les mesures d'integration des victimes
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DOMINIQUE BERNIER
LES MESURES D'INTEGRATION DES VICTIMES DANS LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE
PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS Vers un équilibre entre les droits des victimes et les droits des
adolescents?
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en droit pour l'obtention du grade de maître en droit(LL.M.)
FACULTE DE DROIT UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2008
© Dominique Bernier, 2008
RÉSUMÉ
Ce mémoire de maîtrise examine la relation pouvant exister entre le jeune
délinquant et la victime dans le cadre pénal canadien. La Loi sur le système de justice
pénale pour les adolescents, adoptée en 2003, contient des dispositions qui permettent
aux victimes de participer activement au processus pénal pour les mineurs. Nous nous
intéressons donc au fondement et à la mise en œuvre de ces dispositions. Les délinquants
mineurs ont un système de justice qui leur est propre et la présence active des victimes
doit s'inscrire dans cette perspective.
Il
AVANT-PROPOS
Avant toute chose, j'aimerais sincèrement remercier plusieurs personnes qui ont
contribué à la réalisation de ce mémoire de maîtrise. Je désire d'abord remercier le Fonds
d'investissement de la faculté de droit de l'Université Laval pour le soutien financier
offert. J'aimerais aussi remercier les gens provenant d'organismes communautaires qui
ont bien voulu me rencontrer et discuter avec moi de leur précieuse expérience (clin d'œil
au personnel et aux jeunes de la rue de la Maison Dauphine... vous m'avez permis de
relativiser mes petits tracas quotidiens).
Je tiens à remercier sincèrement ma directrice de mémoire : Julie Desrosiers. Ses
conseils, encouragements et commentaires m'ont plus que grandement aidée à la
réalisation de ce projet; ils ont contribué à mon épanouissement au cours de ces deux
dernières années. Je me suis toujours sentie privilégiée de travailler sous sa direction.
Je remercie aussi les membres de ma famille, de ma belle-famille et mes ami(e)s
qui m'ont toujours soutenue avec amour (un merci spécial à ma mère pour sa générosité
et à mon père pour son exemple de détermination). Aussi, je désire remercier Bernard
pour ses encouragements dans ce projet qu'il n'a pas eu la chance de voir se terminer.
Un merci tout spécial à Maxime pour les corrections et commentaires rigolos (qui
ont été plus qu'appréciés...) et à Isabelle et Maxime-Steeve pour leurs judicieux conseils.
Enfin, milles mercis à Jean-Philippe. Ta présence, ton soutien, ton amour et ta
douce folie m'ont permis de poursuivre cette démarche tout en étant heureuse jour après
jour. Être à tes côtés, c'est mon équilibre.
III
Je crois que c 'est les injustes qui dorment le mieux, parce qu 'ils s'en foutent, alors que les justes ne peuvent pas fermer l'œil et se font du mauvais sang pour tout. Autrement, ils ne seraient pas justes.
Romain Gary, La vie devant soi
IV
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ Il
AVANT-PROPOS III
TABLE DES MATIÈRES V
TABLES DES ABRÉVIATIONS VII
INTRODUCTION 8
TITRE PRÉLIMINAIRE 12
LES OBJECTIFS DE LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS 12
1- Bref historique 12
2- Les objectifs de la loi 14
TITRE 1 21
LA PERTINENCE JURIDIQUE DES MESURES D'INTÉGRATION DES VICTIMES ET LE DÉVELOPPEMENT DES THÉORIES CRIMINOLOGIQUES ET JURIDIQUES DES 50 DERNIÈRES ANNÉES : UN LIEN INCONTESTABLE 21
Chapitre 1 21
La présence des victimes dans le processus pénal canadien : développement et particularités. 21
1- Dans le système de justice pénale général 23
2- Dans le système de justice pour adolescents 35
Chapitre 2 40
La présence de la victime dans les divers modèles théoriques de justice pour mineurs 40
1- Les modèles classiques : la protection et la rétribution 41
2- Les nouveaux modèles : justice réparatrice 51
3- Le modèle autochtone 61
TITRE 2 69
LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES JURIDIQUES : NORMES INCITATIVES ET APPLICATION MITIGÉE 69
Chapitre 1 69
Le fonctionnement des mesures de participation et d'intégration de la victime 69
1- Le fonctionnement des mesures 70 V
2- Les programmes ailleurs au pays 84
3- Les similitudes et les différences avec les lois précédentes 88
Chapitre 2 94
La mise en œuvre québécoise des mesures d'intégration des victimes 94
1- L'analyse jurisprudentielle 95
2- Les statistiques et rapports gouvernementaux 103
3- L'exemple de l'organisme L'Autre avenue 109
CONCLUSION 114
BIBLIOGRAPHIE 120
Doctrine 120
Jurisprudence 129
Législation 131
VI
TABLES DES ABRÉVIATIONS
CAVAC -* Centre d'aide aux victimes d'actes criminels
C.cr. -* Code criminel canadien
IVAC ~* Indemnisation des victimes d'actes criminels
LSJPA -* Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
LJD -* Loi sur les jeunes délinquants
LJC ~* Loi sur les jeunes contrevenants
OJA -* Organismes de justice alternative
ROJAC -* Regroupement des organismes de justice alternative
VII
INTRODUCTION
Au cours de l'adolescence, l'adulte en devenir traverse une délicate période. Tant
au plan personnel qu'au plan social, il fera de nouvelles expériences. Ces dernières ont
des conséquences positives ou négatives sur son développement vers la maturité. La
transgression des normes et la confrontation de l'autorité font partie de ces
expérimentations. Les principes défiés peuvent être de tout ordre (parental, scolaire,
légal, etc.)
La violation d'une règle légale peut entraîner des effets sur de nombreux aspects
de la vie des adolescents, surtout lorsqu'ils parcourent le système de justice pénale. En
2005, 73 000 jeunes Canadiens ont été mis en accusation par la police pour une infraction
au Code criminel1 et, selon Statistiques Canada, 96 000 jeunes ont fait l'objet d'autres
mesures par les policiers2. Le taux de criminalité des mineurs a été, pour l'année 2005, de
6603 jeunes infracteurs par 100 000 habitants.3
Les interrogations sont nombreuses et les opinions sont diversifiées sur la façon
adéquate de répondre à la délinquance juvénile. L'adolescent est à un stade particulier de
son développement. Il n'a pas encore atteint la maturité d'un adulte, mais il est conscient
de ses actes. Le système de justice pénale doit prendre en considération les
caractéristiques des mineurs délinquants.
Les questionnements sur le système de justice pénale pour les adolescents portent
aussi sur les différents acteurs impliqués. La victime d'un acte délictuel vit aussi une
période complexe. Les conséquences d'une victimisation peuvent être nombreuses et de
lCode criminel, L.R.C. (1985), c. 46, art. 745.1 [ci-après Code criminel ou C.cr.]. 2 CENTRE CANADIEN DE LA STATISTIQUE JURIDIQUE, Statistiques de la criminalité 2005 (2005) vol. 26, no 4 [EN LIGNE] http://www.statcan.ca/francais/freepub/85-002-XIF/85-002-XIF2006004.pdf page consultée le 15 juillet 2007. 3 M
différents ordres : psychologiques, physiques, sociales, etc. La victime aura, tout comme
l'adolescent délinquant, mais dans une perspective différente, à confronter le système de
justice pénale.
Dans le cadre législatif canadien pour les mineurs délinquants, ces deux acteurs
aux besoins et aux caractéristiques différents sont liés par certaines dispositions. En effet,
dans la continuité de la Loi sur les jeunes contrevenants , des articles de la Loi sur le
système de justice pénale pour les adolescents5 prévoient l'intégration, à différents
niveaux, des victimes dans le processus pénal propre aux jeunes délinquants. Ces mesures
d'intégration de la victime seront au cœur de notre mémoire de maîtrise.
La LSJPA a été adoptée récemment. En 2003, après des années de réflexion sur la
délinquance juvénile au Canada, la loi a intégré plusieurs objectifs. Certains sont
nouveaux, comme l'assujettissement des jeunes aux peines pour adultes et la primauté du
principe de proportionnalité de la peine. D'autres approfondissent ce que les lois
précédentes contenaient déjà, comme la nécessité de réadaptation et de réinsertion
sociale. À partir de ces objectifs législatifs fondamentaux, qui définissent les tenants et
aboutissants du processus, nous analyserons le rôle des victimes. Nous nous intéresserons
à sa pertinence et nous vérifierons sa mise en œuvre.
Notre recherche s'articule donc autour des deux questions suivantes :
Est-ce que les mesures d'intégration des victimes dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sont pertinentes en regard des différents objectifs socio-juridiques de cette législation conçue pour les mineurs de 12 à 17 ans?
Dans le cas où cette pertinence est établie, est-ce que la mise en œuvre au Québec des mesures d'intégration des victimes est conforme aux objectifs socio-juridiques de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents?
Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, L.C. 2002, c. 1 [ci-après Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou LSJPA]. 5 Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1985), c. Yl (Abrogée, 2002, ch. 1, art. 199) [ci-après Loi sur les jeunes contrevenants ou UC].
9
Selon notre hypothèse de départ, les mesures d'intégration des victimes sont
pertinentes en regard des objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Toutefois, malgré la
« popularité » théorique de ces mesures, leur mise en œuvre, particulièrement dans le
cadre judiciaire québécois, s'avère mitigée. La Loi sur le système de justice pénale pour
les adolescents contient de nombreuses possibilités qui ne sont pas toutes utilisées.
Afin de bien positionner notre travail de recherche, nous ferons, dans le cadre
d'un chapitre préliminaire, la présentation des objectifs de la LSJPA. Puisque ces derniers
sont au cœur de notre analyse, nous déterminerons les visées juridiques poursuivies à
l'aide du Préambule, de la Déclaration de principes et d'autres sources. Ensuite, afin de
répondre à nos questions de recherche et de vérifier notre hypothèse de travail, nous
procéderons en deux parties distinctes.
Première partie : pertinence des mesures d'intégration des victimes au regard des
objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Afin de vérifier la pertinence de l'intégration des
victimes dans la LSJPA, nous commencerons par retracer la provenance et la justification
d'une plus grande implication des victimes dans le système pénal canadien. Nous
analyserons le rôle traditionnellement dévolu à la victime, les origines de ce rôle et ses
caractéristiques. Il existe par ailleurs diverses théories socio-juridiques proposant des
moyens de répondre à la délinquance juvénile. Or, nous croyons que le rôle accru de la
victime peut s'insérer à même ces courants théoriques, particulièrement les plus récents.
Nous ferons donc l'analyse du rôle de la victime au sein des différents modèles de justice
pour mineurs qui sont proposés.
Deuxième partie : mise en œuvre des mesures d'intégration des victimes. Les
adolescents jouissent d'un système pénal qui leur est propre et qui doit répondre à leurs
intérêts. Nous examinerons si la présence de la victime contribue, dans les faits, à
répondre aux différents objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Cette analyse se fera en
10
deux temps. Dans un premier temps, afin de bien saisir les nombreuses possibilités de
mise en œuvre qu'offre la loi, nous présenterons les dispositions pertinentes et nous
étudierons leur fonctionnement. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à
l'utilisation réelle des dispositions d'intégration des victimes, par l'intermédiaire de la
jurisprudence, des statistiques disponibles et des rapports gouvernementaux. Nous
désirons vérifier l'application concrète de ces dispositions. C'est dans la même optique
que nous nous pencherons sur le fonctionnement « terrain » de ces nouvelles mesures
d'intégration des victimes au moyen de données provenant des Organismes de justice
alternative, lesquels sont au cœur de certains aspects de la relation victime-délinquant au
Québec.
11
TITRE PRÉLIMINAIRE
LES OBJECTIFS DE LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
Notre analyse des mesures d'intégration des victimes s'orientera autour des
objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Afin de déterminer ceux qui seront au cœur de
notre travail de recherche, nous présenterons, au cours de ce titre préliminaire, un bref
historique de la loi et un aperçu de son contenu.
1- Bref historique
Le Canada a fait très tôt le choix de séparer le système de justice pénale pour les
adolescents du système de justice pénale pour les adultes. Dès 1908, la Loi sur les jeunes
délinquants6 fut adoptée par le parlement fédéral. Comme le note Nicholas Bala :
This Act created a juvénile justice and correction System with a welfare-oriented philosophy based on positivist criminology and a distinct parens patriae (parent of the country) philosophy. »7
Pendant 73 ans, la situation des jeunes délinquants du pays a donc été régie par cette
législation. Affublée de critiques à partir des années 60, on reprochait principalement à
cette loi de nier les droits fondamentaux des adolescents et de laisser un grand pouvoir
discrétionnaire aux décideurs. De plus, selon ses détracteurs, la LJD faisait trop de place
au régime de protection et niait totalement la responsabilité de l'adolescent dans l'acte
délictuel.
6 Loi sur les jeunes délinquants, L C, 1908, c. 40 [ci-après Loi sur les jeunes délinquants ou LJD]. 7N. BALA, Youth criminal justice act, Toronto, Irwin Law, 2003, p. 7.
12
C'est dans cette perspective que la Loi sur les jeunes contrevenants fut adoptée en
1981 et mise en vigueur en 1984. Cette loi tentait de corriger les lacunes de la précédente
tout en rendant le système accessible à tous les contrevenants mineurs du pays. Nicholas
Bala mentionne à ce sujet :
The YOA provided much more récognition of légal rights than the Juvénile Delinquent Act, as well as establishing a uniform national âge jurisdiction, developments consistent with emphasis in the Charter on due process of law and equal treatment under the law. The YOA tried to balance a concern for the spécial needs of youth with the protection of the public.8
Toujours dans l'optique d'augmenter la responsabilisation du jeune, en 1995, certains
amendements ont été adoptés afin de permettre plus facilement le transfert des
contrevenants violents vers les tribunaux pour adultes. De plus, des mesures alternatives
aux mesures judiciaires ont été ajoutées pour les contrevenants ayant commis des crimes
de moindre gravité.
Après les modifications de 1995, des acteurs politiques et le public continuaient de
critiquer cette dernière pour sa souplesse dans la réponse à la délinquance juvénile. Un
comité parlementaire a été formé afin d'étudier la LJC. Au cours de la fin des années 90,
cette étude s'est transformée en la proposition d'adopter une nouvelle loi. Cette idée ne
faisait pas l'unanimité. La philosophie à la base même du changement de législation
créait divergence. Certains voulaient augmenter la sévérité, d'autres, particulièrement des
acteurs québécois, désiraient un maintien des fondements de la LJC.
The original Bill was the subject of lengthy committee hearing during which it was criticized by the Canadian Alliance and Conservatives parties for being too soft on young offenders, while the Bloc Québécois continued to argue that no changes were needed in the YOA, expressing concern that the new law would resuit in more youths being treated as adults offenders.9
Une première version de la nouvelle loi fut proposée en 1999 puis, suite à des
commissions parlementaires, des comités sénatoriaux et surtout, une multitude de
modifications, la LSJPA a vu le jour en 2002.
8 N. Bala, op. cit., note 7, p. 12. "Ici., p. 23.
13
2- Les objectifs de la loi
a. Les objectifs politiques
Puisque cette loi est née dans la tourmente politique en raison des positions
diamétralement opposées des partis politiques et des acteurs du milieu, il s'avère
nécessaire de comprendre le but du législateur. La nouvelle loi avait, au moment de son
adoption, deux principaux objectifs décrits par les auteurs Nicholas Bala et Julian V.
Robert :
Although the new Act is very complex, it has two primary objectives. For the relatively small number of youth found guilty of the most serious violent offences, the Act facilitâtes the process of imposing a more severe adult sentence. For the vast majority of young offenders who commit less serious offences, however, the YCJA [LSJPA], is intended to reduce Canada's reliance on the use of courts and youth custody10.
Ces deux visées découlent de deux problématiques différentes rencontrées sous l'égide de
la Loi sur les jeunes contrevenants.
Tout d'abord, le Canada ne pouvait nier qu'il avait « l'un des plus hauts taux
d'incarcération des jeunes délinquants." ». De plus, ce taux s'avérait plus élevé chez les
adolescents que chez les adultes. Les délinquants mineurs incarcérés étaient quatre fois
plus nombreux que les délinquants adultes12' La LSJPA s'inscrivait donc dans la
perspective de baliser les règles d'incarcération pour en diminuer l'utilisation. Les
préceptes de la nouvelle législation encouragent la détention seulement dans les cas où
elle s'avère réellement nécessaire.
J. V. ROBERT et N BALA, « Understanding sentencing under the youth criminal justice act », (2003) 41 Alta. Law Rev. 395, p. 396. 11 Traduction libre "one of the highest rates in the world of use custody for adolescents offenders" N. BALA, op. cit., note 7, p. 401. 12 S. ANAND, «Crafting Youth Sentences: The Rôles of Rehabilitation, Proportionality, Restraint, Restorative justice and Race under the Youth criminal justice act» (2003) 40 Alta Law R. 943, p.944.
14
Ensuite, le manque de sévérité envers les mineurs ayant commis des actes
délictuels graves ou dénotant une grande violence était très critiqué. En effet, les
sondages montraient que la population trouvait trop indulgentes les peines imposées aux
jeunes contrevenants. 80,6 % des Canadiens auraient préféré des peines plus dures .
Tout comme certains partis politiques14, la population exigeait une plus grande sévérité.
Dans cette perspective, les articles 61 et suivants prévoient un mécanisme où
l'adolescent peut être assujetti à une sanction pour adulte dans les cas où, pour un crime
similaire, un majeur serait admissible à une peine de plus de deux ans. Les peines pour
adultes sont, en effet, beaucoup plus rigides que celles prévues pour les délinquants
mineurs. Par exemple, dans le cas du meurtre au premier degré, l'article 745.1 du Code
criminel prévoit pour les mineurs une peine d'emprisonnement à perpétuité avec une
libération conditionnelle au bout de cinq ou dix années, dépendamment de l'âge du
délinquant. Un adulte coupable de cette infraction est, quant à lui, détenu à perpétuité
sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, et ce, en vertu de l'article 745
a) du Code criminel.
En plus de ces deux objectifs généraux, le texte de la loi contient plusieurs autres
visées que nous allons maintenant examiner.
b. Le Préambule et la Déclaration de principes
Dès le début de la loi, le législateur a clairement indiqué ses objectifs socio-
juridiques. Le Préambule et la Déclaration de principes contiennent les principaux
éléments qui déterminent les tenants et aboutissants de cette législation pour les mineurs
délinquants.
13 J. BARBER et A .N. DOOB, « An analysis of the public support of the severity and proportionality in the sentencing of youthful offender » (2004) 46 Canadian journal of criminology and criminal justice 327. 14 Supra, note 9.
15
Traditionnellement, les préambules ne contiennent pas de mesures législatives. Ils
contiennent les grands buts de la loi15' Aujourd'hui, ce texte introductif peut, selon la
tendance, être utilisé dans le cadre d'interprétation législative. Comme le mentionne un
auteur : « It is now accepted that a preamble can be used to assist and determining a
statute's purpose and object, even if the provision of the law are clear. » Dans cette
perspective, le Préambule de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
comporte plusieurs éléments dignes d'intérêt puisqu'ils soutiennent directement le
dessein de celle-ci.
Le Préambule contient cinq paragraphes stipulant des objectifs tels que : la
nécessité que la société réponde et soutienne les adolescents jusqu'à l'âge adulte, le désir
de respecter les engagements internationaux du Canada en matière de droits de l'enfant,
le droit du public à l'information concernant le système de justice pénale, l'accent mis sur
la prévention de la délinquance en s'attaquant à ses causes et la réponse aux besoins des
jeunes par les différents acteurs impliqués. Le dernier paragraphe retient particulièrement
notre attention. Plusieurs objectifs y sont prévus :
... la société canadienne doit avoir un système de justice pénale pour les adolescents qui impose le respect, tient compte des intérêts des victimes, favorise la responsabilité par la prise de mesures offrant des perspectives positives, ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale, limite la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et diminue le recours à l'incarcération des adolescents non violents. 1?
Notons que le législateur mentionne l'importance de respecter les intérêts des
victimes. Cela laisse présager que la loi contient d'autres mesures s'inscrivant dans cette
perspective. De plus, un accent particulier est mis sur la responsabilisation du mineur
15 Loi d'interprétation, L .R.C. (1985), c. 1-21, art. 13 : « Le préambule fait partie du texte et en constitue l'exposé des motifs. ». 16 N. BALA, op. cit., note 7, p. 76. 17 Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, précitée, note 4, Préambule.
16
délinquant. La responsabilisation s'ajoute aux objectifs de réadaptation et de réinsertion
sociale.
La Déclaration de principes se trouve à l'article 3 de la loi. Cette disposition
prévoit les principes qui doivent soutenir l'application de la législation. L'article 3(l)a)
décrète deux éléments essentiels, soit l'importance d'un système de justice pénale qui
vise à prévenir le crime par la suppression de ses causes sous-jacentes et aussi un système
qui vise à réadapter et réinsérer le jeune dans la société par l'intermédiaire de
perspectives positives et d'une protection du public durable. L'article 3(1 )b) réitère
l'importance d'un système de justice pénale pour les adolescents qui est distinct de celui
des adultes. Pour ce faire les éléments suivants sont primordiaux:
(i) leur réadaptation et leur réinsertion sociale,
(ii) une responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec leur état de dépendance et leur degré de maturité,
(iii) la prise de mesures procédurales supplémentaires pour leur assurer un traitement équitable et la protection de leurs droits, notamment en ce qui touche leur vie privée,
(iv) la prise de mesures opportunes qui établissent clairement le lien entre le comportement délictueux et ses conséquences,
(v) la diligence et la célérité avec lesquelles doivent intervenir les personnes chargées de l'application de la présente loi, compte tenu du sens qu'a le temps dans la vie des adolescents;18
Dans la même perspective, l'article 3(1 )c) expose la nécessité de respecter le
principe de responsabilité juste et proportionnelle, tout en prenant des mesures qui
favorisent le renforcement des valeurs de la société; qui favorisent la réparation du
dommage causé à la collectivité et à la victime; qui offrent des perspectives positives; qui
tiennent compte du niveau de développement des adolescents; qui font participer les
parents, la famille, la collectivité et les organismes sociaux; qui prennent en compte les
différences culturelles, sexuelles, linguistiques; qui tiennent compte des besoins propres
aux autochtones.
18 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 3(l)b). 17
Finalement, l'article 3(l)d) spécifie l'importance de règles procédurales propres
aux adolescents et au système telles que : le respect des droits et libertés de l'adolescent;
la possibilité de se faire entendre pour l'adolescent et la victime; le traitement courtois
des victimes en leur faisant subir le moins d'inconvénients possible et en les informant
des procédures intentées; l'obligation d'informer les parents et de leur offrir un soutien.
Bref, le préambule et la déclaration de principes contiennent une vaste gamme
d'objectifs devant imprégner le système de justice pour les adolescents. Le législateur
démontre par ce texte législatif ses priorités dans la réponse à la délinquance juvénile au
Canada.
c. Les objectifs judiciaires et extrajudiciaires
En plus des objectifs indiqués au début de la loi, d'autres principes fondamentaux
liés au système se trouvent tout au long du texte législatif. Nous désirons en mentionner
quelques-uns qui s'inscrivent dans la continuité des objectifs de diminution de
l'incarcération, de la responsabilisation de l'adolescent et de respect de la victime.
Dès le tout début de la LSJPA, une section est destinée aux mesures
extrajudiciaires. Ces dernières sont considérées comme l'une des meilleures façons de
s'attaquer à la délinquance juvénile. Le législateur mentionne que les mesures
extrajudiciaires sont rapides et efficaces. Elles s'adressent à ceux et celles qui ont commis
une infraction sans violence et qui n'ont jamais été déclarés coupables d'une infraction
Lorsqu'ils ont déjà été déclarés coupables d'une infraction, les mesures doivent être
compatibles avec les objectifs de cette section de la loi.
18
Dans le cadre des mesures judiciaires, les articles qui concernent la détermination
de la peine énoncent les objectifs suivants: les peines ne doivent pas être plus graves que
celles qu'aurait un adulte pour le même crime; les peines imposées doivent être
semblables d'une région du Canada à l'autre; elles doivent être proportionnelles à la
gravité et au niveau de responsabilité de l'adolescent et elles doivent être le moins
contraignantes possible; elles doivent offrir des possibilités de réadaptation et de
réinsertion sociale tout en suscitant le sens des responsabilités de l'adolescent.
d. Les objectifs au cœur de notre analyse
Rares sont les lois contenant autant de principes fondamentaux devant soutenir les
décideurs. Résumons brièvement toutes ces visées législatives. En plus de diminuer le
taux d'incarcération et d'être plus sévère envers les adolescents ayant commis un acte
grave, le législateur désire, d'abord, un système propre aux adolescents et à leurs
caractéristiques de développement qui respecte leurs droits et libertés et qui cherche à
enrayer les causes de la délinquance. Ensuite, le système doit permettre au jeune de se
responsabiliser face à son acte délictuel tout en permettant sa réadaptation et sa
réinsertion sociale. Enfin, le système veut favoriser les droits de ceux qui gravitent autour
de ce dernier : les victimes, les parents, la communauté, etc.
Dans le cadre de notre mémoire de maîtrise, deux de ces objectifs retiennent
particulièrement notre attention et seront au cœur de notre analyse. D'une part, notre
intérêt porte sur le rôle de la victime dans la LSJPA. Nous nous intéresserons donc aux
divers objectifs de prise en considération des besoins de cette dernière. À la différence de
la Loi sur les jeunes contrevenants, il est mentionné dès le Préambule que la victime doit
être l'une des préoccupations. La Déclaration de principes réitère cette nécessité.
D'autre part, l'objectif de responsabilisation de l'adolescent sera au cœur de notre
travail puisqu'il a un lien avec la victime. L'un des moyens de responsabiliser le 19
délinquant est de le confronter avec les conséquences de son crime. Créer des interactions
entre le jeune et la victime peut permettre de le responsabiliser.
Ensemble, ces deux objectifs législatifs tracent la voie d'une participation
beaucoup plus active de la victime dans le cadre du processus judiciaire. C'est à ce rôle
accru de la victime que nous nous intéresserons dans la prochaine partie de notre
mémoire.
20
TITRE 1
LA PERTINENCE JURIDIQUE DES MESURES D'INTÉGRATION DES VICTIMES ET LE DÉVELOPPEMENT DES THÉORIES CRIMINOLOGIQUES ET JURIDIQUES DES 50 DERNIÈRES ANNÉES : UN LIEN INCONTESTABLE
L'intérêt de cette première partie réside autour de la pertinence des mesures
d'intégration des victimes dans la LSJPA. Pour ce faire, nous allons procéder à l'examen
de deux éléments majeurs. D'abord, dans le cadre du premier chapitre, nous verrons
comment s'est développé l'intérêt pour les victimes et quelles ont été les revendications
de ces dernières. Nous analyserons aussi le rôle de la victime dans le système de justice
pénale canadien tant général que juvénile. Ensuite, dans le cadre du chapitre suivant, nous
analyserons le rôle des victimes dans les différents modèles théoriques utilisés pour
répondre à la délinquance juvénile.
Chapitre 1
La présence des victimes dans le processus pénal canadien : développement et particularités
Sans être absent par le passé, l'intérêt contemporain lié au rôle de la victime dans le
système de justice pénale s'est particulièrement développé après la Deuxième guerre
mondiale. Une large réflexion est entamée sur le rôle des victimes et surtout sur le
traitement qui doit leur être réservé. Cette remise en question s'est effectuée au sein de
nombreuses disciplines (psychologie, sociologie, criminologie, droit) et au sein de
plusieurs mouvements sociaux (mouvement des femmes). Le Canada n'y fait pas
exception, et ce, particulièrement à partir des années 1960-1970. Par exemple, en 1974, la
Commission de réforme du droit mentionnait certains éléments pouvant favoriser
l'amélioration du sort de la victime :
21
Même au procès, l'intérêt porté à la violation des droits de la victime devrait se manifester de plusieurs façons; ainsi, on devrait entre autres (1) tenir compte de ce qui convient à la victime, en accordant des ajournements, (2) permettre à la victime d'exprimer son opinion sur la sentence qu'elle considère appropriée et (3) accorder la priorité, dans la détermination de la peine et le prononcé de la sentence, à la restitution et à l'indemnisation pour la perte et le dommage subi.19
La présence de la victime dans le système de justice pénale pour les adolescents est liée à
cette large réflexion sur les victimes qui a débuté il y a plus d'un demi-siècle. En effet, le
développement d'un intérêt pour cet acteur a eu des impacts sur son rôle au sein du
processus pénal.
Nous tenterons, dans ce premier chapitre, de vérifier pourquoi et de quelle
manière la victime a acquis un rôle au sein du système de justice pénale. Cette analyse
nous permettra d'évaluer la pertinence d'y inclure les victimes et elle nous permettra
d'explorer l'élaboration des préoccupations pour les victimes dans les objectifs socio-
juridiques de la LSJPA.
Cette analyse se fera en deux temps. Dans un premier temps, nous nous intéresserons
à la victime dans le système pénal général. Sur le plan social, nous évaluerons d'où
provient l'intérêt pour la victime et quelles revendications il a entraînées. Sur le plan
juridique, nous ferons l'examen des possibilités existantes pour la victime. Dans un
second temps, nous observerons les revendications particulières des victimes dans le
cadre du système de justice pénale pour les adolescents ; d'abord dans une perspective
sociale, puis dans une perspective politique.
19 COMMISSION DE RÉFORME DU DROIT DU CANADA, Les principes de détermination de la peine et du prononcé de la sentence, Document de travail 3, 1974, p. 21.
22
1- Dans le système de justice pénale général
a- Au plan social
Les interrogations contemporaines sur le rôle des victimes débutent entre les deux
conflits mondiaux. L'un des pionniers a débuté ses recherches en 1937. Mendelsohn,
avocat pénaliste, « s'insurgea contre la différence de traitement réservée au criminel et à
la victime qui devait supporter le fardeau de la preuve et ne percevoir que rarement les
dommages et intérêts octroyés, en raison de l'insolvabilité des criminels » . Selon le
postulat de base de cette large réflexion, les victimes n'avaient qu'une place accessoire
dans le cadre du système de justice pénale qui ne répondait pas à leurs besoins. Nous
nous intéresserons à l'évolution de ce postulat et de la place accordée aux victimes par
l'intermédiaire du mouvement en faveur des victimes et de la victimologie.
i- Le mouvement en faveur des victimes
Plusieurs facteurs sociaux sont à l'origine de l'apparition du mouvement en faveur
des victimes. La criminologue Jo-anne Wemmers en présente quatre.21 Premièrement, la
mouvance politique des années 60 remettait en question le rôle de l'État dans le cadre du
système. Le rôle des acteurs, leurs droits et les relations entre ceux-ci devaient être
redéfinis. Deuxièmement, l'augmentation du taux de criminalité a, dans la même
perspective, mené à de grandes interrogations sur les conséquences de celle-ci dans nos
sociétés modernes. Le crime affectait le tissu social et devait être mieux compris et mieux
considéré. Troisièmement, l'activisme pro-victime a largement contribué à l'apparition
du mouvement. Plusieurs groupes ont adopté une position revendicatrice en faveur des
victimes. Quatrièmement, les mouvements féministes se sont intéressés aux femmes
victimes de violence. « Au Canada et au Québec, les premières initiatives [d'aide aux
20 G. LOPEZ et S. TZITIS, (dir.) Dictionnaire des sciences criminelles, Paris, Dalloz, 2004, p. 963. 21 J.-A. WEMMERS, Introduction à la victimologie, Montréal, Les presses de l'université de Montréal, 2003, chapitre 3.
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victimes] ont reposé largement sur l'apport des groupes de femmes et des bénévoles dans
la communauté. »22 Dès 1975, une première maison pour femmes battues était fondée au
Québec . Ces groupes de femmes ont vite réclamé plus de droits pour les femmes ayant
vécu une victimisation.
Le mouvement en faveur des victimes a d'abord eu de l'influence sur la
reconnaissance de certains groupes de victimes. Ils ont sensibilisé la société à différents
types de victimisation : « sexual victimization, child abuse, family violence, and drunken
driving, to mention but a few. »24 Puis, cette reconnaissance s'est élargie à tous les types
de victimes d'actes criminels. Comme le mentionne un auteur :
The movement has been influential in changing social attitudes to victims of râpe and domestic violence, among others, and in changing the practices of the criminal justice system regarding those victims and, in gênerai, ail crime victims.25
La reconnaissance de l'ensemble des types de victimes a permis une prise de conscience
générale de leurs besoins dans le système pénal.
Au Québec, il existe quelques associations de victimes. Par exemple,
l'Association québécoise plaidoyer-victime , existante depuis 1984, a pour mission de
représenter, de soutenir les victimes et de sensibiliser la population à ces dernières. Ces
mouvements ont milité en faveur des droits des victimes tout en faisant certains constats
et certaines revendications. Dans cette même perspective et dans le cadre de cette même
conjoncture, une discipline propre aux sciences sociales s'est développée : la
victimologie.
A. GAUDREAULT, L'aide aux victimes d'actes criminels au Canada et au Québec: Esquisse d'un parcours (2001), p.2 [EN LIGNE] http://www.aqpv.ca/ag2001b.pdf, page consultée le 21 mai 2007. 23 J.A. WEMMERS, op. cit., note 21, p. 45. 24 E.A.FATTAH, « Victimology: Past, Présent and Future » (2000) 33 Criminologie 17, p.41. 25 Id., p 45. 26 Voir : http://www.aqpv.ca/
24
ii- La victimologie
Cette discipline est apparue vers les années 1940. Plusieurs types de victimologie
existent : le volet pénal, qui s'intéresse à la relation entre la victime et le crime, et
d'autres catégories, qui s'intéressent à l'étude des victimes de catastrophes, d'accidents
ou de conflits armés. Notre intérêt repose évidemment sur la première catégorie ainsi
définie:
Often referred to as a sub-discipline of criminology, it has paralleled development of its parent discipline in demonstrating an early concern with victim typologies and the responsibility of the victim for the création of a criminal event to a more récent focus on the structural dimensions of criminal victimization.27
La victimologie permet de connaître les caractéristiques de la victime, pourquoi
elle vit une victimisation et surtout, elle permet de connaître ses besoins. « Understanding
the nature and the impact of criminal victimization has been one of the key concerns of
victimology. »28 Pour ce faire, la victimologie utilise diverses méthodes liées aux
sciences sociales. Par exemple, la collecte de données sur les personnes ayant vécu un
acte criminel permet de dégager des caractéristiques communes. « One of the primary
tasks of theoretical victimology is to collect empirical data on crime victims...»29 L'un
des objectifs de ces recherches est de pouvoir déterminer, puis éventuellement offrir aux
victimes ce qu'elles requièrent après l'événement criminel.
La victimologie a permis de dégager plusieurs théories sur les victimes. Au
départ, on accordait une large responsabilité à cette dernière. « Il est un peu ironique
d'observer que la victimologie de l'époque laisse quelques fois entendre que la victime
est peut-être responsable de l'acte criminel ».30 Cette position vertement critiquée31 s'est
E. MC LAUGLHIN E. et J. MUNCIE, (dir.), The Sage Dictionary of criminology, London, Sage, 2001, 314. Id. E. A. FATTAH, loc. cit., note 24, p.26. J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 36.
25
rapidement modifiée, et ce, en raison de diverses positions plus favorables aux victimes.
Il s'avérait nécessaire de comprendre la victime pour lui venir en aide plutôt que de lui
déposer une part, parfois très grande, de la responsabilité sur les épaules.
Sous l'influence du mouvement féministe et du mouvement en faveur des victimes, la théorie selon laquelle la victime serait responsable de sa victimisation est rejetée ouvertement, les tenants de ces mouvements affirmant qu'il faut cesser de blâmer la victime.32
Pour expliquer la victimisation, certains facteurs se sont dégagés des principaux
modèles théoriques. Ezzat A. Fattah , fait état de dix catégories de facteurs pouvant
expliquer pourquoi la victime a subi un acte criminel. L'opportunité, le facteur de risque
(âge, genre, lieu de résidence, etc.), la motivation du délinquant, l'exposition au danger,
l'association à un criminel ou à un groupe criminel, les lieux et les moments dangereux,
les comportements dangereux, les activités risquées et les tendances structurelles et
culturelles sont des facteurs de victimisation. Les études ont aussi permis de dégager les
besoins de la victime après un événement criminel. L'auteure Jo-Anne Wemmers résume
ainsi les principaux besoins de la victime : « le besoin d'information; les besoins
pratiques; les besoins de réparation et de dédommagement; le besoin d'un soutien
psychosocial; le besoin d'un statut dans le système pénal; le besoin de protection. »34
Chacun de ces besoins est présent chez la victime à différents niveaux.
Cette compréhension nouvelle de la victime, par l'intermédiaire d'une discipline
des sciences sociales, a eu des impacts sur le sort réservé à celle-ci dans le cadre des lois
pénales. La meilleure connaissance de la victime, à laquelle ont aussi contribué les
mouvements en faveur des victimes, a permis l'intégration de mesures répondant à ses
31 E.A. FATTAH, loc. cit., note 24, p. 25: « Theoretical victimology became the object of unwarranted attacks and unfounded ideological criticism. It was portrayed by some (Clark and Lewis, 1977) as the "art of blaming the victim". » 32E.A. FATTAH, loc. cit., note 24, p. 25.
33 Id. p. 30-32. 34 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 40.
26
besoins comme nous le verrons ultérieurement. D'ailleurs, il s'avère pertinent de
s'attarder à certains constats ayant été faits au fil du temps.
Mi- Les constats
Avec le mouvement en faveur des victimes et le développement de la
victimologie, les recherches et études sur cet acteur du système de justice pénale se sont
multipliées. Sans prétendre faire une analyse complète de ces études, nous croyons que
certains constats peuvent se rattacher à la pertinence du rôle de la victime dans le système
pénal. Nous avons choisi deux constats très généraux, soit l'insatisfaction des victimes et
le désir de participation de celles-ci. Très globalement, ils justifient, selon nous, la
présence de mesures tentant de donner certains droits aux victimes pour améliorer leurs
trajectoires dans le processus de justice.
D'abord, les victimes sont insatisfaites du système de justice pénale. Elles se
sentent souvent laissées pour compte et désirent obtenir plus de considération. Ce constat
est chronologiquement l'un des premiers à avoir été fait et il est encore, à un niveau
différent, présent aujourd'hui. «Dès les années 1970, on commence à étudier les
expériences des victimes dans le système pénal. Ces études indiquent que plusieurs
d'entre elles sont mécontentes [...] »35Plus récemment, dans le cadre d'un rapport de
recherche sur le parcours des victimes dans le cadre du système correctionnel canadien,
Arlène Gaudreault, membre de Y Association québécoise plaidoyer-victime, mentionne
d'entrée de jeu que : « Plus souvent qu'autrement, les intervenants du système
correctionnel devront aussi composer avec des victimes qui sont peu satisfaites des
réponses apportées par le système de justice pénale aux étapes précédentes. »36
Les répercussions d'un mauvais soutien de la victime peuvent être assez
dévastatrices pour augmenter l'altération de son état. D'ailleurs, ce phénomène est
nommé, en victimologie, seconde victimisation. «La seconde victimisation fait référence
35 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 79. 36 A.GAUDREAULT, Parcours des victimes dans le système correctionnel canadien (2003) [EN LIGNE] http://www.aqpv.ca/ag2003.pdf, page consultée le 21 mai 2006.
28
à une perception de la victime, selon laquelle elle n'est pas acceptée ni soutenue par les
autres.» Donc, en plus des conséquences générales de la victimisation (physique,
psychologique, monétaire, etc.) le manque d'appui dans le système crée chez la victime
des répercussions négatives. Pour remédier à cette situation, il faut adapter le processus
judiciaire aux besoins généraux que nous avons énoncés précédemment. Diverses
mesures, que nous verrons plus loin, ont été adoptées dans cette perspective.
Le second constat que nous désirons présenter est une forme de réponse à
l'insatisfaction des victimes. Afin de vivre une meilleure expérience dans le cadre du
système de justice, certaines victimes désirent y participer plus activement. « Plusieurs
études indiquent que les victimes voudraient participer au système pénal; or, elles ont
l'impression d'être un objet du procès plutôt qu'un sujet.» Cette possibilité permet aux
victimes de sentir que leurs besoins ont été mieux considérés. Certaines études faites sur i n
un mode participatif de justice, la justice réparatrice , démontrent que les victimes sont
plus satisfaites de leurs parcours lorsqu'elles ont participé au processus. L'auteur Lode
Walgarve mentionne à ce sujet :
Ail comparison of victims' expériences finds that victims who participated in médiation or a conférence had greater satisfaction than victims who were involved in a traditional responses to crime. They say that they are better informed and supported, experienced more respect and equity, and appreciate the emotional opportunities. [...] A small minority of victims feel worse after a restorative
40 process.
Ce constat s'avère fort intéressant puisque certaines mesures de la LSJPA encouragent
cette participation. En plus de considérer leurs besoins et de leur accorder des droits, les
mesures participatives peuvent renforcer le sentiment d'avoir été soutenu.
37 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 80. 38 Id, p. 86. 39 Infra, Chapitre 2, p. 50 : pour explications sur la justice réparatrice. 40 L. WALGRAVE, « Restoration in Youth Justice System» dans TONTRY Michael et Anthony DOOB (dir.), Youth crime and youth justice: Comparative and cross-national perspectives, Chicago, The university of Chicago Press, 2004, p. 563.
29
Ces deux constats justifient, selon nous, la présence de mesures favorables aux
victimes pour les réconcilier avec le système pénal. D'ailleurs, certaines mesures du
système canadien s'inscrivent dans cette optique de satisfaction et de participation de la
victime.
b- Au plan juridique
La victime a acquis une certaine place dans le processus pénal. Une multitude de
programmes et de dispositions législatives existent afin d'améliorer le contact des
victimes avec le système de justice. Nous examinerons trois éléments présents dans le
système canadien. D'abord, afin de démontrer leur volonté réelle d'agir, les différents
paliers de gouvernement ont créé des organes pour les victimes. Ensuite, diverses
mesures juridiques ont été intégrées dans les lois pénales. Enfin, les lois publiques
d'indemnisation des victimes d'actes criminels ont été adoptées dans la perspective de
répondre aux besoins des victimes.
i- Les organes gouvernementaux
Il existe, tant dans les gouvernements provinciaux qu'au gouvernement fédéral,
des organes qui sont responsables des victimes, soit dans l'application des lois, soit dans
la recherche et dans le soutien de ces dernières. Ces organismes permettent de voir
l'intérêt des gouvernements à améliorer le sort des victimes et à répondre à leurs
insatisfactions.
Au fédéral, le Centre de la politique des victimes4 a pour mission de faire de la
recherche, de sensibiliser à la condition des victimes, de travailler sur des réformes
législatives, d'élaborer des projets favorables aux victimes et de financer divers projets. Il
ne s'agit pas d'un organisme qui intervient directement auprès des victimes. De plus, le
41 Voir: http://www.justice.gc.ca/fr/ps/voc/index.html 30
Bureau national pour les victimes d'actes criminels42 permet aux victimes d'un
délinquant sous responsabilité fédérale d'obtenir de l'information et encourage les
diverses instances à prendre le point de vue des victimes en considération.
Au Québec, deux organismes sont responsables des victimes. Les CAVAC43
(Centre d'aide aux victimes d'actes criminels) organismes à but non lucratif sous la
responsabilité de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, offrent des services de
première ligne aux victimes. Ils informent, assistent et accompagnent les victimes tant sur
les plans sociaux que juridiques. « L'intervention des CAVAC s'effectue majoritairement
dans un contexte juridique, sur une base individuelle et volontaire.»44 Aussi, le Bureau
d'aide aux victimes d'actes criminels, organisme rattaché au Ministère de la Justice du
Québec, est responsable des CA VAC et travaille à promouvoir le droit des victimes.
ii- Les possibilités juridiques existantes
En premier lieu, le Code criminel contient des dispositions favorables aux
victimes. Le Projet de loi C-12745, adopté en 1983, modifiait considérablement les
dispositions sur les infractions sexuelles. L'auteure Josée Néron mentionne à ce propos :
Par son intervention, le législateur a pour objectif, entre autres, l'amélioration de la situation comme témoins des femmes victimes d'agression sexuelle : il amende certaines dispositions et abroge certaines règles de preuve qui portent préjudice aux plaignantes lors des procès. Son intervention vise aussi l'augmentation du nombre de plaintes..46
Voir: http://www.publicsafetv.gc.ca/prg/cor/nov/nov-bnv-fr.asp Voir: http://www.cavac.qc.ca/
42
43
44 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 167. A5Loi modifiant le Code criminel en matière d'agression sexuelle et d'autres infractions contre la personne et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, L.C. 1982, c. 127. 46 J. NÉRON, L'agression sexuelle et le droit criminel canadien : L'influence de la codification, mémoire de maîtrise, Québec, Faculté des études supérieures, Université Laval, 1994, p. 129.
31
Six ans plus tard, une autre loi entrait en vigueur. La Loi C-89 incluait aussi plusieurs
dispositions favorables aux victimes. En plus de mentionner pour la première fois le mot
victime dans le Code criminel, cette loi contenait des mesures de protection et de
restitution.
Ces mesures sont encore présentes dans le Code criminel. Par exemple, un
dédommagement peut être ordonné en vertu de l'article 738 C.cr.. Le décideur peut
considérer le dommage subi par la victime dans le cas d'une perte matérielle ou d'un
dommage physique. Une autre mesure intéressante est la suramende compensatoire48.
Cette amende obligatoire pour le délinquant est automatiquement affectée à l'aide aux
victimes.
De plus, au plan plus participatif, au moment de la détermination de la peine, la
victime peut procéder à une déclaration en vertu de l'article 722 C.cr.. La déclaration de
la victime concerne les dommages subis et elle doit être prise en considération par le juge
dans le cadre de la détermination de la peine. Ce type de déclaration est souvent critiqué.
On lui reproche d'avoir peu d'impact sur l'issue du procès: « [t]he available research
suggests that victim impact statements typically do not hâve a noticeable effect on
sentencing. » 49 II semblerait que la victime peut émettre diverses opinions, mais que peu
de considérations sont octroyées à ce processus dans le choix de la peine fait par le
décideur.
En matière de droits des victimes, notons au Québec la présence de la Loi sur
l'aide aux victimes d'actes criminels50. En plus d'édicter plusieurs droits pour les
victimes, tel que le traitement avec courtoisie et respect, cette loi prévoit la possibilité
Loi modifiant le Code criminel, L.C. 1988, c.89. 4iCode criminel, précité, note 1, art. 737. 49 K. ROACH, «The Rôle of Crime Victims under the Youth Criminal Justice Act» (2003) 40 Alta. L. Rev. 965 par. 62. 50 Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, LRQ, c. A-13.2.
32
d'obtenir une indemnisation ou une restitution des biens, d'être informé tout au long de
son parcours dans le système pénal et d'obtenir l'aide et l'assistance nécessaire. Pour ce
qui est du rôle de la victime, dans la mesure du possible, il est souhaitable qu'elle
collabore au procès pénal.
En second lieu, les victimes peuvent obtenir divers types de dédommagement. La
toute première possibilité est le recours civil. Il est possible pour les victimes de
poursuivre le délinquant pour les dommages qu'elles ont subis, et ce, conformément aux
dispositions relatives à la responsabilité civile . Par ailleurs, ce processus est très peu
utilisé. Les poursuites entreprises par les victimes sont pratiquement inexistantes.
Pourtant, ce genre de recours possède plusieurs aspects positifs. Il permet à la victime
d'obtenir une réparation complète du véritable préjudice vécu. Selon Micheline Baril,
pionnière de la victimologie au Québec à l'école de criminologie de l'Université de
Montréal, «les raisons possibles pour lesquelles si peu de victimes ont recours au droit
civil, alors qu'il leur offre tant d'avantages, sont l'ignorance, le désabusement, les
craintes, le peu de connaissances légales.»52 De plus, l'insolvabilité de certains auteurs
d'actes criminels ne permet pas aux victimes d'obtenir le montant d'argent leur ayant été
consenti dans le cadre des procédures civiles.
Depuis les années 1950, il existe une alternative aux poursuites privées, les
législatures provinciales ayant adopté des régimes d'indemnisation publique pour
permettre aux victimes d'obtenir une réparation des dommages subis. Ces mesures
s'inscrivent dans la reconnaissance collective des conséquences du crime et de la prise en
considération des besoins des victimes. Dès 1967, le Manitoba adoptait une toute
première loi d'indemnisation publique pour les victimes d'actes criminels . Le Québec
emboîtait le pas en 1972. La Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels
permet aujourd'hui aux victimes ayant été blessées ou aux familles des victimes tuées
51 Code civil du Québec, LRQ, c. C-1991, art. 1467 et suivants. 52 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 21.
53 A. GAUDREAULT, loc. cit., note 22, p. 3. 54 Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, LRQ, c. 1-6.
33
d'obtenir une indemnisation liée aux dommages corporels. L'IVAC (indemnisation des
victimes d'actes criminels), organisme en charge de l'application de cette loi, traite les
demandes des victimes d'actes criminels et juge de l'octroi du montant. Pour les pertes
matérielles, un montant maximal de 1000$ est possible. Toutefois, ces programmes sont
très critiqués :
Les programmes d'indemnisation publique sont critiqués pour ne pas avoir donné la priorité aux victimesf...]. Selon certains auteurs[...], ces programmes ont surtout une fonction symbolique pour montrer l'intérêt du gouvernement pour les victimes, mais sans rendre disponibles les ressources financières pour répondre aux vrais besoins des victimes55
De plus, ces programmes peuvent créer de grandes attentes pour les victimes aux moyens
financiers critiques. « Plutôt que d'être un levier, l'indemnisation devient un frein à
l'autonomie et au rétablissement des victimes (Bélanger, 1998). »56 Certaines victimes
perçoivent l'indemnisation comme un dû plutôt qu'une réparation du dommage.
D'ailleurs, ce système est actuellement revu par les instances gouvernementales57.
Grâce à ce survol, nous constatons facilement la présence de mesures favorables
pour les victimes. Elles permettent d'établir que le législateur, et plus largement les
instances gouvernementales, reconnaissent depuis plusieurs années la pertinence de
dispositions et de programmes pour des victimes. Malgré les critiques, ces mesures
tentent de répondre aux besoins de ces dernières. Voyons, à partir d'un angle
sociopolitique, comment cela s'opère spécifiquement dans le système de justice pénale
pour les adolescents.
J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 142.
56 A. GAUDREAULT, loc. cit., note 22. 57 Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et d'autres dispositions législatives, LQ, c. 41.
34
2- Dans le système de justice pour adolescents
a- Les constats et revendications spécifiques des victimes dans le cadre du système de justice pénale pour les adolescents
Le système de justice pénale pour les adultes et le système de justice pénale pour
les adolescents possèdent des différences importantes. L'auteur de l'acte délictuel est
mineur et le traitement qui lui est réservé prend en considération son degré de
développement. Généralement, les objectifs envers le délinquant sont moins punitifs que
pour les adultes. Les victimes doivent être conscientes de ces différences fondamentales.
Évidemment, les revendications générales, telles que celles vues précédemment,
demeurent. Les victimes désirent un traitement respectueux et approprié: « For example,
ail crime victims, regardless of whether the crime was committed by an adult or a young
person, arguably should hâve the right to be treated with respect and to be informed about
the proceedings. »58
Certaines nuances doivent cependant s'imposer en raison de la nature du système
de justice pénale pour les adolescents. Par exemple, comme le mentionne l'auteur Kent
Roach, les victimes ne peuvent exiger les mêmes informations que dans le système pour
adultes :
Similarly, because of concerns about rehabilitation, victims may not be entitled to the same amount of information about young offenders as about adult offenders. Concern about preserving a distinct approach to youth justice may limit the degree to which victim concerns, especially punitive victim concerns, are integrated into youth criminal justice.59
K. ROACH, loc. cit., note 4949, par. 9. Id., par. 10.
35
La confidentialité qu'impose le système pour adolescents ne peut répondre à toutes les
exigences des victimes. La stigmatisation du jeune doit être limitée et la victime doit en
être consciente.
Par ailleurs, les victimes peuvent avoir envie d'aider et de soutenir l'adolescent.
Dans leur processus de résilience, elles désirent parfois donner une chance de
réconciliation à l'adolescent. Par exemple, les mesures extrajudiciaires permettront au
jeune d'éviter les rouages d'un procès pénal. L'auteure Jo-Anne Wemmers mentionne
que les victimes peuvent voir cette procédure d'un bon œil :
Dans les programmes [programmes extrajudiciaires] auprès des jeunes délinquants, nous remarquons que les victimes veulent souvent aider le jeune et le fait qu'il puisse éviter d'avoir un dossier judiciaire est un facteur motivant pour la victime (Marshall et Merry, 1990). De plus, les victimes voient la restitution comme une peine légitime (Blanchette 1996; Van Hecke et Wemmers, 1992). En revanche la majorité des programmes s'occupe des jeunes délinquants qui ont commis des crimes moins graves. Il est probable que les victimes de crimes graves auraient des objections à la déjudiciarisation de leur victimisation.»60
Dans les cas de crimes plus graves, les revendications plus générales s'appliquent.
Selon nous, malgré la nature du système de justice pénale pour adolescents et les
nuances qu'il impose, les revendications sont sensiblement les mêmes. S'ajoute à cela un
certain désir de soutenir l'adolescent dans sa trajectoire pénale. D'ailleurs, dans le cadre
de la création de la LSJPA, tous ces éléments ont été présentés par l'intermédiaire de
divers groupes.
b- Les revendications lors de l'adoption de la LSJPA
Tel que nous l'avons mentionné dans le chapitre préliminaire, l'adoption de la
LSJPA s'est faite dans une complexe controverse sociale, politique et juridique.
D'ailleurs la ministre de la justice de l'époque, Ann Me Millan, a déclaré en 1998, pour
J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 180. 36
en justifier l'adoption : « in the eyes of many Canadians [the youth justice System] has
fallen short »61. Dans les travaux préparatoires à la loi, où plus de 160 modifications ont
été proposées , de nombreux groupes ont fait part de revendications et demandes
diverses. Les consultations ont mené à trois rapports prenant en compte leurs diverses
positions . Évidemment, certains groupes représentant les victimes ont évoqué la
nécessité d'améliorer leur rôle. Nous présenterons trois points de vue différents provenant
de divers intervenants, puis nous terminerons avec le contenu des rapports.
La première position est d'encourager la présence de mesures favorisant les
victimes. Le Barreau du Québec s'était prononcé dès 1998 en faveur d'une meilleure
reconnaissance des droits des victimes. Dans le mémoire du Barreau concernant le projet
de loi qui donnera naissance à la LSJPA, les dispositions aidant les victimes sont
conseillées avec certaines réserves :
Bien que l'ouverture du projet de loi à la participation active des victimes soit bénéfique, le Barreau du Québec soumettra au fur et à mesure de ses commentaires particuliers certaines réserves sur l'approche préconisée par le projet de loi. Par ailleurs, nous devons admettre que les victimes ne sont pas que des auxiliaires de la justice; elles sont aussi des personnes qu'une infraction a lésées et qui peuvent désirer, ajuste titre, une forme de réparation ou de restitution64.
L'autre proposition est le maintien de la LJC, tel que le mémoire de la Coalition
pour la justice des mineurs le mentionne: « [La Loi sur les jeunes contrevenants] est déjà
en mesure de garantir la protection de la société, la réprobation sociale du crime, la prise
en compte de la situation des victimes... »65 Par ailleurs, ce constat n'est probablement
61 N. BALA, op. cit., note 7. "MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA, Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents . résumé et historique, justice pour les jeunes, Au service des Canadiens, Ministère de la Justice du canada, pi. 6iInfra, p. 37 64 BARREAU DU QUÉBEC, Mémoire loi c-7, loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, septembre 2001, [EN LIGNE] http://www.barreau.qc.ca/fr/positions/opinions/memoires/2001/c7.pdf page 31. 65 COALITION POUR LA JUTSICE POUR MINEURS, Une justice pénale pour ou contre les adolescents : commentaire sur le projet de Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents mémoire, septembre 1999. [EN LIGNE] www.rojaq.qc.ca page consultée le 4 avril 2007.
37
pas propre à la seule situation des victimes. La LJC était perçue par certains groupes
comme une bonne loi de manière générale.
Les victimes peuvent être prêtes à venir en aide au jeune délinquant. C'est dans
cette optique que le Regroupement des organismes de justice alternative, quant à lui, a
proposé l'ajout de mesures réparatrices, où la victime participe de façon active à la
solution :
Dans ce projet de loi, on souligne bien les mérites de la justice réparatrice, mais du bout des lèvres seulement et en la confinant à la petite délinquance dans un cadre très local. Or, notre expertise nous permet d'affirmer qu'une telle approche s'avère très efficace et qu'elle permet aux victimes, aux jeunes contrevenants et à la communauté de trouver des solutions à la criminalité des mineurs.66
À la suite à ces représentations diverses, trois rapports67 ont été produits et ont
mené au texte législatif en vigueur aujourd'hui. Dans la Stratégie de renouvellement de la
justice pour les jeunes, il est mentionné que : « Le rôle des parents et des victimes dans le
processus de justice pour les jeunes doit être défini plus clairement. »68 Cette affirmation
s'inscrit dans la continuité du Rapport sur le renouvellement de la justice pour les jeunes
de 1997. Au chapitre 6, le Comité permanent de la justice mentionnait ceci:
D'après ce que le comité a entendu, les interventions officielles dans le système de justice pour la jeunesse sont dispendieuses, traitent les victimes comme des preuves, ne permettent pas la pleine participation des victimes ni de la famille du jeune contrevenant et échouent souvent pour ce qui est de rendre le délinquant réellement coupable de sa conduite.70
ROJAC, Mémoire sur la Loi sur le système de justice pénales pour les adolescents, 2000 [EN LIGNE] http://www.roiaq.qc.ca/MemoireC-03.html, page consultée le 1 mai 2007. 67 GROUPE DE TRAVAIL FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL SUR LA JUSTICE APPLICABLE AUX JEUNES, « L'examen de la Loi sur les jeunes contrevenants et du système de justice pour les jeunes du Canada » , Rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice applicable aux jeunes (1996) ; COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE DE LA CHAMBRE DES COMMUNES « Rapport sur le renouvellement de la justice pour jeune » Chambre des communes du Canada, avril 1997 [EN LIGNE] http://www.parl.gc.ca/35/Archives/committees352/iula/reports/l31997-04/jula-13-cov-f.html. ; MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA, Stratégie de renouvellement de la justice pour jeune [EN LIGNE] http://www.iustice.gc.ca/fr/ps/yj/aboutus/voasl.html page consultée le 21 mai 2007. 68 Id, MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA. 69 Id., COMITÉ PERMANENT POUR LA JUSTICE. 70 Id. chapitre 6.
38
Pour pallier à cette problématique, le Comité recommandait l'ajout de mesures de
rechange participatives tant pour la victime que pour le délinquant. À la lumière de ces
rapports et des mémoires présentés dans le cadre de la création de la loi, le désir de
considérer la victime est clairement établi. Nous verrons plus loin comment cela se
traduit concrètement dans la LSJPA.
Dans le cadre de ce chapitre, nous avons fait un grand tour d'horizon de la
situation de la victime en droit pénal canadien. Au fil du temps, l'intérêt pour cet acteur
du processus judiciaire s'est accru et une reconnaissance de ses droits et de ses besoins
s'est développée. Par l'intermédiaire de disciplines comme la victimologie, certains
constats ont été faits et ont permis des changements législatifs comme le
dédommagement ou la déclaration des victimes. L'un des besoins décrits plus haut
auquel nous portons une attention particulière est le désir des victimes de participer au
processus. La LSJPA contient des dispositions en ce sens. Nous nous attarderons à ces
mesures prévoyant un rôle actif pour les victimes dans la seconde partie de notre
mémoire.
Mais avant, la victime n'est pas l'unique acteur du système de justice pénale qui
doit être considéré. L'étude des modèles théoriques prévoyant le fonctionnement et les
conséquences du parcours pénal de l'adolescent nous permettra de découvrir comment
peut s'opérer un équilibre entre les droits de l'un et les droits de l'autre.
39
Chapitre 2
La présence de la victime dans les divers modèles théoriques de justice pour mineurs
Depuis 1908, les adolescents délinquants sont séparés du système de justice
pénale des adultes. Ce postulat de base a été présent dans les trois législations pour
mineurs délinquants. La Loi sur le système de justice pénale pour adolescents rappelle
dès son préambule : « que la société se doit de répondre aux besoins des adolescents, de
les aider dans leur développement et de leur offrir soutien et conseil jusqu'à l'âge
adulte71, »
Afin de particulariser le système pour mineurs, il existe de nombreux modèles
théoriques. Désirant répondre aux caractéristiques et aux besoins de l'adolescent, ces
modèles présentent différentes conceptions du système de justice pénale tant sur son
fonctionnement que sur ses conséquences. En plus de l'adolescent, ils s'intéressent aussi
aux autres acteurs impliqués comme la victime.
La LSJPA intègre les préceptes de plusieurs modèles théoriques de justice pour les
mineurs. Dans le cadre de ce chapitre, nous ferons un examen des grandes
caractéristiques de ceux qui y sont présents. Nous nous pencherons sur leurs
philosophies, leurs fondements et les critiques qu'ils soulèvent. De plus, afin de vérifier
la pertinence d'un rôle actif pour les victimes dans le système de justice pénale pour les
adolescents, nous analyserons comment s'y articule leur présence. Nous utiliserons des
exemples concrets dans la LSJPA et, à titre de comparaison, des exemples provenant des
législations précédentes.
71 Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, précitée, note 4, Préambule. 40
Trois types de modèles théoriques ont retenu notre attention. D'abord, nous
étudierons les modèles classiques. Ceux-ci sont utilisés depuis longtemps dans les
législations pour mineurs délinquants. La rétribution et la protection ont été largement
éprouvées; elles étaient d'ailleurs au cœur de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Ensuite, nous nous intéresserons aux nouveaux modèles de justice, plus particulièrement
à la justice réparatrice. Assez récente, la justice réparatrice jouit actuellement d'une
grande popularité. Dans LSJPA, on en retrouve diverses applications. Enfin, nous
examinerons un modèle, propre au Canada, conçu pour répondre aux besoins des groupes
autochtones . Le rôle de la victime y est particulier et son analyse s'avère pertinente.
1- Les modèles classiques : la protection et la rétribution
a- La rétribution
i- Fondements
L'adolescent est un adulte en devenir. Selon ce modèle théorique, il fait des choix
et il doit en assumer les conséquences. Afin de présenter le modèle de rétribution, nous
présenterons d'abord les principes sur lesquels il repose.
Dans ce modèle de régulation sociale, le jeune doit répondre de ses actes. S'il
transgresse une règle, il doit être puni en conséquence. La rétribution met l'accent sur les
choix de l'adolescent et sur l'imputabilité qui en découle. Il est responsable de ce qui lui
arrive et ses comportements ne peuvent être expliqués par sa situation personnelle
(familles, réseau social, etc.). À ce sujet, Jean Zermatten mentionne ceci :
Il fait un sort à l'idée de l'enfant victime systématique de son milieu et érige le mineur en être responsable, qui ne doit plus forcément être traité, mais qui peut être
Nous incluons dans les groupes autochtones les Premières nations, les Inuits et les Métis. 41
sanctionné, car la délinquance et la déviance ne sont pas un état pathologique, mais résultent d'un choix personnel.73
Pour expliquer simplement ce modèle théorique, nous avons retenu la définition
suivante : «Punishment inflicted upon offenders in conséquence of their wrong doing.
Retributivism is the view that the moral justification for punishment is that the offender
deserves it. »74 La rétribution permet de punir adéquatement l'adolescent tout en ayant
un aspect dissuasif. La peine vécue par le jeune doit le décourager de perpétrer de
nouvelles infractions.
La proportionnalité de la peine est l'un des moyens d'application de la rétribution.
La punition sera proportionnelle à la gravité de l'acte commis. « Retributive justice
requires that severity of punishment be proportionate to his seriousness of the offences
and the blameworthiness of the offender. »75 Afin d'évaluer la gravité de l'acte, deux
éléments sont primordiaux. Au plan plus général, certaines infractions, pour obtenir une
peine plus sévère, doivent être perçues comme étant plus graves que d'autres. L'échelle
de gravité répond à des normes morales qui doivent être endossées par la société. « The
retributive justice model of sentencing also assumes that the public can agrée on the
relative seriousness of différent offences and the relative severity of différent
punishment.» Au plan plus spécifique, pour assurer une proportionnalité adéquate de la
peine, une attention particulière est portée aux caractéristiques de l'événement pénal. Les
éléments classiques de la commission d'une infraction sont pris en considération : « no
other punishment gives so much importance to actus reus (a guilty act) and mens rea (a
guilty state of mind). »77
J. ZERMATTEN, «La prise en charge des mineurs délinquants : quelques éclairages à partir des grands textes internationaux et de quelques exemples européens » (2003-04) 34 RDUS 10. 74 E. MC LAUGLHIN et J. MUNCIE, (dirs.), The Sage Dictionary ofcriminology, London, Sage, 2001, p. 249. 75 M.J. MILLER et R. A. WRIGHT, (dirs)., Encyclopaedia of criminology, vol 3, New York, Routledge, 2005, p. 1430. 76 Id., p. 14 32.
77 D. LEVINSON, (dir.), Encyclopaedia of crime, vol 4, SAGE, 2002, p. 1394. 42
Dans le contexte de la délinquance juvénile, ce système de régulation sociale
propose une vision où la personne est responsable de ses décisions et de ses actes.
Lorsque ces gestes sont réprimés par la société, ils méritent une punition adéquate et
proportionnelle à leur gravité. L'adolescent encourt une sanction qui le punira et qui sera
suffisamment dissuasive pour éviter toute récidive.
ii- Exemples législatifs de ce modèle théorique dans les législations canadiennes pour mineurs délinquants
La rétribution est l'une des assises pénales du Code criminel . « Even countries
such as Canada that employ mixed sentencing model subscribe to the principle of
proportionality that is at the heart of the retributive perspective. »79 Cette méthode est
largement utilisée dans le système pénal pour les adultes. Les fondements de ce modèle
de régulation sociale où la responsabilité du délinquant est centrale s'avèrent aussi
présents dans la législation canadienne pour mineurs délinquants.
Dans la Loi sur les jeunes contrevenants, sans être le seul objectif, la
responsabilité de l'adolescent était considérée :
3 (1) a.l) les adolescents ne sauraient, dans tous les cas, être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes; toutefois, les jeunes doivent assumer la responsabilité de leurs délits 80
Dans la LSPJA, le législateur a fait plus de place à l'imputabilité de l'adolescent.
Elle est centrale dans divers objectifs de la loi. Dans la déclaration de principe de l'article
3 de la loi, il est mentionné que:
3(1 )b) le système de justice pénale pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes et mettre l'accent sur
Code criminel, précité, note 1. D. LEVINSON, (dir.), op. cit., note 77. Loi sur les jeunes contrevenants, précitée note 5, art. 3(1) a.l).
43
ii) une responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec leur état de dépendance et leur degré de maturité
De plus, dans le cadre de la détermination de la peine, l'article 38(2)c) prévoit que
la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'acte délictuel et au degré de
responsabilité de l'adolescent dans celui-ci. La responsabilité de l'adolescent prend place
dans tous les aspects de la loi. Dans le cadre d'une critique, Jean Trépannier affirmait :
La préoccupation de tenir l'adolescent responsable de ses actes y est affirmée de manière péremptoire. Elle fait même partie de ce que la loi présente comme l'objectif central de la détermination de la peine : la sanction doit viser à ce que l'adolescent réponde de l'infraction qu'il a commise81
Un exemple d'utilisation de la rétribution, que nous jugeons très pertinent, est
l'assujettissement des jeunes délinquants aux peines pour adultes, prévu à partir de
l'article 61. Ce mécanisme met l'accent sur la responsabilité de l'adolescent et sur les
conséquences que son geste entraîne. Son geste est assez moralement grave pour
entraîner une peine qu'aurait eue un adulte pour le même acte délictuel.
iii- Critiques de ce modèle
Évidement, ce modèle ne fait pas fi des critiques. L'accent mise sur le
comportement du jeune est à la base du principal reproche fait contre la rétribution. La
situation personnelle de l'adolescent, dans le cadre duquel s'inscrit son comportement
déviant, n'est pas prise en considération. De plus, le jeune est un adulte en devenir; il
acquiert avec les années une maturité plus complète.
Selon cette critique, il est néfaste de faire abstraction de la situation personnelle de
l'adolescent puisqu'il n'est pas encore entièrement responsable de ses actes. Les
conditions personnelles de l'adolescent permettent de comprendre pourquoi il a
transgressé une règle. Un traitement suivant ses besoins peut alors être prévu lui
81 J. TREPANIER, « L'avenir des pratiques dans un nouveau cadre légal visant les jeunes contrevenants », (2003-04)R.D.U.S47 par. 13.
44
permettant de se réinsérer adéquatement dans la collectivité. De plus, l'accent mise sur la
punition ne permet pas d'éduquer le jeune à la vie en société. À ce sujet, Jean Zermatten
précise ceci :
S'agissant de la prévention générale et de la rétribution, elles renforcent l'arsenal répressif, faisant fi de tous les efforts de diversion effectués dans le monde entier et laissant au rencart les mesures éducatives et thérapeutiques, qui ont fait pourtant leurs preuves.82
iv- Rôle de la victime dans ce modèle
Dans le cadre de la rétribution, la victime n'a pas de véritable rôle. Selon les
préceptes de ce modèle de régulation sociale, la satisfaction générale est assurée par la
proportionnalité de la peine. La punition obtenue par l'auteur de l'infraction doit
contenter les personnes impliquées. Dans l'application d'un modèle de rétribution
étatique, comme au Canada, la place de la victime n'est pas centrale. « [...] the victim is
not a formai party to the criminal proceeding. [...] Because the criminal act is considered
to be a wrong done to the community, the Crown prosecutes the case on behalf of the
State»83.
Toutefois, même si son rôle n'est pas précisément défini, la victime peut avoir une
place dans le cadre d'un processus pénal basé sur la rétribution. Lorsque la victime agit
comme témoin, elle peut avoir une certaine influence sur la détermination de la peine. La
proportionnalité de la peine est tributaire des modalités de perpétration de l'infraction.
L'évaluation de Yactus reus et de la mens rea de l'infraction peut reposer sur les dires de
la victime. Le tribunal prendra en considération son témoignage pour déterminer la peine
appropriée. La victime peut alors être satisfaite du processus.
82 J. ZERMATTEN, loc. cit., note 73, p. 14. 83 S. BACCHUS, «The rôle of the Victims in the Sentencing Process» dans J. V. ROBERT et D. P. COLE (dirs), Making Sensé of Sentencing, Toronto, University of Toronto press, 1999, p. 218.
45
Si nous appliquons ce cadre à notre analyse des systèmes pour mineurs, dans une
législation complètement basée sur la rétribution, au sens classique du terme, la place de
la victime serait plutôt périphérique. Certes, elle a une place dans le cadre du procès
pénal et un rôle à jouer dans le cadre de la détermination de la peine lorsqu'elle est un
témoin clé de l'affaire, mais son rôle s'avère plutôt passif lorsqu'elle n'est pas impliquée
dans les procédures. Évidemment, le modèle pénal canadien pour les adolescents n'est
pas exclusivement répressif. Au contraire, il fut longtemps basé presque exclusivement
sur un modèle de prise en considération des éléments externes de la situation du mineur
délinquant, soit le modèle dit de protection.
b- La protection
i- Fondements
L'adolescent est en relation avec son environnement. Selon ce second modèle,
contrairement au précédent, il n'est pas encore complètement responsable, il subit les
conséquences d'une situation qu'il ne contrôle pas, d'un milieu qui est favorable ou
défavorable à son développement. Nous présenterons d'abord les fondements de la
protection; ensuite, nous nous attarderons à son application.
Le modèle de protection est centré sur l'auteur de l'acte délictuel; l'infraction y
est secondaire. Puisque l'accent est mis sur l'adolescent contrevenant, son milieu et sa
condition personnelle ont nécessairement une plus grande place. Cette situation explique
les raisons ayant mené le jeune vers la délinquance. Comme le mentionne un auteur : « Il
part de la considération que le comportement délinquant est lié de manière évidente à une
situation sociale, économique ou familiale défavorable.»84 Conséquemment, la réponse à
la délinquance prendra en considération les caractéristiques extérieures du jeune.
J. ZERMATTEN, loc. cit., note73, p. 9. 46
Le modèle de protection désire venir en aide à l'adolescent en lui offrant, par
l'intermédiaire de divers types de mesures, des perspectives de traitement, d'éducation et
de réadaptation. L'objectif de ces mesures est de permettre au jeune un retour vers la vie
en société. « When a judge imposes a sentence for the purpose of rehabilitation, the aim
is to restore the offender to the community by changing him or her from an "offender"
into a law-abiding citizen. »85 Les soins procurés à l'adolescent l'aideront donc à revenir
dans le droit chemin et ainsi à éviter de nouveaux comportements criminels.
Les programmes de traitement sont diversifiés. Comme caractéristiques
principales et communes, ils doivent répondre aux besoins spécifiques de l'adolescent en
considérant ses caractéristiques personnelles. Dans une récente méta-analyse sur les
traitements orientés vers la diminution de la récidive, faite sous l'égide de la Direction de
la recherche du Ministère fédéral de la Justice86, les chercheurs donnaient diverses
suggestions pour parfaire les méthodes de traitement. Le lieu, l'encadrement, les
aptitudes recherchées, l'implication de la famille sont divers exemples des éléments
pouvant favoriser, dans le cadre d'une utilisation adéquate, la réussite d'un programme .
ii- Exemples législatifs de ce modèle dans les législations canadiennes pour les mineurs délinquants
Dès 1908, la Loi sur les jeunes délinquants 88 proposait un système de justice
pénale pour adolescents fondé sur le modèle de protection. Comme le mentionne Jean
Trépannier :
Alors que le droit criminel d'inspiration classique considérait les infracteurs responsables de leurs actes et les punissait pour les avoir commis, les promoteurs de la loi de 1908 voyaient dans les mineurs délinquants des victimes d'un milieu et de
85 J.V. ROBERT and D. P. COLE «Introduction» dans Making Sensé ofSentencing, (dirs.) J. V. ROBERT et D. P. COLE, Toronto, University of Toronto press, 1999, p . 9. 8 J. LATIMER, Le traitement des adolescents qui ont des démêlés avec la justice : nouvelle méta-analyse, avril 2003, Ministère de la justice du Canada, Recherche sur la justice pour les jeunes, [EN LIGNE] http://www.justice.gc.ca/fr/ps/rs/rep/2003/rr03vi-3/vi-3.pdf. 87W., p. 19 : Voir les recommandations empiriques pour favoriser la réussite d'un programme de traitement 88 Loi sur les jeunes délinquants, précitée, note 6.
47
circonstances qui les avait menés vers une délinquance dont ils ne devaient pas être tenus responsables. Dès lors, les interventions devaient viser non pas à les punir, mais à les protéger contre les circonstances adverses qui étaient à l'origine de leur comportement. L'infraction et la punition s'effaçaient derrière la personne du délinquant qu'il convenait de protéger.89
Le modèle de protection était aussi présent dans la Loi sur les jeunes
contrevenants. Cette loi tentait l'amalgame entre la prise en considération de la
responsabilité du jeune et un modèle de protection où les caractéristiques personnelles du
jeune avaient leur place dans le processus. Tel que précisé par Jean Trépannier :
Le mineur n'était plus vu comme le seul produit de circonstances sur lesquelles il n'avait aucun contrôle; sans nier l'existence de telles influences, on le présentait comme un acteur qui engageait sa responsabilité, sans toutefois que celle-ci n'équivaille à celle d'un adulte.90
La situation personnelle de l'adolescent devait être envisagée dans le choix de la peine
appropriée. Par exemple, il était mentionné dans la déclaration de principe que :
3(l)c.l) la protection de la société, qui est l'un des buts premiers du droit pénal applicable aux jeunes, est mieux servie par la réinsertion sociale du jeune contrevenant, chaque fois que cela est possible, et le meilleur moyen d'y parvenir est de tenir compte des besoins et des circonstances pouvant expliquer son
91 comportement;
La toute dernière législation concernant les jeunes délinquants ne renie pas le
modèle de protection. « Belief that adolescents are more likely to be rehabilitated than
adults remains a fondamental principle of Canada's youth justice system under the YCJA
[LSPJA]. »92 En ce sens, l'article 38(2)e)(ii), prévoyant les principes de détermination de
la peine, stipule que celle-ci doit offrir les meilleures chances de réadaptation et de
réinsertion sociale au jeune délinquant.
89 J. TRÉPANNIER, loc. cit., note 81, par. 5. 90 Id., par. 6. 91 Loi sur les jeunes contrevenants, précitée, note 5, art. 3(l)c.l). 92 N. BALA, op. cit., note 7 , p. 101.
48
Toutefois, la place accordée à ce modèle est moins grande que dans la UC. La
responsabilité de l'adolescent semble l'emporter telle que nous l'avons observé
précédemment. D'ailleurs, à l'époque de l'adoption de la loi, diverses critiques ont été
formulées à ce sujet, particulièrement de la part d'acteurs québécois. Comme l'a fait
savoir, à l'époque des travaux de préparation de la loi, le Barreau du Québec dans son
mémoire : « la protection de la société passe par la réinsertion sociale de l'adolescent et
sa réhabilitation.»93
iii- Critiques de ce modèle
Ce modèle basé sur l'adolescent est, lui aussi, affublé de diverses critiques. Les
efforts déployés pour protéger le jeune de ce qui l'a mené vers la délinquance connaissent
quelques difficultés.
L'une des critiques principales concerne la difficulté de trouver le moyen adéquat
afin de réadapter ou de réinsérer correctement les adolescents. Il existe différentes
possibilités de programmes dénotant plus ou moins d'efficacité dans leurs résultats sur les
jeunes délinquants. Comme le précise Jean Zermatten :
La notion de soins et de traitement laisse planer beaucoup d'incertitudes sur le genre et la durée des mesures dites de protection; c'est là un écueil d'importance dans la perspective des objectifs mêmes de ces mesures prises pour des enfants qui ont justement besoin de certitude.94
Concernant la durée du processus, il existe entre le modèle de rétribution et le modèle de
protection une différence importante. Le modèle de rétribution s'appuie sur la
proportionnalité entre l'acte délictuel et la conséquence et, de ce fait, il existe une
certaine stabilité et cohérence entre les peines octroyées. À l'inverse, le modèle de
protection s'attarde aux besoins spécifiques de l'adolescent. Certains adolescents vivent
des situations familiales et sociales plus complexes que d'autres. Conséquemment, le
BARREAU DU QUÉBEC, op. cit., note 64, p. 62. J. ZERMATTEN, loc. cit., note 73, p. 13.
49
traitement sera plus long. Il est donc possible qu'un jeune ait une peine beaucoup plus
longue qu'un autre pour un même acte.
D'autres, quant à eux, critiquent le manque de sévérité de ce modèle, car malgré la
présence d'éléments externes pouvant expliquer les gestes délictuels, l'adolescent a tout
de même un certain niveau de responsabilité qui doit être considéré. Tel que le mentionne
un auteur : « Conservatives also maintained that the rehabilitative model made excuses
for criminals and provided insufficient attention to the offender's responsibility or
crime.»95
iv- Rôle de la victime dans ce modèle
Malgré les énormes différences entre le modèle de rétribution et le modèle de
protection, nos constats sur le rôle de la victime sont semblables. Le modèle de protection
se base sur la situation du délinquant et les circonstances l'ayant mené à perpétrer une
infraction. Conséquemment, le rôle de la victime n'est pas au cœur des préoccupations. Il
ne serait pas pertinent d'intégrer les victimes dans le cadre d'un système de protection à
l'état brut puisque l'orientation principale est le traitement de l'auteur de l'infraction. Par
contre, il n'est pas impossible que les victimes participent à certains niveaux dans le
traitement, et ce, dépendamment du programme choisi dans la large gamme possible. Par
exemple, dans le cadre d'une mesure de réinsertion et de réadaptation, une jeune pourrait
devoir participer à un programme de sensibilisation aux victimes.96
La présence du modèle de protection a diminué au fil des nouvelles législations. Il
côtoie la rétribution (depuis l'avènement de la LJC) et, désormais, de nouveaux modèles
proposant de toutes nouvelles perspectives dans la réponse à la criminalité juvénile.
95 D. LEVINSON, op. cit., note 77, p. 1362, 96 À titre d'exemple, LSJPA-068, C. Q., Montréal, n° 525-03-032232-050 - 525-03-033599-051 525-03-033600-057, 19 janvier 2006, j . Carole Brousseau.
50
2- Les nouveaux modèles : justice réparatrice
Ayant été principalement développée dans les pays anglo-saxons, la justice
réparatrice est mieux connue sous le terme restorative justice. En français, certains
auteurs préfèrent aussi utiliser les termes justice restorative91 et droit réparateur**. Nous
avons choisi d'utiliser l'expression plus fréquemment rencontrée, soit justice réparatrice.
Notons que, dans le cadre des diverses possibilités de mesures alternatives de résolution
des conflits pénaux, la justice réparatrice côtoie d'autres modèles ayant des fondements
relativement similaires qui ont d'autres appellations telles que la médiation pénale qui est
présente dans le système pénal français.
i- Fondements
La justice réparatrice existe depuis très longtemps. Effectivement, cette façon
d'assurer la régularité sociale existait, sous d'autres formes, à des époques relativement
lointaines. Par exemple :
«L'objectif de la justice médiévale n'est pas de punir des coupables, mais de rétablir la paix entre les familles pour éviter le déchaînement de la vengeance privée, moyennant réparation du préjudice causé à la victime ou à sa famille. La victime se trouve ainsi au centre des préoccupations de la justice.»100
Comme l'expose l'historienne du droit pénal Maire-Sylvie Dupont-Bouchat, après la
période médiévale, des formes de justice réparatrice plus ou moins évoluées ont coexisté
97 WALGRAVE, L., «La justice restaurative : à la recherche d'une théorie et d'un programme» (1999) 32 Criminologie 8. 98 L. BERNARD, Médiation et négociation en relation d'aide et en contexte d'autorité, Québec, Les presses de l'Université Laval, 2002, p. 106. 9 Voir à ce sujet le débat sur les différences entre la justice réparatrice et la médiation pénale dans :
JACCOUD Mylène, (dir.), Justice réparatrice et médiation pénale : Convergences ou divergences, Paris, L'Harmattan, 2003. 100 M.-S. DUPONT-BOUCHAT, «Le crime pardonné. La justice réparatrice sous l'Ancien Régime (XVIe -XVIIe siècles)» (1999) 32 Criminologie32,p. 33.
51
avec le système pénal étatique. Ce dernier a, cependant, largement dominé. Par
ailleurs, tout récemment, un regain majeur d'intérêt pour ce modèle de justice pénale est
apparu. L'engouement nouveau pour la justice réparatrice répond à la conjoncture d'une
multitude d'événements débutant à la fin des années 60 comme :
« [...] des courants critiques des années 1960-1970 qui ont traversé les sciences sociales [...] Les croisades morales entreprises par les mouvements de défense et de promotion des droits des victimes [...] La réhabilitation des droits des peuples autochtones et de leurs pratiques ancestrales en matière de résolution de conflits [...] la crise de l'État-providence»102
Les caractéristiques de la justice réparatrice telle qu'elle est présentée aujourd'hui
correspondent donc à un développement de plus de 30 ans dont les débuts concordent
avec une réflexion sur les fonctions de l'État en matière pénale.
La justice réparatrice se différencie des deux modèles de régulations sociales
présentés précédemment par son analyse de l'acte délictuel. Il n'est ni central, ni
accessoire. À ce sujet, Mylène Jaccoud et Lode Walgrave précisent ceci :
Ce modèle part de l'idée que le système de protection n'est pas assez axé sur l'infraction et qu'il n'accorde pas assez de place à la notion de responsabilisation du mineur. Il s'appuie aussi sur l'idée que le système dit de justice se réclame trop de l'acte commis et de la sanction et qu'il va finalement à fin contraire car la peine ne «soigne» pas, mais plutôt détourne le mineur de la société, voire le révolte contre elle. Il s'agit donc de retrouver un mode d'intervention qui se recentre, au moins en partie, sur l'acte, en même temps qui cherche à responsabiliser l'auteur de cet acte, et si possible qui puisse le réconcilier avec la société.103
La justice réparatrice est généralement présentée comme un renouveau
dans les modes de résolution des conflits pénaux et, surtout, comme une méthode
alternative de résolution de ceux-ci. L'auteur Lode Walgrave s'est attardé longuement à
trouver l'exacte définition de la justice réparatrice. « Restorative justice is every action
that is primarily oriented towards doing justice by restoring the harm that has been caused
M. JACCOUD et L. WALGRAVE «Introduction » (1999) 32 Criminologie 5. J. ZERMATTEN, loc. cit., note 73, p. 11.
by a crime »104 Évidemment, il existe d'autres manières de définir cette théorie. Deux
éléments primordiaux sont, selon nous, à retenir: l'implication des divers acteurs et la
réparation.
D'abord, la justice réparatrice tente de réconcilier tous les acteurs impliqués dans
le système pénal. Celui-ci est, selon les postulats de ce modèle, empreint d'une logique
punitive et il résout les conflits en déterminant «un perdant et un gagnant»105. Une
confrontation est encouragée. La justice réparatrice envisage plutôt l'acte délictuel
comme le point de départ d'une relation entre divers acteurs. Les conséquences de la
commission d'une infraction se font ressentir sur son auteur, sur les victimes et sur la
communauté où celle-ci s'est produite. Tous doivent être satisfaits de l'issue du litige.
C'est pour cette raison que ce modèle de justice encourage la participation des acteurs
afin qu'ils prennent part aux processus et, surtout, aux décisions.
Le processus est centré sur une réparation et une résolution du conflit. Le premier
niveau que doit atteindre la réparation est celui du tissu social par la recherche des
éléments suivants: «une restauration des liens sociaux entre victime et contrevenant, entre
victime et communauté, entre contrevenant et communauté».106 Le second niveau que
doit atteindre la réparation concerne la conséquence de l'acte délictuel. Pour y arriver, le
préjudice causé par le crime est au cœur des préoccupations. Comme le mentionne un
auteur :
[...] on doit considérer le problème posé par un délit sous l'angle du préjudice qu'il a causé et non pas sous l'angle de la transgression d'une norme juridique (selon la
,U4 L. WALGRAVE, op. cit., note 97, p. 9. 105 BONAFÉ-SCHMITT, J.-P., « Justice réparatrice et médiation pénale : vers de nouveaux modèles de régulation sociale? » dans JACCOUD M., (dir.), Justice réparatrice et médiation pénale : Convergences ou divergences, Paris, L'Harmattan, 2003, p.55.
106 ARCHIBALD, B. P., « La justice restaurative: conditions et fondements d'une transformation démocratique en droit pénal» dans JACCOUD M., (dir.), Justice réparatrice et médiation pénale : Convergences ou divergences, Paris, L'Harmattan, 2003 p. 120
53
justice punitive) ni sous celui des besoins du délinquant (selon la justice 107 réhabilitative).
Ainsi, une réparation satisfaisante pourra être exécutée pour chacun des acteurs
impliqués. La réparation peut prendre plusieurs formes directes ou indirectes : une
compensation, une restauration, une réparation, une réconciliation, des excuses, etc.
Plusieurs applications sont possibles : «La médiation (et notamment les programmes de
réconciliation entre contrevenants et victimes), les conférences familiales, les cercles de
guérison forment les processus les plus souvent associés à cette forme de justice.»109
La justice réparatrice peut s'appliquer dans plusieurs situations. Comme le mentionne un
auteur :
Elle peut servir, en premier lieu, à prévenir le crime dans plusieurs contextes, par exemple, lorsqu'on recourt à la médiation pour résoudre les conflits avant qu'ils ne dégénèrent en comportement criminel. La justice réparatrice a été utilisée au Canada à toutes les étapes du processus de justice pénale, de la déjùdiciarisation policière à l'étape postsentencielle110.
Malgré sa polyvalence, nous remarquons que la justice réparatrice est utilisée lorsque la
culpabilité est établie (reconnue par l'auteur de l'infraction ou autrement établie). Au
Canada, chez l'adolescent comme chez l'adulte, cette exigence est obligatoire111.
Les tenants de ce modèle sont très nombreux. Les expériences liées à celui-ci sont
de plus en plus fréquentes :
Plus de 150 programmes de réconciliation entre victimes et contrevenants sont actuellement en vigueur au Canada et aux États-Unis. Les pays européens ont emboîté le pas des premières expériences nord-américaines qui se sont développées
07 L. WALGRAVE, loc. cit., note 97, p. 10. M, p. 11. 108
109 M. JACCOUD et L. WALGRAVE, loc. cit., note 102, p. 4. 110 Robert B. CORMIER, La justice réparatrice : orientations et principes - évolution au canada, 2002-02, rapport pour spécialistes, Ministère du Sollicitateur général du Canada, p. 2. 111 Code criminel, précité, note 1 Erreur ! Signet non défini., art. 717.1 e); Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 10(3).
54
au début des années 1970 et offrent maintenant de nombreux programmes de médiation. 112
Selon nous, l'une des expériences les plus complètes se déroule en Nouvelle-Zélande. En
1989, le pays a instauré un important système de conférences familiales dans le cadre du
système de justice pénale pour adolescents où de très nombreux acteurs sont impliqués
(délinquant, victime, leurs familles élargies, la communauté). Ces conférences, lorsque
l'adolescent reconnaît la commission de l'infraction ou lorsqu'il en a été reconnu
coupable, portent:
[...] essentiellement sur l'acte lui-même et sur les circonstances qui l'ont entouré. Les participants à la conférence élaborent un plan pour le jeune et font des recommandations en vue de le tenir responsable de son délit.113
Dans cette perspective, voyons brièvement comment ce modèle s'applique dans les
législations canadiennes.
ii- Exemples législatifs de ce modèle dans les législations canadiennes pour mineurs délinquants
Nous ne procéderons pas à un examen exhaustif de toutes les dispositions pouvant
être associées à la justice réparatrice. Cependant, nous croyons essentiel de mentionner
dès maintenant la présence de certaines dispositions liées au rôle de la victime.
Sur le plan plus général, les dispositions prévoyant les principes de la loi incluent
des aspects provenant de la justice réparatrice:
Section 3(l)c)(ii) reflects a "restorative justice philosophy"; whenever possible, a sanction imposed on an offender should attempt to restore harmonious relationships between the offender and those who hâve been harmed by the offence, namely the victim and the community.114
112 M. JACCOUD et L. WALGRAVE, loc. cit., note 102, p. 4. 113 A. MORRIS et G. MAXWELLE « Perspectives néo-zélandaises sur la justice des mineurs au Canada » (1999) 32 Criminologie 45. 114 N. BALA, op. cit., note 7 p. 99.
55
Dans l'ensemble de la loi, diverses mesures peuvent aussi être associées aux
préceptes de la justice réparatrice. D'une part, les objectifs des mesures extrajudiciaires
établissent des principes liés à ce mode de régulation sociale tels que la responsabilisation
du jeune, la participation collective et la réparation pour la victime.
5. Le recours à des mesures extrajudiciaires vise les objectifs suivants :
a) sanctionner rapidement et efficacement le comportement délictueux de l'adolescent sans avoir recours aux tribunaux;
b) l'inciter à reconnaître et à réparer les dommages causés à la victime et à la collectivité;
c) favoriser la participation des familles, y compris les familles étendues dans les cas indiqués, et de la collectivité en général à leur détermination et mise en œuvre;
d) donner la possibilité à la victime de participer au traitement du cas de l'adolescent et d'obtenir réparation;
e) respecter les droits et libertés de l'adolescent et tenir compte de la gravité de l'infraction.
D'ailleurs, il est possible d'intégrer de manière active les victimes dans le cadre d'un
groupe consultatif dont certaines caractéristiques ont des similitudes avec les conférences
familiales néo-zélandaises. D'autre part, pour la détermination de la peine, lorsque des
mesures judiciaires sont entreprises, il est possible d'imposer, en vertu de l'article 42(2)h)
des mesures, en nature ou en service, pour réparer le tort causé par la perpétration de
l'infraction.
iii- Critiques de ce modèle
Malgré la nouveauté et la popularité de la justice réparatrice, ce modèle de justice
connaît certaines critiques. Notre intérêt portera sur les reproches majeurs faits à ce
modèle. De nombreuses critiques existent quant à des aspects pointus de l'application de
la justice réparatrice auxquelles nous ne nous intéresserons pas.
56
En premier lieu, la justice réparatrice entraîne une participation active de la
victime. Cette dernière n'est pas toujours prête à participer à ce processus, préférant
parfois laisser la justice suivre son cours. « La justice réparatrice contient en elle-même
des limites objectives : la confrontation entre l'auteur et la victime est soumise à l'accord
nécessaire de cette dernière de rencontrer le mineur. » En ce sens, dans le cadre d'une
étude concernant la participation des victimes dans un processus de médiation auprès
d'un organisme montréalais, les données révèlent que toutes les victimes ne sont pas
intéressées, pour diverses raisons telles que le manque d'intérêt ou de temps : «Of the 59
victims in the sample, 13 had refused to participate in médiation.»116 Selon cette étude, la
crainte de rencontrer le délinquant n'apparaît pas comme étant une raison majeure de
refus.117 Par exemple, certaines victimes connaissaient le délinquant et ne voulaient pas
être en contact avec lui; d'autres ne voulaient pas participer par manque de temps,
manque d'intérêt ou en raison de maladie; quelques-unes se sont fait conseiller de ne pas
participer (par les parents ou par un thérapeute).
En second lieu, la relative nouveauté de ce modèle de régulation sociale explique
une autre des critiques soulevées. Les études prouvant les bienfaits de la justice
réparatrice sont parfois encore à l'état embryonnaire. Comme le précise Jean Zermatten :
« Les expériences à ce sujet sont récentes (une dizaine d'années) mais semblent
prometteuses. »118 Par ailleurs, cette lacune est en voie de changer considérablement.
Dans certains pays comme la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, après la mise en œuvre
de programmes de justice réparatrice, de très nombreuses études ont été faites afin de
déterminer l'efficacité de ce processus de justice119. En Nouvelle-Zélande, où le système
est établi depuis de nombreuses années, une étude faite auprès de 157 jeunes délinquants
115 J. ZERMATTEN, lot. cit., note 73, p. 14. 116 WEMMERS, J-A. et K. CYR «Can Médiation Be Therapeutic for Crime Victims? An Evaluation of Victims' Expériences in Médiation with Young Offenders1 » (2005) Revue canadienne de criminologie et de justice pénale 527'. 1,7 Id. 118 J. ZERMATTEN, loc. cit, note 73, page 13. " 9 À titre d'exemple, voici deux articles qui discutent des résultats obtenus dans le cadre de l'application de programme de justice réparatrice aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. G. BAZEMORE, L. LEIP et J. NUNMAKER, «La participation des victimes dans le processus décisionnel de la justice des mineurs» (1999) 32 Criminologie 134 ; A. MORRIS, G. MAXWELL, loc. cit., note 113.
57
100
et 176 parents démontrent un taux de satisfaction élevé à 84% . En ce qui concerne la
victime, les auteurs Mark S. Umbreit, Robert B Coates et Betty Vos ont fait le bilan de 27
études empiriques provenant des États-Unis, du Canada de l'Angleterre et de l'Ecosse sur
l'impact des programmes de médiation délinquant/victime incluant 14 études sur des
programmes s'adressant aux délinquants mineurs. Le résultat sur la satisfaction des
victimes est éloquent. Us concluent ainsi :
In the context of criminal justice programming, victim's response to their expérience with victim offender médiation is quite remarkable. Across multiple sites and cultures, among many différent kinds of victims, on the whole, victims who choose to participate in VOM walk away quite satisfied with the process and the resuit of their encounter with the criminal justice System. Certainly, there are those who were not pleased with their expériences, but research demonstrates that thèse represent a distinct minority121.
En troisième lieu, Lode Walgrave, l'un des grands promoteurs de la justice
réparatrice, indique l'une des difficultés intrinsèques à l'application de ce modèle
théorique : «Restorative practices are often isolated from their theoretical foundations and
simply inserted into a rehabilitative juvénile system.»122 Il est fort simple de trouver des
exemples où ce type de justice est simplement intégré aux législations. La LSPJA
contient des mesures de justice réparatrice à travers les mesures de rétribution et de
protection. Certains préféreraient une abolition des systèmes actuels pour implanter la
justice réparatrice sans interférence avec les autres modèles. Pour notre part, nous
adhérons plutôt à l'idée de l'auteur Jean Zermatten. Ce dernier propose que la justice
réparatrice ne soit pas un modèle en soi. Il s'agit plutôt d'une méthode d'application de la
justice pour mineur :
L'intéressant est alors de souligner que la justice réparatrice alliée au modèle de protection aide celui-ci à faire un pas vers le modèle de justice [rétribution], en faisant appel aux notions de responsabilisation et de proportionnalité, alors que le modèle de justice, en quittant la logique purement répressive pour s'ouvrir aux
120 K. DALY, « Conferencing in Australia and New-Zealand: variations, research findings and prospects» dans A. MORRIS et G. MAXWELLE (dirs.), Restorative justice for juvéniles: conferencing, médiation and circles, Portland, Hart publishing, 2002, p. 71. 121 M. S. UMBREIT, R. B COATES et B. VOS « Victim impact meeting with young offenders two décades of victim offender médiation practice and research." dans A. MORRIS et G. MAXWELLE (dirs.), Restorative justice for juvéniles: conferencing, médiation and circles, Portland, Hart publishing, 2002. P. 138. 122L. WALGRAVE, loc. cit. note 40, p. 573.
58
concepts de réparation de d'intérêt communautaire, se rapproche un peu du modèle de protection123.
La justice réparatrice devient alors un processus qui équilibre les droits et intérêts de
chacun et qui cohabite naturellement avec les deux autres modèles théoriques présentés
précédemment.
fv- Rôle de la victime dans ce modèle
Contrairement aux deux modèles précédents, le rôle de la victime est central dans
l'idéologie de la justice réparatrice. La justice réparatrice considère que l'acte délictuel a
des conséquences à plusieurs niveaux. La victime, ayant subi un préjudice, a le droit
d'être impliquée dans le processus. «Quand les préjudices de la victime sont connus, on
peut travailler à leur restauration. Au lieu de déployer des efforts pour tenter d'arrêter et
de punir le délinquant, l'État devrait d'abord se concentrer sur la souffrance et les
dommages subis par la victime.»124 Peut-être faut-il d'abord éclaircir la notion de
victime. Qui est vraiment la victime de l'acte délictuel? Selon les divers auteurs, le
concept de victime est plus ou moins élargi. L'on reconnaît facilement les victimes
directes (personne, corporation ou autre) et les victimes indirectes. Cependant, les
difficultés résident dans l'élargissement du concept. Comme le mentionne Jean
Zermatten :
Les «restaurativistes» sont en désaccord quant à savoir si l'on doit considérer la société comme une victime elle aussi. Certains craignent que ceci nous ramène à la situation actuelle, dans laquelle l'État s'est imposé comme la victime principale, tout en plaçant la victime concrète dans une position subordonnée.125
Nous croyons que, dans le système de justice actuel, la notion de victime doit être étroite
pour assurer le bon fonctionnement de la justice réparatrice. Particulièrement en
délinquance juvénile, il faut éviter la stigmatisation du jeune par la société. Le processus
doit s'opérer entre les personnes impliquées.
ni J. ZERMATTEN, loc. cit., note 73, p. 16. 124L. WALGRAVE, loc. cit., note 97 , p. 10-11. 125 L. WALGRAVE, « La justice restaurative et la perspective des victimes concrète» dans JACCOUD Mylène, (dir.), Justice réparatrice et médiation pénale : Convergences ou divergences, Paris, L'Harmattan, 2003,p.l65.
59
Une fois la victime identifiée, celle-ci peut participer au processus et ultimement
obtenir réparation. Les procédés législatifs utilisés sont très diversifiés. Il peut, par
exemple, y avoir une médiation individuelle, une conciliation de groupe ou comme en
Nouvelle-Zélande une conférence familiale où la victime participe au choix de la
réparation.
La satisfaction des victimes dans le cadre d'une participation à un processus de
justice réparatrice est soulevée comme argument en faveur de ce modèle de régulation
social. Les défenseurs de ce modèle y voient un rétablissement de l'équilibre des droits
du délinquant et des droits des victimes.
Ail comparison of victims' expériences find that victims who participated in médiation or a conférence had greater satisfaction than victims who were involved in a traditional responses to crime. They say that they are better informed and supported, experienced more respect and equity, and appreciate the emotional opportunities. [...] A small minority of victims feel worse after a restorative process.126
La justice réparatrice encourage une participation active de la victime dans le
processus judiciaire. Cette approche détonne par rapport à celles suggérées dans les
autres modèles présentés précédemment. Nous croyons que certaines dispositions de la
LSPJA qui intègrent la victime s'inscrivent directement dans ce courant de justice. Selon
les préceptes de celle-ci, la victime a un rôle bien précis et elle doit inévitablement
participer au processus afin que les conséquences du crime soient résolues dans leur
intégrité.
L. WALGRAVE, loc. cit., notel25, page 563. 60
3- Le modèle autochtone
/- Fondements de ce modèle
Sans être un modèle théorique en soi, le modèle autochtone présente des
caractéristiques très pertinentes dans le cadre de notre étude. Très près de la justice
réparatrice, ce mode de régulation propre aux populations autochtones canadiennes est
basé sur une vision communautaire de la justice pénale. Dans le cadre de ce mémoire,
nous ne ferons qu'une présentation sommaire de ce modèle. Notre tour d'horizon ne
permettra pas d'apprécier toutes les nuances existantes. Les communautés autochtones
étant différentes les unes des autres et l'application de ce mode n'étant pas uniforme au
Canada, nous tâcherons de présenter lès grandes lignes du modèle tout en conservant
comme point d'ancrage notre principal intérêt : le rôle de la victime.
Connu sous plusieurs appellations telles que cercle de conciliation, cercle de
détermination de la peine ou cercle de guérison, ce mode de régulation sociale s'est
développé dans les années 1980. Il témoigne d'une vision autochtone de la justice pénale
différente des modèles généralement proposés. La création de ces divers cercles répond à
un besoin d'autonomie des peuples autochtones. «La prolifération de ces initiatives,
soutenues et encouragées par les pouvoirs publics, s'explique ou est du moins justifiée 197
par les séquelles laissées par plusieurs siècles de colonisation.» Les groupes autochtones ont donc participé à la création d'un mode de justice qui se veut être en
symbiose avec les traditions autochtones et qui tend à se détacher du système pénal
canadien pour devenir indépendant.
Les principales caractéristiques de ce mode de régulation sociale réunissent un
ensemble de principes et de croyances communes provenant de plusieurs groupes
autochtones. Ces peuples avaient développé des modes de justice différents les uns des
127 M. JACCOUD, « Les cercles de guérison et les cercles de sentence autochtones au Canada» (1999) 32 Criminologie 80, p. 82.
61
autres. Le modèle rassemble les caractéristiques des modes de justice qui étaient
communes aux nations autochtones :
La flexibilité des processus mis en œuvre, le désir ultime de rétablir l'harmonie sociale au sein du groupe en cas de transgressions et l'implication constante des membres influents de la communauté (par exemple les Aînés) dans la recherche de solutions aux problèmes ou perturbations vécus forment les traits communs d'une justice axée sur des principes de conciliation et de réparation, contrairement à l'approche utilisée dans les systèmes juridiques occidentaux qui, eux, privilégient
• • • 128 une justice punitive.
Tout comme dans le cadre de la justice réparatrice, l'acte délictuel est perçu comme
un événement ayant des conséquences sur l'ensemble d'un groupe. Il est nécessaire de
trouver une solution entraînant la réparation du tissu social de la communauté, aux
membres parfois peu nombreux, et où les personnes affectées vivent en interrelation
quotidienne. De plus, les cercles ont une dimension spirituelle importante : « Lorsque les
participants embrassent ces concepts de la conciliation autochtone, le cercle donne
naissance à une spiritualité collective qui aide grandement à trouver des terrains d'entente
et à bâtir le consensus. »129 Correspondant à des croyances traditionnelles, cette
spiritualité est aussi ressentie au plan individuel par les participants.
ii- Exemples de l'utilisation de ce modèle au Canada
Au Canada, il existe diverses applications de ce modèle de justice. Afin d'en
dégager les grands principes, nous nous intéresserons au déroulement général des cercles.
Le juge retraité du Yukon, Barry Stuart, utilise le terme cercle de conciliation
communautaire. Ce terme générique regroupe différents types de cercles qu'il décrit
ainsi :
Les différences se manifestent dans le degré de participation des partenaires du système judiciaire officiel, dans le mode de fonctionnement et dans le rôle des intervenants clés. Certains cercles ne comptent que des participants autochtones, d'autres ne comptent que des participants non autochtones et, au Yukon, la plupart
128 M. JACCOUD, loc. cit., note 1277, p. 81. 129 B. STUART « Stratégie relative à l'application de la justice aux autochtones; Créer des partenariats de justice communautaire : le cercle de conciliation communautaire » Ministère de la justice du canada, p. 10, [EN LIGNE] http://www.iustice.gc.ca/fr/ps/ais/pubs/stuart/bsr.pdf, page consultée le 5 mars.
62
des cercles communautaires sont composés d'une combinaison d'Autochtones et de non-Autochtones. '30
Le processus général de ces cercles comprend de nombreuses étapes telles l'admission au
cercle des membres ayant droit d'y participer, la préparation des membres et du cercle,
l'audience et le suivi. Dans les cercles de conciliation communautaire, l'on retrouve, n i
d'une part, les cercles de détermination de la peine . Dans ces derniers, la communauté
est impliquée dans le choix de la condamnation adéquate pour l'auteur de l'acte délictuel.
Ce processus reste lié avec le processus judiciaire canadien puisque les représentants
habituels s'y trouvent (juêe> procureur, agent de probation, etc.) Comme le dénote
Mylène Jaccoud :
Un cercle de sentence[détermination de la peine] consiste à faire participer la communauté au processus d'imposition des sanctions. Concrètement, les participants (des membres de la communauté) sont assis en cercle avec le juge, l'accusé et la victime pour exprimer et partager leurs points de vue sur le conflit afin d'arriver à une décision (recommandation) qui puisse guider le juge dans le prononcé de la sentence.132
D'autre part, il existe aussi les cercles de guérison qui sont plus globaux et
permettent une solution plus complète et adaptée. L'acte délictuel est perçu comme une
problématique pouvant être régularisée par l'intermédiaire d'un rétablissement, d'une
guérison, de toutes les personnes impliquées. « Le processus de guérison est holistique,
c'est-à-dire qu'il englobe les aspects physique, affectif, psychologique et spirituel de la 133
vie. »
Évidemment, il existe de nombreuses différences et de nombreuses applications de
ce mode de justice communautaire. Un nombre important d'initiatives de cercle de
130 B. STUART, op. cit, notel29, p. 15. 131 Les termes anglais sentencing circle sont souvent utilisés. 132 M. JACCOUD, loc. cit., note 127, p. 90. 133 M, p. 87. 63
conciliation communautaire sont présentes dans chacune des provinces134. Il s'avère donc
incontournable de voir comment la victime s'y intègre de manière générale.
134 Pour une liste des programmes existant dans chacune des provinces : http://www.iustice.gc.ca/rr/ps/ais/programs.html. page consultée le 2 mars 2007.
64
iii- Rôle de la victime dans ce modèle
Puisqu'il s'agit d'une approche communautaire, où l'ensemble des personnes
ayant vécu les conséquences de l'acte délictuel sont impliquées, les victimes ont
certainement un rôle pertinent à jouer. La réparation du tissu social ne pourrait s'opérer
sans la présence de l'un des principaux acteurs du litige pénal. Dans le cadre de ces
cercles, la victime occupe une place centrale. Ses besoins sont traités de manière égale à
ceux du délinquant. À ce sujet, le juge Stuart précise : « La participation de la victime
contribue profondément et de maintes façons à la réalisation des objectifs du cercle. On
doit donc n'épargner aucun effort pour encourager la victime à participer et pour la
soutenir dans cette entreprise. »
Le juge Stuart mentionne un aspect fort important dans le déroulement de cette
justice communautaire. La victime doit être préparée et soutenue à toutes les étapes de la
réalisation du cercle. « Il faut donc que celle-ci ait accès à tous les services pertinents, y
compris les programmes de réconciliation entre le délinquant et elle-même et les services
expressément axés sur ses propres besoins, tant avant qu'après l'audience. »136 Cette aide
doit s'opérer dès le tout début. Avant la réalisation du cercle, un groupe de soutien de la
victime doit être constitué. De plus, la victime, si elle le désire, doit pouvoir rencontrer le
groupe de soutien du délinquant. Ensuite, tout au long du processus et à la fin de celui-ci,
des services d'aide, communautaires ou professionnels si nécessaire, doivent être
disponibles pour la victime137. Sans cette considération importante, les victimes
n'auraient peut-être pas le même intérêt à y participer. Afin de répondre aux objectifs de
ce type de justice collective, une intégration pertinente de la victime passe par la réponse
à ses besoins et à ses attentes.
135 B. STUART, op. cit, note 129, p. 56. 136 Id, p. 57. 137 Le juge Stuart parle d'un coordonateur de l'aide aux victimes qui a comme responsabilité de superviser l'ensemble des opérations en lien avec les victimes. Id., p. 57-58.
65
iv- Critiques de ce modèle
Certaines études ont été réalisées afin de vérifier la satisfaction des autochtones
dans le cadre de l'application de ce processus de justice communautaire. La satisfaction
des participants semble mitigée. « Tout porte à croire que les opinions des personnes de
la communauté sont partagées puisque 44 % des personnes ayant participé au cercle
estiment avoir vécu une expérience positive et 33 % une expérience négative. » La
victime, bien qu'on lui accorde une place importante, ne considère pas toujours que cette
expérience ait été positive. En effet, seulement 28% des victimes se sont dites satisfaites
dans le cadre d'une étude faite sur un modèle pilote d'évaluation fait en 1993 . Ces
données sont cependant remises en questions par l'auteure Mylène Jaccoud. La
méthodologie ne permet pas de comparer le taux de satisfaction des victimes ayant
participé à ce processus et des victimes provenant du système de justice pénale
régulier140.
Dans un autre ordre d'idées, certains affirment que ces cercles ne correspondent
pas véritablement à leur modèle de justice traditionnelle. Il est difficile de transposer ce
modèle à l'ensemble des communautés puisque celles-ci sont très différentes et que les
croyances ne sont plus ce qu'elles étaient autrefois. « L'une des critiques adressées à ces
initiatives est celle qui consiste à douter de la persistance des traditions et des valeurs
ancestrales en matière de résolution de conflits. »141 Ne répondant pas aux croyances de
base d'une communauté en matière de justice, il est évident que la réponse des membres
de celle-ci ne sera pas aussi favorable.
Le modèle de régulation sociale autochtone canadien est l'un des plus
intéressants. Se basant sur une approche communautaire et proposant un rôle majeur à la
victime, ce processus, associé généralement à un modèle de justice réparatrice, présente
138 M. JACCOUD, loc. cit., note 129, p. 99. 139 Id, p. 98. 140 Id, p. 99. mId, p. 99.
66
des similitudes avec les propositions d'intégration des victimes de la LSJPA, par
l'intermédiaire du groupe consultatif, que nous aborderons plus loin.
* * *
Dans ce second chapitre, nous avons fait une analyse des principaux modèles de
justice. Le système de rétribution fondé sur l'infraction et la punition met une grande
emphase sur la responsabilité du mineur et le rôle de la victime y est très peu développé.
À l'inverse, le modèle de protection cherche à réadapter et à réinsérer le jeune dans la
société en optant pour des mesures éducatives adaptées à ses caractéristiques. Encore là,
la victime n'a pas vraiment de place définie. Dans une optique différente, la justice
réparatrice considère l'acte délictuel comme le point de départ d'une suite de
conséquences liant l'auteur de celui-ci, la victime et la communauté. La justice doit
permettre de réparer et de résoudre ces problèmes. L'implication de la victime y est
majeure. Finalement, le modèle autochtone présente des caractéristiques de justice
communautaire et la victime a, tout comme dans la justice réparatrice, un rôle important à
jouer. Nous observons l'importante mixité du système canadien de justice pénale pour
adolescents. Tous les modèles examinés sont présents dans la LSJPA. Les rôles que la
victime peut jouer y sont donc très nombreux, et ce, au sein d'une même législation.
En terminant cette première partie, nous concluons à la pertinence de l'intégration
de mesures participatives pour la victime en regard des objectifs socio-juridiques de la
LSJPA. Ces objectifs s'inscrivent dans une redéfinition du rôle des victimes dans le
système de justice pénale. Nous avons vu, dans le premier chapitre, la provenance de
l'intérêt pour cet acteur du processus judiciaire. L'apparition des mouvements en faveur
des victimes et de la victimologie ont favorisé la reconnaissance des caractéristiques des
victimes et surtout entraîné la prise en considération de ses intérêts. Les lois canadiennes
se sont ajustées, au fils des ans, en incluant diverses mesures pour permettre aux victimes
d'être satisfaites à l'issus du processus pénal qui peut parfois être une lourde épreuve.
67
L'indemnisation des victimes d'actes criminels ou la déclaration de la victime dans le
cadre de la détermination de la peine en sont quelques exemples.
La LSJPA contient d'ailleurs des dispositions dans cette perspective. La nécessité
d'un système de justice pénale pour les adolescents qui respecte et prend en considération
les victimes est réitérée à plusieurs reprises : dans le Préambule, dans la Déclaration de
principes, dans les sanctions extrajudiciaires, dans le cadre de la détermination de la
peine.
De plus, ces objectifs se positionnent aussi dans les nouveaux modèles théoriques
de réponse à la délinquance juvénile que nous avons vus dans le cadre du second
chapitre. La place de la victime est différente dans chacun de ces modèles. La justice
réparatrice et la justice communautaire autochtone sont les deux modèles prévoyant le
rôle le plus participatif pour la victime. En plus d'aider la victime dans son parcours par
sa participation active, ces modèles s'intéressent aux résultats de l'interaction entre
l'adolescent et la victime. La justice réparatrice favorise la responsabilisation du jeune
délinquant par sa confrontation avec les conséquences de son acte délictuel. La LSJPA
contient aussi des objectifs dans cette perspective : la déclaration de principe mentionne
d'emblée la nécessité de mettre l'accent sur la responsabilité juste et proportionnelle de
l'adolescent.
Bien que la pertinence des mesures d'intégration des victimes dans le cadre d'une
loi régissant le système de justice pénale pour les adolescents soit établie, nous désirons
nous attarder plus précisément aux dispositions de la LSJPA. Nous analyserons donc les
particularités de la mise en œuvre des mesures juridiques d'intégration des victimes et la
conformité de celles-ci avec les objectifs de la LSJPA.
68
TITRE 2
LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES JURIDIQUES: NORMES INCITATIVES ET APPLICATION MITIGÉE
L'intérêt de cette seconde partie réside autour de la mise en œuvre des mesures
d'intégration des victimes dans la LSJPA en regard des objectifs socio-juridiques de cette
dernière. Pour ce faire, nous procéderons en deux temps. D'abord, dans le cadre du
présent chapitre, nous verrons le fonctionnement des dispositions. Ensuite, dans le cadre
du chapitre suivant, nous analyserons l'application de ces articles dans le cadre juridique
québécois.
Chapitre 1
Le fonctionnement des mesures de participation et d'intégration de la victime
Nous avons précédemment fait état des nombreux objectifs de la LSJPA. Comme
nous l'avons mentionné au chapitre préliminaire, cette législation contient deux types
d'objectifs liés à notre étude sur le rôle des victimes. Premièrement, il est précisé que la
victime doit être traitée avec respect et que ses intérêts doivent être considérés.
Deuxièmement, la loi énonce que le jeune doit être responsabilisé relativement à son acte
délictuel. Cette responsabilisation peut s'opérer par l'intermédiaire d'une prise de
conscience des conséquences de son geste. La victime fait partie des éléments pouvant
permettre à l'adolescent de comprendre les répercussions de ses actes. De ces objectifs
découlent plusieurs articles qui seront au cœur de ce troisième chapitre.
Pour analyser la mise en œuvre des mesures pouvant impliquer les victimes, nous
ferons un examen exhaustif de leur fonctionnement au Québec et ailleurs au pays. De
plus, afin de déterminer si la loi amène des changements significatifs, nous verrons les
différences entre la LSJPA et les lois antérieures.
69
1- Le fonctionnement des mesures
Nous avons choisi de traiter distinctement du processus judiciaire et du processus
extrajudiciaire. Malgré leurs ressemblances quant à certains aspects, les différences
l'emportent largement et surtout, l'objectif sous-jacent n'est pas le même. L'auteur Kent
Roach résume ainsi la philosophie de ces modes de justice relativement à la protection
des droits des victimes :
The dominant direction, particularly at the level of législative reform, has been towards a punitive model of victims' rights, with a focus on the criminal trial process and the imposition of punishment. The goal in this approach is to facilitate the application of criminal sanctions, and to do so in a manner that is less harmful to victims. [...]The alternative direction that has influenced local practice, and some forms of législative reform in Canada and abroad is towards a non-punitive model of victims' rights, with a focus on crime prévention and restorative justice. Often, the goal in this approach is to protect the interests of victims and potential crime victims by preventing crime and providing réparation and acknowledgement of the harm done to victims and the community142.
Dans cette perspective, nous pouvons facilement associer le rôle de la victime dans le
processus judiciaire aux modèles théoriques de protection et de rétribution, alors que le
rôle qu'elle joue dans le mode extrajudiciaire correspond plutôt aux nouveaux modèles de
justice. Cette dichotomie crée deux types d'intégration des victimes.
a- Fonctionnement des mesures extrajudiciaires
i- Fonctionnement général
Les mesures extrajudiciaires sont prévues par les articles 4 à 12 de la LSJPA, afin
de permettre aux adolescents ayant commis un crime de moindre gravité, et surtout aux
adolescents n'ayant pas un long parcours pénal, de faire face à une justice rapide aux
stigmates mineurs. Deux types de mesures impliquant les victimes sont prévues.
K. ROACH, loc.cit., note 49, par. 6.
70
Premièrement, l'agent de police dans le cadre de son intervention avec
l'adolescent, a le choix de prendre des mesures très simples et rapides. Il s'agit d'un
simple avertissement, d'une mise en garde ou d'une mesure de renvoi. Ces mesures
n'impliquent pas directement les victimes. Toutefois, dans le cadre des mesures de
renvoi, l'adolescent peut être référé à un organisme communautaire pour suivre un
programme de conscientisation relativement aux conséquences de son infraction. Les
programmes peuvent contenir des éléments en lien avec les impacts de l'acte délictuel sur
la victime. Il est du ressort des gouvernements provinciaux d'établir le fonctionnement
des renvois et des programmes qui y sont afférents.
Deuxièmement, la seconde catégorie comporte les sanctions extrajudiciaires.
Outres les critères d'admissibilité143, la loi donne très peu d'indications sur le type de
sanctions possibles. Encore là, il est de la responsabilité des provinces et des territoires de
décider du fonctionnement de ces sanctions. Par ailleurs, de manière générale, les parents
de l'adolescent doivent être informés des mesures ayant été prises à l'égard de leur jeune.
De plus, puisque le jeune ne transige pas par le système judiciaire, l'article 12 LSJPA
Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, précitée note 4 : Article 10. (1) Le recours à une sanction extrajudiciaire n'est possible que dans les cas où la nature et le nombre des infractions antérieures commises par l'adolescent, la gravité de celle qui lui est reprochée ou toute autre circonstance aggravante ne permettent pas le recours à l'avertissement, à la mise en garde ou au renvoi visé aux articles 6, 7 ou 8. (2) En outre, il est assujetti aux conditions suivantes : a) la sanction est prévue dans le cadre d'un programme autorisé soit par le procureur général, soit par une personne désignée par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province ou faisant partie d'une catégorie de personnes désignée par lui; b) la personne qui envisage de recourir à cette sanction est convaincue qu'elle est appropriée, compte tenu des besoins de l'adolescent et de l'intérêt de la société; c) l'adolescent, informé de la sanction, a librement accepté d'en faire l'objet; d) l'adolescent, avant d'accepter de faire l'objet de la sanction, a été avisé de son droit aux services d'un avocat et s'est vu donner la possibilité d'en consulter un; e) l'adolescent se reconnaît responsable du fait constitutif de l'infraction qui lui est imputée;/) le procureur général estime qu'il y a des preuves suffisantes justifiant la poursuite de l'infraction; g) aucune règle de droit n'y fait par ailleurs obstacle. (3) Il n'est toutefois pas possible de recourir à une sanction extrajudiciaire lorsque l'adolescent a soit dénié toute participation à la perpétration de l'infraction, soit manifesté le désir d'être jugé par le tribunal pour adolescents. (4) Les aveux de culpabilité ou déclarations par lesquels l'adolescent reconnaît sa responsabilité pour un fait précis ne sont pas, lorsqu'il les a faits pour pouvoir bénéficier d'une mesure extrajudiciaire, admissibles en preuve contre un adolescent dans toutes poursuites civiles ou pénales.
71
oblige aussi les personnes responsables des sanctions extrajudiciaires à informer les
victimes.
L'un des objectifs spécifiques de cette section de la loi est de favoriser la
reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité. Les victimes ne
désirent pas toutes participer au processus144 et il est nécessaire de respecter ce choix.
Comme le mentionne un auteur : « Victims should not be pressured into participating,
and the meetings must be conducted with sensitivity to ensure that neither the victim or
youth feels intimidated by the expérience. »' 5 Les mesures extrajudiciaires n'imposent
pas un mécanisme participatif pour les victimes146. D'autres mécanismes peuvent être mis
en place pour que le jeune délinquant comprenne les conséquences de son acte.
Les sanctions extrajudiciaires encouragent la réparation des dommages causés à la
victime. La réparation peut prendre plusieurs formes. Il peut s'agir d'une réparation en
nature (ex : repeindre un mur après un méfait) ou monétaire. Nicholas Bala soulève une
problématique très pertinente liée à la réparation des dommages :
Youths without financial resources should not be penalized because of their inability to make restitution, while youths from wealthy families should not be able to in effect "buy their way out" by making an inordinately large "payoff to a victim147.
Dans cette optique, la réparation financière doit être limitée et éviter toute discrimination.
Selon Y Entente-cadre intervenue entre Y Association des centres jeunesse du Québec et
les Organismes de justice alternative, sur laquelle nous reviendrons plus loin, la
Résultats d'une étude faite sur un groupe de 59 victimes contactées par un OJA: « Of the 59 victims who were interviewed, 13 had declined the invitation to participate in médiation, 39 had participated in direct médiation, and the remaining 7 had participated in indirect médiation. » J.A. WEMMERS et K. CYR «Can Médiation Be Therapeutic for Crime Victims? An Evaluation of Victims' Expériences in Médiation with Young Offenders' » (2005) Revue canadienne de criminologie et de justice pénale 527. 145 BALA, N. «Diversion, Conferencing, and Extrajudicial Measures for Adolescent Offenders» (2003) 40 Alta. L. Rev. par. 103 146 K. ROACH, loc. cit., note 49, par 31 : «However, it should be noted that thèse provisions do not give victims a clear right to participate in extrajudicial measures, but only the "opportunity for victims to participate in décisions related to the measures selected and to receive réparation" and the right under s. 12 of the YCJA to be informed on request and after the fact about the disposition of the offence. »
BALA,N. loc. cit., note 145, par. 118 72
compensation financière ou le dédommagement financier doivent être proportionnels au
dommage causé et à la capacité de payer de l'adolescent148.
ii- Les groupes consultatifs et les Comités de justice pour la jeunesse
Les dispositions dont nous traiterons maintenant ne se retrouvent pas dans le
chapitre sur les sanctions extrajudiciaires, mais elles y sont fortement liées. Elles font
parties de la section sur l'organisation du système de justice pénale pour les adolescents.
La loi prévoit deux types de regroupements où la communauté peut prendre part au
processus pénal. D'une part, les Comités de justice pour la jeunesse sont formés de
citoyens. Ils ont comme mission de «prêter leur concours à l'exécution de la [...]loi
ainsi qu'à tout service ou programme pour adolescents »' . Ces Comités peuvent jouer
un rôle pour les victimes. L'article 18(2)i) leur permet de recommander des mesures
extrajudiciaires. De plus, conformément à l'article 18(2)ii), ils peuvent s'informer des
préoccupations des victimes et encourager la réconciliation de celle-ci avec le jeune
délinquant.
D'autre part, l'article 19 permet la création des groupes consultatifs. Ces derniers
ont, au plan extrajudiciaire, les mêmes pouvoirs que les Comités de justice pour la
jeunesse tel que le précise Nicholas Bala :
Youth justice committees and conférences are similar but distinct. Youth justice committees are established in spécifie communities and hâve a continuing existence and fixed membership. Committees may deal with individual cases or systemic issues, while conférences deal only with individual cases and hâve a membership determined to deal with spécifie cases. '
148 ASSOCIATION DE CENTRES JEUNESSE DU QUÉBEC, REGROUPEMENT DES ORGANISMES DE JUSTICE ALTERNATIVE, « La concertation au profit des jeunes et des victimes, Entente-cadre sur le programme de mesures de rechange » Août 2001, p. 10 149 Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, précitée, note 4, art. 21 150 N. BALA, op. cit., note 7, p. 298.
73
Les groupes consultatifs ont aussi certains pouvoirs en matière judiciaire. Les
membres de ces groupes peuvent faire des recommandations quant aux mesures de
remise en liberté provisoire par voie judiciaire ou sur la peine, et ce, conformément à
l'article 41 de la LSJPA . Il est à noter que la victime et sa famille peuvent être
membres des groupes consultatifs, tout comme des membres de la communauté et des
membres de la famille du délinquant.
Ces groupes s'inscrivent clairement dans le modèle de justice réparatrice. Leurs
interventions soutiennent un équilibre entre les délinquants, les victimes, la communauté
et les familles. Bien que ces deux types de regroupements puissent permettre les
interactions entre les jeunes délinquants et leurs victimes, leur existence est soumise au
bon vouloir des gouvernements provinciaux. Par exemple, il existait au Canada, selon un
sondage effectué en 2003, donc sous l'égide de l'article 69 de la LJC, 262 Comités de
justice pour la jeunesse . Toutefois, comme le mentionne un rapport de recherche, il y a
une grande différence entre les provinces :
Quelques administrations, dont Terre-Neuve et Alberta, comptent un grand nombre de CJJ désignés. Toutefois, le Yukon et le Québec ont formé des comités qui assument la même fonction sans être désignés officiellement. De plus, quelques administrations, dont la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, ont opté pour une approche hybride en désignant quelques comités et en laissant d'autres comités non désignés. Enfin, des administrations comme la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick et l'île-du-Prince-Édouard, n'ont aucun comité153.
iii- Fonctionnement particulier au Québec
L'expérience québécoise d'interactions entre les mineurs délinquants et les
victimes est relativement ancienne. Dès les années 1970, certains projets ont été établis
151 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 41 : « Le tribunal pour adolescents peut constituer ou faire constituer un groupe consultatif en vertu de l'article 19 et lui soumettre le cas d'un adolescent déclaré coupable d'une infraction pour qu'il lui présente des recommandations sur la peine spécifique à imposer. » 152 HANN ET ASSOCIATE, « Un sondage national sur les Comité de justice pour la jeunesse » (2003) Ministère de la justice du Canada, division de la statistique, [EN LIGNE] http://www.iustice.gc.ca/fr/ps/rs/rep/2003/rr03vj-7/index.html. 153 ld.
afin de permettre des rencontres entre ces deux acteurs154. De plus, de nombreuses
expériences liées à la justice réparatrice ont été entamées, particulièrement à partir de
l'adoption de la UC en 1984. Par exemple, dans le cadre des mesures de rechange sous la
LJC, des médiations ont eu lieu entre les jeunes délinquants et les victimes : «[o]n
remarque ainsi qu'il s'est tenu 744 mesures de médiation (ou de conciliation) en 1997-
1998 (soit 5 % du total des mesures [mesures de rechange]).»155 Les mesures
extrajudiciaires sous \aLSJPA s'inscrivent donc sur cette toile de fond, dans la continuité
de ce qui se faisait précédemment.
En ce qui concerne les avertissements, mises en garde et mesures de renvoi, le
policier doit user de son pouvoir discrétionnaire pour décider de leur application. Comme
le précise Sophie Deslile :
Au Québec, le Comité interministériel sur la réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants a formé un sous-comité de travail présidé par le Ministère de la sécurité public du Québec, composé de divers intervenants qui se sont penchés sur l'exercice de la discrétion policière. Ce sous-comité a produit le document « Cadre et conditions d'application des mesures extrajudiciaires » qui s'applique sur tout le territoire du Québec. [...] Compte tenu de la nature administrative du cadre, son non-respect n'entraîne aucune conséquence juridique.'56
En bref, pour certaines infractions très mineures, le policier peut prendre une mesure.
Dans ce cas, une inscription au Centre des renseignements policiers du Québec (CRPQ)
n'est pas requise. Pour une infraction un peu plus grave, il fait un avertissement. Dans ce
cas, il y a un rapport d'événement, une inscription au CRPQ et il communique avec les
parents. Pour ce qui est des mesures de renvoi à un organisme ou un programme
communautaire, le policier doit « soumettre le cas pour fin d'évaluation de la preuve
154 S. CHARBONNEAU et D. BÉLIVEAU, « Un exemple de justice réparatrice au Québec : la médiation et les organismes de justice alternative» (1999) 32 Criminologie 61 : « Connue sous le nom de « Projet Intervention Jeunesse », cette expérience se déroule entre les mois de mars 1977 et d'octobre 1979 sur le territoire d'Outremont. Les intervenants du BCJ, en collaboration avec une équipe de policiers-jeunesse, élaborent alors un protocole visant à soustraire les jeunes du processus judiciaire en leur proposant des solutions de rechange (Charbonneau, 1998b). »
155 ld., p. 66 l56S. DESLISLE, «La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. L'application des mesures extrajudiciaires» dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en droit de la jeunesse, Cowansville, Éditions Yvon Biais, 2004, p. 9
75
auprès du Substitut du Procureur général. » Ensuite, un rapport est rempli et le jeune
est dirigé vers un Organisme de justice alternative pour la participation à un programme.
Par exemple, l'organisme l'Autre avenue, situé dans la ville de Québec, administre un
programme sur le vol à l'étalage et ses conséquences.
Pour ce qui est des sanctions extrajudiciaires, tel que mentionné précédemment,
sous l'égide de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, les provinces
sont responsables de leurs établissement. Au Québec, le tout s'opère par l'intermédiaire
du Ministère de la Justice , du Ministère de la santé et des services sociaux , de
Y Association des centres jeunesse du Québec et du Regroupement des organismes de
justice alternative161. Tout d'abord, dès 1986, un premier programme de mesures de
rechange était adopté . Ce programme fut remplacé en 1994 . Aujourd'hui, ce dernier
établit les modalités de fonctionnement des mesures extrajudiciaires.
Selon le Programme de mesures extrajudiciaires, il est d'abord de la
responsabilité du Substitut du Procureur général d'examiner les procédures et documents
se rapportant à l'infraction commise par un jeune délinquant (art.4). Par la suite, il doit
décider de la manière de traiter le dossier. Sophie Deslile résume ainsi la procédure :
Si la preuve est jugée suffisante, il peut, lorsqu'il s'agit d'une infraction ou d'une situation prévue au Chapitre IV du programme soit autoriser des poursuites ou saisir le directeur provincial. Il doit saisir le directeur provincial dans les cas où il ne s'agit pas d'une infraction ou d'une situation prévue au Chapitre IV. Également, il a discrétion de fermer le dossier164.
157
158
159
S. DESLISLE , loc. cit., note 156, p. 10. Voirhttp://vvww.iustice.gouv.qc.ca/francais/accueil.asp# Voir http://www.msss.gouv.qc.ca/
160 Voir http://www.acjq.qc.ca/ 161 Voir http://www.roiaq.qc.ca/ 162 Programme de mesure de rechange, 1986 [(1987) 119 G.O. II, 1563] conformément au décret 788.84 du 4 avril 1984 {Désignation du ministre aux fins d'autoriser un programme de mesures de rechange pour les jeunes contrevenants, (1984) 116 G.O. II, 1825). 163 Programme de mesure de rechange autorisé par le ministre de la Justice et le ministre de la Santé et des services sociaux du 7 janvier 1994 (non publié) - Programme de mesures extrajudiciaires 164 S. DESLISLE, loc. cit., note 1566, p. 14
76
Donc, le Procureur général peut saisir le Directeur provincial afin qu'il évalue la
possibilité du recours à une sanction extrajudiciaire (art. 8). Pour qu'il recommande ce
type de sanctions, les critères de la LSJPA prévus aux articles 10 à 12 doivent être
respectés.
L'article 13 prévoit la nature des sanctions extrajudiciaires : versement d'une
somme d'argent, exécution d'un travail bénévole au bénéfice de la victime ou de la
collectivité, participation à une activité améliorant les aptitudes sociales. Certaines
exigences doivent être respectées conformément à l'article 14 : aucun hébergement en
centre de réadaptation ne peut être prévu, les travaux bénévoles sont limités à 120 heures,
la durée des mesures ne doit pas excéder 6 mois, les ressources pécuniaires et le degré de
développement du jeune doivent être considérés, la mesure ne doit pas excéder la valeur
du tort causé et, dans la mesure du possible, le milieu de vie de l'adolescent doit être mis
à contribution.
Le Programme prévoit aussi toutes les modalités d'échange d'information entre le
Directeur de la protection de la jeunesse et le Substitut du Procureur général afin de
conserver tous les éléments relatifs au dossier. Pour permettre la réalisation des mesures,
une entente doit être consignée. Elle contient l'acceptation du jeune à participer aux
mesures et son engagement à les réaliser (art. 15 à 21).
Dans son application quotidienne, le Programme implique d'autres acteurs que le
Substitut du Procureur général et le Directeur de la protection de la jeunesse. L'article 3
permet la délégation des pouvoirs conférés par le Programme. En pratique, les Délégués
à la jeunesse sont donc responsables de l'évaluation, de l'entente et du suivi du jeune. De
plus, les Organismes de justice alternative sont grandement impliqués dans l'ensemble
du processus, principalement en ce qui concerne la relation avec la victime.
165 Au Québec, le Directeur provincial est le Directeur de la protection de la jeunesse conformément à la Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1.
77
À ce sujet, une Entente-cadre^66 est intervenue entre VAssociation des centres
jeunesse du Québec et les Organismes de justice alternative afin de baliser et surtout de
mettre à jour leur participation respective dans le processus. La perspective de base de
cette Entente-cadre est l'équilibre entre les droits de la collectivité, des jeunes
délinquants et des victimes. Cela s'inscrit directement dans le modèle de justice
réparatrice :
Quand un jeune répare les torts qu'il a causés, il restaure les liens avec les victimes et sa communauté. Et quand les torts qu'il a causés impliquent une personne, l'objectif de réparation prend davantage de sens pour la collectivité, la victime et le jeune.167
D'ailleurs, conformément à cette Entente-cadre, les Délégués à la jeunesse doivent
s'assurer que la mesure est significative pour le jeune, pour la victime, pour la collectivité
et qu'elle assure un équilibre entre l'éducation du jeune et la justice pour la victime .
Quant à eux, les Organismes de justice alternative sont responsables, comme
l'exige l'article 12 de la LSJPA, d'informer la victime que des sanctions extrajudiciaires
sont prises à l'égard de l'adolescent. Dans le cadre d'une entrevue téléphonique, ils
doivent recueillir le point de vue de la victime. Ils doivent permettre à la victime
d'expliquer les conséquences qu'elle a vécues relativement à l'acte délictuel. Tout en
étant informées des modes de réparation envers la collectivité et envers elles-mêmes, les
victimes peuvent aussi suggérer une mesure qu'elles considèrent appropriée pour le
jeune délinquant. Aussi, les victimes sont informées quant à la possibilité d'une
médiation directe ou indirecte avec le jeune, afin de déterminer la sanction dans le cadre
d'une approche consensuelle.
166 ASSOCIATION DES CENTRE JEUNESSE DU QUÉBEC et REGROUPEMENT DES ORGANISMES DE JUSTICE ALTERNATIVE, op. cit., note 148. 167 M, p. 4. 168 Id, pages 5-6.
78
Toutes les informations recueillies sur la victime et sur son point de vue sont
transmises au Délégué à la jeunesse pour l'éclairer dans son choix et pour permettre la
réalisation de l'entente sur les mesures extrajudiciaires avec le jeune. Évidemment, le
Délégué sera responsable de la décision finale et pourra utiliser ou non les suggestions
de la victime, particulièrement dans les cas où elles sont déraisonnables. Puisque la
possibilité d'une médiation est mentionnée à la victime, le Délégué à la jeunesse pourra
permettre la réalisation de celle-ci. L''Organisme de justice alternative sera responsable
de procéder à la médiation directe (jeune, victime et famille) ou indirecte (tous sont
rencontrés séparément). Une fois cette dernière réalisée, YOJA fera un rapport au
Délégué à la jeunesse. Celui-ci pourra entériner ou non la décision commune des deux
parties sur la mesure à réaliser par le jeune.
Enfin, Y Entente-cadre est venue réitérer la teneur de toutes les sanctions possibles
dans le cadre des mesures extrajudiciaires. La compensation financière, le travail pour la
victime, la restitution, les excuses verbales ou écrites, le dédommagement financier (à un
organisme à but non lucratif), les travaux communautaires, les activités de formation, les
activités d'intégration sociale et les activités de soutien en sont quelques exemples169
Ce processus québécois de sanctions extrajudiciaires fait plus que prendre les
besoins de la victime en considération : selon son intérêt, elle peut participer activement
au processus. Par l'intervention directe des intervenants des OJA, la victime est impliquée
et ses préoccupations sont transmises à la personne responsable des décisions dans le
dossier (le Délégué à la jeunesse). De plus, un grand accent est mis pour favoriser la
responsabilisation de l'adolescent face à son acte délictuel, par l'intermédiaire de
sanctions lui permettant de comprendre les conséquences de son geste, en réparant le tort
causé soit à la victime, soit à la collectivité. Dans cette perspective, les objectifs de la
LSJPA semblent être respectés. Par ailleurs, nous verrons dans le chapitre suivant dans
169 ASSOCIATION DES CENTRE JEUNESSE DU QUÉBEC et REGROUPEMENT DES ORGANISMES DE JUSTICE ALTERNATIVE, op. cit., note 148, pages 10-11.
79
quelle mesure ce processus est utilisé, entre autres avec les statistiques disponibles sur le
sujet.
b- Fonctionnement des mesures judiciaires
i- Fonctionnement général
En matière judiciaire, le processus d'intégration des victimes est tout autre. Il
ressemble beaucoup plus à ce qui se fait dans le système de justice pénale pour les
adultes. Par ailleurs, il contient certaines ouvertures permettant une participation active
des victimes. Notre examen se fera en deux temps : les droits de la victime lors du procès,
puis lors de la détermination de la peine.
En ce qui concerne les droits des victimes dans le cadre du procès, ils sont
sensiblement les mêmes que dans le système pour adulte. Par exemple, par
l'intermédiaire de l'article 50 de la LSJPA, l'article 722 du Code criminel s'applique au
processus pour les mineurs. Cette disposition prévoit le droit pour la victime de procéder
à une déclaration dont nous avons discuté précédemment.
Malgré l'accent mis sur la déclaration de la victime, ce document ne demeure néanmoins qu'un outil dans le processus de détermination de la peine. [...] Le juge ne sera pas limité à cette seule déclaration dans sa recherche d'information concernant la victime et pourra recourir à tout autre élément de preuve. 170
La victime peut aussi participer dans le cadre prédécisionnel . En vertu de l'article
40(2)a), le rapport doit contenir, dans la mesure du possible, une entrevue avec la
victime.
170 P. BÉLIVEAU et M. VAUCLAIR, Traité général de preuve et de procédure pénale, 13e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2006, p. 856. 171 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 40.
80
Les principes de détermination de la peine, prévus à l'article 38, s'intéressent à la
victime particulièrement dans la perspective de susciter le sens des responsabilités chez
l'adolescent. L'article 38(2) e)iii) rappelle l'importance de : «susciter le sens et la
conscience des responsabilités notamment par la reconnaissance des dommages causés à
la victime et à la collectivité » De plus, conformément à l'article 38(3), lors de la
détermination de la peine, le juge doit prendre en considération les « dommages causés à
la victime et du fait qu'ils ont été causés intentionnellement ou étaient raisonnablement
prévisibles ».
Le libellé de l'article 38(3) fait une distinction entre un préjudice causé
intentionnellement ou non. À ce sujet, l'auteur Kent Roach émet le commentaire
suivant :
The sentencing principles of the YCJA direct the judge's attention to "the harm done to victims and whether it was intentional or reasonably foreseeable."— In contrast, its principles refer only to the repair of the harm suffered. From the victim's perspective, it makes little différence whether the harm suffered was intended or even reasonably foreseeable; the victim has suffered harm and will want sortie form of réparation.172
Pour notre part, nous croyons plutôt qu'il y a effectivement une différence pour la
victime si l'acte criminel a été perpétré intentionnellement. Le libellé de l'article 38
correspond à cette situation. En effet, le processus de résilience de la victime sera
différent si l'auteur de l'infraction voulait s'en prendre directement à elle et lui causer
directement des dommages, particulièrement en matière d'infraction contre la personne.
En matière de placement sous garde, les articles 38 et 39 sont fondamentaux.
D'abord, l'article 38 LSJPA prévoit les objectifs et principes généraux de détermination
de la peine. Donc, la prise en considération du dommage causé à la victime (article
38(3)) continue de s'appliquer. Toutefois, l'article 39, qui prévoit les modalités
spécifiques de cette peine, ne fait pas référence à la victime. Les facteurs à prendre en
considération pour procéder à cette ordonnance concernent plutôt le type d'infraction
172 K. ROACH, loc. cit., note 49, par. 21. 81
commise par l'adolescent (alinéa 1) et l'absence de solutions de rechange (alinéas 2 et 3).
L'un des objectifs de la LSJPA est de diminuer le recours à l'incarcération. Cette peine
privative de liberté doit être utilisée seulement dans les situations de violence ou de lourd
passé criminel. L'ordonnance de placement s'associe avec le modèle de rétribution. Elle
est fondée sur la punition du jeune et la victime n'a pas à être impliquée, outre dans son
rôle, parfois déterminant, de témoin. Pour être justifiée, cette peine doit répondre aux
caractéristiques de l'adolescent et non aux besoins de réparation de la victime.
En plus des principes prenant la victime en considération, les choix de peine
peuvent inclure la victime. L'article 42(2)e) prévoit la possibilité pour le jeune de devoir
verser une somme à titre d'indemnité pour le dommage causé à un bien, pour une perte
de revenu ou encore pour une perte pécuniaire antérieure au procès en lien avec des
lésions corporelles. En vertu de l'article 42(2)f) le juge peut ordonner la restitution du
bien à la victime. L'alinéa suivant prévoit la possibilité d'indemniser financièrement la
personne dans le cas où la restitution est impossible.
Conformément à l'alinéa h) de l'article 42, l'indemnisation pécuniaire prévue aux
alinéas précédents peut aussi se faire en nature ou en service. À ce sujet, la même crainte
existe qu'en matière extrajudiciaire. Il faut éviter la discrimination des adolescents aux
moyens financiers plus critiques .
L'alinéa h) s'inscrit dans une perspective de réparation du dommage autrement que
monétaire. Le jeune doit faire un geste direct envers la victime. Ce geste peut lui faire
prendre conscience de sa responsabilité tout prenant en considération le besoin de
réparation de la victime. De plus, cette mesure a l'avantage de se faire sans
intermédiaire. Par exemple, dans le cas d'une indemnisation financière, les parents
Supra, p. 70 82
pourraient décider de payer le montant pour le jeune alors que la réparation en nature ou
en service oblige le jeune à agir directement.
Dans la perspective d'une participation jeune/victime, l'article 41 prévoit la
possibilité pour le juge de consulter un groupe consultatif créé conformément à l'article
19 LSJPA. Lorsque l'adolescent a été déclaré coupable, le groupe consultatif peut
recommander au juge une peine spécifique à imposer. En plus des membres de la
communauté, ce groupe pourrait inclure la victime et des membres de sa famille. Aussi,
comme cela se fait dans certaines provinces, ces groupes peuvent procéder à une
approche consensuelle de type médiation avant de procéder aux recommandations.
L'ensemble des dispositions en matière judiciaire prévoit quelques possibilités
impliquant la victime dans les procédures. Par ailleurs, puisque certains aspects du
fonctionnement sont du ressort provincial, nous allons d'abord examiner les particularités
québécoises, puis nous prolongerons notre étude avec certaines autres provinces.
ii- Fonctionnement particulier au Québec
La victime n'a pas le même soutien en matière judiciaire qu'en matière
extrajudiciaire. Premièrement, nous avons vu que les CAVAC peuvent fournir aide et
assistance à la victime qui fait une déclaration dans le cadre du processus de
détermination de la peine. Dans le cadre du système de justice pénale pour adolescents, le
CAVAC n'accompagne pas systématiquement les victimes. Cela est différent d'un district
judiciaire à l'autre. Lorsque le CAVAC n'accompagne pas les victimes c'est le Substitut
du Procureur général qui s'occupe de faire parvenir le formulaire de déclaration de la
victime à celle-ci.
83
Deuxièmement, nous avons précédemment mentionné que, dans le cadre des
sanctions extrajudiciaires, ce sont les OJA qui ont la responsabilité d'informer la victime
tout au long du processus. Il est possible qu'un dossier qui ait d'abord donné lieu à des
sanctions extrajudiciaires fasse ensuite l'objet de mesures judiciaires pour diverses
raisons. Dans ces cas, même si une première démarche a été faite par les OJA avec les
victimes, le dossier sera transféré au Substitut du Procureur général qui s'occupera
désormais des relations avec la victime. La victime a alors les droits que nous avons vus
antérieurement .
Au moment d'écrire ces lignes, quelques projets pilotes sont en préparation. Ils
tenteront d'inclure des mesures de médiation dans le processus judiciaire175, et ce,
probablement à partir de janvier 2008. Le Comité mixte de Y Association des centres
jeunesse du Québec et du Regroupement des Organismes de justice alternative prépare
actuellement la mise en place d'un programme d'approche consensuelle semblable à
celui existant dans le cadre des sanctions extrajudiciaires. Pour l'instant, ce programme
est encore à l'étape de la préparation et il se déroulera dans quatre régions du Québec :
Laurentides, Montérégie, Mauricie/Centre-du-Québec et Saguenay/Lac-St-Jean.
2- Les programmes ailleurs au pays
Les autres provinces canadiennes ont mis en place des programmes où victimes et
jeunes délinquants peuvent interagir, et ce, dans le cadre des mesures et sanctions
extrajudiciaires ou par l'intermédiaire de programme de justice réparatrice. Ces
programmes peuvent s'avérer différents de ce qui est prévu au Québec. Nous avons
choisi de présenter quelques-uns de ces programmes dans une perspective de
comparaison.
Supra, Titre 1, chapitre 1 175 ROJAC, « Comité mixte ACJQ\ROJAQ», (février 2007) 3 Le délateur 2, [EN LIGNE] http://wvvfw.roiaq.qc.ca/docs/delateur/delateurfevrier2007.pdf, page consultée le 20 juin 2007.
84
En ce qui concerne les mesures et sanctions extrajudiciaires, l'une des différences
importantes entre les provinces est la limitation à certaines catégories d'infractions. En
Alberta, les jeunes peuvent être référés au programme de sanctions extrajudiciaires par le
policier ou par le Procureur. Pour participer au programme, l'infraction commise ne doit
pas être une infraction avec violence, une entrée par effraction, un parjure ou une
infraction reliée à la conduite d'un véhicule. En matière de drogue, seule la possession
simple de marijuana peut permettre la participation au programme176. À l'inverse, nous
avons vu qu'au Québec la limitation est beaucoup moindre. Le chapitre 5 du Programme
de sanctions extrajudiciaires prévoit une multitude d'infractions : infractions contre
l'ordre public, infractions en matière d'arme à feu et d'armes offensives, infractions en
lien avec l'administration de la justice, infraction d'ordre sexuel, etc. Il est du ressort du
Substitut du Procureur général et du Directeur de la protection de la jeunesse de
déterminer si la sanction extrajudiciaire est appropriée.
L'une des caractéristiques communes à tous ces programmes de sanctions
extrajudiciaires est l'obligation pour le jeune de décider de sa participation, et ce,
conformément à l'article 10(2)c) LSJPA. Par exemple, en Saskatchewan, le programme
de sanction judiciaire est totalement volontaire et il est conseillé aux jeunes de consulter
un avocat avant de prendre la décision d'y participer ou non177. Il en est de même à Terre-
Neuve178.
Pour ce qui est du rôle des victimes dans les programmes de sanctions
extrajudiciaires, en vertu de l'article 12 LSJPA, la victime doit au minimum être informée
des procédures. Les personnes responsables de cette communication peuvent différer
d'une province à l'autre. En Alberta, les victimes sont rencontrées, lorsqu'elles acceptent
176SOLICITOR GENERAL AND PUBLIC SECURITY, Extrajudicial sanctions program, [EN LIGNE] http://www.solgen.gov.ab.ca/corrections/extraiudicial_sanctions.aspx?id;=2732 , page consultée le 1 août 2007. 177 SASKATCHEWAN CORRECTION AND PUBLIC SAFTY, Alternatives measures, [EN LIGNE] http://www.cps.gov.sk.ca/youth/pdfs/Alternative Measures.pdf. page consultée le 1er août 2007 178 Youngperson offences act, RSNL, 1990, C.Y-l.art.4 [EN LIGNE] http://www.hoa.gov.nl.ca/hoa/statutes/vO 1 .htm#4 page consultée 1 août.
85
de collaborer aux sanctions extrajudiciaires, par un membre d'un Comité de justice pour
la jeunesse . Les membres de ces Comités proviennent de la communauté. Au Québec,
il s'agit plutôt d'un organisme communautaire, soit un Organisme de justice alternative.
Le fonctionnement des sanctions extrajudiciaires peut aussi être distinct,
particulièrement dans les rôles attribués à chacun. Par exemple, en Saskatchewan, en plus
des médiations victime\délinquant, il existe des Community justice forum qui interpellent
tous les acteurs impliqués. Le délinquant et sa famille de même que la victime et sa
famille sont réunis afin d'élaborer un plan pour l'adolescent qui convient à tous180.
Les programmes de justice réparatrice ne sont pas exclusifs aux programmes de
sanctions extrajudiciaires. Il existe certaines initiatives de justice réparatrice qui
s'appliquent à plusieurs étapes de la procédure et qui impliquent activement les victimes.
En Alberta, la ville de Calgary possède un programme où le jeune peut être référé à tout
moment vers une conférence familiale (groupe consultatif). Comme le mentionne
Nicholas Bala : « Established in 1999, the Calgary Community Conferencing program is
one of Canada's leading examples of post-adjudication Conferencing. It takes referrals
from the youth court, usually after a guilty plea, as well as directly from police or school
administrators. »181 Après cette conférence, une proposition de peine réparatrice sera
faite. Dans le cas où le dossier est judiciarisé, la sanction suggérée pourra être envisagée
par le juge.
Tout comme dans la ville de Calgary, les jeunes de la Nouvelle-Ecosse peuvent être
référé à un programme de justice réparatrice à tout moment du processus pénal : par le
policier avant les accusations, par le procureur après les accusations mais durant la
9 SOLICITOR GENERAL AND PUBLIC SECURITY, op. cit., note 176. 0 SASKATCHEWAN CORRECTION AND PUBLIC SAFTY, op. cit., note 177. ' N. BALA., loc. cit., notel49, par. 78.
86
détermination de la culpabilité, par le juge après la détermination de la culpabilité mais
avant la détermination de la peine et par le personnel des services correctionnels182
En Colombie-Britannique, il existe plusieurs types de programmes liés à la justice
réparatrice : les Multi-disciplinary or integrated case management conférences, les
Family group restorative conférence, les Community accountability programs, les Youth
Justice Committees, les Victim/offender reconciliation programs et les Aboriginal
sentencing circles. L'une des caractéristiques intéressantes des Family group restorative
conférence est l'ouverture à plusieurs types de délits. Tel que le précise un groupe
d'auteurs :
Under BC government youth justice policies, family group conferencing is referred to as "restorative conferencing," in part to avoid confusion with the similarly named process being piloted in child welfare practice in BC. Contrary to popular perception, thèse conférences are not recommended for minor offences but for more serious and repeat offenders where there is an identifiable victim and the possibility of a residential order or custodial sentence. Restorative conferencing is geared to the sentencing stage, and is available in spécifie locations where resources permit the assignment of youth probation officers as conferencing specialists.183
Les jeunes ayant commis des crimes graves ou ayant un lourd passé criminel peuvent
donc aussi participer à des mesures réparatrices. Au Québec aussi, certains crimes de plus
grande gravité peuvent, théoriquement, être admis conformément au Programme de
sanctions extrajudiciaires.
Contrairement au programme de sanctions extrajudiciaires qui s'applique à
l'ensemble d'une province, l'évaluation des programmes de justice réparatrice peut
s'avérer difficile puisqu'elles relèvent parfois d'initiatives locales. Au Manitoba, ce sont
les collectivités qui gèrent les programmes de justice communautaire184. Les programmes
182 NOVA SCOTIA DEPARMENT OF JUSTICE Restorative justice: Nova scotia program [EN LIGNE] http://www.gov.ns.ca/iust/Divisions/CourtServ/ri/program.asp , page consultée le 1 août 2007. 183 HILLIAN D, REITSMA-STREET M., HACKLER, J., « Conferencing in the Youth Criminal Act of Canada : Policy Developments in British Columbia» (2004) 46 Canadian Journal of Criminology and Criminal Justice 343 184JUSTICE MANITOBA, Justice communautaire, [EN LIGNE] http://www.gov.mb.ca/iustice/criminal/communityiustice.fr.html, page consultée le 3 août 2007.
87
locaux peuvent être différents d'un endroit à l'autre dans leur fonctionnement et dans le
rôle prévu pour la victime. Au Québec, l'approche est plus globale. Le Programme de
sanctions extrajudiciaires et Y Entente-cadre entre le Regroupement des organismes de
justice alternative et Y Association des centres jeunesse du Québec encadrent pour
l'ensemble de la province la gestion des sanctions extrajudiciaires et des initiatives de
justice réparatrice qui, pour l'instant, ne s'appliquent pas dans le cadre judiciaire.
En bref, les initiatives sont de toutes sortes dans les 10 provinces et 3 territoires du
Canada. La LSJPA donne beaucoup de pouvoir aux provinces dans l'établissement des
mesures extrajudiciaires et des mesures judiciaires comme le précise Nicholas Bala :
A major limitation of thèse provisions of the YCJA is that they are essentially permissive; they create no new légal rights for youths and impose no new obligations on governments. It will be up to provincial and territorial governments to décide whether to allow police, prosecutors and local program operators to actually implement thèse provisions. 185
L'un des objectifs de la LSJPA est de diminuer les différences entre les sanctions,
particulièrement en matière de détermination de la peine186. Ces pouvoirs créent,
toutefois, des différences dans l'application de la loi d'une province à l'autre. Cela
permet aux provinces d'effectuer des choix correspondant à leur philosophie respective
en matière de délinquance juvénile.
3- Les similitudes et les différences avec les lois précédentes
La LSJPA propose certaines mesures favorisant la prise en considération des victimes
tout en mettant l'accent sur la responsabilisation du jeune par la confrontation de ce
dernier avec les conséquences de son acte délictuel. Il est intéressant de comparer cette
nouvelle législation avec celles qui ont précédé afin de mettre en lumière les initiatives
185 N. BALA, loc. cit, notel45, par. 7. 186 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4 : art. 38(2)b) la peine doit être semblable à celle qui serait imposée dans la région à d'autres adolescents se trouvant dans une situation semblable pour la même infraction commise dans des circonstances semblables.
88
novatrices qu'elle comporte, tout en répertoriant les origines de ces nouvelles manières
de faire.
a- La Loi sur les jeunes délinquants
La Loi sur les jeunes délinquants ne contenait pas de mesures propres à l'intégration
des victimes. Par ailleurs, des initiatives de mesures extrajudiciaires, où les victimes
avaient la possibilité de participer, ont vu le jour plusieurs années avant l'adoption de la
Loi sur les jeunes contrevenants.
By the 1970s, the fïrst formai diversion programs were being established by various social agencies in Canada and other countries. Police or prosecutors were starting to send youths to thèse community-based programs rather than to juvénile court.187
Lors de la création de la Loi sur les jeunes contrevenants, ce type de programme
alternatif à la voie judiciaire a été pris en considération.
b- La loi sur les jeunes contrevenants
La Loi sur les jeunes contrevenants ne contenait pas de disposition qui énonçait la
prise en considération des droits ou des intérêts de la victime, comme ce qui est prévu
dans le préambule de laLSJPA. Par ailleurs, certains éléments concernaient ces dernières.
Nous examinerons, comme précédemment, les possibilités dans le cadre pénal, puis dans
le cadre des mesures de rechange, ancêtre immédiat des sanctions extrajudiciaires.
Dans le cadre du procès pénal le rôle des victimes n'était pas plus développé que dans
le système de justice pour les adultes. Le juge du procès pouvait imposer certaines peines
où la victime obtenait la restitution de ses biens188 ou le dépôt d'une somme à titre
d'indemnité pour la victime189. Aussi, les résultats d'une entrevue avec la victime
187 N. BALA, loc. cit, notel45, par. 9. 188 Loi sur les jeunes contrevenants, précitée, note 5, art. 20 (1) d) e). 189 M, art. 20(1) c).
89
devaient être présentés dans le rapport pré-décisionnel . Toutes ces mesures se
retrouvent dans la LSJPA avec peu de modifications.
C'est dans le cadre des mesures de rechange que les différences sont les plus
nombreuses. L'article 4 LJC en régissait seul le fonctionnement. L'article 4 (l)a) LJC
précisait qu'il était du ressort des provinces de prévoir les programmes possibles. À la
différence de la législation actuelle, outre quelques critères d'admissibilité et quelques
droits pour l'adolescent, comme celui de la consultation d'un avocat, la forme de mesures
de rechange n'était pas du tout déterminée.
De plus, l'implantation des programmes de mesures de rechange n'était pas
obligatoire. La province ayant été la plus réticente à implanter un processus de ce genre
fut l'Ontario. Le Gouvernement ontarien argumentait, entre autres, que le désir de
diminuer la récidive et la criminalité par l'intermédiaire de mesures de rechange était
ambitieux et conflictuel191. Ce refus de créer un programme a été contesté devant les
tribunaux en 1988. Tout comme la Cour de première instance, la Cour d'appel a
déterminé que l'article 4 conférait une obligation positive de créer un programme de
mesures de rechange et que l'omission de le faire contrevenait au droit à l'égalité prévu à
l'article 15 de la Charte canadienne192. L'Ontario a donc créé des programmes de
mesures de rechange tout en poursuivant la contestation judiciaire.
In June of 1990 the Suprême Court reversed the Ontario Court of Appeal décision in R. v. S.(S.). The Suprême Court observed that s. 4(1) of the YOA provided that "Alternative measures may be used," indicating that there was a discrétion granted to the provincial government as to whether to establish any of thèse programs193.
La Cour suprême a déterminé, d'abord, que l'article 4 ne créait pas une obligation
de créer un programme. Le choix d'établir un programme s'effectue dans le respect du
Loi sur les jeunes contrevenants, précitée, note 5, art. 14. N. BALA, op. cit., note 7, p. 278. Châtre canadienne des droits et libertés, Loi de 1892 sur le Canada, Annexe b, 1982 (R.-U.), ch. 11. N. BALA, op. cit., note 7, p. 278.
90
fédéralisme et de la possibilité de déléguer certains pouvoirs aux provinces. De plus,
l'article 4 n'est pas intra vires puisqu'il est du ressort de Gouvernement fédéral et de sa
compétence en droit criminel. Ensuite, la Cour a jugé qu'il n'y avait pas atteinte au droit
à l'égalité, entre autres, parce que l'article 4 ne créait pas une distinction fondée sur une
caractéristique personnelle.
Malgré cette absence d'obligation pour les provinces, le Québec fut l'une des
premières à implanter un système de mesures de rechange. Ces mesures semblent avoir
été d'une certaine efficacité. L'auteur Nicholas Bala mentionne à ce sujet :
In Québec, the government established programs and policies that encouraged police and Crown prosecutors to divert less serious offenders from the youth court System to either informai community-based alternatives or to the child-welfare system. Under the YOA, Québec had the lowest rate of use of youth court in Canada194
Tout d'abord, dans une perspective plus expérimentale et plus isolée195, un
règlement provincial est venu baliser l'utilisation des mesures de rechanges dès 1986. Le
Programme sur les mesures de rechange autorisé par le ministre de la Santé et le
ministre de la Justice a vu le jour sous l'égide de la UC, tout comme Y Entente-cadre.
En vertu de l'article 165(5) de la LSJPA, le programme établi sous la LJC est réputé être
le programme sous la nouvelle législation et aucun changement important ne lui a été
apporté.
Les éléments de base dans le cadre des mesures de rechange et des mesures
extrajudiciaires sont donc demeurés les mêmes au Québec. Malgré les ouvertures plus
grandes que contient la LSJPA en matière de participation active de la victime, le Québec
a, en quelque sorte, maintenu le statut quo. Il faut mentionner que la province était
194 N. BALA, loc. cit., note 145, par. 21. 195 S. CHARBONNEAU et D. BÉLIVEAU, loc. cit., note 154, p. 59, « Il y a près de vingt ans, naissait à Montréal un organisme communautaire se donnant pour objectif d'offrir aux jeunes contrevenants la possibilité de réparer leurs méfaits tout en évitant le processus judiciaire. Cette première expérience en matière de mesures alternatives à la judiciarisation marque le point de départ d'un mouvement qui va rapidement faire boule de neige au Québec. ».
91
relativement avancée dans l'établissement de mesures où la victime et le jeune délinquant
sont impliqués. Toutefois, nous croyons que la largesse des dispositions de la LSJPA
permettra d'aller plus loin, entre autres en matière judiciaire. Les balises sont mieux
établies, tout en laissant de larges possibilités pour les provinces. De plus, les grands
objectifs de la LSJPA font définitivement une plus grande place aux victimes ce qui
appuierait une plus grande utilisation des mesures participatives.
Dans le cadre de ce chapitre, nous avons examiné l'ensemble des interactions
possibles entre le jeune délinquant et la victime. En matière extrajudiciaire, ce type de
mesures est grandement favorisé et en matière judiciaire, sans être au cœur du libellé des
dispositions, certaines possibilités intéressantes sont incluses comme la possibilité de
créer un groupe consultatif. Nous croyons que, particulièrement dans le cadre des
sanctions extrajudiciaires, les objectifs de prise en considération des victimes et de
responsabilisation des jeunes délinquants sont tout à fait favorisés par le libellé des
dispositions, particulièrement lorsque les mesures s'associent à la justice réparatrice.
Malgré ces ouvertures, nous avons relevé, tout au long du chapitre, diverses
problématiques qui pourraient contrevenir au respect des ces objectifs. Les mesures
d'intégration des victimes doivent se faire dans le respect et dans l'absence de
discrimination. Par exemple, le choix de la victime de ne pas participer doit être respecté
et ne pas influencer les procédures pour l'adolescent. Aussi, dans le cadre d'une
réparation pour la victime, les moyens financiers et la situation personnelle de
l'adolescent doivent être respectés pour éviter toute discrimination. Enfin, malgré que
cela ne soit pas discriminatoire, conformément à la décision R. c. S.(S.)X9(> rendue sous la
Loi sur les jeunes contrevenants, les larges pouvoirs accordés aux provinces peuvent tout
de même entraîner des différences dans l'application des mesures d'intégration des
R. c. S. (S.), [1990] 2 R.C.S. 254 92
victimes, et ce, à rencontre de l'objectif du législateur d'uniformiser les sanctions à
travers le Canada.
Toujours dans l'optique de vérifier la conformité de la mise en œuvre de la loi,
nous procéderons, au cours du prochain chapitre, à l'examen des dispositions dans un
cadre pratique.
93
Chapitre 2
La mise en œuvre québécoise des mesures d'intégration des victimes
Au Québec, en plus du milieu judiciaire, des organismes parajudiciaires et
communautaires travaillent quotidiennement avec cette législation. Au-delà de la
mécanique législative, certaines données liées à l'application de la loi nous permettront
de compléter nos observations. Dans ce dernier chapitre, nous procéderons donc à un
examen de la mise en œuvre des mesures d'intégration des victimes tout en conservant à
l'esprit les objectifs socio-juridiques de la LSJPA.
Nous procéderons d'abord à une analyse de la jurisprudence. Cette source classique
du droit nous permettra de vérifier comment les décideurs ont interprété les dispositions
que nous avons examinées au chapitre précédent. Nous verrons aussi comment et dans
quelle mesure ces dispositions sont utilisées. Pour ce faire, nous analyserons de manière
exhaustive les décisions des tribunaux supérieurs et inférieurs en ce domaine.
Puisque les sanctions extrajudiciaires se font en marge du système judiciaire, la
jurisprudence ne nous apportera probablement pas un éclairage suffisant. De plus, pour ce
qui est des mesures d'intégration des victimes en matière judiciaire, certaines données
quantitatives peuvent s'avérer des plus pertinentes pour nous donner un juste point de vue
sur leur utilisation par les tribunaux. Donc, afin d'examiner la mise en œuvre des
mesures d'intégration des victimes, nous utiliserons d'autres outils qui offrent de plus
larges informations. Les statistiques et rapports gouvernementaux contiennent une
multitude de données pertinentes et récentes qui nous permettront de procéder à cette
analyse.
94
Aussi, nous ferons l'étude des données recueillies par un Organisme de justice
alternative de la ville de Québec, l'Autre avenue. L'expérience «terrain» de cet
organisme est très révélatrice sur la mise en œuvre des mesures d'intégration des
victimes. Notons que tout au long de ce travail de recherche, nous avons discuté avec
divers intervenants du milieu197, ce qui nous a permis d'avoir accès à des informations
des plus intéressantes sur la loi. Sans les utiliser de manière à appuyer notre
argumentaire, nous mentionnerons, à titre informatif, certains éléments que ces
rencontres nous ont permis d'apprécier.
1- L'analyse jurisprudentielle
a- Les tribunaux supérieurs
La Cour suprême du Canada et la Cour d'appel du Québec ne se sont pas
directement prononcées sur le rôle des victimes dans le cadre de la Loi sur le système de
justice pénale pour les adolescents. Les décisions de ces tribunaux ont cependant réitéré
quelques éléments clés concernant cette législation.
En raison de son adoption récente, les décisions de la Cour suprême sur la LSJPA
sont encore très peu nombreuses. En fait, seules quelques décisions ont été rendues par le
plus haut tribunal du pays. L'une d'entre elles concerne la définition d' « infraction avec
violence »198 , une autre est à propos de l'utilisation de la dissuasion générale dans le
cadre de la détermination de la peine199 et une dernière examine les ordonnances de
Julie Dumont, Directrice générale de l'Organisme L'Autre avenue - Serge Charbonneau, Directeur général du Regroupement des organismes de justice alternative - Clothilde Régnier, Déléguée à la jeunesse au Centre jeunesse de Québec. 198 R. c. CD.; R. c. C.D.K., [2005] 3 R.C.S. 668 Définition d'infraction avec violence dans le cadre d'un placement sous garde pour des infractions de port d'arme dans un dessein dangereux, conduite dangereuse, incendie criminel ayant causé des dommages matériel et possession de biens volés. '"/?. c. B. W.P.; R. c. B. V.N., [2006] 1 R.C.S. 941 .Adolescent ayant tué un homme dans une bagarre. L'utilisation de la dissuasion générale dans la détermination de la peine n'est pas un critère prévu par la LSJPA
95
prélèvement génétique pour les adolescents coupables d'une infraction primaire200. Sans
concerner spécifiquement notre sujet, l'une d'entre elle rappelle certains grands objectifs
de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dont l'importance de
l'utilisation des voies extrajudiciaires. À ce sujet, la Cour souligne :
La LSJPA est un texte législatif complexe, qui a apporté des changements majeurs au système canadien de justice pénale pour les adolescents à diverses étapes du processus : en première ligne, en encourageant un plus grand recours aux programmes de déjudiciarisation; lors des enquêtes sur cautionnement, en limitant de façon substantielle la détention avant le procès; et, dans le cadre du processus de détermination de la peine relatif aux adultes, par l'application des peines applicables aux adultes pour certaines des infractions les plus graves, expressément désignées20'.
La Cour suprême, sous l'égide de la Loi sur les jeunes contrevenants, s'est
prononcée deux fois sur les mesures de rechange. Comme nous l'avons soulevé
précédemment, la mise en œuvre provinciale des programmes de mesures de rechange a
été jugée constitutionnelle puisqu'elle ne contrevenait pas à l'article 15 de la Charte
canadienne . Dans cette même perspective, dans R. c. S. (G.) , les magistrats du plus
haut tribunal du pays ont jugé que les provinces pouvaient édicter des règles
d'admissibilité aux mesures de rechange sans contrevenir aux articles 7 et 15 de la Charte
Canadienne. La LSJPA ne modifie pas, selon nous, cette interprétation. Il est toujours du
ressort des provinces de baliser la mise en œuvre de programmes de mesures et de
sanctions extrajudiciaires.
Dans le cadre de la création et de l'adoption de la LSJPA, certains acteurs
québécois se sont prononcés contre plusieurs des dispositions qu'elle contient. Cette
contestation a été judiciarisée. Par l'intermédiaire d'un renvoi à la Cour d'appel du
200 R. c. R.C. [2005] 3 R.C.S. 99. Adolescent de 13 ans accusé d'agression armée contre sa mère. Maintien du refus de la juge de soumettre le jeune à un prélèvement d'ADN. 201 R. c. CD.; R. c. C.D.K, précitée, note 197, par. 19. 202 Supra, p. 89 203 R. c.S.G. [1990] 2 R.C.S. 294
96
Québec, le Gouvernement du Québec a questionné la validité constitutionnelle et
internationale de certaines dispositions de la nouvelle loi204.
L'une des questions présentées concernait les articles 19 et 41, qui sont
fondamentaux en matière de relation délinquanfwictime, puisqu'ils établissent le rôle des
groupes consultatifs. Ce n'est pas le contenu de ces articles qui était au cœur des
préoccupations, mais le pouvoir de légiférer du Gouvernement fédéral. « Le Procureur
général du Québec n'attaque pas la validité de la LSJPA dans son ensemble. Il plaide
toutefois que les dispositions attaquées sont ultra vires puisqu'elles empiètent sur les
pouvoirs des provinces en matière de protection de l'enfance et d'administration de la
justice. » La Cour a jugé ces articles intra vires au pouvoir du Gouvernement fédéral.
Malgré cette contestation sur le pouvoir de légiférer du fédéral, notons que les articles 19
et 41 confèrent tout de même un large rôle pour les provinces. Elles ont le pouvoir de
déterminer les règles de fonctionnement des groupes consultatifs, incluant le rôle des
victimes.
Outre certains principes confirmés ou réitérés, les décisions des tribunaux
supérieurs ne contiennent rien de majeur, à ce jour, au sujet de la relation jeune
délinquant/victime. Afin de poursuivre notre analyse jurisprudentielle, nous nous
attarderons maintenant aux décisions des tribunaux inférieurs.
b- Les tribunaux inférieurs - Cour du Québec chambre de la jeunesse
Toutes les décisions rendues par la Cour du Québec chambre de la jeunesse sont
disponibles sur le site Internet www.jugements.qc.ca. En collaboration avec le Ministère
de la justice du Québec, la Société québécoise d'information juridique fournit sur ce
204 Renvoi relatif au projet de loi C-7 sur le système de justice pénale pour adolescents, RE JB 2003-39418. 205 Renvoi relatif au projet de loi C-7 sur le système de justice pénale pour adolescents, précité, note 202, par. 63.
97
moteur de recherche toutes les décisions de première instance qui ont été rendues depuis
le 24 septembre 2001. Puisque la Loi sur le système de justice pénale pour les
adolescents est en vigueur depuis le Ie avril 2003, nous sommes en mesure de faire une
recherche exhaustive de ces décisions. Donc, afin de vérifier la mise en œuvre des
dispositions prévoyant un rôle pour la victime, nous procéderons à l'examen de
l'ensemble des décisions rendues. Nous diviserons cette analyse en deux parties, soit les
mesures extrajudiciaires et les sanctions judiciaires.
/- Mesures extrajudiciaires
Très peu de décisions rendues en première instance concernent les mesures
extrajudiciaires. Les juges de la Cour du Québec Chambre de la jeunesse n'ont pas à se
prononcer dans ce domaine, puisque ce type de mesures pour les jeunes délinquants
s'opère en retrait du système de justice traditionnel. Les tribunaux ont, par ailleurs, la
responsabilité de contrôler les cas où il y aurait eu abus de procédure ou non-respect de la
justice fondamentale dans le cadre de l'utilisation des sanctions extrajudiciaires206.
Il existe tout de même quelques décisions sur le fondzu/ et sur la forme , mais
aucune ne concerne le rôle des victimes dans le cadre de l'application de ces mesures.
L'analyse de la jurisprudence ne permet aucune conclusion sur la fonctionnalité du rôle
jeune délinquantWictime dans le cadre extrajudiciaire. Dans cette optique, nous
utiliserons ultérieurement d'autres types de données.
206 À titre d'exemple : Le jeune n'a pas à être entendu par le Directeur provincial dans sa décision d'accorder des sanctions extrajudiciaires ou non - Protection de lajeunesse-587, 1993 [R J.Q.] 1138 (C.Q.), décision rendue sous la Loi sur les jeunes contrevenants. 207 LSJPA-0637, C. Q. jeunesse, Sherbrooke, n ° 450-03-006963-061 450-03-006964-069, 5 septembre 2006, j . Michel Dubois- Respect par le juge du refus du Ministère public d'accorder la possibilité d'exécuter une sanction extrajudiciaire. Toutefois, le juge prend en considération dans le cadre de la détermination de la peine que l'affaire aurait pu se régler ailleurs que devant les tribunaux pénaux. 208 La réalisation d'une sanction extrajudiciaire est prise en considération dans le parcours du jeune soit dans le cadre de la détermination de la peine, dans la décision sur le transfert vers les tribunaux pénaux pour adultes. R. c. J.H.C., C. Q., Montréal n°525-03-028393-049, 525-03-029456-043, 21 décembre 2004, j . Denis Saulnier; Procureur général c. X, C.Q., Québec, n° 200-03-011914-042 / 200-03-011915-048, 200-03-011916-046 / 200-03-011923-042,200-03-011938-040, 1 mars 2005, j . Andrée Bergeron.
98
ii- Mesures judiciaires
Nous avons présenté, au cours du chapitre précédent, différents processus et
différentes peines spécifiques pouvant mettre à contribution, plus ou moins activement, la
victime. Dans les décisions de première instance, les victimes ne semblent pas laissées
pour compte. Voici quelques décisions permettant de voir comment la relation jeune
délinquant/victime s'opère dans le cadre judiciaire.
À titre général, de nombreuses décisions209 rappellent, conformément à ce qui est
prévu par l'article 38(3)b), la nécessité de prendre en considération les dommages causés
à la victime par l'adolescent et la possibilité de réparation de ces dommages. À titre
d'exemple, dans une affaire210, la juge Dominique Wilhelmy porte une attention
particulière aux conséquences qu'a vécues la victime afin de déterminer la peine
adéquate.
L'accusé a empêché la victime de se soustraire à ses avances en la maintenant à l'aide de ses genoux, sur un lit. Il était prévisible qu'elle en subirait des conséquences, d'autant plus que la victime est une personne mineure, vulnérable au moment des infractions, et cette vulnérabilité est connue de l'accusé.
Les dommages pour cette victime sont importants. Elle reçoit présentement de l'aide psychologique. Les conséquences pour elle sont donc toujours très présentes, et il est impossible de penser que l'accusé puisse réparer le tort qu'il lui a causé.211
Les dommages causés à la victime et leur réparation sont deux événements distincts qui
peuvent, chacun à leur manière, avoir un impact sur la détermination de la peine. Les
dommages causés à la victime peuvent avoir été importants, mais une réparation faite
avant la judiciarisation du dossier peut démontrer une reconnaissance des dommages et
209 P.G. c. X., C. Q., Rouyn-Noranda, n° 600-03-000964-032, 28 avril 2004, j . Gilles Gendron; J.E, Dans la situation de, C. Q., Montréal, n° 525-03-031048-051, 13 juillet 2005, j . Normand Bastien; R. c. J.G., C.Q., Montréal, n ° 525-03-030826-044, 525-03-030656-045, 525-03-031052-053, 18 janvier 2005, juge Nicole Bernier,; LSJPA-078, C.Q., n°525-03-034564-062, 24 avril 2007, j . Michel Lefevbre. 210 X., C. Q., Montréal, n° 525-03-027626-035, 6 juillet 2004, juge Dominique Wilhelmy, 211 Id., pars. 7-8.
des remords de la part de l'adolescent. Dans l'affaire R. c. X212, rendue sous l'égide de la
Loi sur les jeunes contrevenants, la tentative de réparation rapide envers la victime a fait
partie des éléments qui ont joué en faveur de l'accusé, et ce, malgré l'absence, à cette
époque, du critère de l'article 38(3)2). Le juge précise ceci :
Il semble que, dès le lendemain des événements, l'accusé s'est senti mal vis-à-vis de la victime et tenta, en vain, de s'excuser. Devant le Tribunal, par le biais de son avocat, l'accusé a offert ses excuses à la victime et est prêt à rédiger une lettre à cet effet.213
Dans un autre ordre d'idées, les dommages, qu'ils soient moraux ou patrimoniaux,
causés à la victime sont souvent évalués par l'intermédiaire du rapport prédécisionnel.
Conformément à l'article 40 (2)b), le rapport doit contenir une entrevue avec la victime.
Cette entrevue permet d'évaluer les impacts de l'affaire sur la victime et de déterminer
une peine pour l'adolescent délinquant . Dans d'autres cas, les victimes expriment
directement les conséquences qu'elles ont vécues lors de leur témoignage au tribunal.
C'est à partir de ces témoignages directs que le juge prendra une décision qui inclura les
facteurs de l'article 38(3)2).
Certains juges ordonnent aux jeunes de rédiger une lettre d'excuses à la victime.
Cette lettre a l'avantage de s'adresser à tous les types de victimes, qu'elles soient une
personne physique ou une personne morale216. Les lettres d'excuses sont adressées
directement à la victime de l'infraction, ou même aux victimes par ricochet dans les cas
212 R. c. X., C. Q. Beauharnois, n° 760-03-003570-010, 12 décembre 2002, j . Linda Despots. 213 R. c. X., précitée note 207, par. 249. 214 Pour exemple de positions des victimes par l'intermédiaire du rapport pré-décisionnel voir aussi : LSJPA-0616, C. Q, n ° 540-03-005886-055, 540-03-05834-055,15 novembre 2006, j . Françoise Garneau-Fournier; LSJPA-0639, C .Q., Montréal, n° 525-03-035033-067, 525-03-035180-066, 525-03-035181-064, 19 juillet 2006, j . Anne-Marie Jones. 215A titre d'exemple : LSJPA-067, C. Q., Sherbrooke, n° 450-03-006193-040, 13 février 2006, j . Conrand Chapdelaine. 216 X (Dans le dossier de), C.Q., Trois-Rivières, n° 400-03-005162-041 400-03-005219-049, 12 octobre 2005, j . Daniel Perrault.
100
où la victime est décédée . La victime peut parfois accepter ou refuser de recevoir la -y i Q
lettre . La rédaction et la transmission de la lettre d'excuses dans les délais imposés doit
être respectée, car la non-réalisation de cette mesure peut entraîner un bris de
condition.219 Ce type d'ordonnance s'inscrit directement dans les objectifs de la LSJPA.
Quoiqu'il s'agisse d'une participation passive de la victime, ses besoins sont pris en
considération et la responsabilisation de l'adolescent est favorisée puisqu'il doit faire
directement face aux conséquences de ses actes.
Outre la lettre d'excuses, les juges ordonnent différentes peines en lien avec la
victime, et ce, conformément aux dispositions de la LSJPA. Il est possible, en vertu de
l'article 42, d'ordonner un dédommagement aux victimes. Dans l'affaire LSJPA-078220,
un adolescent de 16 ans avait commis une fraude par carte de guichet. Il n'était pas
l'instigateur direct de la fraude de 14 000$, mais en avait tout de même profité en
recevant 1000$. La victime était une personne morale, soit un collège. Le juge lui a
imposé, en considérant l'ensemble des faits de l'affaire, une absolution conditionnelle.
Toutefois, à titre d'indemnité, le jeune devait verser 500$ au collège contre qui la fraude
a été effectuée.
Les poursuites criminelles ne font pas obstacle aux poursuites civiles. Les
victimes peuvent y récupérer le montant des dommages subis. Dans une affaire où un 991
adolescent avait mis le feu à une école par son insouciance , en plus des multiples
ordonnances, dont une lettre d'excuses, le juge a mentionné qu'une poursuite civile était
en cours :
217 LSJPA-0631, C.Q., Aima, n° 160-03-000041-059, 20 juillet 2006, j . Paul Casgrain; LSJPA-0639, C.Q., Montréal, n° 525-03-035033-067, 525-03-035180-066, 525-03-035181-064, 19 juillet 2006, j . Anne-Marie Jones; P. G. c.X., C. Q., Rouyn-Noranda, n° 600-03-000964-032, 28 avril 2004, juge Gilles Gendron. 218 LSJPA-0632, C. Q., Montréal, n°525-03-034883-066, 525-03-034884-064, 19 juin 2006, j . Carole Brousseau. 219 R. c. X., C. Q, Montréal, n° 525-03-033727-058, 22 décembre 2005, j . Carole Brousseau. 220 LSJPA-078, C. Q., n° 525-03-034564-062, 24 avril 2002, j . Michel Levebvre. 221X (Dans le dossier de), C.Q., Trois-Rivières, n° 400-03-005162-041 400-03-005219-049,12 octobre 2005, j . Daniel Perreault.
101
Évidemment, cet apport que l'adolescent apportera à la société au cours des 12 prochains mois, ne comblera jamais toutes les pertes subies mais cela n'est pas le but de la LSJPA. Cette compensation pour les dommages matériels subis est de toute autre nature et l'adolescent devra en assumer toutes les conséquences dans le cadre des réclamations d'ordre civil qui sont actuellement en cours contre lui222.
La réparation envers la victime peut aussi s'effectuer par l'intermédiaire d'un don
à un organisme travaillant pour les victimes de certaines catégories d'actes criminels. Par
exemple, dans l'affaire LSJPA-067223, l'adolescent a été déclaré coupable de conduite
dangereuse ayant causé la mort. Le jeune s'est vu ordonner de verser un montant de
1000$ à un organisme voué au soutien des familles endeuillées.
Toujours dans la perspective de prendre la victime en considération dans la peine,
il est possible, par l'intermédiaire de mesures de réadaptation et de réinsertion sociale, de
faire comprendre aux jeunes délinquants les conséquences de leurs délits sur les victimes.
Dans l'affaire LSJPA-068224, la juge Carole Brousseau ordonne à l'adolescent de
fréquenter et de participer à un groupe de sensibilisation aux victimes.
Les mesures dont nous venons de discuter n'impliquent pas la victime de façon
active, mais elle est prise en considération et ses besoins sont évalués. La possibilité de
participer activement n'est cependant pas exclue. Certaines décisions rendues depuis
l'entrée en vigueur de la LSJPA entrevoient l'utilisation de méthodes alternatives de
résolution des conflits, telles que la médiation. Pour participer à une médiation, il est
nécessaire que la victime donne son accord. Ce désir peut être contenu dans le rapport
pré-sentenciel225. Aussi, il est possible que le juge ordonne une médiation. Celle-ci peut
avoir lieu dans le cadre de la détermination de la peine. Dans une affaire , le juge
ordonnait une interdiction de contact. Toutefois, le juge prévoyait la possibilité de lever
222 X (Dans le dossier de), précitée, note 216, par. 40. 223 LSJPA-067, C.Q., Sherbrooke, n° 450-03-006193-040, 13 février 2006, j . Conrand Chapdelaine. 224 LSJPA-068, C.Q., Montréal, n° 525-03-032232-050 - 525-03-033599-051 525-03-033600-057, 19 janvier 2006, j . Carole Brousseau. 225 LSJPA-0627, C.Q., Montréal, n° 525-03-032742-058, 18 avril 2006, juge Michel Levebvre. 226 R. c.X., C.Q., Iberville, n° 755-03-001907-040, 755-03-001916-041, 23 novembre 2004, juge Linda Despots.
102
cette interdiction de contact dans la mesure où le jeune se soumettait à une médiation de
style thérapeutique. Dans une autre affaire, le même genre d'ordonnance a été prononcée 997
dans le cadre d'une mise en liberté sous condition en vertu de l'article 105 LSJPA
D'une part, l'analyse de la jurisprudence en matière judiciaire permet de conclure
que les victimes sont effectivement, et conformément aux objectifs de la loi, prises en
considération. Certaines peines, comme la lettre d'excuses, impliquent un geste concret à
leur égard. Aussi, plusieurs peines permettent aux victimes d'être indemnisées ou
dédommagées. Toutefois, en raison du petit nombre de décisions concernant les
approches participatives comme la médiation, nous concluons à une faible utilisation des
mesures permettant l'interaction entre le jeune et la victime. D'autre part, l'analyse de la
jurisprudence ne nous permet pas d'obtenir un portrait exact de la situation, entre autres
en ce qui concerne les mesures extrajudiciaires. Nous devrons donc poursuivre notre
analyse.
2- Les statistiques et rapports gouvernementaux
En matière de droit criminel, le Gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de
Statistiques Canada, produit annuellement une grande quantité de données statistiques
permettant d'établir un portrait adéquat de la situation au pays. Il s'avère intéressant de
faire un tour d'horizon de ces données afin de voir dans quelle mesure les dispositions
permettant une participation des victimes dans le système de justice pénale pour les
adolescents sont utilisées. Dans ces rapports, on retrouve certaines données sur les jeunes
délinquants qui s'avèrent pertinentes. De plus, depuis l'entrée en vigueur de la LSJPA, le
gouvernement a financé plusieurs recherches contenant des données qualitatives et
quantitatives des plus pertinentes. Nous ferons donc une présentation en trois parties
(mesures extrajudiciaires, mesures judiciaires et victimes) dont l'amalgame nous donnera
un aperçu de la situation.
LSJPA-072, C.Q., n°250-03-002063-068, 250-03-002063-068, 26 mars 2007, j . Martin Gagnon. 103
i- Mesures extrajudiciaires
Tout d'abord, nous nous intéresserons aux données liées aux mesures et sanctions
extrajudiciaires. Dès les débuts de la mise en œuvre de la Loi sur le système de justice
pénale pour les adolescents, les données se sont avérées différentes de ce qu'elles étaient
sous la Loi sur les jeunes contrevenants. En 2003, le taux de mise en accusation par voie
judiciaire a chuté. Comme il est mentionné dans le rapport 2003 :
Le taux de jeunes accusés a chuté de 15 % en 2003, mais cette baisse a été compensée par le bond de 30 % du nombre d'affaires impliquant des jeunes qui ont été classées sans mise en accusation. Cela porte à croire que les services de police ont modifié leurs pratiques de mise en accusation pour se conformer à la LSJPA, qui a été adoptée en 2003. Toutefois, il convient de mentionner que toute hausse des jeunes faisant l'objet d'une mesure autre qu'une mise en accusation pourrait être attribuable en partie à une augmentation de la déclaration par la police des affaires dans lesquelles les jeunes n'ont pas été officiellement accusés, en raison des dispositions de la nouvelle LSJPA sur les mesures extrajudiciaires. Le taux combiné des jeunes accusés et de ceux faisant l'objet d'autres mesures qui a résulté était de 5 % supérieur au taux de l'année précédente228.
Cette tendance s'est observée pour toutes les années suivantes229. Dans le rapport 2005,
cette tendance est expliquée ainsi :
La baisse du taux de jeunes mis en accusation pourrait être le reflet de modifications apportées par les services de police quant à leurs pratiques de mise en accusation, afin de se conformer à la LSJPA. Toutefois, il convient de mentionner que toute hausse des jeunes faisant l'objet d'une mesure autre qu'une mise en accusation, comme celle observée en 2003, pourrait être attribuable en partie à une augmentation de la déclaration par la police des affaires dans lesquelles les jeunes n'ont pas été officiellement accusés, en raison des dispositions de la nouvelle LSJPA sur les mesures extrajudiciaires230.
Ces données se confirment dans les rapports de recherche gouvernementaux. Une
étude a été effectuée afin de vérifier l'incidence des nouvelles dispositions de la loi sur
les pratiques policières de mise en accusation des jeunes. Au Québec, la diminution du
228 STATISTIQUES CANADA, Statistique de la criminalité 2003, (2003) no 85-002, vol. 24, no 6, p. 15. 229 STATISTIQUES CANADA , Statistique de la criminalité 2004, (2004) no 85-002, vol. 25, no 5, p. 14 : 2004 : Chute de 6% du taux de mise en accusation; STATISTIQUES CANADA, Statistique de la criminalité 2005, (2005) no 85-002, vol. 26, no 4, p. 13 : le taux est passé de 56% en 2002 à 43% en 2005 -STATISTIQUES CANADA, Statistique de la criminalité 2006, (2006) no 85-002, vol. 27, no 5, P. 7 : Diminution de 1% du taux d'inculpation par la police et augmentation de 6% du taux d'affaires classées sans mise en accusation. 230 STATISTIQUES C A N A D A , Statistique de la criminalité 2004, (2004) no 85-002, vol . 25 , no 5, p . 14.
104
nombre d'accusations, dont nous avons fait état dans les statistiques présentées
précédemment, est très faible. En effet, l'évolution du taux de jeunes pouvant être
accusés a augmenté de 8% au Québec, alors que la moyenne nationale a diminué de 3%.
Cette faible diminution est probablement attribuable à une pratique déjà existante231. Le
Programme de mesures de rechange maintenant devenu Programme de sanctions
extrajudiciaires était déjà établi sous la Loi sur les jeunes contrevenants. L'utilisation du
Programme de sanctions extrajudiciaires se fait donc déjà depuis plusieurs années et le
nombre d'accusations n'a pas massivement diminué avec l'entrée en vigueur de la
nouvelle loi.
Cette augmentation des jeunes dont l'acte délictuel n'est pas traité par une mise en
accusation ne nous permet pas de conclure d'emblée que les interactions victime jeune
délinquant sont plus fréquentes. Par ailleurs, la LSJPA facilite ce contact, tel que nous
l'avons vu précédemment, par l'intermédiaire des sanctions extrajudiciaires. Donc, une
plus grande utilisation de ces dernières pourrait entraîner plus d'interactions entre ces
deux acteurs de l'événement pénal.
Pour l'instant, il n'existe pas de rapport portant exclusivement sur les mesures
extrajudiciaires. Toutefois, il en existe à propos des mesures de rechange prévues par la
Loi sur les jeunes contrevenants. En 1998-1999, la province ayant le plus souvent recours
à ce types de mesure était l'Alberta . Les deux provinces ayant le moins souvent
recours aux mesures de rechange étaient la Colombie-Britannique et l'Ontario233.
L'évaluation des Programmes de mesures de rechange 1998-1999 contient des
informations sur le type de mesures appliquées :
231 P.J. CARRINGTON, J.L SCHULENBERG L'incidence de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sur les pratiques policières de mise en accusation des jeunes : Evaluation statistique préliminaire, Rapport au Ministère de la justice du Canada, 2005, [EN LIGNE] http://justice.gc.ca/fr/ps/yj/research/pcarrington-ischulenberg/index.html page consultée le 29 juillet 2007. 232 STATISTIQUES CANADA, Mesures de rechange pour les jeunes, n 85-002-XIF, vol. 19, p. 11. 233 Id., p. 11.
105
[...] les mesures de rechange imposées le plus souvent aux jeunes dans les secteurs de compétence qui ont fourni des données à ce sujet étaient les travaux communautaires (22 %), suivis de la présentation d'excuses (17 %) et du développement des habiletés sociales (11 %). D'autres types de mesures de rechange ont été privilégiés dans 15 % des cas. La surveillance, les services personnels et le counselling tendaient à être imposés le moins souvent (1 % chacun). Ces données s'apparentent à celles de 1997-1998, où les types les plus courants de mesures de rechange étaient les travaux communautaires, la présentation d'excuses et d'« autres » mesures de rechange234.
Dans les statistiques plus récentes sur la criminalité, le type de mesures extrajudiciaires,
conformément à l'article 6 LSJPA, se répartit ainsi :
Sur les mesures extrajudiciaires déclarées par la police en 2003, 71 % étaient des mises en garde non officielles données verbalement, 12 % étaient des avertissements officiels par la police, 11 % consistaient en des renvois officiels à des programmes de sanctions extrajudiciaires et 6 %, en des renvois non officiels à des programmes,
* . , . . ?35
activités ou organismes communautaires .
ii- Mesures judiciaires
Dans un autre ordre d'idées, nous avons vu précédemment que les dispositions en
matière judiciaire permettent aussi certaines interactions entre le jeune délinquant et la
victime. Par ailleurs, il est très difficile de les observer par l'intermédiaire des statistiques
sur la criminalité au Canada. Néanmoins, certaines données s'avèrent intéressantes.
Dans les tableaux statistiques, les Autres peines incluent les réprimandes,
l'absolution inconditionnelle, la restitution, l'interdiction, la saisie et la confiscation,
l'indemnisation, le remboursement à l'acquéreur, les dissertations, la présentation
d'excuses, les programmes de counselling, la garde et la surveillance différées, la
participation à un programme non résidentiel, les programmes de soutien et de
surveillance intensive et l'absolution sous condition. Les statistiques sur les tribunaux de
la jeunesse 2003-2004 indiquent que pour l'ensemble des causes avec condamnation,
234 STATISTIQUES CANADA, loc. cit., note 228, p. 15. 235 là.
106
36% ont obtenu une Autre peine. Pour l'année 2002-2003, ce pourcentage s'élevait à
31%.
Les données détaillées les plus récentes sur la ventilation de ces Autres peines
proviennent des tableaux de données sur la jeunesse 1999-2000. Dans celles-ci, on peut
observer que les Autres peines sont réparties pour l'ensemble du pays de la manière
suivante : «En 1999-2000, pour l'ensemble du Canada il y a eu 152 indemnités, 21
remboursements à l'acquéreur, 311 indemnités en nature. »236
Certes, plus du tiers des peines qui sont attribuées appartiennent aux catégories de
peines pouvant être en lien direct ou indirect avec la victime, mais ici encore ces données
sont insuffisamment précises pour nous permettre d'émettre des conclusions sur la
relation délinquant\victime.
wï- Victimes
Il existe aussi certaines statistiques concernant les victimes. Les études réalisées ne
concernent pas précisément les délinquants mineurs. De par leur définition, les
programmes de justice réparatrice, tels que les conférences ou les médiations, sont les
plus susceptibles d'entraîner une participation active des victimes. Plus ces types de
programmes sont utilisés, plus les victimes ont la possibilité de participer au processus
pénal. Dans cette optique, il s'avère intéressant de voir, au plan statistique, si ces
programmes sont nombreux. En 2002-2003, un organisme de soutien aux victimes sur six
s'est dit impliqué dans le processus de justice réparatrice.
Plusieurs organismes de services aux victimes ont déclaré fournir des services liés aux mesures de justice réparatrice ou de médiation, soit directement ou
236 STATISTIQUES CANADA, « Tableau 5- Nombre de causes entendues devant les tribunaux de la jeunesse selon la décision la plus importante, 1999-2000 » Tableaux de données sur les tribunaux de la jeunesse 1999-2000, no 85F0030, 1999-2000.
107
au moyen de renvois, sous forme d'accompagnement et de soutien au cours de ces processus (33 % directement) et d'orientation et d'information concernant les processus (22 % directement) (tableau 3). En outre, on a demandé aux organismes s'ils participaient à la prestation et à la coordination de processus de justice réparatrice en matière criminelle. Moins de 1 organisme sur 5 (17 %) a déclaré jouer ce type de rôle dans les activités liées à la justice réparatrice.
Les services relevant de la police étaient les plus susceptibles d'indiquer qu'ils participaient à ces processus (27 %), suivis des services relevant des tribunaux (16 %). Les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle étaient les moins susceptibles d'intervenir (2 %)237.
La place prise par les programmes de justice réparatrice tend à augmenter. Les groupes
de soutien aux victimes font de plus en plus de place à ce mode de justice qu'encourage
la participation active des victimes.
En ce sens, dans un rapport de recherche du Centre de la politique concernant les
victimes, les répondants, soit des professionnels du système de justice et des victimes,
s'accordaient pour dire que les mesures de justice réparatrice sont efficaces pour les
jeunes délinquants lors d'un premier délit. Pour les délits avec violence les réponses
étaient plus mitigées. Cependant, la majorité des personnes s'entendaient sur
l'importance de la consultation de la victime et l'obtention de son consentement avant de
participer à un programme de justice réparatrice.
En somme, les données contenues dans les rapports de recherche et dans les rapports
statistiques nous donnent de nombreuses informations sur l'ensemble du Canada. Par
ailleurs, les données sont insuffisamment précises pour nous permettre d'établir les
modalités de mise en œuvre des dispositions de la LSJPA intégrant les victimes au
processus de justice pénale pour les adolescents.
237 STATISTIQUE CANADA, Aide aux victimes 2002-2003, (2003) vol. 24, no 11. 238 CENTRE DE LA POLITIQUE CONCERNANT LES VICTIMES, L'étude dans de nombreux sites sur les victimes de la criminalité et les professionnels de la justice pénale partout au Canada : Rapport sommaire du sondage, répondants « Services d'aide aux victimes » et « Groupes de revendications », Ministère de la Justice du Canada, 2005.
108
3- L'exemple de l'organisme L'Autre avenue
Comme nous l'avons vu au chapitre trois, les Organismes de justice alternative ont
un grand rôle à jouer dans les interactions délinquant/victime dans le cadre
extrajudiciaire. En plus d'assurer le suivi avec la victime afin qu'elle soit informée des
procédures en cours, ces organismes appliquent des programmes de renvoi et ils réalisent
des médiations entre les délinquants et les victimes. Nous croyons nécessaire d'examiner
le travail des OJA.
L'Autre avenue est Y OJA qui est responsable de la Capitale nationale, et ce, depuis
1982. En plus de couvrir un grand territoire (de Charlevoix à Portneuf, en passant par la
grande ville de Québec), cet organisme a une expérience de longue date. Pour nous
donner un bref aperçu de comment opère la LSPJA sur le terrain, nous examinerons
l'expérience de L Autre avenue. Pour ce faire, nous utiliserons les données de
l'organisme se retrouvant dans son rapport annuel depuis l'entrée en vigueur de la
LSJPA239. De plus, dans un cadre tout à fait informel, nous avons rencontré une
intervenante et la Directrice générale de cet organisme ainsi qu'une Déléguée à la
jeunesse. Ces femmes ont fourni un éclairage important sur leur travail concernant la
relation jeune délinquant - victime.
D'abord, en matière de renvoi, conformément à l'article 6 de la LSJPA, L'Autre
avenue s'est vue référer plus de 100 cas par année240 par les policiers. Trois activités de
sensibilisation d'une durée de deux heures sont offertes aux jeunes, soit une activité sur le
vol à l'étalage, une sur les stupéfiants et une autre sur les impacts de la commission d'un
délit241. Pour l'année 2005-2006, seulement 5% des jeunes n'ont pas participé à
l'activité242.
9 L'AUTRE AVENUE, Rapport annuel 2005-2006. °Af.,p.8. 1 ld., p. 9. 2Id.,p. 10.
109
En ce qui concerne les sanctions extrajudiciaires, les OJA doivent établir un contact
avec la victime. Au cours des années 2003 à 2006, L'Autre avenue a consulté entre 188 et
269 victimes par année . Pour l'année 2005-2006,
Parmi les 203 victimes consultées :
91 ont fait part de leur désir d'obtenir une réparation de la part de l'adolescent impliqué dans les événements
45 ont fait la recommandation d'une sanction à l'égard du jeune
64 ont choisi de ne pas s'impliquer, préférant laisser la justice suivre son cours
3 n'ont pas donné suite à la période de réflexion qu'elles avaient sollicitée lors de notre premier contact auprès d'elles244.
Évidemment, il est du ressort du Délégué à la jeunesse de décider de la sanction finale. Il
peut arriver que les propositions des victimes ne soient pas retenues parce qu'elles ne
sont pas réalisables ou qu'elles sont saugrenues245. Dans cette perspective, 55 mesures de
réparation envers la victime ont eu lieu. Pour le reste des sanctions, il s'agissait de
travaux communautaires, de mesures visant le développement des habilités sociales et de
versements à la communauté.
Le désir de réparation inclut la demande de la victime de participer à une
médiation. En 2005-2006, 15 médiations indirectes et 29 médiations directes ont été
réalisées246. 37 victimes ont participé à cette approche (23 particuliers et 14 personnes
morales). Dans le cadre des médiations, les accords entre l'adolescent et la victime sont
de plusieurs natures, tels que : des excuses verbales ou écrites, des explications, des
travaux au profit de la victime, des compensations financières, des textes de réflexion,
243 L'AUTRE AVENUE, op. cit., note 2407, p. 8. 244 Ici. p. 11. 245 À titre d'exemple, la Déléguée à la jeunesse que nous avons rencontrée a refusé la demande de la victime qui désirait, à titre de compensation, que le jeune lui achète un carton de cigarettes. 246 L AUTRE AVENUE, op. cit., note 2407, p. 13.
110
des travaux au profit d'un organisme sans but lucratif, un don à un organisme de la ,247
communauté .
Les sanctions et mesures extrajudiciaires sont souvent réservées à des situations
délictuelles de moindre gravité. Les données contenues dans le rapport annuel 2005-2006
de l'organisme le confirme. En effet, 35% étaient des infractions contre la propriété248,
18% consistaient en des infractions contre la personne et la réputation249 et 15%250 étaient
des infractions en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances25^.
Notons cependant que L'Autre avenue a eu l'occasion d'intervenir à quelques reprises
dans le cadre d'infractions de plus grande gravité telles que les voies de fait simples, les
introductions par effraction ou les agressions sexuelles. Il faut rappeler qu'il est du
ressort du Substitut au Procureur général, du Directeur de la protection de la jeunesse et
du Délégué à la jeunesse de décider si le dossier d'un jeune doit être judiciarisé ou non.
Lorsque les conditions des articles 10 à 12 LSJPA sont remplies, comme la
reconnaissance de la culpabilité et l'absence d'un passé criminel, il est possible que le
jeune soit transféré vers les sanctions extrajudiciaires pour répondre de son acte délictuel.
La dernière donnée que nous trouvons pertinente concerne les sanctions
judiciaires. Depuis 2003, L'Autre avenue s'est vue confier un seul cas où une mesure de
réparation envers la victime avait été ordonnée suite à un procès pénal. Les statistiques de
cet organisme confirment, pour la région de Québec, la faible utilisation des mesures
d'intégration des victimes dans le cadre judiciaire.
Les données fournies par le rapport annuel de cet organisme permettent de
parvenir à certaines conclusions. Ce ne sont pas toutes les victimes contactées qui
247 L'AUTRE AVENUE, op. cit., note 2407, p. 14. 248 M, p. 21. 249 Id. 250 là.
51 Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C., 1996, c l9 . 111
désirent prendre part au processus. Celles qui ne sont pas intéressées vont suggérer des
peines plutôt liées à la communauté. Pour les autres, encore là, elles ne préconiseront pas
toutes des médiations directes. Toutefois, si l'on se fie aux personnes rencontrées dans
l'organisme, les victimes apprécient beaucoup d'être consultées, de savoir où en est le
processus et de pouvoir émettre une opinion ou une suggestion quant à la sanction que
l'adolescent peut se voir octroyer. Unanimement, les personnes que nous avons
rencontrées suggèrent une utilisation plus systématique de ce genre de processus et
proposent surtout l'ouverture de ce processus à l'ensemble des infractions, même si elles
sont de plus grande gravité. Aussi, elles souhaiteraient des démarches semblables en
matière judiciaire.
Pour les mesures judiciaires, l'analyse de la jurisprudence nous a permis d'établir
qu'il y a, conformément à l'objectif législatif de la LSJPA, une sérieuse prise en
considération de la victime. De plus, certaines peines s'inscrivent directement dans cette
perspective comme la lettre d'excuses ou le dédommagement, ce qui favorise aussi
l'objectif de responsabilisation de l'adolescent face à son acte délictuel. Toutefois, les
interactions directes semblent être très rares au Québec. Les statistiques et données
gouvernementales sont insuffisamment précises pour nous permettre de faire un constat.
Toutefois, nous remarquons que plus du tiers des peines font partie de la catégorie de
celles pouvant être reliées de manière directe ou non aux victimes.
En ce qui concerne les mesures et sanctions extrajudiciaires, il est difficile d'avoir
un aperçu global du rôle des victimes. Certes, l'augmentation de l'utilisation de ce
processus, qui se fait en marge du système judiciaire traditionnel, est de bon augure. Plus
son utilisation est grande, plus il y a des chances que les victimes soient impliquées
activement. Le Programme de sanctions extrajudiciaires québécois va en ce sens,
puisque les victimes sont contactées et les Organismes de justice alternative leur offrent
112
plusieurs possibilités de participation. L'application de ce programme assure une
conformité des dispositions de la LSJPA à l'objectif de prise en considération des
victimes. D'ailleurs, les données des OJA permettent de conclure qu'un certain nombre
de victimes veulent même procéder à une médiation avec le jeune délinquant.
Les constats faits dans ce chapitre et ceux faits dans les chapitres précédents nous
mènent vers certaines conclusions que nous examinerons maintenant.
113
CONCLUSION
La place de la victime dans le système de justice pénale pour les adolescents
s'inscrit dans une large réflexion sur le rôle de cette dernière. Les besoins et les attentes
des victimes ont longtemps été laissés pour compte par la justice pénale, qui les
cantonnait à leur strict rôle de témoin. Comme l'affirme une auteure, la
constitutionnalisation des droits des accusés paraît les avoir isolées encore davantage au
sein du processus judiciaire .
L'apparition de mouvements en faveur des victimes et le développement d'une
discipline relevant des sciences sociales, la victimologie, lui ont toutefois donné une
place nouvelle. Les solutions pour une meilleure prise en considération des victimes sont
multiples et concernent toutes les conséquences vécues par ces dernières dans le cadre de
leur parcours pénal. L'une des solutions proposées, qui a été retenue dans la Loi sur le
système de justice pénale pour les adolescents, est la possibilité pour la victime d'être
impliquée dans les procédures. Rappelons que la majorité des victimes impliquées dans
un processus participatif ont été satisfaites :
Ail comparison of victims' expériences find that victims who participated in médiation or a conférence had greater satisfaction than victims who were involved in a traditional responses to crime. They say that they are better informed and supported, experienced more respect and equity, and appreciate the emotional opportunities. [...] A small minority of victims feel worse after a restorative
253
process.
En plus de permettre à la victime de se sentir respectée, cela permet à l'adolescent d'être
confronté directement avec les conséquences de son acte délictuel.
Par ailleurs, les victimes d'un délinquant mineur doivent ajuster leurs attentes aux
spécificités du système de justice pénale pour les adolescents.
J.-A., WEMMERS, op. cit., note 21, p. 23 L. WALGRAVE, loc. cit., note 40, page 563.
114
In some cases, because of the spécial nature of youth justice and its primary emphasis on rehabilitation and preventing youth crime, it may be inappropriate to give victims the fiill range of rights or entitlements that they would hâve in the adult
254
system .
Entre autres, le mineur délinquant a droit à la confidentialité des procédures. La LSJPA
prévoit certaines exceptions255 mais, de manière générale, la communauté n'a pas accès à
l'information. Outre le fait de savoir que des procédures sont en cours, la victime n'a pas
non plus accès à l'identité du mineur dans le cadre des sanctions extrajudiciaires.
La victime et le jeune délinquant sont des acteurs bien distincts du processus
pénal. Leurs attentes et leurs craintes face au système de justice diffèrent. Pourtant, ce
dernier doit réconcilier les intérêts des uns et des autres. Dans ce contexte, le rôle de la
victime ne peut pas s'articuler autour de ses seuls besoins. Il doit s'inscrire plus
largement dans les modèles théoriques de réponse à la délinquance juvénile. Suivant le
modèle choisi, la victime a un rôle plus ou moins grand à jouer: de simple témoin à
participant actif du processus. C'est dans le cadre de la justice réparatrice que le rôle de la
victime s'avère le plus riche. Suivant ce modèle, l'infraction pénale entraîne une rupture
du tissu social et toutes les personnes impliquées doivent participer à sa réparation, d'où
l'importante présence de la victime dans ce mode de justice applicable aux jeunes
délinquants. L'adolescent doit être confronté aux conséquences de ses actes, dans une
optique de responsabilisation.
C'est dans cette perspective d'une redéfinition du rôle des victimes au sein d'un
modèle de justice encourageant la responsabilisation de l'adolescent que les mesures
d'intégration des victimes s'avèrent les plus pertinentes suivant la Loi sur le système de
justice pénale pour les adolescents.
Kent Roach, loc. cit., note 49, par. 10. Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 110.
115
Malgré la pertinence de ces mesures d'intégration des victimes, soutenue par une
grande popularité « théorique » et de nombreuses études favorables256, le succès de leur
mise en œuvre n'est pas assuré. La deuxième partie de notre étude nous a permis de
relever certains éléments favorables à la participation active des victimes, de même que
certains obstacles. Dans les lignes qui suivent, nous soulignerons les forces de la loi et les
difficultés liées à la mise en œuvre des mesures d'intégration des victimes.
En tout premier lieu, nous nous intéresserons aux éléments plus théoriques. Nous
désirons d'abord souligner deux conditions fondamentales qui, à notre avis, peuvent
assurer un déroulement positif de l'intégration des victimes pour tous les acteurs du
système pénal : le soutien et le respect des droits des victimes et des délinquants.
La LSJPA contient certaines dispositions permettant d'assurer le respect des droits
de chacun des acteurs ce qui est tout à fait favorable à l'application des mesures
d'intégration des victimes. Certains droits fondamentaux en matière de droit criminel
doivent être respectés. En plus de la consultation d'un avocat, tel que prévu par l'article
10(2)d) LSJPA, ou l'admissibilité des déclarations, tel que prévu par l'article 10(3)
LSJPA, le droit de refus du délinquant ou de la victime doit être pris en considération.
Pour l'adolescent, l'article 10(2)c) prévoit cette possibilité.
Pour les victimes, l'article 3(1 )d) LSJPA indique qu'elles doivent subir le moins
d'inconvénients possible dans le cadre de leur participation au système de justice;
qu'elles ont droit à l'information; qu'elles ont le droit de participer et d'être entendues et
qu'elles doivent être traitées avec compassion et respect. Pour le reste, cela relève plutôt
du fonctionnement des programmes de chaque province. Au Québec, le Programme de
sanctions extrajudiciaires et Y Entente-cadre entre les Organismes de justice alternative
et Y Association des centres jeunesse du Québec établissent plus formellement le
Supra, p. 50 et suivantes 116
fonctionnement de la participation des victimes. Pour l'instant, il n'existe pas de
programme similaire en matière judiciaire.
Aussi, nous considérons, comme le soulève le juge Stuart dans le cadre des
cercles de justice communautaires autochtones, l'importante nécessité de soutenir les
victimes, les délinquants et leurs familles dans cette démarche.257 Que ce soit dans le
cadre judiciaire ou extrajudiciaire, le processus juridique est complexe pour le non-initié.
Lorsque la victime est invitée à participer (par exemple dans le cadre d'une approche
alternative de résolution des conflits comme la médiation), le fonctionnement et les
conséquences de sa participation doivent être clairs, surtout que l'implication dans ce
genre de processus est plus émotive pour tous les participants258. La LSJPA contient très
peu de précisions à ce sujet.
Ensuite, il ne faut pas omettre le fait qu'une justice où les victimes peuvent
participer comporte certaines limitations intrinsèques. Les mesures offrant des
possibilités de participation pour les victimes nécessitent l'implication de nombreuses
personnes, souvent en marge du système judiciaire. Au plan technique, et même
financier, ces mesures peuvent s'avérer complexes. Enfin, les mesures de participation
des victimes ne peuvent pas toujours s'appliquer. Les actes délictuels ne font pas toujours
des victimes précises ou identifiables.
En second lieu, au plan pratique, l'application de la loi met en exergue divers
éléments pouvant s'avérer problématiques pour les acteurs impliqués dans le système de
justice pénale pour les adolescents.
Supra, p. 56 et suivantes 258 Nous avons appris dans le cadre de nos rencontres informelles avec l'organisme Y Autre avenue que les rencontres peuvent parfois être très émotives particulièrement lorsque la victime connaît le délinquant; lorsqu'ils font parties du même cercle de personnes.
117
Premièrement, plusieurs éléments sont du ressort des provinces : la création et les
critères d'application des programmes de mesures et de sanctions extrajudiciaires
(articles 7 et 10(2)a) LSJPA), les modalités d'établissement et de fonctionnement des
Comités de justice pour la jeunesse et des groupes consultatifs, etc. D'un endroit à
l'autre, malgré certaines exigences de base prévues dans la Loi sur le système de justice
pénale pour les adolescents, les balises soutenant une participation active de la victime
peuvent différer ce qui, selon nous, peut s'avérer un obstacle. Ces distinctions peuvent
s'inscrire dans une philosophie ou une approche différente relativement à la délinquance
juvénile et évoluer très différemment d'un endroit à l'autre.
Deuxièmement, il nous a été difficile d'analyser la mise en œuvre des mesures
prévoyant un rôle participatif pour les victimes au Québec. La jurisprudence ne nous
permet pas d'évaluer ce qui se fait en matière extrajudiciaire. De plus, les statistiques et
les rapports gouvernementaux sont insuffisamment précis pour permettre une évaluation
complète. Les données fournies par l'organisme de justice alternative l'Autre avenue
nous ont tout de même permis de voir que ces mesures étaient véritablement utilisées.
Cependant, ces données sont très limitées. Elles ne concernent que la ville de Québec et
ses environs. Une analyse complète des données des Organismes de justice alternative
permettrait de connaître l'ensemble de la situation, par exemple le nombre de médiations
jeune délinquanfwictime effectuées annuellement au Québec et une liste des mesures
réparatrices suggérées par les victimes et entérinées par le Délégué à la jeunesse.
Troisièmement, l'analyse de la jurisprudence nous a permis de constater une
faible utilisation des mesures d'intégration des victimes dans le cadre judiciaire. Certes,
la victime est considérée dans le cadre de la détermination de la peine, mais peu de
mesures l'invitent à participer activement au processus. Nous avons remarqué plusieurs
affaires où des juges de la Cour du Québec Chambre de la jeunesse ont ordonné la
rédaction d'une lettre d'excuses aux victimes de l'acte criminel. Nous trouvons ces
ordonnances intéressantes puisqu'elles s'inscrivent directement dans l'optique de
responsabiliser le jeune en le confrontant avec les conséquences de ses actes. De plus, 118
nous avons remarqué une timide utilisation de la médiation. Cette dernière répond
souvent à un besoin de réconciliation entre les acteurs impliqués, surtout lorsque ceux-ci
se connaissent ou qu'ils sont dans les mêmes cercles sociaux.
Tout au long de ce mémoire, notre analyse s'est concentrée sur l'observation des
objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Ces objectifs nous indiquent les visées du
législateur en matière de délinquance juvénile pour l'ensemble du Canada. Puisque les
dispositions ne sont pas particulièrement précises, nous croyons qu'elles offrent de
grandes possibilités pour permettre la participation des victimes. Toutefois, malgré la
largesse des dispositions, l'application de ce genre de mesures est relativement mitigée.
Au-delà des grands principes, il est du ressort de chaque province et de chaque décideur
d'en préciser l'application. Le véritable objectif du législateur est-il d'ouvrir les portes
aux victimes pour répondre à la faveur populaire tout en encadrant timidement les
modalités d'application?259
En somme, les mesures d'intégration active des victimes abondent de possibilités
intéressantes de méthodes alternatives de résolution de conflits pénaux. Tant chez les
délinquants adultes que chez les délinquants mineurs, lorsqu'elles sont utilisées dans le
respect de chacun des acteurs, elles permettent à tous d'être satisfaits de l'issue des
procédures pénales, souvent reconnues pour être moralement difficiles et d'une grande
froideur. Sans prétendre à l'harmonie parfaite entre tous, ce genre de mesures doit
continuer d'être dans la mire des décideurs et des acteurs sociaux qui peuvent en assurer
une évaluation. Parce qu'au-delà du traitement judiciaire du crime, il y a la réalité de
ceux qui y sont impliqués.
Voir à ce sujet : R. HASTING, "Victims", dans R. P. Saunders and J. McMunagle, CriminalLaw in Canada : An Introduction to the Theoretical, Social and Légal Contexts, 4e éd., Toronto, Carswell, 2002, pp. 253-275
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X, C. Q., Montréal, n° 525-03-027626-035, 6 juillet 2004, juge Dominique Wilhelmy, X(Dans le dossier de), C.Q., Trois-Rivières, n° 400-03-005162-041 400-03-005219-049, 12 octobre 2005, j . Daniel Perrault.*
X(Dans le dossier de), C.Q., Trois-Rivières, n° 400-03-005162-041 400-03-005219-049,12 octobre 2005, j . Daniel Perreault.*
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Châtre canadienne des droits et libertés, Loi de 1892 sur le Canada, Annexe b, 1982 (R.-U.), ch. 11*
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Code criminel, L.R.C. (1985), c. 46*
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Loi d'interprétation, L .R.C. (1985), c. 1-21*
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Loi sur les jeunes délinquants, L C, 1908, c. 40*
Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et d'autres dispositions législatives, LQ, c. 4L*
Loi modifiant le Code criminel, L.C. 1988, c.89.*
Loi modifiant le Code criminel en matière d'agression sexuelle et d'autres infractions contre la personne et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, L.C. 1982, c. 127.*
Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C, 1996, c.19.*
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Programme de mesure de rechange, 1986 [(1987) 119 G.O. II, 1563] conformément au décret 788.84 du 4 avril 1984 {Désignation du ministre aux fins d'autoriser un programme de mesures de rechange pour les jeunes contrevenants, (1984) 116 G.O. II, 1825).*
Programme de mesure de rechange autorisé par le ministre de la Justice et le ministre de la Santé et des services sociaux du 7 janvier 1994 (non publié) - Programme de mesures extrajudiciaires *
YoungPerson offenses Act, RSNL, 1990, C. Y-l, art. 4 [EN LIGNE] http://www.hoa.gov.nI.ca/hoa/statutes/yO 1 .htm#4 page consultée 1 août.*
Sites Internet d'organismes gouvernementaux ou communautaires
Association des centres jeunesse du Québec
http://www.acjq.qc.ca/
Association des familles de personnes assassinées ou disparues
http://www.afpad.ca/
Association québécoise Plaidoyer-Victime
http://www.aqpv.ca/
Bureau national pour les victimes d'actes criminels
http://www.publicsafetv.gc.ca/prg/cor/nov/nov-bnv-fr.asp
Centre d'aide aux victimes d'actes criminels
http://www.cavac.qc.ca/
Centre de la politique concernant les victimes
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http://www.justice.gc.ca/fr/ps/voc/index.html
Indemnisation des victimes d'actes criminels
http://www.ivac.qc.ca/index.asp
Ministère de la justice du Québec
http ://www. j ustice. gouv. qc. ca/francais/accueil. asp#
Ministère de la santé et des services sociaux du Québec
http://www.msss.gouv.qc.ca/
Programme justice autochtone dans les provinces canadiennes
http://www.iustice.gc.ca/rr/ps/ais/programs.html
Regroupement des organismes de justices alternatives
http://www.roiaq.qc.ca/