les freins à l'emploi
DESCRIPTION
Outil conçu à partir d'une enquête de terrain menée auprès de 31 travailleurs sociaux et 15 allocataires du RSA, autour de ce qui fait obstacle au retour à l'emploi.TRANSCRIPT
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Les freins à L’empLoi
Les CArneTsDU pr ZoULoUCK
VOUS SAVEZ MADAME, C’EST PAS FACILE D’ÊTRE RÉDUIT À LA SOMME
DE SES DIFFICULTÉS !
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FICHE SIGNALÉTIQUE
SITUATION SOCIALE ET FAMILIALE
Nom : Zoulouck
Date de naissance : le 3 août 1965 à Kuglofsheim
dans le Bas-Rhin (67)
N° de sécurité sociale : 1 65 08 67 091 509 013
Situation de famille : marié, 5 enfants
Profession revendiquée: Enquêteur International
Profession réelle : Enquêteur Départemental
Ponctualité : ça dépend du vent...
MORPHOLOGIE, INTELLIGENCE
Q.I. : 98
Taille : 1m 75
Poids de forme : 65 kilos
Poids actuel : 77 kilos
Envergure : 1m 40
SIGNES PHYSIQUES PARTICULIERS
Porte une crête d’origine inconnue sur la tête.
Par ailleurs, vole comme un manche ce qui
explique qu’il se déplace en montgolfière.
CARACTÉRISTIQUES PSYCHOLOGIQUES
Prétentieux, péremptoire, donneur de leçons,
soupe au lait, caractériel, susceptible, voire
un brin mythomane (il se fait appeler Professeur
alors qu’il a loupé tous ses diplômes).
Hypersensible, côté inadapté très développé.
A bon fond cependant, et cherche à progresser.
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Présentation du carnet
ce carnet est composé de 4 parties. nous commençons par rappeler le contexte dans lequel l’action s’est inscrite ainsi que la démarche employée. dans un deuxième temps, nous présentons les résultats de cette enquête (menée auprès de 30 professionnelles et 15 allocataires du rsa) en observant ce qui ressort de leurs points de vue respectifs. nous proposons ensuite quelques pistes de réflexion pour tenter d’améliorer certaines questions sensibles soulevées lors de la phase d’enquête. Pour finir, nous illustrons notre propos par un exemple, celui du Professeur Zoulouck !
1) Avant-proposobjectifsBref historiquedémarche employéereprésentation artistiquecontenu du dVdremerciements
2) Ce qui ressort de l’enquête sur les freins à l’emploice qui ressort des entretiens faits avec les professionnellesce qui ressort des entretiens faits avec les allocatairesconclusion
3) Illustration par un exemple : ZoulouckLes principaux freins identifiés chez Zoulouck son frein moteurJeu
4) D’autres choses à rajouter ?Cette dernière partie vous est destinée si le coeur vous en dit !
L’éditeur
Les CArneTsDU pr ZoULoUCK
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Avant-proposobjectifsL’objectif de ce projet est de créer des ressources
innovantes sur la question des freins à l’emploi à
partir d’une enquête de terrain conséquente réalisée
auprès de professionnels et d’allocataires du RSA.
Ces ressources s’adressent en priorité aux travailleurs
sociaux qui accompagnent ces personnes vers le
retour à l’emploi. Elles doivent donc être accessibles,
dynamiques et adaptées, de manière à permettre aux
professionnels qui le désirent de se les approprier
facilement.
Bref historiqueDémarrage un peu poussif
Entre l’écriture du projet et le démarrage réel de
l’action (Juin 2011), il s’est écoulé plus de 6 mois. Au
départ, plusieurs U.T.P.A.S. avaient été contactées,
mais seules deux d’entre elles ont finalement donné
leur accord : celle de Fives et celle de Mons/Marcq. Et
encore, pour cette dernière, les choses étaient loin
d’être acquises lors de la présentation à l’équipe. En
effet, quand nous avons présenté le projet ce matin-
là, les assistantes sociales présentes étaient fort ré-
servées (pour ne pas dire plus...) quant à l’intérêt de
cette action.
C’est après avoir vu le petit film et écouté les chan-
sons réalisées dans le cadre d’un projet mené à Rou-
baix autour du malaise adolescent qu’elles se sont
décidées soudainement : « Avant, on était dans le
bla-bla, tandis qu’après le film et les chansons, on a
vu ce que ça donnerait, on était dans le concret, on
pouvait se projeter », une assistante sociale. C’est
donc bien à partir de cet instant que les profes-
sionnelles présentes ont pu imaginer les contours
de l’action ainsi que les éventuels bénéfices qu’elles
pourraient en tirer (en termes de réflexion sur leurs
pratiques et sur leurs représentations...).
Mais une fois cet intérêt manifesté, elles n’ont pas
fait les choses à moitié puisque les 15 profession-
nelles de Mons/Marcq présentes ont en effet toutes
souhaité être rencontrées individuellement pour par-
ticiper à l’élaboration du diagnostic partagé autour
de la question des freins à l’emploi.
Du côté de Lille-Fives, nous avons eu la chance
d’avoir comme interlocutrice une chef de service qui
connaissait notre association et était de ce fait déjà
convaincue par notre approche. Elle a donc eu plus
de facilités à convaincre son équipe.
Au final, nous avons rencontré 26 professionnel-
les, 15 sur Mons/Marcq, 11 sur Lille-Fives. Sur ces 26
professionnelles, 9 ont été rencontrées par petits
groupe (2 ou 3) et 17 dans un cadre individuel. Les
entretiens individuels ont duré en moyenne 1 h et les
temps collectifs entre 1 h 30 et 3 h.
Nous avons également rencontré à plusieurs re-
prises des personnes représentant l’Institution
(Conseil Général du Nord) pour leur faire part de
l’avancée de ce travail d’enquête et de création.
A chaque point d’étape, celles-ci ont manifesté un
grand intérêt et une forte implication.
ça en fait des bellesrencontres tout ça !
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pHAse 1 : L’enquêteLa rencontre avec les professionnelles
Dans l’élaboration de cet outil, nous avons d’abord
rencontré les professionnelles dans un cadre indi-
viduel si possible pour leur permettre de dire tout
ce qu’elles pensent sur le sujet, sans tabou ni peur
du jugement des autres. Cette façon de faire a per-
mis de lever des craintes, de créer un climat de
confiance entre l’intervenant et les professionnelles
et cela a par conséquent facilité l’émergence d’une
parole libre et sincère. A chaque étape, nous avons
proposé une restitution de manière à ce que cha-
cun puisse valider nos propositions et vérifier que
sa parole n’avait pas été déformée ni sortie de son
contexte. C’est l’ensemble du processus qui crée la
confiance.
Une fois les professionnelles rencontrées, ce sont
elles qui nous ont ensuite servi de relais pour rencon-
trer le public. Nous partons en effet du principe que
si elles ne sont pas elles-mêmes convaincues du bien-
fondé de l’action, il n’y a aucune chance pour qu’elles
puissent convaincre le public de son intérêt.
La rencontre avec les allocataires
Suite à ces premiers entretiens, 15 allocataires ont
donc été contactés (2 hommes, 13 femmes) : 5 sur
le territoire de Mons/Marcq, et 10 sur celui de Lille-Fi-
ves. Le contact avec ces personnes a été très bon.
Nous avons vu en moyenne chaque personne 3 fois.
A l’issue de ces entretiens, 13 personnes sur 15 se
sont vues remettre un livret personnalisé sur lequel
elles ont pu apposer leur empreinte. Le temps moyen
passé par personne a été de 12 h. Pour réaliser un
livret, il faut au minimum 3 rencontres.
- Une première au cours de laquelle la personne ra-
conte son parcours de vie (durée 1 h 30).
- Une deuxième où nous lui restituons sa parole mais
en ayant reconstitué les éléments de son histoire.
Lors de ce deuxième entretien, la personne valide
nos propositions et souvent, parce qu’elle est mise
en confiance, ajoute de nouveaux éléments encore
plus personnels (1 h 30).
- Lors de la troisième rencontre, nous lui remettons un li-
vret individuel d’une douzaine de pages (tel que celui-ci)
qu’elle valide là encore (1 h). Ce livret lui appartient dé-
sormais, il n’est pas destiné à être rendu public mais
elle peut le partager si elle le souhaite.
Démarche employée
Mme...
Il était une fois...
DT Lille- Fives Juin 2011
/ AssociationLaisse Ton Empreinte
Intervieweur > Luc ScheiblingAuteurs > Sabrina et LucIllustrations > Etienne Appert
© Laisse Ton Empreinte/Luc ScheiblingTous droits de l'éditeur et du propriétaire de l'oeuvre réservés. Sauf autorisation, la duplication ou le prêt de cette oeuvre sont interdits.
D'abord une première rencontre au cours de laquelle la personne se raconte et dit des choses importantes de son parcours, de son histoire...
Quelques jours plus tard, un second entretien a lieu au cours duquel on lui restitue ce qu'il nous a dit, mais en le structurant, en y apportant parfois notre regard, notre angle de vue. Au cours de cette seconde rencontre, la personne valide notre proposition et donne son accord pour que cet écrit soit mis dans son livret.
Lors de la troisième rencontre, nous remettons son livret à la personne. Ensuite, en fonction du désir de chacun, ce livret voyage au sein de la famille, de l'entourage...
Cette expérience courte dans le temps (trois rencontres maximum) produit parfois des effets étonnants en terme de prise de conscience, de changement de regard réciproque...
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L'indépendance, c'est la clé !
Etre indépendant ! C’est ça la clé !On peut réussir, mais pour ça il ne faut pas dépendre d’un homme. Quand on bosse, on gère son propre stress et quand on vit à deux, on a chacun le sien. Ce qui ne va pas par contre, c’est quand le mari qui travaille communique tout son stress à sa femme et se croit tout permis sous prétexte qu’elle dépend de lui. Les reproches, les remarques négatives, la culpabilité, tout ça c’est du poison !
Je viens d’une autre ville, là-bas il n’y avait pas de travail, pas de perspectives.J’y ai laissé ma vie ancienne pour venir construire mon avenir ici, à Lille, dans le quartier de Fives. C’est ici que j’ai trouvé du boulot. Je travaille comme agent d’entretien dans une halte-garderie. Grâce au cumul de mon CAE et de mon RSA, j’arrive à 1000 euros. J’ai suivi le même chemin que ma mère en fin de compte. Ce n’est pas parce qu’on est seule avec deux gosses, qu’on ne peut pas s’en sortir. Ce sont des croyances tout ça, des racontars.
Comment j’ai trouvé du boulot ? C’est tout simple en fait, c’est grâce au bénévolat. D’ailleurs c’est le genre de message que j’ai envie de faire passer à d’autres bénéficiaires. Les gens pour qu’ils nous embauchent, il faut qu’ils nous connaissent, il faut qu’ils sachent à qui ils ont affaire, il faut qu’ils aient confiance. Et pour ça le bénévolat c’est bien. Etc, etc...
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MON EMPREINTE
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phase 2 : représentation artistique
A l’issue de la première phase qui nous a permis de
construire un diagnostic partagé avec les profession-
nelles et les allocataires, nous avons proposé aux
personnes volontaires de participer avec nous à l’éla-
boration de la phase deux, celle de la représentation
artistique. A cette étape, nous enregistrons des ex-
traits de témoignages, prenons des photos, construi-
sons le scénario de l’histoire de manière à construire
un propos clair, accessible et si possible attrayant.
Car notre objectif est double : il s’agit de faire en sor-
te que celles et ceux qui y ont participé s’y retrouvent
mais aussi que cela puisse parler à d’autres profes-
sionnels, d’autres allocataires qui n’ont pas participé
au projet.
La représenter
Pour pouvoir le faire, nous avons besoin d’un narra-
teur qui mette en perspective les différents messa-
ges de manière à produire un discours accessible. Le
ton employé doit être léger, distancié pour contreba-
lancer la sensibilité de certains sujets et procurer les
respirations nécessaires. C’est ici que Zoulouck, notre
passeur rentre en piste !
Toujours dans un processus de restitutions/valida-
tions successives, nous élaborons le scénario. A
chaque étape, nous soumettons aux professionnels
et allocataires volontaires nos propositions qu’ils
valident et complètent éventuellement. Nous avons
ainsi réuni trois fois (en novembre 2011, février et mai
2012) des professionnelles, des personnes représen-
tant l’Institution et des usagers pour leur présenter
l’avancée du film d’animation avec Zoulouck. Ces pro-
jections collectives ont été en outre l’occasion pour
les allocataires et les professionnelles d’échanger, de
confronter leurs points de vue de façon fructueuse,
et même de lever certains malentendus.
Quelques mots sur Zoulouck
Ah Zoulouck, que ferions-nous sans lui ? C’est notre
enquêteur fétiche, notre mascotte, notre... Arrêtons-
nous là car il est très prétentieux et ça pourrait lui
monter à la tête ! En tout cas, son côté tête à claques
fait mouche auprès du public. Sans doute parce qu’il
représente la posture du donneur de leçons, très
fort pour pointer les dysfonctionnements des autres,
mais beaucoup moins quand il s’agit de reconnaître
les siens... Zoulouck est donc très important mine de
rien, car il nous permet de dédramatiser, de mettre
de la distance sur certains sujets sensibles difficiles à
aborder frontalement. En clair, il permet de vulgariser
un discours et des notions qui en général relèvent de
l’écrit.
tête à claques toi-même !
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Contenu dU DVD
L’histoire1) L’introduction. Le professeur Zoulouck se fait interpe-ler par Roger Baldeck son voisin, allo-cataire du RSA. Celui-ci lui demande de le remplacer pour une convocation à l’U.T.P.A.S. de Mons en Fivois. Il ne supporte pas ce genre d’endroit et en-core moins d’être convoqué car ça lui rappelle de mauvais souvenirs (période de collège...). Par dessus le marché, son assistante sociale de référence est absente et c’est une autre qui la rempla-ce, une soi-disant Mme Létourneau et ça Baldeck le supporte très mal... Zou-louck après quelques hésitations finit par accepter la proposition de Baldeck d’autant plus qu’il lui est redevable...
2) Dialogue Zoulouck/LétourneauZoulouck rencontre Marie Létourneau qui ne s’aperçoit pas du subterfuge (vu qu’elle ne connaît pas Roger Baldeck).
Ensemble, ils font le point sur sa situation de demandeur d’emploi et abordent un certain nombre de questions sensibles qui se posent dans la relation allocatai-re / travailleur social, reprenant en cela les éléments importants qui sont ressor-tis de notre enquête. Soudain Marie se rend compte que Zoulouck lui a menti. S’ensuit une grosse colère qui finit par déboucher sur des aveux sincères de Zoulouck mais aussi de Marie. La vraie rencontre qui permet de lever certains blocages et malentendus a enfin lieu... Cerise sur le gâteau, à l’issue de cet entretien, Marie Létourneau trouve les mots pour convaincre Roger Baldeck (le vrai !) de se rendre à l’U.T.
3) La soufflante de RoncevalDans cette partie, Zoulouck a rendez-vous avec le Docteur Ronceval, son employeur et mentor qui lui passe une
sérieuse soufflante. Le Doc vient en effet d’avoir eu vent de son usurpa-tion d’identité par Irène Chassagnou, une amie de sa femme, qui se trouve être par ailleurs la Directrice des U.T. du Nord. Ceci-dit, au vu des premiers retours de Baldeck et de Mme Létour-neau, il apparaît à nos décideurs qu’il ne serait peut-être pas inutile que Zou-louck poursuive cette enquête...
4) Témoignages des acteursZoulouck revient vers son employeur après avoir mené son enquête auprès de 15 allocataires et 26 professionnel-les de terrain. Il lui montre des extraits de différents témoignages assez repré-sentatifs et souvent émouvants qui in-terpèlent et donnent à réfléchir sur cette fameuse question des freins à l’emploi, mais plus largement aussi sur la relation des travailleurs sociaux avec le public.
Les CArneTsDU pr ZoULoUCK
Les freins à L’empLoi
Durée : 32’50’’
VOUS SAVEZ MADAME, C’EST PAS FACILE D’ÊTRE RÉDUIT À LA SOMME DE SES DIFFICULTÉS !
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remerciementsAux allocataires Un merci tout particulier pour leur participation et leur implication tout au long du projet à Sabrina Kébabla, Muriel Lenormand, Hakima Berdeg, Hélène Bouquillon, Rachida Errachidi, dominique Vivier, sylvie Masselot, nora Bienaimée, thierry Le Pennec.Merci aussi à Kathleen, nicole, Marie, clémence, nadège, carole.
Aux professionnelles et personnes représentant le Conseil Général du NordL’U.T. de FivesMme sissamouth, responsable de l’u.t.Patricia Levecq, chef de serviceet les travailleurs sociaux : Myriam Laabousi, Marlène dupont, Brigitte Manchaussat, Fouzia Rachad, Marie Morel, chloé abadie, thérèse Bobin.Un merci tout particulier à Yamina Boudjma et cécile tessa pour leur implication.
L’UT de Mons/Marcq Mme Payage, responsable de l’u.t. sylvie Becamel, chef de serviceet les travailleurs sociaux : isabelle Boxelé, christine Fleury, Marie France Vaillant, Peggy Vanderwoorde, Carole (stagiaire), Elisabeth Hague, Odile Brossier, Ben Sefir.Un merci tout particulier à Vanessa dupont, Véronique caudron, stéphanie ducarne, Marie-caroline cattier, sandrine sohier pour leur implication.
Un special thank à céline Geeraert, pour sa participation et son rôle déterminant dans le dVd. c’est elle qui joue avec brio Mme Létourneau.
Un grand merci aussi pour leur intérêt et leur implication à :Martine carpentier, directrice adjointe de la direction territoriale de la Métropole Lilloise elodie Hamard, responsable du P.L.e.P.s. (direction territoriale Métropole Lilloise)Francine delemasure, responsable du P.L.e.P.s. secteur Lille-estcéline Murray, animatrice insertion au P.L.e.P.s.
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rentrons dans le vif du sujet à présent.
si vous le voulez bien !
Le poinT De VUe Des
professionneLLes
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des histoires difficiles Les personnes que l’on voit ont
souvent eu une histoire difficile.
Celles qui ont juste un accident de
parcours rebondissent en général,
on les remet sur les rails et elles
repartent. Mais celles qui sont cas-
sées depuis l’enfance, c’est autre
chose. Elles n’arrivent pas à se re-
construire à cause de ruptures fa-
miliales, d’évènements marquants
ou parce qu’elles ont subi différen-
tes formes de maltraitance (il y a
beaucoup d’allocataires qui ont
été placés durant leur enfance...).
Les séparations jouent un rôle
important dans la dégringolade.
Les hommes semblent particulière-
ment fragiles à ce sujet.
On a affaire quelquefois aussi à des
personnes qui se sont mobilisées,
qui y ont cru, mais qui ont connu
des échecs, des fins de non-rece-
voir et qui ont totalement perdu
confiance en elles.
Le poids de l’environnement Le rôle de la femme
Dans certaines familles, c’est à
l‘homme de chercher du boulot,
c’est son rôle. Il ne viendrait pas
à l’idée que la femme puisse en
chercher avant lui. Ce ne serait pas
dans l’ordre des choses.
Le regard des autres
Il y a des phénomènes de loyauté
par rapport à l’environnement, par-
ticulièrement dans des secteurs
touchés par des décennies de
précarité comme Fives. « Si je me
remets à travailler, je vais renvoyer
une autre image de moi à mon en-
tourage ». Du coup, en face, cha-
que membre du clan est renvoyé
à lui-même et ça peut être violent.
Pour lutter, c’est humain, certains
vont tenter en retour de discréditer
leur choix. A la longue, cela peut
devenir intenable. J’en connais qui
ont été obligés soit de quitter le
secteur, soit d’arrêter le boulot.
Dans des secteurs moins défavori-
sés, c’est au contraire celui qui est
au RSA qui est pointé du doigt...
Aller chercher du travail
Il n’y a pas si longtemps, dans
une région comme le Nord, le tra-
vail venait à nous collectivement
alors qu’aujourd’hui c’est nous qui
devons aller à lui, de façon indivi-
duelle qui plus est. Travailler sup-
pose donc d’opérer un véritable
retournement. C’est la façon d’en-
visager la vie qui doit être revue.
Le fossé à franchir est énorme
quand ça fait 3 générations qu’il
n’y a pas eu de travailleurs à la
maison...
La question des jeunes
Certains jeunes n’ont jamais vu
leurs parents travailler et s’identi-
fient à eux. Pour eux vivre du RSA,
c’est la norme.
Beaucoup de jeunes ont vu leurs
parents travailler toute leur vie
en tant qu’ouvriers, puis être mis
au chômage et toucher pour finir
une retraite de misère. Pourquoi
iraient-ils travailler ? Pour toucher
700 euros de retraite au final ? Ça
leur fout la haine, ils ont de la ran-
cune contre le système. C’est aussi
ce genre de pensées qu’il faut par-
fois combattre ! Et ça passe par la
rencontre. Il faut avoir de l’énergie,
la foi en l’autre, imaginer qu’il est
capable de se relever. Certains
n’attendent que cela du reste mais
derrière, il y a les amis, la famille,
le groupe, contre lesquels il faut
lutter et ça, parfois ça pèse lourd !
Les problèmes de santéLes conduites addictives
Elles empêchent la reprise de
l’emploi. Beaucoup de jeunes par
exemple sont accros à cette vie-là,
aux jeux vidéo, au cannabis, aux
sorties nocturnes. Ils se lèvent
vers 13 h, tranquilles. Pourquoi se
mettraient-ils à travailler ? Ce sont
un peu des « Tanguys » qui vivent
en décalage avec le monde réel,
qui squattent chez leurs parents,
qui sont eux-mêmes débordés, dé-
passés… En même temps, quand
on gratte un peu, ils ne sont pas
fiers de mener cette vie-là. On peut
les remobiliser avec des projets col-
lectifs pour lesquels on introduit
peu à peu la notion de changement
de rythme. Parce qu’on ne peut pas
demander à un jeune qui se lève à
midi de se remettre à travailler du
Pour quel bénéfice ?
Quand on est bénéficiaire du RSA
quel intérêt a-t-on de travailler ?
Quand on travaille, on perd la CMU
et d’autres avantages… Jusqu’à un
mi-temps, ça peut être avantageux,
mais après ça se discute. On peut
avoir le sentiment qu’on perd plus
qu’on ne gagne. Du moins en appa-
rence, si on se réfère à un point de
vue purement comptable…
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parlez plus fort,
je suis un peu dur
de la feuille.
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jour au lendemain. Les rares fois
où ça se produit, le jeune décroche
souvent très rapidement, ce qui
contribue à renforcer sa mauvaise
image de « bon à rien ».
Certaines croyances
Souvent, les gens se voient com-
me malades alors qu’ils ne le
sont pas forcément autant qu’ils
le croient. La maladie représente
un peu l’image qu’ils ont d’eux-
mêmes. Certains nous le disent
d’ailleurs : « mais vous ne vous
rendez pas compte ! J’ai déjà tel-
lement de soucis de santé que si
en plus je me mettais à travailler,
ce serait la bérézina ! ». Mais c’est
une idée qu’on peut également
renverser. Le travail permet d’éva-
cuer des difficultés personnelles,
d’éviter qu’on soit dans la rumina-
tion permanente, ça contribue à
nous donner de l’air et ça permet
au final d’aller mieux.
La question de l’hygiène
Les besoins des personnes sont
subtils parfois, il faut pouvoir y ré-
pondre de façon adaptée. Certains
qui ont une hygiène correcte vivent
dans des logements insalubres
et l’odeur finit par s’incruster sur
leurs vêtements. Parfois, ils ne sa-
vent pas quelle tenue mettre pour
aller à un entretien d’embauche et
éprouvent de ce fait un sentiment
de honte. Nous, ça nous paraît
anodin de choisir un habit correct
mais pour certains, ça représente
une sacrée prise de tête !
Les problèmes d’organisationCertaines personnes ont des diffi-
cultés d’organisation importantes.
On ne se rend pas compte quand
on travaille des automatismes que
cela suppose : mettre en route la
Certains parents prennent prétexte
des problèmes de garde de leur en-
fant pour justifier le fait de ne pas
chercher de boulot, mais derrière,
il y a souvent d’autres raisons, plus
profondes qui viennent de loin..
.Autres sujets abordés La question du surendettement
C’est le surendettement passif qui
touche plus particulièrement notre
public. Les gens tombent dans le
surendettement à la suite d’un
accident de la vie : perte d’emploi,
séparation, maladie… Après c’est
un cercle vicieux qui se met en
place. On prend un crédit pour un
achat qui peut se justifier, mais
ensuite, comme on n’a pas les
moyens de le payer, on en prend un
deuxième puis un troisième...
Le travail au noir
Il y a beaucoup de travail au noir,
faut pas le nier. Mais convaincre les
gens de bouger sur cette question,
c’est pratiquement impossible. Il
y a bien la question de la retraite,
mais bof, ce n’est pas suffisant.
Ce qui est marrant, c’est que ces
personnes nous en parlent très
ouvertement, c’est un gage de
leur confiance. Une question qu’on
pourrait peut-être leur poser, c’est :
« le travail, ça représente quoi pour
vous, en définitive ? ».
lessive le soir, se lever tôt, faire les
courses entre midi et deux... Faut
assurer ! Ce n’est donc pas juste
travailler qui nous est demandé,
mais aussi de mettre en place une
organisation qui permette au reste
de la maison de fonctionner… On
peut se décourager et ce d’autant
plus qu’il est difficile de demander
de l’aide, d’avouer qu’on a du mal
à y arriver alors qu’on est censé
précisément devenir autonome.
La peur de s’y remettre, le fait
de se confronter aux autres, au
monde du travail, le respect des
horaires, tout ça ce sont des
freins importants. Ce n’est pas
facile de changer ses habitudes
de vie tranquille, sans contrainte
ni obligation. Sans compter
l’entourage qui joue un rôle
important et peut décourager la
personne de changer.
Les problèmes de gardeLe fait de faire un enfant
Faire un enfant, pour certaines
jeunes filles, c’est s’émanciper,
avoir une place qu’elles n’ont pas
forcément eue dans leur propre
famille. C’est donner du sens à sa
vie. L’enfant grandissant, elles se
cachent derrière pour justifier le
fait de ne pas travailler en disant :
« mais je ne peux pas, il a besoin
de moi ! » alors que ce sont plutôt
elles qui ont besoin de lui. Vers 50
ans, certaines nous disent : « je
n’ai jamais travaillé de ma vie, ce
n’est pas maintenant que je vais
commencer ! » et la boucle est
bouclée. C’est tout un système
de croyances qu’il faut lever, et
parfois, ça pèse des tonnes !
moi, j’ai pas de problème degarde puisque c’est bibiche
qui s’occupe des gosses !
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petit dialogue entre A.s.-C’est vrai qu’il y a sans doute des choses à faire pour amé-liorer l’accueil, la prise de contact. Il y a des maladresses, des oublis, des incompréhen-sions qui peuvent créer des malentendus…
-Le fait aussi qu’on ne se sente pas toujours légitime pour ac-compagner la personne vers le retour à l’emploi.
-Mais il y a aussi beaucoup de bonne volonté chez les tra-vailleurs sociaux !
-Et puis nous aussi, on a des contraintes, des imprévus, des départs soudains ou des mu-tations qu’il faut gérer. Sans compter qu’à nous aussi on pose des lapins !
-En fait la question centrale, c’est comment rendre les gens pleinement acteurs !
-Alors, qu’est-ce qu’on pourrait changer ?
-Déjà le ton de la convocation qui est un peu brutal, infan-tilisant. Ça n’incite pas à la confiance !
-On pourrait peut-être aussi laisser davantage le choix à l’allocataire du référent qui l’accompagne, ça permettrait de le rendre de suite acteur du projet.
-Tout à fait d’accord !
-Ce qui est peut-être un peu difficile, c’est le démarrage.
-C’est l’image !
-Une fois essayé, c’est adopté !
-On fait un métier qui est assez particulier, il faut le reconnaî-tre où il y a encore pas mal de fabulation. Mais ceux qui nous craignent sont souvent ceux qui nous méconnaissent...
-C’est vrai qu’on a le sentiment d’être souvent critiquées, mon-trées du doigt par les usagers...
-C’est relié à des choses né-gatives comme les placeuses d’enfant.
-Par rapport à l’image, je pense qu’il y a un truc qui reste et qui est tenace, ce sont nos origi-nes. Les premières étaient des bonnes soeurs, puis ce fut des femmes de notables avec ce côté charitable et donneuse de leçons.
-Les dames au chapeau vert !
-Il y a eu aussi la fameuse affiche de Pétain où il était marqué qu’elles étaient censées apporter joie et santé dans votre famille. Ça marque un truc pareil !
- Oui, c’est une bonne idée !
-On pourrait aussi éviter de commencer par le C.E.R. qui complique les choses…
-Prendre le temps de la rencon-tre, apprendre à se connaître pour créer de la confiance.
-Parce que sans confiance, y a pas de parole sincère, et du coup, rien ne se passe.
-Mais ne pas commencer par le C.E.R., ça pose la question de la contrainte institutionnelle !
-En fait dans cette histoire, on est le cul entre deux chaises si on peut dire. Parce qu’on nous demande à la fois d’exercer une mission de contrôle dans le ca-dre de la loi, avec un imprimé, des objectifs, des cases et des codes à remplir et en même temps d’accompagner les gens de façon personnalisée.
-C’est un peu contradictoire faut reconnaître !
-Du coup, on a du mal à gérer les deux ensemble…
-Je voudrais rajouter qu’on a aussi du plaisir à rencontrer les gens et on pense qu’il y a beaucoup de personnes qu’on voit régulièrement qui sont satisfaites !
1� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI
ça donne à réfléchir
tout ça
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Le poinT De VUe Des ALLoCATAires
pourvu que je ne me mélange pas les pinceaux comme la
dernière foisCE QUI RESSORT DES TÉM
C’est que les gens.sont très gentils mais que le... heu... système n’est pas toujour
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défaillance du systèmeIl n’y a pas assez de suivi pour les
gens qui sont en galère, qui ont été
cabossés par la vie comme moi.
Pourtant, c’est important qu’on
nous aide à reprendre confiance en
nous, sinon on s’enferme. Moi j’ai
la chance d’avoir une assistante so-
ciale qui m’aide en tout : la recher-
che d’emploi, l’aspect financier...
Je crois que sans elle, je serais
tombée dans une galère noire. Elle
est de bon conseil, m’accompagne
dans mes démarches. Mais je sais
aussi pour en discuter avec des
amies qui sont dans la précarité
que ce n’est pas forcément le cas
pour tout le monde. Certaines ont
trop tendance à donner quelques
contacts et à laisser la personne
se débrouiller seule. Mais elles
ne peuvent pas puisqu’elles sont
justement en difficulté ! Je pense
aussi que certaines profession-
nelles ne se rendent pas compte
des galères qu’on a traversées, de
l’enfance qu’on a eue... Si elles en
avaient connaissance, je crois que
ça changerait leur regard sur nous.
L’administration française
En ce moment, je suis déprimée,
j’ai plein de soucis, je ne m’en sors
pas. Comme j’ai perdu mes droits,
j’ai des factures à payer, du coup
mon loyer est en retard et le pro-
prio me met la pression, c’est un
véritable engrenage. Les papiers,
c’est terrible. Avec ma référente,
on a fait tout un dossier pour avoir
un recours auprès d’EDF afin de
payer moins cher, et bien il man-
quait toujours quelque chose ! Ça
a duré des semaines comme ça à
compléter le dossier, à renvoyer un
formulaire pour finir par s’enten-
dre dire que je n’y avais pas droit.
On perd trop de temps, ça use, ça
mine le moral ce genre de choses.
Besoin d’aide !
Je voudrais dire aux travailleurs so-
ciaux qu’ils prennent notre détres-
se, notre problème à bras le corps,
qu’ils ne nous laissent pas comme
ça, perdus. Sérieusement, qu’on
ait affaire à un professionnel qui va
jusqu’au bout de nos problèmes,
car on voit des personnes arriver
l’une après l’autre et on doit tou-
jours recommencer. C’est usant !
Nous laisser, c’est nous tuer. Il faut
de l’écoute ! Chaque problème nor-
malement a une solution comme
on dit, mais on a l’impression que
pour nous il n’y en a pas. Ce qu’on
demande c’est de l’aide, c’est tout.
Et on a besoin de professionnels
pour ça, car si on y arrivait tout
seul, on ne serait pas là !
On n’est pas des numéros !
Je trouve que les assistantes socia-
les ne font pas assez preuve d’hu-
manisme. Elles ne s’investissent
pas assez. On n’est pas des numé-
ros ! On passe trop d’un service à
l’autre, d’une personne à l’autre
et on reste avec notre sacerdoce.
Ça change tout le temps. Il faudrait
avoir une personne de référence
qui suive notre dossier. Moi par
exemple, j’avais mon A.S. qui me
suivait et du jour au lendemain,
sans me prévenir de quoi que ce
soit, ça a été une autre. Il a fallu
tout réexpliquer, ma situation, mes
difficultés... Le mois passé, j’ai vu
4 personnes différentes, ce n’est
pas logique ! Pour que ça marche,
il faut créer une certaine affinité,
une certaine confiance, on ne peut
pas changer sans arrêt d’interlocu-
teur ! On nous demande de nous
déshabiller et en même temps, on
passe de main en main ! Il y en a
marre de répéter toujours les mê-
mes choses !
Manque d’écoute
Chez les travailleurs sociaux, je
pense que ce qui manque le plus
c’est l’écoute. Ils n’écoutent pas.
Du moins pas vraiment... Certains
sont là dans une forme de routine,
ils regardent leur montre ou dé-
crochent leur téléphone au milieu
de la conversation et du coup, on
se sent nié. Alors on se referme
comme une huître car nous, on est
souvent très sensibles, suscepti-
bles, manquant de confiance en
nous, parce qu’on a souvent été
niés dans notre propre famille…
La peur de bouger existe aussi, de
prendre des initiatives. Il n’y a pas
d’écoute aussi parce que les gens
cherchent avant tout à nous mettre
dans une case qui nous correspon-
de. Mais c’est impossible, puisque
chaque cas est particulier ! Avant
de conseiller quoi que ce soit, il
faut d’abord écouter la personne
avec les oreilles et le cœur grand
ouvert. Et puis aussi, y a le fait
qu’on passe d’une structure à une
autre, du C.C.A.S. à Pôle Emploi,
puis à l’U.T.P.A.S. On ne comprend
moi non plus, je ne suis pas un numéro ! et je déteste
qu’on me mette dans une case !
1� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI
dépense de 10 euros, tu dois
l’anticiper ! Moi, j’ai un cahier de
compte dans lequel je note chacu-
ne de mes dépenses. Et quand ma
fille part en colonie, je dois budgé-
ter sur trois mois la somme de 75
euros, ce qui m’oblige à anticiper à
l’avance et à sacrifier certains pos-
tes de dépenses. Je suis obligée
régulièrement de travailler au noir
en Belgique. J’y bosse comme bar-
maid chez un ami. Ça me ramène
60 euros pour une journée, une
fois déduit le prix de l’essence, il en
reste 50 ce qui me permet d’ache-
ter parfois une fringue à ma fille.
C’est très important pour moi.
Il existe beaucoup de préjugés par
rapport aux bénéficiaires du RSA.
T’as l’impression d’être une tare
quand tu es au RSA !
J’ai beaucoup d’amis, de personnes
autour de moi qui pensent qu’on
peut s’en sortir avec le RSA, et donc
que ce n’est pas forcément la peine
d’aller bosser. Moi, je ne pense pas
comme ça. J’ai envie de travailler,
vraiment. Rester enfermée entre
4 murs, ça ne me va pas ! Je crois
que j’ai besoin d’être utile. J’aime-
rais également me prouver à moi-
même que je suis capable de ça...
Un système parfois défaillant
Je trouve que le système est mal
fichu en France. Il ne pousse pas
les gens à travailler, il aurait plutôt
tendance à les décourager. Parce
que quand on bosse à mi-temps
pendant 3 mois comme je l’ai fait
dernièrement, ce n’est pas forcé-
ment avantageux. Aujourd’hui, je
touche 420 euros, je n’ai plus de
âge. Du coup, les conditions d’em-
bauches ne sont pas favorables à
des structures qui désirent m’em-
baucher. Encore une fois, je ne ren-
tre pas dans les cases !
Ma C.E.S.F. m’aide bien, elle est
très réactive et c’est important
pour les gens en galère comme
moi. Ce qui ne marche pas, c’est
que normalement, je devrais avoir
une A.S. de secteur qui puisse me
suivre et croiser les infos avec la
conseillère, mais je ne connais
même pas son nom.
A propos du RSA
Les solutions proposées dans le
cadre du RSA sont inadaptées par
rapport aux besoins et aux difficul-
tés réelles des personnes. Ça man-
que de concret et de suivi tout ça.
Quand on te dit que les prochaines
perspectives ne seront pas avant
trois mois, c’est décourageant. Les
gens n’imaginent pas ce que c’est
que de vivre en situation précaire
en fait ! Je défie quiconque de s’en
sortir avec un enfant à charge,
588 euros de RSA, 334 d’APL et
un loyer de 460 ! On est en préca-
rité, c’est une réalité ! La moindre
pas la logique. On nous reçoit et
parfois la personne dit qu’elle ne
peut pas décider pour nous, que
c’est son supérieur qui doit le fai-
re... Mais comment peut-il nous ju-
ger puisqu’il ne nous connaît pas ?
On ne nous fait pas confiance
La psy de l’AFPA, je suis rentré en
conflit avec. Elle me disait que je
faisais fausse route dans ce désir
de travailler dans le social. Elle me
disait que je n’avais pas le niveau,
que je faisais des fautes, que je ve-
nais du monde de l’entreprise, que
j’étais trop sensible, que je n’arri-
verais pas à couper en sortant du
boulot. J’ai dû batailler comme un
beau diable pour la convaincre. En-
core une fois faire mes preuves...
Et des peurs qui subsistent
Avec l’assistante sociale, il subsiste
des peurs quand on en rencontre
une. Elles ont le pouvoir de nous
enlever une aide, de bloquer une
demande, en un mot, elles ont le
pouvoir de l’arbitraire. Et puis, elles
convoquent, elles n’invitent pas.
Par ailleurs, on ne sait jamais qui
nous suit, du coup on est obligé
de raconter sa vie à différentes per-
sonnes. C’est l’éternel recommen-
cement. Vous savez, c’est très pé-
nible de devoir répéter les choses,
d’avoir l’impression de rabâcher,
de ne pas être comprise.
Les formes de contrat
Les freins actuels pour moi, ce sont
les formes de contrat également. Je
n’ai pas droit au contrat d’adulte
relais car vivant à Marcq, ce n’est
pas considéré comme une zone
sensible et je n’ai pas non plus été
éligible au C.U.I. à cause de mon
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ES c’est vrai que parfois, on a l’impression que le système
marche sur la tête !
ConCLUsionCe qui ressort de cette enquête, c’est le besoin de
rencontre manifesté de part et d’autre. En effet, pour
lever les freins, insuffler du changement, accompa-
gner, il faut une parole vraie, et donc créer un climat
de confiance. Pour ça, il n’y a pas forcément besoin
de 10 entretiens. En deux ou trois rencontres, on peut
aller loin avec une personne…
Qu’est ce qui fait obstacle à la rencontre ?
- Le fait de commencer par un document administra-
tif tel que le C.E.R. n’incite pas à la confiance. Comme
nous l’avons souligné lors de cette enquête, une
personne ne se résume jamais à ses difficultés. Avec
ce genre de document, elle peut avoir le sentiment
d’être jugée, évaluée, mise dans une case, et donc
instinctivement être tentée de se replier.
De plus, le fait de démarrer par le C.E.R. incite le pro-
fessionnel une fois les freins identifiés à passer le
relais à plusieurs spécialistes, vu qu’il ne se sent pas
légitime pour traiter ce genre de question. L’effet per-
vers, c’est que l’allocataire peut le ressentir comme
un abandon, un manque d’intérêt de sa part.
Sans compter le fait que derrière, cela suppose pour
lui de téléphoner, de multiplier les contacts alors que
c’est souvent difficile pour différentes raisons. Ça
peut créer du découragement.
- Toutes ces petites choses qui créent des malenten-
dus : un rendez-vous ajourné au dernier moment, un
remplacement non signalé, la difficulté qu’on a glo-
balement à contacter directement les travailleurs so-
ciaux, le ton d’une lettre, d’une convocation, etc…
- La posture parfois distante adoptée par le profes-
sionnel (au nom de la fameuse neutralité bienveillan-
te) mais qui peut, sans s’en rendre compte, mettre la
personne à des kilomètres (la grande majorité des
allocataires l’ont souligné).
Ce qui ressort également, c’est que la plupart des
allocataires ont eu une enfance très difficile, avec
des parcours souvent chaotiques qui les ont amenés
à un moment ou à un autre de leur vie à se défier des
autres, à créer une sorte de bulle de protection. Ain-
si, pour lever les freins à l’emploi, il semble qu’il faille
d’abord identifier ce système de protection mis en
place par la personne (en général depuis l’enfance)
pour éviter de souffrir mais qui paradoxalement l’em-
pêche souvent aujourd’hui d’aller de l’avant.
Le fait d’identifier un lien entre un frein actuel (par
exemple le fait qu’on ne veut pas confier son enfant)
et les raisons intimes, profondes pour lesquelles on
agit de la sorte (cette méfiance vis-à-vis des autres
trouve souvent ses racines dans notre propre enfan-
ce...) permet à la personne de mettre du sens sur ce
problème. Cela lui permet du même coup de prendre
du recul sur cette difficulté. Elle redevient actrice de
sa propre vie. Tandis que lorsqu’on la résume à la
somme de ses difficultés, c’est tout simplement dé-
sespérant. Dans certains cas, et nous l’avons vérifié à
plusieurs occasions lors de l’enquête, cette façon de
procéder permet même de lever le frein en question.
Pour créer de l’émancipation, favoriser l’autonomie
de la personne, il semble donc important de l’aider
à sortir d’une vision morcelée de son parcours, en re-
mettant du sens sur ce qui fait obstacle.
c’est vrai que ça n’incite pas à la rencontre un document pareil !
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Et si le manque de qualification, les problèmes de
santé, de mobilité, d’isolement, étaient la résultan-
te d’un parcours difficile et non l’inverse ?
Par ailleurs, est-ce qu’une personne se réduit à la som-me des problèmes identifiés ? Je peux avoir un problème avec la cigarette, avec l’alcool, avec mon conjoint, avec mes gosses, mais est-ce que ça suffit pour me définir ? Poser la question, c’est déjà y répondre, non ? | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI
Pour l’institution
Attention aux demandes faites, à la clarté des expli-
cations, à la façon dont on fait passer le message,
aux injonctions paradoxales, aux malentendus. Par
exemple, le C.E.R. a été pensé comme un outil pour
remobiliser la personne mais a été perçu par les
professionnels comme un préalable, une injonction
administrative visant le contrôle (y compris d’eux-
mêmes) et a pris, de ce fait, le pas sur tout le reste,
notamment la rencontre.
En conclusion, le C.E.R. peut être un très bon outil
mais à condition qu’il intervienne dans un second
temps, une fois qu’on a identifié le système de pro-
tection (le frein moteur) et montrer les liens qui exis-
tent entre celui-ci et les difficultés de la personne. Et
ça, ça passe par la rencontre. Une fois ce travail ef-
fectué, on peut définir si nécessaire un petit nombre
de priorités et pour le coup, trouver ensemble le ou
les relais opportuns qui nous permettront d’avancer
concrètement sur ce qui pose problème.
* Au sujet du climat de confiance à créer, l’intérêt de la restitution semble fondamental car elle permet justement de créer cette confiance indispensable entre le profession-nel et l’usager. C’est une forme de contractualisation, de constat partagé entre adultes, dont il reste une trace. Cela incite la personne à se livrer car elle pressent que cela vaut la peine. On peut y revenir éventuellement et du coup ça permet d’avancer. La personne ne se sent pas dépossédée de sa parole, elle comprend l’intérêt qu’elle a à ne pas tri-cher, à parler vrai.
Quelques préconisationsAvant de démarrer le C.E.R., faire un ou deux entre-
tiens ouverts afin de faire le tour de la situation avec
l’allocataire en prévoyant, pourquoi pas, une restitu-
tion* qui permette à chacun de garder une trace de
ce constat partagé. A l’issue de ces rencontres, on
pourra remplir de façon plus efficace le C.E.R en sé-
riant non pas 5 ou 6 freins, mais en identifiant avec
la personne le système de protection qu’elle a mis en
place souvent depuis longtemps. Le fait de relier ce
frein « moteur » à ses difficultés actuelles donne du
sens, favorise la prise de recul, le changement.
Par rapport au retour à l’emploi et aux préjugés,
deux points importants ont été soulevés.
- D’une part, le fait qu’il ne faut pas sous-estimer le
décalage existant entre les conditions de vie des pro-
fessionnels et des allocataires, décalage qui vient
parfois brouiller notre regard sur la « dure réalité » du
monde de l’entreprise... et nous amène à sous-esti-
mer l’effet émancipateur du travail pour l’allocataire.
- D’autre part, il semble important d’inverser notre fa-
çon de penser le retour à l’emploi. A savoir que c’est
le travail qui permet souvent de lever les freins iden-
tifiés et non le contraire... C’est ce qui ressort des en-
tretiens : aider une personne à retrouver du travail, ce
n’est pas l’aider à remplir son CV (ça viendra en temps
utile et on pourra alors à ce moment-là faire appel à
ce type de compétence) mais c’est avant tout ranimer
la flamme, l’aider à mettre du sens sur son parcours,
montrer qu’on croit en elle, en ses ressources. C’est
aussi l’aider à visualiser le bénéfice qu’elle pourra re-
tirer de ce retour vers la vie que symbolise le travail.
1�
Depuis que j’ai trouvé du travail, j’ai retrouvé le goût de vivre. Avant, quand je me voyais dans un miroir, je me disais : « c’est qui cette femme-là ? Et comment se fait-il que personne ne s’inté-resse à elle, que personne ne lui propose quoi que ce soit ? C’est parce qu’elle n’est pas digne de confiance ! ». Et je pleurais et je pleurais. Finalement cette mauvaise image, elle déteint sur nous, elle nous colle à la peau et on finit par devenir ce qu’on croit que les autres voient. Alors que c’est faux tout ça, on vaut bien mieux que ça ! Mais les préjugés, ce n’est pas forcément les autres qui les ont, ils sont en nous ! Pourquoi ? Je ne sais pas... Peut-être à cause des blessures d’enfance, du manque de confiance en soi...»
Le fait d’avoir un emploi me permet d’avoir
l’esprit tranquille, d’être apaisée, de ne plus
me demander à longueur de journée : « qu’est-
ce que je vais devenir, qu’est-ce que je vais
pouvoir faire ? ». Je me lève plus tôt, à 5 h 30,
je rentre le soir, je suis calme, je suis apaisée
avec mes enfants.
�0 | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI
eTUDe De CAsDU pr. ZoULoUCK
à présent, je vous
propose d’étudier mon
propre cas si vous le
voulez bien
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ce frein moteur etant souvent constitué
d’un mélange de repli, de mauvaise image
de soi, de méfiance vis-à-vis des autres
qui nous empêche d’aller de l’avant, de
croire en nous. bref de faire les démarches
nécessaires pour trouver du boulot.
Habituellement, j’accepte facilement de payer
de ma personne pour illustrer le propos de
l’auteur, mais ce coup-ci, franchement, j’ai hésité !
En effet, quand j’ai rempli mon C.E.R. et fait la liste
de mes freins, ça m’a complètement retourné dans
un premier temps. Franchement, je ne pensais pas
avoir autant de difficultés ! Heureusement, j’ai de la
ressource et j’accepte de me regarder en face, moi !
Ainsi donc, après réflexion, j’ai accepté de partager
avec vous un petit résumé de cette liste. Pourquoi
résumé ? Et bien parce que j’ai d’autres freins qui
sont indiqués dans mon C.E.R. mais j’estime que 5,
c’est déjà suffisant comme entrée en matière. Faut
pas pousser Mémé dans les orties quand même !
Les freins De ZoULoUCK
�� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI
ça fait un choc !
Ah j’oubliais ! Avant que vous ne vous reportiez
à la page de droite, je voudrais vous rappeler les
deux enseignements principaux que nous avons
tirés de notre petite enquête :
- Une personne ne se résume pas à ses freins.
- Derrière les difficultés identifiées, il y a toujours
un système de protection mis en place qui
constitue le frein principal ou le frein moteur si
vous préférez !
Problèmes éducatifs
Problèmes de santé
Problème de transport
Pieds, ailes, cerveau, coeur
Cerveau, gorge, foie, poumons
Coeur, raison, cerveau
Problème de com’
Problème/argent
Poches, coeur, cerveau
Cerveau, langue, prises de bec
Brouillon, parfois hystérique. A du mal à canaliser ses émotions, à se décentrer. Du coup, il a de vraies difficultés à se faire comprendre.
Addictions (alcool, tabac...), problèmes psychologiques : tocs, hypocondriaque tendance à la parano, etc...
Tendance marquée au radinisme, peur de manquer, de partager...
Absences fréquentes du domicile familial, problème d’autorité, d’exemplarité...
Ne supporte pas les transports en commun, du coup voyage en montgofière qui est un moyen de transport très aléatoire...
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OU
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D’autres choses à rajouter ?
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mais encore...
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pour finir, je vous demanderais de bien vouloir
laisser votre empreinte !
Laisse ton empreinte85 rue Massena, 59 800 Lille
[email protected] internet : www.laissetonempreinte.fr
tel : 03 20 30 86 56 / 06 15 87 96 85
LA VACHE ! JE NE PENSAIS PAS QUE CETTE ENQUÊTE AURAIT UN TEL IMPACT SUR MOI. JE ME SENS LÉGER,
LÉGER...
Ce carnet est le fruitd’une véritable enquêtede terrain menée auprès de 31 professionnelles (assis-tantes sociales, conseillères en économie sociale et fami-liale, personnes représentant le Conseil Général du Nord) et de 15 allocataires du RSA. On y parle du C.E.R. (Contrat d’Engagement Réciproque), mais plus largement de la posture du travailleur social, de sa relation avec le pu-blic, des représentations et préjugés qui peuvent exis-ter de part et d’autre mais surtout du besoin de pa-role vraie manifesté avec force par les allocataires...
ISBN 978-2-918571-12-4
24,50 €