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LES COMMUNAUTÉS CONJUGALES Jacques Robion Érès | « Dialogue » 2016/4 n° 214 | pages 109 à 122 ISSN 0242-8962 ISBN 9782749253435 DOI 10.3917/dia.214.0109 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-dialogue-2016-4-page-109.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Érès. © Érès. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Érès | Téléchargé le 17/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167) © Érès | Téléchargé le 17/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

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LES COMMUNAUTÉS CONJUGALES

Jacques Robion

Érès | « Dialogue »

2016/4 n° 214 | pages 109 à 122 ISSN 0242-8962ISBN 9782749253435DOI 10.3917/dia.214.0109

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-dialogue-2016-4-page-109.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Les communautés conjugales

Jacques Robion

Note de la rédaction : À la demande de l’auteur, et en accord avec lui, nous supprimons de cette version numérique notre note de rédaction initiale.

Jacques Robion, nous ayant exprimé son souhait d’interrompre toute collabora-tion à venir avec notre revue, propose au lecteur intéressé par le débat que nous espérions ouvrir, de lire le contenu de sa réponse à cette note initiale sur son site web jacquesrobion.fr

Jacques Robion, psychanalyste, psychothérapeute conjugal et familial. [email protected]

Mots-clés

Appartenance, partage, relation de non-partage, communautarisation, communauté représentationnelle, lien inconscient, désorganisation conjugale.

Résumé

Comment travailler en commun sur un objet de travail qui soit commun mais ne soit pas réduit à de l’inconscient, de l’infantile, de l’identique pluri-indivi-duel ? L’auteur, psychanalyste et thérapeute de couple, propose le recours au concept d’appartenance de la théorie des ensembles et concrètement, dans la pratique, à sa version subjective : le concept du partagé et du non partagé. Une façon de penser le commun du couple qui maintienne les différences et sa désorganisation parfois irréductibles, une façon de ne pas prendre notre désir inconscient d’unification du couple pour celui du couple. En recourant également à la notion de lien inconscient plutôt qu’à celle d’alliance incons-ciente.

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« La sexualité, ce n’est pas son truc, avant de le rencontrer, j’avais une sexualité joyeuse, épanouie, légère. » Le pavé est lancé, dès les premières séances, il reste à savoir dans le jardin de qui. Du compagnon, certes, ou du thérapeute qui va devoir gérer ce lourd paquet ? Considérer la plainte comme un problème personnel du conjoint et renvoyer celui-ci vers une thérapie individuelle, l’entendre comme une incompatibilité des besoins de chacun et renvoyer le couple vers un(e) sexologue, voir ce dysfonc-tionnement sexuel comme le symptôme d’un autre problème, d’ordre non sexuel ? Le symptôme, donc, d’un problème commun alors qu’il est pourtant expressément désigné comme un problème intra psychique individuel de l’autre ? Et si nous retenons l’hypothèse du problème partagé et choisissons en conséquence un travail en commun, sur quel objet spécifique commun allons-nous travailler ? Sur un inconscient inter- fantasmatique, un « fantasme organisateur groupal », une « imago » ? Sur une unité inconsciente du couple, autrement dit ? Et pourquoi devrions-nous seulement intervenir en cette situation sur un inconscient du couple, qu’il se nomme « appareil psychique groupal », « appareil psychique du Lien » ou autre, plutôt que sur la relation consciente ? Et pourquoi pré supposer l’existence d’une unité conjugale déjà constituée, alors qu’elle n’a proba-blement jamais été là ou est justement en voie de dissolution ? Approcher un couple avec ce présupposé d’un inconscient commun à révéler, d’une unité déjà constituée, c’est tout simplement passer à côté de sa souffrance, de son problème : l’absence d’unité.

L’appartenance et le partagé

Il est une façon simple de définir cet objet spécifique commun. Il suffit d’écouter le couple. « Nous ne partageons plus rien. Nous ne faisons plus rien ensemble. » Et encore moins l’amour, décryptons-nous intérieurement. Le partagé et le non-partagé se désignent spontanément d’eux-mêmes comme l’objet commun du travail en commun recherché.

Or, se demander ce que partagent ou ne partagent plus deux conjoints équivaut exactement à se demander à quel ensemble ils appartiennent ou n’appartiennent pas. « Ils font du sport ensemble, ils écoutent ensemble de la musique » revient bien à affirmer : « Ils font partie de l’ensemble des sportifs, des mélomanes. » Qui dit partage dit forcé-ment appartenance, et inversement. Appartenir à un ensemble signifie bien avoir un quelque chose en commun avec un autre élément de cet ensemble, partager avec lui ce quelque chose par quoi se définit préci-sément l’ensemble en question : l’activité source de plaisir. Le sport, la

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musique, la tauromachie, la peinture, etc. Quand on se situe au niveau de l’ensemble lui-même, on parle d’appartenance pour définir la rela-tion de l’élément à cette globalité, quand on se situe au niveau de l’élément, on parle de partage pour définir la relation interélémentaire : partage du plaisir de l’activité.

Neuburger (1997) a donc raison, la relation d’appartenance est la voie royale de l’approche des couples, même de ceux qui déclarent n’avoir plus rien en commun, car en dépit de leurs allégations ils partagent encore, ces couples, une appartenance à l’ensemble vide des couples qui ne partagent plus rien ! À quoi peut bien servir pareille référence à la théorie des ensembles dans une pratique de thérapie conjugale, pourrait-on me demander ? N’est-elle pas trop éloignée de la clinique, plaquée artificiellement, trop abstraite, voire prétentieuse ?

Il est évident que je ne demande pas aux conjoints en face de moi à quel ensemble ils appartiennent ou rêvaient d’appartenir. Mais quand ils décrivent spontanément la famille, le couple qu’ils rêvaient chacun(e) de former, le ou la partenaire qu’ils souhaitaient rencontrer, c’est bien d’appartenance qu’il s’agit, c’est bien d’un plaisir qui se partage ou ne se partage plus qu’ils me parlent. C’est au niveau du partagé (par les éléments de l’ensemble) que nous, thérapeutes conjugaux, pouvons, devons même, appréhender l’appartenance. Nul besoin d’aller chercher plus loin l’objet spécifique du travail en couple, le partagé (et/ou son contraire) constitue l’objet commun du travail en commun. Une autre façon de parler de l’appartenance, qui pour moi a l’avantage d’entendre et de traiter au plus près la souffrance conjugale.

Le plus petit partagé commun

Dans un couple fusionnel, les éléments veulent tout partager ; pas de sphère privée possible. Dans un couple de célibataires, les éléments limitent au maximum l’espace et le temps des plaisirs partagés. Ils se sont quand même mis d’accord pour vivre ensemble un certain nombre de choses, puisqu’ils se sont « mis en couple », et pas forcément la sexualité. S’il y a un accord tacite des conjoints sur ce type d’ensemble conjugal d’appartenance, il n’y a pas de problème, ces couples ne nous consultent pas. Nous ne recevons en fait que les conjoints qui ne parviennent pas à s’entendre sur la définition des plaisirs à partager, sur la définition donc de l’ensemble auquel ils rêvent d’appartenir. Ils consultent, ces conjoints, parce qu’ils se plaignent de n’avoir ou de ne faire plus rien en commun. Et s’ils s’en plaignent et sont là devant nous à solliciter notre aide, c’est

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bien parce qu’ils espèrent trouver ou retrouver ce plaisir du partage. Perdu ou jamais trouvé.

Accroître la sphère du partagé est l’objectif implicite de la plupart des demandes de consultation conjugale, hormis celles où l’un des deux conjoints se sert plus ou moins consciemment de cet espace pour faire accepter à l’autre sa décision déjà prise de séparation et pouvoir alors partir sans la culpabilité de l’abandon. Passer d’un plus petit partagé à un plus grand, passer de l’ensemble de ceux qui ne partagent plus rien à celui de ceux qui partagent une infinité de plaisirs ? On se demande bien pourquoi nous nous sommes tant compliqué la vie à chercher ailleurs qu’en cette demande l’objet commun spécifique du travail thérapeutique conjugal.

Pour trouver notre objet de travail spécifique, il suffisait d’écouter les conjoints. « Qu’est-ce que nous partageons, qu’est-ce que nous ne parta-geons pas ou plus ? » Leur question à peine réélaborée par nous pouvait alors se réexprimer comme suit : « Quel est leur plus petit partagé commun ? » Pour certains, une peau de chagrin, pour d’autres rien d’autre qu’une relation de non-partage, seule restant en commun cette relation de non-partage absolu, autre nom de la violence conjugale.

Le commun inconscient

Au début de mon activité de thérapeute conjugal, on ne pouvait comprendre le couple autrement que comme une association de représentations inconscientes infantiles, dans le sillage d’auteurs tels que Bion, Anzieu, Lemaire, Kaës, Pigott, Eiguer. Forcément, les partenaires se mettaient en couple pour refaire leur enfance, réparer leur narcissisme défaillant ou pour refouler un désir secret. Le débat faisait seulement rage autour de la question de savoir comment se constituait en couple la représentation psychique commune inconsciente. De façon « pluri-individuelle » (concept de Claude Pigott), de façon interactive comme dans l’« interfantasmatisa-tion » d’Eiguer ou de façon « émergente » comme dans les théories du champ (Barranger) ? On sait que dans le modèle « pluri-individuel », le commun s’obtient par une addition du même : a+a=A. Par exemple, une même fixation individuelle « narcissique primaire » est censée être partagée par les deux conjoints, dans l’« oscillation narcissique paradoxale », selon Caillot et Decherf (1989). Par contre, dans le modèle interactif, le commun résulte de l’interaction de deux problématiques individuelles mais diffère nécessairement de celles-ci : axa ou bxa ou bxb=C. Les problématiques individuelles peuvent être identiques ou différentes, peu importe au fond,

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le résultat final C différera nécessairement. La théorie du « champ » affirme de son côté que chaque acteur de la rencontre apporte sa pierre à la fabrication de l’événement C surgissant dans la séance. C y naît d’une interaction élargie incluant le prétendu observateur neutre d qu’est le ou la thérapeute : si axbxd, alors C. Avec ce modèle vous ne pouvez plus affirmer que la relation que les conjoints viennent d’établir devant vous préexiste à la rencontre, que les deux partenaires feraient sans vous ce qu’ils font actuellement devant vous. Ce qu’observe le ou la thérapeute n’est pas forcément ce qui se passe dans le couple hors de sa présence, c’est seulement ce que les trois acteurs de la rencontre viennent incon-sciemment de constituer. Penser le fait conjugal à l’aide de cette interacti-vité élargie a été un progrès théorico-clinique évident.

Mais, quel que soit le modèle groupal retenu, pourquoi avoir réduit le couple à ses représentations inconscientes ? S’il semble logique de travailler impérativement en thérapie conjugale sur du commun plutôt que sur de l’intra-individuel, l’objet d’intervention doit-il se situer quasi exclusivement dans le registre de l’inconscient ?

Le commun conscient

Approcher le couple avec les concepts d’appartenance et du partagé permet d’éviter pareille réduction, de prendre en considération le commun conscient, d’entendre enfin la plainte conjugale.

C’est sur la communauté consciente 1 en voie de disparition qu’il convient au départ de centrer notre attention, même s’il est vrai que, la plupart du temps, thérapeutes conjugaux, nous recevons des couples qui ont déjà entrepris un travail de réaménagement de l’organisation conju-gale auprès de conseillers conjugaux, et malheureusement échoué, et qu’il nous faudra en conséquence réorienter tôt ou tard leur regard sur leur inconscient commun. À l’écoute de l’exprimé consciemment, on cesse de méconnaître par exemple le fait qu’à un moment donné se creuse une différence – parfois même une contradiction – entre le projet conjugal et le projet individuel d’un conjoint (Robion, 2014). Quand dans le couple un sujet ne peut plus satisfaire la totalité de ses besoins, il s’en éloigne progressivement. Un sujet peut s’attacher sexuellement à

1. Jean-Maurice Blassel (2010) nommait cette communauté consciente « projet conjugal identificatoire », Neuburger (1997) parlait de son côté de « mythe fondateur » : « Nous voulions parcourir et visiter le monde avant de faire trois enfants », « Nous voulions fonder une famille nombreuse », « Nous sommes un couple de voyageurs, de musiciens », etc.

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un être qui ne comble pas ou plus ses besoins narcissiques. Ou bien un sujet peut s’attacher à un être qui ne comble plus ses besoins sexuels, sociaux, économiques, narcissiques tout aussi nécessaires, etc. À se centrer immédiatement, voire exclusivement, sur un inconscient infantile qui pourrait sommeiller dans le couple, on passe à côté de ce qui fait réellement problème dans le couple : une incompatibilité des besoins ou leur différenciation progressive au fil du temps, conduisant quasi irrémédiablement à la dissolution de l’organisation conjugale. Mes propos sont caricaturaux ? J’ai rarement rencontré, tant dans l’exercice de mes supervisions que dans la fréquentation de mes collègues, et je ne parle pas de la grand-messe des colloques, autre chose que cette propension à ne comprendre la problématique d’un couple qu’au travers de ses liens inconscients. Pis encore, de ses « alliances inconscientes », ce qui réduit encore plus la lecture de la complexité conjugale, une « alliance incons-ciente » n’étant qu’un tout petit sous-ensemble de l’ensemble vaste des liens inconscients qui peuvent effectivement parfois faire obstacle au bon fonctionnement d’un couple.

Tenter de réaménager les règles et modalités du vivre ensemble est la solution de sortie de la crise conjugale spontanément envisagée par le ou les partenaires en souffrance conjugale qu’il nous faut commencer par reprendre à notre compte. Quand l’un réclame le changement comporte-mental de l’autre, il demande en fait sans s’en rendre compte son adhé-sion à un nouveau projet conjugal conscient, son appartenance à un nouvel ensemble. À l’issue de ce travail centré sur le commun conscient, travail qui fondamentalement ne fait que respecter la demande officielle du couple, soit les conjoints arrivent à un compromis reconstituant un nouvel ensemble d’appartenance, soit ils partent refonder ailleurs, avec un autre ou une autre, un nouveau couple dans lequel ils pourront satis-faire leurs besoins prioritaires frustrés.

Lorsque, malgré l’échec des nombreuses tentatives de réaménagement du projet conjugal conscient, nous voyons les conjoints s’obstiner dans le maintien d’un couple qui ne les satisfait plus du tout, ne pas parvenir autrement dit à la séparation salvatrice qui normalement devrait avoir lieu compte tenu de l’incompatibilité manifestement irréductible des attentes, nous sommes alors en droit de nous interroger sur la présence d’un commun inconscient. En droit et en pouvoir surtout de renvoyer cette interrogation au couple, qui à la lumière de ses échecs de réorga-nisation consciente peut enfin accepter l’idée d’un inconscient conjugal qui sommeille dans l’ombre et fait obstacle aussi bien au réajustement du projet conjugal commun qu’à sa destruction, la séparation.

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Le travail sur un inconscient conjugal n’est que le moyen – à contractualiser avec le couple, et pour cela il faut savoir attendre le moment opportun, respecter un nécessaire temps de maturation – de déboucher sur un autre commun conscient, une nouvelle appartenance, une redéfinition de l’organisation conjugale actuelle. Non une fin en soi. L’inconscient conjugal, quand il existe, doit d’ailleurs s’écrire avec une minuscule, façon de dire que d’autres réalités qu’infantiles peuvent aussi être l’objet d’un refoulement actuel dans le couple. Certains conjoints ne supportent pas l’idée, par exemple, qu’ils restent dans leur couple essentiellement pour des raisons économiques, un confort matériel. D’autres, qu’ils rêvent d’un ménage à trois, etc.

Les liens inconscients

« Je suis allée vers lui, hier soir, mais il m’a repoussée… Je sais bien qu’il ne me désire plus.

– Mais j’étais fatigué, j’avais eu une journée épuisante.

– Oui, mais ce n’est pas la première fois… il y a toujours une raison. »

Sans doute, en effet, mais laquelle ? Pourquoi la relation sexuelle dysfonc-tionne-t-elle dans ce couple où l’un allègue la fatigue, l’autre une absence d’amour ou de désir ?

Laisser le couple suivre ses problématisations spontanées, je veux dire ses recherches spontanées de solution du problème tel qu’il se le représente (changer tel ou tel comportement de l’autre, puis changer le sien, etc.), me semble une étape nécessaire. Les conjoints peuvent réorganiser leur mode de vie, cesser de dilapider leur énergie libidinale dans leurs préoc-cupations d’ordre professionnel, etc. Si cela « ne marche pas » – et d’expé-rience, nous savons bien que pareille résolution facile n’arrive pas tous les jours –, les conjoints cheminent alors et finissent par admettre que de l’inconscient sommeille effectivement derrière leur problème sexuel. Un inconscient qui entrave la mise en place d’une relation sexuelle, R, satisfaisante.

On a nommé judicieusement « lien » la relation inconsciente, L, qui se noue entre deux partenaires, parce qu’effectivement elle les ligote, les entrave, les empêche de construire la relation R consciemment désirée. Voir et ressentir par exemple un comportement parental détesté dans l’autre ou demander sans s’en rendre compte une tendresse toute mater-nelle ou paternelle au conjoint(e) dans le temps même du rapport sexuel,

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transformer ainsi inconsciemment une relation homme-femme en une relation parent-enfant, deux cas parmi d’autres d’un lien L venant infiltrer et parasiter une relation R, conjugale. À y bien réfléchir, c’est même la remise en question du lien inconscient L par l’un des deux partenaires qui est souvent à l’origine de la consultation conjugale. Que R, le partagé conscient, vacille ou soit déjà pratiquement inexistant, passe encore, mais que L menace de bientôt se rompre n’est plus supportable. Lorsque risque de disparaître le seul lien qui tient encore inconsciemment ensemble les partenaires – un lien inconscient de réparation, de refoulement ou de transgression –, les conjoints consultent, en proie à de terribles angoisses de séparation.

Les angoisses de séparation conjugale, la plupart du temps, n’ont rien d’« archaïque », elles sont de fait traversées par tous les conjoints travail-lés par un désaccord projet individuel-projet conjugal. Elles naissent simplement, si j’ose dire, de l’obligation d’avoir à perdre un objet actuel d’attachement et un ensemble actuel de rattachement (d’appartenance). S’arracher à cet objet et à cet ensemble (le couple), affronter la soli-tude affective en même temps que la solitude sociale qui suit souvent une séparation, pourquoi serait-ce facile ? Mais lorsque de l’inconscient infantile sommeille dans le couple, se séparer signifie affronter une double perte d’appartenance. Le sujet qui ne trouve plus son compte dans le projet conjugal conscient, à quitter son couple, perd certes celui-ci en tant que son ensemble social actuel d’appartenance, mais aussi l’appartenance à son ensemble familial d’origine auquel il est resté inconsciemment rattaché et qu’il a voulu refaire, réparer, en le projetant sur son couple actuel, en assignant éventuellement pour ce faire son ou sa partenaire. Quand existent ainsi dans un couple des liens inconscients d’ordre infantile, quitter son couple ne signifie rien moins que quitter son enfance.

La remise en commun des représentations

Pourquoi des conjoints viennent-ils consulter à deux pour un problème de couple ? Parce qu’ils ne partagent plus la même représentation de leur problème. La remise en commun de leurs représentations des difficultés conjugales est au cœur de leur demande. Grâce à la communauté repré-sentationnelle retrouvée, chacun espère pouvoir restaurer le couple ou le quitter. Si n’était pas désiré ce partage représentationnel, cette remise en commun des représentations du problème conjugal, le sujet porteur de la plainte consulterait individuellement, pour parler seul de son problème

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de couple. La consultation à deux témoigne de la présence de cette volonté de remise en commun. Et de l’acceptation de l’autre convié à ce travail, de la communauté de cette volonté, même si chez cet autre cette dernière ne s’exprime pas toujours explicitement.

Ce désir de faire partager à l’autre sa vision du problème conjugal est présent chez tous les couples, même dans les couples en état de disso-lution avancée. Si le sujet qui énonce en séance sa décision mûrement réfléchie de séparation n’attendait pas de la rencontre thérapeutique que son ou sa partenaire entende et finisse par accepter sa décision clai-rement arrêtée, autrement dit qu’il partage son idée qu’il n’y plus d’autre issue, nous ne serions pas là à les écouter. Il aurait consulté directement un avocat. Il n’existe sans doute plus qu’une seule chose que ce sujet désire encore partager : sa décision de séparation. Dernier acte d’une communauté conjugale, certes, mais acte de communautarisation repré-sentationnelle quand même.

Nous n’échapperons donc pas à l’obligation, en thérapie conjugale, quelles que soient les problématiques, de travailler à au moins une remise en commun, celle des représentations du problème. Mais nous devrions pouvoir en rester là, sagement, viser seulement une unité, repré-sentationnelle, tendre à reconstituer une seule communauté, celle des problématisations.

Or, que renvoyons-nous aux conjoints quand nous dévoilons intem-pestivement, trop tôt ou sans contractualisation, un inconscient infantile commun ? Nous leur signifions implicitement qu’ils partagent encore quelque chose et ce au moment même où ils se plaignent, non sans raison, de ne plus rien partager ! Ne se rend-on pas compte qu’à appro-cher de la sorte le couple en désorganisation, avec cette idée d’une communauté représentationnelle inconsciente, on exprime soi-même inconsciemment un désir de maintenir son unité, que l’on dénie même son état de désorganisation profonde ? Les couples qui nous consultent sont en effet dans un état avancé de décomposition, au bord souvent de la désorganisation ultime, la séparation. Ils n’ont quasiment plus rien en commun, pas même leurs représentations. Et, obnubilés par notre recherche d’un objet groupal de travail thérapeutique, nous leur soulignons la présence en eux d’une unité profonde inconsciente ? « Il me semble que vous êtes tous les deux en proie à une même rivalité fraternelle, qui prend sa source dans votre enfance respective. » L’inter-prétation peut être juste, elle devient fausse et inefficace car elle porte en elle une intention inconsciente de réunifier le couple, de « remettre ensemble » les conjoints. De fait, les concepts groupalistes d’« imago »,

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de « fantasme organisateur groupal », d’« interfantasmatisation » ont été créés pour penser le processus d’unification d’une collection d’individus isolés. L’usage de concepts destinés à décrire l’unification d’un groupe (et le couple est un groupe) est-il dès lors approprié à un groupe qui d’une part a déjà fait son unité et d’autre part et surtout est en voie de la perdre définitivement ? Je ne le crois pas, je crois même le contraire, car ces concepts nous amènent implicitement et à notre insu à attribuer au couple une unité qui ne subsiste plus, voire à la maintenir en dépit de la réalité de sa désorganisation.

Au lieu donc d’aller promouvoir au travers de ces concepts une unité cachée du couple, il nous faut apprendre à penser vraiment la diffé-rence et la désorganisation dans l’approche des couples, cesser de les reconstituer, à vouloir trouver notre objet spécifique de travail théra-peutique au travers d’une supposée communauté représentationnelle inconsciente.

Le commun et le communautarisé

L’usage que nous faisons des concepts de la théorie des ensembles pourrait insidieusement déboucher sur certains paradoxes. On pourrait au nom de cette théorie trouver du partagé là où il n’y en a pas vrai-ment, dire, par exemple, que le ou la « pervers(e) narcissique » et son ou sa « complice » partagent quelque chose. Non sans raison apparente, puisqu’on ne pourra pas leur enlever cette communauté minimale qu’est le fait d’appartenir à un même ensemble défini par le partage de la même relation « perverse narcissique ». Cette idée que les deux termes de la rela-tion perverse partagent quelque chose de profond est d’ailleurs attestée par l’étonnante qualification de « complice » (Eiguer, 1998) souvent utilisée à propos du partenaire du pervers. Or, si les partenaires d’une relation sadomasochiste s’entendent pour partager un même plaisir, polarisé diffé-remment, selon l’un ou l’autre, dans une relation effectivement complice, il n’en va pas de même pour ceux d’une relation perverse narcissique. Le commun n’y procède manifestement pas d’une mise en commun, d’une communautarisation des plaisirs.

Le même constat vaut également pour le lien inconscient d’« assignation projective », très fréquent dans les couples (Robion, 2009). Il s’agit d’un lien dans lequel l’un force inconsciemment l’autre, qui ne peut se dérober à l’instrumentalisation, à entrer dans l’ensemble conjugal d’appartenance auquel il aspire pour son propre compte. Cet assignant instrumenta-lise l’assigné pour réparer une enfance malheureuse ou transgresser un

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interdit ou refouler un désir coupable 2. De l’assignant et de l’assigné on est parfaitement en droit de dire qu’ils partagent une même apparte-nance, celle à l’ensemble constitué par l’assignation projective qui les lie ; pourtant, si l’on en restait là, à cette seule communauté d’appartenance, comme dans la relation « perverse narcissique », on passerait à côté de l’essentiel : le fait que ce qui relie alors assignant et assigné, tout comme le (la) pervers(e) narcissique et son (sa) victime, est certes un partage, mais le partage d’une relation de non-partage. Le partage d’une relation de non-partage ? La définition même de la violence. Pour sortir de ce paradoxe, il suffit en fait distinguer le commun du communautarisé. Dit autrement, de distinguer le partagé consenti du partagé non consenti.

On ne peut parler de « pacte symbiotique », comme je l’écrivais dans l’article « Mais qu’est-ce qu’ils font ensemble ? » (2014), dans la mesure où un pacte suppose un accord, donc une mise en commun. Ce qui n’est aucunement le cas, puisqu’un seul des deux partenaires se trouve dans la dynamique inconsciente de réparation (ou refoulement ou transgres-sion), se la voit même imposer. L’acte de communautarisation dans et par lequel deux sujets décident d’associer, d’unir plaisirs et déplaisirs est une vraie ligne de démarcation entre le commun et le communauta-risé. Lorsque deux individus communautarisent des besoins identiques, ils aboutissent à une égalité dans la satisfaction. C’est ce que les systé-miciens ont nommé une « symétrie ». Le système s’organise pour que chacun trouve son compte, alternativement ou non, relativement à un même besoin. Une organisation se met en place permettant la satisfac-tion équitable du même besoin. La « symétrie » des systémiciens est une communautarisation des identités. Mais dès que les partenaires cessent inconsciemment de consentir à cette mise en commun, l’égalité de satis-faction risque de disparaître et s’installe alors une « escalade symétrique », à savoir une lutte de chacun pour éviter l’inégalité de satisfaction. Sur les risques et conséquences de l’inégalité de satisfaction, je renvoie le lecteur aux éclairantes analyses de Sartre dans sa Critique de la raison dialectique.

Lorsque deux sujets associent des besoins différents, une relation « complémentaire » s’établit, c’est-à-dire une relation dans laquelle chacun consent à la satisfaction différente de l’autre, à condition de pouvoir aussi

2. Dans une assignation projective de réparation, un conjoint tend à refaire son enfance grâce au ou à la partenaire convié(e) secrètement à occuper une place de parent idéal, d’enfant idéal. Il impose alors à l’autre un rôle dont celui-ci ne doit pas sortir. Même chose en ce qui concerne l’assignation projective de refoulement.

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accéder à la sienne, en même temps ou non. La « complémentarité » si chère aux systémiciens est une communautarisation des différences.

Penser que la victime d’une violence conjugale (victime féminine le plus souvent) est « quelque part » consentante ou « complice » (« si elle reste, c’est qu’elle y consent secrètement, sinon elle partirait ») relève d’une confusion manifeste entre deux concepts : le commun et le communau-tarisé, d’un mauvais usage par conséquent des concepts de la théorie des ensembles. La violence conjugale, physique ou psychique, dans la quasi-totalité des situations (« quasi » car effectivement, parfois, une relation « complémentaire » sado-masochiste peut expliquer sa présence), relève d’une absence totale de communautarisation, d’un commun non consenti.

Conclusion

Nous avons trop longtemps pensé le commun dans notre approche des couples comme un commun inconscient, cet inconscient comme iden-tique (« pluri-individuel »), cet identique comme infantile. Nous avons trop longtemps pensé exclusivement le couple avec des concepts grou-palistes destinés à décrire un processus inconscient d’unification d’un groupe. Or, un couple en souffrance est un groupe en état de désorgani-sation. Penser ce groupe avec ces concepts revient alors exactement soit à concevoir une unité là où il n’y en a plus, soit à œuvrer unilatéralement au maintien d’une unité artificielle. Il faut donc penser le couple avec des notions plus appropriées à son état de désorganisation, travailler sur un commun qui préserve la différence et la désorganisation : l’appartenance, le partagé, le lien inconscient.

Bibliographie

Blassel, J.-m. 2010. « Écoute psychanalytique groupale du couple », Association libre, 1.caillot, J.-p. ; decherf, g. 1989. Psychanalyse du couple et de la famille, Paris, A.Psy.G.EiguEr, A. 1998. Clinique psychanalytique du couple, Paris, Dunod.KAës, r. 1999. « Pacte dénégatif et alliances inconscientes », dans D. Anzieu (sous la direction de), Autour de

l’inceste, Collège de psychanalyse groupale et familiale.NEuburgEr, r. 1997. Les nouveaux couples, Paris, Odile Jacob.robioN, J. 2013. Essais de neuropsychanalyse, Paris, L’Harmattan.robioN, J. 2014. « Mais qu’est-ce qu’ils font ensemble ? », Dialogue, 203.sArtrE, J.-P. Critique de la raison dialectique, Paris, Gallimard.

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Conjugal communities

Keywords

Belonging, sharing, non-sharing relation, communitarisation, representational community, unconscious bond, conjugal disorganisation.

Abstract

How can you work together on a working object that is shared but that cannot be reduced to the unconscious, the infantile, the pluri-individual identical? The author, who is a psychoanalyst and couple therapist, proposes resorting to the concept of belonging of set theory and, concretely, in practice, to its subjec-tive version: the concept of the shared and the not shared. This provides a way of thinking of what is held in common by the couple and that maintains its sometimes irreducible differences and disorganisation, a way of not taking our unconscious desire for unification of the couple for that of the couple. This also involves resorting to the notion of the unconscious bond rather than that of unconscious alliance.

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