les scÈnes d’exposition · 2017. 5. 23. · séquence 4 - texte 4 5 10 15 acte 1 une chambre à...
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Séquence n° 4
LES SCÈNES D’EXPOSITION
Objet d’étude LE TEXTE THÉÂTRAL ET SA REPRÉSENTATION,
DU XVII° SIÈCLE À NOS JOURS
Perspec'vesd’étude: Etudedesgenresetregistres:comique,drama3que,tragique Théâtreetreprésenta3on
Probléma'que: Querévèlentlesscènesd’exposi3on?
Lecturesanaly'ques:1. Acte I, scène 1 Iphigénie,JeanRacine 2. début de l’Acte I, scène 1 Tartuffe,Molière 3. début de l’Acte I, scène 1 LemariagedeFigaro,Beaumarchais (manuelp.349et350)4. Acte I, scène 1 Hernani,VictorHugo
Autrestextesetœuvrescomplémentaires:1. Scène d’exposition IphigénieàAulis,Euripide 2. Deux représentations du sacrifice d’Iphigénie (fresquedePompéïetcratèrean3que) 3. mises en scène de l’exposition de Tartuffe deMarcelCravenne,JacquesCharon,GérardDepardieuetStéphaneBraunschweig 4. mises en scène de l’exposition du MariagedeFigaro deChristopheRaucketJean-PierreVincent 5. extrait de la « Préface » Cromwell,VictorHugo6. Décors de différentes mises en scène de Hernani (VictorHugo,ComédieFrançaise,AntoineVitez,Chris3neBerg)
Travauxcomplémentaires:•3radedeDonDiègue,ActeI,scène4,LeCiddePierreCorneille,exposi3onduMisanthropedeMolièreetdialogueàproposdubonheurentreCréonetAn3gonedansAn=gonedeJeanAnouilh(DSn°3)•travauxsurl’histoireduThéâtredepuislesoriginesetsurlevocabulairepropreauthéâtre•lecturepersonnelledeDomJuandeMolière,deIphigéniedeRacineetdeHernanideVictorHugo
IPHIGENIERacine
Agamemnon, roi d’Epire, se prépare à attaquerTroie.IldoitdélivrerHélène,frèredesonfrèreMénélas.Maislesventssontcontraires,laflottenepeutpartir.Al’aubeilvienttrouversonserviteur,Arcas.LascèneestenAulide,danslatented’Agamemnon.
ACTEIScènePremière
AGAMEMNON,ARCAS
AGAMEMNONOui,c'estAgamemnon,c'esttonroiquit'éveille:Viens,reconnaislavoixquifrappetonoreille.
ARCASC'estvous-même,Seigneur!QuelimportantbesoinVousafaitdevancerl'auroredesiloin?Apeineunfaiblejourvouséclaireetmeguide.Vosyeuxseulsetlesmienssontouvertsdansl'Aulide1.Avez-vousdanslesairsentenduquelquebruit?Lesventsnousauraient-ilsexaucéscettenuit?Maistoutdort,etl'armée,etlesvents,etNeptune.
AGAMEMNONHeureuxqui,satisfaitdesonhumblefortune,Libredujougsuperbeoùjesuisattaché,Vitdansl'étatobscuroùlesdieuxl'ontcaché!
ARCASEtdepuisquand,Seigneur,tenez-vouscelangage?Comblédetantd'honneurs,parquelsecretoutrageLesdieux,àvosdésirstoujourssicomplaisants,Vousfont-ilsméconnaîtreethaïrleursprésents?Roi,père,épouxheureux,filsdupuissantAtrée,VouspossédezdesGrecslaplusrichecontrée.DusangdeJupiterissudetouscôtés,L'hymen2vouslieencoreauxdieuxdontvoussortez:LejeuneAchilleenfin,vantépartantd'oracles,Achille,àquilecielpromettantdemiracles,Recherchevotrefille,etd'unhymensibeauVeutdansTroieembraséeallumerleflambeau.Quellegloire,Seigneur,quelstriompheségalentLespectaclepompeuxquecesbordsvousétalent,Touscesmillevaisseauxqui,chargésdevingtrois,N'attendentquelesventspourpartirsousvoslois?Celongcalme,ilestvrai,retardevosconquêtes;CesventsdepuistroismoisenchaînéssurnostêtesD'Ilion3troplongtempsvousfermentlechemin.Maisparmitantd'honneurs,vousêteshommeenfin:Tandisquevousvivrez,lesort,quitoujourschange,Nevousapointpromisunbonheursansmélange.Bientôt...MaisquelsmalheursdanscebillettracésVousarrachent,Seigneur,lespleursquevousversez?VotreOresteauberceauva-t-ilfinirsavie?Pleurez-vousClytemnestre4,oubienIphigénie5?Qu'est-cequ'onvousécrit?Daignezm'enavertir.
AGAMEMNONNon,tunemourraspoint;jen'ypuisconsentir.
ARCASSeigneur...
AGAMEMNONTuvoismontrouble;apprendscequilecause,Etjuges'ilesttemps,ami,quejerepose.Tutesouviensdujourqu'enAulideassemblésNosvaisseauxparlesventssemblaientêtreappelés.Nouspartions,etdéjà,parmillecrisdejoie,NousmenacionsdeloinlesrivagesdeTroie.Unprodigeétonnantfittairecetransport:Leventquinousflattaitnouslaissadansleport.Ilfalluts'arrêter,etlarameinutileFatiguavainementunemerimmobile.CemiracleinouïmefittournerlesyeuxVersladivinitéqu'onadoreenceslieux.SuivideMénélas,deNestoretd'Ulysse,J'offrissursesautelsunsecretsacrifice.Quellefutsaréponse!etqueldevins-je,Arcas,Quandj'entendiscesmotsprononcésparCalchas6:«VousarmezcontreTroieunepuissancevaine,Si,dansunsacrificeaugusteetsolennel, Unefilledusangd'Hélène,DeDianeenceslieuxn'ensanglantel'autel.Pourobtenirlesventsquelecielvousdénie, SacrifiezIphigénie".
ARCASVotrefille!
AGAMEMNON Surpris,commetupeuxpenser,Jesentisdansmoncorpstoutmonsangseglacer.Jedemeuraisansvoix,etn'enreprisl'usageQueparmillesanglotsquisefirentpassage.JecondamnailesDieux,etsansplusrienouïr,Fisvoeusurleursautelsdeleurdésobéir.Quen'encroyais-jealorsmatendressealarmée?Jevoulaissur-le-champcongédierl'armée.Ulysse7,enapparenceapprouvantmesdiscours,Decepremiertorrentlaissapasserlecours.Maisbientôt,rappelantsacruelleindustrie,Ilmereprésental'honneuretlapatrie,Toutcepeuple,cesroisàmesordressoumis,Etl'empired'AsieàlaGrècepromis:Dequelfrontimmolanttoutl'Étatàmafille,Roisansgloire,j'iraisvieillirdansmafamille!Moi-même(jel'avoueavecquelquepudeur),Charmédemonpouvoiretpleindemagrandeur,CesnomsdeRoidesRoisetdechefdelaGrèceChatouillaientdemoncoeurl'orgueilleusefaiblesse.Pourcombledemalheur,lesDieuxtouteslesnuits,Dèsqu'unlégersommeilsuspendaitmesennuis,Vengeantdeleursautelslesanglantprivilège,Mevenaientreprochermapitiésacrilège,Etprésentantlafoudreàmonespritconfus,Lebrasdéjàlevé,menaçaientmesrefus.Jemerendis,Arcas;et,vaincuparUlysse,Demafille,enpleurantj'ordonnailesupplice.
Racine,Iphigénie,acteI,scène1,(1674)
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————————1Aulide:régiondeGrècesetrouvantfaceàlavilledeTroie.2Hymen:mariage.3-Illion:autrenomdonnéàlavilledeTroie.4Clytemnestre:mèred’Iphigénieetfemmed’Agamemnon.5Iphigénie:filledeClytemnestreetd’Agamemnon.6Calchas:danslamythologiegrecque,c’estledevinquirévèleàAgamemnonquelesdieuxexigentlesacrificedesafillepourqueleventselèveetquelaflottegrecquepuisseappareillerpourattaquerTroie.7Ulysse:hérosdelaguerredeTroie;c’estluiquial’idéedu«chevaldeTroie».
Séquence 4 - Texte 1
TARTUFFE ACTE I
SCENE PREMIERE Madame Pernelle et Flipote sa servante, Elmire,Mariane, Dorine, Damis, Cléante
MADAME PERNELLE Allons, Flipote, allons, que d'eux je me délivre.
ELMIRE Vous marchez d'un tel pas qu'on a peine à vous suivre.
MADAME PERNELLE Laissez, ma bru, laissez, ne venez pas plus loin : Ce sont toutes façons dont je n'ai pas besoin.
ELMIRE De ce que l'on vous doit envers vous on s'acquitte, Mais ma mère, d'où vient que vous sortez si vite ?
MADAME PERNELLE C'est que je ne puis voir tout ce ménage-ci, Et que de me complaire on ne prend nul souci. Oui, je sors de chez vous fort mal édifiée : Dans toutes mes leçons j'y suis contrariée, On n'y respecte rien, chacun y parle haut, Et c'est tout justement la cour du roi Pétaud.
DORINE Si....
MADAME PERNELLE Vous êtes, ma mie, une fille suivante
Un peu trop forte en gueule, et fort impertinente : Vous vous mêlez sur tout de dire votre avis.
DAMIS Mais....
MADAME PERNELLE Vous êtes un sot en trois lettres, mon fils.
C'est moi qui vous le dis, qui suis votre grand-mère; Et j'ai prédit cent fois à mon fils, votre père, Que vous preniez tout l'air d'un méchant garnement, Et ne lui donneriez jamais que du tourment.
MARIANE. Je crois....
MADAME PERNELLE Mon Dieu, sa sœur, vous faites la discrète,
Et vous n'y touchez pas, tant vous semblez doucette; Mais il n'est, comme on dit, pire eau que l'eau qui dort, Et vous menez sous chape un train que je hais fort.
ELMIRE Mais, ma mère,...
MADAME PERNELLE Ma bru, qu'il ne vous en déplaise,
Votre conduite en tout est tout à fait mauvaise; Vous devriez leur mettre un bon exemple aux yeux, Et leur défunte mère en usait beaucoup mieux. Vous êtes dépensière ; et cet état me blesse, Que vous alliez vêtue ainsi qu'une princesse. Quiconque à son mari veut plaire seulement, Ma bru, n'a pas besoin de tant d'ajustement.
CLÉANTE Mais, Madame, après tout....
MADAME PERNELLE Pour vous, Monsieur son frère,
Je vous estime fort, vous aime, et vous révère; Mais enfin, si j'étais de mon fils, son époux, Je vous prierais bien fort de n'entrer point chez nous. Sans cesse vous prêchez des maximes de vivre Qui par d'honnêtes gens ne se doivent point suivre. Je vous parle un peu franc ; mais c'est là mon humeur, Et je ne mâche point ce que j'ai sur le cœur.
DAMIS Votre Monsieur Tartuffe est bien heureux sans doute....
MADAME PERNELLE C'est un homme de bien, qu'il faut que l'on écoute; Et je ne puis souffrir sans me mettre en courroux De le voir querellé par un fou comme vous.
DAMIS Quoi ? je souffrirai, moi, qu'un cagot de critique Vienne usurper céans un pouvoir tyrannique, Et que nous ne puissions à rien nous divertir, Si ce beau Monsieur-là n'y daigne consentir ?
DORINE S'il le faut écouter et croire à ses maximes, On ne peut faire rien qu'on ne fasse des crimes; Car il contrôle tout, ce critique zélé.
MADAME PERNELLE Et tout ce qu'il contrôle est fort bien contrôlé. C'est au chemin du Ciel qu'il prétend vous conduire, Et mon fils à l'aimer vous devrait tous induire.
[…] Molière, Tartuffe, début de la scène 1 de l’acte I
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ACTE1Unechambreàcoucher.Lanuit.Unelampesurlatable.
ScènepremièreDONAJOSEFADUARTE,vieille;ennoir,aveclecorpsdesajupecousudejais,àlamoded'Isabelle-la-Catholique;DONCARLOS
DONAJOSEFA,seule.Ellefermelesrideauxcramoisisdelafenêtreetmetenordrequelquesfauteuils.Onfrappeàunepetiteportedérobéeàdroite.Elleécoute.Onfrappeunsecondcoup.Serait-cedéjàlui?Unnouveaucoup. C'estbienàl'escalierDérobé.Unquatrièmecoup. Vite,ouvrons!Elleouvrelapetiteportemasquée.EntreDonCarlos,lemanteausurlenezetlechapeausurlesyeux. Bonjour,beauchevalier.Ellel'introduit.Ilécartesonmanteauetlaissevoirunrichecostumedeveloursetdesoie,àlamodecastillanede1519.Elleleregardesouslenezetreculeétonnée.Quoi,seigneurHernani,cen'estpasvous!-Mainforte!Aufeu!
DONCARLOS,luisaisissantlebras. Deuxmotsdeplus,duègne,vousêtesmorte!Illaregardefixement.Ellesetaiteffrayée.Suis-jechezDonaSol?fiancéeauvieuxducDePastrana,sononcle,unbonseigneur,caduc,Vénérableetjaloux?Dites?LabelleadoreUncavaliersansbarbeetsansmoustacheencore,Etreçoittouslessoirs,malgrélesenvieux,Lejeuneamantsansbarbeàlabarbeduvieux.Suis-jebieninformé?Ellesetait.Illasecoueparlebras. Vousrépondezpeut-être?
DONAJOSEFAVousm'avezdéfendudediredeuxmots,maître.
DONCARLOSAussin'enveux-jequ'un.-Oui,-non.-TadameestbienDonaSoldeSiva?parle.
DONAJOSEFA Oui.-Pourquoi?
DONCARLOS Pourrien.Leduc,sonvieuxfutur,estabsentàcetteheure?
DONAJOSEFAOui.
DONCARLOSSansdouteelleattendsonjeune?
DONAJOSEFA Oui.
DONCARLOS Quejemeure!
DONAJOSEFAOui.
DONCARLOSDuègne!c'esticiqu'auralieul'entretien?
DONAJOSEFAOui.
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Cache-moicéans!DONAJOSEFA
Vous!DONCARLOS
Moi.DONAJOSEFA
Pourquoi?DONCARLOS
Pourrien.DONAJOSEFA
Moivouscacher!DONCARLOS
Ici.DONAJOSEFA
Jamais!DONCARLOS,tirantdesaceintureunebourseetunpoignard Daignez,madame,Choisirdecettebourseoubiendecettelame.
DONAJOSEFA,prenantlabourse.Vousêtesdonclediable?
DONCARLOS Oui,duègne.DONAJOSEFA,ouvrantunearmoireétroitedanslemur.
Entrezici.DONCARLOS,examinantl'armoire.
Cetteboîte!DONAJOSEFA,larefermant.
Va-t-ensitun'enveuxpas!DONCARLOS,rouvrantl'armoire.
Si!L'examinantencore.Serait-cel'écurieoùtumetsd'aventureLemanchedubalaiquitesertdemonture?Ils'yblottitavecpeine.Ouf!
DONAJOSEFA,joignantlesmainsavecscandale. Unhommeici!
DONCARLOS,dansl'armoirerestéeouverte. C'estunefemme,-est-cepas,-Qu'attendaittamaîtresse?
DONAJOSEFA Ôciel!j'entendslepasDedonaSol.-Seigneur,fermezvitelaporte.Ellepousselaportedel'armoirequisereferme.
DONCARLOS,del'intérieurdel'armoire.Sivousditesunmot,duègne,vousêtesmorte!
DONAJOSEFA,seule.Qu'estcethomme?JésusmonDieu!sij'appelais?...Qui?-Horsmadameetmoi,toutdortdanslepalais.-Bah!l'autrevavenir;lachoseleregarde.Ilasabonneépée,etquelecielnousgardedel'enfer!Pesantlabourse.Aprèstoutcen'estpasunvoleur.EntreDonaSolenblanc.DonaJosefacachelabourse.
VictorHugo,Hernani,I,1
ExpositiondeIphigénieàAulisd’EuripideAGAMEMNON—Vieillard,sorsdecettetente,etviensici.LEVIEILLARD—Jeviens.Quelesttonnouveaudessein,roiAgamemnon?AGAMEMNON—Tehâteras-tu?LEVIEILLARD—Jemehâte.Non,certes,mavieillessen'estpasendormie:elleabonoeilencore.AGAMEMNON—Quelleestdonccetteétoilebrillantequitraverseleciel?Elles'élanceverslaPléiadeauxseptvoies,maisn'estencorequ'aumilieudesacourse.Onn'entendnilechantdesoiseaux,nilebruitdelamer;etlà,surl'Euripe,setaisentlesvents.LEVIEILLARD—Pourquoisors-tusivitedetatente,roiAgamemnon?ToutreposeencoreicidansAulis1,etlesgardesdesrempartsn'ontpasencoreétérelevés.Rentrons.AGAMEMNON—Heureuxvieillard!heureuxl'hommedontlavies'écouleàl'abridesorages,ignorée,etsansgloire!Maisceuxquiviventdansleshonneursmeparaissentmoinsdignesd'envie.LEVIEILLARD—Làpourtantestl'éclatdelavie.AGAMEMNON—Ewclat trompeur !Cettepuissanceestunedouceur, sansdoute,maisaussiunpoison,dèsqu'onenagoûté.Tantôtcesontlesdieuxqui,pourunritemalobservé,bouleversentnotrevie,ettantôtleshommes,sidifficilesàsatisfaire,dontlaperpétuellecritiquenousdéchire.LEVIEILLARD—Jen'approuvepasuntellangagechezunhommedetonrang,Agamemnon.Cen'estpaspourunbonheursansmélangequ'Atréet'adonnélavie.Tudoiséprouvertouràtourjoieetdouleur:cartuesunmortel, et, que tu le veuilles ou non, tel est l'arrêt des dieux. Mais je t'ai vu faire briller la lumière d'unflambeau,écrirecettelettre,quetutiensencoreàlamain,puiseffacercequetuavaisécrit,ymettrelecachet,puislerompre,etjeteràterrelestablettes2,enbaignanttonvisagedelarmes.Touteslesperplexitésagitenttoncœuretsemblenttroublertaraison.Quelest,dis-moi,quelesttonchagrin?Quet'arrive-t-ildenouveau,ômonroi?Allons,confie-moitapeine:c'estàunhommehonnêteetsûrquetuparleras.CarjadisTyndarem'aenvoyécheztoi,pourfairepartiede ladotdetafemme,etpourêtre lefidèleserviteurquiaccompagne lajeuneépouse.AGAMEMNON — Léda, fille de Thestios, mit au monde trois filles, Phoebé, Clytemnestre, ma femme, etHélène. Celle-ci fut recherchée par les jeunes princes les plus puissants de la Grèce, qui s'envoyaient deterribles menaces, et se préparaient à s'entr'égorger, s'ils n'obtenaient pas la jeune fille. Le cas étaitembarrassantpourTyndare,sonpère,quisedemandaits'ildevaitaccorderourefuserHélène,etcommentilsetireraitlemieuxd'affaire.Voiciquelleidéeluivintàl'esprit.Lesprétendantsdevaientselierpardesserments,la main dans la main, et verser des libations sur la flamme des sacrifices, pour prendre cet engagement,confirméparleursimprécations:quelquefûtceluidontlafilledeTyndaredeviendraitlafemme,ilss'uniraientpourluivenirenaide,siquelqueravisseuremmenaitHélèneloindesonfoyeretfrustraitl'épouxdesacouchenuptiale; ils luiferaientlaguerreetdétruiraientsaville,grecqueoubarbare, lesarmesàlamain.Quandilseurentengagéleurfoi,etquelaprudenceduvieuxTyndareleseûtadroitementamenésàsesfins,ilpermitàsafilledechoisirundesprétendants,celuiversquilaporteraitletendresouffledeCypris3.Ellechoisitl'hommequi n'aurait jamais dû l'épouser,Ménélas.Or, voici que ce berger, qui semêle de juger les déesses, arrive,comme le racontent lesGrecs, de Phrygie à Lacédémone, somptueusement paré, brillant d'or et d'un luxebarbare.IlaimeHélène,s'enfaitaimer, l'enlève,ets'enfuitavecelleverslesprairiesdel'Ida: ilavaitsaisi lemomentd'uneabsencedeMénélas.Celui-cicourtàtraverstoutelaGrèce,pousséparl'aiguillondudésir:ilrappelle l'antique promesse, jurée à Tyndare, de venir en aide à l'époux outragé. Aussitôt les Grecs sesoulèvent,lalanceàlamain,revêtusdeleursarmures,etilsarriventàcetteplagedudétroitd'Aulis,avecungrandappareildenaviresetdeboucliers,dechevauxetdechars.Etc'estmoi,parégardpourMénélas,moi,sonfrère,qu’ilsontprispourchef.Plûtauxdieuxqu'unautre,àmaplace,eûtreçucethonneur!L'armées'estdoncrassemblée:elleestprête.Maisellenepeutmettreàlavoile,etresteimmobileàAulis.Quefaire?NousinterrogeonsCalchas,quinous répondpar cetoracle : Iphigénie,ma fille,doitêtre immoléeàArtémis,quirègnesurcettecontrée:sinousoffronscesacrificeàladéesse,nousobtiendronsunventfavorableetlaruinedeTroie;sinon,toutnousserarefusé.Jevenaisd'entendrecetarrêt,etj'allaisdonnerl'ordreàTalthybios4deproclameràhautevoixquejerenvoyaistoutel'armée:carjamaisjen'auraispumerésoudreàimmolermafille. C'est alors quemon frère, alléguantmille raisons,me fit consentir à cet horrible sacrifice. Je pris destablettes,et,dansleursplis,j'écrivisàmafemmedem'envoyersafille,commepourladonnerenmariageàAchille:jeluivantaisleméritedecehéros,etj'ajoutaisqu'ilrefusaitdefairevoileavecnous,s'ilnerecevaitdenosmains une épouse qu'il emmènerait en Phthie5. Je n'avais que cemoyen de persuader Clytemnestre :inventerpournotrefilleleprétexted'unmariageimaginaire.SeulsdetouslesGrecs,Calchas,UlysseetMénélassaventavecmoilavérité.Mais,sij'aiprisalorsunefunesterésolution,revenuàdemeilleurssentiments,jelarévoquedanscestablettesquetum'asvuouvriretrefermeraumilieudelanuit,ôvieillard.Prends-lesdonc,etparspourArgos.Toutcequerenfermentleursplis,cequ'yatracémamain,jevaistelediredevivevoix,cartuesunfidèleserviteurdemafemmeetdemamaison.LEVIEILLARD—Parle,explique-toi,pourquemesparolessoientd'accordaveccequetuasécrit6.AGAMEMNON—«DescendantedeLéda,parcettenouvellelettre,jetedéfendsd'envoyertafilleversl'ailesinueused'Eubée,dansAulisabritéedesflots.Nousremettonsàd'autrestempslafêtenuptialed'Iphigénie.»
Séquence 4 - Annexes
Sacrificeetmétamorphosed’Iphigénie,cratèreàvoluteduIvesiècleav.J.C.
Lesacrificed’IphigénieFresquedela«MaisonduPoèteTragique»àPompéi.
(entre10et79ap.J.C.)Ce{efresqueauraitpourmodèleuncélèbretableaudisparu
deTimanthedeCythnos(finduVesiècleav.J.-C.)Dimensions:Hauteur138*Largeur140cm
Lieudeconserva3on:Naples,Muséena3onalarchéologique
LEVIEILLARD—Crois-tudoncque,frustrédecemariageAchillenes'emporterapas,enflammédecolère,contretoietClytemnestre?Voilàaussicequ'ilfautcraindre.Qu'enpenses-tu?dis-moi.AGAMEMNON — Achille n'est pas ici une réalité, mais seulement un prête-nom. Il ignore ce mariage, et nesoupçonnepasnosprojetsnilapromessequej'aifaitedeluiremettremafilleentrelesbraspourpartagersacouche.LEVIEILLARD—C'estunepérilleuseentreprise,ôroiAgamemnon,depromettretafilleenmariageaufilsde ladéesse,etdelalivrerauxGrecspourêtreimmolée.AGAMEMNON—Malheureux!j'avaisperdul'esprit.Dansquelleinfortune,hélas!suis-jetombé!Maisva,presselepas,etnesuccombepasàlavieillesse.LEVIEILLARD—Jemehâte,ômonroi.AGAMEMNON—Net'arrêtepasauborddessourcesombragées,etnetelaissepasallerauxdouceursdusommeil.LEVIEILLARD—Ah!parlemieux.AGAMEMNON—Quandtupasserasauxcroisementsdeschemins,jettelesyeuxdetouscôtés,etprendsgardedelaisserpasserdevanttoi,àtoninsu,lecharauxrouesrapidesquiamèneicimafilleverslesnaviresdesGrecs.LEVIEILLARD—Jet'obéirai.AGAMEMNON—Et,sitularencontresaveclesjeunesfillesquisontsortiesdeleursretraitespourl'accompagner,fais-laretournerenarrière,secouelesrênes,etrenvoielecharauxmurssacrésbâtisparlesCyclopes7.LEVIEILLARD—Etcomment,dis-moi,meferai-jecroiredetafilleetdetafemme,quandjeleurparleraientonnom?AGAMEMNON—Conservelesceauqueportentcestablettes.Parsdonc.Vois l'horizonqueblanchissentdéjà labrillanteauroreetlequadrigeenflammédusoleil.Prendspartàmessouffrances.Nulparmilesmortelsn'estjusqu'àlafinfavorisédusortetdesdieux.Personneencoren'estvenuaumondepouréchapperàladouleur.
Euripide,IphigénieàAulis(vers405av.J.C.),traductionHinstin(1923)
Notes1Aulis:Aulisestunportsituésurl’Euripe,détroitentrelecontinentetl’iled’Eubée.AuXVIIesiècleonprenaitAulispourunerégion,d’oùlenom«Aulide»danslapiècedeRacine,quiadeplusl’avantaged’éviterl’hiatus.
2lestablettes:La«lettre»estenréalitéunedoubletablettedeboisenduitedecireetferméeparuncachetquiavaleurdesignature.3Cypris:Autrenomd’Aphrodite–Vénus,néeàChypre4Talthybios:Lehérautdel’arméegrecque5Phthie:VilledeThessaliedontAchilleestleroi6aveccequetuasécrit:Levieillard,esclave,ill’adit,nesaitpaslire7auxmurssacrésbâtisparlesCyclopes:Mycènes,dontlesmuraillessontgigantesques
Tartuffe
miseenscènedeJacquesCharon(1973)
miseenscènedeMarcelCravenne(1971)
miseenscènedeStéphaneBraunschweig(2008)
miseenscènedeGérardDepardieu(1984)
leMariagedeFigaro
miseenscènedeJean-PierreVincent(1987)
miseenscènedeChristopheRauck(2007)
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laiss
er m
ourir
en
déto
urna
nt le
rega
rd ?
CRÉO
N, h
auss
e les
épa
ules
Tu
es
folle
, tais
-toi.
ANTI
GONE
No
n, je
ne
me
taira
i pas
! Je
veu
x sav
oir c
omm
ent j
e m
'y pr
en-
drais
, moi
aus
si, p
our
être
heu
reus
e. T
out d
e su
ite, p
uisq
ue
c'est
tou
t de
sui
te q
u'il
faut
cho
isir.
Vous
dite
s qu
e c'e
st s
i be
au, la
vie.
Je ve
ux sa
voir
com
men
t je
m'y
pren
drai
pour
vivr
e.
CRÉO
N Tu
aim
es H
émon
?
ANTI
GONE
Ou
i, j'a
ime
Hém
on. J
'aim
e un
Hém
on d
ur e
t jeu
ne; u
n Hé
mon
ex
igean
t et f
idèle,
com
me
moi.
Mais
si v
otre
vie,
vot
re b
onhe
ur
doive
nt p
asse
r su
r lui
ave
c leu
r us
ure,
si H
émon
ne
doit
plus
pâlir
qua
nd je
pâli
s, s'i
l ne
doit
plus
me
croir
e m
orte
qua
nd je
su
is en
reta
rd d
e cin
q m
inute
s, s'i
l ne
doit
plus
se s
entir
seu
l au
mon
de e
t me
déte
ster
qua
nd je
ris
sans
qu'
il sa
che
pour
quoi,
s'i
l do
it de
venir
prè
s de
moi
le m
onsie
ur H
émon
, s'i
l do
it ap
pend
re à
dire
«oui»
, lui a
ussi,
alor
s je
n'aim
e plu
s Hém
on.
CRÉO
N Tu
ne
sais
plus
ce
que
tu d
is. T
ais-to
i.
ANTI
GONE
Si,
je s
ais ce
que
je d
is, m
ais c'
est v
ous
qui n
e m
'ent
ende
z plu
s. Je
vous
par
le de
trop
loin
main
tena
nt, d
'un
roya
ume
où vo
us n
e po
uvez
plus
ent
rer a
vec
vos
rides
, vot
re s
ages
se, v
otre
ven
tre.
(Elle
rit)
Ah !
je ris
, Cré
on, j
e ris
par
ce q
ue je
te v
ois à
quin
ze
ans,
tout
d'u
n co
up !
C'es
t le
mêm
e air
d'im
puiss
ance
et
de
croir
e qu
'on
peut
tout
. La
vie t'
a se
ulem
ent a
jouté
ces
pet
its
plis s
ur le
visa
ge e
t cet
te g
raiss
e au
tour
de
toi.
CRÉO
N, la
sec
oue
Te ta
iras-
tu, e
nfin
?
ANTI
GONE
Po
urqu
oi ve
ux-tu
me
faire
tair
e ?
Parc
e qu
e tu
sais
que
j'ai
raiso
n ?
Tu cr
ois q
ue je
ne
lis p
as d
ans
tes
yeux
que
tu le
sais
?
Tu s
ais q
ue j'
ai ra
ison,
mais
tu n
e l'a
voue
ras
jamais
par
ce q
ue
tu e
s en
train
de
défe
ndre
ton
bonh
eur e
n ce
mom
ent c
omm
e un
os.
CRÉO
N Le
tien
et l
e m
ien, o
ui, i
mbé
cile
!
ANTI
GONE
Vo
us m
e dé
goût
ez to
us, a
vec
votre
bon
heur
! Av
ec v
otre
vie
qu'il
faut
aim
er c
oûte
que
coû
te.
On d
irait
des
chien
s qu
i lèc
hent
tou
t ce
qu'
ils t
rouv
ent.
Et c
ette
pet
ite c
hanc
e po
ur
tous
les
jour
s, si
on n
'est
pas
trop
exig
eant
. Moi
, je
veux
tout
, to
ut d
e su
ite, —
et q
ue c
e so
it en
tier —
ou
alors
je re
fuse
! Je
ne
veux
pas
être
mod
este
, moi
, et m
e co
nten
ter d
'un
petit
m
orce
au s
i j'a
i ét
é bi
en s
age.
Je
veux
être
sûr
e de
tou
t au
jour
d'hu
i et
que
cela
soi
t au
ssi
beau
que
qua
nd j
'éta
is pe
tite
— o
u m
ourir
.
CRÉO
N Al
lez, c
omm
ence
, com
men
ce, c
omm
e to
n pè
re !
ANTI
GONE
Co
mm
e m
on p
ère,
oui
! No
us s
omm
es d
e ce
ux q
ui p
osen
t les
qu
estio
ns ju
squ'
au b
out.
Jusq
u'à
ce q
u'il
ne r
este
vra
imen
t pl
us l
a pl
us p
etite
cha
nce
d'es
poir
vivan
te,
la pl
us p
etite
ch
ance
d'e
spoi
r à
étra
ngler
. No
us s
omm
es d
e ce
ux q
ui lu
i sa
uten
t de
ssus
qua
nd il
s le
renc
ontre
nt, v
otre
esp
oir,
votre
ch
er e
spoi
r, vo
tre s
ale e
spoi
r !
CRÉO
N Ta
is-to
i ! S
i tu
te v
oyais
en
crian
t ces
mot
s tu
es
laide
.
ANTI
GONE
Ou
i, je
suis
laide
! C
'est
igno
ble,
n'es
t-ce
pas,
ces
cris,
ces
su
rsau
ts, c
ette
lutte
de
chiffo
nnier
s. Pa
pa n
'est
dev
enu
beau
qu
'apr
ès, q
uand
il a
été
bien
sûr,
enfin
, qu'
il ava
it tu
é so
n pè
re,
que
c'éta
it bie
n av
ec s
a m
ère
qu'il
avait
cou
ché,
et q
ue r
ien,
plus
rien
ne p
ouva
it le
sauv
er. A
lors,
il s'e
st c
almé
tout
d'u
n co
up, i
l a e
u co
mm
e un
sou
rire,
et i
l est
dev
enu
beau
. C'é
tait
fini.
Il n'
a plu
s eu
qu'
à fe
rmer
les
yeux
pou
r ne
plus
vous
voir
. Ah
! vo
s tê
tes,
vos
pauv
res
tête
s de
can
didat
s au
bon
heur
! C'
est v
ous
qui ê
tes
laids
, mêm
e les
plus
bea
ux. V
ous
avez
tous
qu
elque
cho
se d
e lai
d au
coin
de
l'œil o
u de
la b
ouch
e. T
u l'a
s bie
n dit
tout
à l'
heur
e, C
réon
, la
cuisi
ne. V
ous
avez
des
tête
s de
cu
isinie
rs !
Jean
Ano
uilh
, Ant
igon
e (1
944)
5 10
15
20
25
30
35
40
45
50
55
60
65
70
75
80