les enfants, c’est bÂtir le congo -...

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1 INVESTIR DANS LES ENFANTS, C’EST BÂTIR LE CONGO Rapport de la deuxième session de sensibilisation Comment améliorer la distribution des ressources pour répondre aux attentes des enfants congolais en matière d’éducation et de santé? Elargir l’espace budgétaire pour permettre au Gouvernement de mieux financer les secteurs sociaux est une nécessité, comme l’a montré la première session de sensibilisation. Toutefois, pour garantir le droit à l’éducation primaire et aux soins de santé de base pour tous les enfants, l’allocation des fonds conséquents est nécessaire. De plus, il faudrait s’assurer que ces allocations budgétaires se font de manière équitable et transparente, tout en tenant compte des défis à relever, particulièrement dans les secteurs de l’éducation et de la santé, afin de répondre aux attentes des enfants congolais. La seconde session de sensibilisation s’est penchée sur l’importance des crédits budgétaires accordés aux secteurs sociaux. Aussi, les participants ont discuté des questions relatives à l’arbitrage dans l’allocation des crédits budgétaires ; à l’alignement du budget sur les stratégies sectorielles (ou politiques publiques) ; et à la mise à disposition des fonds pour une exécution efficace des plans de développement ou programmes d’action. Il est ressorti de cette session des recommandations quant à la mise en place d’un budget transparent et favorable aux secteurs sociaux. Figure 1 : Budget éducation et santé sans les financements extérieurs Source : Données du Ministère du Budget par chapitre « Si le budget n’est pas crédible, l’action publique ne peut pas être efficace … Or la crédibilité du budget est une chose simple : il faut que ce qui est inscrit dans le budget reflète effectivement une politique publique visant à atteindre des résultats clairement identifiés. » Daniel Mukoko, Vice-premier Ministre, Ministre du Budget 8.2 8.7 8.2 9 2.9 3.8 3.7 3.6 11.1 12.5 11.9 12.6 0 2 4 6 8 10 12 14 2011 2012 2013 2014 % Min. EPSP Min. Santé Total © UNICEF RDC 2013 Diana Mrazikova © UNICEF RDC 2014 Benoit Almeras

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1

INVESTIR DANS

LES ENFANTS,

C’EST BÂTIR LE

CONGO

Rapport de la deuxième session de sensibilisation

Comment améliorer la distribution des ressources pour répondre aux attentes des

enfants congolais en matière d’éducation et de santé?

Elargir l’espace budgétaire pour permettre au Gouvernement de mieux financer les secteurs sociaux est une

nécessité, comme l’a montré la première session de sensibilisation. Toutefois, pour garantir le droit à l’éducation

primaire et aux soins de santé de base pour tous les enfants, l’allocation des fonds conséquents est nécessaire.

De plus, il faudrait s’assurer que ces allocations budgétaires se font de manière équitable et transparente, tout en

tenant compte des défis à relever, particulièrement dans les secteurs de l’éducation et de la santé, afin de

répondre aux attentes des enfants congolais.

La seconde session de sensibilisation s’est penchée sur l’importance des crédits budgétaires accordés aux

secteurs sociaux. Aussi, les participants ont discuté des questions relatives à l’arbitrage dans l’allocation des

crédits budgétaires ; à l’alignement du budget sur les stratégies sectorielles (ou politiques publiques) ; et à la

mise à disposition des fonds pour une exécution efficace des plans de développement ou programmes d’action. Il

est ressorti de cette session des recommandations quant à la mise en place d’un budget transparent et favorable

aux secteurs sociaux.

Figure 1 : Budget éducation et santé sans les financements extérieurs

Source : Données du Ministère du Budget par chapitre

« Si le budget n’est pas

crédible, l’action publique ne

peut pas être efficace … Or la

crédibilité du budget est une

chose simple : il faut que ce qui

est inscrit dans le budget reflète

effectivement une politique

publique visant à atteindre des

résultats clairement identifiés. »

Daniel Mukoko, Vice-premier

Ministre, Ministre du Budget

8.2 8.7 8.29

2.93.8 3.7 3.6

11.112.5

11.912.6

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1. Parts de l’éducation et de la santé dans le budget national

Dans le cadre de son programme d’actions, le Gouvernement de la RDC s’est engagé à assurer une éducation

pour tous et à élargir la couverture sanitaire dans le pays. Pour ce faire, il consacre de plus en plus de moyens

aux secteurs de l’éducation et de la santé (Figure 1). Alors que le budget national de 2002 consacrait moins de 7

% des crédits budgétaires à l’éducation et à la santé, celui de 2013 leur a consacré un crédit de plus de 24.6 %

de l’enveloppe globale. Cette progression est impressionnante et atteste de la volonté des autorités à doter le

pays d’un important stock de capital humain.

Pour garantir un bon fonctionnement des écoles et centres de santé, les autorités se sont évertuées en 2011/12 à

transférer régulièrement les frais administratifs, mécaniser (inscrire dans la liste de paiement) et payer

régulièrement une partie du personnel, ainsi qu’uniformiser les zones salariales. Aussi, elles se sont engagées

dans la remise en état de plusieurs infrastructures sanitaires et scolaires.

Malgré l’accroissement de la part du budget national consacrée aux secteurs de l’éducation et de la santé, les

participants ont noté certaines faiblesses dans la manière d’allouer les fonds. La part consacrée aux deux

secteurs demeure inférieure à ce qu’elle devrait être si l’on s’en tient à la nature des problèmes à résoudre et aux

engagements pris par le Gouvernement (30 % du budget total pour les deux secteurs). En dépit de la

décentralisation, la plupart des ressources allouées aux deux secteurs sont sous le contrôle du Gouvernement

central. Il y a de fortes disparités entre les allocations entre provinces. Le volume de crédit ne semble pas être

corrélé aux besoins, mesurés en termes de personnes à servir ou prendre en charge.

« Le droit à l’éducation primaire et aux soins de santé de base pour tous les enfants sont des priorités non seulement déclarées mais également dans les faits en RDC. Le 25ième anniversaire de la Convention des Droits de Enfants devrait nous animer à redoubler d’efforts pour assurer que ces droits soient garantis à tous les enfants de la RDC. »

Barbara Bentein,

Représentante de l’UNICEF

en RDC

2. Arbitrages budgétaires et allocations : défis et critères à observer

En principe, l’élaboration du budget en RDC devrait se faire dans une

perspective de moyen terme, en tenant compte de la nécessité d’avoir

une politique budgétaire soutenable, un ensemble de plafonds indicatifs,

et des orientations de la stratégie nationale de développement

(DSCRP). Les intervenants ont mentionné que, dans la pratique, ceci

n’est pas toujours le cas. L’exercice est annuel, les plafonds ne sont pas

bien définis, souvent on procède à une reconduction des crédits

budgétaires des années antérieures sans tenir compte de ce qui a été

effectivement réalisé.

Au moment de l’exécution, le financement est limité et un arbitrage est

nécessaire. En matière d’octroi des crédits, l’arbitrage est assuré par la

commission budgétaire nationale au niveau technique et par le Ministère

du Budget au niveau politique. Il est limité par la faiblesse de ressources

et par un déséquilibre du rapport de forces dans les négociations.

L’arbitrage devrait prendre en considération plusieurs dimension y

compris i) les priorités/stratégies nationales, ii) une bonne combinaison

de dépenses, ainsi qu’une distribution géographique.

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B) Allocation dans les secteurs sociaux par type de dépenses

Les ressources budgétaires allouées à l’éducation et à la santé sont

essentiellement consacrées au paiement des salaires (Figure 3), des

primes et frais de missions (90 % des dépenses engagées en 2012 et

2013). Etant donné que les fonds sont alloués là ou la capacité (les

ressources humaines) est déjà installée, cet aspect devient de facto le

critère principal dans l’allocation. Il reste tout de même une marge de

manœuvre en ce qui concerne le financement pour la construction et la

réhabilitation de centres de santé/écoles et les investissements. La part

réservée à l’investissement est faible, alors que les deux secteurs sont

touchés par un déficit infrastructurel assez important. Toutefois, en 2013,

elle a augmenté pour les deux secteurs en raison du programme

gouvernemental de réhabilitation des écoles et de rééquipement de

centres de santé et hôpitaux. Dans le secteur de l’éducation, les dépenses

d’investissement sont difficile à tracer, parce qu’elles ne sont pas logées

dans le ministère de l’EPSP.

C) Les considérations géographiques dans l’allocation

Malgré le processus de décentralisation, il persiste de fortes disparités

entre les allocations d’une province à une autre. Le volume de

financement ne semble pas être corrélé aux besoins, mesurés en termes

de population à servir ou élèves.

Ceci est aussi reflété dans le tableau 1 ci-dessous, dans lequel sont notés

les montants alloués par le pouvoir central à chaque province. L’allocation

est faite principalement en fonction de la capacité installée, c’est-à-dire du

personnel. Ceci résulte aussi en une marge de manœuvre assez limitée

en terme d’allocation du financement actuel. De plus, un nombre important

de fonctionnaires ne sont pas encore mécanisés et ne sont pas payés.

Selon le RESEN, 36 % des enseignants ne sont ni mécanisés et ni payés.

Tableau 1 : Dépenses/tête dans l’éducation et la santé en 2013 (CDF)

Pro-vince

Santé par tête

Education primaire et secondaire par élève

Pro-vince

Santé par tête

Education primaire et secondaire par élève

Dépense Dépense

Kasaï-Occidental 943 4 340 Maniema 1277 18 785

Katanga 678 11 974 Equateur 946 19 010

Kasaï-Oriental 4014 12 659 Bandundu 1012 19 938

Sud-Kivu 745 14 448 Bas-Congo 1470 23 767

Nord-Kivu 815 14 672 Kinshasa 4210 52 699

Province Orientale 848 14 875

Les priorités du DSCRP, du Plan Intérimaire de l’Education et du Plan National de Développement Sanitaire

devraient servir de boussoles. Actuellement, les politiques sectorielles ne sont pas clairement exprimées (costing

inexistant, cadre de référence ambigu). Pour s’assurer de l’efficacité des dépenses, l’allocation budgétaire devrait

se faire suivant les stratégies sectorielles, et le décaissement des fonds doit être régulier et conforme aux

exigences de la mise en œuvre des stratégies. Des critères d’allocation des ressources standardisés et

permettant de respecter les principes d’équité, d’efficience, et de qualité s’avèrent nécessaires. L’allocation des

crédits budgétaires souffre également du fait que les stratégies sectorielles ne sont pas reflétées dans la

nomenclature des dépenses publiques. De ce fait, la planification et la mise en œuvre des actions prioritaires

dans ces secteurs sont peu traçables.

A) Alignement du budget sur les stratégies sectorielles

Figure 2 : Structure des dépenses éducatives et sanitaires

Source : Ministère de la Santé, Ministère de l’EPSP

0% 25% 50% 75% 100%

2012

2013

Autres Investissement Salaires

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Vers un budget plus transparent et favorable aux secteurs sociaux

Pour obtenir un budget plus transparent et favorable aux secteurs sociaux,

il faudrait relancer le dialogue au niveau politique, afin d’assurer une place

adéquate des secteurs prioritaires de l’éducation et de la santé dans la

stratégie du Gouvernement et dans les arbitrages politiques faits au

moment de la préparation du budget. Dans ce même cadre, il faudrait

aussi renforcer les capacités des ministères sectoriels, notamment des

unités de budgétisation sectorielles mises en place pour préparer le

budget chaque année. Le Ministère national du budget devrait continuer à

travailler avec les ministères sectoriels afin de clarifier les attentes, et

développer les outils pour aider à une meilleure qualité des conférences et

débats d’orientation budgétaires.

Intervenants de la session

Valère Munsya, Coordonnateur de la Cellule d'appui technique (CAT) du ministère de l'EPSP

Jean-Claude Lapole, Directeur de Cabinet adjoint/Ministère du Budget

Dr Didier Molisho, Député National

Prof. François Kabuya, Directeur de Cabinet/Ministère des Finances

Modératrice : Mailan Chiche, Conseillère en Gouvernance, DFID

Série de sessions de

sensibilisation

La deuxième session de

sensibilisation a eu lieu le jeudi

21 octobre 2014 à Kinshasa.

Cette deuxième session était

inscrite en prolongement de la

première, qui s’est tenue à

Kinshasa en septembre 2014 et

s’est penchée sur la question de

l’allocation budgétaire, en

accordant une attention

particulière à l’éducation et la

santé.

Les sessions ont porté sur:

i. La mobilisation des ressources,

ii. L’allocation et la distribution

des ressources, et

iii. L’exécution des ressources.

Recommandations de la session

Allouer les crédits budgétaires en fonction des priorités

sectorielles et s’assurer que les stratégies sectorielles contiennent un

costing réaliste et sont en ligne avec les plafonds budgétaires.

Définir les critères d’allocation des crédits par secteur en tenant

compte, entre autres, des besoins/priorités, équité et performance.

Lancer la déconcentration de la gestion budgétaire et accroître le

taux d’exécution des rétrocessions au profit des provinces.

Protéger les lignes budgétaires santé/éducation et améliorer la

gestion de trésorerie, afin de rendre rapidement les fonds disponibles

(établir un lien fort entre le budget et le Plan de Trésorerie).

Sensibiliser et renforcer les capacités des provinces sur le rôle

qu’elles doivent jouer pour financer les secteurs sociaux et faire le suivi

de la réalisation de leurs engagements.

Améliorer la transparence sur le niveau et l’allocation des

ressources extérieures ainsi qu’aligner les interventions des PTF en

fonctions des plan et priorités nationales.