂ©gard dâune crĂ©ance qui
dĂ©pend dâune condition jusquâĂ ce que cette condition arrive, et Ă lâĂ©gard dâune crĂ©ance Ă
terme jusquâĂ ce que ce terme soit arrivĂ©, Ă lâĂ©gard dâune action en garantie jusquâĂ ce que
lâĂ©viction ait eu lieu. Dans ces trois hypothĂšses, on ne pourra revendiquer lâobligation que
si lâĂ©vĂšnement qui le conditionne est rĂ©alisĂ©. Celui qui invoque un droit dans lâune de ces
hypothĂšses ne pourra valablement le faire que si la condition Ă laquelle cette obligation est
312 E. NSIE, « OHADAâŻ: La p es iptio des o ligatio s commerciales », op. cit.
313 Cou dâappel de Ouagadougou, a t ° / d a il i dit , oi da s OHADA, traitĂ© et actes
uniformes commentĂ©s et annotĂ©s, 4e Ă©dition, Juriscope, 2012, page 251 ; Cou dâappel de Ouagadougou,
chambre commerciale, arrĂȘt n° 048 du 20 juin 2008, Ohadata J-10-129 ; Cou dâappel Lo , ha e
commerciale, arrĂȘt n° 070/09 du 21 avril 2009, Ohadata J-10-223 ; Cou dâappel de Ouagadougou, h. Com.,
arrĂȘt n° 038 du 19 juin 2009, Ohadata J-10-216.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 207
soumise est rĂ©alisĂ©e, câest Ă dire si le terme auquel elle devait ĂȘtre accomplie est arrivĂ©. Tant
que la condition ou le terme nâest pas accompli, on ne peut valablement dire que lâobligation
ne sera pas respectĂ©e dâoĂč la nĂ©cessitĂ© dâattendre que le terme ou la condition pour constater
que lâobligation ait Ă©tĂ© accomplie ou pas.
Aux termes de lâarticle 18, la prescription se compte par jour et non par heures. Elle
est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli314. Plus concrĂštement, on
commencera Ă compter le dĂ©lai de prescription Ă partir du jour oĂč le demandeur a eu ou
aurait eu connaissance de la situation qui lui permet dâexercer son droit jusquâĂ cinq ans
plus tard. Le demandeur a jusquâau dernier jour du terme pour intenter une action en vue
dâobtenir son droit. Au lendemain de ce terme, il ne pourra plus obtenir ce droit.
Interruption et suspension de la prescription. Les articles 20 Ă 29 font allusion Ă
lâinterruption et Ă la suspension du dĂ©lai de prescription. Il y a interruption de la prescription
lorsquâĂ la suite de certains faits, on est obligĂ© dâeffacer le dĂ©lai dĂ©jĂ couru et de
recommencer à compter la prescription au point de départ315. Entre autres faits susceptibles
dâinterrompre la prescription on a : la reconnaissance du droit du demandeur par le dĂ©biteur
et la saisine de la juridiction. La suspension, elle, arrĂȘte temporairement le cours de la
prescription sans toutefois anéantir le délai déjà couru. Celui-ci se poursuivra une fois que
lâĂ©vĂšnement qui a suspendu la prescription aura pris fin316. La prescription ne court pas ou
est suspendue lorsque le titulaire dâun droit est dans lâimpossibilitĂ© dâagir Ă cause dâun
empĂȘchement rĂ©sultant de la loi, du contrat ou de la force majeure. Elle est Ă©galement
suspendue en cas de mĂ©diation ou de conciliation ou encore en cas dâouverture dâune mesure
judiciaire dâinstruction avant tout procĂšs.
314 Cou dâappel de Bo o-Dioulasso, Chambre commerciale, ArrĂȘt n° 04/09 du 28 janvier 2009, RasmanĂ©
KIEMTORE c/ La sociĂ©tĂ© nationale de transit du Burkina, Ohadata J-10- . I i, la ou a jug uâil â a pas
p es iptio a a s ois sâ taie t oul s e t e le o e t oĂč le de a deu tait e d oit dâe e e
u e a tio et le o e t de lâassig atio . Le d lai de i p u pa la loi â tait pas e o e a he . 315 Cou dâappel dâA idja , Cha e i ile et commerciale, arrĂȘt n° 436 du 15 avril 2005, B.Y c/ SIFCA-SA,
Ohadata J-06-36 ; CCJA, arrĂȘt n° 115/2018 du 31 mai 2018, SociĂ©tĂ© des Transports Abidjanais (SOTRA) c/
Société Industrie Diffusion.
316 CCJA, 3Ăšme chambre, arrĂȘt n° 012/2018 du 25 janvier 2018, Eglise de JĂ©sus Christ des Saints des derniers
jours c/ Société Atlantique Technologie SA.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 208
435. LâindiffĂ©rence de la qualitĂ© du cocontractant. La durĂ©e quinquennale est appliquĂ©e
indĂ©pendamment de la qualitĂ© du cocontractant. Lâarticle 33 fait allusion aux obligations
« entre entreprenants, ou entre entreprenants et non entreprenants ». Il suffit que lâune des
deux parties du litige soit un entreprenant pour que la durée de cinq ans soit appliquée. Le
demandeur peut ĂȘtre lâentreprenant ou le tiers avec qui il a contractĂ©. Les dispositions de
lâAUDCG sâappliqueront, peu importe que ce dernier soit Ă©galement entreprenant ou quâil
ne le soit pas, peu importe quâil soit un professionnel ou non. Le statut de lâentreprenant
nâĂ©tant pas suffisamment vieux et surtout nâayant pas encore Ă©tĂ© mis en Ćuvre dans la
plupart des Etats membres, il est pour le moment difficile de trouver des litiges impliquant
un entreprenant. Toutefois, Ă©tant donnĂ© que câest le rĂ©gime de la prescription qui est
appliqué aux commerçants, nous pouvons prendre pour exemple des cas impliquant des
commerçants. La prescription quinquennale a été appliquée dans de nombreuses affaires
impliquant commerçants et non commerçants. Dans lâaffaire opposant Madame SONKE
née Florence TCHUENTE à la SUMOCA SA, le délai de prescription est de cinq ans. Des
années plus tard, madame SONKE a intenté une action contre la SUMOCA SA afin
dâobtenir le paiement de dommages et intĂ©rĂȘts. En 1998, la requĂ©rante avait remis son
véhicule au concessionnaire SUMOCA qui devait y faire des réparations. Plusieurs années
plus tard, elle saisit la juridiction compétente pour obtenir dédommagement car ledit
véhicule ne lui a jamais été restitué. Le tribunal de premiÚre instance de Douala-NDOKOTI
statuant en matiÚre civile et commerciale a estimé que la restitution du véhicule faisait partie
des obligations du concessionnaire. Cette obligation, Ă©tant nĂ©e dans le cadre de lâactivitĂ© de
la SUMOCA SA qui est une société commerciale, est soumise à la prescription
quinquennale. Plus de cinq ans sâĂ©tant Ă©coulĂ© depuis le moment oĂč Madame SONKE aurait
dĂ» rĂ©cupĂ©rer son bien, lâaction visant Ă obtenir le paiement de dommages et intĂ©rĂȘts est
Ă©teinte. Insatisfaite de cette dĂ©cision, madame SONKE a saisi la cour dâappel du Littoral au
motif que le premier juge avait fait une mauvaise application de la loi. DâaprĂšs la
demanderesse, la rĂ©paration des vĂ©hicules est un acte civil. DĂšs lors, le contrat qui la liait Ă
la SUMOCA Ă©chappe aux dispositions du droit commercial et on ne saurait lui appliquer la
prescription quinquennale. Mais confirmant le jugement rendu en premiĂšre instance, la Cour
dâappel a estimĂ© que le premier juge avait fait une bonne application de la loi. En effet, la
SUMOCA SA Ă©tant une sociĂ©tĂ© commerciale, les actes civils par nature quâelle accomplit
deviennent des actes de commerce par accessoire. En outre, ces actes ont été accomplis dans
le cadre de lâactivitĂ© professionnelle de lâentreprise. Les obligations qui en dĂ©coulent sont,
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 209
par consĂ©quent, soumises aux dispositions du droit commercial. Câest donc Ă juste titre que
le premier juge a appliqué la prescription quinquennale317.
Cette espĂšce illustre bien le fait que les obligations nĂ©es dans le cadre dâune activitĂ©
commerciale se prescrivent aprĂšs une durĂ©e de cinq ans mĂȘme Ă lâĂ©gard des non
commerçants. La qualitĂ© de non commerçante de la demanderesse nâa pas empĂȘchĂ© que la
prescription quinquennale soit appliquée. La seule condition qui lie le juge ici est le contexte
professionnel dans lequel lâobligation est nĂ©e.
436. La condition. La prescription quinquennale est appliquĂ©e dĂšs lors quâil est prouvĂ©
que le droit que lâon invoque est nĂ© Ă lâoccasion dâun acte en rapport avec lâactivitĂ© de
lâentreprenant. Contrairement Ă ce quâon peut penser, cette condition nâest pas toujours
facile Ă dĂ©montrer ou Ă apprĂ©cier. Le fait quâune ou les deux parties soient commerçantes et
quâelles soient liĂ©es par un acte relevant de lâactivitĂ© professionnelle ne suffit pas toujours
Ă prouver quâun droit invoquĂ© par lâune des parties est liĂ© Ă cette activitĂ©. Dans lâaffaire
opposant Adama PARE à la Société Burkina & Shell, la juridiction compétente a refusé
dâappliquer la prescription quinquennale au profit de la prescription trentenaire prĂ©vue par
le droit civil. En décembre 1989, le camion-citerne appartenant à Adama PARE avait été
utilisé par la Société Burkina & Shell pour le transport de ses produits pétroliers. Sans aucun
motif, ce camion a été immobilisé pendant six (06) mois. Le 28 juin 1999, soit prÚs de neuf
(09) ans plus tard, Adama PARE a sollicité de la Société Burkina & Shell un
dĂ©dommagement pour le manque Ă gagner subi pendant la pĂ©riode dâimmobilisation du
véhicule. Face au refus de la Société, Adama PARE a saisi le tribunal de grande instance de
Ouagadougou qui a dĂ©clarĂ© lâaction en responsabilitĂ© contractuelle et en paiement des
dommages et intĂ©rĂȘts bien fondĂ©e. La dĂ©fenderesse fut condamnĂ©e Ă payer au requĂ©rant les
sommes rĂ©clamĂ©es. Le 27 juin 2001, la SociĂ©tĂ© Burkina & Shell relevait appel au motif quâil
sâagissait dâune inexĂ©cution de contrat entre commerçants et que de ce fait le droit rĂ©clamĂ©
se prescrit par cinq (05) ans conformĂ©ment aux dispositions de lâAUDCG.
Malheureusement pour lâappelante, la Cour dâappel de Ouagadougou a confirmĂ© le
jugement rendu en premier estimant que « dans le cas dâespĂšce, un dĂ©dommagement est
indubitablement né du fait personnel de la Société Burkina & Shell, notamment par
317 Cou dâappel du Litto al, a t ° /C du o e e , Mada e âONKE e Flo e e TCHUENTE
c/ SUMOCA SA, Ohadata J-14-03.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 210
lâimmobilisation du vĂ©hicule camion-citerne de PARE Adama pendant six(06) mois ; Que
lâaction entreprise par celui-ci vise Ă obtenir rĂ©paration du prĂ©judice subi par lui par le fait
dâautrui ; Quâil sâagit en fait dâune action en responsabilitĂ©, obĂ©issant aux rĂšgles de
procĂ©dure civile et rĂ©gie par le droit commun »318. La Cour dâappel a estimĂ© que le droit
réclamé par Adama PARE ne résulte pas de la commune intention recherchée par les parties.
Autrement dit, que lâobligation revendiquĂ©e Ă lâencontre de la SociĂ©tĂ© Burkina ne faisait pas
partie des obligations consenties par les parties, des obligations entrant dans le cadre du
contrat qui les liait. DĂšs lors, cette obligation Ă©chappe au droit commercial. Câest sur ce
fondement quâelle a confirmĂ© le jugement querellĂ© et a appliquĂ© la prescription trentenaire
prévue par les dispositions du droit civil.
La position du juge dâappel est sans doute discutable. Cependant, ce quâon peut
relever de ce cas est quâil ne suffit pas dâĂ©tablir que les parties dâun litige entretiennent une
relation professionnelle, il faudrait encore dĂ©montrer que lâobligation (la crĂ©ance ou le droit)
que lâune rĂ©clame Ă lâautre est une obligation nĂ©e de cette relation. Il y a lieu de penser que
pour le juge dâappel, les obligations nĂ©es dans le cadre de lâactivitĂ© professionnelle sont
celles qui sont expressĂ©ment prĂ©vues, en fonction de lâobjet du contrat, par la loi ou les
parties. Etant donnĂ© que les parties nâavaient pas prĂ©vu quâun retard dans la restitution du
véhicule entrainerait le paiement du manque à gagner causé au propriétaire du bien, le juge
a estimé que cette obligation de réparation ne faisait pas partie du contrat qui liait les parties
et relevait de la responsabilité délictuelle.
437. Certaines personnes estimeront quâil sâagissait dâune responsabilitĂ© contractuelle. En
effet, la nature professionnelle du lien qui unit ces parties Ă©tait parfaitement Ă©vidente et
établie. Le contrat qui les liait avait été conclu dans le cadre de leurs activités
professionnelles. Toute inexécution ou mauvaise exécution de ce contrat entraine la
responsabilité contractuelle des parties et éventuellement le paiement de dommages et
intĂ©rĂȘts. Le prĂȘt Ă©tant normalement assorti dâun terme, la restitution du vĂ©hicule Ă lâĂ©chĂ©ance
fixĂ©e Ă©tait une obligation de la SociĂ©tĂ© Burkina et Shell, obligation dĂ©coulant dâun contrat
conclu dans le cadre de lâactivitĂ© professionnelle de ladite sociĂ©tĂ©. Câest cette analyse qui
justifie certainement la position du juge de premiĂšre instance qui, contrairement au juge
dâappel, avait constatĂ© quâil sâagissait dâune responsabilitĂ© contractuelle. Cependant, sa
318 Cou dâappel de Ouagadougou, chambre civile et commerciale, arrĂȘt n° 23 du 21 mars 2004, Burkina &
Shell c/ Adama PARE, Ohadata J-05-238.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 211
dĂ©cision reste surprenante car bien quâil ait constatĂ© quâil sâagissait dâune responsabilitĂ©
contractuelle, il a écarté les dispositions du droit commercial pour appliquer celles du droit
civil. Pourtant, dans le cas dâespĂšce, la dĂ©termination de la loi applicable ici ne dĂ©pendait
pas de la nature de lâacte (le contrat) mais du cadre dans lequel cet acte a Ă©tĂ© signĂ©.
438. ParallĂšlement aux rĂšgles positives qui sont avantageuses pour lâentreprenant, on
retrouve dans la loi OHADA des rÚgles qui, malheureusement le désavantagent par rapport
aux autres entrepreneurs. Eu Ă©gard Ă lâeffet quâelles ont sur lui, nous avons qualifiĂ© ces
rÚgles de négatives.
Section 2. Les restrictions imposĂ©es Ă lâentreprenant
439. Comme lâon pouvait sâen douter, acquĂ©rir le statut dâentreprenant ne met pas
lâentrepreneur sur un mĂȘme pied dâĂ©galitĂ© que ceux qui exercent sous des statuts classiques.
Pour Ă©viter de privilĂ©gier lâentreprenant au dĂ©triment des autres professionnels, le lĂ©gislateur
lui impose des restrictions qui ont trait Ă son inscription au RCCM (Paragraphe 1) et Ă
lâexploitation de son fonds (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Des restrictions liĂ©es Ă lâinscription au RCCM
440. Lâentreprenant ne peut se dĂ©clarer plusieurs fois au RCCM (A) et il ne peut sây faire
immatriculer (B). Telles sont les restrictions se rapportant Ă lâinscription de lâentreprenant
au RCCM.
A. LâimpossibilitĂ© de se dĂ©clarer plusieurs fois au RCCM
441. « Nul ne peut ĂȘtre dĂ©clarĂ© comme entreprenant Ă plusieurs registres ou sous
plusieurs numĂ©ros Ă un mĂȘme registre ». Cette disposition de lâarticle 64 alinĂ©a 2 de
lâAUDCG suscite des interrogations. Non seulement on sâinterroge sur son sens, mais aussi
et par conséquent sur sa portée.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 212
1. Le sens de la disposition
442. La dĂ©claration dâactivitĂ© est une inscription au RCCM. Sâil faut donc reformuler
cette disposition de lâarticle 64 alinĂ©a 2, on dira que nul ne peut se faire enregistrer comme
entreprenant Ă plusieurs registres ou sous plusieurs numĂ©ros Ă un mĂȘme registre. Dit ainsi,
les choses semblent plus explicites. Cependant, on peut se demander sâil sâagit dâune
inscription Ă titre principal, lâinscription Ă titre principal Ă©tant entendue comme lâinscription
initiale qui permet Ă lâentrepreneur dâavoir une existence formelle. En effet, en ce qui
concerne le commerçant, la loi communautaire est sans ambiguïtés à ce sujet : un
commerçant peut sâinscrire plusieurs fois dans un mĂȘme RCCM ou dans des RCCM
diffĂ©rents319. Mais bien entendu, il sâagit dâimmatriculations Ă titre secondaire Ă lâissue
desquelles le commerçant se voit attribuer des numéros différents. Ces immatriculations
sont diffĂ©rentes de lâimmatriculation initiale ou immatriculation Ă titre principal et renvoie
aux Ă©tablissements secondaires que le commerçant dĂ©tient. Ce ne sont pas des entreprises Ă
part, mais des lieux dâexploitation diffĂ©rents rattachĂ©s Ă une seule et unique entreprise
individuelle immatriculée sous un numéro principal. Ainsi, le commerçant peut se faire
enregistrer sous plusieurs numĂ©ros dans le mĂȘme RCCM ou dans des registres diffĂ©rents, Ă
la condition quâune seule de ces inscriptions se fasse Ă titre principal et les autres Ă titre
secondaire. Lâarticle 49 alinĂ©a 2 de lâAUDCG prĂ©cise Ă cet effet que « nul ne peut ĂȘtre
immatriculĂ© Ă titre principal Ă plusieurs registres ou Ă un mĂȘme registre sous plusieurs
numĂ©ros ». Le commerçant pourra donc solliciter autant dâimmatriculations secondaires
quâil a dâĂ©tablissements secondaires.
443. Pour lâentreprenant, il semblerait que le lĂ©gislateur ait pensĂ© les choses
diffĂ©remment. Vu le profil quâil a dressĂ© de lâentreprenant (un trĂšs petit entrepreneur), on
est Ă mĂȘme dâinterprĂ©ter cette disposition comme voulant dire que lâentreprenant ne peut se
dĂ©clarer plusieurs fois au RCCM, ni dans un mĂȘme registre ni dans des registres diffĂ©rents.
Cette interdiction concerne aussi bien les inscriptions Ă titre principal que les Ă©ventuelles
inscriptions Ă titre secondaire. Lâentreprenant nâa donc droit quâĂ une seule inscription au
319 A t. , , de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 213
RCCM320. Cette interprĂ©tation voudrait donc dire que sous le statut dâentreprenant, on ne
peut dĂ©tenir quâun seul Ă©tablissement.
2. La portĂ©e de la disposition : une limitation du nombre dâĂ©tablissements de
lâentreprenant
444. En parcourant les dispositions sur le commerçant en général, et particuliÚrement les
articles 44 (8), 53 et 54, on peut voir quâil est permis au commerçant dâouvrir et
dâimmatriculer plusieurs Ă©tablissements. Lorsque tous les Ă©tablissements relĂšvent de la
compĂ©tence dâune seule juridiction, le commerçant requerra leurs immatriculations au
mĂȘme RCCM. Par contre lorsquâils relĂšvent de la compĂ©tence de plusieurs juridictions, le
commerçant est simplement tenu de demander lâimmatriculation de chaque Ă©tablissement
auprÚs des greffes des juridictions territorialement compétentes, une à titre principal pour
l'Ă©tablissement principal et les autres Ă titre secondaire.
445. Il est Ă©vident que pour lâentreprenant, le lĂ©gislateur entrevoit les choses
diffĂ©remment. Nulle part il ne laisse penser quâun entreprenant peut avoir un ou plusieurs
Ă©tablissements secondaires. Aux articles 62 et suivants de lâAUDCG, il fait mention du lieu
dâactivitĂ© de lâentreprenant comme si celui-ci ne pouvait en dĂ©tenir quâun seul. Il ne fait
nullement allusion Ă une dĂ©claration dâactivitĂ© secondaire mais au contraire affirme que nul
ne peut ĂȘtre dĂ©clarĂ© comme entreprenant Ă plusieurs registres ou sous plusieurs numĂ©ros Ă
un mĂȘme registre.
Lâabsence dâune allusion Ă un Ă©ventuel Ă©tablissement secondaire et lâemploi du
singulier Ă chaque fois quâil est question du lieu dâactivitĂ© de lâentreprenant donnent
lâimpression que ce dernier ne peut exercer quâĂ un seul endroit, celui indiquĂ© dans la
dĂ©claration dâactivitĂ©. LâĂ©ventualitĂ© dâun autre lieu nâest Ă©voquĂ©e quâen cas de changement
du lieu dâexercice321. En cette occasion, lâentreprenant devra faire une dĂ©claration de
320 Cette i te p tatio a t o fo t e lo s de ot e e t etie a e lâu des da teu s du statut de
lâe t ep e a t. Celui- i ous o fiait uâils o e aie t al ue dâaussi petits entrepreneurs puissent avoir
plusieu s ta lisse e ts. E effet, sâils âa aie t pas suffisa e t de o e s pou fo alise leu s
entreprises comment est- e uâils pou aie t ou i plusieu s ta lisse e ts. Le fai e se ait le sig e uâils
o t suffisa e t de o e s et le statut de lâe t ep e a t e leu o ie d ait do pas. 321 Voir respectivement les art. 62 al. 4 et 65 al. 4.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 214
modification au RCCM oĂč il ne peut non plus se faire immatriculer.
B. LâimpossibilitĂ© de se faire immatriculer au RCCM
446. Toute personne physique qui entend exercer le commerce en tant que
commerçant322est tenue de se faire immatriculer. Par contre, tous ceux qui exercent une
activitĂ© commerciale ou civile sous la casquette dâentreprenant sont "dispensĂ©s"323
dâaccomplir cette formalitĂ©. Il est dit Ă lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG que celui qui opte
pour le statut de lâentreprenant procĂšde Ă une simple dĂ©claration dâactivitĂ© au RCCM. Plus
loin, lâarticle 64 alinĂ©a 2 du mĂȘme Acte uniforme prĂ©cise quâil (lâentreprenant) ne peut en
mĂȘme temps ĂȘtre immatriculĂ©. Câest cette impossibilitĂ© de se faire immatriculer qui
constitue la principale diffĂ©rence entre le statut de lâentreprenant et celui du commerçant (1)
et elle pourrait avoir des conséquences (2).
1. La principale marque de diffĂ©rence entre lâentreprenant et le commerçant
447. On ne peut a priori reconnaitre un entreprenant par lâexercice de son activitĂ©. On ne
peut lâidentifier quâau travers de signes extĂ©rieurs ou si on nous en informe. Câest sans doute
ce qui a poussĂ© le lĂ©gislateur Ă mettre Ă la charge de lâentreprenant une obligation
dâinformation. Celle-ci consiste Ă faire figurer un certain nombre de mentions sur ses
documents officiels (factures, bons de commandes, tarifs, documents ou correspondances
professionnels). Il sâagit notamment, dâaprĂšs lâarticle 62 alinĂ©a 3, du numĂ©ro de dĂ©claration
dâactivitĂ© suivi de lâindication du RCCM qui a reçu sa dĂ©claration et de la mention
"entreprenant dispensĂ© dâimmatriculation".
448. Le numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ©. Le numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© est le
numĂ©ro qui lui a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© par le greffe ou lâorgane responsable dans lâEtat partie au
moment oĂč il effectue sa dĂ©claration dâactivitĂ©. Il est dit plus loin, Ă lâarticle 64, que ce
numĂ©ro est personnel, câest-Ă -dire attachĂ© Ă la personne mĂȘme de lâentreprenant. Câest donc
322 La prĂ©cision ici est essai e pa e ue depuis la isio de lâAUDCG e , il âest plus seule e t
possi le dâe e e le o e e sous le statut de o e ça t, mais on peut dĂ©sormais le faire sous celui de
lâe t ep e a t.
323 Art. al. de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 215
censĂ© ĂȘtre un numĂ©ro que lâentrepreneur portera aussi longtemps quâil exerce en son nom,
autrement dit aussi longtemps que lâentreprise individuelle existe. Pourtant lorsquâon
analyse profondĂ©ment les dispositions de lâAUDCG, on a lâimpression que le numĂ©ro de
dĂ©claration est liĂ© non pas Ă la personne de lâentrepreneur mais plutĂŽt Ă son statut
dâentreprenant. Lâentrepreneur ne pourra plus le porter sâil passait Ă un autre statut. Pour
illustrer cette dĂ©duction, il nây a quâĂ prendre lâexemple dâun entreprenant dont lâactivitĂ© est
commerciale. En cas de dĂ©passement du plafond du chiffre dâaffaires fixĂ© pour les
entreprenants, il sera contraint de migrer vers le statut de commerçant et par conséquent de
se faire immatriculer au RCCM. Or, Ă©tant donnĂ© quâil ne peut ĂȘtre immatriculĂ© et dĂ©clarĂ© au
mĂȘme moment, il devra dâabord faire radier sa dĂ©claration dâactivitĂ© avant de se faire
immatriculer. Il ne pourra pas conserver son numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ©, mais devra
plutĂŽt acquĂ©rir un numĂ©ro dâimmatriculation totalement diffĂ©rent324.
449. Cette situation pousse à se demander si le législateur ne voulait pas donner un autre
sens au terme « personnel » lorsquâil affirmait que le numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© est
personnel. Peut-ĂȘtre voulait-il simplement rappeler que le numĂ©ro de dĂ©claration est
individuel et que seul son titulaire pouvait en faire usage. Il ne serait donc pas transmissible
et ne peut non plus se partager entre plusieurs personnes325.
450. Lâindication du RCCM. Indiquer le RCCM dans lequel la dĂ©claration a Ă©tĂ©
enregistrĂ©e revient Ă dire quel est le greffe ou lâorgane qui a reçu la dĂ©claration dâactivitĂ© et
dĂ©livrĂ© le numĂ©ro. Cette seconde indication est importante dans la mesure oĂč elle contribue
Ă crĂ©dibiliser lâentreprise auprĂšs des tiers. GrĂące Ă cette information, ces derniers pourront
identifier lâAdministration auprĂšs de laquelle lâentreprise a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e et obtenir toute autre
324 Pou ite ue lâe t ep e eu se fasse dâa o d adie , il au ait t plus si ple de ett e su pied u
systÚme qui permettrait de délivrer aux entrepreneurs individuels des numéros uniques et définitifs
indépendamment du statut sous lequel ils exercent (commerçant, entreprenant, etc). Ainsi, le numéro qui
se ait d li Ă lâe t ep e eu Ă lâissue de sa d la atio dâa ti it se ait le e uâil ga de ait lo s uâil
hoisi ait de passe Ă u aut e statut dâe t ep e eur individuel (voir les dĂ©veloppements prĂ©cĂ©dents sur
lâatt i utio dâu u o Ă ie Ă tous les e t ep e eu s . 325 Au sujet du commerçant, il est dit Ă lâa ti le 7 al. de lâAUDCG ue le o joi t de elui- i âa la ualit de
commerçant ue sâil e e e u e a ti it o e iale sĂ©parĂ©e. Le statut ne se partage pas entre Ă©poux, le
u o dâe egist e e t non plus. E as dâa ti it s s pa es, o o sid e uâil e iste deu e t ep ises
individuelles diff e tes. Pa o s ue t, il faut deu u os dâe egist e e t diff e ts.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 216
information sur elle326 (informations contenues dans le formulaire de dĂ©claration dâactivitĂ©,
sûretés, etc.).
451. La mention « entreprenant dispensĂ© dâimmatriculation ». Lâentreprenant est tenu
de faire cette précision sur ses différents documents professionnels. On est en droit de
sâinterroger sur la pertinence dâune telle mention quand on sait que lâentreprenant nâa mĂȘme
pas la possibilité de se faire immatriculer. Le terme « dispensé » vient du verbe "dispenser"
qui signifie, exempter quelquâun, lâautoriser Ă ne pas faire quelque chose. Dire que
lâentreprenant est dispensĂ© dâimmatriculation laisse croire que la possibilitĂ© de se faire
immatriculer lui est offerte, mais que la loi lâautorise Ă ne pas la faire. En peu de mots, cela
laisse croire que la loi lui laisse le choix de se faire immatriculer ou non. Pourtant, le choix
nâest pas donnĂ© Ă lâentreprenant. Il est expressĂ©ment dit quâil « ne peut ĂȘtre en mĂȘme temps
immatriculé au registre du Commerce et du Crédit Mobilier ». Ainsi, le législateur le prive
de la possibilitĂ© dâavoir Ă la fois un numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© et un numĂ©ro
dâimmatriculation. Il nâa pas la possibilitĂ© de dĂ©cider sâil se fait immatriculer ou pas. La loi
est formelle, il « ne peut » se faire immatriculer.
452. On est loin ici de la simple dispense, mais il sâagit plutĂŽt dâune vĂ©ritable interdiction.
La formule « Entreprenant dispensĂ© dâimmatriculation » prĂ©vue Ă lâarticle 62 ne traduit pas
la rĂ©alitĂ© des choses. Lâentreprenant nâest pas dispensĂ© dâimmatriculation car il ne lui est
mĂȘme pas permis de se faire immatriculer. En rĂ©alitĂ©, cela lui est interdit. Lâexpression
employĂ©e par le lĂ©gislateur traduit un refus dĂ©libĂ©rĂ© dâimmatriculer lâentreprenant. Une
simple dispense aurait consistĂ© Ă dĂ©charger, Ă exonĂ©rer lâentreprenant de cette obligation, Ă
lâautoriser Ă ne pas se faire immatriculer. Le fait quâil soit exemptĂ© dâimmatriculation ne
signifie pas quâil ne peut pas lâaccomplir sâil en a envie. La dispense nâa pas pour effet
dâempĂȘcher de faire quelque chose, elle justifie simplement quâon ne la fasse pas car, elle
offre un choix. Elle se distingue donc de lâinterdiction qui nâoffre aucun choix. Dans le cas
de lâentreprenant, il est Ă©vident quâil sâagit dâune interdiction de sâimmatriculer et non dâune
dispense comme le prĂ©tendent les dispositions de lâAUDCG. Si lâimmatriculation Ă©tait
facultative pour lâentreprenant rien ne devrait en principe lâempĂȘcher dây recourir dĂšs lors
quâil dispose de moyens suffisants pour le faire.
326 A t. de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 217
Lâexemple français permet de corroborer cette vision des choses. Avant dĂ©cembre
2014, lâimmatriculation au RCS ou au RM Ă©tait facultative pour les auto-entrepreneurs
(appelĂ©s aujourdâhui micro-entrepreneurs)327. Ces derniers en Ă©taient dispensĂ©s
contrairement Ă ceux qui avaient choisi dâexercer en tant que commerçants ou artisans.
Lâimmatriculation Ă©tant alors facultative pour eux, les auto-entrepreneurs pouvaient se faire
immatriculer sâils jugeaient la formalitĂ© nĂ©cessaire. Lâemploi du terme « dispense » avait
alors tout son sens dans ce contexte.
On est bien forcĂ© dâadmettre que dans le contexte des pays membres de lâOHADA,
il nâest pas permis Ă lâentreprenant de se faire immatriculer et cette interdiction peut avoir
des conséquences.
2. Les consĂ©quences de lâinterdiction dâimmatriculation de lâentreprenant au
RCCM
453. LâimpossibilitĂ© pour lâentreprenant de se faire immatriculer aura certainement des
consĂ©quences. Elle constituera un motif dâexclusion des entreprenants dans tous les cas oĂč
lâimmatriculation au RCCM est requise, Ă moins que la loi ne prĂ©voie des exceptions au
profit des entreprenants. Il faut en effet rappeler que lâimmatriculation au RCCM ne
concerne pas les commerçants seuls. Les articles 35 et 44 de lâAUDCG montrent sans
ambiguĂŻtĂ© que lâimmatriculation de certains professionnels (autres que le commerçant) peut
ĂȘtre exigĂ©e par la loi dâun Etat partie. Les entreprenants auront du mal Ă remplir cette
condition si, parallÚlement à leur activité entrepreneuriale, ils souhaitent exercer les
professions soumis Ă lâimmatriculation au RCCM car il est dit quâun entreprenant ne peut
en mĂȘme temps ĂȘtre immatriculĂ© au RCCM et quâil nâa pas le mĂȘme statut « que les
personnes immatriculées » à ce registre328.
La loi communautaire attribue le statut de commerçant à certaines personnes,
notamment aux intermédiaires de commerce et à certains associés de sociétés de personnes.
327 Art. L 123-1-1 ancien du code de co e e. Depuis d e e lâi at i ulatio des auto-
entrepreneurs au RCS ou au RM est obligatoire.
328 Le l gislateu au ait dĂ» p ise ue lâe t ep e a t ne peut en mĂȘme temps ĂȘtre immatriculĂ© au RCCM
comme commerçant. Cela lui laisserait la possibilité de se faire immatriculer au RCCM en une autre qualité,
ota e t pou lâe e i e des p ofessio s ui e ue aie t u e i at i ulatio audit registre.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 218
La question quâon peut se poser est celle de savoir si la dĂ©claration dâactivitĂ© de
lâentreprenant lui permet dâexercer les professions dâintermĂ©diaire de commerce ou dâĂȘtre
un associĂ© au sein dâune sociĂ©tĂ© de personnes.
454. Sur lâexercice dâune profession dâintermĂ©diaire de commerce par lâentreprenant.
Comme nous lâavons dĂ©montrĂ© prĂ©cĂ©demment, le statut dâentreprenant nâest pas compatible
avec lâexercice de certaines professions329. A la liste de ces professions, on pourrait ajouter
notamment celles dâintermĂ©diaires de commerce. Aux termes de lâarticle 169 de lâAUDCG,
ce sont des personnes physiques ou morales qui ont le pouvoir dâagir, ou entendent agir
habituellement ou professionnellement pour le compte dâautres personnes, commerçantes
ou non, afin de conclure avec des tiers un acte juridique Ă caractĂšre commercial. DâaprĂšs les
articles 170 et 172 du mĂȘme acte uniforme, ils ont la qualitĂ© de commerçant et doivent ĂȘtre
immatriculĂ©s au RCCM330. LâĂ©ventualitĂ© quâun entreprenant puisse exercer les professions
dâintermĂ©diaire ne semble donc pas envisageable dans la mesure oĂč il ne peut Ă la fois ĂȘtre
déclaré et immatriculé au RCCM.
Un intermĂ©diaire de commerce ne pourra donc pas exercer en tant quâentreprenant
et, un entreprenant ne pourra pas exercer une profession dâintermĂ©diaire de commerce.
LâintermĂ©diaire de commerce ne peut pas dĂ©cider dâexercer son activitĂ© sous le statut
dâentreprenant car la loi ne lui offre pas la possibilitĂ© de choisir son statut. Elle dit
expressĂ©ment quâil est commerçant, et cela exclut la possibilitĂ© dâopter pour un autre statut.
Par ailleurs, parmi la panoplie dâactivitĂ©s qui sâoffrent Ă lui, il semblerait que lâentreprenant
ne puisse pas opter pour lâexercice dâune profession qui sâapparente Ă celles dâun courtier,
dâun commissionnaire ou dâun agent commercial331. ConcrĂštement, lâentreprenant ne devrait
329 Voir dans le chapitre sur les activitĂ©s exerça les pa lâe t ep e a t, les dĂ©veloppements sur
lâi o pati ilit du statut de lâe t ep e a t a e e tai es p ofessio s. 330 Sur cette question, voir J. DIFFO TCHUNKAM, « Une hybridation de la qualitĂ© de courtier issue de
lâOHADA : intermĂ©diaire de commerce et commerçant », p. 17, n° 44, Ohadata D-12-78.
331 LâAUDCG p oit t ois p ofessio s dâi te diai es de o e e : le commissionnaire, le courtier et
lâage t ommercial. Le commissionnaire est un professionnel qui, moyennant le versement d'une
commission, se charge de conclure tout acte juridique en son propre nom mais pour le compte du
commettant qui lui en donne mandat (art. 192) ; le courtier est un professionnel qui met en rapport des
personnes en vue de faciliter ou faire aboutir la conclusion de conventions entre ces personnes (art. 208) ;
l'agent commercial est un mandataire professionnel chargé de façon permanente de négocier et,
Ă©ventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 219
pas exercer des activités qui consistent à conclure tout acte juridique en son nom mais pour
le compte dâun commettant ; mettre en rapport des personnes en vue de faciliter ou faire
aboutir la conclusion de conventions entre elles ; négocier et, éventuellement, conclure des
contrats de vente, dâachat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte
de tiers.
455. Sur la possibilitĂ© dâĂȘtre associĂ© dans une sociĂ©tĂ© de personnes. Une analyse des
dispositions de lâAUDCG peut nous permettre dâaffirmer que lâentreprenant, mĂȘme
lorsquâil exerce une activitĂ© commerciale, nâest pas un commerçant. Lâentreprenant et le
commerçant sont deux statuts de professionnels différents. Tandis que le premier est tenu
de faire une dĂ©claration dâactivitĂ©, le second lui, doit se faire immatriculer.
Il nâest donc pas faux de dire que lorsque lâactivitĂ© est commerciale, câest dâabord la
dĂ©claration dâactivitĂ© et lâimmatriculation qui permettent de faire la distinction entre
lâentreprenant et le commerçant. Lâarticle 64 prĂ©cise que lâentreprenant ne peut ĂȘtre en
mĂȘme temps immatriculĂ© au RCCM. Cela signifie que nul ne peut ĂȘtre enregistrĂ© au RCCM
Ă la fois comme entreprenant et comme commerçant au RCCM. On peut en dĂ©duire quâune
personne physique ne peut Ă la fois avoir le statut dâentreprenant et celui de commerçant.
Ce cumul nâĂ©tant pas envisageable, on peut trĂšs bien penser que lâentreprenant ne peut pas
prendre part Ă une sociĂ©tĂ© oĂč les associĂ©s ont la qualitĂ© de commerçant Ă lâinstar de la sociĂ©tĂ©
en nom collectif (SNC)332. La mĂȘme question se pose dans une SociĂ©tĂ© en commandite
simple (SCS) oĂč les associĂ©s commanditĂ©s sont des commerçants. Si on suit ce
et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants, ou d'autres agents commerciaux, sans ĂȘtre
liĂ© envers eux par un cont at de t a ail a t. . E F a e, ela est diff e t. Lâage t o e ial âest pas
u o e ça t et de e fait il âest pas te u de se fai e i at i ule au RCâ. Le o issio ai e et le
courtier, sont des intermĂ©diaires commerçants. A ce titre, ils doivent ĂȘtre immatriculĂ©s au RCS. Ces
intermédiaires de commerce peuvent exercer leur activité sous le statut de micro-entrepreneur.
332 A t. de lâAUDâCGIE is . Il o ie t epe da t de p ise ue ulle part, la loi OHADA ne dit que
les associĂ©s de sociĂ©tĂ©s de personnes doivent personnellement ĂȘtre immatriculĂ©s au RCCM. Elle se contente
dâe ige lâi at i ulatio de la sociĂ©tĂ© car âest ette de i e ui a o plit des a tes de o e e de
maniĂšre habituelle et professionnelle. Certaines personnes peuvent alo s soute i ue ie âe p he
lâe t ep e a t dâe fai e pa tie.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 220
raisonnement, la seule possibilitĂ© pour lâentreprenant de prendre part Ă ce type de sociĂ©tĂ©,
serait aux cĂŽtĂ©s des associĂ©s commanditaires qui nâont pas la qualitĂ© de commerçants333.
456. Outre ces consĂ©quences, tout porte Ă croire que le fait pour lâentreprenant de ne pas
se faire immatriculer au RCCM entraine les autres restrictions auxquels il est soumis dans
lâexploitation de son fonds.
Paragraphe 2. Des restrictions liĂ©es Ă lâexploitation du fonds
457. Dans lâexploitation de son fonds, lâentreprenant fait lâobjet de quelques restrictions :
il ne peut faire partie dâun contrat de location-gĂ©rance (A) et se voit privĂ© de certains droits
dans la jouissance de bail Ă usage professionnel (B).
A. LâimpossibilitĂ© dâĂȘtre partie Ă un contrat de location-gĂ©rance
458. La location gĂ©rance est un mode dâexploitation qui permet au propriĂ©taire dâun fonds
de le concĂ©der en location Ă une autre personne qui lâexploitera Ă ses risques et pĂ©rils. La loi
OHADA offre au commerçant la possibilitĂ© dâexploiter son fonds de commerce
personnellement ou par personne interposée en le mettant en location. Elle en dispose
autrement lorsque lâentrepreneur a optĂ© pour le statut dâentreprenant. En effet, il est dit Ă
lâarticle 138 de lâAUDCG que « lâentreprenant ne peut ĂȘtre partie Ă un contrat de location
gĂ©rance ». Cela voudrait dire que lâentreprenant ne peut ĂȘtre ni bailleur ni locataire dâun
fonds de commerce. Bien que la disposition soit sans ambiguïté, deux questions se posent.
La premiĂšre est de savoir ce quâil en est des entrepreneurs non commerçants Ă©tant donnĂ©
que les dispositions de lâAUDCG relatives Ă la location-gĂ©rance concernent lâexploitation
dâun fonds de commerce (1). La seconde interrogation est de savoir si la loi communautaire
ne porte pas atteinte au droit de propriĂ©tĂ© de lâentreprenant en lâempĂȘchant dâĂȘtre partie Ă
un contrat de location-gérance (2).
333 A t. de lâAUDâCGIE is .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 221
1. Quid des entreprenants civils ?
459. Il est important de rappeler que le commerçant et lâentreprenant sont actuellement
les seuls entrepreneurs assujettis aux dispositions de lâAUDCG. MĂȘme si cet Acte uniforme
aborde la question de la location-gérance, force est de constater que celle-ci ne concerne que
le fonds de commerce. La question que lâon pourrait se poser dans cette situation est celle
de savoir si ces dispositions sâappliquent Ă tous les fonds, notamment Ă ceux dont lâactivitĂ©
est civile. En effet, on aimerait savoir si les entrepreneurs civils peuvent mettre en location-
gĂ©rance leurs fonds dâactivitĂ© et si cela est possible, quelles sont les rĂšgles qui encadrent
cette formalité334.
460. Bien quâon ne puisse pas affirmer de maniĂšre irrĂ©futable que les dispositions de
lâAUDCG sâappliquent Ă©galement Ă la location-gĂ©rance des fonds non commerciaux, ce qui
est certain câest quâelles sâappliquent Ă lâentreprenant. En disposant que lâentreprenant ne
peut ĂȘtre partie Ă un contrat de location-gĂ©rance, le lĂ©gislateur nâa pas prĂ©cisĂ© sâil sâagit de
lâentreprenant dont lâactivitĂ© est commerciale ou non. On peut en dĂ©duire que la disposition
sâapplique Ă tous les entreprenants quelle que soit la nature de leur activitĂ©. Lâarticle 1 vient
davantage soutenir cette thĂšse dans la mesure oĂč il y est dit que les dispositions de lâAUDCG
sâappliquent, sauf dispositions contraires, aux personnes physiques qui ont optĂ© pour le
statut dâentreprenant. Câest donc dire que, mĂȘme sâil existe des rĂšgles du droit civil qui
encadrent la location-gĂ©rance dâun fonds non commercial, lâAUDCG y apporte une
exception, celle qui veut quâun entrepreneur civil qui opte pour le statut dâentreprenant ne
puisse pas ĂȘtre partie Ă un tel contrat.
461. Cette rÚgle étant clairement posée, on peut se demander si elle ne porte pas atteinte
au droit de propriété de ceux qui ont opté pour ce statut.
2. Lâatteinte au droit de propriĂ©tĂ© de lâentreprenant
462. Gardons Ă lâesprit que lâexploitation directe seule est permise Ă lâentreprenant. La
loi ne lui permet pas de mettre son propre fonds en location et encore moins de louer celui
334 En France, les art. L 144-1 et L 144-2 du code de commerce révÚlent que la location-gérance peut porter
sur un fonds commercial ou sur un fonds artisanal.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 222
dâun tiers. Pourtant, en droit commercial, le principe voudrait quâun fonds de commerce
puisse ĂȘtre exploitĂ© soit directement soit indirectement dans le cadre dâun contrat de
location-gĂ©rance. En vertu de cet article tout entrepreneur peut choisir dâexploiter
directement son fonds ou de le louer Ă un tiers locataire-gĂ©rant en contrepartie dâun loyer.
La loi communautaire nâaccorde pas Ă lâentreprenant la possibilitĂ© de choisir son mode
dâexploitation en disposant quâil ne peut ĂȘtre partie Ă un contrat de location-gĂ©rance335. Cela
signifie que lâentreprenant ne peut ĂȘtre ni bailleur, ni locataire-gĂ©rant. Il ne peut mettre en
location son propre fonds et ne peut non plus louer un fonds appartenant Ă quelquâun dâautre.
463. On peut comprendre et accepter que lâentreprenant ne puisse pas ĂȘtre locataire-gĂ©rant
car, aux termes de lâarticle 139 de lâAUDCG, celui-ci a la qualitĂ© de commerçant et est
soumis Ă toutes les obligations qui en dĂ©coulent, telles que lâimmatriculation au RCCM. Or,
lâentreprenant ne peut ĂȘtre immatriculĂ© au RCCM. Cependant, ce quâon a du mal Ă
expliquer, et donc Ă comprendre, câest ce qui motive le lĂ©gislateur Ă refuser Ă lâentreprenant
la possibilitĂ© de mettre son fonds en location, autrement dit dâĂȘtre bailleur.
De prime abord, on pourrait penser que câest Ă cause de la "petitesse" de lâactivitĂ©
de lâentreprenant que le lĂ©gislateur a jugĂ© quâil ne devrait pas mettre en location son bail.
Mais, cette justification liée à la taille présente vite des limites car le plafond du chiffre
dâaffaires de lâentreprenant est assez haut pour permettre Ă de nombreux entreprenants
dâavoir un chiffre dâaffaires Ă©gal, voire supĂ©rieur, Ă celui de nombreux commerçants. Il est
Ă©vident que ce nâest pas Ă cause de ses moyens relativement bas que lâentreprenant ne peut
mettre en bail son fonds, mais simplement à cause de son statut. Le législateur semble
vouloir rĂ©server la possibilitĂ© de faire partie dâun contrat de location-gĂ©rance aux
commerçants seuls. Lâarticle 141 de lâAUDCG prĂ©cise quâune personne physique qui
concĂšde la location-gĂ©rance de son fonds doit lâavoir exploitĂ©, pendant deux ans au moins
en qualitĂ© de commerçant. Visiblement, cette disposition ne peut sâappliquer Ă
lâentrepreneur qui aurait exploitĂ© un fonds commercial depuis au moins deux annĂ©es sous
le statut dâentreprenant. Câest donc simplement pour faire une diffĂ©rence entre les statuts,
que le lĂ©gislateur a choisi de priver lâentreprenant de la possibilitĂ© dâĂȘtre partie Ă un contrat
de location gĂ©rance. Peut-ĂȘtre que le lĂ©gislateur voulait Ă©tablir une sorte dâĂ©quitĂ© entre les
diffĂ©rents acteurs Ă©conomiques, notamment entre le commerçant et lâentreprenant. Par cette
335 Art. 138 alinéa 3 in fine.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 223
mesure, il essaye dâattĂ©nuer les avantages accordĂ©s Ă lâentreprenant et Ă©vite ainsi de le
favoriser au détriment du commerçant. Essayant de justifier les différences de traitement qui
peuvent exister entre lâentreprenant et les autres commerçants, le professeur Joseph ISSA-
SAYEGH soutenait quâelles ont pour but dâempĂȘcher ceux qui optent pour le statut
dâentreprenant de se complaire dans ce statut intermĂ©diaire. Il estime que la loi leur a
accordĂ© suffisamment dâavantages pour profiter du mĂȘme statut commercial que les
commerçants, mais quâelle pouvait Ă©galement leur refuser l'Ă©galitĂ© sur certains droits336. La
volontĂ© du lĂ©gislateur de ne pas accorder Ă lâentreprenant exactement les mĂȘmes droits quâau
commerçant est comprĂ©hensible. Cependant, il faudrait encore quâelle respecte les droits
fondamentaux de cet acteur Ă©conomique.
En effet, lâimpossibilitĂ© pour lâentreprenant de ne pas pouvoir mettre son fonds en
location restreint son droit de propriété. En effet, la possibilité de mettre en location son
bien ou son fonds peut ĂȘtre perçue comme une manifestation du droit de propriĂ©tĂ© qui lui-
mĂȘme est un droit fondamental337 garanti par la Constitution Ă toute personne. DâaprĂšs
GĂ©rard MEMETEAU, câest « un droit inviolable et sacrĂ© dont nul ne peut ĂȘtre privĂ© quâen
cas de nécessité publique »338. Au Cameroun par exemple, la Constitution du 2 juin 1972
modifiĂ©e le 18 janvier 1996, affirmant lâattachement du peuple camerounais aux valeurs
telles que la propriĂ©tĂ©, dispose que « nul ne saurait en ĂȘtre privĂ© si ce n'est pour cause
d'utilité publique et sous la condition d'une indemnisation dont les modalités sont fixées par
la loi ». En ce qui concerne lâentreprenant, aucune raison dâutilitĂ© publique ne permet de
justifier son inaptitude Ă mettre son fonds en location339.
336 J. ISSA-SAYEGH, « Lâe t ep e a t, un nouvel acteur Ă©conomique en droit OHADA: ambiguĂŻtĂ©s et
ambivalence », in Penant, vol. n° 122 (2012), no 878, p. 5â19.
337 M.-L. MATHIEU, Droit civil. Les biens, 3e Ă©d., Sirey, 2013.
338 G. MEMETEAU, Droit des biens, 11e Ă©d., Bruylant, 2017.
339 Cette limitatio sa s justifi atio du d oit de p op i t de lâe t ep e a t semble ĂȘtre une atteinte Ă un
de ses droits fondamentaux. Cependant, il serait difficile, voire impossible de déclarer ces dispositions
inconstitutionnelles. En effet, les dispositions du droit o u autai e de lâOHADA p do i e t su les
rĂšgles nationales, y compris celles qui sont constitutionnelles. Le professeur P.-G. POUGOUE, le faisait
e a ue Ă lâo asio de la R u io des fo es i es de lâOHADA ui sâest te ue au B i du au
octobre 2012. Il affirmait alors que «lâo d e ju idi ue OHADA a u e p i aut at ielle su lâo d e
constitutionnelle. Aucun Etat partie ne pourrait invoquer les dispositions â mĂȘmes constitutionnelles â de son
droit interne pour justifier la non-exécution des actes uniformes ». A cet effet, voir le document intitulé
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 224
Dans lâOHADA, seul un commerçant est capable de mettre en location son fonds et
seul un autre commerçant peut le louer. On peut se demander pourquoi malgré la création
du statut de lâentreprenant, le lĂ©gislateur a maintenu les choses ainsi. On peut comprendre
quâĂ lâĂ©poque oĂč le commerçant Ă©tait le seul professionnel dont lâactivitĂ© Ă©tait rĂ©gie par les
dispositions de lâAUDCG, il Ă©tait le seul concernĂ© par la location-gĂ©rance. Mais avec
lâavĂšnement de la nouvelle catĂ©gorie de professionnels que sont les entreprenants, on peut
se demander ce qui justifie le fait que ceux-ci ne puissent pas ĂȘtre parties Ă un contrat de
location gĂ©rance, au moins en qualitĂ© de bailleur. La mise en location de son fonds peut ĂȘtre
une option avantageuse pour un petit entrepreneur. En cas dâincapacitĂ© ou dâinvaliditĂ©, il
pourrait continuer dâen tirer un profit en le mettant Ă la disposition dâun locataire-gĂ©rant.
464. Outre cette restriction liĂ©e Ă la location-gĂ©rance, on notera encore Ă lâĂ©gard de
lâentreprenant, une restriction dans la jouissance de son bail Ă usage professionnel.
B. La limitation des droits attachés au bail à usage professionnel
465. Il convient de garder Ă lâesprit que lâentreprenant est un statut de professionnel Ă part
entiÚre. A ce titre, le local dans lequel il exerce son activité est soumis aux dispositions de
lâAUDCG qui encadrent le bail Ă usage professionnel. Il faut rappeler que le bail est Ă usage
professionnel lorsquâune activitĂ© professionnelle de nature civile ou commerciale est menĂ©e
dans les locaux loués340. Il est fréquent de voir de trÚs petits entrepreneurs exercer dans leur
domicile personnel. Malgré cette pratique courante, la loi OHADA ne prévoit pas le bail
« Missio s et O ga isatio de lâOHADA », Ohadata D-13-01. Sur cette question, voir Ă©galement K. MAWUNYO
AGBENOTO, « La constitutionnalisation du Droit privĂ© », in De lâesp it de D oit af i ai . MĂ©langes en
lâho eu du P ofesseu Paul-GĂ©rard POUGOUE, Wolters Kluwer, 2014, p.57. Cette situation met en Ă©vidence
une difficultĂ© qui peut ĂȘtre celle des juristes et des lĂ©gislateurs dans la crĂ©ation de rĂšgles de droit des affaires,
Ă savoir rechercher un Ă©quilibre entre les droits et libertĂ©s des entrepreneurs et la essit dâe ad e des
activités économiques. Sur cette question voir : R. VABRES, « SynthÚse - Commerçants et artisans », in
JurisClasseur Commercial, (18 février 2019) ; R. DUMAS, « Les droits fondamentaux: source nouvelle de la
matiÚre commerciale », in JurisClasseur Commercial, (15 mars 2007), p. Fasc. 30.
340 A t. de lâAUDCG. Voi gale e t : Cou dâappel du Litto al, ° du ja ie , Th se JOUMANI
née NGANSI c/ Richard ELESSA NGOUNBO et autres, Ohadata J-06-100 ; Tribunal régional Dakar, n° 1995 du
3 dĂ©cembre 2003, SERIGNE MBOUP c/ Sylla NDAKHTE, Ohadata J-04-275 ; Cou dâappel du Litto al, a t °
178/REF du 27 octobre 2008, Lottin ELIMBI c/ sieur Bernard ABWA, Ohadata J-10-270.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 225
mixte341. En principe, si les locaux sont destinĂ©s Ă lâhabitation, le bail ne sera pas soumis
aux dispositions du droit commercial342. Cependant, la qualification adoptée par les parties
ne suffit pas. En cas de litige, les juges sâappuient sur les faits. Si le locataire change la
destination des locaux avec le consentement du bailleur ou sans que celui-ci ne sây oppose,
ce qui Ă©tait au dĂ©part un bail dâhabitation, peut ĂȘtre requalifiĂ© de bail Ă usage
professionnel343. Ce dernier peut ĂȘtre Ă©crit ou verbal, les parties dĂ©terminent librement sa
durée en fixant un terme ou non, elles fixent le montant du loyer tout en respectant les
dispositions lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires applicables344. On remarquera cependant quâen
ce qui concerne lâentreprenant, la loi a prĂ©vu quelques exceptions (1) qui peuvent susciter
des critiques (2).
1. Les droits affectĂ©s dâune exception
466. Le principe en droit OHADA voudrait que le preneur dâun immeuble Ă usage
professionnel jouisse du droit au renouvellement de son bail et du droit Ă la fixation
judiciaire du montant du loyer du bail renouvelĂ©. En ce qui concerne lâentreprenant, le
législateur en a décidé autrement.
1.1. Le droit au renouvellement du bail
467. Le droit au renouvellement du bail est un droit que la loi octroie au preneur dâun
local à usage professionnel dans le but de lui garantir une certaine stabilité dans
lâexploitation de son activitĂ©. Lâarticle 123 de lâAUDCG lâaccorde au preneur qui justifie
avoir exploité son activité pendant une durée minimale de deux ans conformément aux
stipulations du bail, que celui-ci soit Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e ou Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e. Câest dire
341 Contrairement à ce qui est admis en Droit français. Voir Cass.fr.civ. 3Ú, 9 juillet 2014, pourvoi n° 12-29329,
Bull. , LâEsse tiel D oit des o t ats, o to e . 342 Cou dâappel dâA idja , ° du juillet 2003, SociĂ©tĂ© SOCOPIM c/ A. D de feu Christophe ADOU
KOUASSI, Ohadata J-03-331;
343 Cou dâappel dâA idja , ° du jui , M. Moha ed BARIE / M. Lu KOUAME ADUO, Ohadata J-
03-321.
344 A t. de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 226
quâen principe, aprĂšs une location minimale de deux ans, tout entrepreneur qui a respectĂ©
les clauses du contrat acquiert le droit de renouveler son bail Ă usage professionnel.
Pour un contrat de bail à durée déterminée, il appartient au preneur qui souhaite
poursuivre la location, au plus tard trois mois avant lâarrivĂ©e du terme de la location, de
demander son renouvellement par un acte dâhuissier ou une notification par tout moyen dont
la rĂ©ception par le bailleur peut ĂȘtre Ă©tablie345. A dĂ©faut de respecter ce dĂ©lai, le preneur perd
son droit au renouvellement. Dans une affaire qui opposait la SociĂ©tĂ© Total Burkina Ă
madame Edith KABORE, les juridictions nationales avaient débouté la Société Total
Burkina de son action au motif quâelle nâavait pas respectĂ© les dĂ©lais prescrits par la loi pour
effectuer sa demande de renouvellement346. Les juges de fond estimĂšrent quâĂ cause de
retard, la demanderesse avait perdu son droit au renouvellement du bail et la possibilité de
se faire indemniser. Non contente de cette décision, elle se pourvut en cassation auprÚs de
la CCJA qui, rappelant le caractĂšre dâordre public des rĂšgles qui encadrent le droit au
renouvellement du bail, jugea que la cour dâappel avaient fait une bonne application de la
loi. La haute juridiction statua de la maniĂšre suivante : « attendu quâayant relevĂ© que la StĂ©
TOTAL BURKINA, sâagissant dâun bail Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e, nâavait demandĂ© le
renouvellement du bail litigieux que le 16 Mai 2002 alors que celui-ci expirait le 02 Juin
2002, la Cour dâAppel de Ouagadougou a exactement retenu que la StĂ© TOTAL BURKINA
Ă©tait dĂ©chue de son droit au renouvellement et Ă lâindemnitĂ© dâĂ©viction pour nâavoir pas
respecté le délai de trois mois prescrit ⊠»347.
Lorsque cette demande est faite dans les temps, le bailleur est tenu de donner sa
rĂ©ponse au plus tard un (01) mois avant lâexpiration du contrat, faute de quoi il est rĂ©putĂ©
avoir accepté le renouvellement du bail.
Pour un bail à durée indéterminée, la partie qui entend le résilier doit le faire six (06)
mois avant le terme dans les mĂȘmes conditions que celles prĂ©vues pour le bail Ă durĂ©e
dĂ©terminĂ©e348. Lorsque lâinitiative de la rupture vient du bailleur, le preneur qui dispose du
345 A t. de lâAUDCG. 346 Cou dâappel de Ouagadougou, arrĂȘt n° 07 du 20 janvier 2006, SociĂ©tĂ© TOTAL FINA ELF c/ Edith KABORE,
Ohadata J-09-21.
347 CCJA, arrĂȘt n°013/2011 du 29 novembre 2011, SociĂ©tĂ© TOTAL FINA ELF devenue TOTAL BURKINA c/ Edith
KABORE, J-13-148.
348 A t. de lâAUDCG.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 227
droit au renouvellement du loyer peut la refuser. Il doit alors faire connaitre au bailleur sa
rĂ©ponse au plus tard Ă la date dâeffet du congĂ© dans les mĂȘmes conditions que celles de la
notification dudit congĂ©. En lâabsence de contestation dans ce dĂ©lai, le contrat prend fin Ă la
date fixée par le congé.
Lorsque le locataire jouit de son droit au renouvellement du bail, le bailleur qui
nâentend pas accepter ce renouvellement est tenu de lui verser une indemnitĂ© dâĂ©viction349,
Ă moins que lâon soit dans lâun des cas prĂ©vus aux articles 127 et 128 de lâAUDCG.
Le droit au renouvellement est une protection que la loi garantit au locataire qui est
la partie faible du contrat de bail350. Il a pour but de prĂ©server les intĂ©rĂȘts de lâentrepreneur
en empĂȘchant le bailleur de mettre un terme au contrat unilatĂ©ralement ou de concĂ©der le
bail à un tiers alors que le preneur souhaite y poursuivre son activité aprÚs deux années
dâexploitation effective et conforme aux clauses du contrat. En principe, rien ne peut priver
lâentrepreneur de ce droit dâordre public. La loi communautaire prĂ©cise quâaucune
stipulation du contrat ne peut y faire Ă©chec. Les parties ne peuvent donc pas dĂ©cider dâun
commun accord dâĂ©carter le droit du locataire au renouvellement du bail.
468. Il a plu, hĂ©las, au lĂ©gislateur de ne pas accorder Ă lâentreprenant ce privilĂšge. A
lâarticle 134 de lâAUDCG il est prĂ©cisĂ© que, sauf convention contraire entre le bailleur et
lâentreprenant, ce dernier ne bĂ©nĂ©ficie pas du droit au renouvellement de son bail Ă usage
professionnel. Cela signifie que faute dâentente entre le bailleur et lâentreprenant, ce dernier
nâaura pas la prioritĂ© pour Ă nouveau louer le local quâil occupe Ă lâexpiration de son bail.
Face Ă un bailleur qui nâentend plus renouveler son contrat, lâentreprenant ne pourra saisir
la justice que sâil y avait eu, au prĂ©alable, une entente entre le bailleur et lui, stipulant quâil
aurait droit au renouvellement de son contrat Ă lâexpiration de son bail.
1.2. Le droit à la fixation judiciaire du loyer révisé
469. Lors du renouvellement dâun bail Ă usage professionnel, il est courant de voir des
bailleurs exprimer le vĆu de rĂ©viser le loyer Ă la hausse. Bien entendu, cette volontĂ©
349 A t. de lâAUDCG. Voir Ă©galement : Cou dâappel de Po t Ge til, a t du d e e , âo i t
KOSSI c/ Paroisse Saint-Paul des Bois, Penant n° 837, septembre-octobre 2001, p. 345, obs. Joseph ISSA-
SAYEGH, Ohadata J- 02-45.
350 Sur cette question, voir : J. NKULU MUKUBU LUNDA, « Droit au renouvellement dans un bail à usage
professionnel : mécanisme idoine de protection du locataire vulnérable », p.2, Ohadata D-18-22.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 228
dâaugmenter le loyer ne convient pas toujours au preneur. Il peut, dĂšs lors, y avoir un
désaccord entre les parties sur le montant du loyer à affecter au nouveau bail. La loi a prévu
cette éventualité et encadre la révision du loyer en cas de renouvellement du bail à usage
professionnel.
470. Il est dit Ă lâarticle 116 de lâAUDCG, que les parties fixent librement le montant du
loyer sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires applicables. Le loyer ainsi
fixé est révisable dans les conditions fixées par les parties ou, à défaut, lors de chaque
renouvellement. Cela signifie que lors de la conclusion du contrat de bail initial, les parties
peuvent sâentendre sur le montant du futur loyer ou les modalitĂ©s de son calcul en cas de
renouvellement du bail. A défaut de le faire lors de la conclusion du premier contrat, le
montant du nouveau loyer sera dĂ©terminĂ© au moment dâun renouvellement du bail. Dans
cette deuxiĂšme hypothĂšse, le lĂ©gislateur a prĂ©vu lâĂ©ventualitĂ© dâun dĂ©saccord entre les
parties sur le montant du nouveau loyer. En pareille circonstance, câest Ă la juridiction
statuant Ă bref dĂ©lai quâil appartiendra de fixer le prix du loyer rĂ©visĂ©351. On parle alors de
fixation judiciaire du loyer rĂ©visĂ©. DâaprĂšs lâarticle 117 de lâAUDCG, il appartient Ă la partie
la plus diligente de saisir la juridiction compétente. Cette derniÚre rendra sa décision en
tenant compte de la situation des locaux, de leur superficie, de leur état de vétusté et des prix
des loyers commerciaux généralement pratiqués dans le voisinage pour des locaux
semblables. La dĂ©cision prise sâimposera aux parties et, bien que rien ne garantisse quâelle
satisfasse les deux parties, elle a quand mĂȘme le mĂ©rite dâĂȘtre objective. Câest en vertu de
cette objectivité que la fixation judiciaire du loyer révisé est un avantage que la loi accorde
au preneur qui peut se retrouver en situation de faiblesse face Ă son bailleur.
471. Malheureusement lâentreprenant ne bĂ©nĂ©ficie pas de ce privilĂšge. A lâarticle 134 de
lâAUDCG, il est dit que, sauf convention contraire entre le bailleur et lui, il nâa pas droit Ă
351 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 153 du 22 janvier 2002, Kamil AKDAR c/ Mohamed
FETTOUNY, Ohadata J-05- ; Cou dâappel dâA idja , a t ° du o e e , âo i t T a spo ts
Saint Christophe c/ SERIFA, Ohadata J-04-116; Tribunal de PremiĂšre Instance de Cotonou, jugement
contradictoire n° 018/2Úme chambre commerciale du 10 mai 2001, Odette ADJANOHOUN et héritiers Mathias
ASSOURANOU, Ohadata J-04- ; Cou sup e de Cote dâI oi e, ha e judi iai e de assatio , a t °
122 du 04 mars 2004, Joseph Emile KHARRATH, Edouard Emile KHARRATH, Khalil Emile KHARRATH c/Anani
ADJAOVI TITIGA, ActualitĂ©s juridiques n° 49, 2005, p. 218, Ohadata J-05-351; CCJA, 2Ăšme chambre, arrĂȘt n°36
du 03 juillet 2008, SociĂ©tĂ© Burkina et Shell c/0, Ohadata J-09-75 ; Cou dâappel du Litto al, a t n° 96/REF du
28 juin 2003, Jean-Pierre POUAKAM c/ TOKO NOBAT, Ohadata J-06-177.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 229
la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelĂ©. Lâentreprenant pourra saisir la justice pour
la fixation du loyer du bail renouvelé si et seulement si cela avait préalablement été stipulé
dans le contrat initial qui le lie avec son bailleur. A défaut de cet accord, il aura pour seule
solution de trouver un terrain dâentente avec son bailleur sur le montant du nouveau loyer.
Il ne fait aucun doute quâen pareille circonstance, câest le bailleur qui aura le dernier mot.
Cet Ă©tat de fait est critiquable.
2. Critiques
472. Le droit au renouvellement du bail et le droit Ă la fixation judiciaire des loyers du
bail renouvelĂ© sont des garde-fous qui prĂ©servent les entrepreneurs locataires de lâarbitraire
des bailleurs. En priver lâentreprenant revient Ă mettre en pĂ©ril ses intĂ©rĂȘts et fragiliser
davantage son activité. Face à cette situation, on est poussé à se questionner sur les raisons
qui ont motivĂ© le lĂ©gislateur Ă adopter de telles restrictions352. La condition de lâentreprenant
face aux restrictions prévues en matiÚre de bail à usage professionnel est trÚs critiquable car
non seulement elle renforce la précarité de cet entreprenant, mais elle met également à sa
charge un formalisme trop contraignant qui laissent imaginer quâon aurait pu penser les
choses autrement.
473. Lâaccentuation de la prĂ©caritĂ© de lâentreprenant. Les exceptions faites en ce qui
concerne le droit au renouvellement du bail et au droit Ă la fixation judiciaire des loyers du
bail renouvelĂ© crĂ©ent un dĂ©sĂ©quilibre entre lâentreprenant et son bailleur, ce dernier Ă©tant en
position de force. A dĂ©faut dâavoir prĂ©vu ce droit lors de la conclusion du contrat de location,
le sort de lâentreprenant dĂ©pendra totalement du bon vouloir du bailleur qui dĂ©tient le mot
final dans la négociation. Ce dernier peut en effet décider de ne pas renouveler le bail ou
dâaugmenter le loyer sans avoir besoin de se justifier. A lâexpiration de son bail,
lâentreprenant pourrait donc ĂȘtre contraint de changer de lieu dâactivitĂ©, ce qui peut dans
certaines circonstances fragiliser son activité en entraßnant une perte des clients et en
lâexposant Ă©ventuellement Ă de grosses dĂ©penses relatives notamment Ă lâamĂ©nagement du
nouveau local et au paiement dâun loyer plus ou moins Ă©levĂ©. Le laisser ainsi Ă la merci du
352 Etait-ce simplement pour faire la diffĂ©rence entre le commerçant et lâe t ep e a t, pour limiter les
avantages de lâe t ep e a t ui jouit dĂ©jĂ de nombreux privilĂšges ? Serait- e pa e ue lâe t ep e a t âest
pas immatriculé au RCCM ?
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 230
bailleur renforce la prĂ©caritĂ© dont il peut faire lâobjet et, surtout, le met en insĂ©curitĂ©. La
seule possibilitĂ© que la loi lui offre pour Ă©viter cela, câest dâanticiper en prĂ©voyant ces droits
lors de la conclusion du bail initial, ce qui nĂ©cessite un formalisme qui peut sâavĂ©rer
contraignant pour les trĂšs petits entrepreneurs que sont les entreprenants.
474. Lâexigence dâun formalisme contraignant Ă lâĂ©gard de lâentreprenant. Rappelons-
nous toujours quâĂ lâorigine le statut de lâentreprenant est crĂ©Ă© pour des entrepreneurs qui
sont dans une certaine précarité financiÚre mais aussi intellectuelle. Demander à ces
personnes de prévoir des clauses qui leur donnent droit au renouvellement du bail ou à la
fixation du loyer rĂ©visĂ© revient Ă leur exiger un Ă©crit, chose quâelles ne sont pas toujours
intellectuellement aptes Ă faire sans le conseil dâune personne avertie. Lâexigence de ce
formalisme nous éloigne des objectifs de simplicité que le législateur voulait atteindre au
travers de ce statut.
On a lâimpression que le lĂ©gislateur Ă©tait surtout motivĂ© par le dĂ©sir de marquer la
diffĂ©rence entre lâentreprenant et le commerçant ou par la volontĂ© dâĂ©viter un dĂ©sĂ©quilibre
entre les entrepreneurs en ne concédant pas plus de privilÚges aux entreprenants. Il aurait
peut-ĂȘtre Ă©tĂ© judicieux dâavoir recours Ă une solution comme ce fut le cas ailleurs.
475. Lâexemple du micro-entrepreneur français. Avant le 19 dĂ©cembre 2014, lâauto-
entrepreneur français ne bénéficiait pas automatiquement du droit au renouvellement du bail
car il nâĂ©tait pas tenu de se faire immatriculer au RCS ou au RM. Pour bĂ©nĂ©ficier du droit
au renouvellement du bail, les auto-entrepreneurs devaient se faire immatriculer au RCS ou
obtenir lâaccord de leur bailleur. Leur location pouvait alors se poursuivre par tacite
reconduction en cas de silence des deux parties (le bailleur et lui) ou Ă lâinitiative de lâune
des deux parties. En cas de refus du renouvellement par le bailleur, le locataire qui disposait
du droit au renouvellement, avait la possibilité de saisir le tribunal compétent pour contester
le congĂ© demandĂ© par son bailleur ou demander une indemnitĂ© dâĂ©viction. Depuis que leur
immatriculation est obligatoire, les micro-entrepreneurs (anciennement appelés auto-
entrepreneurs) disposent tous du droit au renouvellement du bail et Ă la fixation judiciaire
du loyer.
La démarche du législateur français est tout à fait logique : le bénéfice du droit au
renouvellement du bail est en principe rattachĂ© Ă lâimmatriculation au RCS ou au RM.
Autrement dit, câest lâimmatriculation Ă lâun de ces registres qui confĂšre, entre autres, Ă son
titulaire le droit au renouvellement du bail. Câest une disposition dâordre public que les
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 231
parties ne peuvent modifier ni Ă laquelle elles ne peuvent Ă©chapper. On peut alors se
demander ce qui justifie que lâentreprenant soit privĂ© de ce droit dans lâOHADA. Il est
difficile dâapporter une rĂ©ponse Ă cette question puisquâau regard des dispositions sur le bail
à usage professionnel, rien ne permet de clairement déceler les raisons qui ont poussé le
lĂ©gislateur Ă priver lâentreprenant de ce droit. Si dâoffice, on peut affirmer que le
commerçant de fait, qui lui non plus nâest pas immatriculĂ©, ne peut se prĂ©valoir du droit au
renouvellement du bail, il nous semble toutefois erronĂ© dâaffirmer que ce droit dĂ©pend de
lâimmatriculation du preneur au RCCM. Par contre, dâaprĂšs les dispositions de lâAUDCG,
on peut dire sans courir le risque de se tromper que le droit au renouvellement du bail est
reconnu Ă tout preneur (en situation rĂ©guliĂšre) dâun bail Ă usage professionnel, quelle que
soit sa profession (voir article 101). Tous ces professionnels nâĂ©tant pas astreints Ă
lâimmatriculation au RCCM, on peut donc conclure que ce nâest pas lâimmatriculation au
RCCM qui permet de bénéficier du droit au renouvellement du bail à usage professionnel.
Le fait dâen priver lâentreprenant dĂ©pend tout simplement du bon vouloir du lĂ©gislateur qui
a peut-ĂȘtre voulu marquer la diffĂ©rence entre lâentreprenant et le commerçant.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 232
Conclusion du chapitre
476. On ne le dira jamais assez, le statut de lâentreprenant est un statut Ă part entiĂšre qui
se distingue des statuts traditionnels tels que celui du commerçant, de lâartisan, de
lâagriculteur et du professionnel libĂ©ral. Câest fort de sa particularitĂ© que lâentreprenant va
se voir appliquer un certain nombre de rĂšgles spĂ©cifiques qui lui imposent, dâune part des
obligations, dâautre part des restrictions.
477. Les obligations de lâentreprenant qui sont issues du droit OHADA se rapportent,
premiÚrement, à sa comptabilité. Sur ce plan, il bénéficie de quelques allÚgements.
Cependant, la tenue dâune comptabilitĂ© ne demeure pas moins obligatoire pour lui. Non
seulement il doit en tenir une, mais il doit également la tenir conformément au modÚle
prescrit par la loi. DeuxiĂšmement, en cas de litige, lâentreprenant devra se plier aux rĂšgles
du droit commercial, quelle que soit la nature de son activité.
478. Fort des restrictions que la loi communautaire lui impose, lâentreprenant verra son
nombre dâinscriptions au RCCM limitĂ© et ne pourra pas jouir de certains droits.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 233
Chapitre 2. Les rĂšgles communes aux entrepreneurs en cas de
procédures collectives
479. Il est important de garder Ă lâesprit quâavant dâĂȘtre des entreprenants, ceux qui ont
choisi dâendosser ce statut sont avant tout des entrepreneurs individuels. En tant que tels, ils
seront assujettis aux rĂšgles communes que la loi applique Ă tous les entrepreneurs
indépendamment du statut sous lequel ils exercent ou de la nature de leur activité. Parmi ces
rÚgles figurent celles qui organisent les procédures collectives. Cette derniÚre expression
dĂ©signe lâensemble des procĂ©dures judiciaires applicables aux entreprises qui rencontrent
des difficultés. Elles ont pour but de sauver les entreprises qui éprouvent des difficultés
financiÚres et de leur permettre de désintéresser au mieux leurs créanciers. Elles sont
applicables aux grandes et aux petites entreprises, quelle que soit leur forme juridique et la
nature de leurs activités.
480. En tant quâentrepreneur individuel, lâentreprenant peut ĂȘtre assujetti Ă ce type de
procĂ©dure. En effet, il est dit Ă lâarticle 1-1 de lâActe uniforme portant organisation des
procĂ©dures collectives dâapurement du passif (AUPCAP), que les rĂšgles encadrant les
procédures collectives sont applicables à toute personne physique qui exerce une activité
professionnelle indépendante civile, commerciale, artisanale ou agricole353. Vu la taille de
son entreprise, il pourra bĂ©nĂ©ficier dâune procĂ©dure simplifiĂ©e354.
353 Art. 1- de lâAUPCAP. LâOHADA a is e pla e des p o du es si plifi es pou les petites e t ep ises.
MalgrĂ© cela, il y a lieu de craindre ue t s peu dâe t ep e a ts aie t e ou s au p o du es olle ti es, car
o e lâaffi ait C li e NDONGO, « Une procĂ©dure collective constitue de maniĂšre gĂ©nĂ©rale une machinerie
lourde, complexe et coĂ»teuse pour les PME (âŠ) ». Lâauteu e pou suit e affi a t ue alg la ise su
pied des procédures simplifiées, une partie de la doctrine émet des doutes sur leur capacité à inciter les
petits entrepreneurs à opter pour la prévention judiciaire des difficultés. Voir C. NDONGO, Le nouveau visage
de la prévention en Droit OHADA, ThÚse, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2017.
354 Des procĂ©dures simplifiĂ©es so t p ues pou les petites e t ep ises. âelo lâa ti le - de lâAUPCAP, il
sâagit des e t ep ises do t le o e de t a ailleu s est i f ieu ou gal Ă i gt et do t le hiff e
dâaffai es âe de pas i ua te illio s 000 000) de francs CFA.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 234
481. Initier une procĂ©dure collective peut ĂȘtre avantageux pour un entrepreneur individuel
qui rencontre des difficultĂ©s. Le dĂ©clenchement dâune procĂ©dure prĂ©ventive pourrait lui
permettre dâĂ©viter lâaggravation de sa situation355. Lâouverture dâune procĂ©dure curative
pourrait lui permettre de faire face des difficultés plus sérieuses. Il pourrait essayer de sauver
lâentreprise grĂące Ă lâouverture dâune procĂ©dure de redressement judiciaire. Celle-ci peut
ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e lorsque lâentrepreneur atteint la cessation des paiements qui est considĂ©rĂ©e
comme le niveau de difficultĂ©s oĂč un entrepreneur dĂ©biteur nâarrive plus Ă faire face Ă son
passif exigible avec son actif disponible356.
482. Cependant, il est important de souligner que certains entrepreneurs préfÚreraient
Ă©viter de faire lâobjet dâune procĂ©dure collective, soit parce quâils nây voient pas un moyen
efficace de sâen sortir357, soit parce quâils redoutent ses consĂ©quences. La procĂ©dure pourrait
355 La loi OHADA donne la possibilité, au débiteur qui rencontre des difficultés, de bénéficier de procédures
collectives p e ti es. LâAUPCAP e p oit deu : la conciliation et le rĂšglement prĂ©ventif. La conciliation
est ouverte au dĂ©biteur qui rencontre des difficultĂ©s avĂ©rĂ©es ou prĂ©visibles sans ĂȘtre en cessation de
paiements. Le rÚglement préventif, lui, est ouvert au débiteur qui justifie de difficultés financiÚres ou
Ă©conomiques sĂ©rieuses sans ĂȘtre en Ă©tat de cessation des paiements. Sur cette question, voir : Tribunal de
grande instance du Nyong et Kelle, jugement n° 32/Civ /TGI du 21 novembre 2011, Caisse de Crédit et
dâEpa g e pou le D eloppe e t CACED âA , Ohadata J- 13-213 ; Tribunal de commerce de Pointe-Noire,
Ordonnance de référé n° 432 du 12 octobre 2010, affaire Dame PhilomÚne MPIKA, Ohadata J- 13-98.
356 A t. de lâAUPCAP. Voir Ă©galement : Cou dâappel de Lo , a t ° / du a il , BIA-Togo,
Société SICOME SARL, SA-Togo, Société Midnight Sun SA, Société BATIMEX-Togo c/ UDECTO, Ohadata J- 10-
156 ; Tribunal de grande instance du Wouri, jugement civil n° 159 du 1er décembre 2005, affaire Société
anonyme les transports BLAT et Cie, Ohadata J-12-59 ; Tribunal de grande instance du Wouri, jugement civil
n° 030 du 6 octobre 2005, affaire Société automobile camerounaise (SACAM SARL), Ohadata J- 12-58.
357 Le Pr Filiga Michel SAWADOGO affirmait uâ« il âest pas a e ue des p o du es judi iai es ouve tes se
terminent "en queue de poisson", sans jugement de lĂŽtu e, sa s ed esse e t de lâe t ep ise et paie e t
substantiel des crĂ©anciers ». Voi sa ote su lâaffai e âo i t I te atio ale Faso E po t, T i u al de g a de
i sta e dâOuagadougou, juge e t du ai , Ohadata J-05-249). Par ces phrases, il montre que les
procédures collectives sont trÚs souvent inefficaces. Abondant dans le sens que lui, Soulemane TOE écrit :
«Lâe p ie e montre que les procĂ©dures collectives atteignent rarement leurs objectifs. Non seulement,
lâe t ep ise âest pas ed ess e pa la faute des o ga es, ais e plus, les a ie s e so t pas pa s ou e
so t uâi suffisa e t pa s. Mais, da s la p ati ue et da s la plupa t des as, âest plutĂŽt Ă u e
d sag gatio de lâentreprise et Ă une e tai e i appli atio des sa tio s ue lâo assiste da s la ise e
Ćuv e des p o du es collectives ». Voir : S. TOE, « Aperçu pratique des finalitĂ©s de la procĂ©dure collective
da s lâespa e OHADA », p.1, Ohadata D-11-13.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 235
alors ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e dâoffice par la juridiction compĂ©tente358 ou Ă la demande dâun ou de
plusieurs créanciers dont les créances sont certaines, liquides et exigibles359. Malgré les
avantages que cette procĂ©dure est supposĂ©e apporter, lâentrepreneur qui la subit pourrait y
voir une source de contraintes (Section 1) et une menace pour son patrimoine (Section 2).
358 CCJA, arrĂȘt n° 032/2011 du 08 dĂ©cembre 2011, SociĂ©tĂ© Congolaise Arabe Libyenne de Bois dite SOCALIB
c/ Collectif des Travailleurs de la SOCALIB, Ohadata J-13-153 ; CCJA, arrĂȘt n° 091/2014 du 31/07/2014,
Athanase NDOYE LOURY c/ Société Equatoriale de Construction (SOECO SA), ING Consulting SARL, Félix
BONGO, Ohadata J-15-182 ; CCJA, arrĂȘt n° 022/2011 du 06 dĂ©cembre 2011, La Compagnie CotonniĂšre
Ivoirienne c/ Tiemoko KOFFI et Alain GUILLEMAIN, Ohadata J- 13-150.
359 A t. de lâAUPCAP. Sur cette question, voir : Cour dâappel de Lo , a rĂȘt n° 166/09 du 03 novembre
2009, Société Togolaise Industrielle de Métallurgie (TIM) SA c/ Banque Togolaise pour le Commerce et
lâI dust ie BICI , Ohadata J-10-157 ; Tribunal de commerce de Pointe-Noire, jugement n° 121 du 17 mars
2010, Centro Riparazioni Piacentino c/ Emmanuel GOMA Ús nom et Ús qualité de la Société COFIBOIS,
Ohadata J-13-95 ;
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 236
Section 1. La procédure collective : une source de contraintes pour
lâentrepreneur
483. Outre son coût, les contraintes liées aux procédures collectives sont des raisons
valables pour lesquelles certains entrepreneurs préfÚreraient les éviter. Ces contraintes se
font ressentir au travers des dĂ©sagrĂ©ments que la procĂ©dure peut causer Ă lâentrepreneur
(Paragraphe 1) et les sanctions quâil peut encourir (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les désagréments de la procédure
484. Lâintroduction dâune demande dâouverture de procĂ©dure collective donne lieu Ă des
enquĂȘtes (A) et, lorsquâelle est validĂ©e, Ă une publicitĂ© (B) qui ne sont pas toujours bien
vĂ©cues par lâentrepreneur.
A. Les enquĂȘtes
485. Il est frĂ©quent que les juridictions saisies dâune demande dâouverture de procĂ©dure
collective ordonnent lâouverture dâenquĂȘtes qui lui permettront de se prononcer sur la
nécessité de cette procédure. Cela se fait dans des termes similaires à ceux du Tribunal de
commerce de Pointe-Noire: « En lâĂ©tat actuel du dossier, le Tribunal ne possĂšde pas des
Ă©lĂ©ments dâapprĂ©ciation suffisants pour se prononcer sur lâouverture dâune procĂ©dure
collective dâapurement du passif (âŠ) avant la dĂ©cision dâouverture dâune procĂ©dure
collective, le Président de la juridiction compétente peut désigner un juge du siÚge ou toute
personne quâil estime qualifiĂ©e Ă charge de dresser et de lui remettre un rapport⊠pour
recueillir des renseignements sur la situation et les agissements du débiteur⊠» 360. Comme
360 Tribunal de commerce de Pointe-Noire, jugement avant dire droit n° 171 du 12 avri 2002, Compagnie
Aérienne Inter Transport c/ divers créanciers, Ohadata J- 13-97. Sur cette question, voir également : Tribunal
de grande instance de Ouagadougou, jugement n° 202 du 16 juin 2004, requĂȘte de Mahamadi OUEDRAOGO
au fi s dâou e tu e dâu e p o du e de ed esse e t judi iai e des Etablissements Mahamadi
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 237
on peut le voir, ces investigations permettent Ă la juridiction saisie dâavoir des informations
sur lâentreprise et sur lâentrepreneur.
486. Sur lâentreprise, on va rechercher des Ă©lĂ©ments sur la rĂ©gularitĂ© de lâentreprise, sur
sa situation financiĂšre et sur lâexistence Ă©ventuelle dâune procĂ©dure collective en cours ou
passée.
En ce qui concerne la rĂ©gularitĂ© de lâentreprise, il est dit Ă lâarticle 26- 1° de
lâAUPCAP que la dĂ©claration dâouverture de la procĂ©dure doit ĂȘtre accompagnĂ©e dâune
attestation dâimmatriculation, dâinscription ou de dĂ©claration dâactivitĂ© Ă un registre ou Ă un
ordre professionnel, ou Ă dĂ©faut, de tout autre document prouvant la rĂ©gularitĂ© de lâactivitĂ©
exercée par le débiteur. Par cette disposition, le législateur semble écarter les opérateurs en
situation irréguliÚre, autrement dit celles du secteur informel, de la liste des entrepreneurs
susceptibles de faire lâobjet dâune procĂ©dure collective361.
La situation financiÚre sera appréciée sur la base de documents divers. La procédure
Ă©tant dĂ©clenchĂ©e par les crĂ©anciers, en principe, câest Ă eux quâil appartient dâapporter la
preuve de la cessation des paiements362. Ils devront dĂ©montrer que lâentreprise rencontre des
difficultĂ©s graves qui la rendent incapables de sâacquitter de son passif exigible avec son
OUEDRAOGO et FrÚres (EMOF) c / Société Générale des banques du Burkina Faso (SGBB) et Bank of Africa
(BOA), Ohadata J-05-219 ; Cou dâappel de Ouagadougou, Cha e i ile et o e iale, A t ° du
dĂ©cembre 2001, Flex-Faso c/ CNCA et YOUGBARE Antoinette et 7 autres, Ohadata J-09-04 ; Cou dâappel de
Bobo-Dioulasso, Chambre commerciale, arrĂȘt n° 04/08 du 13 fĂ©vrier 2008, KABORE John Boureima, François
SIABY et Aimé KABORE c/ Henry DECKERS et Société BELCOT Générale Burkina, Ohadata J-10-110 ; Cour
dâappel de Bo o-Dioulasso, Chambre commerciale, arrĂȘt n° 014/08 du 12 novembre 2008, John Boureima
KABORE, François SIABY et Aimé KABORE c/ Henry DECKERS et Société BELCOT Générale Burkina, Ohadata J-
10-120 ; Cou dâappel de LomĂ©, arrĂȘt n° 176/08 du 02 septembre 2008, BIA-TOGO c/ UDECTO SA, Ohadata J-
10-160 .
361 Sur cette question, voir : F. MESSAN AGBO, « Lâappli atio des p o du es si plifi es au petites
entreprises individuelles », p. 6, Ohadata D-18-07.
362 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement n° 127 du 28 janvier 2005, Agence Conseil en Marketing
et Communication dite "OPTIMA" c/ la Société Africa Investissement Sénégal Brasseries dite "AISB", Ohadata
J- 05- 281.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 238
actif disponible. Etant donnĂ© quâon est en matiĂšre commerciale, il leur sera certainement
permis de rapporter cette preuve par tout moyen363.
La loi donne le pouvoir, aux experts mandatĂ©s Ă lâoccasion de la procĂ©dure, dâobtenir
auprÚs des professionnels concernés (experts comptables, banques, administration des
impĂŽts, sĂ©curitĂ© sociales, etcâŠ) toutes les informations nĂ©cessaires pour apprĂ©cier la
situation économique du débiteur.
Il sera Ă©galement demandĂ© Ă lâentrepreneur dĂ©biteur de fournir des documents364
présentant sa situation financiÚre et économique. Ces documents doivent indiquer ses
crĂ©ances et dettes ainsi que leurs dates dâĂ©chĂ©ance. Il devra faire un inventaire de ses biens
et fournir la liste de ses salariés avec indication du montant des salaires et des charges
salariales.
La remarque quâon fait, câest que tous ces documents ont un caractĂšre purement
professionnel. Or, en ce qui concerne lâentrepreneur individuel, il y a une dimension
personnelle ou extra-professionnelle Ă prendre en compte. En effet, lâactif et le passif reflĂ©tĂ©s
par les documents Ă©numĂ©rĂ©s dans lâAUPCAP sont liĂ©s Ă lâactivitĂ©. Une autre partie de lâactif
et du passif de lâentrepreneur individuel nâapparaĂźt pas dans ces documents professionnels.
Ces derniers Ă eux-seuls ne permettent pas dâavoir une apprĂ©ciation juste de la situation de
lâentrepreneur individuel. En ce qui concerne lâinventaire des biens, la loi ne prĂ©cise pas
quels biens sont pris en compte lorsque lâentrepreneur est une personne physique. Etant
donnĂ© que le patrimoine de lâentrepreneur individuel est un et indivisible, lâinventaire
devrait également intégrer des biens personnels, y compris ceux du foyer lorsque
lâentrepreneur est mariĂ© sous le rĂ©gime de la communautĂ©. Pour avoir une idĂ©e exacte de la
situation de lâentrepreneur, les investigations de lâexpert dĂ©signĂ© ne doivent pas se limiter Ă
la sphĂšre professionnelle.
Outre les diffĂ©rents documents prĂ©sentĂ©s ci-dessus, lâentrepreneur devra, le cas
échéant, fournir un projet de concordat de redressement judiciaire365 qui montre les
363 J.-C. HOUNKPE, « La p eu e da s le d oit des p o du es olle ti es de lâOHADA », p.7, Ohadata, D-16-06. 364 A t. de lâAUPCAP. 365 Le lĂ©gislateur a prĂ©vu des amĂ©nagements pour les trĂšs petites entreprises. Ces derniĂšres peuvent
fi ie dâu e p o du e simplifiĂ©e grĂą e Ă la uelle lâe t ep e eu peut Ă©tablir le concordat de
ed esse e t a e lâaide de lâe pe t d sig pa la ju idi tio o p te te.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 239
perspectives de sauvetage de lâentreprise et les modalitĂ©s de rĂšglement du passif nĂ©
antĂ©rieurement Ă lâouverture de la procĂ©dure collective. Tous les documents devront ĂȘtre
datés, signés et certifiés conformes et sincÚres par le débiteur déclarant.
Pour quâune entreprise fasse lâobjet dâune procĂ©dure collective, il ne faut pas quâune
autre soit en cours. Il ressort de lâarticle 26 â 8° que, pour que sa dĂ©claration soit recevable,
le dĂ©biteur ne doit pas ĂȘtre soumis Ă une autre procĂ©dure collective (rĂšglement prĂ©ventif,
redressement judiciaire, liquidation des biens) qui ne soit pas clÎturée. Il ne faut pas non
plus, quâil soit encore sous lâeffet dâun accord de conciliation en cours dâexĂ©cution ou dâun
concordat prĂ©ventif en cours dâexĂ©cution.
487. Les enquĂȘtes effectuĂ©es dans le cadre dâune procĂ©dure collective porteront
Ă©galement sur la gestion de lâentrepreneur. Vu la forme individuelle de lâentreprise, elles ne
vont pas se cantonner Ă lâactivitĂ© professionnelle seule. On aura forcĂ©ment recours Ă des
informations qui relĂšvent aussi du cadre personnel de lâentrepreneur. Pour sâassurer quâil
est effectivement en cessation de paiements, on vérifiera ses comptes ; on recensera ses
biens personnels et familiaux (notamment lorsquâil est mariĂ© sous le rĂ©gime de la
communautĂ©) ; on recherchera Ă quoi les revenus tirĂ©s de lâactivitĂ© ont Ă©tĂ© employĂ©s, sâils
ont profitĂ© au conjoint, etc. On sâassurera que lâentrepreneur a exercĂ© ses fonctions dans le
respect des prescriptions lĂ©gales et dans lâintĂ©rĂȘt de lâentreprise en vĂ©rifiant, le cas Ă©chĂ©ant,
sâil a provoquĂ© la cessation des paiements ou sâil avait la possibilitĂ© de la signaler Ă temps.
En effet, lâentrepreneur qui rencontre des difficultĂ©s importantes doit saisir la juridiction
compétente en déposant une déclaration de cessation des paiements auprÚs du greffe de la
juridiction compétente, au plus tard dans les trente (30) jours qui suivent la cessation. On
sâassurera que les difficultĂ©s prĂ©sentĂ©es ne sont pas fictives, que les dettes allĂ©guĂ©es sont
rĂ©elles. Lâaspect personnel de la vie de lâentrepreneur, tout comme lâaspect professionnel,
sera scrutĂ©. Câest sur la base des Ă©lĂ©ments de lâenquĂȘte que la juridiction saisie prendra des
dĂ©cisions et, notamment celle dâouvrir la procĂ©dure collective. Le prononcĂ© de lâouverture
devra faire lâobjet dâune publicitĂ©.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 240
B. La publicité
488. Lâouverture dâune procĂ©dure collective donne lieu Ă lâaccomplissement de
formalités de publicité366. Le greffe de la juridiction compétente procÚde à la publication de
la dĂ©cision dâouverture de la procĂ©dure collective. Celle-ci se fait sans dĂ©lai au RCCM.
Lorsque le débiteur exerce une profession ou une activité libérale soumise à un statut
rĂ©glementĂ©, le greffe notifie Ă©galement cette dĂ©cision au reprĂ©sentant lĂ©gal de lâordre
professionnel ou Ă lâautoritĂ© compĂ©tente. En outre, la mĂȘme dĂ©cision dâouverture est publiĂ©e
dans un journal dâannonces lĂ©gales du lieu de la juridiction compĂ©tente et des lieux des
différents établissements secondaires du débiteur. Ces publications précisent notamment le
nom du dĂ©biteur ; son domicile ou son siĂšge social ; son numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© ;
la date de la dĂ©cision dâouverture et le type de procĂ©dure collective ; le nom et lâadresse du
syndic auprÚs duquel les créanciers devront produire leurs créances ; le délai pendant lequel
ces crĂ©ances doivent ĂȘtre produites. A la suite dâune premiĂšre publicitĂ©, le greffe procĂšdera
à une deuxiÚme publicité au plus tÎt dans les quinze (15) jours qui suivent et au plus tard
dans les trente (30) jours plus tard.
489. La publication de lâouverture de la procĂ©dure a pour but dâinformer les crĂ©anciers de
lâentrepreneur, afin que ceux dont la crĂ©ance est antĂ©rieure Ă la dĂ©cision dâouverture se
constituent en une masse367. En effet, lâouverture dâune procĂ©dure collective entraine
lâinterdiction ou la suspension des poursuites individuelles tendant au paiement dâune
crĂ©ance ou les voies dâexĂ©cution tendant Ă obtenir le paiement dâune crĂ©ance368. Un
366 A t. et sui a ts de lâAUPCAP. Voi gale e t : Tribunal du Noun, jugement n° 21/CIV/TGI/2006-2007,
âDV Ca e oo / âo i t dâe ploitatio fo esti e du Nou âEFN , Ohadata J-09-242.
367 A t. de lâAUPCAP. 368 CCJA, 2Ăšme ha e, a t ° / du juillet , âo i t G ale de Ba ue e CĂŽte dâI oi e
(SGBCI) c/ La Compagnie Africaine de Transit dite CATRANS, Ohadata J-15-62 ; CCJA, 2Ăšme chambre, arrĂȘt n°
/ du a il , âo i t G ale de Ba ue e CĂŽte dâI oi e âGBCI / âo i t Ci ile i o ili e
Rue des PĂȘcheurs, Ohadata J-16-14 ; Cou dâappel de Daka , a t ° 22 du 12 avril 2001, Abdoulaye DRAME
es ualit li uidateu de la Natio ale dâAssu a e / CBAO âA, Ma adou NDIAYE et aut es, Ohadata J-
06-59 ; Cou dâappel de Ouagadougou, âe te e dâa it age ° du a il , âOTRAO / MP, Ohadata
J-07-216 ; Cou dâappel de Ouagadougou, Chambre civile, arrĂȘt n° 094 du 04 mai 2007, SociĂ©tĂ© IFEX c/ SCPA
et SOME, Ohadata J-10-219 ; Cou dâappel dâA idja , Ăšme Chambre civile et commerciale B, arrĂȘt n° 255 du
26 mai 2011, SGBC c/ CI rue des pĂȘcheurs, Ohadata J-13-18 ; Cou dâappel dâA idja , Cha e i ile et
commerciale, arrĂȘt n° 633 du 11 juin 2004, SociĂ©tĂ© DAFNE et un autre c/ SGBI CI, Ohadata J-05-261.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 241
traitement collectif sera appliquĂ© aux crĂ©anciers dans le but, soit de redresser lâentreprise,
soit de la liquider afin de désintéresser, autant que cela est possible, tout le monde. Chaque
créancier sera donc appelé à produire sa ou ses créances, sous peine de forclusion, dans un
délai précis imparti par la loi. Cette formalité consiste, à fournir au syndic une déclaration
donnant toutes les informations utiles permettant dâapprĂ©cier sa ou ses crĂ©ances (montant,
Ă©chĂ©ance, sĂ»retĂ©, objet dâun litige devant une juridiction, etc.). A lâappui de cette
dĂ©claration, il fournit Ă©galement les piĂšces qui prouvent lâexistence de la ou des crĂ©ances
déclarées. Par la suite, une vérification de ces déclarations sera faite par le syndic qui pourra
contester ou discuter en tout ou en partie certaines crĂ©ances. A lâissue de cet examen, il
dresse un état des créances admises à titre définitif ou provisoire et de celles rejetées.
Les crĂ©anciers qui nâauront pas produit leurs crĂ©ances dans les dĂ©lais impartis ne
seront pas admis dans la rĂ©partition des dividendes dans la mesure oĂč leurs crĂ©ances seront
inopposables à la masse et au débiteur pendant toute la durée de la procédure collective, y
compris en cas de redressement judiciaire, durant toute la pĂ©riode dâexĂ©cution du
concordat369.
490. Hormis les simples dĂ©sagrĂ©ments que lâentrepreneur peut subir dĂšs lâintroduction
dâune demande dâouverture de procĂ©dure collective et tout au long de celle-ci, il encourt des
sanctions qui, en fonction de ce qui ressort des enquĂȘtes menĂ©es, peuvent ĂȘtre graves.
Paragraphe 2. Les sanctions encourues
491. Lâouverture dâune procĂ©dure collective expose lâentrepreneur Ă des sanctions dans
sa gestion (A) et des incriminations (B).
369 Art. 83 alinéa 1.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 242
A. Des sanctions certaines dans la gestion
492. Lâouverture dâune procĂ©dure collective a plusieurs effets370 dont quelques-uns ont
pour but de sanctionner lâentrepreneur. Celui-ci fera lâobjet dâune mesure dâassistance ou
de dessaisissement dans lâexerce de ses fonctions (2) et pourrait voir quelques-uns de ses
actes frappĂ©s dâinopposabilitĂ© (1).
1. LâinopposabilitĂ© des actes accomplis par le dĂ©biteur pendant la pĂ©riode
suspecte
493. Lâarticle 67 de lâAUPCAP qualifie de pĂ©riode suspecte, la pĂ©riode allant de la date
de la cessation des paiements Ă la date de la dĂ©cision dâouverture du redressement judiciaire
ou de la liquidation des biens. Câest une pĂ©riode pendant laquelle lâentreprise est censĂ©e
avoir rencontré des difficultés importantes la rendant incapable de rembourser des dettes
devenues exigibles avec son actif disponible. Certains actes que le débiteur a accomplis au
cours de cette pĂ©riode peuvent ĂȘtre frappĂ©s dâinopposabilitĂ© Ă lâĂ©gard de la masse des
crĂ©anciers371. Câest gĂ©nĂ©ralement le cas des actes appauvrissants tels que : tous les actes Ă
titre gratuit translatifs de propriété mobiliÚre ou immobiliÚre ; tout contrat cumulatif dans
lequel les obligations du dĂ©biteur excĂšdent notablement celles de lâautre partie ; tout
paiement de dettes non Ă©chues, Ă lâexception du paiement dâun effet de commerce ; tout
paiement de dettes Ă©chues fait autrement que par tout mode de paiement admis dans les
relations dâaffaires du secteur dâactivitĂ© du dĂ©biteur ; toute sĂ»retĂ© rĂ©elle constituĂ©e aux fins
de garantir une dette antĂ©rieure contractĂ©e ; toute inscription provisoire dâhypothĂšque
judiciaire conservatoire ou de nantissement judicaire conservatoire. Cette liste nâest pas
exhaustive. On peut encore y ajouter : des actes translatifs de propriété mobiliÚre ou
immobiliÚre faits dans les six (06) mois qui ont précédé la période suspecte ; des actes à titre
onéreux, si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de sa cessation des
paiements au moment de leur conclusion ; les paiements volontaires de dettes Ă©chues si ceux
qui les ont perçus ont eu connaissance de la cessation des paiements du débiteur au moment
370 Lâou e tu e dâu e p o du e olle ti e a e o e dâaut es effets : la publi it de lâou e tu e de ladite
procĂ©dure collective ; la d sig atio dâu o issai e et dâu ou plusieu s s di s ; la production des
créances et la constitution de la masse des créanciers ; la suspension des poursuites individuelles.
371 Art. de lâAUPCAP.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 243
des paiements ; etcâŠ372. LâinopposabilitĂ© par laquelle on les sanctionne est due au fait que
leur accomplissement semble injustifiĂ© Ă un moment oĂč lâentreprise rencontre des difficultĂ©s
sérieuses. Cette mesure permet de limiter les fraudes au profit de certains créanciers et au
dĂ©triment dâautres, mais aussi de dissuader les dĂ©biteurs de provoquer la cessation des
paiements373. Les actions en dĂ©claration dâinopposabilitĂ© devront ĂȘtre exercĂ©es avant
lâhomologation du concordat de redressement judiciaire ou la clĂŽture de la liquidation des
biens par le syndic qui, en fonction de la procédure ouverte, assiste ou représente le débiteur.
2. Lâassistance ou le dessaisissement du dĂ©biteur dans lâexercice de ses fonctions
494. Le dĂ©biteur qui fait lâobjet dâune procĂ©dure collective va subir une intrusion dans
lâexercice de ses fonctions de dirigeant. Un tiers sera affectĂ© Ă la gestion de lâentreprise et il
(le dĂ©biteur) ne peut sây opposer. En fonction de la finalitĂ© de la procĂ©dure ouverte, il sera
assisté dans ses fonctions ou en sera dessaisi374.
495. Lâassistance. En cas de redressement judiciaire, une assistance est obligatoirement
apportĂ©e au dĂ©biteur, Ă compter du jugement dâouverture de la procĂ©dure jusquâĂ
lâhomologation du concordat de redressement ou la conversion de la procĂ©dure de
redressement en liquidation des biens. Le débiteur ne pourra effectuer que des actes
conservatoires ou des actes de gestion courante. Il ne pourra plus accomplir des actes
dâadministration et de disposition seul. Dans le cas contraire, ces actes seront dĂ©clarĂ©s
inopposables.
Lâassistance est une mesure paralysante pour lâentrepreneur individuel et, dans une
certaine mesure son conjoint. Lâentreprise Ă©tant individuelle, on sâest posĂ© la question de
savoir quels sont les biens dont lâentrepreneur ne pourra plus disposer dĂšs lâouverture de la
procĂ©dure de redressement. En vertu du principe de lâunicitĂ© du patrimoine en vigueur dans
les pays membres de lâOHADA, on peut penser quâil sâagit de tous les biens du dĂ©biteur (y
compris ceux de son conjoint). La procédure de redressement judiciaire déploiera ses effets
au-delà du cadre professionnel. Les biens familiaux seront également affectés par la mesure.
372 A t. de lâAUPCAP. 373 Les pe so es ui use t de a Ću es f auduleuses da s le ad e de p o du es olle ti es sâe pose t
Ă la faillite personnelle et la banqueroute.
374 A t. et de lâAUPCAP.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 244
Aux articles 55 et suivants, il est dit que des scellĂ©s sont susceptibles dâĂȘtre apposĂ©s sur les
biens de lâentrepreneur. Lâarticle 60 vient prĂ©ciser que seuls les biens mobiliers et les effets
indispensables au débiteur à sa famille échappent aux scellés.
Eu égard à la finalité poursuivie par la procédure de redressement, il est important
dâattirer lâattention sur les bienfaits de lâassistance. Dans le cadre des procĂ©dures simplifiĂ©es
mises sur pied pour les petites entreprises, lâassistance va Ă©galement consister Ă aider le
débiteur à élaborer un projet de concordat de redressement375. Celui-ci permettra au débiteur
de proposer à ses créanciers des solutions qui permettront de sauver son entreprise et de les
dĂ©sintĂ©resser (obtenir des remises ou des reports dâĂ©chĂ©ance de la part des crĂ©anciers ;
trouver de nouveaux apports en trésorerie, etc.). A défaut, pour le débiteur, de proposer un
concordat de redressement sérieux ou réalisable, la procédure de redressement judiciaire
peut ĂȘtre reconvertie en procĂ©dure de liquidation des biens. Il nâest pas rare que les
juridictions, saisies pour une procédure de redressement, se disent fondées à prononcer la
liquidation lorsquâelles constatent quâaucune proposition offrant des solutions sĂ©rieuses de
redressement nâest faite et que la situation de lâentreprise se compromet. Ce fut le cas dans
lâaffaire opposant la SOPAGRI SA Ă ses crĂ©anciers376. En 2001, une procĂ©dure de
redressement avait été ouverte au profit de la SOPAGRI-SA. Ses dirigeants,
malheureusement, nâont manifestĂ© aucune volontĂ© de faire redresser lâentreprise. Aucun
concordat de redressement nâavait Ă©tĂ© proposĂ©. Au contraire, ce sont des actes graves pour
une entreprise rencontrant des difficultĂ©s qui ont Ă©tĂ© posĂ©s : conclusion dâune convention
de compte courant avec affectation hypothĂ©caire dâune valeur de cinquante millions
(50 000 000) de francs avec la Bank of Africa, sans précision de la destination des fonds
375 Art. 145- de lâAUPCAP. 376 Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, jugement n° 298 du 29 dĂ©cembre 2004, SociĂ©tĂ©
SENEFURA, SociĂ©tĂ© Adventis Grop Science-CĂŽte dâI oi e, âo i t ALM International et SociĂ©tĂ© Nationale de
Transit du Burkina (SNTB) c/ Société de Représentation et de Distribution des Produits Chimiques à Usage
Agricole, Industriels et Domestique (SOPAGRI SA), Ohadata J-05-235. Voir Ă©galement : Cou dâappel du
Littoral, arrĂȘt n° 040/C du 16 mars 2012, Etablisse e t BUT / Mouli s dâAf i ue, Ohadata J-14-14 ; Tribunal
de grande instance de Ouagadougou, jugement n° 389 du 17 septembre 2003, requĂȘte de la SociĂ©tĂ© Sahel
Compagnie (SOSACO) aux fins de liquidation des biens, Ohadata J-05-218 ; Tribunal de grande instance de
Ouagadougou, jugement du 25 mai 2004, Société Internationale Faso Export, Revue burkinabé de droit, n°
45, Ohadata J-05-249 ;Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, jugement n° 018 du 04 juin 2008, SARL
TARA, Ohadata J-09-101.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 245
allouĂ©es ; consentement dâune hypothĂšque au profit dâun nouveau crĂ©ancier pour un prĂȘt de
quinze millions (15 000 000) de francs CFA ; instauration au sein de lâentreprise, dâune
pratique consistant Ă puiser dans les caisses Ă titre de prĂȘts ou de remboursement des
ordonnances ; diverses dĂ©penses exorbitantes (frais de missions, etcâŠ) nâayant aucunes
retombĂ©es positives pour lâentreprise. Tous ces actes ont eu pour consĂ©quences dâaugmenter
le passif de lâentreprise en difficultĂ©s. Estimant que ces actes Ă©taient la manifestation dâune
« planification inavouĂ©e de la ruine de lâentreprise », les crĂ©anciers ont demandĂ© au TGI de
Bobo-Dioulasso de convertir la procédure de redressement en liquidation des biens. La
juridiction compétente avait jugé que les actes accomplis par les dirigeants de la SOPAGRI
SA avaient entrainĂ© « lâinsolvabilitĂ© chronique, notoire et irrĂ©versible » de lâentreprise et,
lâavaient plongĂ©e dans une inertie totale et absolue qui rendait la poursuite de ses activitĂ©s
impossible et compromettait toute chance sĂ©rieuse de dĂ©sintĂ©resser ses crĂ©anciers. Câest Ă
juste titre quâelle a dĂ©cidĂ© de transformer la procĂ©dure de redressement judiciaire en
procédure de liquidation des biens.
Le déclenchement de cette liquidation entrainera le dessaisissement de
lâentrepreneur.
496. Le dessaisissement. Lorsque le jugement prononce la liquidation des biens de
lâentreprise, le dĂ©biteur est immĂ©diatement dessaisi et ce, jusquâĂ la clĂŽture de la procĂ©dure,
de son pouvoir dâadministrer ou de disposer des biens de lâentreprise. Pour le dĂ©biteur, ce
dessaisissement « signifie quâil nâa plus aucune maĂźtrise de son patrimoine, quels que soient
les biens quâil a entendu mettre Ă la disposition de son entreprise »377. Comme pour un
simple cas dâassistance, il pourra seulement accomplir des actes conservatoires. Tous les
actes dâAdministration ou de disposition accomplis par lui au cours de cette pĂ©riode sont
susceptibles dâĂȘtre inopposables. DâaprĂšs lâalinĂ©a 3 de lâarticle 53, « les actes, droits et
actions du débiteur concernant son patrimoine sont accomplis ou exercés, pendant toute la
durée de la liquidation des biens, par le syndic agissant seul en représentation du
dĂ©biteur ». A compter de lâouverture de la procĂ©dure, le syndic dispose alors dâun dĂ©lai de
377 J. VALLANSAN, « Le dessaisissement de la personne en liquidation judiciaire », in M la ges e lâho eu
de Daniel Tricot, Dalloz, 2011, p. 600-608; J. KOM, Droit des entreprises en difficulté OHADA. Prévention -
Traitement - Sanctions, PUA, 2013.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 246
dix-huit (18) mois prorogeable une fois pour une durée de six (06) mois pour clÎturer la
liquidation378.
497. Les enquĂȘtes menĂ©es sur lâentreprise et lâentrepreneur peuvent rĂ©vĂ©ler que celui-ci a
commis des fautes pouvant entrainer des sanctions dâordre judiciaire. Celles-ci ont pour but
de sanctionner la malhonnĂȘtetĂ©.
B. De potentielles sanctions judiciaires
498. Lâentrepreneur qui commet des fautes, avant ou pendant le dĂ©roulement dâune
procĂ©dure collective, peut faire lâobjet de poursuites pĂ©nales. Il peut notamment ĂȘtre
condamné à la faillite personnelle (1) ou pour banqueroute (2).
1. La faillite personnelle
499. La faillite personnelle est une sanction qui entraine la dĂ©chĂ©ance de lâentrepreneur.
Elle peut ĂȘtre prononcĂ©e par la juridiction en charge de la procĂ©dure collective lorsque
lâentrepreneur a commis des actes de malhonnĂȘtetĂ©379. Pendant un temps, celui-ci sera privĂ©
de lâexercice de certains droits. DâaprĂšs lâarticle 203 de lâAUPCAP, la faillite personnelle
emporte de plein droit : lâinterdiction gĂ©nĂ©rale de faire le commerce et, notamment, de
diriger, gérer, administrer ou contrÎler une entreprise commerciale à forme individuelle ou
toute personne morale ; lâinterdiction dâexercer une fonction publique Ă©lective et dâĂȘtre
Ă©lecteur pour ladite fonction publique ; lâinterdiction dâexercer toute fonction
administrative, judiciaire ou de représentation professionnelle. Elle est applicable aux
personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, civile,
commerciale, artisanale ou agricole380. Sur la base de cette disposition, on peut affirmer que
la faillite personnelle peut ĂȘtre appliquĂ©e Ă un entreprenant. Ce sera le cas sâil se rend
coupable de lâune des fautes Ă©numĂ©rĂ©es Ă lâarticle 196 du mĂȘme Acte uniforme. DâaprĂšs ce
378 Art. 33 alinéas 3.
379 A t. de lâAUPCAP. Voi gale e t : L. ANTONINI-COCHIN et L.-C. HENRY, Droit des entreprises en
difficultĂ©s, 1re Ă©d., Gualino, 2018. ; M.I. KONATE, Guides des procĂ©dures collectives dâapu e e t du passif e
droit OHADA, op. cit.
380 A t. de lâAUPCAP.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 247
dernier texte, lâentrepreneur peut se voir appliquer la faillite personnelle sâil a : soustrait la
comptabilité de son entreprise, détourné ou dissimulé une partie de son actif ou reconnu
frauduleusement des dettes qui nâexistent pas ; par le dol, obtenu pour lui ou pour son
entreprise, un concordat annulé par la suite ; commis des actes de mauvaise foi ou des
imprudences inexcusables ou, a enfreint gravement les rĂšgles et usages du commerce381.
Constituent des actes de mauvaise foi, des imprudences inexcusables et des
infractions graves aux rĂšgles et usages du commerce382:
- lâexercice dâune activitĂ© indĂ©pendante en violation dâune interdiction prĂ©vue
par les Actes uniformes ou par la loi de chaque pays ;
- lâabsence dâune comptabilitĂ© conforme aux rĂšgles comptables383 ;
- le fait, pour lâentrepreneur, animĂ© de lâintention de retarder la constatation
de la cessation des paiements, dâeffectuer des achats pour revendre au-dessous du cours ou
dâemployer des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
- la souscription, pour le compte dâautrui, sans contreparties, dâengagements
jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation du débiteur ou
de son entreprise ;
- la poursuite abusive dâune exploitation dĂ©ficitaire qui ne pouvait conduire
lâentreprise quâĂ la cessation des paiements.
500. Les décisions prononçant la faillite personnelle sont mentionnées au RCCM. Leurs
extraits sont publiĂ©s dans un journal dâannonces lĂ©gales dans le ressort de la juridiction ayant
statuĂ©. Vu les similitudes quâelle prĂ©sente avec la banqueroute, il est fort probable quâune
personne déclarée en faillite personnelle soit également mise en cause pour banqueroute.
381 Sur la faillite personnelle, voir : Tribunal de premiÚre instance de Libreville, jugement-répertoire n°
001/2000-2001 du 5 janvier 2001, Samson NGOMO c/ Jean GĂ©o PASTOURET et B.P.G, Ohadata J-04-135.
Da s e as, le di igea t de lâe t ep ise e diffi ult avait Ă©tĂ© condamnĂ© Ă la faillite personnelle pour actes
de mauvaise foi, comptabilitĂ© o o fo e, e ploitatio d fi itai e a a t o duit lâe t ep ise Ă la essation
des paiements.
382 A t. de lâAUPCAP. 383 Cela montre encore combien il est impĂ©ratif, non seulement de tenir une comptabilitĂ©, mais surtout de la
tenir conformément aux prescriptions de la loi.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 248
2. La banqueroute
501. La banqueroute est une infraction qui peut ĂȘtre constatĂ©e lorsque lâentrepreneur est
en cessation des paiements ou non384. Elle est passible des peines définies par le législateur
de chaque Etat partie. Lâentrepreneur qui fait lâobjet de la procĂ©dure collective pourra
Ă©galement ĂȘtre poursuivi devant le juge correctionnel385. En fonction de la gravitĂ© ou des
moyens employĂ©s, on distinguera deux types de banqueroutes, lâune simple et lâautre
frauduleuse.
502. DâaprĂšs lâarticle 228 de lâAUPCAP, la banqueroute simple est constituĂ©e lorsquâune
personne :
- a contracté des engagements jugés trop importants eu égard à sa situation
sans recevoir des valeurs en Ă©change ;
- est animĂ©e de lâintention de retarder la constatation de la cessation des
paiements, a fait des achats en vue dâune revente au-dessous du cours ou, a employĂ© des
moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
- sans excuse lĂ©gitime, nâa pas dĂ©clarĂ© son Ă©tat de cessation des paiements au
greffe de la juridiction compétente dans le délai prévu par la loi386 ;
- a une comptabilité incomplÚte ou irréguliÚrement tenue ;
- dans un délai de cinq (05) ans, a trois (03) fois été déclaré en état de cessation
des paiements lors de procĂ©dures qui ont Ă©tĂ© clĂŽturĂ©es pour insuffisance dâactif.
384 A t. de lâAUPCAP. 385 Tribunal rĂ©gional hors classe de Dakar, jugement 4025 du 27 aout 2002, MinistĂšre Public et Toutelectric
c/ Papa Aly GUEYE, Ohadata J-05-05-272 ; Cass. Crim. (France), 18 mai 2011, revue des sociétés, décembre
2011, p. 711, Ohadata J-13-199.
386 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 5992/2001, MinistÚre Public et les héritiers de feu
Yally FALL c/ Cheick Talibou DIBA et autres, Ohadata J-05-269. Dans cette affaire, la juridiction saisie a
ep o h Ă o sieu Cheikh Tali ou DIBA de âa oi pas d la la cessation des paiements dans le dĂ©lai de
trente (30) jours. Elle a jugé que cette omission, sans excuse légitime, rend monsieur Cheikh coupable du
délit de banqueroute simple.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 249
503. La banqueroute frauduleuse, est prĂ©vue Ă lâarticle 229. Elle est constituĂ©e lorsquâun
entrepreneur:
- a soustrait sa comptabilité ;
- a détourné ou dissipé tout ou partie de son actif ;
- sâest frauduleusement reconnue dĂ©bitrice de sommes quâelle ne doit pas387 ;
- a exercĂ© une activitĂ© professionnelle indĂ©pendant, en violation dâune
interdiction prévue par un Acte uniforme ou par toute disposition légale ou réglementaire
dâun Etat partie ;
- a payé un créancier au préjudice de la masse, aprÚs la cessation des paiements.
504. Le dĂ©biteur dont la situation est irrĂ©mĂ©diablement compromise fera lâobjet dâune
procédure de liquidation. Celle-ci aura pour but de désintéresser au mieux les créanciers de
lâentreprise en difficultĂ© en procĂ©dant Ă la rĂ©alisation de lâactif de lâentrepreneur, câest-Ă -
dire Ă la vente de ses marchandises et biens (meubles et immeubles)388 ainsi quâau
recouvrement de ses créances exigibles. Pendant cette procédure de liquidation des biens, le
patrimoine de lâentrepreneur individuel est menacĂ©.
387 Da s lâaffai e p de e t it e, les h itie s de feu Yall FALL a aie t it Cheikh Tali ou a DIBA
devant le Tribunal RĂ©gional Hors Classe de Dakar, pour des chefs de banqueroutes simple et frauduleuse et
ManĂ© DIENG et Astou FALL des chefs de complicit de es d lits. E effet, alo s uâil leu de ait la so e de
35 millions de francs CFA, Cheikh Talibou a préféré désintéresser Mané DIENG et Astou FALL avec qui il
e t ete ait des appo ts fa iliau . Les h itie s de feu Yall FALL o t esti uâil a ait organisĂ© son
insolvabilité et détourné son actif en remboursant des dettes fictives. AprÚs des investigations, la juridiction
saisie a effectivement déclaré, les dettes remboursées à Mané DIENG et Astou FALL, fictives car elles ne
correspondaient à « aucun Ă©lĂ©ment du patrimoine ou de lâa tivit de o sieu DIBA Ă tit e de o t epa tie ».
Elle a déclaré les mis en cause coupables de banqueroute frauduleuse et complicité, les a condamnés
respectivement Ă 6 mois et 2 ois de p iso a e su sis ai si uâau paie e t des do ages et i t ts de
5 millions.
388 A t. de lâAUPCAP.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 250
Section 2. La mise en pĂ©ril du patrimoine de lâentrepreneur
505. Lorsquâune entreprise individuelle fait lâobjet dâune procĂ©dure de liquidation de
biens, câest lâensemble des biens de lâentrepreneur et, le cas Ă©chĂ©ant, ceux de son conjoint389
qui est menacĂ©. En effet, le patrimoine de lâentrepreneur et celui de lâentreprise ne forment
quâun. Lâactif personnel se confond Ă lâactif professionnel de mĂȘme que, le passif personnel
et passif professionnel se confondent. LâintĂ©gralitĂ© de lâactif rĂ©pond de lâintĂ©gralitĂ© du
passif. Les biens personnels serviront donc Ă rembourser toutes les dettes, y compris celles
qui ont Ă©tĂ© contractĂ©es dans le cadre de lâactivitĂ© professionnelle390.
506. Cette unicité et indivisibilité qui caractérisent le patrimoine dans les pays de
lâOHADA, nâoffre aucune protection Ă lâentrepreneur en cas de difficultĂ©s. En effet, tous
les biens personnels et, le cas échéant, ceux du conjoint entrant dans la communauté peuvent
entrer dans la rĂ©alisation de lâactif qui servira Ă dĂ©sintĂ©resser les crĂ©anciers en cas de
difficultĂ©s391. Lâentrepreneur individuel et son conjoint peuvent tout perdre. Pour Ă©viter
dâĂȘtre confrontĂ© Ă de telles situations, les seules possibilitĂ©s qui sâoffrent Ă lâentrepreneur
consistent Ă crĂ©er une sociĂ©tĂ© ou, sâil opte pour la forme individuelle, Ă adopter un rĂ©gime
matrimonial séparatiste. Etant donné que, de maniÚre générale, les petits entrepreneurs
individuels optent pour le rĂ©gime de la communautĂ© des biens, il est nĂ©cessaire que lâon
trouve, dans le droit OHADA, dâautres solutions qui leur permettraient de protĂ©ger leurs
patrimoines et celui de leurs familles392. Le lĂ©gislateur communautaire pourrait sâinspirer de
389 D. KUASSI, « Le conjoint du dĂ©biteur soumis Ă une procĂ©dure collective e d oit u ifo e de lâOHADA »,
in Petites affiches, (15 janvier 2008), no 11, p. 03.
390 D. HOUTCIEFF, Droit commercial. Actes de commerce - Commerçants - Fonds de commerce - Concurrence
- Instruments de paiement et de crédit, 4e éd., Paris, Dalloz, 2016.
391 Seuls les biens personnels du conjoint pourront Ă©chapper Ă la liquidation, mais encore faut-il uâils âaient
pas t a uis a e des e e us issus de lâa ti it de lâe t ep ise e diffi ult s. Lâa t. al. de lâAUPCAP
donne à la masse des créanciers la possibilité de prouver par tous les moyens que le conjoint les a acquis
avec des valeurs fournies par le débiteur.
392 V. LEGRAND, « Pat i oi e fa ilial et is ue de lâe t ep iseâŻ: st at gies de p e tio », in Petites affiches,
(10 décembre 2014), no 246, p. 3..
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 251
ce qui a Ă©tĂ© fait ailleurs. Parmi les solutions dĂ©veloppĂ©es jusquâici393, celles qui semblent le
mieux convenir aux trĂšs petites entreprises comme celle de lâentreprenant, ont trait au
fractionnement du patrimoine (Paragraphe 1) ou à la sécurisation de quelques biens de
celui-ci (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. La technique de fractionnement du patrimoine
507. La technique du fractionnement du capital consiste Ă scinder le patrimoine en deux
ou plusieurs patrimoines. GrĂące Ă elle, lâentrepreneur peut se constituer un patrimoine
professionnel quâil affecte Ă son activitĂ©. Lâexemple par excellence est celui de
lâentrepreneur individuel Ă responsabilitĂ© limitĂ©e (EIRL) 394 mis sur pied en France.
393 Outre les rĂ©gimes matrimoniaux s pa atistes, o pe se Ă la fidu ie. Câest u e op atio pa la uelle u
o stitua t t a sf e des d oits pat i o iau Ă u fidu iai e ui les g e pou le o pte dâu fi iai e.
Le droit OHADA lâo ga ise da s les a t. et sui a ts de lâa te u ifo e is po ta t o ga isatio des
sĂ»retĂ©s. En France, elle a Ă©tĂ© instituĂ©e par la loi n° 2007-211 du 19 f ie , ais âest ou e te au
pe so es ph si ues uâe g Ăą e Ă la loi dite de ode isatio du aoĂ»t . A ause de sa
o ple it et des o e s i po ta ts ue essite sa ise e Ću e, elle e o ie t pas au t s petits
entrepreneurs Sur cette technique. Sur ce sujet voir : F. BARRIERE, « La fiducie française ou le réveil
haoti ue dâu e «⯠elle au ois do a tâŻÂ» », in McGill Law Journal / Revue de droit de McGill, vol. 58 (2013),
no 4, p. 847â868 ; B. JADAUD, « Le rĂ©gime juridique de la fiducie », in Petites affiches, (10 juin 2009), no 115,
p. 4 ; A. HINFRAY et V. MIAILHE, « La fiducie et son régime fiscal », in Gazette du palais, (17 juin 2014), no 168,
p. 13. ; S. PIEDELIEVRE, « Pat i oi e dâaffe tatio , d oit des a ie s et d oit des sĂ» et s », in MĂ©langes
e lâho eu du Professeur Paul Le Cannu. Le Droit des affaires Ă la confluence de la thĂ©orie et de la pratique,
LGDJ, 2014 ; M. COMBE, « Lâeffi a it de la fidu ie-sĂ»retĂ© », in Petites affiches, (11 fĂ©vrier 2011), no 30, p.
8. ; P. CROCQ, « La fiducie, reine des sĂ»retĂ©s », ollo ue o ga is pa lâU i e sit de L o su le th e : La
fiducie : assise théorique et application pratique, 29 septembre 2017.
394 S. PIEDELIEVRE, « Lâe t ep ise i di iduelle Ă responsabilitĂ© limitĂ©e », in DefrĂ©nois, (15 juillet 2010), no 13,
p. 1417 ; F. VAUVILLE, « Commentaire de la loi du 15 juin 2010 relati e Ă lâe t ep e eu individuel Ă
responsabilité limitée », in Defrénois, [15 septembre 2010), no 15, p. 1649.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 252
A. Présentation du dispositif
508. Le statut de lâEIRL instituĂ© en 2010395 est une technique qui consiste, pour
lâentrepreneur individuel, Ă affecter Ă son activitĂ© professionnelle un patrimoine sĂ©parĂ© de
son patrimoine personnel sans avoir Ă crĂ©er une personne morale396. Lâoption pour le statut
de lâEIRL peut se faire avant ou aprĂšs le commencement de leur activitĂ©. Lâentrepreneur
constituera son patrimoine affectĂ© Ă lâaide dâune dĂ©claration quâil effectue au registre de
publicité légale auquel il est immatriculé (RCS, RM ou autre). Les entrepreneurs qui font
lâobjet dâune double immatriculation choisiront de faire leur dĂ©claration Ă lâun des deux
registres oĂč il est inscrit. Ceux qui ne sont pas tenus de sâimmatriculer Ă un registre de
publicité légale, font leur déclaration dans un registre tenu au greffe du tribunal compétent
en matiĂšre commerciale du lieu de lâĂ©tablissement principal. Le cas Ă©chĂ©ant, l'entrepreneur
individuel joint à cette déclaration un état décrivant la nature, la qualité, la quantité et la
valeur des biens, droits, obligations ou sûretés qu'il affecte à son activité professionnelle.
En mettant sur pied le statut de lâEIRL, le lĂ©gislateur français a rompu avec le
principe juridique de lâunicitĂ© du patrimoine. Le patrimoine de lâentrepreneur peut ĂȘtre
fractionnĂ©397. Il Ă©vite Ă lâentrepreneur de crĂ©er une sociĂ©tĂ© dont la constitution et la gestion
peuvent ĂȘtre complexes ou lourdes. Juridiquement, la structure crĂ©Ă©e reste une entreprise
395 Loi n° 2010- du jui elati e Ă lâe t ep e eu individuel Ă responsabilitĂ© limitĂ©e.
396 C. com. article L 526-6. Pou lâe e i e de lâa ti it , lâe t ep e eu ui a opt pou le statut de lâEIRL doit
faire suivre la dénomination de la mention "Entrepreneur individuel à responsabilité limitée" ou des initiale
"EIRL".
397 LâEIRL se diff e ie de lâEI P E t ep e eu i di iduel Ă deu pat i oi es et deux personnalitĂ©s). Cette
de i e âe iste pas e o e e d oit f a çais, ais est fo te e t proposĂ©e par certains juristes (A.-L.
THOMAT-RAYNAUD, « La oh e e th o i ue de lâ"EI P" ou lâe t ep e eu individuel Ă deux personnalitĂ©s
et deux patrimoines », in DefrĂ©nois, (30 mai 2016), no 10, p. 566 ; E. DUBUISSON, « Le s h a de lâEI PâŻ: sa
confrontation au couple et à la transmission », in Defrénois, [30 mai 2016), no 10, p. 572 ; S. CABRILLAC,
« Mi a uleuse i saisissa ilit âŻ? », in DefrĂ©nois, (15 mai 2015), no 9, p. 477 . Da s lâEIRL, lâe t ep e eu
individuel a une seule pe so alit ais plusieu s pat i oi es, ta dis ue da s lâEI P la pe so alit de
lâe t ep e eu est gale e t f ag e t e. Il est dot dâu e pe so alit o di ai e et dâu e pe so alit
professionnelle à laquelle est rattaché un patrimoine professionnel répondant des seules dettes
p ofessio elles. Il faud ait toujou s u pat i oi e ie disti t, et âest la p i ipale diffi ult Ă la uelle les
trÚs petits entrepreneurs sont confrontés. A cause du peu de moyens, il leur est difficile de constituer un
pat i oi e p ofessio el Ă pa t, ta he. E out e, o e les aut es te h i ues, ela duit lâassiette du
gage des créanciers et constitue un frein au crédit.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 253
individuelle, mais elle détient un patrimoine qui lui est propre. Celui-ci est composé de
l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire
et qui sont nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle398. On peut également
inclure les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire et
quâil utilise dans le cadre de son activitĂ©. On distingue les biens Ă usage personnel des biens
affectĂ©s ou utilisĂ©s dans le cadre de lâactivitĂ©. Chaque bien ne peut appartenir quâĂ un seul
patrimoine. Ă tout moment lâentrepreneur peut dĂ©cider de faire passer un bien personnel
dans le patrimoine professionnel ou, de retirer un bien du patrimoine professionnel pour le
remettre dans le patrimoine personnel.
La composition du patrimoine affecté est opposable de plein droit aux créanciers
dont les droits sont nĂ©s postĂ©rieurement Ă lâadoption du statut de lâEIRL. Elle dĂ©roge aux
principes qui voudraient que le débiteur soit tenu de remplir son engagement sur tous ses
biens présents ou futurs399 et que ces biens constituent le gage commun de tous ses
créanciers400.
Câest fort de ces dĂ©rogations que le statut est censĂ© procurer des avantages. Christine
LEBEL soulignait quâil devrait permettre aux entrepreneurs individuels de « dissocier
utilement les biens dont ils sont propriétaires à usages personnel et familial, de ceux qui
n'ont qu'un usage professionnel, et d'aménager en conséquence le droit de gage des
créanciers en fonction de la nature de leur créance »401. Véronique LEGRAND, avec un
peu plus de prĂ©cision, va dĂ©crire le statut de lâEIRL comme une technique permettant à « âŠ
tout entrepreneur individuel, quelle que soit son activité, commerciale, artisanale, libérale
ou agricole, dâaffecter Ă son entreprise, un patrimoine distinct de son patrimoine privĂ© (âŠ) ;
étant précisé que le patrimoine professionnel constitue le seul gage des créanciers de
lâentreprise tandis que les crĂ©anciers domestiques nâont de droits que sur le patrimoine
privé »402. Florence REILLE, abondant dans le sens des deux autres auteures, présente le
statut comme une solution qui permet Ă lâentrepreneur de « protĂ©ger ses biens personnels
398 V. MIKALEF-TOUDIC, Droit patrimonial du dirigeant. Constitution, protection, transmission, Gualino, 2010.
399 C. civ. art. 22784.
400 C. civ. art. 2285.
401 C. LEBEL, « Entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) », in JurisClasseur Commercial, (15
mars 2015), Fasc. 80.
402 V. LEGRAND, « EIRL: nouvelle réforme par la loi PACTE », in Petites affiches, (28 mai 2019), no 106, p. 8.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 254
des risques de son entreprise en veillant Ă ce que seuls les actifs affectĂ©s Ă lâactivitĂ©
professionnelle répondent des dettes professionnelles, les autres actifs répondant des seules
autres dettes »403.
509. Succinctement prĂ©sentĂ©, le statut de lâEIRL donne lâimpression dâĂȘtre la solution
incontournable pour protéger le patrimoine des entrepreneurs individuels. Mais une étude
approfondie des rĂšgles qui lâorganisent rĂ©vĂšle quâil prĂ©sente bien de limites.
B. Limites du dispositif
510. Câest Ă cause des limites quâil prĂ©sente que le statut de lâEIRL a fait lâobjet de
nombreuses critiques en France et quâil peut ĂȘtre difficilement applicable dans lâOHADA.
511. Critiques du statut en France. Le statut de lâEIRL prĂ©sente quelques failles ou
lacunes qui lui ont valu de nombreuses et amĂšres critiques404. On lui reprochait notamment
le coût de la constitution du patrimoine affecté. En effet, lorsque la valeur de certains biens
dĂ©passait un montant fixĂ© par dĂ©cret (trente mille euros), lâentrepreneur devait le faire
Ă©valuer par un expert405. Aujourdâhui, on peut encore lui reprocher lâabsence dâĂ©tanchĂ©itĂ©
des patrimoines ou la facilité avec laquelle on pouvait faire céder la limite qui les sépare.
On peut le voir dans cette affirmation : « âŠlĂ oĂč la loi cloisonne les biens par le biais du
patrimoine dâaffectation, la pratique dĂ©fait cette loi pour revenir au principe de lâunicitĂ© du
patrimoine et ainsi conserver un droit de gage maximum. Le patrimoine dâaffectation nâest
donc pas un mode opérationnel de scission patrimoniale » 406. En effet, dans certaines
circonstances, la sĂ©paration cesse dâopĂ©rer et les patrimoines professionnel et personnel sont
rĂ©unifiĂ©s. Ce peut ĂȘtre le cas lorsque lâentrepreneur nâa pas prĂ©cisĂ© ou dĂ©crit les Ă©lĂ©ments
403 F. REILLE, « EIRLâŻ: uestio du so t de elui do t o e p o o e pas le o », in Bulletin Joly SociĂ©tĂ©s,
vol. 5 (1 mai 2019), p. 34.
404 P. PHILIPPART, « LâE t ep e eu I di iduel Ă ResponsabilitĂ© LimitĂ©e: un statut protecteur? », in
Entreprendre Innover, (2012), no 1, p. 62â74 ; B. BRIGNON et P. LARRIEU, « LâEIRL et la valorisation du
patrimoine », in Personne et patrimoine en Droit. Variations sur une connexion, Bruylant, 2014, p. 625-654.
405 C. com art. L 526-10, ancien article abrogé par la loi n° 2019-486 relative à la croissance et la
transformation des entreprises.
406 COURTIER A.-S., « Lâe t ep ise i di iduelle sans risque et le patrimoine dâaffe tatio âŻ: le i oi au
alouettes� », in Management &Avenir, (août 2014), p. 154.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 255
qui constituent le patrimoine affectĂ© au moment de la dĂ©claration de celui-ci407. La mĂȘme
situation peut se prĂ©senter au cours dâune procĂ©dure collective, lorsquâil est avĂ©rĂ© que les
biens du patrimoine affectĂ© ont Ă©tĂ© utilisĂ©s Ă dâautres fins que celles pour lesquelles ce
patrimoine a Ă©tĂ© constituĂ©. Pierre BERLIOZ affirmait que « ⊠tant quâelle dure,
lâaffectation impose dâuser des biens en cause de façon Ă servir le but ou lâintĂ©rĂȘt auquel ils
ont Ă©tĂ© destinĂ©s. A dĂ©faut, les biens en question devraient ĂȘtre versĂ©s dans le patrimoine â
gage commun⊠»408. DâaprĂšs lâarticle L 621-2 du code de commerce, le patrimoine non
affectĂ© et les autres patrimoines de lâEIRL peuvent ĂȘtre rĂ©unis au patrimoine qui fait lâobjet
de la procédure collective en cas de confusion des patrimoines, en cas de manquement grave
de lâentrepreneur aux obligations comptables se rapportant Ă lâactivitĂ© professionnelle Ă
laquelle ce patrimoine est affectĂ©, en cas de fraude Ă lâĂ©gard dâun crĂ©ancier titulaire dâun
droit de gage gĂ©nĂ©ral sur le patrimoine visĂ© par la procĂ©dure. En outre, pour quâune
procĂ©dure collective se cantonne au patrimoine affectĂ©, il faut que lâon prĂ©cise dĂšs
lâouverture de la procĂ©dure que celle-ci se limite au patrimoine affectĂ©409.
En plus des critiques mentionnées ci-dessus, certaines personnes estiment que le
statut de lâEIRL fait courir Ă ceux qui lâadoptent le risque de « faire fuir les prĂȘteurs »410. Ils
soutiennent que ce dispositif a pour effet de diminuer le gage commun des créanciers et par
consĂ©quent rĂ©duit leur probabilitĂ© Ă se faire dĂ©sintĂ©resser au cas oĂč lâentrepreneur
rencontrerait des difficultĂ©s. Les intĂ©rĂȘts des potentiels prĂȘteurs de lâEIRL seraient donc
particuliÚrement menacés et cela encore plus si un des créanciers obtenait sur un des biens
affectés une sûreté qui le rendrait prioritaire face à tous les autres.
407 « EIRLâŻ: sa tio s dâu e d la atio dâaffe tatio la u ai e », in DefrĂ©nois flash, (26 fĂ©vrier 2018), no 08,
p. 8 ; F. VAUVILLE, « EIRLâŻ: atte tio Ă la d la atio dâaffe tatio âŻ: elle doit o p e d e le fo ds
dâe t ep iseâŻ! », in DefrĂ©nois, (12 avril 2018), no 15, p. 37 ; F. REILLE, « Ăšt e ou e pas t e EIRLâŻ: telle est la
uestio de la d la atio dâaffe tatio », in Gazette du palais, (17 avril 2018), no 15, p. 51.
408 P. BERLIOZ, « Pat i oi e dâaffe tatio : es uisse dâu gi e gĂ©nĂ©ral », in M la ges e lâho eu du
Professeur Paul Le Cannu. Le droit des affaires à la confluence de la théorie et de la pratique, LGDJ, 2014, p.
499â511.
409 J. VALIERGUE, « Conditions du cantonnement au seul patrimoine affectĂ© de la procĂ©dure collective dâu
EIRL », in LâEsse tiel. D oit des e t ep ises e diffi ult s, (1 mai 2019), no 5, p. 2 ; M. DOLS-MAGNEVILLE,
« LâEIRL au pat i oi es u ifi s », in Bulletin Joly Entreprises en difficultĂ©, (1 mai 2019), no 3, p. 29.
410 S. CABRILLAC,« Mi a uleuse i saisissa ilit âŻ? », op. cit. ; S. PIEDELIEVRE, « Pat i oi e dâaffe tatio , d oit
des créanciers et droit des sûretés », op. cit.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 256
Pour beaucoup, le statut de lâEIRL en France est un Ă©chec. Les critiques intarissables
et le faible engouement des entrepreneurs Ă son Ă©gard semblent leur donner raison.
Cependant, cela nâa pas dĂ©couragĂ© le lĂ©gislateur français qui essaye tant bien que mal de
lâamĂ©liorer. Le 11 avril 2019 il adoptait la loi Pacte411 dont lâun des buts consiste Ă inciter
les entrepreneurs individuels Ă opter pour le statut de lâEIRL412. Afin de pousser ces derniers
Ă lâadopter, la loi intime Ă tout entrepreneur qui souhaite exercer une activitĂ© en nom propre
de dĂ©clarer, au moment de la crĂ©ation de son entreprise, sâil entend le faire en tant
quâentrepreneur individuel ou sous le rĂ©gime de lâEIRL413. Elle a supprimĂ© le dĂ©pĂŽt
obligatoire des documents qui accompagnaient la dĂ©claration dâaffectation sous peine
dâirrecevabilitĂ©. DĂ©sormais la constitution du patrimoine affectĂ© se fait sur simple
dĂ©claration dâaffectation au registre de publicitĂ© lĂ©gale dans lequel lâentrepreneur est
immatriculĂ©. Le lĂ©gislateur sâest Ă©galement efforcĂ© de rĂ©duire le coĂ»t des formalitĂ©s de
constitution de lâEIRL en supprimant lâobligation de faire Ă©valuer les actifs dont la valeur
excÚde trente mille (30 000) euros par un expert414. Malgré toutes ces réformes, certaines
personnes ne croient pas que la loi PACTE pourra rendre le statut de lâEIRL plus attractif.
Alors que cette loi était encore en projet, le professeur François-Xavier LUCAS y voyait
dĂ©jà « une ambition vouĂ©e Ă dĂ©cevoir »415. Pour lui, la technique de lâEIRL ne peut ĂȘtre
quâun Ă©chec. En effet, deux possibilitĂ©s aux consĂ©quences malheureuses sont
envisageables : soit, on laisse exister une certaine perméabilité entre les deux patrimoines
du dĂ©biteur, ce qui fait perdre au statut tout son intĂ©rĂȘt puisque les crĂ©anciers professionnels
pourront se faire désintéresser sur le patrimoine personnel du débiteur ; soit, on opte pour
une Ă©tanchĂ©itĂ© absolue des deux patrimoines qui rendrait le statut tellement efficace quâil
411 Loi n° 2019-486 promulguée le 22 mai 2019, elle vise la croissance et la transformation des entreprises.
Lâa o e « Pacte » signifie « Pla dâa tio pou la oissa e et la t a sfo atio des e t ep ises ».
412 F.-X. LUCAS, « Nouveau d pa t pou lâEIRL », in LâEsse tiel. D oit des entreprises en difficultĂ©s, (1 juin
2019), no 06, p. 1.
413 Voir art. 7 al. 1 de la loi n° 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises ou C.
com. art. L 526-5-1 nouveau al. 1.
414 Art. 7 al. 7 de la loi n° 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
415 F.-X. LUCAS, « Loi Pacte et droit de la faillite », in LâEsse tiel. D oit des e t ep ises e diffi ult s, (11
dĂ©cembre 2018), no 11, p. 1 ; V. LEGRAND, « EIRL: nouvelle rĂ©forme par la loi PACTE », op. cit. Lâauteu e
soutient quâalo s uâo atte dait e t ille EIRL e fi , o e d o ait seule e t 940 Ă la fin du
mois de juillet 2018.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 257
serait un danger pour les crĂ©anciers416. Si le statut de lâEIRL est ainsi vouĂ© Ă lâĂ©chec en
France, on doute fort quâil puisse ĂȘtre une rĂ©ussite dans les pays membres de lâOHADA.
512. La difficile application du statut dans les pays de lâOHADA. La question quâon
peut se poser Ă la suite de tous ces dĂ©veloppements est de savoir si la mise sur pied dâun
statut semblable Ă celui de lâEIRL dans lâOHADA serait une solution efficace face aux
risques qui menacent le patrimoine personnel et familial des entrepreneurs individuels. On
est forcĂ©, aujourdâhui, de reconnaĂźtre en droit des affaires, que se cantonner au patrimoine
unique crée beaucoup de problÚmes aux entrepreneurs. Yves STRICKLER affirmait que «
la rĂšgle de lâunitĂ© du patrimoine peut, dans le domaine de lâentreprise, ĂȘtre perçue comme
une entrave Ă lâinitiative en ce quâelle empĂȘche en principe une personne qui se livre Ă une
activitĂ© commerciale de fractionner son patrimoine en plusieurs masses et dâaffecter Ă cette
activitĂ© lâune seulement de ces masses, rĂ©servant une autre Ă ses besoins privĂ©s. LâidĂ©al
serait dâisoler la masse consacrĂ©e Ă lâactivitĂ© (âŠ) du restant du patrimoine, afin quâelle
rĂ©ponde, Ă elle seule et donc Ă lâexclusion des biens qui figurent dans les autres masses, des
dettes nĂ©es Ă lâoccasion des opĂ©rations dont les biens composant lâactif de la masse sĂ©parĂ©e
sont le moyen »417. Le temps est venu pour le législateur africain de repenser le patrimoine.
LâidĂ©e de le fractionner est envisageable, mais cependant on peut craindre de se heurter Ă
quelques difficultĂ©s dans les pays membres de lâOHADA. Il y a notamment lieu de craindre
quâun tel dispositif ne profite quâaux entrepreneurs qui disposent de moyens importants.
Pour les trĂšs petits entrepreneurs comme lâentreprenant, il serait difficile de constituer un
patrimoine en affectant exclusivement des biens Ă lâactivitĂ© professionnelle. La plupart de
ces entrepreneurs sont pauvres et les biens quâils utilisent dans le cadre de leur activitĂ© leur
servent Ă©galement sur un plan personnel. Par ailleurs, constituer un patrimoine dâaffectation
pour de telles personnes serait un vĂ©ritable frein Ă lâobtention dâun crĂ©dit auprĂšs des banques
et Ă©tablissements habilitĂ©s Ă en octroyer. Pour leur octroyer des prĂȘts, les potentiels prĂȘteurs
auront certainement tendance à exiger des sûretés sur des biens qui ne relÚvent pas du
patrimoine professionnel. Un tel contournement annihilerait les effets recherchés au travers
du dispositif de lâEIRL. Opter pour ce dernier rĂ©gime ne servirait plus Ă rien Ă lâentrepreneur
416 F.-X .LUCAS, « LâEIRL, le casse-tĂȘte des procĂ©dures collectives », in LâEsse tiel. D oit des entreprises en
difficultés, (1 juillet 2010), no 7, p. 1 ; F.-X. LUCAS, « Editorial. EIRL, de la fausse bonne idée, à la vraie
calamité », in Bulletin Joly Sociétés, (1 avril 2010), no 4, p. 311.
417 Y. STRICKLER, Droit des biens, LGDJ, 2017.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 258
qui aurait peut-ĂȘtre obtenu plus de succĂšs en optant pour la technique visant Ă sĂ©curiser
certains biens du patrimoine.
Paragraphe 2 : La technique de sécurisation de certains biens du patrimoine
513. Comme son nom lâindique, la technique de sĂ©curisation des biens consiste sĂ©curiser
certains biens du patrimoine de lâentrepreneur. MĂȘme sâils sont considĂ©rĂ©s comme faisant
partie du patrimoine de ce dernier, ces biens sont exclus du gage commun des créanciers418.
Ils Ă©chappent Ă toute saisie qui pourrait ĂȘtre exercĂ©e sur les biens de lâentrepreneur. Avant
de dĂ©gager les limites dâun tel dispositif et apprĂ©cier son applicabilitĂ© dans les pays de
lâOHADA (B), il convient de voir comment il a Ă©tĂ© pensĂ© par ceux qui lâont dĂ©jĂ
expérimenté (A).
A. Présentation du dispositif
514. Depuis plusieurs annĂ©es, la France a mis sur pied une technique dâinsaisissabilitĂ©.
Celle-ci consiste Ă rendre certains biens immobiliers de lâentrepreneur insaisissables par des
crĂ©anciers professionnels419. Il ne sâagit ni de scinder le patrimoine de lâentrepreneur420, ni
de créer une personne morale, mais de rendre un bien ou plusieurs biens du patrimoine de
lâentrepreneur intouchables au cas oĂč lâentrepreneur rencontrerait des difficultĂ©s.
LâinsaisissabilitĂ© a Ă©tĂ© instituĂ©e en 2003 par la loi n° 2003-721 du 1er aoĂ»t 2003 sur
l'initiative économique. Au départ, elle ne portait que sur la résidence principale de
lâentrepreneur individuel. En 2008, la loi n° 2008-774 du 4 aoĂ»t 2008 dite de modernisation
de lâĂ©conomie (LME) a Ă©tendu lâinsaisissabilitĂ© Ă tout bien foncier bĂąti ou non bĂąti qui n'est
pas affectĂ© Ă un usage professionnel. Pour en bĂ©nĂ©ficier, lâentrepreneur devait effectuer une
dĂ©claration notariĂ©e dâinsaisissabilitĂ© (DNI).
418 P. DELEBECQUE, « Le droit de gage des créanciers sur le patrimoine de leurs débiteurs a-t-il un caractÚre
gĂ©nĂ©ral? », in M la ges e lâho eu de F a çois COLLART DUTILLEUL, Paris, Dalloz, 2017, p. 299-307.
419 F. PEROCHON, « P ote tio de la side e de lâe t ep e eu âŻ: p se tatio des hoi du d oit f a çais »,
in Gazette du palais, (31 octobre 2017), no 217, p. 3 ; P. BERLIOZ, « I saisissa ilit de lâi eu le o
p ofessio elâŻ: e s u e e te sio âŻ? », in Revue des contrats, (15 juin 2015), no 02, p. 358.
420 M. DAGOT, « D la atio dâi saisissa ilit », in JurisClasseur Commercial, (1 novembre 2011), Fasc. 51.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 259
Depuis la loi Macron adoptĂ©e en 2015, lâinsaisissabilitĂ© de la rĂ©sidence principale de
lâentrepreneur est de droit421. Pour protĂ©ger son lieu dâhabitation principal, lâentrepreneur
nâest plus tenu dâaccomplir une formalitĂ©, cela se fait automatiquement. Pour tout autre bien
foncier, il reste tenu dâeffectuer une dĂ©claration notariĂ©e dâinsaisissabilitĂ©. Cette formalitĂ©
accomplie conformĂ©ment aux conditions prĂ©vues par la loi422, lâinsaisissabilitĂ© opĂšre Ă
lâĂ©gard des crĂ©anciers professionnels et pour les dettes nĂ©es postĂ©rieurement Ă la publicitĂ©
de la déclaration.
B. Limites du dispositif
515. Critiques en France. Comme le statut de lâEIRL, la dĂ©claration dâinsaisissabilitĂ© a
Ă©tĂ© critiquĂ©e parce quâelle diminue lâassiette du gage des crĂ©anciers. Elle prĂ©sente Ă©galement
quelques faiblesses423 dans la mesure oĂč elle peut ĂȘtre levĂ©e. Câest notamment le cas lorsquâil
a Ă©tĂ© prouvĂ© que lâentrepreneur a commis une fraude, lorsque celui-ci dĂ©cide dâaffecter les
biens faisant objet de lâinsaisissabilitĂ© dans un patrimoine dâaffectation424 ou tout
simplement lorsque la DNI nâa pas respectĂ© toutes les conditions prĂ©vues par la loi
notamment lorsquâelle nâa pas fait lâobjet dâune publicitĂ© rĂ©guliĂšre425.
516. DifficultĂ©s dâapplication dans lâOHADA. Le droit OHADA pourrait bien sâinspirer
de la dĂ©claration dâinsaisissabilitĂ© qui existe en droit français. Cependant, dans ce contexte,
il serait difficile de limiter lâopposabilitĂ© dâune telle dĂ©claration aux seuls crĂ©anciers dont
les droits sont nĂ©s dans le cadre de lâactivitĂ© professionnelle. En effet, la plupart du temps,
421 Voir art. 206 de la loi n° 2015-990, 6 aoĂ»t 2015 pou la oissa e, lâa ti it et lâ galit des ha es
Ă©conomiques. Voir Ă©galement F. PEROCHON, « Lâi saisissa ilit aprĂšs la loi Macron », in DefrĂ©nois, (30 mai
2016), no 10, p. 532.
422 V. LEGRAND, « La d la atio dâi saisissa ilit âŻ: d ut des d sillusio sâŻ? », in Bulletin Joly Entreprises en
difficulté, (1 juillet 2016), no 4, p. 257.
423 L. FIRLEY, « La side e p i ipale de lâe t ep e eu i di iduel et la loi Ma o âŻ: i saisissa ilit ou
saisissa ilit l gale� », in Petites affiches, (9 juin 2016), no 115, p. 7.
424 C. DE LAJARTE-MOUKOKO, « Protection de la side e de lâe t ep e eu âŻ: les st at gies des a teu s
Ă©conomiques (entrepreneurs, a ues, p ati ie s de lâi sol a ilit ⊠», in Petites affiches, (31 octobre
2017), no 217, p. 29.
425 N. BORGA, « D la atio dâi saisissa ilit o pu li e au RCââŻ: ea ulpa du Quai de lâho logeâŻ? », in
Bulletin Joly Entreprises en difficulté, (1 mars 2017), no 2, p. 107.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 260
ceux qui fournissent des crédits aux petits entrepreneurs sont des personnes avec qui ces
entrepreneurs nâentretiennent pas (ou pas seulement) des rapports professionnels. Ce sont
gĂ©nĂ©ralement des particuliers avec qui ils ont une relation dâordre personnel ou les membres
dâune tontine426. Lorsquâils solliciteraient un crĂ©dit auprĂšs des banques et Ă©tablissements de
micro finance, il y a fort Ă parier que ces derniers essayeraient de contourner lâinsaisissabilitĂ©
afin dâaugmenter leur probabilitĂ© de se faire rembourser. Ils pourraient par exemple exiger
de lâentrepreneur quâil lĂšve lâinsaisissabilitĂ© attachĂ©e Ă certains biens ou, tout simplement,
quâil affecte ces biens en garantie pour lâobtention dâun crĂ©dit.
517. La mise sur pied de techniques de protection du patrimoine rassurerait les
entrepreneurs individuels427 et renforcerait davantage lâattractivitĂ© de lâentreprise
individuelle. Mais, les limites que les diffĂ©rentes mĂ©thodes envisagĂ©es jusquâici montrent
combien il est difficile de trouver une solution efficace, notamment en faveur des trĂšs petits
entrepreneurs comme lâentreprenant. Bien que ces techniques soient nĂ©cessaires, elles ne
doivent pas avoir pour but de faire disparaßtre les risques que le débiteur encourt. On est
bien forcĂ© dâadmettre que le risque ne peut pas ĂȘtre complĂštement Ă©cartĂ©428 et quâil est
nĂ©cessaire pour mettre en Ćuvre la responsabilitĂ© du dĂ©biteur. Le dĂ©fi qui sâimpose au
législateur communautaire, dans sa recherche de solutions, est grand. Il doit pouvoir trouver
des solutions qui prĂ©servent les intĂ©rĂȘts des dĂ©biteurs sans toutefois lĂ©ser ceux de leurs
crĂ©anciers. Les techniques de protection du patrimoine nâont pas vocation Ă confĂ©rer aux
débiteurs une protection excessive au détriment des créanciers. Ces premiers deviendraient
totalement irresponsables429 et beaucoup seraient enclins Ă la fraude. La loi serait alors
injuste Ă lâĂ©gard des crĂ©anciers dont les intĂ©rĂȘts sont suffisamment mis en pĂ©ril lorsquâune
procĂ©dure de liquidation des biens est ouverte. En effet, ils ne sont pas sĂ»rs dâĂȘtre
426 Il est vrai que de maniÚre générale les petits entrepreneurs éprouvent des difficultés à obtenir des
fi a e e ts faute de ga a ties. Mais il faut e o ait e uâe plus de ela, le fait ue le statut de
lâe t ep e a t e soit pas p ote teu e fa ilite a pas lâa s au dit a ai e A. TOH, La prĂ©vention des
difficultés des entreprises. Etude comparée de droit français et droit OHADA, LGDJ, 2017).
427 A.-S. COURTIER, « Lâe t ep ise i di iduelle sans risque et le patrimoine dâaffe tatio âŻ: le i oi au
alouettes� », in Management Avenir, vol. n° 8 (2014), no 74, p. 146.
428 F.-X. LUCAS, « Les nouveaux risques. Colloque Entreprise et patrimoine », in Gazette du palais, (19 mai
2011), no 139, p. 57.
429 Sur cette question, voir : A. VANIE Bi DJE, « Lâe t ep e a t OHADA, La o s atio dâu p ofessio el
irresponsable », p. 16, Ohadata D-18-01.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 261
désintéressés. Il est possible que le produit tiré de la réalisation de l'actif ne soit pas suffisant
pour tous les dĂ©sintĂ©resser. DâaprĂšs lâordre de rĂ©partition prĂ©vu par la loi430, ce sont les
créanciers qui bénéficient de certains privilÚges qui sont prioritaires431. Pour les créanciers
chirographaires non munis dâun titre exĂ©cutoire, la probabilitĂ© de se faire rembourser est
faible. Malheureusement, la clĂŽture de la procĂ©dure pour insuffisance dâactifs ne leur fait
pas automatiquement retrouver leur droit de poursuite432 . Ils ne pourront le faire que dans
des cas prĂ©cis, entre autres : si le dĂ©biteur a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© en Ă©tat de faillite personnelle, sâil a
Ă©tĂ© condamnĂ© pour banqueroute ou sâil a commis une fraude Ă l'Ă©gard d'un ou plusieurs
créanciers.
430 A t. et de lâAUPCAP. Voi Ă©galement: R. AKONO ADAM, Les privilĂšges dans les procĂ©dures
collectives. Réflexions à partir des droit OHADA et français des entreprises en difficultés, EUE, 2017.
431 Art. 146- de lâAUPCAP
432 Art. 174 de lâAUPCAP. Voi galement : J. MESTRE, M.-E PANCRAZI., I. GROSSI, L. MERLAND et N. VIGNAL,
Droit commercial. Tome 2. Contrat, Sûretés et moyens de paiement, Fonds de commerce et droit intellectuel,
Commerce international, Prévention et traitement des difficultés, 30e éd., Paris, LGDJ, 2018.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 262
Conclusion du chapitre
518. En tant quâentrepreneur individuel, lâentreprenant peut faire lâobjet dâune procĂ©dure
collective. Celle-ci peut lui ĂȘtre salutaire ou funeste. La complexitĂ© de ce type de procĂ©dure,
les dĂ©sagrĂ©ments quâelle peut produire, son coĂ»t et les Ă©ventuelles sanctions que
lâentrepreneur encourt, sont autant de raisons susceptibles de dissuader les entrepreneurs et,
plus précisément, les petits entrepreneurs, de recourir aux procédures collectives. Ceux qui
adoptent le statut de lâentreprenant pourraient, malgrĂ© eux, se voir attraire devant les
tribunaux pour subir une procédure collective.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 263
Conclusion du titre
519. CrĂ©Ă© par lâOHADA, le statut de lâentreprenant est dâabord encadrĂ© par les
dispositions émanant de ladite Organisation. Celles-ci prévoient des avantages en faveur de
tout entrepreneur qui opterait pour le statut de lâentreprenant. Cependant, elles prĂ©voient
Ă©galement, Ă sa charge, un nombre important dâobligations et de restrictions qui annihilent
lâeffet des privilĂšges consentis au nouvel acteur. Pour des entrepreneurs qui ont Ă©tĂ© habituĂ©es
Ă exercer sans aucune contrainte dans le secteur informel, se conformer aux rĂšgles du droit
OHADA sâavĂšre contraignant. Le poids de celles-ci peut ĂȘtre difficile Ă surmonter dâautant
plus quâelles ne sont pas les seules rĂšgles qui sâimposent Ă lâentreprenant. Ce dernier devra
Ă©galement se conformer aux dispositions des autres droits communautaires auxquelles vont
sâajouter celles du droit national en vigueur dans lâEtat partie oĂč il exerce.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 264
TITRE 2. LES REGLES DU DROIT NATIONAL
520. LâOHADA est une organisation dâenvergure communautaire qui rĂ©unit en son sein
17 pays. Lâun de ses buts consiste Ă harmoniser le droit des affaires de ses membres. A
lâarticle 2 du TraitĂ© qui lâinstitue, il est dit quâelle est habilitĂ©e Ă Ă©dicter des rĂšgles de droit
en rapport avec le droit des sociétés, le statut juridique des commerçants, le recouvrement
des crĂ©ances, les sĂ»retĂ©s et voies dâexĂ©cution, le rĂ©gime du redressement des entreprises et
de la liquidation des biens, lâarbitrage, le travail, le droit comptable, le droit de la vente et
des transports, ainsi que toute autre matiĂšre que les Etats jugeront bon de soumettre Ă sa
compétence. Toutes ces différentes branches du droit régissent les activités économiques.
Mais, comme on peut le remarquer, tous les domaines ne sont pas couverts par le droit
OHADA. Quelques-uns relĂšvent encore de la souverainetĂ© des Etats et mĂȘme lorsquâils
feront lâobjet dâune harmonisation, il est important, vu les spĂ©cificitĂ©s de chaque Etat, de
laisser une certaine marge de manĆuvre aux lĂ©gislateurs nationaux433. De mĂȘme quâil est
tenu de se soumettre aux rĂšgles de droit communautaire, lâentreprenant devra aussi se plier
aux obligations qui émanent des rÚgles adoptées par les autorités nationales, notamment
celles qui sont issues du droit fiscal (Chapitre 1) et celles qui se rapportent à la législation
sociale (Chapitre 2).
433 J. FASSI-FEHRI, Guide ju idi ue du apital i vestisse e t da s lâespa e OHADA. D oit OHADA -Droit
français, Lexis Nexis, 2018. Voir Ă©galement, J. ISSA-SAYEGH, « Lâi t g atio ju idi ue des Etats af i ai s de la
zone franc », Ohadata D-02- . Lâauteu soutie t ue, ie uâelle Ću e pou lâha o isatio du D oit des
affai es, lâOHADA se eut espe tueuse de la sou e ai et des Etats et de la sp ifi it de leu s l gislatio s.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 265
Chapitre 1. Les rĂšgles du droit fiscal
521. La fiscalitĂ© peut ĂȘtre dĂ©finie comme lâensemble des pratiques utilisĂ©es par un Etat
ou une collectivité pour percevoir des impÎts et autres prélÚvements obligatoires. Cette
matiÚre relevant de la compétence des autorités nationales, il faudra se référer à la législation
de chaque Etat membre pour connaĂźtre les rĂšgles de droit fiscal applicables Ă lâentreprenant.
QuâĂ cela ne tiennent, on peut affirmer que, dâun pays Ă un autre, comme tout entrepreneur
individuel, celui qui opte pour le statut de lâentreprenant a lâobligation de se faire
immatriculer auprĂšs de lâAdministration fiscale (Section 1) et de payer les diffĂ©rents impĂŽts
que la loi met Ă sa charge (Section 2).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 266
Section 1. Lâobligation de se faire immatriculer auprĂšs de
lâAdministration fiscale
522. On peut prĂ©senter lâimmatriculation fiscale comme la procĂ©dure par laquelle un
entrepreneur dĂ©clare lâexistence de son activitĂ© Ă lâAdministration fiscale. Câest la dĂ©marche
par laquelle il se fait connaitre dâelle en se faisant inscrire sur ses registres comme
entrepreneur. En principe, toute personne qui exerce une activité entrepreneuriale est tenue
de payer des impÎts, mais auparavant elle doit se faire immatriculer. Bien que les procédures
varient dâun pays Ă un autre (Paragraphe 1), elles produisent sensiblement les mĂȘmes effets
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1. La procĂ©dure dâimmatriculation fiscale
523. Deux questions sont susceptibles dâintĂ©resser les entrepreneurs lorsquâon parle
dâimmatriculation fiscale. La premiĂšre concerne le lieu de lâimmatriculation (A) et la
seconde le coût de celle-ci (B).
A. Le lieu de lâimmatriculation
524. Depuis lâavĂšnement des guichets uniques, il nâest pas faux de dire que
lâimmatriculation fiscale peut ĂȘtre accomplie directement auprĂšs de lâAdministration fiscale
ou dans un centre de formalités des entreprises.
525. Lâimmatriculation auprĂšs de lâAdministration fiscale. Comme nous lâavons dit
plus haut, les procĂ©dures dâimmatriculation fiscale ne sont pas forcĂ©ment identiques dâun
Etat membre Ă un autre. Dans le cadre de ce travail, nous prendrons lâexemple dâun Etat
membre en particulier, le Cameroun. Ici, la procĂ©dure dâimmatriculation auprĂšs de
lâAdministration fiscale est encadrĂ©e par les dispositions du Code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts (CGI)
et du dĂ©cret n° 95/538/PM du 1er septembre 1995 fixant les modalitĂ©s dâimmatriculation des
contribuables et de délivrance de la carte de contribuable.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 267
526. ConformĂ©ment Ă lâarticle L1 alinĂ©a 1 du CGI, lâimmatriculation doit se faire dans
les quinze (15) jours ouvrables qui suivent le dĂ©but des activitĂ©s de lâentreprise. Elle se fait
« auprĂšs du service des impĂŽts territorialement compĂ©tent ». Il sâagit, plus prĂ©cisĂ©ment du
service des impĂŽts du lieu de situation de lâĂ©tablissement dans lequel lâactivitĂ© est exercĂ©e.
En cas de pluralitĂ© dâĂ©tablissements, lâentrepreneur peut choisir dâimmatriculer lâentreprise
au lieu de son principal Ă©tablissement434.
En principe la dĂ©claration se fait soit auprĂšs des services fiscaux de lâEtat, soit auprĂšs
des collectivités territoriales. Le choix du service des impÎts compétent dépend non
seulement du lieu de situation de lâĂ©tablissement mais aussi du rĂ©gime dâimposition appliquĂ©
Ă lâentrepreneur. Seuls les entrepreneurs relevant du rĂ©gime de lâimpĂŽt libĂ©ratoire peuvent
se faire immatriculer auprÚs des services des impÎts des collectivités territoriales. Ceux qui
sont assujettis aux régimes du simplifié et du réel devront se faire immatriculer auprÚs des
services fiscaux étatiques généralement appelés centres divisionnaires des impÎts.
Lâarticle 2 du dĂ©cret n° 95/538/PM du 1er septembre 1995 fixant les modalitĂ©s
dâimmatriculation des contribuables et de dĂ©livrance de la carte de contribuable dispose que
pour lâobtention dâune carte de contribuable, lâentrepreneur qui se fait fiscalement
immatriculer doit remplir et signer un formulaire fourni par lâAdministration des impĂŽts. Il
joint Ă ce formulaire un certain nombre de piĂšces justificatives telles quâentre autres : le
registre de commerce435, la copie de la carte nationale dâidentitĂ©, lâattestation et le plan de
localisation, le reçu de paiement des frais. LâAdministration fiscale camerounaise a pris soin
dâindiquer aux entrepreneurs, sans toutefois prĂ©ciser dans quel ordre, les autres formalitĂ©s
quâils doivent accomplir. Il sâagit, entre autres de lâimmatriculation au registre de
commerce, la dĂ©claration dâimmatriculation statistique, de la dĂ©claration dâexistence Ă la
CNPS et de la dĂ©claration dâexistence Ă lâInspection provinciale du Travail. Il serait plus
avantageux pour lâentrepreneur, lorsque cela est possible, dâaccomplir ces diffĂ©rentes
formalités auprÚs du centre des formalités des entreprises.
527. Lâimmatriculation auprĂšs du Centre des formalitĂ©s des entreprises. Dâun pays Ă un
autre, le nom donné au guichet unique ou Centre des formalités des entreprises varie. Il en
est de mĂȘme de la procĂ©dure. Dans le cas prĂ©cis du Cameroun, lâimmatriculation fiscale
auprÚs du centre des formalités des entreprises est décrite par la circulaire interministérielle
434 Art. 28 du CGI.
435 Sauf pour les contribuables relevant de lâi pĂŽt libĂ©ratoire.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 268
n° 001 relative Ă la procĂ©dure devant les CFCE. Le Centre Ă©tant un guichet unique oĂč sont
réunies toutes les différentes Administrations qui interviennent dans le processus de création
des entreprises, lâentrepreneur nâaura Ă constituer quâun seul dossier qui fera le tour des
Administrations représentées. Dans ledit dossier on retrouve, entre autres, les piÚces
suivantes : photocopie de la carte nationale dâidentitĂ© ; photocopie de lâacte de mariage le
cas Ă©chĂ©ant ; une dĂ©claration sur lâhonneur signĂ©e par lâentrepreneur attestant quâil nâest pas
frappĂ© dâune interdiction dâexercer lâactivitĂ© ; une dĂ©claration sur lâhonneur attestant de la
rĂ©sidence de lâentrepreneur ; une autorisation prĂ©alable dâexercer le cas Ă©chĂ©ant ; un plan de
localisation. On remarque quâici il nâest pas fait allusion Ă lâimmatriculation statistique.
Une fois quâil est complet, le dossier sera remis au Service dâaccueil qui se chargera
de le transmettre aux différentes Administrations représentées dans un ordre bien précis.
Dans cet ordre, le Greffe intervient avant le service des impĂŽts. Cela signifie que
lâenregistrement au RCCM se fait avant lâimmatriculation fiscale qui se matĂ©rialise par
lâattribution dâun numĂ©ro identifiant unique (NIU) et lâĂ©tablissement des documents fiscaux
(patente et carte de contribuable).
528. Remarques et questionnements. Il semble important de souligner un fait qui nâa pas
manquĂ© dâattirer notre attention au Cameroun. Beaucoup dâentrepreneurs, notamment ceux
de petite taille, dĂ©tiennent une carte de contribuable et paient leurs impĂŽts sans toutefois ĂȘtre
enregistrĂ©s au RCCM436. Ceci signifie que lâimmatriculation fiscale nâest pas forcĂ©ment
subordonnĂ©e Ă lâinscription au RCCM ou du moins, nâa pas toujours Ă©tĂ© subordonnĂ©e Ă
lâinscription au RCCM. On peut le voir dans la description de la procĂ©dure effectuĂ©e
directement auprĂšs de lâAdministration fiscale. Il y est prĂ©cisĂ© que les entrepreneurs relevant
de lâimpĂŽt libĂ©ratoire ne sont pas tenus de fournir la preuve de leur inscription au registre
du commerce. Par cette procédure, la loi permet (ou permettait) à des entrepreneurs de se
faire immatriculer fiscalement malgré leur irrégularité ou informalité.
La situation semble ĂȘtre la mĂȘme au BĂ©nin. Sur le formulaire spĂ©cialement conçu
pour la dĂ©claration des entreprenants, il existe un espace rĂ©servĂ© Ă lâIdentifiant Financier
Unique (IFU), autrement dit le numĂ©ro dâimmatriculation fiscale. Dans cet espace on peut
lire la mention « Si lâentreprise est dĂ©jĂ enregistrĂ©e auprĂšs des impĂŽts ». Cela signifie que,
436 S. KWEMO et P. DELEBECQUE, LâOHADA et le se teu i fo el, op. cit.p. 132, n° 312. Dans son ouvrage,
lâauteu e o t e uâe , , % dâe t ep ises i fo elles pa aie t leu s i pĂŽts.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 269
dans cet autre pays de lâOrganisation, les entreprises du secteur informel ont Ă©galement la
possibilitĂ© de se faire immatriculer auprĂšs du fisc, dâavoir un IFU et de payer les impĂŽts,
sans avoir accompli toute formalité leur conférant une existence formelle.
La question quâon est en droit de se poser est celle de savoir si cette situation
nâencourage pas lâentrepreneuriat informel dans les Etats membres de lâOHADA. Les Etats
ne sauraient prĂ©tendre lutter efficacement contre lâentrepreneuriat informel en donnant la
possibilitĂ© dâacquĂ©rir un numĂ©ro de contribuable aux entrepreneurs qui ne sont pas
prĂ©alablement inscrits sur le registre adĂ©quat437. En dâautres termes, ils ne sauraient lutter
contre le secteur informel en permettant à des entrepreneurs en irrégularité de se faire
immatriculer fiscalement.
La raison qui peut justifier un tel illogisme ne peut ĂȘtre que financiĂšre. Collecter
lâimpĂŽt de ces entreprises, fussent-elles informelles, sâavĂšre ĂȘtre un motif suffisant. Cela est
en effet une grande source de gain pour les Etats en général et pour les collectivités
territoriales en particulier. Contraindre les petits entrepreneurs Ă formaliser leurs entreprises
avant de se faire immatriculer fiscalement risque dâaugmenter le manque Ă gagner fiscal.
Etant donné que de maniÚre générale, les entreprises informelles occasionnent un grand
manque Ă gagner dans le recouvrement des impĂŽts et taxes, ce manque serait encore plus
important si on nâavait plus la main mise sur les quelques entrepreneurs du secteur informel
qui consentent Ă payer leurs impĂŽts.
Il est vrai que la formalisation des entreprises optimisera certainement les recettes
fiscales, mais si lâon impose aux entrepreneurs de formaliser leurs entreprises avant de
sâenregistrer fiscalement, ceux qui, pour une raison ou pour une autre nâosent pas se
formaliser, ne pourraient plus déclarer leur entreprise au fisc et pourront de ce fait se
soustraire au paiement des impÎts. La part des impÎts recouvrée auprÚs de cette population
disparaĂźtrait alors.
529. Pour efficacement limiter lâentrepreneuriat informel, il est impĂ©ratif que lâon adopte
une formule qui permette Ă ces petits entrepreneurs de se formaliser plutĂŽt que de se faire
enregistrer auprĂšs du fisc. La solution la plus efficace consisterait Ă accomplir les deux
437 Il a t d o t da s lâi t odu tio g ale et da s les hapit es p de ts ue e âest pas
lâi at i ulatio fis ale ui o f e Ă lâe t ep ise so e iste e fo elle. E fo tio de so a ti it ,
lâe t ep e eu doit se faire enregistrer sur le registre prĂ©vu par la loi pour se formaliser.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 270
formalitĂ©s au mĂȘme moment et au mĂȘme endroit. Les guichets uniques ou centre des
formalités des entreprises répondent parfaitement à ce besoin. La concentration des
différentes Administrations en un seul lieu et le travail en chaßne de celles-ci rend quasi
simultanĂ©e lâimmatriculation fiscale et lâinscription au RCCM438.
530. Les Etats devraient non seulement veiller Ă ce que ces guichets uniques soient
ouverts sur tout le territoire mais aussi leur attribuer la compétence exclusive de la
formalisation et de lâimmatriculation fiscale des entreprises. Le fait dâaccomplir toutes les
formalitĂ©s nĂ©cessaires Ă la crĂ©ation dâune entreprise en un lieu unique ne laissera plus aux
entrepreneurs le choix car ils ne pourront plus choisir dâaccomplir lâune et de laisser lâautre.
Mais, sans que cela ne paraisse leur ĂȘtre imposĂ©, ils accompliront toutes les formalitĂ©s
requises par la loi au mĂȘme moment, en constituant un seul dossier dont le coĂ»t ne serait pas
effrayant.
B. Le coĂ»t de lâimmatriculation fiscale
531. Parler du coĂ»t de lâimmatriculation fiscale consiste Ă faire lâestimation des frais que
lâentreprenant devra prĂ©voir pour se faire immatriculer fiscalement. Sur le site officiel de la
DGI, il est fait allusion aux frais de délivrance de la carte de délivrance et aux frais de
localisation. Alors que les premiers sâĂ©lĂšvent Ă 1500 francs CFA, les seconds sont gratuits.
Dans la procédure devant le CFCE, il est précisé que la carte de contribuable est gratuite
pour deux (02) ans et que lâentrepreneur sera exonĂ©rĂ© des frais de patente durant les deux
(02) premiĂšres annĂ©es. Lâentrepreneur qui a un local pourra, par ailleurs, ĂȘtre appelĂ© Ă payer
les frais dâenregistrement qui sâĂ©lĂšvent Ă 10% du montant du bail annuel sâil est locataire ou
438 Le seul ol i i âest ue les seuls usage s du CFCE p se t s pa la i ulai e sont les entreprenants et
les commerçants. Tout est fait comme si le CFCE âest ou e t uâau e t ep e eu s do t lâa ti it est
o e iale ou Ă eu ui o t opt pou le statut dâe t ep e a t. Mais o peut se de a de e uâil
adviendrait des entrepreneurs non commerçants qui âo t pas opt pou le statut de lâe t ep e a t. Pou
que la procĂ©dure soit la mĂȘme pour tous, il faudrait que le CFCE leur soit accessible. En outre, ces
e t ep e eu s â ta t pas o e s pa lâi at i ulatio et la dĂ©claration au RCCM, il faud ait uâo
et ou e da s ha ue CFCE des ep se tatio s des ad i ist atio s ha g es de lâi s iptio de es a ti it s.
A d faut, lâo de ait so ge Ă te d e lâi s iptio de es o o e ça ts et o e treprenant au RCCM.
Le Centre des formalités des entreprises devrait également accueillir ces entrepreneurs non commerçants
et non entreprenants.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 271
0,11% de la valeur dĂ©clarĂ©e de lâimmeuble sâil est propriĂ©taire.
532. A en croire ces chiffres officiels, le coĂ»t de lâimmatriculation fiscale nâa rien
dâeffrayant. Pourtant, certains entrepreneurs nous ont confiĂ© quâils avaient Ă©tĂ© surpris de
devoir payer des frais colossaux auxquels la procédure officielle ne fait pas allusion. De ce
fait, pour avoir une idée exacte de ce que coûtera son immatriculation fiscale, il est vivement
conseillé à chaque entrepreneur de préalablement se renseigner auprÚs du service des impÎts
du lieu de situation de son entreprise. Les textes officiels ne donnent pas toujours toutes les
informations qui permettent de connaĂźtre le prix total prĂ©cis que lâentrepreneur sera appelĂ©
Ă payer439.
Afin dâĂ©viter des surprises dĂ©sagrĂ©ables et pour limiter les imprĂ©vus, il est prĂ©fĂ©rable
de se rendre sur place auprÚs du service compétent. Le paiement de frais plus importants
que ceux qui sont officiellement indiquĂ©s peut-ĂȘtre une cause de dĂ©couragement.
533. Une fois que le dossier dâimmatriculation fiscale est constituĂ© et que les frais sont
payĂ©s, lâAdministration pourra procĂ©der Ă lâimmatriculation fiscale de lâentrepreneur qui
produira inéluctablement des effets.
Paragraphe 2. Les effets de lâimmatriculation
534. Lâimmatriculation fiscale donne notamment droit Ă lâattribution dâun numĂ©ro
dâidentification fiscale et Ă la dĂ©livrance dâune carte de contribuable.
La carte de contribuable est délivrée pour une durée de validité de deux (02) ans. Aussi
longtemps quâil exerce, lâentrepreneur immatriculĂ© devra la faire renouveler Ă tous les deux
exercices.
On peut prĂ©senter le numĂ©ro dâidentification fiscale comme le numĂ©ro attribuĂ© par
lâAdministration fiscale Ă toute personne enregistrĂ©e comme contribuable auprĂšs de ses
439 âituatio si ilai e e e ui o e e lâi at i ulatio au RCCM. Officiellement dans la circulaire
d i a t la p o du e au sei du CFCE il est dit ue les f ais dâi at i ulatio au RCCM sâ l e t Ă 000
FCFA. Pou ta t, lo s uâo se e d au g effe di e te e t les frais sont diffĂ©rents. Au TPI de YaoundĂ© Centre
administratif, par exemple, ceux- i sâ l e t Ă FCFA. Quâest-ce qui explique cette diffĂ©rence de prix ?
Les pe so es e e ça t da s les lieu oĂč il â a pas de CFCE so t-elles condamnĂ©es Ă payer plus cher ?
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 272
services. Ce numĂ©ro est unique et personnel. A ce titre, il devrait ĂȘtre dĂ©livrĂ© Ă vie.
Au Cameroun, le numĂ©ro dâidentification fiscal attribuĂ© aux entrepreneurs est appelĂ©
NumĂ©ro Identifiant Unique (NIU). LâalinĂ©a 2 de lâarticle L1 du CGI affirme que ce numĂ©ro
est attribué par la Direction Générale des ImpÎts. Cette mesure était nécessaire car des cas
de fraude au sein de la fiscalité locale étaient susceptibles de se poser.
La fiscalitĂ© locale peut ĂȘtre dĂ©finie comme lâensemble des prĂ©lĂšvements fiscaux
opérés au profit des collectivités territoriales (communes, communautés urbaines,
communes dâarrondissement, rĂ©gions, etc.). Elle concerne en gĂ©nĂ©ral les entreprises de trĂšs
petite taille. Le tĂ©moignage dâun petit entrepreneur a fait constater quâelle pouvait assez
facilement ĂȘtre le thĂ©Ăątre de fraudes fiscales. Il y a de cela plusieurs annĂ©es, cet entrepreneur
sâest vu attribuer un NIU factice. Pourtant, son immatriculation sâĂ©tait faite auprĂšs du
service des impĂŽts de son lieu dâactivitĂ© et suivant la procĂ©dure normale. Comme la loi le
prescrit et comme il sây attendait, un NIU lui avait Ă©tĂ© attribuĂ©. Câest sur la base de ce dernier
quâil avait, durant plusieurs annĂ©es, procĂ©dĂ© au paiement de ses impĂŽts. Rien ne le laissait
soupçonner quâen rĂ©alitĂ© ce NIU nâexistait pas car des reçus lui Ă©taient dĂ©livrĂ©s Ă chaque
paiement. La supercherie fut dĂ©couverte lorsque lâentrepreneur voulut passer Ă un rĂ©gime
dâimposition plus important. Alors quâil essayait dâaccomplir les formalitĂ©s prescrites Ă cet
effet, il dĂ©couvrit que le NIU avec lequel il avait fonctionnĂ© pendant des annĂ©es nâĂ©tait pas
connu de lâAdministration fiscale. Il apprĂźt, en dâautres termes, que le NUI qui lui avait Ă©tĂ©
dĂ©livrĂ© Ă©tait un faux. Son dossier dâimmatriculation, bien quâeffectuĂ© au service des impĂŽts
territorialement compĂ©tent nâavait pas suivi le cursus normal. Les impĂŽts recouvrĂ©s pendant
plusieurs annĂ©es ne profitaient quâaux agents fiscaux qui les prĂ©levaient. En effet, ce numĂ©ro
de contribuable nâexistant pas officiellement, on voit mal comment les recettes faites Ă partir
de ce numĂ©ro auraient pu ĂȘtre justifiĂ©es.
Cette situation met simplement en lumiĂšre un des cas de fraude auxquels les
entrepreneurs peuvent ĂȘtre confrontĂ©s440. Depuis quelques annĂ©es, la DGI dĂ©veloppe des
moyens visant à limiter ce genre de détournement. Entre autres, elle informe les usagers sur
leurs droits et devoirs, les procĂ©dures en vigueur et les sanctions auxquelles ils sâexposent
en cas de non-respect de la réglementation fiscale. Elle offre également la possibilité aux
440 A cela on peut ajouter la corruption des agents fis au ui, e o t epa tie dâu pot de i , fe e t les
yeux sur les infractions Ă la loi fiscale.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 273
contribuables, de sâassurer, via le site internet de lâAdministration fiscale, quâils sont
effectivement immatriculĂ©s auprĂšs dâun centre des impĂŽts.
Ces efforts sont louables et lâidĂ©e du lĂ©gislateur dâattribuer Ă la DGI la compĂ©tence
de la délivrance du NIU est bonne. Il est important que ce numéro soit attribué à vie car
câest lui qui permet de suivre fiscalement un contribuable et surtout de sâassurer que ce
dernier est Ă jour dans le paiement de ses impĂŽts et taxes.
Section 2. Lâobligation de payer ses impĂŽts et taxes
535. Une fois immatriculĂ©, lâentrepreneur doit rĂ©guliĂšrement dĂ©clarer Ă lâAdministration
fiscale son chiffre dâaffaires. Cette dĂ©claration donnera lieu au paiement ou non de lâimpĂŽt
calculĂ© sur la base du revenu issu de lâactivitĂ© exercĂ©e (paragraphe 1) auquel pourront
sâajouter dâautres impĂŽts et taxes (paragraphe 2).
Paragraphe 1. Le paiement de lâimpĂŽt dĂ» en fonction du revenu issu de lâactivitĂ©
536. En tant quâentrepreneur individuel, lâentreprenant doit ĂȘtre soumis aux rĂšgles
dâimposition applicables aux personnes physiques, diffĂ©rentes de celles auxquelles sont
soumises les sociĂ©tĂ©s. En fonction du chiffre dâaffaires quâil rĂ©alise au cours dâune pĂ©riode
bien dĂ©finie441, lâentreprenant paiera lâimpĂŽt en fonction du revenu quâil aura tirĂ© de son
activitĂ© entrepreneuriale. La fiscalitĂ© pouvant varier dâun Etat Ă un autre, pour rĂ©pondre Ă
cette question, nous distinguerons deux modes de calcul de lâimpĂŽt qui ont gĂ©nĂ©ralement
cours en fiscalitĂ© : lâun, basĂ© sur le chiffre dâaffaires rĂ©alisĂ© et lâautre, calculĂ© sur la base du
bĂ©nĂ©fice effectuĂ© par lâentreprise.
A. Lâimposition sur la base du chiffre dâaffaires
537. Lâimposition en fonction du chiffre dâaffaires est une technique de calcul de lâimpĂŽt
dans laquelle on sâintĂ©resse essentiellement au chiffre dâaffaires rĂ©alisĂ© par lâentreprise au
cours dâune pĂ©riode. LâimpĂŽt dĂ» par lâentrepreneur se calcule sur la base du chiffre
441 Elle peut ĂȘtre annuelle ou trimestrielle.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 274
dâaffaires quâil a rĂ©alisĂ© et dĂ©clarĂ©, autrement dit en fonction des recettes rĂ©alisĂ©es. MĂȘme si
beaucoup de personnes semblent apprĂ©cier ce mode dâimposition parce quâil paraĂźt moins
complexe et permet parfois dâavoir Ă lâavance une idĂ©e du montant de lâimpĂŽt Ă payer, il
faut faire remarquer quâil (le mode) peut, quelques fois sâavĂ©rer dĂ©savantageux pour
lâentrepreneur. Il en est ainsi lorsque lâentreprise, qui a rĂ©alisĂ© des recettes au cours dâune
pĂ©riode, ne rĂ©alise pas de bĂ©nĂ©fice. ImposĂ©e sur la base du chiffre dâaffaires seul, elle sera
obligĂ©e de verser quelque chose Ă lâAdministration fiscale bien quâelle nâait fait aucun gain.
Pour que ce mode de calcul de lâimpĂŽt soit favorable, lâentreprise doit non seulement faire
des recettes, mais elle doit surtout dégager un bénéfice aprÚs déduction de toutes les charges,
y compris le paiement de lâimpĂŽt.
Plusieurs pays ont recours Ă ce mode de calcul pour imposer les trĂšs petites
entreprises individuelles. Câest par exemple le cas lâimpĂŽt libĂ©ratoire au Cameroun ou de la
taxe professionnelle synthĂ©tique (TPS) dans certains pays dâAfrique de lâOuest.
538. LâimpĂŽt libĂ©ratoire au Cameroun. Au Cameroun, câest lâarticle 93 ter qui prĂ©voit le
rĂ©gime de lâimpĂŽt libĂ©ratoire. Câest une technique qui permet de dĂ©terminer le montant de
lâimpĂŽt Ă payer en soumettant le chiffre dâaffaires rĂ©alisĂ© Ă un barĂšme progressif442. Il est
applicable aux entrepreneurs individuels qui exercent une activité commerciale, industrielle,
artisanale ou agropastorale dont le chiffre dâaffaires annuel est infĂ©rieur Ă 10 millions de
francs CFA. Toutefois, certaines entreprises ne pourront pas y ĂȘtre assujetties bien que leur
chiffre dâaffaires soit infĂ©rieur Ă cette limite. Câest notamment le cas des professions
libérales, des exploitants, des entreprises de transport, des entreprises de jeux de hasard et
de divertissements443.
LâimpĂŽt libĂ©ratoire est recouvrĂ© au profit des collectivitĂ©s territoriales qui en fixent
les tarifs Ă lâintĂ©rieur des fourchettes prĂ©vues pour chaque catĂ©gorie dâactivitĂ© (A, B, C et
D). RelÚveront donc de la catégorie A, les producteurs, prestataires de services et
commerçants dont le chiffre dâaffaire annuel nâatteint pas deux millions cinq cent mille
(2 500 000) francs CFA. Le montant de lâimpĂŽt Ă payer sera compris entre 0 et 20 000 francs
CFA. Appartiennent Ă la catĂ©gorie B, les entreprises dont le chiffre dâaffaires annuel est Ă©gal
ou supĂ©rieur Ă deux millions cinq cent mille (2 500 000) francs CFA mais reste infĂ©rieur Ă
442 H.D. AMBOULOU, OHADA. TraitĂ© de fiscalitĂ© des entreprises, 1re d., LâHa atta , . 443 Art. 93 quater du CGI.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 275
cinq millions (5 000 000) de francs CFA. Ici, le montant de lâimpĂŽt est compris entre 20 001
francs et 40 000 francs CFA. Sont classés dans la catégorie C, les entreprises dont le montant
du chiffre dâaffaires annuel est Ă©gal ou supĂ©rieur Ă cinq millions (5 000 000) de francs CFA
mais reste inférieur à sept millions cinq cent mille (7 500 000) francs CFA. Le montant de
lâimpĂŽt Ă payer est compris entre 40 001 francs et 50 000 francs CFA. La catĂ©gorie D
regroupe les prestataires de services et commerçants rĂ©alisant un chiffre dâaffaires annuel
égal ou supérieur à sept millions cinq cent mille (7 500 000) francs CFA et inférieur à dix
millions (10 000 000) de francs CFA ainsi que les tenanciers de machines de jeux dont la
quantitĂ© de machines nâexcĂšde pas un certain nombre444. Pour cette catĂ©gorie, le montant de
lâimpĂŽt varie de 50 001 francs Ă 100 000 francs CFA.
Lorsque le chiffre dâaffaires annuel ne peut ĂȘtre dĂ©terminĂ©, lâaffectation des
entreprises Ă une catĂ©gorie se fera selon la classification faite par le lĂ©gislateur Ă lâannexe 1
du chapitre 3 du livre III du CGI.
Lâarticle C47 prĂ©cise que lâimpĂŽt libĂ©ratoire est dĂ» par commune et par
Ă©tablissement. Lâentrepreneur qui relĂšve du rĂ©gime de lâimpĂŽt libĂ©ratoire et qui dĂ©tient
plusieurs Ă©tablissements devra payer lâimpĂŽt dĂ» auprĂšs de la commune du lieu de situation
de chaque Ă©tablissement. LâimpĂŽt sera Ă©galement dĂ» par activitĂ© pour les entrepreneurs ayant
des activitĂ©s diffĂ©rentes dans le mĂȘme Ă©tablissement. Les entrepreneurs ambulants, eux,
sâacquitteront de lâimpĂŽt libĂ©ratoire auprĂšs de la commune de leur domicile.
539. Au regard de ce que prévoit le code général des impÎts camerounais, on peut se
demander ce quâil en est de lâentreprenant. En effet, ce qui importe dans le cadre de ce
travail, câest de savoir comment lâentreprenant sera imposĂ©. Il est vrai quâau Cameroun, le
statut nâest pas encore effectif, mais plusieurs textes nationaux, dĂ©jĂ en application,
prĂ©voient des mesures propres Ă lâentreprenant. Câest notamment le cas des circulaires
relatives au CFCE et de la loi n° 2015 /018 du 21 dĂ©cembre 2015 rĂ©gissant lâactivitĂ©
commerciale au Cameroun. Dans ce dernier texte, lâarticle 4 prĂ©sente lâentreprenant comme
un entrepreneur individuel qui, sur simple déclaration au RCCM, exerce une activité
professionnelle dont le chiffre dâaffaires annuel gĂ©nĂ©rĂ© par ses activitĂ©s de vente ou de
444 Les exploitants de baby-foot dont le nombre de machines est inférieur à dix (10) ; les exploitants de
flippers et jeux vidĂ©o dont le nombre de machines est infĂ©rieur Ă cinq (05) ; les exploitants de machines Ă
sous dont le nombre de machines est inférieur à trois (03).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 276
prestation de services est inférieur à dix millions (10 000 000) de francs CFA. Cette
dĂ©finition de lâentreprenant suscite quelques interrogations. PremiĂšrement, on peut se
demander si le législateur Camerounais a voulu, par cette disposition, limiter le plafond du
chiffre dâaffaires de lâentreprenant Ă dix millions de francs CFA. Dans ce cas, cela voudrait
dire quâau Cameroun, tous les entrepreneurs qui rĂ©alisent un chiffre dâaffaires de plus de dix
millions ne peuvent pas prĂ©tendre au statut dâentreprenant. DeuxiĂšmement, on se demande
comment ces entreprenants seront imposĂ©s. En lâabsence de mesures propres Ă leur statut, il
y a lieu de croire quâils relĂšvent du rĂ©gime de lâimpĂŽt libĂ©ratoire car leur chiffre dâaffaires
est inférieur à dix millions445 (10 000 000) de francs CFA. TroisiÚmement, on se demande
si cette disposition ne concerne que les entreprenants dont lâactivitĂ© est commerciale dans
la mesure oĂč elle est tirĂ©e de la loi rĂ©gissant lâactivitĂ© commerciale. Si tel est le cas, les
entreprenants non commerçants ne sont donc pas concernés par ce plafonnement du chiffre
dâaffaires et on peut alors se demander quel est le plafond du chiffre dâaffaire qui leur permet
de bĂ©nĂ©ficier du rĂ©gime de lâimpĂŽt libĂ©ratoire446. La disposition est assez ambigĂŒe et la
question de savoir quel traitement particulier est rĂ©servĂ© Ă lâentreprenant demeure. Pour
convaincre les entrepreneurs du secteur informel Ă faire le pas vers la lumiĂšre en adoptant
le statut de lâentreprenant, les Etats membres devront mettre sur pied une solution fiscale
suffisamment attractive. Câest dans ce sens que lâOHADA encourage les Etats Ă prendre des
mesures incitatives. Lâentreprenant est donc censĂ© bĂ©nĂ©ficier dâune fiscalitĂ© particuliĂšre,
distincte de celles qui ont été appliquées aux petites, voire aux trÚs petites entreprises
jusquâici. En lâabsence dâun tel traitement spĂ©cial, il y a lieu de craindre que le statut ne soit
pas suffisamment attractif. En effet, certains entrepreneurs exercent informellement parce
quâils essayent de se soustraire au paiement des impĂŽts quâils jugent Ă©levĂ©s. Dâautres, par
contre, exercent dans le secteur informel mais sâacquittent de leurs impĂŽts et sont donc
habituĂ©s Ă les payer. Seule la possibilitĂ© de bĂ©nĂ©ficier dâavantages supplĂ©mentaires les
convaincrait de se régulariser. Il est donc indispensable pour chaque Etat de mettre sur pied
une formule suffisamment originale et attractive pour la nouvelle catĂ©gorie dâentrepreneurs
quâest lâentreprenant.
445 Environ 15 245 euros.
446 Quand ce serait aussi dix millions, est-il juste de penser quâils so t tous soumis au rĂ©gime de lâi pĂŽt
libĂ©ratoire ? Nâou lio s pas ue da s la loi a e ou aise, e tai es a ti it s so t e lues du gi e de
lâi pĂŽt li atoi e. La uestio uâo peut se pose est elle de sa oi Ă uel gi e dâi position les
entreprenant qui exerceraient ces activités seraient soumis.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 277
Lâabsence de disposition fiscale spĂ©cifique Ă lâentreprenant nâest pas propre au
Cameroun seul. Câest Ă©galement le cas au BĂ©nin, premier pays de lâOrganisation Ă rendre le
statut de lâentreprenant effectif447.
540. La Taxe professionnelle synthĂ©tique (TPS) dans plusieurs pays dâAfrique de
lâOuest. La taxe professionnelle synthĂ©tique, quâon retrouve notamment dans plusieurs pays
dâAfrique de lâOuest448, se rapproche de lâimpĂŽt libĂ©ratoire camerounais dans la mesure oĂč
il dispense lâentrepreneur du paiement de certains impĂŽts. En rĂ©alitĂ©, il sâagit dâun impĂŽt
unique qui inclut plusieurs autres impĂŽts. Il est applicable aux entreprises dont le chiffre
dâaffaires annuel nâexcĂšde pas le seuil fixĂ© par la loi. Le montant de lâimpĂŽt Ă payer est fixĂ©
par un barĂšme bien prĂ©cis. DĂšs lors, le montant de lâimpĂŽt Ă payer est prĂ©visible.
541. MĂȘme si les pouvoirs publics bĂ©ninois sâaccordent Ă dire que ce mode dâimposition
convient parfaitement aux micros et petites entreprises (MPE)449, il est quand mĂȘme
important de faire remarquer que la TPS nâest pas propre aux entreprenants seuls. Elle
sâapplique Ă tous les entrepreneurs dĂšs lors que leur CA ne franchit pas le plafond fixĂ©.
Celui-ci, il faut le reconnaßtre, est suffisamment élevé pour que de simples entrepreneurs
individuels se retrouvent assujettis Ă la TPS. DĂšs lors, on ne voit pas quel avantage
particulier elle procure Ă lâentreprenant450.
447 Au Bénin, le statut est entré en application en mai 2015. Le Burkina Faso fut le deuxiÚme à le mettre en
Ću e e juillet . 448 Notamment le BĂ©nin, le Togo, le Burkina Faso.
449 Au Bénin on considÚre comme micro entreprises celles dont le CA est inférieur ou égal à vingt millions et
comme petites entreprises, celles dont le CA est supérieur à vingt millions et ne dépasse pas cinquante
millions.
450 E F a e, lâattractivitĂ© du statut de micro-entrepreneur repose en grande partie sur le rĂ©gime
dâi positio ui lui est appli u . Ce gi e est diff e t de eu ui sâappli ue t au aut es statuts, et d s
lo s, il peut i flue e le hoi du statut de lâe t ep e eu . De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les entreprises individuelles
sont soumises au rĂ©gime du rĂ©el simplifiĂ© ou du rĂ©el normal. Leurs charges sont dĂ©duites du hiff e dâaffai es
alis , et lâi pĂŽt est calculĂ© sur la base du bĂ©nĂ©fice rĂ©alisĂ©. Elles collectent la TVA en la facturant et la
récupÚrent sur leurs achats. A ceux qui optent pour le statut de micro-entrepreneur, on applique le régime
micro-fis al ui se ase u i ue e t su le hiff e dâaffai es. Les e tuelles ha ges suppo t es pa
lâe t ep e eu e so t pas p ises e o pte. Lâe t ep e eu e p i ipe e fa tu e pas la TVA et pa
o s ue t e la e e se pas. Le o ta t de lâi pĂŽt uâil doit payer est calculĂ© aprĂšs abattement sur le
hiff e dâaffai es, dâu tau ui a ie e fo tio de lâa ti it e e e. Lâe t ep e eu âau a ie Ă pa e
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 278
542. Lâimposition en fonction du chiffre dâaffaires peut sâavĂ©rer avantageux ou
dĂ©savantageux pour les trĂšs petits entrepreneurs. Lâentrepreneur qui a rĂ©alisĂ© des recettes au
cours de la pĂ©riode imposable sera tenu de sâacquitter du montant correspondant Ă son
chiffre dâaffaires mĂȘme si ce dernier ne lui permet pas de couvrir les charges de ladite
pĂ©riode. Au lieu de se baser sur les recettes, il faudrait peut-ĂȘtre envisager un calcul qui tient
compte du bĂ©nĂ©fice rĂ©alisĂ© pendant la pĂ©riode dâimposition.
B. Lâimposition en fonction du bĂ©nĂ©fice rĂ©alisĂ©
543. En plus de lâimposition sur le chiffre dâaffaires, de nombreux pays pratiquent
également des régimes qui se basent sur le bénéfice. Ici, on ne se contente pas seulement du
chiffre dâaffaires effectuĂ© par lâentreprise, on va rechercher le bĂ©nĂ©fice dĂ©gagĂ© par
lâentrepreneur au cours de la pĂ©riode imposable. Ce type dâimposition peut sâavĂ©rer
avantageux pour les petits entrepreneurs.
544. Au Cameroun, deux rĂ©gimes dâimposition reposent sur cette technique : le rĂ©gime
du simplifié et le régime du réel451. Sont assujetties au régime du simplifié, les entreprises
dont le chiffre dâaffaires est Ă©gal ou supĂ©rieur Ă dix millions (10 000 000) mais infĂ©rieur Ă
cinquante millions (50 000 000) de francs CFA. Le régime du réel, quant à lui est applicable
aux entreprises qui rĂ©alisent un chiffre dâaffaires au moins Ă©gal Ă cinquante millions
(50 000 000) de francs CFA. Lâassujettissement Ă lâun de ces deux rĂ©gimes peut parfois
dĂ©pendre de la nature ou de la taille de lâactivitĂ©. Pour illustrer cela, on prendra lâexemple
de lâactivitĂ© de transport interurbain de personnes. DâaprĂšs lâarticle 93 septies (1),
lâentrepreneur qui exerce cette activitĂ© par minibus et cars de moins de cinquante (50) places
relĂšve du rĂ©gime simplifiĂ© sâil nâexploite pas plus de cinq (05) vĂ©hicules. Par contre,
lâentrepreneur qui exerce une activitĂ© identique et exploite plus de cinq vĂ©hicules relĂšvera
du rĂ©gime rĂ©el. Le second exemple que lâon peut citer est prĂ©vu par lâarticle 93 septies (2).
lo s ue le hiff e dâaffai es alis au ou s dâu e p iode est ul, aut e e t dit lo s uâil âa e egist
au u e e ette. Il peut opte pou le e se e t li atoi e de lâi pĂŽt su le e e u si le e e u de so fo e
ne d passe pas u e tai seuil fi pa la loi. Cela sig ifie uâap s sâ t e a uitt de lâi pĂŽt au t i est e
ou au ois li e Ă so a ti it , il e se a plus te u de d la e le hiff e dâaffai es alis da s le ad e de so
e t ep ise lo s uâil d la e a lâi pĂŽt su le e e u de so fo e . 451 Article 93 ter du CGI.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 279
Il est question ici dâun entrepreneur dont lâactivitĂ© consiste Ă assurer le transport interurbain
de personnes par cars dâau moins 50 places. Il est dit que cet entrepreneur sera assujetti au
régime du réel quel que soit le nombre de véhicules exploités. Dans ces deux exemples, la
soumission de lâentrepreneur au rĂ©gime du simplifiĂ© ou du rĂ©el ne dĂ©pend pas du montant
du chiffre dâaffaires rĂ©alisĂ© mais tantĂŽt du type dâactivitĂ© (exemple 2), tantĂŽt de la taille de
lâactivitĂ© (exemple 1). Ainsi, si lâon applique aux entreprenants les rĂ©gimes prĂ©vus par le
CGI, il pourrait ĂȘtre possible dâen voir qui relĂšvent du rĂ©gime simplifiĂ© ou du rĂ©gime rĂ©el Ă
cause de la nature de leurs activités ou de la taille de celles-ci452. Ces entreprenants, à la
diffĂ©rence de ceux qui relĂšvent de lâimpĂŽt libĂ©ratoire, ne seraient pas exemptĂ©s du paiement
de certains impĂŽts et taxes.
545. Ce qui importe ici câest de savoir si ce mode dâimposition convient Ă lâentreprenant.
Il faudra peut-ĂȘtre songer Ă trouver un mode de calcul, plus simplifiĂ©, qui permettrait
dâimposer lâentreprenant Ă hauteur du bĂ©nĂ©fice quâil rĂ©alise. Ainsi, on dĂ©duira du chiffre
dâaffaires rĂ©alisĂ© les nombreuses charges qui pĂšsent gĂ©nĂ©ralement sur les entrepreneurs et
parmi lesquelles on dénombre divers autres impÎts et taxes.
Paragraphe 2. Le paiement des autres impĂŽts
546. En plus de lâimpĂŽt principal dont le montant varie en fonction du revenu tirĂ© de
lâactivitĂ©, les entrepreneurs sont trĂšs souvent encore contraints de payer dâautres impĂŽts.
Malheureusement, il nâest pas toujours aisĂ© de dĂ©terminer le nombre et le montant de ces
derniers. En outre, le paiement de ces impĂŽts et taxes peut varier dâune commune Ă une autre
et nâest pas toujours systĂ©matique. Les opĂ©rateurs Ă©conomiques devront sây acquitter
lorsque les rĂšgles du pays et parfois de la commune du lieu oĂč ils exercent le prĂ©voient et
lorsquâils remplissent les conditions pour y ĂȘtre assujettis. Il est donc parfois difficile, voire
impossible, de dresser un inventaire exhaustif de ces autres impÎts et par conséquent
dâestimer leur coĂ»t.
Dans sa thĂšse sur le secteur informel, Madjiwei NGARLEM NGARGUINAM
452 Pour soumettre tous les entreprenants au rĂ©gime de lâi pĂŽt li atoi e, il e doit plus a oi dâe eptio
e fo tio de la taille ou de la atu e de lâa ti itĂ©.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 280
dĂ©montrait quâil existe, au Tchad, une multitude dâimpĂŽts qui contribue Ă pousser les
entrepreneurs dans lâinformel453. Pareillement, au Cameroun, il existe beaucoup dâimpĂŽts
que lâon a parfois du mal Ă dĂ©nombrer. En plus de lâimpĂŽt dĂ» au revenu tirĂ© de lâactivitĂ©, on
dĂ©nombrera par exemple, des impĂŽts dus en vertu du simple fait que lâon exerce une activitĂ©
lucrative Ă lâinstar de la contribution des patentes ; des impĂŽts dus Ă la spĂ©cificitĂ© de
lâactivitĂ© ; des impĂŽts dus Ă lâoccupation dâun espace prĂ©cis.
A. La contribution des patentes
547. Lâarticle C8 du livre III du CGI dispose que « toute personne physique ou morale de
nationalité camerounaise ou étrangÚre, qui exerce dans une commune une activité
Ă©conomique, commerciale ou industrielle, ou toute autre profession non comprise dans les
exemptions dĂ©terminĂ©es par la loi, est assujettie Ă la contribution des patentes ». Lâarticle
C 9 vient prĂ©ciser cette disposition en affirmant que « lâexercice effectif et habituel de la
profession et le but lucratif de celle-ci sont seuls générateurs de la patente ».
La contribution des patentes est donc un impĂŽt local auquel seront assujettis tous les
entrepreneurs. Cet impĂŽt est dĂ» au simple fait que lâentreprise existe. Toute personne
exerçant une activitĂ© professionnelle lucrative est tenue de sâen acquitter. Dans certains cas,
les entrepreneurs en seront exonérés ou exemptés. Il en est ainsi pour les entreprises
nouvellement créées. Pendant une année à compter de leur création, elles sont exonérées du
paiement de la patente. Il en est Ă©galement ainsi des personnes qui relĂšvent de lâimpĂŽt
libératoire qui en sont exemptés.
Les personnes soumises Ă la contribution des patentes sont tenues dâen faire la
déclaration par écrit au plus tard dix (10) jours aprÚs le démarrage de leur activité et au plus
tard deux (02) mois aprĂšs le dĂ©but de lâannĂ©e fiscale en cas de renouvellement de la patente.
Cette derniĂšre est personnelle et ne peut servir quâĂ celui Ă qui elle a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e. Elle est
calculĂ©e en fonction du chiffre dâaffaires annuel de lâentreprise et est en principe payĂ©e pour
une année entiÚre. Le paiement de la contribution des patentes donne droit à la délivrance
453 M. NGARLEM NGARGUINAM, Le droit pratique des affaires au Tchad : quelle place pour le commerce
informel, ThĂšse, UniversitĂ© de Paris 1 PanthĂ©on-Sorbonne, 2010, p. 177. Sur la mĂȘme question, voir : P.
BELEBENIE, Les transformations de la fiscalité locale au Cameroun, ThÚse, Université de Paris 1 Panthéon-
Sorbonne, 2015, p. 447.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 281
dâun titre de patente accompagnĂ© des quittances de rĂšglement. Ces diffĂ©rents documents
devront ĂȘtre affichĂ©s dans lâĂ©tablissement. Toute exĂ©cution tardive ou omission Ă lâune de
ces obligations de dĂ©claration, de paiement et dâaffichage expose lâentrepreneur Ă des
sanctions lourdes telles que le paiement dâune pĂ©nalitĂ©, la fermeture dâoffice et immĂ©diate
de lâĂ©tablissement.
B. Le paiement des impĂŽts en vertu dâun critĂšre particulier
548. Les impĂŽts dus en raison de lâexercice dâune activitĂ© particuliĂšre. Il sâagit ici des
impĂŽts qui ne sont redevables que pour lâexercice de certaines activitĂ©s spĂ©cifiques. Ils
sâappliquent entre autres pour des activitĂ©s telles que la vente de boissons alcoolisĂ©es, les
jeux de hasard et de divertissements, lâexploitation forestiĂšre, lâabattage du bĂ©tail,
lâexploitation de mines, etc.
549. Les impĂŽts dus en raison de lâoccupation de lâespace. Ici on citera les droits de
place sur les marchĂ©s, les droits dâoccupation temporaire de la voie publique, les droits de
stationnement payés par les transporteurs urbains pour les espaces spécialement aménagés
pour le stationnement et la circulation, les taxes fonciÚres sur les propriétés immobiliÚres,
etc.
550. A cette liste, on peut encore ajouter les impĂŽts payĂ©s en contrepartie dâun droit
octroyé aux entrepreneurs ou en contrepartie des devoirs accomplis par les pouvoirs publics
pour assurer lâhygiĂšne et la salubritĂ©, le dĂ©veloppement local, etc. Lâexistence de cette
diversitĂ© dâimpĂŽts et taxes auxquels les entrepreneurs peuvent ĂȘtre assujettis rend impĂ©rative
lâadoption de mesures incitatives prescrites par lâOHADA afin de convaincre les opĂ©rateurs
du secteur informel Ă sortir de lâombre. La mise en Ćuvre du statut de lâentreprenant Ă©tant
encore en chantier dans plusieurs pays de lâOrganisation, on nâa plus quâĂ espĂ©rer que les
Etats sauront trouver des formules particuliĂšrement attractives. Une solution consisterait Ă
simplifier lâimpĂŽt afin dâen faciliter lâacceptation454. Lâentreprenant doit pouvoir bĂ©nĂ©ficier
de mesures prĂ©fĂ©rentielles comparativement aux autres professionnels. En lâabsence de ce
traitement particulier qui le distinguerait véritablement des autres statuts, il est à craindre
454 Voir P. BELEBENIE, Les transformations de la fiscalité locale au Cameroun, ThÚse, Université de Paris 1
Panthéon-Sorbonne, 2015, p. 447.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 282
que lâattractivitĂ© du statut soit faible. Ceci sâavĂšre dâautant plus nĂ©cessaire quand on sait que
lâentreprenant pourrait encore, en fonction du pays oĂč il exerce, avoir dâautres obligations
en rapport avec la fiscalité.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 283
Conclusion du chapitre
551. La fiscalité étant une matiÚre qui relÚve de la compétence du législateur national, il
faudrait se référer aux législations des Etats membres pour avoir une idée plus ou moins
prĂ©cise des avantages et des devoirs quâelles prĂ©voient pour cette catĂ©gorie dâentrepreneurs.
Dans le prĂ©sent chapitre, nous avons essayĂ© dâidentifier les obligations qui peuvent
sâappliquer Ă tous les entreprenants quel que soit le pays dans lequel ils exercent leurs
activités. De maniÚre générale, ils devront incontestablement se faire immatriculer auprÚs
de lâAdministration fiscale et sâacquitter des diffĂ©rents impĂŽts que la loi met Ă leur charge.
Ce quâon note, câest quâil existe trĂšs souvent un nombre indĂ©terminĂ© dâimpĂŽts auxquels les
entrepreneurs sont assujettis. Cela ne permet pas toujours dâestimer Ă lâavance la charge
fiscale des petits entrepreneurs. Par ailleurs, on remarque que de nombreux Etats ont pris
des mesures en faveur des petits entrepreneurs. Cependant, ces mesures ne sont pas
spĂ©cifiques Ă lâentreprenant. Pour inciter les entrepreneurs Ă adopter ce dernier statut, les
autorités publiques doivent songer à mettre sur pied des mesures fiscales encore plus
avantageuses en faveur des entreprenants.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 284
Chapitre 2. Les rĂšgles du droit social
552. Dans de nombreux pays africains, les rÚgles du droit social, composé à la fois du
droit du travail et du droit de la sécurité sociale, ne sont pas appliquées au sein des
entreprises. Ceci nâest pas seulement le fait des entreprises du secteur informel. Dans le
secteur formel Ă©galement, de nombreuses entreprises ne respectent pas les rĂšgles du droit
social455. Les entrepreneurs individuels, et plus particuliĂšrement les petits entrepreneurs, se
comportent comme sâils ne sont pas concernĂ©s par ces rĂšgles. Pourtant, celles-ci
sâappliquent Ă tout entrepreneur, quel que soit le statut juridique sous lequel il exerce.
Lâentreprenant Ă©galement, malgrĂ© la petite taille de son entreprise, est tenu de respecter ces
rĂšgles de droit. Etant donnĂ© quâelles sont Ă©dictĂ©es par le lĂ©gislateur national, elles varient
dâun pays Ă un autre. Dans le cadre de ce travail, nous essayerons dâidentifier les gĂ©nĂ©rales
rÚgles du droit du travail456 (Section 1) et du droit de la sécurité sociale (Section 2)
auxquelles lâentreprenant est en principe tenu de se soumettre.
455 F. BOURDARIAS, « Co st u tio s de lâe p ie e sala iale au Mali », in Revue Tiers Monde, n° 218 (21
juillet 2014), no 2, p. 71-87.
456 Le d oit du t a ail est u do ai e ue les pa s de lâOHADA souhaite t ha o ise . U p ojet dâA te
u ifo e su le d oit du t a ail est e ou s de p pa atio depuis plusieu s a es aujou dâhui. âu ette
question, voir : J. NKULU MUKUNDA LUNDA, « La p ote tio de la ai dâĆu e atio ale e RDC fa e au
a itio s i t g atio istes de lâOHADA », p. 6, Ohadata D-18-20.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 285
Section 1. La soumission aux rĂšgles du droit du travail
553. Il y a relation de travail entre deux parties lorsque lâune, le travailleur, consent Ă
exercer son activitĂ© sous lâautoritĂ© dâune autre, lâemployeur, en contrepartie dâune
rĂ©munĂ©ration. Le droit du travail, comme son nom lâindique, peut ĂȘtre dĂ©fini comme
lâensemble des rĂšgles de droit qui encadrent la relation qui lie un employeur et ses
travailleurs. Ces rĂšgles ont principalement pour but de prĂ©server les intĂ©rĂȘts du travailleur,
qui est la partie faible dans une relation de travail. Elles obligent lâemployeur Ă exercer ses
pouvoirs de direction et de sanction en veillant au respect des droits des salariés457.
554. Lâentreprenant, bien quâil soit un petit entrepreneur, est susceptible dâembaucher des
travailleurs458. En tant quâemployeur, il devra alors se conformer aux rĂšgles du droit du
travail. Tout contrat de travail quâil pourrait conclure avec un travailleur sera soumis Ă la
lĂ©gislation du travail en vigueur dans lâEtat partie oĂč il exerce. Eu Ă©gard aux conditions
dâexistence dâune relation de travail459, lâentreprenant employeur devra se conformer aux
obligations qui lui incombent tant dans la supervision de la prestation du travailleur
(paragraphe 1) que dans sa rémunération (paragraphe 2).
457 E. NSIE, « Le licenciement devant les juridictions gabonaises », in Les horizons du droit OHADA. Mélanges
e lâho eu du P ofesseu Filiga Mi hel SAWADOGO, CREDIJ, 2018, p. 669â685.
458 Rien en effet e sâoppose Ă e uâu e t ep e a t ait des salariĂ©s. Le plafo d du hiff e dâaffai es ue la
loi fi e leu do e suffisa e t de a ge pou uâo et ou e da s e statut des entrepreneurs qui sont
assez importants. Ceux-lĂ pou aie t t s ie e ute de la ai dâĆu e. E out e, su le te ai , u o
nombre de « petits » entrepreneurs du secteur informel ont recours Ă une mai dâĆu e t a g e pou les
aider. TrÚs souvent ces emplois sont journaliers ou de trÚs courte durée, ils sont rémunérés à la tùche ou au
o e dâheu es. 459 La relation de travail est Ă©tablie lorsque ces trois Ă©lĂ©ments sont rĂ©unis : le travail, le lien de subordination
et la rĂ©munĂ©ration. Le travailleu a o plit sa p estatio sous lâauto it de lâe plo eu e o t epa tie dâu
salaire. Des obligations en rapport avec la supervision du travail et la rémunération du travailleur pÚsent sur
lâe plo eu . Sur ces questions, voir : Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 1/S du 10 octobre 1996, Bureau rĂ©gional pour
la recherche gĂ©ologique et miniĂšre c/ Docteur Pierre BOUGHA ; Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 15 du 28 novembre
1974, pasteur Dick EugĂšne ANDJOH c/ Eglise Baptiste du Cameroun.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 286
Paragraphe 1. Des obligations dans la supervision du travail
555. Alors que le travailleur a pour obligation dâaccomplir sa prestation de travail,
lâemployeur, lui, est tenu de respecter un certain nombre dâobligations favorisant la bonne
exécution de la prestation de travail. Ces obligations ont trait à la formation du contrat de
travail et sa rupture (A) ainsi quâaux conditions dâexĂ©cution de travail (B).
A. Les obligations en rapport avec la formation et la rupture du contrat de
travail
556. La formation du contrat de travail. Le contrat de travail peut ĂȘtre Ă©crit ou verbal. Il
est important de le préciser car une pensée populaire fait croire, notamment dans le secteur
informel, quâil nây a de contrat de travail que lorsque les parties ont signĂ© un Ă©crit. Les
entrepreneurs doivent savoir que mĂȘme en lâabsence dâun Ă©crit, un contrat de travail peut
ĂȘtre formĂ© et son existence peut ĂȘtre prouvĂ©e par tout moyen. Il suffira simplement de
dĂ©montrer quâune personne accomplissait une prestation de travail sous les ordres dâune
autre personne en contrepartie dâune rĂ©munĂ©ration460.
Tout contrat de travail est limitĂ© dans le temps461. Les parties peuvent choisir dây
affecter un terme et ce sera un contrat à durée déterminée (CDD), ou elles peuvent choisir
de ne pas y affecter de terme, on parlera alors de contrat à durée indéterminée (CDI). Si pour
les CDD, il est recommandĂ© aux parties dâĂ©tablir un Ă©crit, pour les CDI la loi nâexige aucun
formalisme particulier, le contrat peut trĂšs bien ĂȘtre verbal462. En fonction du type de contrat
qui les lie, les parties seront engagĂ©es lâune envers lâautre pendant la durĂ©e convenue au
contrat. Elles sont tenues, pendant cette période, de respecter les obligations que la loi met
Ă leur charge et ne pourront sâen dĂ©faire que dans le respect des conditions prĂ©vues Ă cet
effet.
557. La rupture du contrat de travail. Lorsque les parties sont liĂ©es par un CDD, câest en
principe lâarrivĂ©e du terme fixĂ© qui mettra fin Ă la relation de travail. Outre cela, le contrat
460 Cou âup e, a t ° /â du f ie , Co u e i te u ale dâOkola / Ve deli EMANA. 461 Da s lâa ti le du p ojet dâa te u ifo e elatif au d oit du t a ail, il est dit uâau u t a ailleu e peut
ĂȘtre engagĂ© Ă vie.
462 E lâa se e dâu it le contrat de travail est rĂ©putĂ© conclu pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 287
peut encore prendre fin par un accord commun des parties, par le décÚs du travailleur ou par
la cessation de lâactivitĂ©. Une rupture unilatĂ©rale Ă lâinitiative de lâemployeur ne sera
possible quâen cas de faute grave du travailleur. Dans le cadre dâun CDI la relation de travail
peut prendre fin Ă tout moment pour les causes suivantes : un accord des parties, la retraite
ou le dĂ©cĂšs du travailleur, la cessation de lâactivitĂ© de lâentreprise ou encore lâinitiative dâune
seule partie. Dans ce dernier cas, on parlera de dĂ©mission lorsque lâinitiative vient du
travailleur ou de licenciement lorsquâelle vient de lâemployeur. La rupture initiĂ©e par ce
dernier est soumise à certaines conditions : avant de prendre sa décision, il doit donner au
travailleur la possibilitĂ© de sâexpliquer. Si malgrĂ© ces explications, il choisit de le licencier,
ce licenciement doit ĂȘtre fondĂ© sur un motif lĂ©gitime quâil notifiera au travailleur par Ă©crit
en respectant le dĂ©lai de prĂ©avis463 imposĂ© par la loi de lâEtat partie oĂč sâexerce lâactivitĂ© ;
en fin de compte, il versera au travailleur qui jouit dâune anciennetĂ© minimale de douze (12)
mois dans lâentreprise une indemnitĂ© de licenciement dont le taux et les modalitĂ©s de calcul
sont fixĂ©s par la loi de lâEtat partie du lieu dâactivitĂ©464. Tout manquement Ă lâune de ces
obligations pourrait entraĂźner la condamnation de lâemployeur au paiement dâune indemnitĂ©
Ă laquelle peuvent sâajouter des dommages et intĂ©rĂȘts465.
558. Outre les rĂšgles relatives Ă la formation et Ă la cessation du contrat de travail,
lâentreprenant employeur se conformera Ă©galement aux rĂšgles qui concernent les conditions
dâexĂ©cution du travail.
B. Les obligations en rapport avec les conditions dâexĂ©cution du contrat de travail
559. Les obligations de lâemployeur en rapport avec les conditions dâexĂ©cution du travail
ont trait aux conditions de travail, au temps dâexĂ©cution de celui-ci et au repos des
travailleurs.
560. Les conditions de travail ou les conditions au travail. Les conditions de travail ou
au travail se rapportent au cadre dans lequel les travailleurs exécutent leur prestation. Pour
463 Sur cette question voir, Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 45/S du 25 avril 1974, Claude MAZIOH c/ la S.E.A.C.
464 A t. de lâa a t-p ojet dâa te u ifo e elatif au D oit du t a ail de . 465 Art. et de lâa a t-p ojet dâa te u ifo e elatif au D oit du t a ail de .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 288
prĂ©server leur dignitĂ© et afin de contribuer Ă leur Ă©panouissement, lâemployeur doit veiller
à ce que leurs droits fondamentaux soient respectés. Il doit également prendre des mesures
dâhygiĂšne et de salubritĂ©, de santĂ© et de sĂ©curitĂ© dans lâintĂ©rĂȘt des travailleurs pendant
lâexercice de leur activitĂ© professionnelle466.
561. Le temps de travail. Dans le cadre de ce travail, nous considérerons que le temps de
travail correspond Ă la durĂ©e lĂ©gale de travail prĂ©vue par la loi. Ce temps sâapprĂ©cie en
heures, en jours, en semaines, en mois et par an et ne doit pas excĂ©der le nombre dâheures
fixé par la loi. Les heures effectuées au-delà de la durée normale de travail constituent des
heures supplémentaires qui entrainent une majoration du salaire. Quand un employeur y a
recours, la durĂ©e de travail ne doit pas dĂ©passer un certain seuil au cours dâune mĂȘme
semaine afin de laisser au travailleur le temps de se reposer.
562. Les temps de repos. Les temps de repos sont les pĂ©riodes dâinaction ou dâarrĂȘt de
lâactivitĂ© auxquelles le travailleur a lĂ©galement droit. La loi les prĂ©voit par jour, par semaine
et dans lâannĂ©e. Ainsi, dans lâexĂ©cution de sa prestation, le travailleur a droit Ă un repos Ă la
fois quotidien et hebdomadaire. La loi fixe le minimum de temps que doit durer chacune
de ces périodes de repos. Il appartiendra à chaque Etat partie de fixer le jour et les modalités
de jouissance du jour de repos ainsi que les conditions de dérogation aux rÚgles qui
lâencadrent.
Le travailleur a également droit aux congés. Dans le secteur informel ce droit est trÚs
peu, voire pas du tout respecté. Pourtant, aprÚs une durée minimale de service de douze (12)
mois, lâemployeur doit accorder au travailleur un congĂ© dâune durĂ©e minimale de deux jours
ouvrables pour chaque mois de travail effectif. La durée de ce congé annuel et sa
rĂ©munĂ©ration font lâobjet dâun encadrement trĂšs prĂ©cis auquel lâemployeur doit se
conformer. Toute réduction de la durée du congé acquis et toute modification de la
rémunération devra se faire dans les conditions prévues par la loi à cet effet.
563. Tout employeur qui ne respecte pas les rĂšgles prĂ©sentĂ©es ci-dessus sâexpose Ă des
sanctions467. Une fois que chaque partie sâest acquittĂ©e de ses obligations en rapport avec
466 K. WOLOU, « La santé et la sécurité au travail au Togo », in Du droit de la santé et de la sécurité sociale au
travail en Afrique subsaharienne, Pa is, LâHa atta , , p. -102.
467 Lâa a t-p ojet de lâa te u ifo e elatif au D oit du t a ail p oit e des sanctions de nature pĂ©nale
(art. 260).
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 289
lâexĂ©cution du travail, il revient Ă lâemployeur de verser au travailleur la rĂ©munĂ©ration
consentie lors de la conclusion du contrat.
Paragraphe 2. Des obligations dans la rémunération du travailleur
564. Le salaire est un élément clé du contrat de travail. On peut le définir comme « les
gains susceptibles dâĂȘtre Ă©valuĂ©s en espĂšces et fixĂ©s, soit par accord des parties, soit par
des dispositions rĂ©glementaires ou conventionnelles qui sont dues en vertu dâun contrat de
travail par lâemployeur Ă un travailleur, en contrepartie de la prestation de travail »468. La
loi de chaque Etat fixe son montant minimum (A) et ses modalités de paiement (B).
A. Le montant minimum du salaire
565. La question de la rémunération des travailleurs est cruciale dans toutes les sociétés.
Bien que les parties au contrat de travail jouissent dâune marge de libertĂ© pour dĂ©terminer
dâun commun accord le salaire, la loi de chaque pays a fixĂ© un minimum en-dessous duquel
il est interdit de payer un travailleur469. Dans la pratique, des salaires inférieurs au seuil des
salaires minimums prĂ©vus par la loi sont appliquĂ©s. En effet, de nombreux chefs dâentreprise
profitant du taux Ă©levĂ© de chĂŽmage nâhĂ©sitent pas Ă proposer des salaires dĂ©risoires470. La
rĂ©munĂ©ration dâun travailleur doit ĂȘtre juste, proportionnĂ©e et suffisante eu Ă©gard aux
contraintes que le travail effectué peut imposer. A conditions égales de travail, de
qualification, de rendement et de qualitĂ© de service, elle doit ĂȘtre la mĂȘme pour les
travailleurs dâune mĂȘme entreprise.
468 A t. de lâa a t-p ojet dâa te u ifo e su le d oit du t a ail. 469 Ce i i u a ie dâu Etat Ă u aut e. 470 Lâa t. de lâa a t-projet de loi communautaire dispose que de tels employeurs encourent une sanction
pénale pour avoir rémunéré un travailleur en dessous du salaire minimum garanti ou du salaire
conventionnel.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 290
B. Les modalités de paiement du salaire
566. Le paiement du salaire ne se fait pas au grĂ© de lâemployeur mais dans le respect des
conditions préétablies par la loi. Ces conditions concernent le moment, le lieu, la forme et
la preuve du paiement du salaire.
567. En principe, le salaire doit ĂȘtre payĂ© dans les locaux de lâentreprise ou sur les lieux
dâexĂ©cution du travail aux jours et aux heures de travail. Il est payable dans la monnaie ayant
cours lĂ©gal dans lâEtat partie oĂč la prestation de travail est exĂ©cutĂ©e, en espĂšces, par chĂšque
ou par virement Ă un compte postal ou bancaire. Il est remis en mains propres au travailleur
ou via un Ă©tablissement financier ou postal lorsquâil en a fait la demande Ă©crite.
568. En dehors des cas oĂč les usages de la profession le prĂ©voient autrement, le salaire
doit ĂȘtre payĂ© Ă des intervalles rĂ©guliers471. Pour le cas de ces derniers, le paiement doit
intervenir au plus tard huit (08) jours aprĂšs la fin du mois de travail donnant droit au salaire.
569. Lâemployeur doit ĂȘtre capable de fournir la preuve quâil a payĂ© son ou ses employĂ©s.
Le versement du salaire donne lieu Ă la dĂ©livrance dâun justificatif quâest le bulletin de
salaire. Selon lâavant-projet dâacte communautaire, ce document doit ĂȘtre dressĂ© par
lâemployeur en deux (02) exemplaires dont lâun sera remis au travailleur et lâautre conservĂ©
par lâemployeur pendant une durĂ©e minimale de cinq (05) ans472. Ce dernier exemplaire
devra ĂȘtre prĂ©sentĂ© par lâemployeur comme preuve du paiement des salaires en cas de
contrĂŽle de lâInspecteur du travail. A dĂ©faut de prĂ©senter la copie Ă©margĂ©e du bulletin de
salaire, lâemployeur devra prĂ©senter une certification dâun Ă©tablissement financier ou un
écrit attestant que le salaire a bel et bien été versé au(x) travailleurs.
570. Lâemployeur est tenu de verser au travailleur lâintĂ©gralitĂ© de son salaire. Hormis
pour une mise Ă pied fondĂ©e sur le pouvoir discrĂ©tionnaire de lâemployeur et entrainant une
privation de salaire Ă©quivalente Ă la durĂ©e de celle-ci, un employeur ne peut pas infliger Ă
son travailleur des sanctions visant Ă diminuer son salaire. Des pratiques de ce genre sont
courantes lorsquâun travailleur commet une faute et elles sont injustement qualifiĂ©es de
« retenues sur salaires » par ceux qui les appliquent. Contrairement à la conception
populaire, les retenues sur salaires ne sont pas des sanctions et ne peuvent se faire que pour
471 A t. de lâa a t-p ojet dâa te u ifo e elatif au D oit du t a ail de . 472 A t. de lâa a t-p ojet dâa te u ifo e elatif au D oit du t a ail de .
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 291
des raisons et dans des conditions prĂ©vues par la loi473. Les sommes retenues par lâemployeur
en contravention des dispositions lĂ©gales sont susceptibles de produire des intĂ©rĂȘts au profit
du travailleur depuis la date Ă laquelle elles auraient dĂ» ĂȘtre payĂ©es jusquâĂ lâexpiration du
délai de prescription prévu par la loi474.
571. Lâentreprenant qui emploie des salariĂ©s devra se conformer aux rĂšgles du droit du
travail qui encadrent les rapports professionnels entre employeurs et travailleurs. Il devra en
outre se soumettre à celles du droit de la sécurité sociale qui lui imposent de fournir à ses
travailleurs une couverture sociale.
Section 2. La soumission aux rÚgles du droit de la sécurité sociale
572. La sĂ©curitĂ© sociale peut ĂȘtre dĂ©finie comme lâensemble des moyens mis en Ćuvre
pour se prémunir des aléas de la vie (décÚs, accidents, maladies, vieillesse, etc). Dans le
cadre de lâentreprise, elle permet de protĂ©ger les travailleurs des Ă©ventuels risques
susceptibles de limiter, suspendre ou interrompre leur activité. Elle est capitale aussi bien
pour les travailleurs que pour les membres de leurs familles pour qui le travail est la
principale source de revenus. Toute limitation ou interruption de celui-ci aurait des
conséquences importantes sur leur capacité à subvenir à leurs besoins.
573. Câest sans doute au regard du rĂŽle crucial que joue la sĂ©curitĂ© sociale, que chaque
473 Les a t. et de lâa a t-p ojet dâa te u ifo e elatif au D oit du travail de 2006 Ă©numĂšrent
quelques motifs qui justifient une retenue de salaire : les prélÚvements obligatoires ; les cotisations
syndicales ; les remboursements de cession volontaire de salaires consentie conformément aux dispositions
en vigueur ; et ⊠474 Outre cette sanction Ă caractĂšre civil, le lĂ©gislateur OHADA semble vouloir prĂ©voir une sanction pĂ©nale Ă
lâa ti le . Celle- i sâappli ue ait Ă lâe plo eu qui inflige Ă un travailleur une amende ou une sanction
ayant pour consĂ©quence la perte totale ou partielle de son salaire hors les cas de licenciement ou de mise Ă
pied. Au Cameroun, le non-paiement des salaires pendant plusieurs mois constitue une faute lourde de
lâe plo eu oi : Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 66/S du 30 mai 1972, affaire Me NKILI). La faute lourde de
lâe plo eu est u e faute e t e e t g a e ui ause Ă lâe plo u el et s ieu p judi e et ui e d
intolérable, voire impossible le maintien du lien contractuel. A ce sujet, voir les commentaires de cette
dĂ©cision faits par A.-D. WANDJI KAMGA da s lâou age du p ofesseu J.-M TCHAKOUA, Les grandes dĂ©cisions
de droit du travail et de la sécurité sociale, p. 286.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 292
Etat essaie de mettre sur pied des rÚgles qui sont censées garantir une protection sociale aux
travailleurs. Ces rĂšgles sâappliquent Ă lâentreprenant Ă deux titres : en tant que potentiel
employeur et en tant que travailleur indépendant. Elles lui imposent un dispositif qui peut
sâavĂ©rer contraignant en cas dâembauche de salariĂ©s (Paragraphe 1) et lacunaire Ă lâĂ©gard
de lâentrepreneur lui-mĂȘme (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Lâassujettissement Ă un dispositif contraignant en cas dâembauche de salariĂ©s
574. Le dispositif mis en place pour garantir la protection sociale des travailleurs, met Ă
la charge de tout employeur un certain nombre dâobligations (A) dont les manquements
peuvent entrainer des sanctions (B).
A. Les obligations sociales imposĂ©es Ă lâemployeur
575. En matiĂšre sociale, les principales obligations qui incombent Ă lâemployeur,
consistent à accomplir certaines formalités (1) et à verser des cotisations au profit des
salariés (2).
1. Lâaccomplissement obligatoire de formalitĂ©s
A lâĂ©gard de lâorganisme de prĂ©voyance sociale, lâentrepreneur est tenu de se faire
immatriculer. Cela Ă©tant fait, il devra, le cas Ă©chĂ©ant, procĂ©der Ă lâimmatriculation de ses
salariés et à leur déclaration.
1.1. Lâimmatriculation de lâentreprise
576. Lâimmatriculation dâune entreprise auprĂšs de lâorganisme de prĂ©voyance sociale
consiste à faire inscrire ou enregistrer cette entreprise comme employeur. Cette formalité est
une mesure nécessaire pour garantir aux travailleurs une protection contre les risques
auxquels ils sont exposĂ©s dans lâexercice de leur activitĂ© salariĂ©e. Afin de mettre en Ćuvre
cette couverture, il faut au prĂ©alable que lâentreprise soit immatriculĂ©e auprĂšs de lâorganisme
qui en a la charge. Lâattention de tout entrepreneur doit ĂȘtre attirĂ©e sur certains points.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 293
577. Le premier point câest que lâimmatriculation auprĂšs de lâorganisme de prĂ©voyance
sociale est une obligation qui incombe à ceux qui emploient des salariés. Dans certains pays,
la loi nâimpose pas cette formalitĂ© aux entrepreneurs qui nâemploient pas de travailleurs475.
Dans dâautres pays en revanche, tous les entrepreneurs sont obligĂ©s de se faire immatriculĂ©s
auprĂšs dâun organisme en charge de la prĂ©voyance sociale, y compris les travailleurs
indĂ©pendants qui nâembauchent pas de personnel salariĂ©476. Les entrepreneurs sont
encouragĂ©s Ă se renseigner pour savoir si la loi du pays dans lequel ils exercent les oblige Ă
se faire immatriculer auprĂšs de lâorganisme de prĂ©voyance sociale, quâils embauchent des
salariés ou non.
578. Le deuxiĂšme point, assez proche du premier, câest que lâimmatriculation auprĂšs de
lâorganisme de prĂ©voyance sociale incombe Ă toute entreprise, quelle que soit sa forme
juridique ou sa taille477. Sociétés et entreprises individuelles sont concernées et ne peuvent
dĂ©roger Ă la rĂšgle car il y va de lâintĂ©rĂȘt des travailleurs. En tant que travailleur indĂ©pendant,
lâentreprenant est un potentiel employeur. Bien quâil soit un trĂšs petit entrepreneur, il sera
tenu de se faire immatriculer sâil a recours Ă un ou plusieurs travailleurs. La question qui
importe de se poser ici, est de savoir qui est-ce que la loi considĂšre comme travailleur. En
effet, dans le secteur informel, on se fait généralement aidé par son conjoint, ses enfants, les
membres de sa famille. En dehors de ces cas, on fait appel Ă des tiers pour des travaux de
trĂšs courte durĂ©e (journaliers, saisonniers, etc.). La question qui intĂ©resserait lâentreprenant
serait alors de savoir sâils sont tenus de se faire immatriculer lorsquâils ont recours Ă ce type
de main dâĆuvre.
475 Câest pa e e ple le as au Ca e ou . M e si a e lâa e e t des gui hets uniques, le service de
prĂ©voyance intervient dans le processus de crĂ©ation des entreprises mĂȘme si celles- i âe te de t pas
forcément embaucher des salariés.
476 Câest le as e F a e pa e e ple. Cette position peut se justifier par le fait que tout travailleur, y compris
les travailleurs non-salariĂ©s, est e pos Ă u is ue sus epti le dâaffe te sa apa it Ă t a aille , soit e
lâi te o pa t, soit e la di i ua t. Pou p e i u e telle situatio et assu e au t a ailleu ui e se ait
victime un minimum de revenus, il est indispensable que tout travailleur, mĂȘme indĂ©pendant, soit
immatriculé.
477 Lâo ligatio de se fai e i at i ule aup s de lâo ga is e gestio ai e de la p ote tio so iale i o e
Ă toutes les entreprises peu i po te uâil sâagisse dâu e so i t ou dâu e e t ep ise i di iduelle, dâu e
g a de ou dâu e petite e t ep ise. Cepe da t pou le al ul des otisatio s il âest pas e lu uâo tie e
compte du statut et de la taille de lâe t ep ise.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 294
579. Le troisiĂšme point, câest que lâimmatriculation doit se faire auprĂšs de lâorganisme
compĂ©tent prĂ©cisĂ©ment dĂ©signĂ© par la loi de chaque pays. Lâimmatriculation ne se fait pas
auprĂšs de nâimporte quel organisme dont lâactivitĂ© se rapporte Ă la couverture des risques
sociaux. Dans chaque pays, la gestion de la protection sociale est attribuée à des organismes
spécifiques. Au Cameroun par exemple, cette compétente est exclusivement attribuée à la
Caisse Nationale de prévoyance Sociale (CNPS), organisme étatique doté de la personnalité
juridique et jouissant de lâautonomie financiĂšre. Il a son siĂšge Ă YaoundĂ©, la capitale du pays,
mais est reprĂ©sentĂ© sur lâensemble du territoire par des centres dits de PrĂ©voyance Sociale.
Lâemployeur qui souhaite immatriculer son entreprise doit se rendre au centre de PrĂ©voyance
Sociale territorialement compétent.
En fonction du pays oĂč il exerce, chaque entrepreneur doit se renseigner pour savoir
auprÚs de quel organisme de prévoyance sociale il doit se faire immatriculer et à quelles
obligations il devra se conformer dans le cadre de ladite procĂ©dure dâimmatriculation.
580. La procĂ©dure dâimmatriculation de lâentreprise. Etant donnĂ© que celle-ci varie dâun
pays Ă un autre, nous nous contenterons de dĂ©crire, en guise dâexemple, la procĂ©dure prĂ©vue
dans un Etat membre de lâOrganisation, le Cameroun. Ici, il faut se rĂ©fĂ©rer Ă lâOrdonnance
n° 73-17 du 22 mai 1973 portant organisation de la PrĂ©voyance Sociale478. Lâarticle 4 de ce
texte dispose que « toute personne physique ou morale employant un ou plusieurs
travailleurs relevant du Code du travail est tenue de sâaffilier Ă la Caisse Nationale de
PrĂ©voyance Sociale ». Lâimmatriculation se fait gratuitement Ă lâaide dâun formulaire
prĂ©Ă©tabli par lâorganisme et mis Ă la disposition du public. Lâemployeur doit joindre, Ă
lâappui de cet imprimĂ©, toutes les piĂšces justificatives exigĂ©es. PossibilitĂ© est donnĂ©e, Ă ceux
qui le veulent, de se pré-immatriculer en ligne sur le site de la CNPS (www.cnps.cm).
Lâimmatriculation devra ĂȘtre confirmĂ©e dans le centre le plus proche, au plus tard dans les
trente (30) jours qui suivent la prĂ©-immatriculation. Lâimmatriculation se concrĂ©tise par
lâattribution, Ă lâemployeur, dâun numĂ©ro de matricule.
581. Une question importante que lâon pourrait se poser est celle de savoir quand
lâentreprise doit ĂȘtre immatriculĂ©e auprĂšs de lâorganisme de PrĂ©voyance Sociale. Il sâagit,
en dâautres termes, de savoir si la loi impose Ă lâemployeur un dĂ©lai pour lâimmatriculation
de son entreprise. Pour rĂ©pondre Ă cette question, il convient de rappeler quâau Cameroun,
lâimmatriculation dâune entreprise nâest obligatoire que lorsquâelle emploie des travailleurs
478 Ordonnance modifiée par la loi n° 84-006 du 04 juillet 1984.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 295
salariĂ©s. Cela signifie quâune entreprise qui nâemploie pas de salariĂ©s nâest pas tenue de se
faire immatriculer. DĂšs lors, un entrepreneur ne sera pas contraint dâimmatriculer son
entreprise tant quâil nâembauche pas de personnel. Mais dĂšs lors quâil en embauche au moins
un, il a le devoir de se faire immatriculer. MĂȘme si la lĂ©gislation nâindique pas expressĂ©ment
quand lâimmatriculation de lâentreprise doit avoir lieu, il est certain quâelle doit
immĂ©diatement suivre lâembauche du premier salariĂ©. En effet, la loi camerounaise dit que
lâimmatriculation des salariĂ©s doit avoir lieu au plus tard huit (08) jours aprĂšs leur embauche.
Or, pour accomplir lâimmatriculation de ses salariĂ©s, il faut impĂ©rativement indiquer le
numĂ©ro de matricule. Lâimmatriculation de lâentreprise doit donc se faire, au plus tard, dans
les huit jours (08) qui suivent lâembauche de son ou ses premiers du salariĂ©. Ce laps de
temps est relativement court. Lâemployeur doit ĂȘtre assez rĂ©actif pour procĂ©der Ă
lâimmatriculation de son entreprise, dâautant plus que lâimmatriculation obligatoire de ses
salariés en dépend.
1.2 Lâimmatriculation et la dĂ©claration des salariĂ©s
582. Lâexigence pour tout travailleur dâavoir un numĂ©ro dâimmatriculation. Il est
toujours important de garder Ă lâesprit que lâun des buts majeurs de lâimmatriculation dâune
entreprise auprĂšs de lâorganisme de prĂ©voyance sociale est de protĂ©ger les travailleurs des
risques susceptibles dâinterrompre momentanĂ©ment ou dĂ©finitivement leur capacitĂ© de
travailler ou de la limiter. Câest pour cette raison quâen plus de sa propre immatriculation,
lâentreprise doit veiller Ă ce que ses travailleurs soient immatriculĂ©s. En effet, la loi oblige
tout employeur à déclarer ses salariés.
La dĂ©claration Ă©tant lâaction de faire connaĂźtre quelque chose Ă quelquâun, dâaffirmer
lâexistence dâune situation juridique ou dâun fait, on peut dire dans ce contexte que la
dĂ©claration que lâentrepreneur doit effectuer auprĂšs de lâorganisme de prĂ©voyance sociale
consiste Ă faire connaĂźtre Ă cette derniĂšre lâexistence de la relation de travail qui le lie avec
son ou ses travailleurs. En dâautres termes, il sâagit de lui faire savoir quâil existe entre lui
et une ou plusieurs autres personnes un contrat de travail.
La dĂ©claration dâun travailleur suppose quâil ait un numĂ©ro dâimmatriculation. Au
Cameroun, la loi impose Ă lâemployeur de sâassurer que son travailleur dĂ©tient dĂ©jĂ un
numĂ©ro dâimmatriculation. Si tel nâest pas le cas, cet employeur devra dâabord procĂ©der Ă
son immatriculation. Grùce à cette formalité, ce travailleur est inscrit comme tel dans les
registres de lâorganisme de prĂ©voyance sociale et acquiert un numĂ©ro dâimmatriculation
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 296
quâil est censĂ© conserver tout au long de sa vie. Câest sous ce numĂ©ro que toutes les
dĂ©clarations sociales le concernant seront faites. En cas dâembauche par un nouvel
employeur, ce dernier devra se servir du numéro du salarié pour effectuer sa déclaration et
ses cotisations.
583. Les diffĂ©rentes dĂ©clarations Ă effectuer par lâemployeur. Vu les diffĂ©rentes Ă©tapes
qui marquent lâexistence dâun contrat de travail (la conclusion, lâexĂ©cution et la cessation
du contrat), lâemployeur sera appelĂ© Ă effectuer plusieurs types de dĂ©clarations.
En début de contrat, une premiÚre déclaration est faite, peu de temps seulement aprÚs
lâembauche du salariĂ©. AprĂšs cette premiĂšre dĂ©claration, lâemployeur devra mensuellement
renouveler sa déclaration tout au long de la durée du contrat de travail. Ces déclarations se
font pour chaque employĂ©. Lâentrepreneur employeur devra rĂ©guliĂšrement notifier la liste
actualisĂ©e de ses salariĂ©s Ă lâorganisme en charge de la prĂ©voyance sociale. Lorsquâil se
sĂ©pare dâun travailleur, câest-Ă -dire Ă la fin du contrat, il devra faire une dĂ©claration de
cessation dâemploi dans laquelle il fait savoir Ă lâorganisme de prĂ©voyance sociale que la
relation de travail qui le liait à un travailleur a cessé.
584. La description faite dans cette partie présente de maniÚre globale les mesures
imposĂ©es en matiĂšre sociale dans le but dâassurer aux travailleurs salariĂ©s une couverture
sociale. Cependant, pour connaitre précisément le moment, le lieu et comment ces
déclarations doivent se faire, il faut se référer à la législation de chaque pays. Pour revenir
au cas du Cameroun, lâemployeur est tenu, au dĂ©but de chaque exercice et au plus tard le 15
du mois qui suit le premier mois de lâexercice, de faire une dĂ©claration nominative des
travailleurs à son service. Ces déclarations se font simultanément auprÚs des centres de
PrĂ©voyance sociale et lâAdministration fiscale territorialement compĂ©tents Ă lâaide de
formulaires mis à la disposition du public. Sur ces formulaires, il indique son numéro de
matricule et son numéro de contribuable ainsi que les coordonnées qui permettent
dâidentifier le travailleur. A la fin de chaque exercice, il dĂ©pose une dĂ©claration
rĂ©capitulative du personnel. Tout au long dâun exercice et Ă la fin de celui-ci, il dĂ©pose la
liste actualisée de son personnel, déclare les salaires versés ou dus et paie les cotisations.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 297
2. Le paiement des cotisations au profit des salariés
585. Lâimmatriculation de lâentreprise et la dĂ©claration de ses salariĂ©s nâont de sens quâen
ce quâelles permettent dâassurer aux travailleurs salariĂ©s une couverture sociale minimale.
Cette couverture nécessite que des cotisations soient versées au profit des travailleurs.
Quelques-unes dâentre elles sont conjointement supportĂ©es par lâemployeur et le travailleur ;
dâautres sont supportĂ©es par le travailleur seul479. Le taux des cotisations est fixĂ© par la
législation nationale et prend en compte un certain nombre de paramÚtres et notamment la
rĂ©munĂ©ration. Cela explique pourquoi la loi impose Ă lâemployeur de rĂ©guliĂšrement dĂ©clarer
les salaires versés à ses salariés.
Que les cotisations soient intégralement ou partiellement supportées par le
travailleur, câest Ă lâemployeur que revient la charge de les verser Ă lâorganisme de
prĂ©voyance sociale. Au Cameroun480 par exemple, la loi prescrit Ă lâemployeur de dĂ©clarer
ses travailleurs et les salaires dus ou versĂ©s tous les mois. Ces dĂ©clarations doivent ĂȘtre faites
au plus tard le 15 du mois qui suit celui au cours duquel le travail a Ă©tĂ© effectuĂ©. Lâemployeur
remplit alors un imprimé normalisé sur lequel il indique la période concernée (autrement le
mois), les noms de ses travailleurs et le montant des salaires quâil leur a versĂ©s ou quâil leur
doit pour cette période. Le montant des cotisations dues au titre de la période déclarée est
payĂ© directement et spontanĂ©ment par lâemployeur au moment du dĂ©pĂŽt de sa dĂ©claration.
Dans les localitĂ©s oĂč la CNPS nâa pas de reprĂ©sentant, un agent de lâAdministration fiscale
est dĂ©signĂ© pour assurer lâencaissement des cotisations sociales.
586. Tout manquement à une seule de ces différentes obligations ou toute exécution
tardive de lâune dâentre elles pourraient entrainer des sanctions Ă lâencontre de lâemployeur.
479 Voi lâa t. du D et ° / du f ie fi a t les tau des otisatio s so iales et les plafonds
des rĂ©munĂ©rations applicables da s les a hes des p estatio s fa iliales, dâassu a e - pensions vieillesse,
dâi alidit et de d s, des a ide ts du t a ail et des aladies p ofessio elles g es pa la CNPâ. 480 Voi Ă et effet lâa ĂȘtĂ© conjoint n° 035/METPS/MINFI du 12 juin 200 , fi a t les odalit s dâappli atio
de la loi n° 2001 â 017 du 18 dĂ©cembre 2001 portant rĂ©amĂ©nagement des procĂ©dures de recouvrement des
cotisations sociales, modifiĂ© et complĂ©tĂ© pa lâa t o joi t METPâ/ MINFI ° du octobre 2002.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 298
B. Les sanctions aux manquements des obligations sociales
594. En matiĂšre sociale, les sanctions infligĂ©es Ă lâentrepreneur employeur diffĂšrent en
fonction du manquement constatĂ©, autrement dit en fonction de lâobligation qui nâa pas Ă©tĂ©
respectĂ©e. Lâentrepreneur pour ne sâĂȘtre pas fait immatriculer (1) et pour nâavoir pas respectĂ©
les obligations imposées en faveur des travailleurs (2).
1. Les sanctions en cas de manquement Ă lâobligation dâimmatriculation de lâentreprise
595. Pour connaßtre les sanctions qui sont appliquées aux entreprises qui ne se font pas
immatriculer auprĂšs de lâorganisme de prĂ©voyance sociale alors que la loi les y oblige, il
faut se rĂ©fĂ©rer aux rĂšgles de lâEtat oĂč elles exercent.
596. Au Cameroun ces sanctions peuvent avoir un caractÚre disciplinaire ou pénal. Elles
peuvent aller du simple paiement dâune amende Ă une peine dâemprisonnement. Il est
notamment dit que « est puni dâun emprisonnement de trois mois Ă deux ans et dâune amende
de vingt mille Ă deux cents mille francs ou de lâune de ces deux peines seulement, quiconque
organise, par voie de fait, menaces ou manĆuvres concertĂ©es, le refus de se conformer aux
prescriptions de la lĂ©gislation de la PrĂ©voyance Sociale et notamment de sâaffilier Ă la
Caisse Nationale de Prévoyance Sociale ⊠»481.
597. Les emplois informels sont une réalité au Cameroun en particulier et dans les Etats
membres de lâOrganisation en gĂ©nĂ©ral. Le phĂ©nomĂšne est plus prĂ©sent dans le secteur
informel et est susceptible dâavoir lieu dans les entreprises qui ne disposent pas de moyens
importants. Les personnes visĂ©es par le statut de lâentreprenant ont, pour la plupart, ce profil.
Ce sont des personnes qui ne disposent pas de moyens consistants et qui, pour la plupart,
ont opĂ©rĂ© dans le secteur informel. Ce sont donc des personnes qui ne sont pas habituĂ©es Ă
se conformer Ă la lĂ©gislation en matiĂšre sociale et pour qui, ne pas affilier lâentreprise et
ceux qui y travaillent, peut sembler normal. Ayant optĂ© pour le statut lĂ©gal dâentreprenant,
ces personnes doivent cependant ĂȘtre averties sur ce que la loi prĂ©voit. Elles doivent ĂȘtre
informĂ©es que le dĂ©faut dâaffiliation de lâentreprise, et partant de ses employĂ©s, est passible
481 A t. de lâO do a e ° -17 du 22 mai 1973 portant organisation de la PrĂ©voyance Sociale, modifiĂ©e
par la loi n° 84-006 du 04 juillet 1984.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 299
de sanctions dont les peines ne sont pas négligeables. Les peines encourues sont financiÚres,
ce qui reprĂ©sente une dĂ©pense supplĂ©mentaire pour lâentreprise. Pire encore, elles peuvent
aller jusquâĂ lâemprisonnement.
598. Lorsque les conditions qui rendent leur immatriculation obligatoire sont réunies, ils
doivent se conformer à la législation. Faute pour eux de prendre cette initiative, la loi donne
pouvoir Ă certains tiers (lâorganisme de sĂ©curitĂ© sociale ou lâInspecteur du travail, les
salariĂ©s) de requĂ©rir leur immatriculation dâoffice. Cela les obligerait Ă dĂ©clarer leurs salariĂ©s
et de payer les cotisations sociales.
2. Les sanctions en cas de manquement aux obligations profitant aux travailleurs
599. Lâimmatriculation des travailleurs, leur dĂ©claration mensuelle et le versement des
cotisations auprĂšs de lâorganisme de prĂ©voyance sociale sont autant dâobligations qui
profitent aux travailleurs. Ces obligations qui pĂšsent sur lâemployeur ont pour but de
prĂ©server les intĂ©rĂȘts des travailleurs en leur assurant une couverture sociale. DĂšs lors quâune
entreprise emploie des travailleurs, elle est tenue de les dĂ©clarer auprĂšs de lâorganisme de
prévoyance sociale et de verser les cotisations nécessaires pour leur protection.
Lâentreprenant qui emploierait du personnel salariĂ©, sera Ă©galement tenu de se soumettre
aux exigences de la lĂ©gislation en matiĂšre sociale. En plus dâimmatriculer son entreprise, il
devra effectuer toutes les dĂ©clarations se rapportant Ă ses travailleurs et aux salaires quâil
leur verse.
Lorsque lâemployeur ne respecte pas ces obligations, les salariĂ©s ont le droit de saisir
les autoritĂ©s compĂ©tentes (lâorganisme de sĂ©curitĂ© sociale ou lâInspecteur du travail, les
salariĂ©s) afin que celles-ci lâobligent Ă se rĂ©gulariser. Mais, comme le souligne Zakari
ANAZETPOUO, « ⊠du fait de la prĂ©caritĂ© de lâemploi et par souci de conserver celui
quâils possĂšdent dĂ©jĂ , les salariĂ©s exploitent rarement cette possibilitĂ© »482.
Tout manquement Ă ces obligations pourrait entraĂźner des sanctions plus ou moins
importantes Ă son encontre. Les lĂ©gislations nationales des Etats membres de lâOrganisation
ont pris le soin de définir les procédures et les sanctions applicables en cas de manquement
482 Z. ANAZETPOUO, La législation sociale camerounaise et les garanties de mise à la retraite, Paris,
LâHa attan, 2018, p. 47, n° 30.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 300
Ă ces diffĂ©rentes obligations dâordre social.
600. Pour le cas du Cameroun, il est dit quâen cas de dĂ©faut de production de la dĂ©claration
nominative des salariĂ©s dans les dĂ©lais, lâAdministration fiscale habilitĂ©e Ă recevoir cette
dĂ©claration adresse Ă lâemployeur une mise en demeure de dĂ©clarer assortie dâun dĂ©compte
des pénalités de retard dont le montant va de trois cents (300) francs CFA par salarié et est
plafonné à soixante-quinze mille (75 000) francs CFA par entreprise. Ces frais seront
acquittĂ©s par lâemployeur retardataire au profit de lâOrganisme chargĂ© de la PrĂ©voyance
Sociale. Lâemployeur mis en demeure dispose alors dâun dĂ©lai de sept (07) jours pour se
rĂ©gulariser. A dĂ©faut de cela, il pourrait subir une taxation dâoffice483.
Lorsque la déclaration des salaires et le paiement des cotisations ne se fait pas dans
les dĂ©lais, lâemployeur peut subir une majoration. Sur plainte du Directeur GĂ©nĂ©ral de la
CNPS, lâemployeur qui ne sâest pas conformĂ© aux prescriptions de la lĂ©gislation relative Ă
la prĂ©voyance sociale peut ĂȘtre puni dâune amende de cinq mille (5000) francs CFA Ă
cinquante mille (50 000) francs CFA. En outre, le ministĂšre public ou la partie civile peut
demander Ă son encontre la condamnation au paiement des cotisations dues auxquelles
sâajouteront des majorations de retard. En cas de rĂ©cidive, la sanction infligĂ©e Ă cet
employeur peut aller jusquâĂ lâemprisonnement484.
601. Pour Ă©viter ces sanctions, tout entrepreneur qui emploie des travailleurs doit
sâacquitter de toutes les obligations que la loi met Ă sa charge en matiĂšre sociale et ce, quelle
que soit la taille de son entreprise. Il faut prĂ©ciser quâil ne suffit pas seulement de faire des
dĂ©clarations et de payer les cotisations qui sây rattachent car il faudra encore que ces
déclarations et, par conséquent les cotisations versées, soient conformes à la réalité. Les
employeurs ont donc un devoir de probitĂ© dans lâaccomplissement de leurs obligations
sociales et câest pour cela quâils peuvent faire lâobjet dâun contrĂŽle Ă tout moment. Tout
employeur qui se rend coupable de fraudes ou de fausses déclarations encourt une peine
dâemprisonnement allant de trois mois Ă deux ans et dâune amende de vingt mille (20 000)
483 A t. de lâa t o joi t ° /METPâ/MINFI du jui , fi a t les odalit s dâappli atio de la
loi n° 2001 â 017 du 18 dĂ©cembre 2001 portant rĂ©amĂ©nagement des procĂ©dures de recouvrement des
cotisations sociales, odifi et o pl t pa lâa t o joi t METPâ/ MINFI ° du o to e .
484 A t. et sui a ts de lâo do a e ° -17 du 22 mai 1973 portant organisation de la PrĂ©voyance
Sociale, modifiée par la loi n° 84-006 du 04 juillet 1984.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 301
Ă deux cent mille (200 000) francs CFA ou de lâune de ces deux peines seulement, sans
préjudice du remboursement des sommes indûment perçues.
602. Vu les sanctions que risque lâemployeur en cas de manquement aux obligations
sociales, on peut dire que le dispositif de sĂ©curitĂ© sociale est protecteur Ă lâĂ©gard des
travailleurs salariĂ©s. On ne peut pas dire que câest le cas en ce qui concerne les travailleurs
indĂ©pendants. A lâĂ©gard de ces derniers, le dispositif sâavĂšre trĂšs lacunaire.
Paragraphe 2. Lâassujettissement Ă un dispositif lacunaire Ă lâĂ©gard des
entrepreneurs
603. Etant donné que cela fait partie de ses obligations régaliennes, chaque Etat a en
principe le devoir de mettre en place un dispositif permettant aux travailleurs de bénéficier
dâune couverture sociale. Dans la plupart des pays, les Etats ont crĂ©Ă©s un ou plusieurs
organismes qui sont chargés de gérer les questions relatives à la protection sociale des
travailleurs. Ces organismes étatiques ont trÚs souvent la prééminence, voire le monopole
dans ce domaine. Au Cameroun par exemple, la gestion de la couverture des risques
professionnels a Ă©tĂ© retirĂ©e aux compagnies dâassurance privĂ©es depuis 1976 par le dĂ©cret
n° 76/321 pris au mois dâaoĂ»t de la mĂȘme annĂ©e. Câest auprĂšs de la CNPS, organisme de
lâEtat, que les travailleurs sont tenus de sâaffilier et de payer les cotisations. Les travailleurs
indĂ©pendants qui veulent bĂ©nĂ©ficier dâune protection sociale nâont pas dâautre choix que de
sây affilier, et cela malgrĂ© les lacunes que le dispositif prĂ©sente Ă leur endroit. Loin de
satisfaire les attentes de ces travailleurs (B), il donne lâimpression quâil nâexiste pas de
véritable politique de protection sociale à leur endroit (A).
A. Lâabsence dâune vĂ©ritable politique de protection en faveur des travailleurs
indépendants
604. Lâabsence dâune vĂ©ritable politique de protection sociale Ă lâendroit des travailleurs
indépendants se traduit, premiÚrement, par le fait que leur affiliation soit facultative,
deuxiĂšmement au regard des Ă©checs des politiques menĂ©es jusquâici.
605. Dans la plupart des pays africains, lâaffiliation des entrepreneurs Ă un organisme de
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 302
sĂ©curitĂ© sociale est facultative, câest-Ă -dire laissĂ©e Ă leur grĂ©485. La loi ne les oblige pas Ă
sâaffilier, câest Ă eux de le dĂ©cider sâils y trouvent un intĂ©rĂȘt.
606. Le caractĂšre volontaire est dĂ» au manque de moyens des Etats. Ceux-ci ont du mal Ă
financer les besoins nécessaires pour garantir une couverture sociale efficace. Elle repose
donc en majeure partie ou en totalitĂ© sur lâindividu. Dans les pays Ă forts revenus, le
financement de la protection sociale repose sur la fiscalitĂ© ou un systĂšme dâassurance
obligatoire dans lequel chaque ménage contribue par des cotisations sociales. Dans les pays
en développement, la part des dépenses publiques affectées à la protection sociale est trÚs
faible. Dans les pays africains en particulier, cette part représente moins de 3% de la richesse
des Etats486. Kadidiatou KADIO qualifie cette situation de « déficit de protection
sociale »487. A défaut pour les Etats des pays en développement de financer une grande
partie de la couverture sociale pour tout le monde, la meilleure solution revient Ă rendre
lâadhĂ©sion facultative, câest-Ă -dire volontaire. Dans ces pays du globe, rendre lâadhĂ©sion
obligatoire serait une erreur comme le souligne Soungalo Ouarza GOITA488. Dans un article
sur lâassurance maladie au Mali, lâauteur prĂ©sente lâĂ©chec dâune politique dâadhĂ©sion
obligatoire Ă lâassurance santĂ©, deux ans seulement aprĂšs son adoption.
607. Les Ă©checs des politiques mises sur pied par les Etats peuvent Ă©galement expliquer
pourquoi les lĂ©gislateurs africains prĂ©fĂšrent que lâaffiliation des travailleurs indĂ©pendants
soit volontaire. Il est important de faire remarquer que la question de la protection sociale
est au cĆur des prĂ©occupations des pouvoirs publics depuis de longues annĂ©es. Certains
485 Câest le as au Cameroun. A lâa ti le du d et ° / /PM du juillet fi a t les odalit s
dâappli atio de la loi ° / du d e e po ta t a age e t des p o du es de
recouvrement des crĂ©ances des cotisations, il est dit que « les p o oteu s dâe t ep ise, les t availleu s
indépendants, les artisans, les travailleurs ruraux, les travailleurs exerçants des professions libérales, les
travailleurs qui exercent pour leur propre compte une a tivit da s le se teu i fo el de lâ o o ie peuve t
sâaffilie au gi e dâassu a e volo tai e ».
486 J. REYSZ, « Le dĂ©veloppement de la sĂ©curitĂ© sociale sud-af i ai eâŻ: o igi es, a a es et i suffisa es », in
Revue française des affaires sociales, (26 avril 2018), no 1, p. 13-32.
487 K. KADIO, C. DAGENAIS et V. RIDDE, « Politique nationale de p ote tio so iale du Bu ki a FasoâŻ: o te te
dâ e ge e et st at gies des a teu s », in Revue française des affaires sociales, (26 avril 2018), no 1, p. 63-
84.
488S.O. GOITA, « Les diffi ult s de ise e pla e de lâassu a e aladie o ligatoi e au MaliâŻ: le as des
enseignants du supérieur », in Revue française des affaires sociales, (26 avril 2018), no 1, p. 199-204.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 303
Etats ont essayé de développer des politiques garantissant à tous (individus et ménages), et
notamment aux plus pauvres, lâaccĂšs Ă une protection sociale de base. Au Togo par exemple,
la loi du 21 février 2011489 a étendu la couverture sociale aux travailleurs indépendants du
secteur formel et ceux du secteur informel en instituant un rĂ©gime dâassurance comportant
trois branches de prestations : la branche des pensions, la branche des prestations familiales
et celle des risques professionnels, toutes gérées par la Caisse Nationale de Sécurité Sociales
(CNSS)490. Au BĂ©nin, une politique de couverture sociale mettant lâaccent sur la santĂ© a vu
le jour en 2008 sous le nom de RĂ©gime dâAssurance Maladie Universelle491. Elle sâest
malheureusement soldĂ©e par un Ă©chec peu de temps aprĂšs sa mise en Ćuvre. Plusieurs
années aprÚs, les pouvoirs publics éprouvent encore du mal à mettre sur pied un dispositif
satisfaisant, ce qui pousse Aguidioli KĂ©noukon Ă affirmer quâau BĂ©nin que « le droit en
matiÚre de santé et sécurité au travail au Bénin est entre lueurs et leurres »492. Ces échecs
sont, en partie, dus Ă lâexistence dâun secteur informel prĂ©pondĂ©rant493. Ils montrent
combien il peut ĂȘtre difficile de mettre sur pied une politique de protection sociale
satisfaisante Ă lâendroit de tous, et plus particuliĂšrement Ă lâendroit des travailleurs
indĂ©pendants. Pour ces derniers, bĂ©nĂ©ficier dâune protection peut coĂ»ter cher.
B. Une protection sociale insatisfaisante
608. Une couverture de risques limitĂ©e. Lâaffiliation dâun travailleur indĂ©pendant Ă un
organisme de protection sociale lui permet de bĂ©nĂ©ficier dâune couverture sociale. Les
risques couverts pourront varier en fonction de la législation de chaque pays mais aussi en
fonction des choix de lâentrepreneur. A ce sujet, Pierre Etienne KENFACK affirmait « ⊠les
mesures de protection des populations varient en fonction des niveaux de dĂ©veloppementâŠ
489 Loi n° 2011-006 du 21 février 2011 portant Code de sécurité sociale au Togo.
490 K. WOLOU, « La santé et la sécurité au travail au Togo », op. cit.
491 C. DEVILLE, F. FECHER et M. PONCELET, « LâAssu a e pou le e fo e e t du apital hu ai ARCH au
B i âŻ: p o essus dâ la o atio et d fis de ise e Ću e », in Revue française des affaires sociales, (26 avril
2018), no 1, p. 107-123.
492 C. AGUIDIOLI KENOUKON, « Le diffi ile e ossage du d oit de la sa t et de la sécurité au travail au
Bénin », op. cit.
493 M.N SHAKO., J. KOKOLOMAMI et Y. KLUYSKENS, « Mise e pla e dâu e i o-assurance santĂ© Ă Katako-
Ko e, RDCâŻ: o t ai tes et dĂ©fis », in Sante Publique, Vol. 30 (2018), no 6, p. 887-896.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 304
Tandis que certains pays industriels, riches, combinant la logique dâassistance et
dâassurance, Ă la faveur dâun processus de redistribution du revenu national, organisent
une protection contre la plupart de ces risques et au profit de lâensemble de leurs
populations, les pays en dĂ©veloppement, pour la plupart, utilisant une logique dâassurance,
se contentent de la prise en charge de certains risques et de la protection des personnes
contribuant au financement du systÚme »494. Chaque Etat, en fonction de ses moyens,
essaiera de mettre sur pied un dispositif qui garantit une protection minimale aux travailleurs
affiliés.
609. TrĂšs souvent, le dispositif de protection mis en place pour les travailleurs
indépendants est limité comparativement à celui des travailleurs salariés. Au Cameroun, par
exemple, lâaffiliation des travailleurs indĂ©pendants Ă la CNPS ne les assure pas contre les
mĂȘmes risques que ceux garantis aux travailleurs salariĂ©s. Ces derniers bĂ©nĂ©ficient dâune
protection contre les accidents de travail et maladies professionnelles. Ils ont droit aux
prestations familiales et Ă une assurance-pensions de vieillesse, dâinvaliditĂ© et de dĂ©cĂšs. Les
travailleurs indĂ©pendants, eux, nâont pas automatiquement droit Ă la mĂȘme couverture
sociale. Ils peuvent se prémunir contre les risques liés aux accidents de travail et maladies
professionnelles, Ă la retraite, Ă lâinvaliditĂ© et au dĂ©cĂšs495. Les prestations familiales ne
figurent pas dans la liste de risques contre lesquels il peut souscrire une protection. Il
semblerait mĂȘme que la loi ne lui offre pas la possibilitĂ© de sâen prĂ©munir. En effet, dans la
loi camerounaise n° 67-LF-7 du 12 juin 1967 instituant un Code des prestations familiales,
lâarticle 2 prĂ©cise que lâallocataire doit ĂȘtre un travailleur au sens de lâarticle 1er du code du
travail camerounais, câest-Ă -dire quâil doit exercer son activitĂ© sous lâautoritĂ© dâun
employeur en contrepartie dâune rĂ©munĂ©ration. Plus loin, cette loi ne fait aucune allusion
aux travailleurs indĂ©pendants, laissant penser que cette prĂ©rogative nâest rĂ©servĂ©e quâaux
494 P.E. KENFACK, « La modernisation du droit des risques professionnels au Cameron », in Du droit de la
santĂ© et de la sĂ©curitĂ© sociale au travail en Afrique subsaharienne, Pa is, LâHa atta , , p. -58.
495 Lâa ti le de la loi ° -11 du 13 juillet 1977 portant rĂ©paration et prĂ©vention des accidents de travail et
des maladies professionnelles, modifiĂ©e par la loi n° 80-05 du 14 juillet et lâa ti le 3 de la loi n° 84-007
du 04 juillet 1984 modifiant la loi n° 69-LF-18 d 10 novembre 1969 instituant un rĂ©gime dâassu a e -pensions
de ieillesse, dâi alidit et de d s o t e t lai e e t ue les t a ailleu s i dĂ©pendants ont la facultĂ© de
sâaffilie Ă la CNPâ o t e les is ues e tio s da s es diff e ts te tes et da s le ut de fi ie des
protections afférentes.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 305
travailleurs salariés. Ces prestations familiales comprennent496 des allocations prénatales,
des allocations de maternité, des prestations de frais médicaux de grossesse et de maternité,
des indemnitĂ©s journaliĂšres versĂ©es aux femmes salariĂ©es bĂ©nĂ©ficiaires dâun congĂ© de
maternité, des prestations familiales attribuées pour chaque enfant à charge de moins de
quatorze (14) ans.
610. Sâil est vrai que lâaccĂšs aux prestations familiales nâest rĂ©servĂ© quâaux travailleurs
salariĂ©s, les entrepreneurs eux, ne pourront pas en bĂ©nĂ©ficier. Les femmes chefs dâentreprise
ne pourront pas bénéficier des allocations versées en cas de grossesse et de maternité et on
peut se demander dâoĂč elles tireront leurs revenus pendant le temps oĂč elles seront obligĂ©es
dâarrĂȘter le travail. En ne leur permettant pas dâadhĂ©rer et de cotiser pour les prestations
familiales, la loi vient renforcer la précarité qui est la leur.
611. La jouissance des cotisations conditionnée. Le fait de souscrire une assurance et
payer des cotisations ne garantit pas toujours que lâentrepreneur bĂ©nĂ©ficiera dâune protection
au cas oĂč le risque surviendrait. On le voit en ce qui concerne la retraite, lâinvaliditĂ© et le
dĂ©cĂšs. Le bĂ©nĂ©fice dâune assurance-pension est subordonnĂ© Ă la rĂ©union de certaines
conditions.
En ce qui concerne la retraite, lâarticle 9 de la loi n° 90-063 du 19 dĂ©cembre 1990
qui modifie Ă©galement les dispositions de la loi de 1969 instituant le rĂ©gime dâassurance -
pensions de vieillesse, dâinvaliditĂ© et de dĂ©cĂšs, fixe Ă soixante (60) ans lâĂąge normal de la
retraite des travailleurs. Cependant, Ă lâalinĂ©a 2, il est stipulĂ© que cet Ăąge peut ĂȘtre abaissĂ© Ă
cinquante (50) ans pour lâassurĂ© volontaire qui veut prendre sa retraite anticipĂ©e. Pour
bĂ©nĂ©ficier dâune pension vieillesse, cet assurĂ© doit avoir Ă©tĂ© immatriculĂ© Ă la CNPS pendant
vingt (20) ans au moins, il doit avoir accompli au moins soixante (60) mois dâassurance au
cours des dix derniĂšres annĂ©es prĂ©cĂ©dant la date dâadmission Ă la retraite et il doit avoir
cessĂ© toute activitĂ© salariĂ©e. LâassurĂ© qui aura atteint soixante (60) ans sans satisfaire toutes
ces conditions ne bĂ©nĂ©ficiera pas dâune pension vieillesse. Toutefois, il aura droit Ă une
allocation de vieillesse sous forme de versement unique sâil justifie dâau moins douze mois
496 Art. 12 de la loi sur les prestations familiales.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 306
dâassurance et sâil a cessĂ© toute activitĂ© salariĂ©e497.
LâinvaliditĂ© est rĂ©gie par lâarticle 10 de la loi n° 90 citĂ©e ci-dessus. Ce texte considĂšre
comme invalide « lâassurĂ© qui, par suite de maladie ou dâaccident dâorigine
professionnelle, a subi une diminution permanente de ses capacités physiques ou mentales,
diminution dûment certifiée par le médecin traitant et approuvée par le Médecin Conseil de
la Caisse, le rendant incapable de gagner plus dâun tiers de la rĂ©munĂ©ration quâun
travailleur ayant la mĂȘme qualification peut se procurer par son travail ». DâaprĂšs ce mĂȘme
article, lâassurĂ© qui est atteint dâinvaliditĂ© avant lâĂąge de soixante (60) ans, a droit Ă une
pension dâinvaliditĂ© sâil a Ă©tĂ© immatriculĂ© Ă la CNPS depuis cinq (05) ans au moins et sâil a
accompli six (06) mois dâassurance au cours des douze (12) derniers mois civils qui
prĂ©cĂšdent le dĂ©but de lâincapacitĂ© qui a conduit Ă lâinvaliditĂ©. La pension dâinvaliditĂ© lui est
concĂ©dĂ©e Ă titre temporaire et son montant peut ĂȘtre rĂ©visĂ© Ă des Ă©chĂ©ances fixĂ©es par la
CNPS.
En cas de dĂ©cĂšs du titulaire dâune pension de vieillesse ou dâinvaliditĂ© ou en cas de
dĂ©cĂšs dâun assurĂ© qui, au moment de son dĂ©cĂšs, nâĂ©tait ni en retraite ni en situation
dâinvaliditĂ© mais remplissait les conditions requises pour bĂ©nĂ©ficier dâune pension de
vieillesse ou dâinvaliditĂ© ou qui justifiait dâau moins cent quatre-vingts (180) mois
dâassurance, ses survivants (conjoint (s) lĂ©gitime (s) non divorcĂ©s, enfants et ascendants du
premier degrĂ© Ă charge) ont droit Ă une pension de survivant. Si lâassurĂ© dĂ©cĂ©dĂ© ne
remplissait pas les conditions pour prĂ©tendre Ă une pension de vieillesse ou dâinvaliditĂ©, ses
survivants pourraient avoir droit Ă une allocation de survivant versĂ©e une seule fois sâil avait
au moins accompli cent quatre-vingts (180) mois dâassurance Ă son dĂ©cĂšs498.
612. Eu Ă©gard aux conditions quâil faut remplir pour tirer profit de ses cotisations, certains
entrepreneurs peuvent se demander si cela vaut la peine de sâaffilier auprĂšs de la CNPS499.
497 Voir : Commission provinciale du Contentieux de la Prévoyance sociale du Littoral, jugement n° 005 du 24
fĂ©vrier 2006, Samuel NDOUM c/CNPS ; Cou dâappel du Ce t e, a t ° /RG/ -07 du 06 novembre 2007,
Caisse Nationale de Prévoyance Sociale c/ Célestin ONGUENE.
498 Art. 12 et 13 de la loi n°90-063 du 19 décembre 1990.
499 En France, le paiement des cotisations sociales se fait au mĂȘme moment que la dĂ©claration du chiffre
dâaffai es. Elle peut do a oi lieu tous les ois ou tous les trimestres. Les micro-entrepreneurs sont soumis
au régime du micro social qui permet de calculer forfaitairement le montant des cotisations à payer. On
appli ue au hiff e dâaffai es d la u tau ui a ie e fo tio de la atu e des activitĂ©s exercĂ©es.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 307
En effet, on se rend compte que le fait de cotiser pendant un temps ne suffit pas Ă faire
profiter des avantages attachĂ©s Ă lâaffiliation. Il faut encore que cette affiliation respecte des
conditions liĂ©es au temps et Ă la durĂ©e pour donner lieu Ă des droits. Lâentrepreneur dont les
cotisations ne remplissent pas les conditions présentées ci-dessus ne pourra pas tirer profit
de son assurance-pension. Il serait peut-ĂȘtre plus attractif de donner aux affiliĂ©s la possibilitĂ©
de profiter de leurs cotisations proportionnellement à la durée de leurs cotisations. De cette
maniĂšre, lâentrepreneur qui sâaffilie serait certain de tirer un profit de ses cotisations, peu
importe le temps que cela durerait.
613. La nĂ©cessitĂ© dâune affiliation complĂ©mentaire. Pour bĂ©nĂ©ficier dâune protection
complĂšte qui garantisse Ă lâentrepreneur une prise en charge quelle que soit la durĂ©e des
cotisations, il peut ĂȘtre nĂ©cessaire pour les travailleurs indĂ©pendants de souscrire une
couverture sociale complĂ©mentaire auprĂšs dâun organisme privĂ©. Les organismes privĂ©s de
couverture sociale sont gĂ©nĂ©ralement des compagnies dâassurance. Le professeur Pierre
Etienne KENFACK, dĂ©crivant le systĂšme de protection, affirme quâil « met en perspective
deux grandes formes de prévoyance sociale : une extra-étatique et une autre étatique. La
prévoyance extra-étatique est celle qui est organisée par les compagnies privées
dâassurance⊠Elle est dominĂ©e par lâautonomie de la volontĂ©, elle ne prend en
considération que certains risques sociaux, ne couvre que quelques volontaires ⊠»500. Les
organismes privés vont donc offrir des services complémentaires à ceux que fournissent les
organismes Ă©tatiques. Profiter de ces services peut ĂȘtre trĂšs couteux pour lâentrepreneur.
614. Un cout important pour lâentrepreneur. Dans les organismes de lâEtat, les
modalitĂ©s de calcul des cotisations sont fixĂ©es par la loi. Au Cameroun, câest un dĂ©cret de
2016501 qui fixe les taux des cotisations sociales versées auprÚs de la CNPS. En ce qui
concerne les assurés volontaires, catégorie dans laquelle on classe les travailleurs
indĂ©pendants comme lâentreprenant, lâarticle 5 fixe le taux des cotisations sociales dues au
titre de la branche de pensions vieillesse, dâinvaliditĂ© et de dĂ©cĂšs Ă 8,4% de la base cotisable.
Le paiement des cotisations est régulier et périodique. La plupart du temps, il se fait
mensuellement. Les cotisations seront entiĂšrement Ă la charge de lâassurĂ© volontaire,
500 P.E. KENFACK, « La modernisation du droit des risques professionnels au Cameron », op. cit.
501 Décret n° 2016/072 du 15 février 2016 fixant les taux des cotisations sociales et les plafonds des
rĂ©munĂ©rations applicables dans les branches des prestations fa iliales, dâassu a e-pensions de vieillesse,
dâi alidit et de d s, des a ide ts de t a ail et des aladies p ofessio elles g es pa la CNPâ.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 308
autrement dit de lâentrepreneur lui-mĂȘme. MĂȘme si câest nĂ©cessaire et quâil y va de son
intĂ©rĂȘt, le paiement des cotisations peut ĂȘtre une charge importante pour les travailleurs
indĂ©pendants, en particulier lorsquâils ont de faibles revenus. Sâil faut ajouter Ă cela, le
paiement des cotisations dâune assurance complĂ©mentaire, cela devient davantage pesant.
615. Les législateurs de chaque Etat membre sont encouragés à prendre des mesures
incitatives au profit de lâentreprenant. Le dĂ©fi est grand car de telles mesures doivent pouvoir
garantir aux entreprenants une couverture sociale efficace malgré leurs faibles moyens.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 309
Conclusion du chapitre
616. Comme en matiĂšre fiscale, le statut social de lâentreprenant est encadrĂ© par les
dispositions du droit national de chaque Etat membre. Il peut donc varier dâun pays Ă un
autre. Dans ce chapitre, nous avons, comme dans celui qui prĂ©cĂšde, essayĂ© dâidentifier les
rĂšgles du droit social qui sâappliqueront Ă lâentreprenant. Celles-ci peuvent sâappliquer Ă lui,
dâune part en tant quâemployeur, dâautre part en tant quâemployeur travailleur indĂ©pendant.
617. En tant quâentrepreneur individuel, lâentreprenant est un potentiel employeur. A ce
titre, il peut ĂȘtre soumis aux dispositions du droit du travail en vigueur dans le pays oĂč il
exerce. En cas dâembauche de salariĂ©s, il devra tout dâabord veiller Ă respecter les rĂšgles qui
régissent les relations salariales. Grosso modo, la loi impose de respecter les droits des
travailleurs et de leur assurer de bonnes conditions au travail. Lâentreprenant devra, dans un
second temps, déclarer ses salariés et payer des cotisations en leur faveur auprÚs de
lâOrganisme de sĂ©curitĂ© sociale. Bien entendu, ceci ne sera possible quâaprĂšs
lâimmatriculation de son entreprise auprĂšs dudit organisme. Tout manquement Ă ces
différentes obligations entrainerait des sanctions diverses à son encontre.
618. Sous sa casquette dâentrepreneur, autrement dit en tant que travailleur indĂ©pendant,
lâentreprenant pourra, sâil le souhaite, personnellement bĂ©nĂ©ficier dâune couverture sociale.
On dĂ©plore, malheureusement, le fait que cette couverture soit limitĂ©e comparativement Ă
celle des travailleurs salariĂ©s. Pour jouir dâune protection optimale, lâentrepreneur peut ĂȘtre
amené à dépenser des sommes importantes.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 310
Conclusion du titre
619. Dans ce deuxiÚme titre, nous nous sommes intéressés aux rÚgles du droit national
applicables Ă lâentreprenant. Il en existe une quantitĂ© innombrable en rapport avec les
diverses branches du Droit des affaires. Dans le cadre de ce travail, nous nous sommes
limitĂ©s aux rĂšgles fiscales et sociales. Conscients de ce quâelles peuvent varier dâun pays Ă
un autre, nous nous sommes contentĂ©s dâesquisser une trame de ce qui pourrait ĂȘtre appliquĂ©
Ă lâentreprenant quel que soit son pays dâexercice. Bien Ă©videmment, diverses obligations
sont Ă sa charge mĂȘme si les Etats sont encouragĂ©s Ă prendre des mesures incitatives en sa
faveur. Reste Ă espĂ©rer quâils les prendront effectivement et que celles-ci (les mesures
incitatives) seront suffisamment attractives pour convaincre les entrepreneurs de supporter
le poids des nombreuses obligations qui peuvent exister.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 311
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
620. Lâentrepreneur qui entend se rĂ©gulariser en optant pour le statut de lâentreprenant
doit ĂȘtre conscient des implications de sa formalisation. Celle-ci sous-entend, quâen plus de
se déclarer de maniÚre officielle, il consent à se conformer aux rÚgles applicables à son
activitĂ©. Celles-ci sont nombreuses et Ă©manent dâautoritĂ©s diffĂ©rentes (communautaire,
nationale et, dans une certaine mesure, locale). Quelques-unes ont un caractĂšre gĂ©nĂ©ral, câest
Ă dire quâelles sont communes Ă tous les entrepreneurs individuels ; dâautres, en revanche,
sont spécifiques ou propres aux entreprenants.
621. Cela Ă©tant, celui qui entend adopter le statut de lâentreprenant se verra appliquer les
rĂšgles du droit communautaire issu de lâOHADA pour des questions relatives, entre autres,
à la comptabilité, au bail à usage professionnel, à la preuve la et à la prescription des actes
accomplis dans le cadre de lâactivitĂ©, aux procĂ©dures applicables en cas de difficultĂ©s, etcâŠ
Il pourra Ă©galement ĂȘtre assujetti aux dispositions Ă©dictĂ©es par dâautres Organisations
communautaires. En plus des obligations qui lui sont imposées par le droit OHADA, il
pourra ĂȘtre confrontĂ© Ă des exigences relatives, entre autres, Ă la concurrence, et la
consommation (normes encadrant la qualité des produits, la garantie de ceux-ci, les
pratiques anticoncurrentielles, etc), Ă lâenvironnement, aux assurances obligatoires Ă
souscrire, etcâŠ
622. En ce qui concerne les rĂšgles du droit national, lâentreprenant devra, entre autres, se
soumettre aux normes fiscales et sociales adoptĂ©es par les autoritĂ©s du pays oĂč il exerce son
activité. Il devra notamment se faire immatriculer auprÚs des Administrations en charge de
ces questions et, le cas Ă©chĂ©ant, sâacquitter de ses impĂŽts et cotisations sociales. A ces
obligations pourront sâajouter dâautres contraintes qui peuvent varier selon les pays et les
domaines dâactivitĂ©. On pourra, par exemple, lui exiger dâavoir un local ou un compte
courant, etcâŠ
623. Lâensemble de toutes ces rĂšgles met Ă la charge de lâentreprenant un nombre
important dâobligations que lâentreprenant est censĂ© connaĂźtre et quâil est tenu de respecter
sous peine dâĂȘtre sanctionnĂ©. Pour des personnes qui ont eu lâhabitude de dĂ©velopper des
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 312
activités lucratives de maniÚre spontanée ou pour celles qui souhaitent éviter des tracasseries
avec lâAdministration, lâensemble de toutes ces obligations est un poids susceptible de
dissuader les entrepreneurs.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 313
CONCLUSION GENERALE
624. Le travail que nous avons effectué dans le cadre de cette thÚse se rapporte au statut
de lâentreprenant crĂ©Ă© dans le droit OHADA lors de la rĂ©vision de lâAUDCG en dĂ©cembre
2010 et entrĂ© en vigueur dans les Etats parties de lâOrganisation depuis huit annĂ©es
aujourdâhui. Naissant dans un contexte Ă©conomique oĂč le secteur informel occupe une place
prĂ©pondĂ©rante, ce statut a pour principal but dâinciter les entrepreneurs en irrĂ©gularitĂ© Ă se
formaliser grùce à une "simple" déclaration au RCCM. Conformément aux dispositions de
lâarticle 30 alinĂ©a 1 de lâAUDCG, lâentreprenant est un entrepreneur individuel qui exerce
une activité commerciale, artisanale, civile ou agricole. Ce statut a donc pour cible des
opĂ©rateurs Ă©conomiques de tous les domaines dâactivitĂ©. Il est censĂ© leur offrir des facilitĂ©s
qui leur permettront dâacquĂ©rir rapidement, en toute simplicitĂ© et Ă moindre coĂ»t un statut
légal.
625. Ce statut Ă©tant calquĂ© sur le modĂšle de lâauto-entrepreneur français, on sâattendait Ă
le voir susciter de lâengouement dĂšs son entrĂ©e en vigueur auprĂšs des diffĂ©rents acteurs du
droit des affaires, notamment auprÚs des juristes et des principaux concernés, les
entrepreneurs du secteur informel. Malheureusement, câest tout lâinverse que lâon note. Le
statut tant vantĂ© par ses promoteurs, a fait lâobjet des critiques amĂšres de la part de la
doctrine. PrĂšs dâune dĂ©cennie aprĂšs son adoption, on note encore une certaine inertie de la
part des pouvoirs publics qui tardent Ă le mettre en Ćuvre. Dans les pays oĂč il a Ă©tĂ© mis en
Ćuvre, le statut ne semble pas avoir suscitĂ© lâengouement quâon lui espĂ©rait auprĂšs des
principaux concernĂ©s. Contrairement au statut de lâauto-entrepreneur qui attirait des foules
dĂšs son entrĂ©e en vigueur, il a faiblement retenu lâattention des entrepreneurs du secteur
informel. Au Bénin, sur les 3600 entrepreneurs sélectionnés lors de la phase
dâexpĂ©rimentation du statut, 424 seulement ont acceptĂ© dâendosser le statut dâentreprenant,
malgrĂ© les nombreux avantages quâon leur promettait. Ce chiffre qui ne reprĂ©sente mĂȘme
pas le quart du nombre de personnes visées lors de la phase pilote, laisse entrevoir ce qui
pourrait se passer Ă grande Ă©chelle et confirme, comme beaucoup le craignaient, lâinaptitude
du statut de lâentreprenant Ă sĂ©duire de maniĂšre massive les opĂ©rateurs du secteur informel
et les convaincre de passer « des ténÚbres à la lumiÚre ».
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 314
626. La question que nous nous sommes posée dans le cadre de ce travail était celle de
savoir si le statut de lâentreprenant rĂ©pond effectivement aux besoins qui ont justifiĂ© son
adoption. Il sâagissait en dâautres termes de savoir si ce nouveau statut est une rĂ©ponse
satisfaisante aux attentes des opérateurs du secteur informel.
627. Pour répondre à cette interrogation principale, nous avons procédé à une analyse des
textes qui encadrent le statut. Ceux-ci montrent quâĂ lâĂ©gard des entrepreneurs du secteur
informel, le statut de lâentreprenant gĂ©nĂšre plus de contraintes au lieu de les diminuer. Non
seulement son accĂšs est conditionnĂ© par des critĂšres dâĂ©ligibilitĂ© et lâaccomplissement de
formalitĂ©s, mais une fois quâil est acquis, il met Ă la charge de lâentrepreneur de nombreuses
obligations qui, trÚs vite, deviennent pesantes. Pour des opérateurs habitués à exercer
informellement, lâenjeu est de savoir si lâadoption de ce nouveau statut est plus avantageuse
que le fait de rester dans le secteur informel oĂč lâon jouit dâune grande "libertĂ©" et des
facilités à se soustraire aux contraintes des normes en vigueur.
628. Sur la base des limites que prĂ©sentent les avantages du statut de lâentreprenant, on
peut dire que ce statut ne répond pas de maniÚre satisfaisante aux attentes des entrepreneurs
du secteur informel. En effet, ce statut est censé apporter une solution aux problÚmes qui
motivent généralement les entrepreneurs à exercer informellement : sur les plans
administratif et financier, la dĂ©claration dâactivitĂ©, qui permet dâacquĂ©rir le statut, est
présentée comme une formalité simple et gratuite ; une fois que le statut est acquis,
lâentrepreneur devrait ĂȘtre soumis Ă des obligations allĂ©gĂ©es comparativement aux autres
entrepreneurs individuels ; le statut devrait lui faciliter lâaccĂšs au crĂ©dit. Mais ces diffĂ©rents
Ă©lĂ©ments, qui sâavĂšrent ĂȘtre les points forts du statut de lâentreprenant, sont loin de
solutionner les problÚmes invoqués par les entrepreneurs du secteur informel.
629. PremiÚrement, sur le plan administratif, on est forcé de constater que la déclaration
dâactivitĂ© prĂ©sente de fortes similitudes avec lâimmatriculation au RCCM qui, jusquâavant
2010 Ă©tait lâunique procĂ©dure de formalisation mise en Ćuvre par lâOHADA. Elle se fait Ă
lâaide dâun dossier comportant sensiblement les mĂȘmes informations et les mĂȘmes piĂšces
justificatives que celui dâune immatriculation au RCCM. Les deux formalitĂ©s sont
accomplies auprĂšs de la mĂȘme Administration, selon la mĂȘme procĂ©dure et suivant les
mĂȘmes dĂ©lais. Ce quâon dĂ©plore gĂ©nĂ©ralement dans les procĂ©dures administratives, câest
non seulement la complexité de celles-ci, mais aussi la lenteur et la corruption qui
caractĂ©risent les agents administratifs. La mise sur pied de la nouvelle procĂ©dure quâest la
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 315
dĂ©claration dâactivitĂ© ne traite pas de ces problĂšmes prĂ©cis. Cette procĂ©dure obĂ©Ăźt aux mĂȘmes
rĂšgles que lâimmatriculation au RCCM et, par consĂ©quent, ne rassure pas les entrepreneurs
quant aux craintes quâils Ă©prouvent vis-Ă -vis de lâAdministration.
En outre, il est important de prĂ©ciser que la dĂ©claration dâactivitĂ© nâest pas la seule
formalitĂ© que lâentrepreneur devra accomplir. Bien quâelle permette Ă lâentrepreneur
dâobtenir le statut dâentreprenant, elle nâest pas lâunique dĂ©marche Ă effectuer pour crĂ©er
une entreprise. Lâentrepreneur devra Ă©galement accomplir des dĂ©marches auprĂšs dâautres
Administrations, telles que le fisc, le cas Ă©chĂ©ant lâAdministration en charge des questions
sociales, etc⊠Le fait de se dĂ©clarer au RCCM ne le dispense pas dâaccomplir les autres
formalités prescrites par la loi, non seulement celles qui sont nécessaires pour la création
dâune entreprise, mais aussi celles qui sont propres Ă chaque type dâactivitĂ© (artisanales,
agricoles, libérales, etc.). Pour les entrepreneurs qui exercent une activité civile, déclarer
leur activitĂ© au RCCM pourrait mĂȘme ĂȘtre une formalitĂ© supplĂ©mentaire.
Lâaccomplissement de la dĂ©claration dâactivitĂ© ne garantit pas quâils ne soient plus tenus
dâaccomplir les formalitĂ©s que la loi nationale prescrit dâeffectuer.
630. DeuxiĂšmement, le fait que la dĂ©claration dâactivitĂ© ne soit quâune formalitĂ© parmi
plusieurs autres a Ă©galement des consĂ©quences sur le plan financier. Lâentrepreneur doit faire
la différence entre le coût de cette formalité en particulier et celui de toute la procédure de
crĂ©ation de lâentreprise. La gratuitĂ© de la dĂ©claration dâactivitĂ© nâinduit pas la gratuitĂ© de la
procĂ©dure complĂšte. Il est possible que lâentrepreneur ait Ă faire face Ă certains frais.
631. TroisiĂšmement, en ce qui concerne les obligations, on est forcĂ© dâadmettre que les
allĂšgements auxquels le statut dâentreprenant donne droit, nâexemptent pas lâentrepreneur
des devoirs que la loi lui impose. Pour ceux qui ont dĂ©libĂ©rĂ©ment choisi dâexercer dans
secteur informel afin de soustraire aux obligations légales, ces allÚgements ne présentent
pas un grand intĂ©rĂȘt. En effet, lâexistence dâassouplissements ne supprime pas les
obligations proprement dites. Bien quâelles soient attĂ©nuĂ©es, elles demeurent obligatoires et
lâentrepreneur est tenu de les respecter.
La formalisation ne consiste pas seulement Ă se faire enregistrer en vue dâobtenir un
statut légal, mais aussi à se conformer aux normes en vigueur dans la société. Jean-Philippe
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 316
PEEMANS parle de la « formalisation des comportements »502. La régularisation des
entrepreneurs du secteur informel ne consiste pas seulement Ă les inscrire sur des registres
officiels, mais aussi à leur faire respecter les rÚgles dans leur généralité. Si les entreprises
ne respectent pas les normes, on demeure dans lâinformalitĂ© car celle-ci se vit Ă diffĂ©rents
niveaux. Or, ces normes sont nombreuses et diverses. Lâentrepreneur du secteur informel
qui opte pour le statut de lâentreprenant doit ĂȘtre conscient quâil existe des rĂšgles qui
encadrent lâexercice de chaque activitĂ© et, il doit ĂȘtre prĂȘt Ă se soumettre Ă ces rĂšgles. Câest
le prix Ă payer pour exercer Ă la lumiĂšre. Toute violation de ces rĂšgles lâexposerait Ă des
sanctions diverses (civiles, pénales et parfois administratives).
Outre ces obligations auxquelles il est tenu de se conformer, celui qui optent pour le
statut de lâentreprenant devra subir certaines restrictions. Pour ne pas lâavantager au
dĂ©triment de ceux qui exercent sous les statuts classiques dâentrepreneurs individuels, le
lĂ©gislateur lui impose des restrictions. Bien quâil ait un statut lĂ©gal, il ne peut pas jouir de
certains droits.
Ces restrictions, ajoutées aux multiples et diverses obligations qui pÚsent sur
lâentreprenant, peuvent ĂȘtre dissuasives, notamment pour des entrepreneurs qui ont su
trouver le moyen de sâen sortir dans le secteur informel. Dans ce secteur, ils nâont pas Ă se
soucier de quelques restrictions, mais en plus de cela, ils jouissent dâune certaine "libertĂ©".
Ils peuvent, par exemple, dĂ©cider de commencer, suspendre ou dĂ©finitivement arrĂȘter une
activitĂ© quand, oĂč et comme ils veulent sans avoir Ă accomplir une quelconque formalitĂ©.
Ils peuvent Ă©galement dĂ©cider de ne pas tenir une comptabilitĂ© ou dâen tenir une selon leurs
propres rĂšgles. On doute fort que de nombreux entrepreneurs du secteur informel acceptent
de renoncer Ă ces facilitĂ©s pour supporter les contraintes quâimpose lâadoption du statut de
lâentreprenant.
632. QuatriÚmement, en ce qui concerne la question du crédit, force est de remarquer
quâelle est la mĂȘme pour tous les entrepreneurs. Ce qui importe aux potentiels prĂȘteurs, câest
la capacitĂ© pour lâemprunteur Ă le dĂ©sintĂ©resser. Ceci soulĂšve la question des garanties du
remboursement. Lâexigence des garanties sâimpose Ă tous les entrepreneurs, quel que soit le
502 J.-P. PEEMANS, « Quelle pla e pou les «⯠o o ies populai esâŻÂ» da s le «âŻd eloppe e t elâŻÂ» du XXIe
si le� U e uestio ou e te e lieu de postfa e », in Mondes en développement, vol. n° 181 (27 mars 2018),
no 1, p. 103.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 317
statut sous lequel ils exercent (entreprise individuelle ou société, entreprenant ou
entrepreneur classique). Câest un frein pour la grande majoritĂ© des entrepreneurs possĂ©dant
un statut lĂ©gal. Exercer sous un statut lĂ©gal comme celui de lâentreprenant est prĂ©alable
indispensable, mais cela ne lui garantit pas lâaccĂšs au financement. Pour espĂ©rer en avoir
un, lâentrepreneur doit jouir de garanties de remboursement ou, du moins, ĂȘtre porteur dâun
projet sĂ©rieux et rentable qui, on lâespĂšre, pourrait sĂ©duire les prĂȘteurs.
633. A la fin de ce travail sur lâentreprenant, nous pouvons dire que ce statut nâapporte
pas la rĂ©ponse adĂ©quate au problĂšme quâil est censĂ© solutionner. Contrairement au statut de
lâauto-entrepreneur qui a Ă©tĂ© un succĂšs en France, le statut de lâentreprenant est un Ă©chec
dans lâOHADA eu Ă©gard Ă lâobjectif principal pour lequel il a Ă©tĂ© crĂ©Ă©. Pour sâen convaincre,
il suffit de considĂ©rer les contextes dans lesquels les deux statuts ont Ă©tĂ© mis en Ćuvre, les
personnes quâils ciblaient et les objectifs qui ont motivĂ© leur adoption. En ce qui concerne
le contexte, le statut de lâauto-entrepreneur a Ă©tĂ© crĂ©Ă© dans un contexte oĂč lâinformalitĂ©,
connue sous lâappellation de « travail au noir », est sĂ©vĂšrement rĂ©primĂ©e et, de ce fait reste
exceptionnelle. Le statut de lâentreprenant par contre, est adoptĂ© dans un contexte dominĂ©
par lâinformel. En ce qui concerne les objectifs poursuivis Ă travers les statuts et les
personnes ciblĂ©es par ceux-ci, le statut de lâauto-entrepreneur a Ă©tĂ© mis sur pied pour inciter
plus de personnes Ă entreprendre, il sâadresse principalement Ă des personnes qui ne se sont
pas encore lancĂ©es dans les affaires. Le statut de lâentreprenant lui, est mis sur pied pour
inciter des personnes à se formaliser, il cible en priorité des personnes qui ont déjà démarré
une activitĂ©. Il est Ă©vident que les effets ne peuvent pas ĂȘtre les mĂȘmes pour les personnes
ciblées par ces deux statuts.
Dans un contexte comme la France oĂč, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il est difficile
dâĂ©chapper aux normes, la simplification des formalitĂ©s et lâallĂšgement des obligations
apportĂ©s par la loi LME sont de rĂ©els avantages qui permettent dâaffirmer quâavec le statut
de lâauto-entrepreneur, on est vĂ©ritablement passĂ© de la difficultĂ© Ă la facilitĂ©. Dans
lâOHADA, câest tout le contraire car, pour des entrepreneurs qui nâĂ©taient soumis Ă aucune
rĂšgle, lâadoption du statut de lâentreprenant va marquer le passage de la facilitĂ© Ă la rigueur,
de la simplicité à la difficulté.
634. Pour la majorité des opérateurs du secteur informel, constituée de personnes qui
développent des activités génératrices de revenus de maniÚre spontanée sans se préoccuper
des lois en vigueur, le nouveau statut ne prĂ©sente aucun intĂ©rĂȘt. Bien au contraire, il est une
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 318
source de contraintes dont plusieurs voudront, et pourront, se passer. Pour ceux qui, pour
une raison ou pour une autre (financiÚre, administrative ou légale), ont délibérément choisi
dâexercer de maniĂšre informelle, ce statut propose des rĂ©ponses qui ne font pas disparaĂźtre
les problĂšmes rencontrĂ©s. Il appartiendra Ă chaque entrepreneur dâapprĂ©cier ce quâil a Ă
gagner ou Ă perdre en optant pour le statut de lâentreprenant. Mais de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, tout
laisse penser que le statut ne pourra pas massivement attirer les entrepreneurs du secteur
informel.
635. On réalise encore combien il est difficile de lutter contre le secteur informel dans les
pays en développement en général et, plus précisément dans les Etats membres de
lâOHADA. Lâadoption du statut de lâentreprenant, Ă©niĂšme solution face au phĂ©nomĂšne de
lâinformalitĂ©, est la preuve que le secteur informel a la peau dure. LâĂ©laboration dâun statut
offrant des avantages ne peut suffire Ă combattre le phĂ©nomĂšne de lâinformalitĂ©. Câest un
mode de vie ancrĂ© dans les habitudes, des maniĂšres de faire quâil est difficile de changer.
Cependant, elles ne doivent pas ĂȘtre ignorĂ©es. Il faut admettre quâil existe une dimension
que le Droit seul ne peut pas apprĂ©hender. Les mentalitĂ©s sont un obstacle majeur Ă
lâefficacitĂ© dâun dispositif juridique de qualitĂ©. Elles ont sans doute contribuĂ© Ă lâĂ©chec des
politiques jadis mises sur pied par les Etats. La mise sur pied dâun statut lĂ©gal tel que
lâentreprenant est une rĂ©ponse juridique Ă un phĂ©nomĂšne social dont les causes ne sont pas
toujours faciles Ă cerner. On se demande sâil ne faudrait pas recourir Ă la rĂ©pression pour
plus dâefficacitĂ©.
636. Il faut cependant souligner que, si le statut de lâentreprenant est un Ă©chec au regard
de lâobjectif principal qui a justifiĂ© son adoption, il peut ĂȘtre un outil intĂ©ressant pour des
personnes qui sont animées de sérieuses ambitions entrepreneuriales, pour des personnes
qui souhaitent effectuer un "entrepreneuriat dâopportunitĂ©"503 . Pour ce type dâentrepreneur,
le statut dâentreprenant peut vĂ©ritablement servir de tremplin pour dĂ©buter en toute rĂ©gularitĂ©
dans le monde des affaires. Câest Ă lâĂ©gard de cette catĂ©gorie de personnes que les
législateurs communautaire et national doivent travailler à améliorer le statut de
lâentreprenant504. Pour renforcer son attractivitĂ©, un statut fiscal et social avantageux et
503 E. VIVANT, « Les jeunes diplÎmés auto-entrepreneurs », op. cit. Article accessible via le lien
https://isidore.science/document/10670/1.15wlsg.
504 Sur cette question, voir : R. GNIDOUBA LANOU, « Le ou eau statut de lâe t ep e a t du d oit OHADA :
une réforme inachevée ? », in Bulletin de droit économique, vol. 2 (2017), p.4 ; B. ESSENGUE MVELE, Le
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 319
propre aux entreprenants doit ĂȘtre mis sur pied. Des mesures de protection du patrimoine
doivent Ă©galement ĂȘtre Ă©laborĂ©es en faveur des trĂšs petits entrepreneurs individuels. Par
ailleurs, il faudra trouver des solutions aux difficultés susceptibles de se poser lors de la
mise en Ćuvre du statut. En effet, la volontĂ© du lĂ©gislateur dâadopter le statut de
lâentreprenant comme une solution pour tous les entrepreneurs du secteur informel, civils et
commerçants, nâest pas sans consĂ©quences.
637. Sur le plan juridique, on est passé du droit commercial au droit des activités
Ă©conomiques. Sur le plan administratif, le RCCM nâest plus seulement un registre de
commerce comme son nom laisse penser, mais un registre des activités économiques. Mais
au lieu dâaccueillir les inscriptions des entrepreneurs civils seulement lorsquâils exercent
sous le statut de lâentreprenant, le lĂ©gislateur devrait gĂ©nĂ©raliser leur inscription dans ce
registre quel que soit le statut sous lequel ils exercent. Les entrepreneurs civils se voient
appliquer les rĂšgles du droit commercial relatives Ă la preuve et Ă la prescription tant quâils
sont inscrits au RCCM comme entreprenants. Une fois quâils perdent ce statut, ce sont les
rĂšgles du Droit civil encadrant ces deux matiĂšres qui leur sont applicables. Les entrepreneurs
commerçants, eux, restent assujettis aux dispositions de la loi communautaire quel que soit
le statut sous lequel ils exercent. Cette différence de traitement est difficile à justifier mais
elle est due au fait quâon ait appliquĂ© aux entrepreneurs civils une solution qui, jusquâici
sâappliquait aux commerçants. En effet, avant la crĂ©ation du statut de lâentreprenant,
lâinscription au RCCM par le biais de lâimmatriculation Ă©tait la formalitĂ© Ă accomplir par
les commerçants pour se rĂ©gulariser. Prescrire la dĂ©claration dâactivitĂ©, une autre maniĂšre
de sâinscrire au RCCM, se conçoit parfaitement pour les trĂšs petits commerçants.
Cependant, pour quâelle convienne aux entrepreneurs civils, il aurait fallu, au prĂ©alable,
quâils soient tenus de se faire immatriculer au RCCM. Autrement dit, il aurait fallu que
lâimmatriculation au RCCM soit pour eux la dĂ©marche Ă effectuer pour exister
formellement. La dĂ©claration dâactivitĂ© permet Ă une partie seulement des entrepreneurs
civils de se faire inscrire au RCCM et cette inscription peut ĂȘtre limitĂ©e. Pour Ă©viter les
problĂšmes que la perte du statut dâentreprenant peut engendrer, notamment Ă lâĂ©gard des
entrepreneurs civils, on devrait peut-ĂȘtre songer Ă faire du RCCM le seul registre de
formalisation des entrepreneurs, quels que soient la nature de leurs activités et le statut sous
caractĂšre clair-obscur du ouveau statut de lâe t ep e a t e d oit OHADA, MĂ©moire, UniversitĂ© de YaoundĂ©
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SARL, SA-Togo, Société Midnight Sun SA, Société BATIMEX-Togo c/ UDECTO, réf.
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FALL c/ Cheick Talibou DIBA et autres, réf. Ohadata J-05-269.
TRHC de Dakar, jugement 4025 du 27 aout 2002, MinistĂšre Public et Toutelectric c/ Papa
Aly GUEYE, réf. Ohadata J-05-272.
TRHC Dakar, n° 1995 du 3 décembre 2003, M. SERIGNE MBOUP c/ M. Sylla
NDAKHTE, réf. Ohadata J-04-275.
Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 153 du 22 janvier 2002, Kamil AKDAR
c/ Mohamed FETTOUNY, réf. Ohadata J-05-58.
TRHC de Dakar, jugement commercial n° 149 du 8 juillet 2005, affaire la Compagnie de
lâAfrique Occidentale SA (CBAO) c/ SociĂ©tĂ© Mauritano-SĂ©nĂ©galaise dâinvestissement.
Cour dâappel de Dakar, arrĂȘt n° 222 du 12 avril 2001, Abdoulaye DRAME es qualitĂ©
liquidateur de la Nationale dâAssurance c/ CBAO SA, Mamadou NDIAYE et 24 autres, rĂ©f.
Ohadata J-06-59.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 341
Cour dâappel de Dakar, arrĂȘt du 20/01/2003, El HADJI KHOUMA GUEYE c/
Mouhamadou BAMBA GUEYE, réf. Ohadata J-03-147.
RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo
Tribunal de commerce de Pointe-Noire, jugement avant dire droit n° 171 du 12 avril 2002,
Compagnie Aérienne Inter Transport c/ divers créanciers, réf. Ohadata J- 13-97.
Tribunal de commerce de Pointe-Noire, jugement n° 121 du 17 mars 2010, Centro
Riparazioni Piacentino c/ Emmanuel GOMA Ús nom et Ús qualité de la Société COFIBOIS,
réf. Ohadata J-13-95.
Tribunal de commerce de Pointe-Noire, Ordonnace de référé n° 432 du 12 octobre 2010,
affaire Dame PhilomÚne MPIKA, réf. Ohadata J- 13-98.
Cameroun
Commission provinciale du Contentieux de la Prévoyance sociale du Littoral, jugement n°
005 du 24 février 2006, Samuel NDOUM c/CNPS.
TGI du Nyong et Kelle, jugement n° 32/Civ /TGI du 21 novembre 2011, Caisse de Crédit
et dâEpargne pour le DĂ©veloppement (CACED SA), rĂ©f. Ohadata J-13-213.
TGI du Wouri, jugement civil n° 159 du 1er décembre 2005, affaire Société anonyme les
transports BLAT et Cie, réf. Ohadata J-12-59.
TGI du Wouri, jugement civil n° 030 du 6 octobre 2005, affaire Société automobile
camerounaise (SACAM SARL), réf. Ohadata J- 12-58.
TGI du Noun, jugement n° 21/CIV/TGI/2006-2007, SDV Cameroon c/ Société
dâexploitation forestiĂšre du Noun (SEFN), rĂ©f. Ohadata J-09-242.
Cour dâappel du Littoral, arrĂȘt n° 040/C du 16 mars 2012, Etablissement BUT c/ Moulins
dâAfrique, rĂ©f. Ohadata J-14-14.
Cour dâappel du Littoral, arrĂȘt n° 176/C du 05 novembre 2012, Madame SONKE nĂ©e
TCHUENTE Florence c/ SUMOCA SA, réf. Ohadata J-14-03.
Cour dâappel du Littoral, n° 39 du 08 janvier 2003, Dame JOUMANI nĂ©e NGANSI ThĂ©rĂšse
c/ ELESSA NGOUNBO Richard et autres, réf. Ohadata J-06-100.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 342
Cour dâappel du Littoral, arrĂȘt n° 178/REF du 27 octobre 2008, sieur Lottin ELIMBI c/ sieur
Bernard ABWA, réf. Ohadata J-10-270.
Cour dâappel du Littoral, arrĂȘt n° 96/REF du 28 juin 2003, Jean-Pierre POUAKAM c/
TOKO NOBAT, réf. Ohadata J-06-177.
Cour d'appel du Centre, arrĂȘt n° 380 /CIV/2008 du 05/11/2008, KAGO LELE Jacques c/
TCHOUPO Christophe, réf. Ohadata J-10-134.
Cour dâappel du Centre, arrĂȘt n° 321/RG/06-07 du 06 novembre 2007, Caisse Nationale de
Prévoyance Sociale c/ Célestin ONGUENE.
Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 45/S du 25 avril 1974, Claude MAZIOH c/ la S.E.A.C.
Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 69/S du 2 fĂ©vrier 1971, Commune mixte rurale dâOkola c/ Vendelin
EMANA.
Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 1/S du 10 octobre 1996, Bureau rĂ©gional pour la recherche
géologique et miniÚre c/ Docteur Pierre BOUGHA ;
Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 15 du 28 novembre 1974, pasteur Dick EugĂšne ANDJOH c/ Eglise
Baptiste du Cameroun
Cour SuprĂȘme, arrĂȘt n° 66/S du 30 mai 1972, affaire Me NKILI
Gabon
TPI de Libreville, jugement-répertoire n° 001/2000-2001 du 5 janvier 2001, Samson
NGOMO c/ Jean Géo PASTOURET et B.P.G, réf. Ohadata J-04-135.
Cour dâappel de Port Gentil, arrĂȘt du 9 dĂ©cembre 1999, SociĂ©tĂ© KOSSI c/ Paroisse Saint-
Paul des Bois, obs. Joseph ISSA-SAYEGH, réf. Ohadata J- 02-45.
Cote dâIvoire
Cour dâappel dâAbidjan, 5Ăšme Chambre civile et commerciale B, arrĂȘt n° 255 du 26 mai
2011, SGBC c/ CI rue des pĂȘcheurs, rĂ©f. Ohadata J-13-18.
Cour dâappel dâAbidjan, Chambre civile et commerciale, arrĂȘt n° 633 du 11 juin 2004,
Société DAFNE et un autre c/ SGBI CI, réf. Ohadata J-05-261.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 343
Cour dâappel dâAbidjan, Chambre civile et commerciale, arrĂȘt n° 436 du 15 avril 2005, B.Y
c/ SIFCA-SA, réf. Ohadata J-06-36.
Cour dâappel dâAbidjan, ArrĂȘt n° 222 du 28 fĂ©vrier 2003, Fall AZIZ c/ Claude ZAKPA, rĂ©f.
Ohadata J-03-243.
Cour dâappel dâAbidjan, n° 811 du 08 juillet 2003, SociĂ©tĂ© SOCOPIM c/ Ayants-droit de
feu Christophe ADOU KOUASSI, réf. Ohadata J-03-331.
Cour dâappel dâAbidjan, n° 689 du 5 juin 2001, M. Mohamed BARIE c/ M. Luc KOUAME
ADUO, réf. Ohadata J-03-321.
Cour dâappel dâAbidjan, arrĂȘt n° 1009 du 14 novembre 2000, SociĂ©tĂ© Transports Saint
Christophe c/ SERIFA, réf. Ohadata J-04-116.
Cour suprĂȘme de Cote dâIvoire, chambre judiciaire de cassation, arrĂȘt n° 122 du 04 mars
2004, Joseph Emile KHARRATH, Edouard Emile KHARRATH, Khalil Emile
KHARRATH c/Anani ADJAOVI TITIGA, Actualités juridiques n° 49, 2005, p. 218, réf.
Ohadata J-05-351.
BĂ©nin
TPI de Cotonou, jugement contradictoire n° 018/2Úme chambre commerciale du 10 mai 2001,
Odette ADJANOHOUN et héritiers Mathias ASSOURANOU, réf. Ohadata J-04-288.
DĂ©cisions de la CCJA
CCJA, arrĂȘt n° 032/2011 du 08 dĂ©cembre 2011, SociĂ©tĂ© Congolaise Arabe Libyenne de Bois
dite SOCALIB c/ Collectif des Travailleurs de la SOCALIB, réf. Ohadata J-13-153.
CCJA, arrĂȘt n° 091/2014 du 31/07/2014, NDOYE LOURY Athanase c/ SociĂ©tĂ© Equatoriale
de Construction (SOECO SA), ING Consulting SARL, Félix BONGO, réf. Ohadata J-15-
182.
CCJA, arrĂȘt n° 022/2011 du 06 dĂ©cembre 2011, La Compagnie CotonniĂšre Ivoirienne c/
Tiemoko KOFFI et Alain GUILLEMAIN, réf. Ohadata J- 13-150.
CCJA, 2Ăšme chambre, arrĂȘt n° 061/2013 du 25 juillet 2013, SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale de Banque en
CĂŽte dâIvoire (SGBCI) c/ La Compagnie Africaine de Transit dite CATRANS, rĂ©f. Ohadata
J-15-62.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 344
CCJA, 2Ăšme chambre, arrĂȘt n° 014/2015 du 02 avril 2015, SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale de Banque en
CĂŽte dâIvoire (SGBCI) c/ SociĂ©tĂ© Civile immobiliĂšre rue des PĂȘcheurs, rĂ©f. Ohadata J-16-
14.
CCJA, 2Ăšme Chambre, n° 008/2016 du 21 janvier 2016, BIAO-CĂŽte dâIvoire c/ Matenin
TRAORE épouse COULIBALY, réf. Ohadata J-16-217.
CCJA, 1Úre chambre, n° 164/2015 du 17 décembre 2015, Société des Transports abidjanais
dite SOTRA SA c/ SociĂ©tĂ© de transformation dâHĂ©vĂ©as dite SOTHEV SA, rĂ©f. Ohadata J-
16-157.
CCJA, arrĂȘt n°018/2011 du 29 Novembre 2011, SociĂ©tĂ© CATRAM c/ Paul DIHA, rĂ©f.
Ohadata J-13-162.
CCJA, 3Ăš ch., arrĂȘt n° 191/2015 du 23 dĂ©cembre 2015, Tine ATCHIMOU c/ Les Ayants-
droit de feu Yao NDRI AKA, réf. Ohadata J-16-184.
CCJA, arrĂȘt n°013/2011 du 29 novembre 2011, SociĂ©tĂ© TOTAL FINA ELF TOTAL
BURKINA c/ Edith KABORE, réf. Ohadata J-13-148.
CCJA, 2Ăšme chambre, arrĂȘt n°36 du 03 juillet 2008, SociĂ©tĂ© Burkina et Shell c/0, rĂ©f. Ohadata
J-09-75.
CCJA, 3Ăšme chambre, arrĂȘt n° 017/2018 du 25 janvier 2018, OBAME NGUEMA Richard c/
SARL Orient BĂątiment.
CCJA, arrĂȘt n° 008/2017 du 26 janvier 2017, SociĂ©tĂ© GETMA Togo SA, SociĂ©tĂ©
MANUPORT Togo SA c/ Etablissement Comptoir International pour le Commerce (CIC).
CCJA, arrĂȘt n° 115/2018 du 31 mai 2018, SociĂ©tĂ© des Transports Abidjanais (SOTRA) c/
Société Industrie Diffusion.
CCJA, 3Ăšme chambre, arrĂȘt n° 012/2018 du 25 janvier 2018, Eglise de JĂ©sus Christ des Saints
des derniers jours c/ Société Atlantique Technologie SA.
DĂ©cisions hors Etats membres de lâOHADA
Cass. Com., 19 juin 1984, Pankanin c/ Caisse des congés payés de la région Nord.
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 345
Cass. 23 déc 2002, JTT, 2003, p. 271.
Cass. 28 avril 2003, JTT, 2003, p. 261.
Cass. Soc. 8 fév. 2005.
Com. 15 mars 2005, Bull. civ. IV n° 56, p. 60, D. 2005. obs. F-X Lucas, pourvoi n° 03-
19.359.
Cass. 20 mars 2006, RG, n° S.05.0069.N.
Cass. Soc. 6 mai 2015.
Cass. Com., 2 nov. 2008 : n°07 16.998.
Cass. Crim., 18 mai 2011, réf. Ohadata J-13-199.
Cass.fr.civ. 3Ăš, 9 juillet 2014, pourvoi n° 12-29329, Bull. 2014, LâEssentiel Droit des
contrats, 7 octobre 2014.
Cass. Soc. 6 mai 2015.
CASS. 1Úre CIV., 6 DEC. 2018, DEFRENOIS FLASH 14 JANV. 2019, N° 148S8, P. 26.
Cons Const., QPC, 30 novembre 2012, n° 2012- 285.
CJCE, affaire n° 267/99 du 11 octobre 2001, Christiane ADAM c/ Administration de
lâenregistrement et des douanes, en ligne : http://eur-lex.europa.eu
TEXTES NORMATIFS
Pays membres de lâOHADA
Avant-projet dâacte uniforme relatif au Droit du travail de 2006
ArrĂȘtĂ© conjoint n° 035/METPS/MINFI du 12 juin 2002, fixant les modalitĂ©s dâapplication
de la loi n° 2001 â 017 du 18 dĂ©cembre 2001 portant rĂ©amĂ©nagement des procĂ©dures de
recouvrement des cotisations sociales, modifiĂ© et complĂ©tĂ© par lâarrĂȘtĂ© conjoint METPS/
MINFI n° 49 du 11 octobre 2002 au Cameroun
Constitution de RĂ©publique du Congo (2015)
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 346
Circulaire n°001 du 21 janvier 2013 de la Ministre de la Justice sur lâimmatriculation au
RCCM en RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo
Circulaire interministérielle n° 001/MINJUSTICE/MINPMEESA/MINFI du 30 mai 2012
relative Ă la procĂ©dure devant les Centres de FormalitĂ©s de CrĂ©ation dâEntreprises au
Cameroun
Décret n°67-237 du 23 mars 1967 relatif au Registre de commerce aux Comores
Décret n° 76-321 du 2 août 1976 confiant la gestion des risques professionnels à la Caisse
Nationale de Prévoyance Sociale sur toute l'étendue de la République du Cameroun.
Décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critÚres permettant de déterminer la
catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et
Ă©conomique
DĂ©cret n° 2010/2996/PM du 03 novembre 2010 fixant les modalitĂ©s dâapplication de la loi
n° 2007/004 du 03 juillet 2007 rĂ©gissant lâartisanat au Cameroun
Décret n° 2014-194 du 13 mars 2014 portant modification du décret n° 2009-542 du 20
octobre 2009 portant création, attribution et fonctionnement du Guichet Unique des
Formalités des Entreprises (GUFE) au Bénin
DĂ©cret n° 2015/2527/PM du 16 juillet 2015 fixant les modalitĂ©s dâapplication de la loi n°
017/2001 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement
des créances des cotisations
Décret n° 2016/072 du 15 février 2016 fixant les taux des cotisations sociales et les plafonds
des rĂ©munĂ©rations applicables dans les branches des prestations familiales, dâassurance-
pensions vieillesse, dâinvaliditĂ© et de dĂ©cĂšs, des accidents du travail et des maladies
professionnelles gérées par la CNPS au Cameroun
Loi n° 77-11 du 13 juillet 1977 portant réparation et prévention des accidents de travail et
des maladies professionnelles, modifiĂ©e par la loi n° 80-05 du 14 juillet 1980 et lâarticle 3
de la loi n° 84-007 du 04 juillet 1984 modifiant la loi n° 69-LF-18 d 10 novembre 1969
instituant un rĂ©gime dâassurance-pension de vieillesse, dâinvaliditĂ© et de dĂ©cĂšs au Cameroun
Loi ° 98-037 du 22 novembre 2001 portant code de lâartisanat en RĂ©publique du BĂ©nin
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 347
Loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au Cameroun
Loi n° 2007/004 du 03 juillet 2007 rĂ©gissant lâartisanat au Cameroun
Loi n° 2011-006 du 21 février 2011 portant Code de sécurité sociale au Togo
Loi n° 2014-338 du 05 juin 2014 relative Ă lâartisanat en RĂ©publique de CĂŽte dâIvoire
Loi n° 2015 /018 du 21 dĂ©cembre 2015 rĂ©gissant lâactivitĂ© commerciale au Cameroun
Ordonnance n° 73-17 du 22 mai 1973 portant organisation de la Prévoyance Sociale,
modifiée par la loi n° 84-006 du 04 juillet 1984 au Cameroun
France
Code rural et de la pĂȘche maritime
Code civil
Code de commerce
Décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critÚres permettant de déterminer la
catĂ©gorie dâappartenance dâune entreprise pour les besoins de lâanalyse statistique et
Ă©conomique
Loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce
et de lâartisanat en France
Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 sur l'initiative économique
Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 dâOrientation agricole en France
Loi n° 2008-116 du 04 aoĂ»t 2008 dite de modernisation de lâĂ©conomie
Loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative Ă lâentrepreneur individuel Ă responsabilitĂ© limitĂ©e
Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux trÚs petites
entreprises
Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances
Ă©conomiques
Loi n° 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 348
RESSOURCES ELECTRONIQUES
terangaweb.com
www.afd.fr
www.banquemondiale.org
www.insee.fr
www.oecd.org
www.unesco.org
www.stat.cm
www.ilo.org
www.un.org
eur-lex.europa.eu
www.economie.gouv.fr
www.lavoixdujuriste.com
www.ohada.com
www.ohada.org
ww.237online.com
archives-ouvertes.fr
www.entrepreneuriat.auf.org
www.institut-idef.org
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 349
INDEX
A
Activités commerciales · 2, 46, 47, 48, 50, 60, 62, 63,
64, 65, 66, 67, 75, 76, 77, 78, 80, 84, 87, 89, 90, 91,
92, 93, 95, 100, 111, 141, 145, 152, 153, 154, 155,
163, 166, 168, 170, 178, 199, 206, 211, 212, 216,
253, 270, 272, 307, 323, 339, 344, 345
Activités civiles · 9, 65, 73, 78, 102, 142, 148, 168
Activités économiques · 3, 9, 16, 34, 54, 75, 76, 84, 97,
100, 102, 107, 118, 148, 149, 220, 260, 276, 313,
345, 346
Activités informelles · 6, 9, 15, 311
Attractivité · 12, 256, 274, 278, 312, 328
Auto-entrepreneur · 1, 10, 18, 19, 20, 28, 38, 39, 81, 83,
87, 92, 98, 99, 100, 110, 125, 127, 152, 153, 170,
171, 175, 176, 213, 227, 307, 311, 312, 325, 326,
329
Avantages · 2, 12, 14, 20, 56, 112, 113, 114, 121, 123,
124, 139, 141, 143, 144, 145, 151, 154, 155, 170,
188, 190, 219, 226, 232, 249, 259, 273, 279, 302,
307, 308, 311, 312
B
Bail à usage professionnel · 217, 221, 222, 224, 226,
227, 328, 347
Banqueroute · 239, 242, 244, 245, 257
C
Cessation dâactivitĂ© · 108, 122, 163, 173, 174, 175,
176, 180
ChÎmage · 7, 10, 14, 18, 52, 53, 285
Commerçant · 2, 9, 23, 31, 33, 39, 43, 45, 47, 51, 64,
65, 66, 67, 71, 73, 75, 76, 77, 80, 82, 83, 84, 87, 88,
89, 90, 91, 92, 93, 97, 100, 104, 107, 110, 111, 113,
115, 116, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 141,
142, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 153, 154,
155, 156, 158, 161, 164, 167, 168, 170, 171, 177,
179, 193, 194, 198, 199, 200, 201, 202, 205, 206,
209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 219,
220, 226, 227, 229, 260, 266, 271, 272, 313, 314,
323, 325, 326, 327, 328, 347
Comptabilité · 5, 6, 7, 12, 13, 164, 168, 191, 192, 193,
194, 195, 196, 198, 229, 243, 244, 245, 310, 347
Concurrence déloyale · 15, 39
Conditions dâĂ©ligibilitĂ© · 22, 107, 187
Consommateurs · 13, 14, 15
Contraintes · 2, 10, 12, 15, 20, 30, 38, 105, 134, 187,
188, 232, 233, 285, 299, 308, 310, 311, 326, 348
Cotisations sociales · 41, 139, 162, 168, 169, 175, 180,
182, 293, 295, 296, 298, 302, 303, 337, 338
C atio dâe t ep ises · 6, 18, 114, 122, 123, 138, 140,
329
Curatelle · 58, 59, 60, 321, 323, 325
D
DĂ©claration dâactivitĂ© · 6, 57, 62, 63, 64, 71, 82, 86, 90,
92, 93, 101, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111,
112, 113, 114, 115, 116, 117, 119, 120, 124, 125,
127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 136, 137,
138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 151, 154, 158,
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 350
161, 165, 168, 169, 170, 172, 174, 183, 186, 196,
208, 210, 211, 212, 213, 214, 216, 234, 237, 308,
309, 313, 345, 346
Démarches administratives · 11, 108, 121
Droit OHADA · 1, 2, 9, 11, 12, 15, 16, 17, 34, 35, 37, 39,
51, 70, 91, 108, 144, 145, 163, 165, 188, 200, 220,
222, 229, 230, 242, 246, 255, 256, 259, 260, 281,
307, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 321, 323, 325,
328, 329
E
Economie de subsistance · 8
Economie souterraine · 5
EIRL · 4, 87, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 255,
318, 322, 324, 325, 327
Employeur · 7, 8, 14, 37, 39, 41, 54, 281, 282, 283, 284,
285, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 294,
295, 296, 300, 304, 349
Enregistrement · 5, 6, 10, 81, 117, 124, 137, 140, 143,
144, 148, 150, 151, 152, 157, 158, 174, 179, 181,
212, 264, 267, 337
Entreprenant · 6, 1, 2, 3, 4, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 24,
25, 26, 31, 34, 35, 38, 40, 42, 44, 45, 46, 47, 48, 49,
51, 52, 53, 56, 58, 59, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68,
69, 70, 71, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 81, 82, 83, 84, 85,
86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99,
100, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110,
111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 122, 123, 124,
125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134,
135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 144, 145,
146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 158,
159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 167, 168, 169,
170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 179, 182,
183, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193,
196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 204, 206, 208,
209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218,
219, 220, 221, 222, 224, 225, 226, 227, 229, 230,
243, 247, 253, 256, 258, 259, 260, 261, 266, 269,
272, 273, 274, 275, 278, 279, 280, 281, 283, 287,
289, 294, 295, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 309,
310, 311, 312, 313, 317, 320, 323, 327, 328, 330,
344, 345, 346, 347
Entrepreneur · 6, 1, 2, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 30, 31, 32, 33,
34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 48, 49, 51,
55, 56, 57, 62, 71, 73, 75, 76, 78, 79, 80, 82, 83, 84,
85, 86, 87, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 98, 99,
100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109,
110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 119, 120,
121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130,
133, 135, 136, 138, 139, 140, 141, 142, 144, 145,
146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154,155,
156, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166,
167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176,
177, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189,
190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 198, 208, 209,
211, 212, 213, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 224,
226, 227, 230, 231, 233, 234, 235, 236, 237, 238,
240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 248, 249,
250, 251, 253, 254, 255, 256, 258, 259, 261, 262,
263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272,
273, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 282,
287, 288, 289, 290, 291, 292, 294, 297, 299, 300,
301, 302, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 310,
311, 312, 313, 320, 322, 323, 327, 330, 339, 344,
345, 346, 348, 349
Entrepreneuriat · 7, 11, 18, 34, 37, 46, 47, 52, 53, 54,
55, 56, 113, 123, 265, 266, 312, 318, 325, 329, 340
Entreprise familiale · 32, 33, 34, 35, 47, 133, 317, 321,
323, 329
Entreprise individuelle · 2, 17, 18, 24, 25, 26, 27, 28,
30, 31, 32, 33, 34, 35, 37, 40, 41, 51, 59, 60, 74, 94,
96, 102, 113, 126, 137, 154, 163, 164, 165, 171,
172, 173, 177, 183, 184, 191, 209, 211, 212, 234,
246, 247, 248, 250, 256, 270, 274, 289, 310, 315,
316, 322, 326, 328, 344
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 351
F
Faillite personnelle · 68, 163, 239, 242, 243, 244, 257
Fonctionnaire · 29, 46, 74, 97
Formalisme · 11, 109, 200, 226, 282
Formalité · 6, 5, 6, 14, 19, 21, 26, 50, 69, 90, 92, 93,
103, 104, 110, 112, 114, 117, 120, 121, 122, 123,
126, 130, 136, 138, 139, 140, 141, 142, 144, 145,
148, 150, 151, 159, 161, 166, 167, 168, 169, 170,
171, 172, 174, 175, 178, 180, 181, 182, 185, 186,
187, 236, 252, 262, 263, 266, 268, 288, 308, 309,
310, 311, 345, 346, 347, 349
Formalités · 4, 11, 90, 91, 92, 93, 104, 105, 107, 109,
110, 111, 113, 116, 117, 123, 124, 128, 129, 130,
131, 136, 137, 139, 140, 141, 142, 144, 145, 150,
151, 158, 159, 161, 168, 172, 174, 175, 180, 187,
191, 211, 213, 218, 237, 255, 265, 288, 291, 308,
309, 310, 313, 346
G
Gros informel · 6, 9
I
Immatriculation · 31, 82, 91, 92, 93, 105, 107, 108,
110, 111, 115, 116, 118, 130, 131, 132, 133, 134,
135, 136, 137, 138, 139, 140, 142, 151, 153, 154,
155, 156, 158, 161, 166, 168, 170, 171, 172, 179,
181, 183, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 216, 219,
227, 234, 248, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268,
288, 289, 290, 291, 293, 294, 295, 304, 308, 313,
325, 329, 338, 346, 347, 348, 349
ImpÎt · 4, 5, 6, 7, 12, 13, 111, 113, 139, 161, 162, 169,
173, 180, 182, 234, 261, 262, 263, 264, 265, 267,
268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 276, 277,
278, 279, 348
Incapacité · 46, 47, 48, 50, 55, 58, 221, 301
Informalité · 2, 7, 8, 11, 12, 15, 16, 17, 144, 145, 158,
264, 311, 312, 320
Insaisissabilité · 4, 254, 255, 321, 322, 323, 326
Interdiction · 46, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70,
71, 72, 73, 74, 110, 135, 163, 164, 209, 213, 214,
237, 242, 243, 245, 264, 344, 345, 347
Irrégularité · 14, 128, 194, 195, 264, 265, 307
L
Liberté · 11, 46, 48, 50, 62, 63, 64, 66, 82, 84, 85, 176,
192, 198, 199, 200, 202, 285, 308, 310, 318, 344,
345
Liquidation de biens · 246
M
Majeurs protégés · 46, 47, 57, 58, 59, 60, 61, 314, 322,
326, 344
Ménages · 9, 12, 16, 298
Micro-entrepreneur · 1, 18, 41, 83, 99, 100, 101, 113,
115, 117, 135, 162, 213, 215, 227, 274, 302, 323
Mineurs · 7, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56,
57, 58, 61, 74, 77, 344
O
Obligation · 6, 2, 10, 11, 14, 19, 27, 35, 40, 56, 57, 92,
115, 143, 144, 145, 146, 154, 161, 168, 171, 175,
178, 180, 187, 190, 191, 192, 193, 195, 196, 197,
198, 199, 201, 202, 203, 204, 206, 207, 211, 213,
219, 229, 239, 248, 251, 252, 259, 260, 261, 262,
269, 277, 278, 279, 281, 282, 283, 284, 285, 288,
289, 290, 293, 294, 295, 296, 297, 304, 305, 306,
308, 309, 310, 311, 325, 347, 348, 349
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 352
P
Patrimoine · 4, 35, 36, 57, 59, 173, 176, 177, 181, 184,
194, 232, 235, 240, 242, 245, 246, 247, 248, 249,
250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 312, 318, 319,
322, 325, 327, 348
Prévoyance sociale · 292
Procédures collectives · 4, 6, 5, 8, 9, 32, 70, 162, 163,
164, 189, 230, 231, 233, 234, 235, 236, 237, 238,
239, 242, 244, 246, 250, 251, 252, 256, 258, 259,
315, 316, 324, 325, 327, 328, 348
Professionnel · 2, 11, 19, 23, 39, 41, 42, 43, 45, 63, 75,
76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 84, 87, 88, 89, 92, 96,
100, 101, 109, 115, 148, 149, 161, 167, 170, 177,
178, 180, 183, 196, 198, 200, 205, 206, 208, 211,
212, 214, 215, 216, 221, 222, 224, 228, 229, 234,
235, 236, 240, 246, 247, 248, 249, 250, 252, 253,
254, 255, 256, 278, 287, 297, 298, 299, 303, 318,
323, 328, 346
Professions libérales · 9, 43, 50, 79, 81, 96, 270
R
Radiation · 107, 108, 116, 125, 128, 134, 154, 156,
157, 159, 165, 166, 168, 171, 174, 175, 184, 185,
186, 346
RCCM · 5, 6, 82, 91, 93, 105, 107, 111, 112, 114, 115,
117, 118, 119, 120, 121, 123, 125, 128, 130, 131,
132, 134, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 144,
145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154,
155, 156, 158, 159, 162, 165, 166, 168, 170, 171,
172, 175, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 196,
208, 209, 210, 211, 212, 214, 215, 216, 219, 226,
227, 229, 236, 244, 264, 266, 267, 272, 307, 308,
309, 313, 338, 346, 347
Redressement judiciaire · 231, 233, 235, 238, 239, 240,
330
Régime · 13, 20, 27, 83, 90, 100, 101, 113, 114, 116,
131, 132, 133, 153, 201, 202, 205, 235, 236, 246,
247, 251, 252, 253, 260, 263, 268, 270, 271, 272,
274, 275, 298, 300, 301, 302, 319, 323, 338
Ressources · 12, 39, 77, 80, 193
S
Salarié · 8, 12, 13, 14, 17, 26, 28, 31, 37, 38, 39, 40, 41,
42, 44, 45, 48, 55, 80, 181, 183, 235, 281, 287, 288,
289, 290, 291, 292, 293, 295, 296, 300, 304, 317,
349
Secteur formel · 1, 8, 9, 10, 12, 15, 16, 17, 20, 21, 53,
99, 112, 114, 144, 151, 183, 280, 298
Secteur informel · 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 25, 34, 42, 44, 52, 53, 54,
74, 90, 95, 99, 103, 110, 111, 113, 130, 139, 143,
144, 171, 187, 191, 192, 196, 198, 234, 264, 265,
272, 276, 278, 280, 281, 282, 284, 289, 294, 298,
307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 317, 324, 328
Sécurité sociale · 4, 38, 115, 234, 280, 284, 287, 295,
296, 297, 298, 299, 304, 317, 318, 326, 338, 348
T
Taxe professionnelle synthétique · 270, 273
Tracasseries · 2, 11, 20, 99, 105, 187, 306
Travailleur indépendant · 8, 37, 38, 40, 74, 182, 287,
289, 296, 297, 298, 299, 300, 302, 303, 304, 317,
349
Tutelle · 58, 59
U
Unité de production · 5, 6, 8, 14, 15, 164
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 353
TABLE DES MATIERES
DEDICACE III
REMERCIEMENTS IV
LISTE DES ABRĂVIATIONS V
SOMMAIRE VII
INTRODUCTION GĂNĂRALE 1
PREMIĂRE PARTIE. LâACCES AU STATUT DâENTREPRENANT 22
TITRE 1. LâEXISTENCE DES CRITERES DâĂLIGIBILITĂ ............................................................ 23
Chapitre 1. Les critĂšres dâĂ©ligibilitĂ© liĂ©s au demandeur du statut ........................................................ 24 Section 1. Ătre une personne physique ............................................................................................................ 25
Paragraphe 1. Lâexigence de la forme individuelle de lâentreprise .......................................................... 25 A. Lâe e i e de lâa tivit e o p op e ........................................................................................... 25
1. Lâappa te a e de lâe t ep ise Ă u e seule pe so e .............................................................. 25 1.1. Le fo tio e e t de lâe t ep ise i dividuelle .................................................................. 26 1.2. Des situatio s e eptio elles assi il es Ă lâe t ep ise i dividuelle ................................ 31
2. Lâa se e de pe so alit o ale de lâe t ep ise .................................................................... 36 B. Lâe e i e de lâa tivit pou so o pte ........................................................................................ 37
1. Lâi d pe da e da s lâe e i e de lâa tivit de lâe t ep ise .................................................... 38 2. Lâi putatio des pe tes et des gai s de lâe t ep ise ................................................................ 41
Paragraphe 2. Lâimplication personnelle de lâentrepreneur dans lâexercice de lâactivitĂ© ...................... 41 A. Lâi pli atio da s lâa o plisse e t du t avail de lâe t ep ise................................................... 42 B. Lâi pli atio da s la di e tio de lâe t ep ise ............................................................................... 44
Section 2. Ne pas faire lâobjet dâune restriction .............................................................................................. 46 Paragraphe 1. Lâexclusion des personnes incapables ................................................................................ 47
A. Le cas des mineurs .......................................................................................................................... 47 1. La position du Droit des pays membres Ă lâĂ©gard des mineurs sous lâAUDCG de 2010 ..... 48
1.1. Le principe : lâinĂ©ligibilitĂ© du mineur au statut dâentreprenant ..................................... 48 1.2. Des exceptions envisageables .............................................................................................. 49
2. La essit de fo e la positio de lâAUDCG Ă lâ ga d des i eu s .................................. 53 2.1. Le nombre important de mineurs non Ă©mancipĂ©s dans des activitĂ©s professionnelles informelles ...................................................................................................................................... 53 2.2. Les solutions envisageables ................................................................................................. 55
B. Le cas des majeurs protĂ©gĂ©s .......................................................................................................... 58 Paragraphe 2 : Lâexclusion des personnes faisant lâobjet dâinterdiction ................................................. 62
A. Les causes de lâinterdiction ........................................................................................................... 62 1. Pour lâexercice dâune activitĂ© commerciale ............................................................................ 63
1.1. La condamnation Ă une interdiction gĂ©nĂ©rale dâexercer le commerce ........................... 63
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 354
1.2. La condamnation Ă une interdiction dâexercer une activitĂ© commerciale en particulier 64 1.3. La condamnation Ă une peine privative de libertĂ© ........................................................... 65
2. Pour lâexercice dâune activitĂ© civile ......................................................................................... 65 2.1. Une condamnation interdisant dâexercer lâactivitĂ© civile souhaitĂ©e ................................ 66 2.2. La condamnation pour les infractions mentionnĂ©es Ă lâarticle 10 de lâAUDCG ............ 66
B. La durĂ©e de lâinterdiction .............................................................................................................. 68 1. La du e de lâi te di tio au ega d de lâa ti le de lâAUDCG ............................................... 68 2. Les a igĂŒit s de lâa ti le 6 - ° de lâAUDCG ............................................................................ 71
Conclusion du chapitre ....................................................................................................................................... 74 Chapitre 2. Des critĂšres liĂ©s Ă lâactivitĂ© Ă exercer ................................................................................ 75
Section 1. Lâexercice dâune activitĂ© Ă©conomique ............................................................................................ 76 Paragraphe 1. Le choix offert Ă lâentrepreneur⊠..................................................................................... 76
A. La certitude quant au choix de lâactivitĂ© Ă exercer ..................................................................... 76 1. Lâexercice dâune activitĂ© commerciale .................................................................................... 76 2. Lâexercice dâune activitĂ© civile ................................................................................................. 78
B. Incertitude quant au cumul des activitĂ©s ..................................................................................... 82 1. U e li itatio appa e te du o e dâa tivit s de lâe t ep e a t ........................................ 82 2. U e li itatio appa e te de la li e t dâe t ep e d e de lâe t ep e a t .............................. 84
Paragraphe 2. âŠUne particularitĂ© du statut dâentreprenant ................................................................... 87 A. Lâentreprenant : un mot sans lien avec une activitĂ© spĂ©cifique .................................................. 88 B. Lâentreprenant : un statut ne sâobtenant pas par lâexercice dâune activitĂ© .............................. 91
Section 2 : Lâexercice dâune activitĂ© conciliable avec le profil de lâentreprenant ........................................ 94 Paragraphe 1 : Les activitĂ©s Ă exclure ........................................................................................................ 94
A. Lâexclusion des activitĂ©s exigeant la personnalitĂ© morale .......................................................... 94 B. Lâexclusion des activitĂ©s nĂ©cessitant un investissement important ................................................. 95
Paragraphe 2 : La nĂ©cessitĂ© de dĂ©finir des critĂšres plus prĂ©cis ................................................................ 97 A. Les Ă©ventuelles consĂ©quences de lâimprĂ©cision des critĂšres ........................................................ 98 B. Quelques solutions pour y remĂ©dier ............................................................................................. 99
Conclusion du chapitre ................................................................................................................................... 102 Conclusion du titre .............................................................................................................................. 103
TITRE 2. LâACCOMPLISSEMENT DE FORMALITES .................................................................. 104
Chapitre 1. Lâaccomplissement de la dĂ©claration dâactivitĂ© en vue dâacquĂ©rir le statut ................... 105 Section 1. La dĂ©claration dâactivitĂ© : une procĂ©dure ayant des exigences .................................................. 106
Paragraphe 1. Lâintroduction de la demande .......................................................................................... 106 A. Les personnes habilitĂ©es Ă effectuer la dĂ©claration dâactivitĂ© .................................................. 106
1. Lâentrepreneur ........................................................................................................................ 106 2. Le mandataire de lâentrepreneur ........................................................................................... 108
B. Le moment de la dĂ©claration dâactivitĂ© ...................................................................................... 109 1. Pour les entrepreneurs du secteur informel .......................................................................... 109 2. Pour les entrepreneurs du secteur formel ............................................................................. 113
C. La composition de la demande .................................................................................................... 115 1. Le formulaire de dĂ©claration dâactivitĂ© ................................................................................. 116 2. Les justificatifs ........................................................................................................................ 117
Paragraphe 2. Le traitement de la demande ............................................................................................ 118 A. LâAdministration chargĂ©e du traitement de la demande.......................................................... 118
1. Le greffe de la juridiction compĂ©tente ou lâorgane compĂ©tent dans lâEtat partie ............. 119 1.1. Le greffe de la juridiction compĂ©tente ............................................................................. 119 1.2. Lâorgane compĂ©tent dans lâĂtat partie............................................................................ 122
2. Les centres de formalités des entreprises .............................................................................. 122 B. Les étapes du traitement ............................................................................................................. 125
1. Lâattribution immĂ©diate dâun numĂ©ro de dĂ©claration dâactivitĂ© Ă lâentrepreneur ........... 125 2. Lâexamen ou le contrĂŽle de la demande ................................................................................ 126 3. Lâissue du contrĂŽle ou la rĂ©ponse dĂ©finitive de lâAdministration ........................................ 129
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Section 2. La dĂ©claration dâactivitĂ© : une formalitĂ© peu opportune ............................................................ 131 Paragraphe 1. Une formalitĂ© peu opportune pour les commerçants au regard des similitudes avec lâimmatriculation au RCCM ..................................................................................................................... 131
A. Des similitudes dans la composition des dossiers de demandes ................................................ 131 1. Des renseignements identiques Ă communiquer ................................................................... 132 2. Des piĂšces justificatives identiques Ă joindre au dossier ...................................................... 135
B. Des similitudes dans le traitement des demandes ...................................................................... 137 1. Des étapes et des délais identiques ......................................................................................... 138 2. Une différence de coûts relativement significative ............................................................... 139
Paragraphe 2. Une formalité peu opportune pour les entrepreneurs civils au regard des problÚmes engendrés à leur égard ............................................................................................................................... 142
A. Les problĂšmes causĂ©s par la dĂ©claration dâactivitĂ© des entrepreneurs civils .......................... 143 1. Une formalitĂ© supplĂ©mentaire ................................................................................................ 143 2. Un assujettissement temporaire Ă certaines dispositions du droit commercial .................. 145
B. Des solutions envisageables pour remĂ©dier aux problĂšmes soulevĂ©s ....................................... 148 1. Lâinstauration du RCCM comme registre dâinscription de tous les opĂ©rateurs Ă©conomiques 148
1.1. Les raisons de la mesure ................................................................................................... 149 a. Le RCCM : un registre des activités économiques ou du professionnel depuis la révision de 2010 ....................................................................................................................... 149 b. Le RCCM : un registre commun à tous les Etats membres ......................................... 151
1.2. Les amĂ©nagements Ă effectuer dans le RCCM ............................................................... 152 2. Lâattribution dâun numĂ©ro dâidentification Ă vie Ă tous les opĂ©rateurs Ă©conomiques ....... 154
2.1. Les Ă©cueils du dispositif actuel ......................................................................................... 154 a. Le changement de numĂ©ro en cas de changement de statut de lâentrepreneur .......... 154 b. Le changement de numĂ©ro en cas de changement du lieu dâactivitĂ©........................... 155
2.2. La mise sur pied dâun nouveau dispositif ........................................................................ 156 a. Lâattribution dâun numĂ©ro personnel et dĂ©finitif Ă chaque entrepreneur. ................. 156 b. Lâattribution dâun numĂ©ro unique et temporaire Ă chaque Ă©tablissement ................ 157
Conclusion du chapitre ................................................................................................................................... 159 Chapitre 2. Lâaccomplissement de formalitĂ©s diverses en cas dâabandon du statut ......................... 160
Section 1. Lâabandon du statut pour des causes involontaires .................................................................... 161 Paragraphe 1. Des raisons Ă©conomiques ................................................................................................... 161
A. Le dĂ©passement du plafond du chiffre dâaffaires ou lâexcĂ©dent des moyens Ă©conomiques .... 161 B. La liquidation de lâentreprise ou le manque de moyens Ă©conomiques ..................................... 163
Paragraphe 2. Le dĂ©cĂšs de lâentrepreneur ............................................................................................... 165 A. La radiation du dĂ©funt ................................................................................................................ 166 B. La poursuite de lâactivitĂ© par ses ayants droit ........................................................................... 167
Section 2. Lâabandon du statut pour des raisons volontaires ...................................................................... 168 Paragraphe 1. Le changement de statut ................................................................................................... 168
A. Du statut dâentreprenant Ă celui dâentrepreneur individuel .................................................... 168 1. Les formalitĂ©s Ă accomplir ..................................................................................................... 169
1.1. Les formalitĂ©s constatant lâabandon du statut dâentreprenant ..................................... 169 1.2. Les formalitĂ©s visant lâacquisition du nouveau statut .................................................... 171
2. Les consĂ©quences du changement .......................................................................................... 172 B. Du statut dâentreprenant Ă celui de sociĂ©tĂ© ................................................................................ 173
1. Les formalités à accomplir ..................................................................................................... 173 2. Les conséquences du changement .......................................................................................... 174
Paragraphe 2. La cessation ou lâarrĂȘt de lâactivitĂ© .................................................................................. 175 A. LâarrĂȘt de lâactivitĂ© sans cession de fonds .................................................................................. 175
1. Les formalitĂ©s Ă accomplir ..................................................................................................... 175 2. Les consĂ©quences de lâarrĂȘt .................................................................................................... 177
B. LâarrĂȘt de lâactivitĂ© avec cession du fonds ................................................................................. 179 1. Les modalitĂ©s de la cession ..................................................................................................... 180
1.1. La cession à titre onéreux ................................................................................................. 180
L'ENTREPRENANT EN DROIT OHADA | 356
a. Les formalitĂ©s relatives Ă la formation de lâacte de cession ......................................... 180 b. Les formalitĂ©s relatives Ă lâinformation des tiers ......................................................... 182
1.2. La cession à titre gratuit ................................................................................................... 183 a. Les formalités à accomplir par les parties. .................................................................... 184
2. Les consĂ©quences de la cession ............................................................................................... 184 2.1. Le changement dâidentitĂ© de lâentreprise ........................................................................ 185 2.2. Le sort des dettes et crĂ©ances dâorigine professionnelle ................................................. 186
Conclusion du chapitre ................................................................................................................................... 188 Conclusion du titre .............................................................................................................................. 189
CONCLUSION DE LA PREMIĂRE PARTIE .................................................................................... 190
DEUXIEME PARTIE. LES REGLES GOUVERNANT LE STATUT
DâENTREPRENANT 191
TITRE 1. LES REGLES DU DROIT COMMUNAUTAIRE .............................................................. 192
Chapitre 1. Les rĂšgles liĂ©es au statut dâentreprenant ......................................................................... 193 Section 1. Les obligations imposĂ©es Ă lâentreprenant ................................................................................... 194
Paragraphe 1. Des obligations comptables ............................................................................................... 194 A. La tenue obligatoire dâune comptabilitĂ© conforme aux prescriptions lĂ©gales ......................... 194 B. Les autres obligations comptables .............................................................................................. 199
Paragraphe 2 : Des obligations en lien avec le droit commercial ........................................................... 201 A. En matiĂšre de preuve ................................................................................................................... 201 B. En matiĂšre de prescription .......................................................................................................... 204
Section 2. Les restrictions imposĂ©es Ă lâentreprenant .................................................................................. 211 Paragraphe 1 : Des restrictions liĂ©es Ă lâinscription au RCCM .............................................................. 211
A. LâimpossibilitĂ© de se dĂ©clarer plusieurs fois au RCCM ............................................................ 211 1. Le sens de la disposition .......................................................................................................... 212 2. La portĂ©e de la disposition : une limitation du nombre dâĂ©tablissements de lâentreprenant 213
B. Lâi possi ilit de se fai e i at i ule au RCCM ........................................................................ 214 1. La principale marque de diffĂ©rence entre lâentreprenant et le commerçant ..................... 214 2. Les consĂ©quences de lâinterdiction dâimmatriculation de lâentreprenant au RCCM ........ 217
Paragraphe 2. Des restrictions liĂ©es Ă lâexploitation du fonds ................................................................ 220 A. LâimpossibilitĂ© dâĂȘtre partie Ă un contrat de location-gĂ©rance ................................................ 220
1. Quid des entreprenants civils ? .............................................................................................. 221 2. Lâatteinte au droit de propriĂ©tĂ© de lâentreprenant ............................................................... 221
B. La limitation des droits attachĂ©s au bail Ă usage professionnel................................................ 224 1. Les droits affectĂ©s dâune exception ........................................................................................ 225
1.1. Le droit au renouvellement du bail.................................................................................. 225 1.2. Le droit à la fixation judiciaire du loyer révisé ............................................................... 227
2. Critiques .................................................................................................................................. 229 Conclusion du chapitre ................................................................................................................................... 232
Chapitre 2. Les rĂšgles communes aux entrepreneurs en cas de procĂ©dures collectives ................... 233 Section 1. La procĂ©dure collective : une source de contraintes pour lâentrepreneur ................................. 236
Paragraphe 1. Les dĂ©sagrĂ©ments de la procĂ©dure ................................................................................... 236 A. Les enquĂȘtes ................................................................................................................................. 236 B. La publicitĂ© ................................................................................................................................... 240
Paragraphe 2. Les sanctions encourues .................................................................................................... 241 A. Des sanctions certaines dans la gestion ...................................................................................... 242
1. LâinopposabilitĂ© des actes accomplis par le dĂ©biteur pendant la pĂ©riode suspecte............ 242 2. Lâassistance ou le dessaisissement du dĂ©biteur dans lâexercice de ses fonctions ...................... 243
B. De potentielles sanctions judiciaires ........................................................................................... 246 1. La faillite personnelle.............................................................................................................. 246 2. La banqueroute ....................................................................................................................... 248
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Section 2. La mise en pĂ©ril du patrimoine de lâentrepreneur ...................................................................... 250 Paragraphe 1. La technique de fractionnement du patrimoine .............................................................. 251
A. Présentation du dispositif ............................................................................................................ 252 B. Limites du dispositif..................................................................................................................... 254
Paragraphe 2 : La technique de sécurisation de certains biens du patrimoine ..................................... 258 A. Présentation du dispositif ............................................................................................................ 258 B. Limites du dispositif..................................................................................................................... 259
Conclusion du chapitre ................................................................................................................................... 262 Conclusion du titre .............................................................................................................................. 263
TITRE 2. LES REGLES DU DROIT NATIONAL .............................................................................. 264
Chapitre 1. Les rĂšgles du droit fiscal .................................................................................................. 265 Section 1. Lâobligation de se faire immatriculer auprĂšs de lâAdministration fiscale ................................. 266
Paragraphe 1. La procĂ©dure dâimmatriculation fiscale .......................................................................... 266 A. Le lieu de lâi at i ulatio .......................................................................................................... 266 B. Le oĂ»t de lâi at i ulatio fis ale .............................................................................................. 270
Paragraphe 2. Les effets de lâimmatriculation ......................................................................................... 271 Se tio . Lâo ligatio de pa e ses i pĂŽts et ta es ....................................................................................... 273
Pa ag aphe . Le paie e t de lâi pĂŽt dĂ» e fo tio du eve u issu de lâa tivitĂ© .................................. 273 A. Lâi positio su la ase du hiff e dâaffai es ............................................................................... 273 B. Lâi positio e fo tio du fi e alis ............................................................................... 278
Paragraphe 2. Le paiement des autres impĂŽts ........................................................................................... 279 A. La contribution des patentes ........................................................................................................ 280 B. Le paie e t des i pĂŽts e ve tu dâu it e pa ti ulie ........................................................... 281
Conclusion du chapitre ................................................................................................................................... 283 Chapitre 2. Les rĂšgles du droit social.................................................................................................. 284
Section 1. La soumission aux rĂšgles du droit du travail ............................................................................... 285 Paragraphe 1. Des obligations dans la supervision du travail ................................................................ 286
A. Les obligations en rapport avec la formation et la rupture du contrat de travail .................. 286 B. Les obligations en rapport avec les conditions dâexĂ©cution du contrat de travail .................. 287
Paragraphe 2. Des obligations dans la rémunération du travailleur ..................................................... 289 A. Le montant minimum du salaire ................................................................................................ 289 B. Les modalités de paiement du salaire ......................................................................................... 290
Section 2. La soumission aux rĂšgles du droit de la sĂ©curitĂ© sociale ............................................................. 291 Paragraphe 1. Lâassujettissement Ă un dispositif contraignant en cas dâembauche de salariĂ©s .......... 292
A. Les o ligatio s so iales i pos es Ă lâe plo eu ......................................................................... 292 1. Lâa o plisse e t o ligatoi e de fo alit s .......................................................................... 292
1.1. Lâi at i ulatio de lâe t ep ise ...................................................................................... 292 . Lâi at i ulatio et la d la atio des sala i s..................................................................... 295
2. Le paiement des cotisations au profit des salariés .................................................................. 297 B. Les sanctions aux manquements des obligations sociales ................................................................ 298
. Les sa tio s e as de a ue e t Ă lâo ligatio dâi at i ulatio de lâe t ep ise .............. 298 2. Les sanctions en cas de manquement aux obligations profitant aux travailleurs........................ 299
Pa ag aphe . Lâassujettisse e t Ă u dispositif la u ai e Ă lâ ga d des e t ep e eu s ......................... 301 A. Lâa se e dâu e v ita le politi ue de p ote tio e faveu des t availleu s i d pe da ts .... 301 B. Une protection sociale insatisfaisante ......................................................................................... 303
Conclusion du chapitre ................................................................................................................................... 309 Conclusion du titre .............................................................................................................................. 310
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE .................................................................................... 311
CONCLUSION GENERALE 313
BIBLIOGRAPHIE 321
INDEX 349
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TABLE DES MATIERES 353