GÉRARD GUAY

Les secrets de la Virgule

BeQ

Gérard Guay

Diane la belle aventurière # 171

Les secrets de la Virguleroman

La Bibliothèque électronique du QuébecCollection Littérature québécoise

Volume 532 : version 1.0

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Les secrets de la Virgule

Collection Diane la belle aventurièregracieuseté de Jean Layette

http ://www.editions-police-journal.besaba.com/

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Caractères principaux de ce récit

DIANE ROY : Jeune et jolie journaliste dont l’abondante chevelure rousse, la taille svelte et la beauté plastique font depuis longtemps tournoyer les cœurs amoureux de Michel Dupuis et Yvan Pascal. Orpheline, Diane fut adoptée légalement par Ben Laurie, un ami de son père. Devenue journaliste, elle n’a pas son pareil pour damer le pion à ses camarades. Douée d’un cœur d’aventurière, Diane aime le danger et chaque minute de sa vie est remplie d’aventures qu’elle adore.

YVAN PASCAL : Lieutenant de la police de la sûreté municipale de la cité de Montréal, Yvan Pascal possède un corps d’athlète, un cœur d’or et un courage à toute épreuve. Son idéal serait d’épouser Diane, obtenir une promotion et élever une grosse famille en compagnie de la journaliste de ses rêves. Les péripéties aventureuses de la

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jeune fille l’énervent constamment et lui causent parfois beaucoup d’ennuis. Sous cette carcasse rude, le jeune policier possède un tendre cœur qui bat uniquement pour Diane Roy.

BEN LAURIE : Ancien magnat du cinéma à Hollywood, il adopta Diane à la mort de son père. Après avoir vendu tout ce qu’il possédait, le millionnaire se retira à Montréal avec Diane. Rentier depuis plusieurs années Ben Laurie vit, retiré dans son luxueux appartement. Connaissant les goûts de Diane il la présenta à un vieil ami propriétaire du journal La Trompette. Ben Laurie donnerait sa vie pour sauver celle de Diane.

ARCHIBALD COOPER : Propriétaire du journal La Trompette. Très riche, il adore Diane qui lui a parfois causé beaucoup de soucis. Quelques malentendus sont survenus et il a perdu les services de Diane qui est cependant demeurée une amie. Elle est toujours journaliste de métier et Archie, comme l’appellent ses intimes, bénéficie des scoops que la belle aventurière lui apporte.

ANDRÉ ROZON : Jeune homme de très belle

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apparence, qui a été nommé sergent et assistant du lieutenant Yvan Pascal. Policier au fond de l’âme, il admire son supérieur et a pour don d’exaspérer ce dernier par son manque d’expérience.

Personnages épisodiques

LA VIRGULE : Un second Arsène Lupin, qui connaît tout le monde, mais que personne ne connaît. Bâti en athlète, l’inconnu a protégé la belle aventurière, dans toutes ses aventures, au détriment du lieutenant Pascal, qui a juré d’avoir la tête de cet homme qui déclare publiquement son amour pour Diane Roy.

JULIUS MONET : Un grand ami de Diane, qui l’a souvent accompagnée dans plusieurs de ses aventures. Doué d’un cœur d’or largement ouvert à la belle aventurière, le colosse aime les situations dangereuses qui lui permettent de se détendre les muscles.

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MARIETTE MONET : La jeune enfant de dix-huit ans est la fille légitime de Cathy « Smith » Monet. Elle est déjà le petit ange préféré de Julius. Semblable à sa mère, elle est d’une beauté excitante.

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I

André Rozon reposait silencieusement sur un lit d’hôpital, après son accident avec Diane, concernant le vol du fameux collier qui tue. (Voir no. 170)

Le jeune sergent se sentait déjà beaucoup mieux. Un déjeuner d’hôpital n’est pas ce qu’il y a de plus substantiel mais les rôties déjà froides n’étaient pas trop sèches.

André se contenta de faire une petite grimace et, avala son café d’un seul trait.

Lorsque Mariette Monet s’amena pour rendre visite à son fiancé, ce dernier venait de terminer son déjeuner et se contorsionnait inutilement pour prendre son paquet de cigarettes sur la petite table de chevet.

– C’est... houf... que c’est loin ! grognait-il.Ce sont là, les premières paroles qu’entendit la

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jeune fille en entrant dans la chambre du jeune sergent qui essayait vainement de se servir tout seul, handicapé par une jambe et un bras dans le plâtre.

– Mon pauvre chou ! ricana-t-elle. Attends, je vais t’aider.

André cessa immédiatement toutes ses tentatives pour adresser un aimable sourire à sa jeune fiancée, qui s’approcha rapidement de son chevet pour se jeter dans ses bras et éclater en sanglots.

– Allons, allons ! la réconforta le jeune policier. Je n’ai qu’une jambe et qu’un bras de cassés, je n’en mourrai pas.

– Ah ! chéri ; j’ai eu tellement peur ! balbutia Mariette d’une voix noyée par les sanglots qui l’étouffaient.

– Ne crains rien, badina André, heureux de la retrouver dans ses bras. Je vais bien faire les choses, je me rétablirai rapidement, reprendrai mon poste... et ce n’est pas deux membres fracturés qui vont m’empêcher d’épouser la plus

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belle brunette au monde.Il pressa la jeune fille contre lui, avec l’aide de

son bras encore valide et les larmes de joie de sa compagne mouillèrent amoureusement ses lèvres, qu’il appliqua sur les paupières humides.

– Dans quarante jours je serai sur pied ! dit-il. Nous aurons encore trois semaines avant l’heureux événement.

– Je m’excuse d’avoir pleuré comme une entant mais j’ai eu peur, hier soir, lorsque papa m’a appris la nouvelle que tu étais disparu avec Diane.

– Tu avais peur que j’épouse Diane ! badina André.

– Je savais votre vie en danger, tous les deux et qu’Yvan Pascal vous cherchait par toute la ville... et lorsque j’ai appris ce qui était arrivé dans le garage, j’ai soudainement réalisé que... que j’aurais pu te perdre pour toujours !

– Seulement voilà ! reprit joyeusement André. Nous sommes saufs et...

– Et deux membres de cassés ! termina

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tristement la jeune fille.– Mariette !– Oui, mon chéri ?– Tu m’as promis une chose tout-à-l’heure en

arrivant ! reprit André avec malice.– Moi ?– Mon paquet de cigarettes que j’essayais

d’atteindre, sur la tablette, derrière toi... j’ai le goût de fumer !

– Voilà, mon chéri !C’est à cet instant que Julius Monet fit son

entrée, accompagné de Diane Roy et Yvan Pascal.

– Comment vas-tu, mon vieux ? demanda le lieutenant en serrant la main du jeune sergent.

– Le docteur a fait son métier de plâtrier, ricana André, mais ça ne devrait pas durer plus que quarante jours... après quoi, je pourrai me marier... enfin, c’est ce qu’il m’a dit.

– Tant mieux André, je suis heureux pour toi ! reprit Diane. Et je voudrais te remercier encore

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une fois, dit-elle.– Parce que je me suis cassé le bras et la

jambe ? ricana André.– Pour m’avoir sauvé la vie ! reprit

sérieusement Diane, en lui serrant la main.Yvan Pascal s’approcha du lit et posa

gentiment la main sur l’épaule du jeune homme.– Moi aussi, André, je te suis très

reconnaissant d’avoir sauvé la vie de Diane... je... je te dois beaucoup !

– Oublions tout ça ! reprit joyeusement le jeune sergent. Et tâchez de faire de votre mieux, lieutenant, pour épouser Diane le plus tôt possible.

– C’est vrai ! coupa Julius qui n’avait pas encore parlé. Qu’est-ce que vous attendez vous deux pour vous marier ?

– Justement, reprit la belle aventurière, Yvan m’a demandé d’avancer la date de notre mariage, mais cette histoire de collier avait retardé ma réponse... et bien je la donne maintenant !

Elle se retourna vers Yvan Pascal et glissa

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amoureusement son bras sous le sien. Elle dit :– Tu n’as qu’à choisir la nouvelle date ! lui

dit-elle en souriant.– C’est vrai ?... tu acceptes d’avancer le... à la

bonheur, Diane, Diane, tu es sérieuse ? bégaya le lieutenant, fou de joie.

– Je n’ai jamais été si sérieuse de toute ma vie !

– Dis donc, reprit Yvan, si nous unissions notre destinée en même temps que Mariette et André.

– Un mariage double ?– Pourquoi pas, hein ?...– C’est une merveilleuse idée, reprit Mariette

Monet, je vous en supplie Diane, acceptez !– Alors, ça va ! répondit joyeusement la belle

aventurière, allons-y pour un mariage double, le lendemain de la fête du travail.

Une garde-malade entra clans la chambre au même instant et s’adressa au sergent Rozon.

– Une lettre pour vous, M. Rozon ! dit-elle, en

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lui remettant une petite enveloppe blanche.Surpris de recevoir son courrier à l’hôpital, il

dit à la garde :– Je ne savais pas que le courrier arrivait aussi

tôt dans la matinée ?– Oh ! mais la lettre n’a pas été livrée par le

courrier ! expliqua-t-elle. Un monsieur l’a laissée au bureau d’information, il y a cinq minutes.

– Vous connaissez ce monsieur ? demanda André, de plus en plus surpris.

– Non, mais je me souviens qu’il était grand, avait des cheveux bruns, ondulés, était dans la trentaine, avait une petite moustache, des belles dents blanches... un assez beau garçon, ma foi ! ricana la garde-malade avant de se retirer.

– Tu connais quelqu’un répondant à cette description ? demanda Mariette.

– Non, je ne connais personne de cette description ! répéta bêtement le jeune sergent, ne revenant pas de sa surprise.

– Ouvre-la, suggéra Yvan Pascal, c’est peut-être une de tes anciennes flammes dont le mari

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jaloux veut t’avertir officiellement, ricana-t-il.André ouvrit l’enveloppe et en retira une lettre

composée de plusieurs lignes qu’il parcourut avec attention.

L’expression de surprise sur le visage du jeune sergent, répandit l’anxiété qui contamina les autres occupants qui gardaient le silence, durant la lecture.

– Ah ! ça alors... qui peut bien... c’est stupide, balbutia le jeune patient, c’est... fantastique...

– Cesse de parler en paraboles, reprit Yvan Pascal, et explique-nous ce que c’est !

André Rozon regarda son supérieur, droit dans les yeux, semblant hésiter à lui remettre la lettre.

– Tenez... dit-il avec embarras... lisez vous-même.

Yvan prit la lettre d’un geste incertain et lent. Il fixa son assistant du regard pendant que ce dernier ne savait plus s’il devait rire ou garder son sérieux. Il se décida finalement à lire la lettre à haute voix :

– « Sergent Rozon, laissez-moi vous féliciter

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pour votre acte d’héroïsme. Le malheur a voulu que vous soyez l’innocente victime de bandits qui n’ont pas hésité à vous traiter d’une façon brutale en fracturant votre bras et votre jambe. Malgré les douleurs atroces des blessures, vous avez sauvé la vie de la belle journaliste Mlle Diane Roy. Je vous suis reconnaissant, parce que depuis longtemps déjà, je suis un lecteur assidu des exploits de cette belle aventurière, et je dois l’avouer, je l’aime de tout mon cœur depuis toujours. N’eût été de la stupidité de votre supérieur, le lieutenant Pascal, ce malheur ne serait pas arrivé. Et voilà que j’apprends par la lecture du journal « La Trompette » que cet imbécile de policier veut épouser Mlle Roy. Laissez-moi vous dire que je ne permettrai pas que cet idiot, cet incompétent, devienne l’époux d’une femme qui mérite mille fois mieux. Je suis supérieur à votre lieutenant qui ne connaît pas son métier et je suis prêt à le lui prouver n’importe quand. À partir d’aujourd’hui, je suivrai Diane dans toutes ses aventures et la protégerai contre l’amour infecte de l’incompétent policier. Partout où elle ira je la

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protégerai contre le danger, et ce, en dépit du lieutenant Pascal. Dites à Mlle Roy, que je l’aime en silence et que je continuerai de l’aimer jusqu’à la mort. Peut-être qu’un jour, je me déciderai à lui avouer moi-même, mais j’attendrai d’avoir accompli des choses qu’elle saura apprécier. En attendant, saluez votre imbécile de supérieur, embrassez sa fiancée et ayez confiance en moi. Vous me reconnaîtrez désormais, sous le pseudonyme de la VIRGULE ! »

– Ce gars-là est maniaque ! ragea Yvan Pascal. Nous verrons bien lequel est le plus fort, Monsieur la Virgule !

– M. qui ? demanda Julius.– M. la Virgule !... c’est un fou, rien de plus !

aboya le lieutenant Pascal.– Qui peut-il bien être ? demanda Mariette.– Oh ! la ! la ! mes amis, ce que vous vous

emballez pour rien ! reprit Diane avec un sourire. Comme le dit Yvan, c’est probablement un fou, un idiot qui a lu l’article de Julius dans le journal et a décidé d’écrire, c’est tout !

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– Qu’est-ce que tu fais de l’amour qu’il dit avoir pour toi ? demanda Yvan Pascal.

– Oh ! ça, dit-elle en souriant et dans un haussement d’épaules.

– En tout cas ! ragea Yvan ; ça ne se passera pas comme cela. Je vais savoir qui est cet imbécile et l’enfermer avant qu’il devienne dangereux.

– N’oublie pas Yvan, reprit Julius avec ironie, que l’imbécile en question te défie de lui faire la barbe. Il n’a pas pris le pseudonyme de la « Virgule » pour te faire plaisir !

– Des fous de ce genre, reprit Yvan, il ne doit pas y en avoir des centaines, je le trouverai, soyez sans crainte.

Pascal fit une pause.– En tout cas, si j’attrape la fameuse Virgule,

reprit énergiquement le lieutenant Pascal, je saurai lui mettre un point... mon poing sur le nez pour avoir tenté de m’enlever celle que j’aime et surtout pour s’être permis de l’aimer.

– Voyons, Yvan ! reprit sérieusement Diane,

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ne prends pas cet individu au sérieux... c’est probablement un ami à toi qui veut te faire une farce.

– Si c’est une farce, c’est une farce plate !Le médecin entra dans la chambre et tout le

monde oublia la Virgule pour questionner le pauvre docteur qui ne put s’empêcher de sourire devant tant de bonnes intentions.

– Mes amis, déclara le vieux médecin, il n’y a rien à craindre, notre patient s’est fracturé le tibia de la jambe gauche et le radius du bras gauche... seulement les fractures sont douloureuses mais aucunement dangereuses, et j’ai confiance en un rapide rétablissement. Avec la force de l’âge, votre jeune ami ne se souviendra plus de rien le jour de ses noces.

Tous respirèrent de satisfaction à cette bonne nouvelle. Lorsque Julius Monet, Yvan Pascal et Diane sortirent dans le corridor, une manquait à l’appel.

Mariette Monet avait tenu à se faire répéter une deuxième fois, les paroles encourageantes du

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médecin.Avant de partir, c’est avec l’enthousiasme

d’une amoureuse et la grâce d’une gazelle, qu’elle embrassa son fiancé, pour ensuite rejoindre le groupe, dans le corridor de l’hôpital.

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II

Diane avait passé la journée au journal La Trompette, aidant Julius à rédiger un article, concernant quelques agents communistes, passés au pays et dont la mission consistait à obtenir des renseignements sur une nouvelle arme atomique qu’avait inventée un certain professeur Forest.

Le vieux professeur de France, s’était établi au Canada avec sa fille Yvonne pour se dévouer entièrement au service des Nations-Unies.

Une entente entre les pays alliés avait permis au vieux professeur de loger dans un bungalow moderne à Ville Lasalle.

L’apparence extérieure du logis ne divulguait aucunement les instruments de laboratoire, nécessaires à ses recherches, qui étaient bien camouflés dans un sous-terrain secret, creusé sous la terre et s’étendant un demi-mille de long, sur 75 pieds de largeur.

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Les forces de la défense Nationale avaient fait le travail de construction dans le secret le mieux gardé.

Maintenant que des agents communistes avaient déjoué la surveillance, on rendait la chose publique après avoir évacué le laboratoire de Ville Lasalle.

Le vieux professeur avait été déménagé dans un autre quartier de la métropole, dans un endroit qu’il avait lui-même choisi.

Les chefs du pays avaient consenti à ignorer eux-mêmes, la nouvelle résidence de leur savant.

Diane tourna le bouton de la radio. Les nouvelles que venaient d’annoncer la C.B.C., se rapportaient à l’article que Julius avait écrit avec son aide, cet après-midi-là.

Elle décida d’appeler Yvan Pascal avant de se mettre au lit.

– Pauvre Yvan, songea-t-elle. II est obligé de travailler ce soir, pour organiser la surveillance des agents spéciaux du fédéral, qui ont demandé l’aide de la police locale.

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Elle composa le numéro de la sûreté et porta le récepteur à son oreille pour entendre la sonnette au bout du fil.

– Sûreté municipale ! répondit une voix grave et autoritaire.

– Pourrais-je parler au lieutenant Pascal, s’il vous plaît ?

– Je regrette madame, répondit la voix grave du policier en service à la réception. Mais nous avons des ordres formels de ne pas déranger le lieutenant, qui doit être en conférence durant toute la nuit.

– Je n’insiste pas ! reprit la belle aventurière. Je vous remercie !

Elle raccrocha et resta songeuse pendant quelques secondes à rêver au jeune lieutenant qui devait être en furie. Elle songea elle-même à la soirée qu’elle et Yvan s’étaient proposé de passer ensemble.

– Le devoir avant le plaisir, songea-t-elle.Elle se leva pour se diriger vers la cuisinette et

se verser un petit verre de cognac avant de

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s’endormir.C’est à cet instant qu’elle tendit une oreille

curieuse en entendant des pas de course dans le corridor. Elle se redressa sur son séant quand des coups redoublés résonnèrent à la porte, comme si quelqu’un essayait de la défoncer à coups de poings et à coups de pieds.

Elle se leva, sauta en bas de son lit et traversa le salon en courant.

– Ne défoncez pas, Bon Dieu, qui que vous soyez, j’arrive... oui, oui, un instant, vous allez réveiller toute la maisonnée.

Elle ouvrit pour se trouver en face d’une jeune fille, dont les yeux remplis de terreur et la chevelure en désordre monopolisaient la beauté qu’elle semblait posséder.

– Mlle Roy... Diane Roy ? murmura la jeune fille, dans un accent français, dominé par la peur.

La pauvre petite tremblait comme une feuille et les sueurs l’aveuglaient.

– Oui, c’est... c’est moi-même ! balbutia Diane, ahurie par cette visite inattendue.

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La jeune fille parut sourire de satisfaction à travers le masque de frayeur qui ridait son jeune visage et d’un geste rapide, sortit une grande enveloppe brune de son manteau et la mit dans les mains de la belle aventurière.

– Cachez ces papiers secrets immédiatement, cria la jeune étrangère d’une voix rauque et agitée. Ils ont tué mon père et me poursuivent à mon tour... je dois partir... Prenez soin de ces papiers qui ne doivent pas tomber entre leurs sales mains !

Sans attendre une seconde de plus et laissant Diane perplexe, la jeune fille dégringola l’escalier à la vitesse de l’éclair.

– Mademoiselle... cria la journaliste... attendez... mademoiselle !

Le bruit de la porte du portique se refermant brusquement fut la seule réponse qu’obtint la belle aventurière.

Elle referma la porte de son appartement et courut à la fenêtre pour voir la jeune fille qui traversait la rue en courant.

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Une limousine noire tourna le coin de la rue et fonça directement sur la jeune fille qui avait atteint le trottoir d’en face.

La pauvre petite vit la voiture qui allait l’écraser et l’évita de justesse en se jetant dans un portique.

La voiture qui était montée sur le trottoir, s’immobilisa à deux pouces de l’entrée du vestibule où s’était réfugiée la jeune fille.

Deux hommes sautèrent hors de la voiture et en moins de temps qu’il n’en faut pour l’expliquer, saisirent la jeune étrangère et la forcèrent à l’intérieur de l’auto avec l’aide d’un troisième complice, dont les mains saisirent les poignets fragiles pour la tirer à l’intérieur.

La limousine démarra immédiatement, laissant les deux hommes sur le trottoir.

La belle aventurière comprit ce qui allait se passer lorsqu’elle vit les deux individus traverser la rue pour se diriger vers la porte d’entrée de la maison, sous sa fenêtre.

Elle hésita quelques secondes songeant où elle

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pourrait cacher cette enveloppe qu’elle tenait toujours à la main.

Obéissant à la première idée qui lui vint à l’esprit, elle ouvrit la porte donnant sur le corridor et entendit les pas des deux hommes dans l’escalier.

Rapidement, elle leva le bord du tapis qui couvrait la longueur du corridor, glissa vivement l’enveloppe en dessous, et referma rapidement la porte pour éteindre la lumière et courir jusqu’à son lit.

Elle se glissa sous les couvertures et fit semblant de dormir sachant parfaitement que ses visiteurs ne seraient pas arrêtés par la petite serrure qui verrouillait la porte.

– Il faut que je garde mon sang-froid, songea-t-elle avec inquiétude, je n’ai pas le temps de faire autre chose.

Diane avait parfaitement raison car les deux individus ne prirent même pas la peine de frapper.

Elle entendit le bruit d’un passe-partout qu’on

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introduisait dans la serrure et les pas lourds qu’adoucissait le tapis du salon.

La lumière inonda l’appartement et Diane feint d’être surprise en plein sommeil et sursauta dans son lit regardant l’individu qui se rua sur elle pour étouffer le cri qu’elle allait lancer.

– Ne fais pas de bruit, la belle, sinon... tu comprends ? murmura l’individu qui lui serrait la bouche avec sa main humide, lui coupant la respiration.

Elle comprit que la pointe qui lui piquait la gorge, allait rougir de sang si elle faisait un geste de plus.

L’homme enleva sa main de sur sa bouche et, arborant un sourire cynique, il appuya la lame du couteau et la força à se coucher la tête sur l’oreiller.

– Où est l’enveloppe ? demanda-t-il.– Quelle enveloppe... bon Dieu je... je ne

comprends pas ! balbutia-t-elle faiblement sentant la douleur de la pointe froide contre sa gorge.

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– Ne fais pas l’innocente, sinon...À cet instant, la lumière s’éteignit et le bruit

d’un coup de poing s’abattant sur une mâchoire fut suivi de la chute d’un corps.

L’homme qui tenait Diane, se leva avec rapidité, murmurant quelques paroles incohérentes et se dirigea vers le salon, d’où venaient les bruits du court combat.

Diane entendit les claquements produits par une série de formidable coups de poings qui résonnèrent dans l’obscurité. L’individu qui l’avait tenue à la pointe de son couteau grogna de douleur plusieurs fois avant de se taire et de s’écraser dans un bruit sourd.

Diane réalisa que quelqu’un était venu à sa défense.

Elle allait se lever lorsqu’elle vit la silhouette élancée d’un homme qui se tenait dans l’embrasure de la porte de sa chambre.

Elle essaya sans succès de reconnaître l’homme qui s’avança lentement vers le lit.

– Qui... qui êtes-vous ? demanda-t-elle avec

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incertitude.– Peu importe, murmura une voix stérile et

modulée, je vous aime Diane Roy et personne ne vous fera de mal quand je serai près de vous.

Avant que la belle aventurière ne revienne de sa surprise, l’homme la souleva dans ses bras et se dirigea vers la salle de bain.

– Je regrette mais j’ai un petit boulot à terminer avant de partir... ! dit-il en la plaçant debout au milieu de la salle de bain.

Il la saisit dans ses bras et lui appliqua un baiser sur les lèvres, avec douceur et passion.

– Je vous aime ! murmura-t-il.Et avec la vitesse du son, il referma la porte

qu’il verrouilla de l’extérieur.Diane alluma la lumière et colla l’oreille à la

porte. Elle entendit l’homme qui bougea dans l’appartement pendant une quinzaine de minutes, après quoi elle l’entendit revenir vers elle.

Risquant le tout, elle éteignit la lumière et s’apprêta à sauter sur cet inconnu.

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– Ce n’est peut-être pas un malfaiteur, songea-t-elle, mais je veux savoir qui c’est.

Elle l’entendit déverrouiller la porte de l’extérieur et l’attendit de pied ferme.

Elle fut surprise d’entendre refermer la porte de l’appartement et réalisa que l’inconnu n’était venu que déverrouiller la porte de la salle de bain avant de quitter les lieux.

Elle ouvrit, alluma la lumière et courut vers la porte. Lorsqu’elle l’ouvrit, elle vit avec stupéfaction, que l’inconnu était disparu comme il était venu. Elle regarda sous le tapis du corridor, mais l’enveloppe n’y était plus.

Perplexe et mystifiée, elle revint au salon et remarqua avec surprise, les deux hommes qui s’étaient introduits chez elle.

Les deux individus étaient couchés par terre, sans connaissance, arborant chacun un œil au beurre noir et liés ensemble à l’aide des cordons de la draperie, que l’inconnu avait arrachés de la fenêtre pour attacher les deux bandits.

Diane vit un papier blanc de quelques pouces

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carrés qui était tombé à côté des deux hommes.Elle ramassa le papier et parcourut avec

surprise, les quelques mots inscrits sous un petit dessin représentant une virgule tracée au crayon noir.

Chère Mlle Roy,Je vous aime et vous protégerai dans toutes

vos aventures. Je vous en supplie, n’épousez pas ce lieutenant qui ne peut même pas vous aimer ! Les papiers sont entre bonnes mains.

Votre défenseurLa Virgule.

La belle aventurière sourit malgré elle, flattée par l’attention particulière que lui portait cet homme qui semblait vraiment extraordinaire.

Elle décida d’appeler Yvan et anticipait déjà le plaisir de lui annoncer la nouvelle lorsqu’une voix grave retentit au bout du fil.

– Sûreté municipale, sergent Ralier à

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l’appareil !– Mlle Roy, sergent ! s’identifia Diane.

J’aimerais parler au lieutenant Pascal... c’est très important !

– N’avez-vous pas appelé tout à l’heure, mademoiselle ?

– Oui, oui, je sais que le lieutenant est en conférence avec les agents spéciaux du gouvernement.

– Alors, vous voyez qu’il est dangereux de le déranger ! ricana le sergent Ralier, qui connaissait bien la fiancée d’Yvan.

– Je crois qu’il serait plus dangereux de lui cacher la vérité que je veux lui raconter ! badina la belle aventurière.

– C’est si important que cela ? demanda sérieusement le policier.

– Il s’agit d’une intrusion dans mon appartement, expliqua Diane et les intrus sont des membres du parti ennemi qui ont enlevé le professeur Forest... et qui, il y a quelques instants, ont aussi enlevé sa fille Yvonne qui

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sortait d’ici.Sans attendre d’autres explications, le sergent

répondit brusquement :– Un instant, mademoiselle Roy, je vous mets

en communication avec le lieutenant Pascal !Diane entendit les quelques déclics qui

signalaient le changement de communication et la voix rageuse d’Yvan qui lui pinça l’oreille pour la forcer comiquement à éloigner le récepteur d’un geste de surprise.

– J’ai dit que personne ne devait me déranger, sergent Ralier, que veulent dire ces manières stupides de désobéissance ? beugla Yvan Pascal.

– Je m’excuse mon chéri ! reprit câlinement la jeune fille. Mais c’est pour t’annoncer que deux bandits ont été capturés dans mon appartement, par le gentil monsieur « La Virgule ».

– La... quoi ? s’écria Yvan avec surprise.– La Virgule ! reprit Diane avec malice. Ce

gentil inconnu m’a sauvé de leurs pattes.– Écoute Diane, sois raisonnable, veux-tu ?

supplia Yvan, ce n’est pas le temps de rire et de

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badiner !– Je ne ris pas, mon chéri, reprit Diane, et je

badine encore moins, je t’assure... puisque deux membres du parti ennemi, qui ont enlevé la fille du professeur Forest après avoir tué ce dernier, sont sur le plancher de ma chambre à coucher, ligotés comme des saucissons, par ton ami et mon admirateur, La Virgule !

– Je... tu veux dire que... ah ça alors... pfiou... ne bouge pas de là, Diane, nous arrivons !

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III

Dix minutes, au plus, s’étaient écoulées lorsque le lieutenant Pascal se présenta à la demeure de Diane.

Il entra, suivi de trois agents spéciaux du gouvernement fédéral et de quatre policiers en uniformes.

La belle aventurière désigna les deux hommes ligotés au pied de son lit et qui semblaient vouloir se réveiller avec surprise.

Yvan ne dit pas une parole et prit place dans un fauteuil du salon pendant que les quatre policiers en uniforme, s’occupaient à aider à la sortie des deux prisonniers.

Le tout se fit avec rapidité et en silence. Lorsque les prisonniers furent partis avec leur escorte policière, les trois hommes du fédéral prirent place sur un divan que leur désigna la

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belle aventurière.Les trois hommes attendirent avec l’intention

que le lieutenant ouvre le bal.Yvan sembla deviner l’intention des agents

spéciaux et brisa le silence qui devenait pesant et énervant.

– Nous attendons des explications, Diane ! prononça-t-il, presqu’avec gêne.

La belle aventurière leur expliqua brièvement ce qui s’était passé, sans omettre aucun détail.

– Et cet homme, mademoiselle, s’enquit un des agents fédéraux, pourriez-vous le reconnaître ?

– Non, je ne l’ai vu que dans l’obscurité ! reprit Diane.

– Tu n’as jamais entendu sa voix, tu n’as pas reconnu sa silhouette, rien ? demanda Yvan avec amertume.

– Sa voix n’était qu’un murmure ! reprit Diane avec un air songeur, et sa silhouette, grande et élancée, les épaules larges... c’est tout !

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– Ce n’est pas ce qu’il y a de plus révélateur comme indice ! répondit Yvan, avec découragement. C’est vraiment tout ce que tu peux...

– Si j’en connaissais davantage, coupa poliment la belle aventurière, je le dirais.

– Je m’excuse d’insister, mademoiselle, reprit gentiment un des agents spéciaux, mais nous aimerions savoir si la jeune fille vous a expliqué ce que cette enveloppe contenait ?

– Elle m’a dit que c’était la formule secrète de son père, mais malheureusement je n’ai pas eu le temps de vérifier. Ces deux individus sont montés immédiatement et je n’ai eu que quelques secondes pour glisser l’enveloppe sous le tapis du corridor.

– Et le numéro du permis de la voiture des hommes qui ont enlevé la jeune Forest...

À cet instant précis, le téléphone sonna et la belle aventurière décrocha après s’être excusée auprès des policiers.

– Allô... pardon... oui, oui c’est moi !

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– Vous avez la visite de la police, mademoiselle, reprit la voix mystérieuse que reconnut Diane.

– Oui, vous avez raison ! répondit-elle.– Vous pouvez leur dire que le numéro du

permis de la voiture des bandits, est 275-211 de votre province... au revoir !

La belle aventurière, de plus en plus impressionnée par cet homme formidable, resta bouche bée au bout de la ligne.

– Qui est-ce ? demanda Yvan qui avait remarqué la confusion de la jeune fille.

– La Virgule ! répondit bêtement Diane,Comme un ressort déclenché avec vigueur,

Yvan Pascal se précipita vers l’appareil et signala le numéro du Bell Téléphone.

– Ici, lieutenant Pascal de la sûreté municipale... un homme vient de parler au numéro Welton 1-1262. Dites-moi immédiatement d’où venait cet appel ?

– Je regrette lieutenant, mais il nous est impossible de retracer l’appel, il est déjà trop

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tard.Yvan Pascal rabattit le récepteur avec force et

rage.– Qu’est-ce qu’il voulait ? demanda-t-il à

Diane.– Me donner des informations concernant la

voiture des ravisseurs d’Yvonne Forest !– Quoi ?– Le numéro est 275-211... licence du Québec,

voilà ce qu’il a dit !Celui qui semblait le chef des agents fédéraux

sortit un calepin et inscrivit le numéro de la licence.

– Vous a-t-il révélé le genre de voiture que ces hommes conduisaient ? demanda-t-il à Diane.

– Non !– Très bien, nous retrouverons facilement la

voiture avec le numéro.Il plaça le calepin dans sa poche et se leva,

accompagnés de ses deux acolytes qui l’imitèrent.

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Les trois agents remercièrent Yvan et Diane avant de prendre congé.

– As-tu au moins, une idée de l’identité de cet individu ? demanda Yvan, dont la mauvaise humeur s’était accrue .depuis ce coup de téléphone.

– Je regrette Yvan, mais je n’ai aucune idée, je t’assure... mais je dois avouer que cet homme a toute mon admiration.

– Bon, te voilà partie ! reprit Yvan,– Non, ce n’est pas ça, reprit Diane, mais son

courage et sa ruse...– Oui, oui, je sais... il t’intrigue ! termina

amèrement le lieutenant.– Yvan, voyons, ne fais pas cette tête-là !– Excuse-moi, chérie, mais cet inconnu, je...

je... ah ! oublions ça... tu m’aimes ?– Beaucoup plus que La Virgule ! badina

malicieusement la belle aventurière, en lui offrant ses lèvres.

La caresse d’Yvan coupa la respiration de la

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jeune fille qui, malgré elle, ne pouvait éteindre la curiosité qu’elle ressentait de connaître cet être mystérieux qui lui avait déclaré son amour.

– Tu es froide, Diane ! reprocha Yvan avec un faible sourire.

– Quoi ? demanda-t-elle, perdue dans ses pensées.

– Cet homme occupe ton esprit d’une manière dangereuse !

– Excuse-moi, Yvan, c’est... c’est plus fort que moi.

– Espérons qu’une bonne nuit de sommeil t’aidera à songer sérieusement que je t’aime toujours de plus en plus et que rien de malheureux ne brisera notre bonheur.

– Qu’est-ce que tu vas chercher là, mon pauvre Yvan ? ricana Diane. Je suis intriguée par cet homme mais je t’aime, Yvan ! Sois sans crainte, mon chéri... le lendemain de la fête du travail, plus exactement le 8 septembre...

– Nous nous épouserons ? questionna Yvan avec angoisse.

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– Ce sera le plus beau jour de ma vie ! souffla la belle aventurière.

Leurs lèvres unirent leurs sentiments mutuels dans une caresse sincère.

– Il faut que je parte, chérie ! reprit Yvan. Je te reverrai ce matin.

– Bonsoir, Yvan !– Je lui en veux, ricana le lieutenant, mais je

dois avouer qu’il t’a peut-être sauvé la vie.– N’en parlons plus, Yvan, pas ce soir, hein ?– Très bien... au revoir !Après le départ d’Yvan, la belle aventurière

décida de communiquer la nouvelle à son ami Julius Monel pour permettre à l’hercule d’être le premier journaliste à donner la nouvelle à son journal.

– Julius ?... je m’excuse de t’éveiller au milieu de la nuit, mon vieux, mais j’ai un scoop sensationnel pour toi.

– Je te remercie, à l’avance Diane, je ne dormais pas de toute façon !

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– Eh bien, voilà la nouvelle, expliqua Diane.Et elle raconta au journaliste, l’aventure de la

soirée et les informations que lui avait données La Virgule.

– Dis donc, ricana Julius. C’est presqu’un second Arsène Lupin, ton admirateur, il connaît tout le monde mais personne le connaît.

– Seulement, moi, j’aimerais le connaître, Julius, cet homme m’épate.

– Oh ! oh ! Voilà le lieutenant Pascal aux prises avec un autre compétiteur.

– Ce n’est pas si grave que ça ! ricana Diane. Mais j’avoue que cette fois, le compétiteur est vraiment fort.

– Tu ne deviens tout de même pas amoureuse d’une Virgule ? ricana sincèrement le gros Julius.

– J’espère que non, Julius... enfin, tu as ta nouvelle, moi je suis rendue à bout de force... je te reverrai au journal, demain, hein ?

– Bon, ça va, Diane... et encore une fois, merci. Tâche d’oublier La Virgule !

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– J’essaierai d’y mettre un point ! badina Diane. Bonsoir !

– À demain, petite !

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IV

Un homme, bâti en athlète, vêtu d’un complet impeccable et coiffé d’un chapeau mou rabattu sur des yeux qui brillaient comme des diamants, attendait patiemment au coin d’une petite rue d’un vieux quartier, fumant une cigarette d’un air nonchalant.

La Virgule jeta son mégot, quitta le trottoir d’un pas lent, traversa la rue en ligne diagonale et entra dans un petit restaurant ouvert toute la nuit.

Depuis deux heures déjà que l’inconnu attendait avec patience l’arrivée de l’aveugle qui venait de le précéder à l’intérieur de l’établissement.

Il prit place à une table, près de la vitrine et une waitress abîmée, dont les mâchoires mobiles luttaient désespérément contre une gomme-baloune, s’approcha pour lui demander d’une voix de tôle, dépourvue de politesse :

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– Pour vous ? demanda-t-elle brusquement.– Un café noir, s’il vous plaît ! reprit

calmement La Virgule.La serveuse s’éloigna en balançant des

hanches énormes.La Virgule surveilla les agissements de

l’aveugle qui avait pris place sur un tabouret, au bout du comptoir.

Les yeux maintenant ouverts derrière ses lunettes fumées, le supposé aveugle conversait à voix basse avec le commis derrière le comptoir.

Le commis poilu et sale dont le visage de singe était décoré d’oreilles énormes s’exécuta à créer un sandwich au jambon destiné à l’aveugle qui rangeait ses crayons dans une petite boîte de bois.

La Virgule accepta son café avec un sourire d’émail adressé à la serveuse, en signe de remerciement et paya sa commande sans quitter l’aveugle et le commis, du coin de l’œil.

Il vit le commis placer quelque chose à l’intérieur du sandwich, avant de le placer dans

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un sac pour le remettre à l’aveugle qui le remercia et se leva pour sortir.

Sans bouger, La Virgule regarda partir l’homme et à travers la vitrine, le suivit des yeux, jusqu’à ce qu’il disparaisse au coin de la rue.

Il avala son café d’un seul trait et sortit nonchalamment. Une fois à l’extérieur, il courut rapidement vers le coin de la rue pour apercevoir le faux aveugle qui, se croyant seul, venait d’accélérer le pas après avoir enlevé ses lunettes fumées.

– Il semble voir très bien où il va, pour un aveugle ! songea malicieusement l’inconnu.

L’aveugle traversa la rue un peu plus loin et s’engouffra à l’intérieur d’une maison dont l’apparence extérieure révélait l’âge avancé de la vieille construction.

S’encastrant fidèlement dans l’entrée d’une maison voisine, l’homme resta dans l’ombre, immobile et patient.

L’heure entière qu’il consacra à la longue attente, porta fruit lorsqu’il aperçut l’aveugle,

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sortant de la maison.Le faux infirme avait revêtu un tailleur léger et

propre, ses cheveux en broussaille étaient maintenant peignés avec goût et les lunettes fumées n’avaient plus leur place devant ses yeux grands ouverts qui balayèrent les environs avec incertitude.

Ne voyant personne et ignorant la présence de l’homme qui le surveillait de sa cachette, il traversa la rue pour s’engager dans une ruelle.

La Virgule se glissa comme une ombre pour emboîter le pas à l’individu qui monta dans une voiture bleue stationnée dans la cour arrière.

Les phares de la voiture éclairèrent la ruelle, en même temps que le moteur ronfla sous le fonctionnement du démarreur.

La Virgule mit son agilité au service de sa protection. Réalisant que les phares allaient trahir sa présence dans le passage étroit, il sauta habilement de l’autre côté de la clôture de bois qui le séparait de la cour d’où sortait la voiture.

Il atterrit sur ses deux pieds, derrière la voiture

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qui s’engageait dans la sortie de la cour.Avec la rapidité du son et la ruse d’un renard,

il prit son élan et sauta sur le pare-choc arrière de la voiture.

Ses mains d’acier cramponnées solidement au couvre-pneu de métal qui décorait la valise de la voiture américaine, il resta dans cette position courbée, invisible pour le conducteur de la voiture qui fila lentement vers la rue.

Sortant un couteau à ressort de sa poche, La Virgule se pencha et fit une large entaille dans le pneu luxueux de la roue arrière. Il sauta dans la ruelle et se cacha derrière une poubelle en même temps que le faux aveugle immobilisait la voiture, roulant sur seulement trois roues rondes.

Il étouffa un gloussement de rire en entendant les injures du conducteur qui venait de vérifier l’état lamentable de son pneu.

La Virgule plaça un large mouchoir blanc sur le bas de son visage et s’avança derrière l’homme qui avait déjà commencé à enlever le couvre-pneu métallique sur la valise.

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– Haut les mains ! prononça un murmure de voix métallique.

Le faux aveugle se retourna d’un geste rapide et resta figé dans un regard d’effroi devant la vue de cet homme bâti en athlète, vêtu d’un complet foncé, les yeux brillant avec malice dans l’ombre du rebord de son chapeau.

Un éclair de surprise traversa le regard du faux aveugle.

Le justicier qui lui braquait un revolver sous le nez, avait le bas du visage recouvert d’un mouchoir blanc. Ce qui le mystifiait davantage, était la large virgule noire qui décorait ce mouchoir.

– Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda bêtement le faux aveugle.

Et d’un geste maladroit, il fonça sur son surveillant.

La Virgule ne bougea même pas de place. Son poing d’acier fracassa le nez de l’homme qui recula dans un gémissement de douleur.

Il remit son revolver dans sa poche et releva

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l’individu par le revers de son veston. De son poing droit, il faillit lui décoller la tête de sur les épaules.

Le faux aveugle leva de terre et se retrouva sur le dos dans les poubelles, accompagné d’un bruit de ferraille et de mille chandelles de toutes les couleurs.

Avant qu’il ne réalise ce qui lui arrivait, un coup de judo sur la nuque lui effaça la mémoire.

*

Diane venait de s’endormir lorsque le téléphone la fit sursauter.

Le cœur dans la gorge, la belle aventurière sortit de son sommeil et tendit le bras pour prendre le récepteur.

– Allô !– Je suis désolé de vous déranger mon amour,

mais j’ai un cadeau pour vous !Diane se réveilla complètement en

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reconnaissant la voix de son admirateur mystérieux.

– Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.– La Virgule... celui qui vous aime en silence !

répondit la voix, avec passion et douceur. Peu importe qui je suis, vous le saurez lorsque vous aurez appris à m’aimer autant que je vous aime.

– Écoutez-moi attentivement ! reprit La Virgule. Rendez-vous immédiatement aux coins des rues Saint-Jacques et de La Montagne. Sous le pont qui traverse la rue Saint-Jacques, vous verrez une voiture américaine de couleur bleue ; les clefs seront dans le compartiment à gants. Vous conduirez cette voiture à la sûreté et en ferez cadeau à votre ami, le lieutenant Pascal.

– Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Diane, avec indignation, vous volez des autos maintenant ?

– Le numéro de la licence de la voiture américaine, est 275-211 ! expliqua la voix mystérieuse. Dans la valise arrière, un homme est solidement ligoté et attend avec impatience d’être

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livré au lieutenant Pascal.– Qui est cet homme ? demanda Diane.– Un des hommes qui ont enlevé la jeune fille

du professeur Forest et qui se fait passer pour un aveugle qui vend des crayons sur la rue Sainte-Catherine... au revoir mademoiselle Roy, et toute mon admiration, vous êtes jolie et je vous aime... clic !

Diane s’habilla à la hâte et se fit conduire en taxi, sur la rue Saint-Jacques, à quelques cents pieds de la rue de La Montagne.

Elle vit la voiture sous le pont et tenta de repérer la présence de La Virgule, mais les alentours étaient déserts.

Elle haussa les épaules avec découragement et monta dans la voiture bleue, et trouva les clefs à l’intérieur du compartiment à gants.

Elle poussa le démarreur et lança sa voiture en direction de la sûreté en réfléchissant à cet être formidable. Son cœur d’aventurière ne pouvait s’empêcher de battre d’admiration pour un homme comme celui-là.

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Elle dût s’avouer qu’elle nourrissait des tendres sentiments pour cet inconnu dont le charme invisible l’attirait et le souvenir du baiser dans l’obscurité de sa chambre éveilla des sentiments qu’elle aurait voulu refouler au fond du cœur.

– Je croyais aimer Yvan d’un véritable amour, songea-t-elle avec amertume. Et pourtant, cet inconnu m’attire irrésistiblement, je ne veux pas, mais c’est plus fort que moi.

Secouant la tête pour chasser ses idées troublantes, elle accéléra le moteur et le ronronnement força son attention sur la route qui se déroula comme un long ruban sous la carrosserie luxueuse.

Elle immobilisa la voiture devant l’entrée centrale de la sûreté, descendit et grimpa rapidement les marches de pierre.

– Diane, où vas-tu ?Elle se retourna pour apercevoir Yvan qui

sortait par la dernière porte de gauche.– J’allais te chercher, répondit-elle.

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– À cinq heures du matin ? demanda Yvan, complètement ahuri.

– Viens avec moi !Le lieutenant suivit la belle aventurière qui

ouvrit la portière de la voiture pour retirer les clefs qui pendaient de l’ignition.

– À qui est cette voiture que tu... ah ! ça alors ! cria Yvan. C’est la voiture qui porte le numéro que La Virgule t’a donné cette nuit ?

– Et c’est lui qui m’a donné la voiture avec un colis empaqueté dans la valise arrière ! reprit Diane en lui tendant les clefs.

Yvan lui jeta un regard soupçonneux, s’empara des clefs et ouvrit la valise arrière pour apercevoir un homme ficelé et bâillonné solidement.

Le pauvre individu semblait dormir paisiblement, ne se doutant pas de sa destination.

Yvan aperçut un papier de quelques pouces carrés épinglé à l’habit du prisonnier. Il se pencha pour lire les quelques lignes griffonnées sous la grosse virgule dessinée au crayon noir.

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Au lieutenant Pascal.Avec mes hommages.

Cet homme peut vous dire où est détenue la jeune fille du professeur Forest.

Celui qui ne vous aime pas mais qui aime votre fiancée.

La Virgule.

– La maudite Virgule, encore une fois ! ragea Yvan, en déchirant le papier avec colère. Diane Roy, tu vas me dire qui est cet homme ; si c’est lui qui t’a donné cette voiture et son contenu, tu le connais !

– Mais je t’assure, Yvan...– Suis-moi... vite, vite, suis-moi... Nous allons

causer, causer tous les deux.Se retenant pour ne pas rire, la belle

aventurière obéit à son lieutenant et grimpa les marches de pierre d’un pas lent.

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V

Il était dix heures ce soir-là quand le lieutenant Pascal revint à l’appartement de sa fiancée.

– Vous avez réussi à obtenir des renseignements, j’espère ? demanda Diane.

– Ces gars-là sont comme la tombe ! répondit tristement Yvan Pascal, visiblement découragé et fatigué.

– Ils ne veulent pas parler ?– Oui, et d’un côté, on ne peut pas les blâmer.

Nous n’avons aucune preuve contre eux, et ils le savent, sois sans crainte.

– Tu as l’air fatigué, mon pauvre Yvan, reprit d’une façon sympathique la belle aventurière.

– Tu oublies peut-être que je n’ai pas fermé l’œil depuis deux jours et deux nuits.

– Alors, va te reposer, Yvan. Je te reverrai demain... peut-être serez-vous plus chanceux.

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– Comment ça ? demanda Yvan avec monotonie.

– La Virgule nous apportera peut-être les preuves que nous cherchons.

– La Virgule ? ragea Yvan. C’est tout ce que tu sais dire, depuis hier soir... La Virgule !

– Tu es injuste, Yvan, cet homme m’a peut-être sauvé la vie hier soir.

– Oui, oui, je sais ! répliqua Yvan avec impatience.

– Et tu oublies que c’est lui qui a capturé les trois prisonniers que vous détenez à la sûreté... il faut tout de même lui accorder le mérite qui lui revient, ne crois-tu pas ?

– D’accord, tu as raison... mais, n’empêche que cet individu s’est moqué de moi et continue son petit jeu de te faire la cour.

– Qu’est-ce que ça peut bien faire ? demanda Diane.

– Diane ! supplia Yvan Pascal. Je t’aime et je ne voudrais pas te perdre.

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– Qu’est-ce qui te fait croire que tu vas me perdre, hein ?

– Je le sens, Diane... je le sens !– Alors, tu n’as pas confiance en moi ?– Ce n’est pas ce que je veux dire, ma chérie...

je sais que tu es sincère mais je connais aussi ton caractère.

– Eh bien, dis-le, reprit amèrement Diane, tu me considères volage, ne te gêne pas, lieutenant, vas-y, dis-le.

Yvan regarda Diane d’un œil morne et avala sa salive avec embarras et gêne.

– Ton cœur est étrange, Diane, reprit-il tendrement, tellement étrange que tu ne le connais pas toi-même. Ton cœur d’aventurière est incurable, ma chérie... J’ai un méchant pressentiment, c’est tout..

– Excuse-moi Yvan, mais je crains que tu aies raison.

– Tu l’aimes cet inconnu ?– Non, il m’intrigue, voilà tout.

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– Moi... je t’aime d’une sincérité à toute épreuve, Diane. Je ne te demande qu’une chose : sois sincère, ma chérie, si tu l’aimes et que tu es malheureuse de m’avoir fait des promesses, dis-le moi pour que je prenne les choses telles qu’elles sont. Je ne suis plus un petit garçon qui vit dans un monde de rêves. Mais ton amour que je croyais vrai m’avait ramené à vivre comme cela, heureux, rêveur, plein d’espoir...

Diane coupa la conversation en lui encerclant le cou de ses jolis bras roses. Elle souda ses formes au jeune lieutenant et lui offrit ses lèvres en silence.

Yvan accepta le geste comme un enfant prodigue qui revient d’un long voyage où tout n’a été que peine et désillusion.

*

Une heure plus tard, Julius Monet avait terminé son travail et sortait, par la porte à l’arrière de l’édifice où logeait le journal « La

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Trompette » pour aller prendre sa voiture, lorsqu’il reconnut la voix qui prononça son nom.

– Julius !– Diane, qu’est-ce que tu fais ici, à minuit ?– Montons dans ta voiture, reprit la jeune fille,

j’ai un service à te demander.Les deux amis montèrent dans la voiture de

Julius qui se dirigea vers la campagne à la demande de Diane.

Elle semblait songeuse et l’hercule n’osait pas la questionner, sachant parfaitement que la jeune fille avait des graves raisons si elle agissait de cette façon.

La voiture roulait déjà depuis deux heures sur la route numéro 2 et Julius devenait de plus en plus curieux des agissements étranges de la belle aventurière.

Ils venaient de traverser la ville de Trois-Rivières et s’engageaient sur le pont qui traverse la rivière Saint-Maurice.

– Tourne à gauche, sur la route 19, Julius ! prononça Diane.

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Julius obéit au commandement de sa compagne et vira à gauche pour continuer sur la nouvelle route, respectant le silence que semblait apprécier sa compagne.

Ils roulèrent encore pendant une heure pour traverser un autre pont et se trouver au centre de Shawinigan Falls.

– Arrête un instant, Julius ! demanda Diane.– Qu’est-ce qu’on fait dans ces parages ?

questionna l’hercule sympathique qui brûlait de curiosité.

– As-tu une carte de route ?– Oui, bien sûr.Julius ouvrit le compartiment à gants et en

sortit une carte de la province. Diane l’ouvrit et à la lueur de faibles lumières, l’étudia quelques instants.

– Voilà, c’est là ! s’écria la jeune fille.– Voilà quoi ? ricana Julius. Et qu’est-ce qui

est là ? comme tu dis ?– Julius, tu vas suivre la route 19, jusqu’à

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Grand-Mère, tu traverseras le pont.– Où est-ce qu’on va ? badina l’hercule, au

pôle Nord ?– Au lac Caribou ! répondit Diane.– C’est encore loin ? demanda Julius en

scrutant la carte de route que Diane étudiait toujours.

– Continuons sur la route 19 jusqu’à Matawin, expliqua Diane, on m’a assuré qu’un petit chemin mène au lac.

– Qui ? demanda Julius.– Hein ?– Je te demande qui t’a assuré tout ça ?– La Virgule.– C’est lui qui nous envoie jusqu’ici ?– Oui, il m’a téléphoné ce soir pour

m’informer que la fille du professeur Forest est prisonnière dans une vieille cabane à sucre au lac Caribou.

– Alors qu’est-ce qu’on attend ? reprit Julius en accélérant. Allons-y parbleu, j’ai hâte de faire

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de la culture physique.La voiture roula deux autres heures et nos

amis assistèrent au lever du soleil avant d’arriver à Matawin vers cinq heures et demie du matin.

– Fatigué, Julius ? demanda Diane.– Oui, un peu, mais toi, tu tombes de sommeil.– C’est sans importance Julius, nous irons au

lac Caribou, ce soir. En attendant, nous dormirons à l’hôtel.

Un vieux à longue barbe les regarda de travers lorsque nos amis demandèrent à être logés pour la journée.

– C’est ma fille ! ricana Julius, devinant la pensée de l’aubergiste qui respira de satisfaction à cette déclaration.

Julius et Diane furent conduits au deuxième étage de la vieille auberge où deux chambres propres et ensoleillées leur furent assignées.

Les deux amis se donnèrent rendez-vous pour six heures du soir et gagnèrent leur lit respectif pour apprécier le confort des vieux matelas de plumes et respirer l’air pur de la campagne qui

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s’infiltrait largement par les immenses fenêtres donnant sur la rivière Saint-Maurice, offrant une vue magnifique des splendeurs de la nature, étalées dans toute leur pureté.

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V

Yvan Pascal ruisselait de sueurs et la rage l’aveuglait. Depuis deux jours que lui et ses hommes cuisinaient les trois prisonniers, les harcelant de questions, proférant des menaces pour les faire dire où était la jeune fille du professeur Forest.

– Nous ne savons pas de quoi vous parlez ! protestait le faux aveugle. J’ai été attaqué par un fou qui s’est présenté avec un mouchoir blanc qui lui couvrait le bas du visage. Une grosse virgule dessinée sur le mouchoir me fit croire à une farce plate, mais j’ai changé d’idée quand l’imbécile m’a assommé sans raison. Je me suis réveillé, ligoté et prisonnier dans la valise d’une automobile d’où vous m’avez délivré pour me retenir prisonnier. Vous êtes tous des maudits fous... exactement comme le maniaque qui m’a assommé.

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– Je ne l’ai pas demandé de me raconter ta vie, beugla le lieutenant Pascal. Je veux simplement savoir qui vous a engagés pour enlever Yvonne Forest ?

– Je ne connais pas Yvonne Forest et je n’ai été engagé par personne !

Et cette scène s’était répétée une dizaine de fois depuis les deux derniers jours. Yvan Pascal tremblait de rage et son impatience le porta à diriger son poing sur la gueule du faux aveugle.

– Ramenez-le aux cellules ! aboya Yvan.

*

Il faillit piquer une crise d’hystérie lorsque le concierge de l’immeuble lui apprit la nouvelle.

– Mademoiselle Roy est sortie depuis hier soir après votre départ,

– Elle n’est pas encore revenue ? demanda Yvan avec inquiétude.

– Non, pas de la nuit.

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Yvan était rongé d’inquiétude lorsqu’il remonta dans sa voiture pour se diriger vers le journal « La Trompette ».

Archibald Cooper, le riche propriétaire du journal était en conversation avec l’oncle adoptif et millionnaire de Diane.

– Moi aussi, Ben, criait orgueilleusement le gros Archie, lorsque je suis revenu de mon voyage de pêche, aucun de mes amis...

Yvan Pascal coupa l’histoire de pêche lorsqu’il entra en trombe dans le bureau.

– Où est Diane, M. Laurie ? demanda-t-il avec angoisse.

– J’arrive ce matin, mon pauvre vieux ! déclara Ben Laurie. Comment veux-tu que je sache... ne me dis pas que ma nièce est encore dans la soupe chaude.

– Oui, M. Laurie ! reprit Yvan avec ironie. Dans la soupe aux alphabets où la lettre dominante baisse le pavillon devant l’énorme virgule qui monopolise le goût du bouillon communiste.

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– Maintenant que tu as prononcé ta parabole, ricana Ben Laurie, tu peux t’expliquer.

Yvan raconta les aventures des deux derniers jours et la disparition de Diane depuis son départ de la veille.

– Demandons à Julius, il le sait peut-être ! suggéra Archie Cooper qui imbibait son sixième mouchoir avec les sueurs qui l’aveuglaient continuellement.

– Est-il dans son bureau ? demanda Yvan.– Je crois, il est passé onze heures, reprit

Archie.Yvan sortit en vitesse pour se diriger vers

l’étage inférieur où logeait l’hercule pendant ses heures de travail.

Il ouvrit la porte, prêt à poser la question qui le rongeait.

– Julius, sais-tu où est...Le silence du bureau l’accueillit avec

angoisse. Il grimpa les marches au bout du corridor pour retourner annoncer au patron de Julius que ce dernier manquait aussi à l’appel.

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– Il a pu être passé tout droit ! expliqua Archibald Cooper, il a travaillé tard, hier soir.

Lorsqu’Yvan Pascal retourna à la sûreté, il laissa derrière lui la contagion de son inquiétude.

Ben Laurie et Archie Cooper ne comprenaient pas les agissements étranges de Diane et de l’hercule.

– Qui est cet homme qu’on surnomme la Virgule ? demanda Ben Laurie.

– Si je le savais, reprit Archie, son nom s’étalerait en grosses lettres sur la première page de mon journal.

– Archie Cooper, ragea Ben Laurie, tu es un ingrat !

– Comment ça ?– Ton employé et ma nièce sont disparus

depuis hier soir. Un individu étrange et dangereux défie les forces constabulaires, déclare publiquement son amour à Diane : le parti communiste enveloppe ce mystère en y assassinant un savant à l’emploi du gouvernement...

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– Et alors ? demanda Archie avec incertitude.– Et tu penses toujours aux grosses lettres de

la première page de ton maudit journal !La contagion d’inquiétude s’était répandue

dans les esprits qui s’échauffaient dangereusement et les deux vieux amis s’engueulèrent pendant des heures.

*

En arrivant à son bureau, Yvan eut la tâche ingrate de participer à l’enquête sur la découverte du corps d’un homme qu’on avait retrouvé quelques heures plus tôt, au fond du canal Lachine, à proximité du pont de la rue Des Seigneurs, identifié comme étant le professeur Forest.

En arrivant sur les lieux de la tragédie, le lieutenant Pascal questionna le docteur Desrosiers, du regard.

– Il a été martyrisé d’une façon inhumaine avant d’être poignardé une vingtaine de fois à

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l’abdomen.– Il est mort avant d’avoir été jeté à l’eau ?– La mort remonte à cinq ou six jours, au

moins ! reprit le médecin légiste.– Quels sont les mauvais traitements visibles,

doc ?– On lui a crevé les yeux avec un objet

pointu... probablement un pique à glace ou quelque objet du genre... On lui a aussi coupé les lèvres avec une lame de rasoir et ils ont versé de l’essence dans les narines du pauvre malheureux pour y mettre le feu, j’avoue Yvan, que les souffrances furent terribles... ils lui ont aussi percé le tympan à l’aide de longues aiguilles... et probablement qu’ils lui ont fait subir d’autres mauvais traitements que je découvrirai à l’autopsie !

– Tout ça, pour le faire parler ! murmura Yvan d’une voix sourde.

– As-tu encore besoin de moi, Yvan ? demanda le vieux médecin.

– Non,... merci beaucoup doc !... ça va !

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Après le départ du médecin-légiste, Yvan s’approcha des deux agents fédéraux qui arrivaient sur les lieux.

Il leur expliqua l’atroce supplice enduré par la malheureuse victime.

– C’est bien le vieux professeur ! déclara l’agent qui venait de relever la toile qui recouvrait le corps.

Les deux agents fouillèrent les poches de la victime inutilement. Aucun objet, pas d’argent, pas d’identification, rien... absolument rien.

Le souvenir des paroles prononcées par le docteur, expliquant le supplice atroce qu’avait subi le vieux professeur aux mains des ennemis, amplifia davantage l’angoisse croissante qui rongeait le jeune lieutenant depuis la disparition subite de Diane et de Julius.

Lorsque tout fut terminé, et sa journée de travail accomplie, Yvan Pascal entra chez lui, la mort dans l’âme.

Le jeune policier sentit le malheur, la solitude, l’angoisse, le désespoir, le découragement, la

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haine, la peine, l’amour... Ce mélange de sentiments étranges embrouilla son esprit et son cœur d’acier fondait dans les larmes refoulées avec orgueil au fond de lui-même.

Et pour la première fois, depuis son enfance, Yvan Pascal enfouit la tête entre ses deux mains et des larmes ruisselèrent sur son visage pour prouver son découragement complet.

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VI

Il était six heures moins quart lorsque l’aubergiste barbu frappa discrètement à la porte de la chambre de Julius.

– Il est l’heure du souper, monsieur.– Merci, je descends dans quelques minutes !

répondit l’hercule, se sentant reposé et anxieux de faire de la culture physique.

La belle aventurière lui avait dit qu’il aurait probablement l’occasion de faire de l’exercice pour délivrer la jeune Forest. Julius était impatient de se mettre à l’œuvre.

Il frappa dans le mur et entendit la voix de Diane qui lui répondit sans tarder.

– Ça va, Julius, j’ai entendu l’aubergiste. Je te rejoins, en bas, dans quelques minutes.

Une heure plus tard, nos deux amis attendaient patiemment le coucher du soleil pour profiter de

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l’obscurité pendant leur voyage au lac Caribou.L’aubergiste les avait renseignés sur la

distance et la direction à prendre.– Vous suivrez la petite route de gravelle qui

passe à une centaine de pieds d’ici, c’est à une dizaine de milles tout au plus, avait-il dit.

Il était neuf heures et la lune encore pâle promettait une lumière suffisante pour la nuit.

– Allons-y, Julius.L’hercule tourna l’ignition et poussa

l’accélérateur au fond. L’effet fut saisissant, les gravois pleuvèrent derrière la voiture que la puissance des chevaux-vapeurs poussa devant un nuage de poussière.

Vingt minutes suffirent à la voiture pour parcourir la courte distance qui les séparait du lac Caribou.

La route étroite et tortueuse serpentait parmi un bois touffu qui ornait les deux côtés.

Les arbres géants jetaient une ombre lourde sur le parcours et leurs hautes et longues branches s’étendaient au-dessus de la route, donnant à

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celle-ci l’apparence d’un immense tunnel.La lune pourtant brillante ne réussissait pas à

traverser ce plafond de feuillage et les phares de la voiture lançaient leurs jets lumineux à l’horizon obscur dont l’apparence changea soudainement lorsqu’ils émergèrent au sommet d’une colline.

– Regarde Julius, n’est-ce pas merveilleux ? s’écria la belle aventurière en apercevant la vallée qui baignait dans la lueur du clair de lune qui semblait s’amuser à voir refléter ces rayons jaunes dans le lac paisible qui s’étendait calmement et dont la surface lisse prenait l’apparence d’un immense miroir au fond duquel on aurait peint les arbres environnants ayant pris soin de leur placer la tête en bas.

Le point de vue magnifique dominait la vallée, l’étalant à l’admiration dans toute sa splendeur naturelle. Le calme reposant et la brise légère qui transportaient le parfum des fleurs jusqu’à ses narines, firent oublier à Diane pendant quelques instants les raisons moins reposantes qui l’avaient conduite jusqu’ici.

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– Là-bas, Julius, regarde près du lac ! dit-elle soudainement.

– Quoi... je... je ne vois rien ! répondit Julius.– À une cinquantaine de pieds du rivage, reprit

Diane... là où le lac forme une petite baie... tu vois ?

– Humm !... attends... oui, oui... c’est un camp de bois rond, à l’orée du bois, c’est ça ?

– La Virgule m’a dit que les bandits détiennent la jeune fille dans cette cabane, déclara Diane avec appréhension.

Le gros Julius souria malicieusement et se frotta les mains avec joie, sentant l’heure de la détente musculaire.

– Eh bien, qu’est-ce qu’on attend ? demanda-t-il avec impatience.

– Nous laisserons l’auto ici, puisqu’il nous est impossible de descendre dans la vallée avec son aide.

– Ce sera aussi plus prudent ! ricana Julius qui avait déjà commencé à descendre suivant le petit sentier tortueux qui sillonnait la pente raide parmi

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les roches et les arbustes.– Attends-moi, Julius,... ouch ! cria Diane.– Qu’est-ce que tu as ? demanda Julius,

s’arrêtant brusquement et faisant des efforts remarquables pour tenir son équilibre.

– Je ne peux pas descendre dans cette côte avec mes souliers à talons hauts, aboya la belle aventurière, qui les enleva brusquement.

– Allons, Diane, dépêche-toi, bon Dieu, j’ai hâte de faire de la culture physique ! insista le gros Julius.

Risquant à tout moment de se casser le cou en perdant l’équilibre, nos deux amis virent la chance leur aider et les soutenir jusqu’en bas de la falaise sans anicroche.

– Soyons prudents maintenant, Julius.Ils étaient derrière quelques buissons à

quelques pieds du chalet de bois dont une lumière était visible à une petite fenêtre d’un pied carré.

– Je pense à quelque chose ! reprit Julius,– Quoi ?

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– Nous sommes vraiment hardis de venir jusqu’ici sans arme, comment veux-tu qu’on délivre cette jeune fille des mains de ces hommes... et comment sais-tu que ce... ou plutôt cette... Virgule... enfin on ne sait jamais, c’est peut-être un piège !

– Ne t’inquiète pas, Julius, reprit calmement Diane en souriant. J’ai confiance en cet homme... cette Virgule comme tu dis. Pour ce qui est de l’arme, je l’ai !

La belle aventurière releva sa robe d’un geste brusque.

– Eh ! cria Julius. Qu’est-ce que tu fais, tu me montres tes cuisses maintenant ? J’avoue que c’est une arme qui tue sans douleur, ricana-t-il, mais tu...

– Ne fais pas l’idiot, ce n’est pas le temps ! reprit Diane qui sortit un petit revolver qu’elle camouflait dans la jarretière de son bas. Tiens, voici l’arme !

– Diane, tu es merveilleuse ! éclata l’hercule. Tu penses à tout... allons, approchons-nous pour

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voir ce qui se passe là-dedans.Suivi avec précaution par la belle aventurière,

le gros Julius s’avança lentement sur la pointe des pieds.

Il plaça l’index sur sa bouche pour avertir sa compagne que la fenêtre était ouverte et de ne pas faire de bruit.

Diane s’avança jusqu’au mur de bois rond et prit place à côté de la fenêtre,

Julius s’éleva lentement sur la pointe des pieds pour risquer un œil à l’intérieur.

Un homme, les cheveux coupés en brosse et dont le dos était tourné à la fenêtre, se rinçait la gorge en y laissant couler un verre de boisson qui eut pour effet de lui donner la chair de poule jusque derrière les oreilles.

– Ce n’est pas de la vodka de chez nous, grogna-t-il à travers une toux amère.

L’accent étranger dominait la conversation qui se prolongea à voix nerveuse.

– Le patron t’a défendu de boire, Hugo, tu le sais !

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Cette phrase prononcée par le deuxième occupant du chalet qui se tenait debout près de la porte, énerva passablement son compagnon qui jura en langue étrangère et se versa un autre verre par simple désobéissance.

Julius examina l’unique pièce avec attention ; la porte était en face de la fenêtre, il remarqua les deux lits superposés qui occupaient le mur de côté.

La discussion des bandits avait réveillé la jeune fille qui les regardait avec terreur.

Celui qui venait de vider son verre, se leva de la table en chambranlant. S’aidant au moyen du dossier de son siège, il réussit à reprendre son équilibre.

Arborant un sourire rempli de désir, il se dirigea vers le lit du bas qu’occupait la jeune fille qui eut un geste de recul à l’approche de cet être répugnant.

Le rire cynique de l’ivrogne résonna dans la pièce. Il saisit la couverture qui couvrait le corps nu de la jeune fille et la lança de l’autre côté de la

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table. Le cri déchirant de la jeune Yvonne Forest glaça Diane d’effroi.

– Allons, viens ! murmura Julius qui contourna le chalet suivi de Diane qui ne le quittait pas d’une semelle.

Il s’arrêta devant la porte pendant que les cris perçants de la jeune prisonnière continuaient leur protestation.

– Prends le revolver Diane... et suis-moi ! cria Julius.

Comme un bulldozer, le gros Julius fonça dans la porte, qui sortit de ses gonds pour s’abattre lourdement au milieu de la pièce dans un bruit étourdissant.

Julius tomba avec la porte et l’homme qui tenait la jeune fille dans ses bras, poussa violemment sa victime qui s’assomma sur le poteau du lit.

L’ivrogne ne perdit pas une seconde, il plongea littéralement sur l’hercule qui était étendu à plat ventre sur la porte qui couvrait le plancher au milieu du chalet.

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Le deuxième bandit revenant de sa surprise et saisissant l’occasion, sauta sur Julius et les deux hommes s’écrasèrent sur le dos de l’hercule.

Dans un bruit de gémissement, les trois hommes roulèrent sur le plancher.

Diane, le revolver à la main, n’osait pas tirer sur le trio de peur d’atteindre Julius qui se débattait comme un diable dans l’eau bénite.

L’hercule avait réussi à se retourner sur le dos, toujours couvert par les deux hommes qui le harcelaient de coups de poing.

La force herculéenne du journaliste semblait réduite à rien, lorsque tout à coup, réussissant à délivrer son bras droit, il glissa ce dernier sous le ventre de l’ivrogne qui l’écrasait.

Sa main de fer se referma autour de la bouche de la ceinture de son assaillant. Déployant une puissance terrible, il leva l’homme de quelques pouces et d’une poussée fantastique, le lança en position horizontale vers le mur.

Tel un boulet de canon, la tête de l’ivrogne frappa la paroi de bois rond dans un bruit de

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cervelle ébranlée. Une entaille béante ouvrit la tête de l’homme en deux.

Réussissant à placer son pied dans l’estomac de son second adversaire, Julius le lança dans les airs.

Le bandit retomba à plat ventre sur la table de bois. Julius se releva et agrippa brusquement l’homme par les deux épaules pour le placer debout devant lui.

Il s’apprêtait à lui donner un formidable coup de poing lorsque l’homme s’écroula à ses pieds.

– Ah ! quelle andouille ! reprit Julius avec dédain.

– Pauvre petite, reprit Diane en se dirigeant vers la jeune fille qui était tombée près du lit.

– Est-elle blessée ? demanda l’hercule.– Une coupure au front, répliqua Diane. Viens

m’aider à la placer sur le lit et tu m’apporteras de l’eau. Il faut soigner cette blessure.

D’un geste rapide, Julius eut tôt fait de soulever la jeune fille et de la déposer gentiment sur le lit. Avec affection et d’un geste de pudeur,

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l’hercule ramassa la couverture pour couvrir la petite qui ouvrit les yeux avec surprise.

– Tu peux aussi être délicat, Julius ! reprit Diane avec admiration... maintenant va chercher de l’eau, hein ?

– Il n’y a pas de robinet dans cette maudite cambuse.

– Julius, ricana la belle aventurière, le lac est à quelques pieds d’ici.

L’hercule ramassa une boîte de tôle, à côté de la fenêtre et se dirigea vers le rivage.

– Nous sommes des amis ! encouragea Diane, s’adressant à Yvonne Forest qui semblait complètement perdue et ahurie.

– Des amis ?... balbutia-t-elle avec étonnement.

– Vous ne me reconnaissez pas, Mlle Forest, tenta Diane, je suis Diane Roy... souvenez-vous, vous êtes venue chez moi l’autre soir...

– Diane... Roy... oui, je... je me souviens maintenant.

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– À la bonheur, reprit gaiement la journaliste, vous n’êtes pas gravement blessée.

– Où sont ceux qui...– Ils sont là sur le plancher ! répliqua

doucement Diane. Dans un état pour le moins inoffensif.

– Les papiers ! murmura la jeune fille, les papiers... la formule de papa !

*

Julius occupé à remplir sa boîte d’eau, n’entendit pas l’homme qui se glissa derrière lui, armé d’un branche d’arbre de la grosseur d’une patte d’éléphant.

Le bras meurtrier visa sa cible et les deux cents livres de l’homme rabattirent la branche sur la tête de l’hercule qui assista à l’ouverture de l’opéra des mille et une nuits au pays des rêves.

Diane réalisa le danger lorsqu’elle vit le regard de terreur dans les yeux d’Yvonne Forest qui

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fixaient l’entrée de la cabane.Se retournant brusquement, elle aperçut

l’homme dans l’embrasure de la porte qui braquait dangereusement un revolver dans sa direction.

Elle allait saisir son arme qu’elle avait déposée sur le plancher lorsqu’une balle que déclencha l’intrus, frappa la crosse de l’arme pour la faire glisser plus loin.

– Vous êtes très gentille d’être venue, Mlle

Roy ! railla l’homme.– Vous me cherchiez, je suppose ? se moqua

la belle aventurière.– Justement, nous allions vous chercher... mais

votre gentillesse nous sauvera des ennuis, puisque vous êtes venue vous-même de votre plein gré !

Diane espérait que Julius avait entendu la détonation et qu’il ne tarderait pas à venir à son secours.

Le bandit sembla deviner ses pensées et un sourire désagréable illumina son sombre visage.

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– Votre ami est dans une position très confortable ! ricana-t-il, un simple mouvement... et... bang... plus de cervelle !

– Qu’avez-vous fait à Julius ? demanda Diane avec angoisse.

– Je n’ai pas le temps de discuter de la santé de vos amis, mademoiselle, coupa brutalement l’homme. Asseyez-vous.

Diane prit place sur le lit à côté de la jeune fille qui tremblait comme une feuille.

– Où est l’enveloppe que vous a remise mademoiselle Forest l’autre soir ?

– Je l’ai déjà dit aux policiers qui m’ont posé la même question... attendez... vous, je vous reconnais maintenant, s’écria-t-elle avec surprise. Vous êtes le...

– Vous avez bonne mémoire, Diane Roy ! coupa cyniquement l’agent secret du fédéral. C’est moi qui étais avec votre ami, le lieutenant Pascal, lorsque nous sommes allés à votre appartement le soir de l’attentat contre vous. Mes hommes ont été stupides de se laisser damer le

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pion par ce détective-amateur qui vous fait la cour sous le pseudonyme de La Virgule.

– N’empêche, railla Diane, avec plaisir, qu’il est plus fort que vous !

– Nous verrons bien si votre valeureux défenseur viendra à votre secours, en échange pour les papiers secrets qu’il a en sa possession !

– Il viendra ! répondit calmement un murmure que reconnut immédiatement la belle aventurière.

Le bandit se retourna vers la porte, mais personne n’était visible. Les yeux hagards, il saisit Diane par les poignets et la tira brutalement vers lui en la retenant comme un bouclier protecteur.

La respiration haletante de l’homme prouva à Diane que ce bandit craignait cet inconnu et que sa vie était en danger dans les mains de ce maniaque.

La voix mystérieuse résonna de l’extérieur.– Laisse-la, espèce de lâche ! murmura

calmement La Virgule, toujours invisible dans l’obscurité de l’extérieur.

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– Donne-moi les papiers, cria l’agent espion et je laisserai Diane libre !

– Tu es un lâche, répéta La Virgule. Il y a un instant, tu disais que tu étais plus fort que moi, mais maintenant que je suis là, tu te dégonfles et tu te caches derrière une femme... lâche... lâche... lâche !

Diane sentait le canon du revolver qui lui poussait dans les reins et les sueurs froides de la mort lui couvrirent le corps.

– Avance ! ordonna l’agent à Diane... allons, sortons d’ici, il ne m’aura pas, sinon tu mourras avec moi.

Remplie d’angoisse et de frayeur, Diane avança lentement vers la sortie sentant toujours le canon du revolver appuyé au creux du dos. Elle décela le tremblement qui agitait dangereusement la main de l’homme qui la retenait prisonnière.

Un coup de feu retentit et Diane, instinctivement, se jeta par terre au moment où son agresseur s’écroula à côté d’elle, le bras transpercé d’une balle.

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Elle voulut s’enfuir, mais la main de l’homme lui emprisonna la cheville et la fit trébucher.

L’agent se retourna et pointa son arme vers la jeune Forest qui tenait encore le revolver de Diane avec lequel elle avait blessé le bandit.

Il allait abattre la pauvre innocente lorsqu’un pied frappa l’arme qu’il pointait dangereusement.

Diane reconnut l’aubergiste de l’hôtel de Matawin qui les avait hébergés durant la journée.

Le vieillard releva l’agent espion et lui descendit une gauche au plexus solaire suivi d’une droite au menton qui lui retroussa sous le nez pour l’étendre dans une grimace ensanglantée.

Figée par la surprise, Diane ne riposta aucunement lorsque le vieillard barbu la prit dans ses bras pour lui déposer gentiment un baiser plus jeune que l’apparence du jeune vieillard.

– Je vous aime, Diane ! prononça-t-il avec passion de sa voix murmurante. Voici mon devoir accompli, prenez cette enveloppe et délivrez le prisonnier au lieutenant Pascal, avec mes

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hommages.Il tendit l’enveloppe à Diane et disparut dans

l’obscurité aussi mystérieusement qu’il était venu.

Ainsi La Virgule s’était déguisé en vieillard.

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VII

– Tu vas me dire que cet individu t’a embrassée ! ragea Yvan Pascal, et que tu ne l’as pas reconnu de si près ?

– Mes jolis yeux étaient fermés ! ricana Diane.– Ah ! les femmes ! elles sont toutes les

mêmes...– Que veux-tu dire ? demanda ironiquement

Diane,– Rien... rien du tout... simplement que vous

avez la tête légère. Pouah, ça se croit aventurière et un homme réussit un petit exploit... et... et tout de suite ça se pâme d’amour pour un... un... un...

– Pour une Virgule ! termina comiquement le gros Julius qui arborait un pansement autour de la tête.

– Et toi Julius, tais-toi ! aboya le lieutenant en colère !

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– Écoute, Yvan, reprit Julius, peut-être as-tu raison de lui en vouloir à cet inconnu qui se moque de toi, d’accord. Seulement il m’a sauvé la vie. Ce bandit d’agent fédéral m’avait ligoté à un arbre et relié une carabine pointée vers moi, à l’aide d’un câble qui aurait déclenché la gâchette au moindre mouvement que j’aurais fait. Tu semblés oublier qu’il a aussi sauvé la vie de la jeune fille du professeur Forest... sans compter celle de Diane ! Il se moque de toi, bien sûr, mais il t’a livré trois hommes du parti communiste, ils n’ont pas voulu parler, ce n’est pas de sa faute. Maintenant, il te sert ce dernier prisonnier, qui est le chef du réseau ennemi, sur un plateau d’argent et tu n’as qu’à prendre le crédit de sa capture. Ne crois-tu pas que son geste de remettre les documents secrets prouve son honnêteté ?

– Oui, oui, tu as raison Julius ! répliqua faiblement Yvan Pascal, Mais j’aime Diane, et je ne veux pas la perdre aux mains de cet homme.

– Tu n’as qu’à prouver ta supériorité en découvrant son identité et par le fait même gagner la partie !

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– Je ne peux pas l’arrêter, ragea Yvan, il n’a rien fait, mais si je découvre son identité, la Virgule aura un point... mon poing sur le nez pour les maux de tête qu’il m’a causés.

*

Mariette Monet enveloppait son fiancé de son corps charmant lorsque la porte de la chambre s’ouvrit pour laisser passer Diane et Julius.

– Eh bien, mon gars ! badina Julius, après cela, tu fais mieux de l’épouser.

– Et comment se comporte notre sergent ? ricana la belle aventurière.

– Très bien, reprit André Rozon, avec un large sourire. La présence d’une aussi belle créature, hâtera ma guérison chose certaine.

Et le jeune sergent embrassa fiévreusement sa fiancée devant les regards approbateurs de Diane et de Julius.

*

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Yvan Pascal, dans une autre partie de la ville, entra à la sûreté arborant un air de matador en colère.

Le sergent de service au bureau d’information, lui posa la question suivante :

– Vous avez trouvé votre homme, lieutenant ?– J’ai trouvé l’auberge abandonnée et l’oiseau

envolé ! ragea Yvan Pascal avant d’entrer dans son bureau.

Ce que le lieutenant n’avait pas avoué au policier, c’est qu’il était allé à Matawin, dans l’intention de parler à cet aubergiste barbu.

Il avait trouvé l’auberge fermée, abandonnée et à vendre, lorsqu’il s’approcha de la porte d’entrée pour lire ce qui était écrit sur la petite carte blanche épinglée au cadre de bois.

« Mes hommages lieutenantLA VIRGULE. »

À la semaine prochaine.

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Cet ouvrage est le 532e publiédans la collection Littérature québécoise

par la Bibliothèque électronique du Québec.

La Bibliothèque électronique du Québecest la propriété exclusive de

Jean-Yves Dupuis.

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