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1936 LES JEUX NAZIS Les Jeux olympiques de Berlin commencent par le traditionnel allumage de la flamme. ADOLF Hitler fut pratiquement l’organisateur des Jeux olympiques de l’été 1936 à Berlin. Son entourage se montra bienveillant et hospitalier, offrant des réceptions somptueuses et coûteuses. Les cérémo- nies d’ouverture, plus grandioses que jamais, culminèrent par un lâcher de 20 000 oiseaux portant des rubans multicolores, s’élevant dans le ciel. Nombre d’invités étrangers quittèrent les Jeux impressionnés et éblouis. Grand manœuvrier, Hitler avait donc atteint son objectif pour les Jeux olympiques : donner l’illusion que les nazis n’étaient pas aussi ignobles qu’on les décrivait souvent à l’étranger. C’est en 1932 que le Comité olympique international avait désigné l’Alle- magne pour accueillir les Jeux de 1936, soit un an avant l’accession d’Hitler au pouvoir. Les compétitions d’été devaient se dérouler à Berlin et les Jeux d’hiver à Garmisch-Partenkirchen en Bavière. Au moment où le COI annonça ce choix, personne ne savait (du moins pas avec certitude) que c’était une Alle- magne nazie qui accueillerait ces Jeux. En fait, l’idéal olympique internationa- liste – unir les peuples du monde grâce à un festival de sports – entrait tellement en contradiction avec le nationalisme raciste et antisémite des nazis que l’idée même d’Olympiades nazies semblait aberrante. Le COI envisagea donc de déplacer ailleurs les Jeux de 1936, mais l’habile Hitler sut faire juste assez de concessions pour maintenir le choix de l’Alle- magne. Il savait que les Jeux olympiques constitueraient une aubaine pour les relations publiques du Troisième Reich. Il s’avéra que le succès des Jeux olym- piques contribua aussi à sceller le sort de millions de Juifs européens. En public, les nazis mirent en sourdine leurs sentiments antisémites durant les Jeux, bien que les Juifs allemands, y compris des athlètes juifs, aient subi de graves discriminations. Les Juifs furent exclus des clubs de sports dont ils avaient été membres. Les athlètes juifs d’Allemagne n’eu- rent droit qu’à des équipements séparés, de piètre qualité. Pendant les entraînements précédant les Jeux d’été de 1936, Gretl Bergmann, une championne de classe internationale de saut en hauteur (et juive) atteignit le record féminin allemand : 1,60 mètre. Le 13 juin, elle reçut une lettre du Comité olympique allemand. Critiquant ses récentes performances en saut en hauteur jugées trop irrégulières, le Comité l’informait qu’elle n’avait pas été choisie comme membre de l’équipe olympique d’athlétisme de son pays. À l’été 1936, les Juifs allemands avaient perdu leurs droits civiques. Leurs entreprises étaient boycottées et leur vie professionnelle limitée. 97

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1936LES JEUX NAZIS

Les Jeux olympiques de Berlin commencent parle traditionnel allumage de la flamme.

ADOLF Hitler fut pratiquement l’organisateur des Jeuxolympiques de l’été 1936 à Berlin. Son entourage se montra bienveillant ethospitalier, offrant des réceptions somptueuses et coûteuses. Les cérémo-nies d’ouverture, plus grandioses que jamais, culminèrent par un lâcher de20 000 oiseaux portant des rubans multicolores, s’élevant dans le ciel.Nombre d’invités étrangers quittèrent les Jeux impressionnés et éblouis.Grand manœuvrier, Hitler avait donc atteint son objectif pour les Jeuxolympiques : donner l’illusion que les nazis n’étaient pas aussi ignoblesqu’on les décrivait souvent à l’étranger.

C’est en 1932 que le Comité olympique international avait désigné l’Alle-magne pour accueillir les Jeux de 1936, soit un an avant l’accession d’Hitler aupouvoir. Les compétitions d’été devaient se dérouler à Berlin et les Jeux d’hiverà Garmisch-Partenkirchen en Bavière. Au moment où le COI annonça cechoix, personne ne savait (du moins pas avec certitude) que c’était une Alle-magne nazie qui accueillerait ces Jeux. En fait, l’idéal olympique internationa-liste – unir les peuples du monde grâce à un festival de sports – entraittellement en contradiction avec le nationalisme raciste et antisémite des nazisque l’idée même d’Olympiades nazies semblait aberrante.

Le COI envisagea donc de déplacer ailleurs les Jeux de 1936, mais l’habileHitler sut faire juste assez de concessions pour maintenir le choix de l’Alle-magne. Il savait que les Jeux olympiques constitueraient une aubaine pour lesrelations publiques du Troisième Reich. Il s’avéra que le succès des Jeux olym-piques contribua aussi à sceller le sort de millions de Juifs européens.

En public, les nazis mirent en sourdine leurs sentiments antisémitesdurant les Jeux, bien que les Juifs allemands, y compris des athlètes juifs,aient subi de graves discriminations. Les Juifs furent exclus des clubs desports dont ils avaient été membres. Les athlètes juifs d’Allemagne n’eu-rent droit qu’à des équipements séparés, de piètre qualité.

Pendant les entraînements précédant les Jeux d’été de 1936, GretlBergmann, une championne de classe internationale de saut en hauteur(et juive) atteignit le record féminin allemand : 1,60 mètre. Le 13 juin,elle reçut une lettre du Comité olympique allemand. Critiquant sesrécentes performances en saut en hauteur jugées trop irrégulières, leComité l’informait qu’elle n’avait pas été choisie comme membre del’équipe olympique d’athlétisme de son pays.

À l’été 1936, les Juifs allemands avaient perdu leurs droits civiques.Leurs entreprises étaient boycottées et leur vie professionnelle limitée.

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Ils étaient exclus des lieux publics et il leur était interdit d’épouser desnon Juifs. Entre-temps, tout en développant leur politique antijuive, les naziscomprenaient que la forme physique et les prouesses sportives étaient sus-ceptibles de renforcer le nationalisme, de favoriser la pureté raciale et de sti-muler les préparatifs militaires. En conséquence, les perspectives de fairepartie de l’équipe olympique de 1936 étaient quasiment inexistantes pourles Juifs. Les nominations furent réservées à ceux qui pourraient rapporter leplus d’honneur au peuple allemand et à l’État nazi.

S’inclinant à peine sous la pression, les responsables du Reich apaisè-rent le COI en autorisant une sportive juive à représenter l’Allemagne auxJeux olympiques d’été de 1936 : Helene Mayer. Cette dernière avait par-ticipé aux deux Olympiades précédentes pour l’Allemagne et avaitannoncé qu’elle souhaiterait revenir de Californie pour recommencer.Helene Mayer était demi-juive, une Mischlinge. Elle était égalementgrande et blonde, correspondant presque au prototype aryen. Le film quifut tourné le jour où elle reçut la médaille d’argent dans la compétitionféminine de fleuret la montre en train d’effectuer le salut nazi, le brastendu. Si bref et si indécis que fût son salut, il indiquait que l’Allemagned’Hitler n’était peut-être pas un endroit si terrible.

Peu avant, le 7 mars 1936, Hitler prononça un discours devant leReichstag. Alors qu’il annonçait le recouvrement de la souveraineté alle-mande sur la Rhénanie, les forces militaires allemandes pénétrèrent ànouveau dans ce territoire démilitarisé après la Première Guerre mon-diale. Bien que ce fût une violation flagrante du traité de Versailles,condamnée par la Société des nations, la décision d’Hitler ne fut pas annu-lée et les troupes allemandes ne se retirèrent pas. Cependant, comme lesuggère la présence d’Helene Mayer aux Jeux olympiques, Hitler et sespartisans furent assez habiles pour promouvoir leurs intérêts nationauxsans froisser outre mesure l’opinion internationale.

Avant le début des Jeux, dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis et en Union soviétique, des mouvements réclamèrent un boycott desJeux olympiques en Allemagne. Peu désireux de risquer une telle issue, lerégime nazi fit des concessions pour améliorer son image de marque. Parexemple, on enleva les panneaux antijuifs qui proliféraient le long desautoroutes allemandes, à l’entrée des villes et dans de nombreuses rueset magasins. « Les Juifs sont indésirables ici », disaient certains. « Le Juifest notre malheur » affirmaient les autres.

Les Jeux d’hiver commencèrent le 6 février à Garmisch-Partenkirchen.Avant qu’Hitler n’ouvre officiellement les Jeux, les panneaux antisémitesdes environs immédiats avaient été retirés. Ils demeurèrent cependant lelong des autoroutes conduisant sur les lieux des compétitions. En se ren-dant à l’ouverture des Jeux d’hiver, le comte Henri Baillet-Latour, le pré-sident belge du COI, vit ces démonstrations d’antisémitisme. Il demandaimmédiatement à rencontrer Hitler et lui déclara que de telles pratiquesétaient inacceptables. Hitler prétendit que le protocole olympique ne pou-vait pas fouler aux pieds des préoccupations de la plus haute importanceen Allemagne, mais lorsque Baillet-Latour menaça d’annuler les Jeuxolympiques de 1936, Hitler donna l’ordre d’enlever les panneaux.

De telles concessions n’étaient que des mesures d’opportunité. Sur lefond, rien n’était changé dans l’Allemagne nazie à l’égard de la « questionjuive ». Le 17 juin par exemple, Hitler promulgua un décret nommant Hein-rich Himmler chef de toutes les forces de police allemandes. Ajoutant ce

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La championne juive alle-mande de saut en hauteur,Gretl Bergmann fut par lasuite exclue de l’équipe.

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pouvoir à l’autorité dont il bénéficiait déjà en tant que chef des SS, Himmlerdéveloppa un vaste système de terreur désormais sous son contrôle. Tandisque les préparatifs des Jeux olympiques d’été se poursuivaient, l’Allemagnenazie devenait un État policier de plus en plus centralisé.

L’ouverture des Jeux d’été eut lieu le 1er août à Berlin, la capitale paraissantnette, hospitalière et prospère. Les panneaux et publications antisémitesn’étaient pas visibles. La presse allemande fut chargée de rapporter les exploits« non aryens » sans commentaires d’ordre racial. Quarante-neuf pays envoyè-rent des équipes aux Jeux olympiques nazis qui se terminèrent le 16 août.Parmi ces pays : les États-Unis où l’effort des partisans du boycott pour dénierà l’Allemagne nazie la légitimité que lui conféraient les Jeux échoua de peu.

Hitler présida l’ouverture dans l’immense stade olympique de Berlin. Lacérémonie se termina par la « course au flambeau » récemment créée pourapporter le feu depuis l’ancien site des Jeux olympiques grecs jusqu’à Berlin.Leni Riefenstahl et son équipe étaient présents pour rendre le faste et la com-pétition sportive. Son film Olympia allait remporter le pre-mier prix au festival du film de Venise en 1938.

Certaines des meilleures séquences d’Olympia portentsur un athlète noir américain nommé Jesse Owens. Ce der-nier avait connu le racisme aux États-Unis, mais aux Jeuxolympiques de 1936, ses quatre médailles d’or furent accla-mées par les critiques du régime nazi qui affirmèrent queles victoires d’Owens réfutaient les prétentions d’Hitler à lasupériorité des Blancs.

Malgré l’embarras causé aux nazis par les victoiresd’Owens, Hitler et ses partisans furent plus que satisfaits deleurs succès olympiques. L’équipe allemande avait remportéplus de médailles que n’importe quelle autre. Hitler avaitfort bien joué les rôles de l’homme d’État de stature internationale et de leadernational bien-aimé. L’hospitalité allemande convainquit la plupart des visiteursétrangers que le Troisième Reich avait des intentions aussi pacifiques que sareprise économique était efficace, et que ses objectifs étaient aussi bénins quesa culture était saine et vigoureuse.

Au moins dix sportifs juifs remportèrent des médailles aux Jeux olympiquesde 1936, entre autres, Samuel Balter, membre de l’équipe américaine de bas-ket-ball. Gretl Bergmann, pour sa part, émigra aux États-Unis, poursuivit sacarrière de championne d’athlétisme et respecta son vœu de ne jamais retour-ner en Allemagne. D’autres sportifs juifs furent moins chanceux. Leur sortmontre l’ampleur colossale de la duperie que furent les Jeux olympiques nazis.

Les nazis assassinèrent à Auschwitz Victor Perez, un Juif français qui, audébut des années 1930, était champion du monde de boxe poids mouche. LiliHenoch, détentrice du record du monde de lancer de poids et de disque, futdéportée d’Allemagne en 1942. Elle fut assassinée et enterrée dans une fossecommune près de Riga, en Lettonie. Attila Petschauer, un escrimeur hongroisqui avait remporté une médaille d’argent aux Jeux olympiques de 1928, mou-rut de froid dans un camp de travail nazi en 1943. Un Juif allemand nomméAlfred Flatow, qui avait remporté trois médailles d’or et une d’argent en gym-nastique pendant les Jeux d’Athènes en 1896, mourut dans le camp/ghetto deTheresienstadt (Tchécoslovaquie) en 1942.

L’assouplissement de la pression antijuive prit fin peu après les Jeux de 1936.Vers la fin de l’année, la campagne antisémite visant à chasser les Juifs d’Alle-magne se déchaînait.

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Haut : Adolf Hitler se rend auxcérémonies d’ouverture des XIeJeux olympiques. Bas : Le Noir amé-ricain Jesse Owens embarrassa Hit-ler en remportant quatre médaillesd’or.

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1936• 1936 : Gerhard Leibholz, éminentjuriste juif allemand est privé de sonposte à l’université de Göttingen. •Ouverture près de Munich du premierfoyer Lebensborn pour les femmesaryennes enceintes. • Création parJoseph Goebbels de l’Institut derNSDAP zum Studium der Judenfrage(Institut du NSDAP pour l’étude de laquestion juive). • Parution du premier

numéro de Forschungen zur Judenfrage(Recherche sur la question juive), unerevue consacrée à la présentationpseudo-scientifique de l’idéologieraciale nazie.

• Les nazis créent des salles de télévi-sion pour le public en vue de diffuser lapropagande du gouvernement. • LesGardes de fer de Roumanie font explo-

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David Frankfurter (au premier plan), un étudiant juif de Suisse, futcondamné à 18 ans de prison pour son rôle dans le meurtre de WilhelmGustloff, responsable de la section des Affaires étrangères au parti nazi.Outre sa peine de prison, Frankfurter fut déchu de ses droits civiques etexpulsé de Suisse, mais pas avant d’avoir remboursé les frais de justice.

Ce livre pour enfants s’intitule Trau keinem Fuchs auf gruener Heid undKeinem Jud bei Seinem Eid (On ne peut faire confiance à un renard dans lalande et à un Juif sous serment). Ce livre diffusait la propagande antisémitechez les jeunes Allemands qui ne se doutaient de rien. Cette illustration nelaisse rien à l’imagination.

Le cardinal August Hlond, chefde l’Église catholique polonaise,appela à la discrimination des Juifspolonais, à moins qu’ils ne seconvertissent au catholicisme. Jugémoins antisémite que bien desecclésiastiques polonais, Hlondn’en publia pas moins une lettrepastorale attaquant les Juifs pourleur « moralité malfaisante », ce quirévélait l’influence croissante del’idéologie nazie en Pologne. Lapolitique antijuive approuvée parl’Église ébranla la position précairedes Juifs polonais et exacerba lestensions entre Juifs et non-Juifs.

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ser une bombe dans un théâtre juif àTimisoara, tuant deux Juifs. • Depuisl’Amérique, le German-American Bundachemine des fonds vers le Reich.

• Dans la même veine antijuive que lesluthériens allemands sous le régimenazi, le principal journal protestantd’Amérique, Christian Century,soutient que l’Amérique est une nation

chrétienne dotée d’une culturechrétienne et qu’elle doit le rester. Leschrétiens sont indifférents auxsouffrances des Juifs parce que ces der-niers méritent le châtiment divin pouravoir refusé de reconnaître Jésus. Lejudaïsme est un prototype racial,religieux et nationaliste du nazisme.Ces positions se retrouvent dans unegrande partie de la presse protestante

américaine pendant la Shoah.

• 4 février 1936 : David Frankfurter, unétudiant juif de Suisse assassine WilhelmGustloff, le chef du NSDAP en Suisse.

• 29 février 1936 : Le cardinal AugustHlond, chef de l’Église catholique enPologne considéré comme moins antisé-mite que nombre d’ecclésiastiques polo-

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Le nez d’un homme est mesuré pour déterminer s’ilest d’ascendance juive. Les nazis utilisaient toutes sortesde méthodes et d’instruments pour décider de l’ascen-dance d’éventuelles victimes. Cette « science » fondéesur la race n’avait cependant rien de nouveau. Elleavait été développée par des intellectuels et des méde-cins au XIXe siècle.

Des juges et des clercs nationaux-socialistesconcluent une cérémonie en chantant DeutschlandÜber Alles et le Horst Wessel Lied. Dans leur grandemajorité, les juristes allemands s’adaptèrentrapidement aux préceptes du nazisme. Le système juri-dique fut entièrement subverti, la législation fondée surla race remplaçant les structures fondamentales de lasociété civile. L’accent mis sur la communauténationale se retrouvait dans l’ensemble du codejuridique nazi. Les individus définis comme étrangers,par exemple les Juifs et les Tsiganes, perdirent toutepossibilité de recourir au droit.

L’activité d’un service de surveillance extrê-mement efficace était un élément déterminantdu système de terreur nazi. Le Service nazi dela sûreté (Sicherheitsdienst ou SD) entretenaitun réseau de plusieurs milliers d’informateursqui fouillaient dans la vie privée de tous lesAllemands. Pendant la guerre, le SD étenditson champ d’action à toute l’Europe occupée.Et, après avoir éliminé les « ennemis de l’inté-rieur », le SD s’attaqua aux « ennemisraciaux. »

Fondé en 1931 par Heinrich Himmler (àgauche sur la photo) qui en fit une section spé-ciale de la SS, le SD démasquait la déloyautéet la traîtrise au sein du parti nazi et le proté-geait contre l’infil-tration d’espions.Après la prise dupouvoir, le SD jouaun rôle décisif encontrôlant l’étatd’esprit et l’attitudede la populationallemande.

Le chef du SDétait Reinhard Hey-drich (à droite surla photo), unegrande « bruteblonde » aux yeuxbleus qui incarnaitl’idéal aryen d’Himmler et qui devint le maîtreespion des nazis. Heydrich recruta dans le SDde jeunes universitaires intelligents, utilisantleurs compétences pour perfectionner sonréseau de surveillance. Parmi leurs tâches lesplus meurtrières pendant la guerre, citons lesdécrets « Nuit et brouillard » en vertu desquelsles victimes disparaissaient sans laisser detraces. En tant que membres des Einsatzgrup-pen (escadrons de la mort), ils liquidèrent despartisans et des Juifs en Europe orientale.

Le SD

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1936nais et qui suivait soigneusement la poli-tique du Vatican, publie une lettre pasto-rale prônant la discrimination des Juifspolonais « tant qu’ils demeurerontJuifs ». Il écrit que les catholiques polo-nais « doivent dresser une barrière entreeux et la nocive influence morale desJuifs » et « doivent rompre avec laculture antichrétienne. » Il affirme queles catholiques polonais « doivent boycot-

ter la presse juive » et autres« publications juives démoralisantes »,bien que les « catholiques ne doivent pasagresser les Juifs. »

• Mars 1936 : Pogroms antijuifs enPologne. Le cardinal polonais Hlonds’élève contre « l’usure, l’escroquerie etla traite des blanches » pratiquées, selonlui, par les Juifs.

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Dans Mein Kampf, Adolf Hitler prêchait quel’éducation et la formation de chaque jeuneallemand « doivent être agencées de façon à luidonner la conviction qu’il est absolument supé-rieur aux autres. » Les nazis mobilisèrent éner-giquement la jeune génération d’Allemands, àla fois impressionnables et enthousiastes.

Créée en 1926, la Hitlerjugend (HJ, Jeunessehitlérienne), avec à sa tête Baldur von Schirach,comptait 3,5 millions de membres en 1935. En1939, l’adhésion aux Jeunesses hitlériennes – età son homologue féminin le Bund DeutscherMädel (BDM, Ligue des jeunes filles alle-mandes) – devint obligatoire et elles comptè-rent alors près de neuf millions d’Allemandsâgés de 10 à 18 ans. Les jeunes étaient séduitspar la camaraderie, les randonnées et le cam-ping semi-militaire, ainsi que par les compéti-tions sportives des HJ.

Quelques jeunes Allemands résistèrent àl’endoctrinement. Des jeunes travailleursconstituèrent des bandes antinazies appeléesles « Pirates de l’Edelweiss ». Eux aussi organi-saient des randonnées et campaient, mais ilsattaquaient souvent les patrouilles des Jeu-nesses hitlériennes. D’autres, issus des classesaisées, comme les « Swing Youth », s’engagèrentdans des activités de contre-culture, comme ladanse sur des rythmes de jazz américain, consi-dérés par le régime comme de la « musiquenègre ».

Les jeunesses hitlériennesBaldur von Schirach

se hissa au premier rangdes Jeunesseshitlériennes. Ses capaci-tés d’organisateur et sondévouement fanatiqueau Führer le propulsèrentdans l’entourage d’Hit-ler. Schirach devint lechef de la Jeunesse duReich en 1928, chef dela Jeunesse nationale en1931 et chef de la Jeu-nesse du Reich allemanden 1933. Il dirigea lesJeunesses hitlériennes,les nationaux-socialistes,la Ligue des écoliers, laLigue des jeunes fillesallemandes et leJungvolk jusqu’en 1940.

Des troupes allemandes défilent dans une villeespagnole en soutien aux campagnes militaires de Fran-cisco Franco contre les forces républicaines. La participa-tion allemande à la guerre civile espagnole constitua unterrain d’essai pour les troupes d’Hitler et un test du nouveléquipement militaire et de la tactique. La Luftwaffe, la nou-velle armée de l’air allemande, expérimenta les bombar-dements des populations civiles, semant l’épouvante.

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• 3 mars 1936 : Il est dorénavantinterdit aux médecins juifs d’exercerla médecine dans les hôpitauxgouvernementaux allemands.

• 7 mars 1936 : Au mépris du traitéde Versailles et d’autres accordsinternationaux, les troupesallemandes occupent la Rhénanie.Tout en dénonçant l’acte d’Hitler, la

France, la Grande-Bretagne et lesÉtats-Unis l’acceptent – nouvelleétape importante dans la tentatived’apaiser Hitler – ce qui l’encourageà formuler d’autres exigences enEurope.

• 9 mars 1936 : Des Juifs sont massa-crés ou blessés au cours d’un pogromà Przytyk, en Pologne.

• 17 mars 1936 : En Pologne, grandemanifestation de Juifs polonais, de lagauche et des libéraux contre l’anti-sémitisme dans ce pays.

• 29 mars 1936 : Des formations de SS sont renommées SS-Totenkopf-verbände (Unités SS Tête de mort).Elles fourniront les gardes des campsde concentration.

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En route pour réoccuper la Rhé-nanie, les troupes allemandes fran-chissent le Rhin, le 7 mars 1936. Ladémilitarisation de cette régionfrontalière était l’une des clauses dutraité de Versailles et faisait partieintégrante du système de sécuritéaprès la Première Guerre mondiale.Il s’agissait d’empêcher d’autresincursions allemandes en France.Bien que cette démarche ait étépubliquement condamnée par desdiplomates occidentaux, rien ne futfait pour l’empêcher. La remilitarisa-tion de la Rhénanie rehaussa leprestige d’Hitler en Allemagne etdémontra le caractère défensif dela stratégie militaire française.

Une fillette allemande épingleune fleur du pays à l’uniforme d’unsoldat. La remilitarisation de la Rhé-nanie fut une aubaine pour lerégime nazi. Les habitants du pays– peu nombreux à être membres duparti nazi – applaudirent à leur« libération » tandis que se renfor-çait le mythe de l’invincibilité d’Hit-ler.

Carl von Ossietzky, un pacifiste allemand, rédacteur en chef de l’hebdoma-daire de gauche Die Weltbuehne (La scène mondiale), se trouve devant ungarde SS dans le camp de concentration d’Esterwegen, en Allemagne. Arrêtéaprès l’incendie du Reichstag en 1933 et condamné à un camp de travail,Ossietzky contracta la tuberculose à Esterwegen. Lorsque la maladie empira, ilfut transféré, en mai 1936, dans un hôpital de Berlin ; il y mourut deux joursplus tard. Ossietzky devint une cause internationale lorsque le régime nazirefusa de le laisser accepter le prix Nobel de la paix en 1935.

« Le diable est le père du Juif. Lorsque Dieu a créé le monde, Il a inventé les races :Les Indiens, les Nègres, les Chinois,Et aussi la méchante créature appelée le Juif. »

—Poésie dans un livre allemand pour enfants, 1936

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1936• « Élections » au Reichstag. La poli-tique d’Hitler est approuvée par 98%des électeurs.

• Avril 1936 : L’extrême droitefrançaise condamne Léon Blum à causede son origine juive et ses positionsvigoureusement antinazies. Un sloganpopulaire à l’époque entend discréditerle premier ministre français : « Mieuxvaut Hitler que Blum. »

• 15 avril 1936 : Deux Juifs sont assassi-nés au cours d’une grève générale lan-cée par les Arabes en Palestine pourprotester contre l’immigration juive.

• 19 avril 1936 : Les Arabes tuentneuf Juifs à Jaffa, en Palestine.

• 21 avril 1936 : Émeutes des Arabesen Palestine, dans les villes de Tel

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Une réunion solennelle de la communauté juive de Ber-lin est organisée le 4 mai 1936 dans la synagogue Prinz-regentenstrasse pour protester contre le récent assaut duterrorisme arabe en Palestine. En dépit de la précarité deleur propre situation juridique et économique, les Juifs alle-mands conservent leur intérêt pour les événements duMoyen-Orient. Tandis que les efforts du gouvernement s’in-tensifient en vue d’encourager l’émigration, les Juifs d’Alle-magne demeurent douloureusement conscients de lanécessité de disposer de destinations possibles, en Pales-tine ou ailleurs. La violence arabe contre les Juifsdétermina le gouvernement britannique à réduire l’immi-gration juive en Palestine.

Des émeutes dans la ville de Jaffa, en Palestine, peu-plée d’Arabes, notamment ces échauffourées en juin1936, inaugurèrent une période d’intenses conflitsentre Arabes et Juifs. Prises entre la demande de l’Or-ganisation sioniste mondiale d’augmenterl’immigration juive et l’hostilité arabe à cette immigra-tion, les autorités britanniques se trouvèrent entre deuxfeux. Le conflit dura trois ans et aboutit à la quasi-inter-diction de l’immigration juive dans la région.

En juin 1936, des entreprises etdes maisons appartenant à des Juifssont incendiées au cours d’uneémeute antijuive à MinskMazowiecki. La violence antisémites’intensifia nettement en 1936, ponc-tuant la vie juive polonaise. Pogroms,manifestations et programme législatifantisémite détériorèrent les relationsentre Juifs et Polonais. La puissanceéconomique et militaire allemandeconvainquit de nombreux Polonaisque le moment était venu pour eux derégler leurs différends avec leurembarrassante minorité juive. Les Juifsconstituaient environ 10% de la popu-lation de Pologne.

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Aviv et de Jaffa pour protester contrel’immigration juive en Eretz Israël.

• 17 juin 1936 : Heinrich Himmler estnommé chef de la police allemande.

• 19 juin 1936 : Le boxeur allemandpoids lourd Max Schmeling, ancienchampion du monde, bat le Noiraméricain très prometteur Joe Louis.

À des fins de propagande, Hitlertransforme le combat en une victoirede la supériorité aryenne ; voir22 juin 1938.

• 26 juin 1936 : Reinhard Heydrichest nommé à la tête du SD (Servicede sécurité des SS) par HeinrichHimmler.

• 30 juin 1936 : Des Juifs polonais semettent en grève pour protestercontre l’antisémitisme.

• 3 juillet 1936 : Le Juif allemandStefan Lux se tue dans la salle deréunion de la Société des nations àGenève, suicide destiné à protestercontre la persécution des Juifs d’Alle-magne.

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Les nazis réalisèrent que le contrôle de lapolice était indispensable pour maintenir lerégime. En fusionnant les SS et toutes lesforces de police d’Allemagne, HeinrichHimmler put édifier un État policier fondésur la coercition et la terreur.

Ne devant rendre des comptes qu’au Füh-rer, Himmler contournait les systèmes juri-diques et les bureaucraties étatiques. Lapolice nazie était libre de définir la« légalité » et n’était entravée par aucunecontrainte morale.

Déjà chef des SS, Himmler chercha dès1933 à détenir les pouvoirs de police, deve-nant chef de lapolice de Munich,puis commissaire dela police politiquebavaroise. L’annéesuivante, il étaitnommé à la tête dela police politique detous les États alle-mands et contrôlaitégalement la Ges-tapo prussienne.Officiellementnommé chef de toute la police allemande en1936, il la restructura en deux départementsprincipaux : Maintien de l’ordre, comprenantla police municipale et les gendarmeries decanton ; et la Sécurité, comprenant la Ges-tapo et la police criminelle. Par la suite, lapolice de Sûreté et le SD fusionnèrent, ce quileur conféra un pouvoir prodigieux.

L’Office central de la sûreté du Reich, crééen 1939, comprenait de nombreuses subdivi-sions de « surveillance préventive ». Enconséquence, toutes sortes de particuliers etde groupes faisaient l’objet d’une surveillanceconstante, notamment les Juifs, les marxistes,les hommes d’Église et les homosexuels.

Création d’un État policier

Des jeunes filles juives de Berlin participent à uncours de formation professionnelle avant d’émigrer. En1936, les Juifs allemands étaient privés de moyens desubsistance et encouragés à quitter l’Allemagne. Bienque ce ne fût jamais officiellement une politique nazie,l’isolement social croissant des Juifs du Reich et larigoureuse discrimination économique contraignirent àn’envisager l’avenir que dans d’autres pays.

En 1936 HeinrichHimmler fut nommé à latête des forces de policede l’Allemagne, un postequi allait lui fournir les ins-truments nécessaires pourmettre en œuvre son pro-gramme racial. Simultané-ment, cette nominationfaisait de son collèguenazi Hermann Göring unsubordonné. Himmlercumulait d’immenses pou-voirs. Il était le maître dusystème de camps deconcentration nazis etallait devenir le deuxièmepersonnage del’Allemagne pendant laSeconde Guerremondiale.

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1936• 17 juillet 1936 : Début de la guerrecivile espagnole.

• Août 1936 : Le ministère polonais duCommerce ordonne à toutes les petitesentreprises d’exposer les noms des pro-priétaires tels qu’ils apparaissent sur lesactes de naissance. Cette directive estdestinée à découvrir les entreprisesappartenant à des Juifs.

• 1er-16 août 1936 : Les Jeuxolympiques d’été à Berlin donnent aumonde une première occasion d’obser-ver le Troisième Reich (en représenta-tion). Les Allemands dissimulent tousles signes extérieurs d’antisémitisme.Avery Brundage, président du Comitéolympique national des États-Unis,déjoue avec succès un boycottaméricain des Jeux olympiques de Ber-

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Max Schmeling, boxeurallemand de la catégoriedes poids lourds, affrontele très prometteur Joe Louisau stade Yankee de NewYork, le 19 juin 1936.(Prévu pour le 18, le matchfut différé d’une journée àcause de la pluie). Présen-tée en Allemagne commeun combat entre la « racesupérieure » aryenne et unAfricain inférieur, lavictoire de Schmelingalimenta la machine depropagande nazie. Deuxans plus tard, lorsque Louismit Schmeling K.-O. à lapremière reprise lors deleur match de revanche, lapresse nazie ignora toutsimplement ce combat.

Les traits « typiquementnordiques » et l’habiletéadministrative de Reinhard Heydrichen firent la publicité favorite des nazispour la « race supérieure ». En tantque bras droit d’Himmler, Heydrichdevint, en 1936 chef de la Gestapode Berlin et chef du Sicherheitsdienst(SD), le service de sûreté du Reichallemand tout entier. Heydrich contri-bua à monter le système de terreur SSet à élaborer la « solution finale » dela « question juive. »

Le père Charles E. Coughlin fut lefondateur de l’Union for Social Justice,une organisation antisémite isolation-niste qu’il avait lancée dans son pro-gramme à la radio nationale. Ici, ils’adresse à un public de Cleveland,dans l’Ohio, le 17 juillet 1936.Enflammant une salle déjà chauffée à blanc, Coughlin attaque leprogramme social du président Franklin Roosevelt et ses partisans juifs.

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lin, insistant sur le fait que le groupe depression favorable au boycott est menépar des « intérêts particuliers » juifs.Une fois en Allemagne, Brundage estreçu par le haut responsable nazi Her-mann Göring.

• 7 septembre 1936 : Une taxe de25% est imposée sur tous les biensjuifs en Allemagne.

• 23 septembre 1936 : Ouvertured’un camp de concentration à Sach-senhausen en Allemagne.

• 1er octobre 1936 : Les juges de lacour d’assises de Berlin prêtent ser-ment d’allégeance à Hitler.

• 25 octobre 1936 : En préparationde la guerre, Hitler et le dictateur

italien Benito Mussolini signent untraité créant l’Axe Rome-Berlin.

• 18 novembre 1936 : Départ desvolontaires allemands de la légionCondor pour combattre en Espagneaux côtés des fascistes de FranciscoFranco.

• 25 novembre 1936 : L’Allemagne et

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Le camp de concentration de Sachsenhausenfut créé en septembre 1936 à Oranienburg,ville située à une vingtaine de kilomètres aunord-est de Berlin. Comptant parmi les pre-miers grands camps de concentration construitspour interner les milliers de prisonniers poli-tiques du Troisième Reich, il était commodé-ment situé près de la capitale allemande.

Alors que Sachsenhausen demeurait avanttout un camp destiné aux opposants politiquesdu régime, les Juifs commencèrent à y arriveren nombres importants en 1938. À partir de1942, la plupart des Juifs qui pénétrèrent dansce camp n’y restèrent que temporairement, etfurent par la suite envoyés vers l’Est, dans lescamps de la mort en Pologne.

Nombre de ceux qui restèrent dans le campsubirent de cruelles expériences « médicales ».On y effectuait, entre autres, une recherche surles causes, les effets et les traitements de la jau-nisse. Les sujets soumis à ces expériencesétaient ultérieurement tués (parfois dans lapetite chambre à gaz du camp), autopsiés etincinérés dans les fours crématoires.

Au total, environ 100 000 personnes périrentà Sachsenhausen durant les années où le campfonctionna (de 1936 à 1945) ; de tous les campsde concentration situés en territoire allemand,ce fut le plus meurtrier.

Sachsenhausen

Des pancartes portant les mots « Les Juifs sont indé-sirables ici », humiliaient les Juifs dans toutel’Allemagne nazie. Parcs, magasins, restaurants etautres lieux leur étaient interdits. En vue de camouflerle traitement des Juifs de Berlin aux yeux du publicinternational venu pour les Jeux olympiques, les nazisretirèrent systématiquement les pancartes avant ledébut des Jeux. Elles furent remises dès la fin des Jeux.

Un film de propagande nazie montrant les différentstypes raciaux présente le Juif comme un « bâtard »racial. Selon l’idéologie raciale nazie, les Juifs étaientl’antithèse des Allemands et le fléau de la terre. Ledéluge constant de descriptions antisémites des Juifsvisait à les déshumaniser.

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1936le Japon signent le pacte anti-Komin-tern afin de bloquer les activitéssoviétiques à l’étranger.

• 27 novembre 1936 : Le ministre nazide la Propagande Joseph Goebbelsdéclare que la critique de films estdésormais interdite, laissant l’industriecinématographique allemande contrô-lée par les nazis poursuivre son propre

programme qui comprend des filmsgrossièrement antisémites. • À la mêmeépoque aux États-Unis, Hollywood s’au-tocensure et évite de traiter dequestions juives à cause du niveauélevé d’antisémitisme que connaît alorsle pays.

• 29 novembre 1936 : Walther Darré,le ministre allemand de l’Agriculture,

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Les homosexuels furent des cibles privilégiées de la persécutionpar les nazis qui considéraient qu’ils souillaient le sang allemand.Déclarant que l’homosexualité est un crime de dégénérescencecontraire au « sentiment populaire général », le régime entreprit del’éradiquer.

De 1933 à 1944, les nazis envoyèrent dans des camps de concen-tration des dizaines de milliers d’hommes déclarés coupables d’ho-mosexualité. Ils y furent humiliés, torturés, soumis à des expériences« médicales » et assassinés. Entre 5 000 et 15 000 homosexuels péri-rent derrière les barbelés pendant la Shoah.

La campagne contre les homosexuels fut particulièrement acharnéeentre 1936 et 1939. Afin de les identifier, la Gestapo dressa des listesd’individus connus, encouragea tous les citoyens à dénoncer des com-portements déviants, contraignit les victimes à en dénoncer d’autres,traqua les personnes dont les noms figuraient dans des carnetsd’adresse, fit des descentes dans les bars et clubs d’homosexuels etconfisqua les listes d’abonnement aux magazines pour homosexuels.

Jetés dans des camps de concentration pour « rééducation », leshomosexuels furent contraints de porter des insignes triangulairesroses à des fins d’identification. Ils furent avilis et roués de coups parles gardiens. Nombre d’entre eux furent castrés ou transformés encobayes humains pour des expériences hormonales réalisées par des« médecins » SS. Accusés d’homosexualité, des ennemis politiques durégime, comme certains prêtres catholiques, furent eux aussi com-modément éliminés.

La persécution des homosexuels L’hebdomadaire polonais antijuifde droite Samoobrona Naradu(Autodéfense nationale) faisait pres-sion pour faire disparaître tous lesJuifs de Pologne. Exhortant ses com-patriotes à prendre garde au « pro-blème » juif, le journal menacampagne pour « débarrasser laPologne de ses Juifs ». Ce numéroporte le texte suivant : « LAPOLOGNE AUX POLONAIS ! Il fautsusciter un sentiment de fierté, desolidarité et d’unité nationale. Cha-cun de vous doit prêter sonconcours au travailleur polonais, aucommerçant polonais, etc. LES EMPLOIS ET LE PAIN ENPOLOGNE POUR LESPOLONAIS ! » Au-dessus del’annonce, la caricature représenteun Polonais emmenant des Juifs enPalestine.

Intitulée « L’avancée de la danse de l’Artmoderne avec une prostituée », cette carica-ture allemande antisémite représente unartiste juif « dégénéré » dont la paletteporte les mots Schoul’han Aroukh (recueilde lois juives du Moyen-Âge). Figurent éga-lement un journaliste juif et un cinéaste sym-bolisant le soi-disant contrôle exercé par lesJuifs sur les médias. Au premier plan, le Juifriche, bien nourri, fait la fête avec une pros-tituée tout en dansant sur la croix. D’autresdétails évoquent le capitalisme (le chapeauhaut-de-forme de la femme), la franc-maçon-nerie (le symbole sur la large ceinture dudanseur) et le jazz des Noirs américains (lesaxophone).

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déclare que la démocratie et le libé-ralisme ont été inventés par les Juifs.

• 27 décembre 1936 : La Grande-Bretagne et la France se mettentd’accord sur une politique d’apaise-ment et de non-intervention concer-nant la guerre civile d’Espagne.

• 1936-39 : La guerre civile espagnolefait rage pendant trois ans durant les-

quels Hitler envoie des forcesallemandes combattre avec les natio-nalistes du général Francisco Francocontre les Républicains. LesAllemands profitent de cette occasionpour tester aussi bien leurs armes queleur tactique. Une aide supplémen-taire est fournie par le dictateur italienBenito Mussolini qui envoie desdizaines de milliers de soldats italienscombattre les forces demeurées

loyales au gouvernement espagnol degauche démocratiquement élu. • EnPologne, la « clique des colonels »Zjednoczenia Narodowego (Camp del’unité nationale), antisémite, devientactive. Elle est dirigée par PulkownikAdam Koc et contrôlée par leprésident polonais Ignacy Moscicki etle ministre de la Défense MarzalekEdward Rydz-Smigly.

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La dernière page du numéro deseptembre 1936 du JüdischeAuswanderung (Émigration juive)comporte une publicité de l’agencede voyage Atlantic Express. Cettepublication mensuelle était produitepar le Hilfsverein der Juden inDeutschland, l’organisationd’assistance aux Juifs d’Allemagne,en vue de fournir une information surl’émigration et l’établissement dans unnouvel endroit. De 1933 à 1938,plusieurs milliers de Juifs cherchaientà fuir les persécutions croissantes desnazis.

Deux gardiens SS et leurs bergersallemands fort bien dresséspatrouillent dans le périmètre couvertde neige du camp de concentrationde Sachsenhausen en Allemagne.Des clôtures électrifiées, des chienspoliciers spécialement dressés et desgardes armés rendaient l’évasionquasiment impossible. Les tentativesd’évasion étaient également découra-gées par le fait qu’en cas de reprise,c’était l’exécution assurée.

Le chancelier allemand Adolf Hit-ler et le dictateur italien Benito Mus-solini se promènent ensemble aucours de la visite officielle d’Hitleren Italie au printemps 1934. Cetterencontre à Venise entre les chefsdes deux régimes fascistes les pluspuissants posa les bases d’unealliance militaire officielle conclueen 1936. Si les deux payspartageaient des préoccupationscommunes, ils avaient des concep-tions différentes des questionsraciales. Avant de s’aligner officiel-lement sur l’Allemagne, l’Italie fas-ciste de Mussolini n’adopta aucunelégislation antisémite. Les Italiens nese passionnaient guère pour la« question juive ».

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