liaison dans la lecture orale: étude expérimentale

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Liaison dans la lecture orale: étude expérimentale Projet IPFC-Russe G. Boubnova & E. Ratnikova Université Lomonossov, Moscou

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Liaison dans la lecture orale: étude expérimentale

Projet IPFC-Russe

G. Boubnova & E. Ratnikova

Université Lomonossov, Moscou

Plan

La communication se veut un bilan de l’expérimentation effectuée en suivant le protocole IPFC ; l’objectif étant la réalisation

de la liaison dans le texte PFC-IPF : Le Premier ministre ira-t-il à Beaulieu ? Ce texte a été lu par deux groupes d’étudiants

russophones : des étudiants de MGU en milieu hétéroglotte et des étudiants de UG en immersion.

Le traitement des données s’est fait comme suit :

°données alignées sur signal sous Praat

°données transcrites orthographiquement selon les conventions de transcriptions IPFC [Racine, Zay, Detey, Kawaguchi,

2011] ;

°données codées selon le code liaison IPFC [Racine, I. & Detey, S. 2015] ;

°données décodées avec le logiciel Dolmen [Eychenne, Paternostro 2016].

La communication donnera les éléments résultant de la comparaison de la performance-liaison faite par des apprenants

russophones et celle des francophones natifs et des apprenants FLE présents dans le corpus IPFC.

Elle fera également apparaître en détail ce qu’il en est de la performance au niveau de la macro- et micro-planification

(Racine 2014).

Participants

• Groupe AM: 5 apprenants russophones (niveau B1+/B2) en milieu

hétéroglotte, tous étudiants à l’université Lomonossov (Moscou, Russie);

originaires de Moscou; âgés de 18-19 ans; futurs professeurs de français;

apprennent le français comme L2; ont commencé à l’apprendre à l’âge de 7

ans à l’école. Seulement une personne d’entre eux a effectué un séjour de 4

semaines en milieu francophone.

• Groupe AG: 3 apprenants russophones de FLE (niveau B1+) en immersion,

étudiants de l’UNIGE, originaires ou ayant vécu à Moscou à l'âge adulte; âgés

de 40-43 ans; ingénieurs, vivant à Genève depuis une dizaine d’années. Ils ont

le français comme L3 et l’apprennent depuis 2-5 ans.

Matériel

• Dans cette étude une de six tâches du protocole IPFC a été utilisée, à savoir le

texte lu, commun aux projets PFC et IPFC et qui contient 37 sites potentiels

de liaison.

Procédure

• L’élaboration du corpus IPFC-russe a été effectuée selon la méthodologie

IPFC.

• Les enregistrements ont été réalisés à Genève et à Moscou. Les apprenants

de Genève ont été enregistrés avec le soutien et la participation de l’équipe

IPFC de Genève (I.Racine, R.Isely, M.Didelot).

• Les données ont été transcrites orthographiquement sous Praat selon les

conventions de transcription IPFC [Racine, Zay, Detey, Kawaguchi, 2011] et

ensuite codées selon le code liaison IPFC [Racine, I. & Detey, S. 2015].

Analyse des données

• Au total, 291 sur 296 sites potentiels de liaison ont été codés:

3 apprenants ont simplifié le contexte comme on en a vu à Jonquière,

générateur de difficultés multiples (deux liaisons avec voyelles nasales,

précédées d’enchaînement consonantique et suivi d’enchaînement

vocalique ).

• Les données ont ensuite été décodées par le biais du logiciel Dolmen

[Eychenne, Paternostro 2016].

Résultats

Taux global de réalisation de la liaison

• Le taux global a été calculé sans distinguer les groupes d’apprenants.

• Sur 291 sites potentiels, la liaison est réalisée dans 49% des cas, dont 4%

correspondent à la liaison non enchaînée.

• Le taux global de réalisation de la liaison est inférieur au nombre de liaisons

produites par les natifs dans le corpus PFC pour la même tâche (55,9% selon

Eychenne et al. 2014 et 59,4% selon Durand et al. 2011).

• La liaison obligatoire représente 54,1%.

Taux global de réalisation de la liaison

La liaison et le nombre de syllabes du mot liaisonnant

• Le mot liaisonnant a une nette influence sur la réalisation de la liaison

enchaînée:

92% après les monosyllabes inaccentués

37 % après les mots polysyllabiques

• Ces résultats corroborent la conclusion que la liaison est susceptible d’être

produite à l'intérieur d'une unité prosodique

La liaison enchaînée et le nombre de syllabes du mot liaisonnant

La liaison et le nombre de syllabes du mot liaisonnant

• Par contre, la liaison non enchaînée montre une tendance à être réalisée

après les polysyllabes (64%)

La liaison non enchaînée et le nombre de syllabes du mot liaisonnant

36%

64%

LIAISON NON ENCHAÎNÉE - NB SYLLABES - MOT LIAISONNANT

Monosyllabes Polysyllabes

Taux global de réalisation selon le contexte grammatical

Liaison obligatoire*

• Les apprenants maîtrisent à 100% la liaison obligatoire dans les contextes

identifiés au niveau de la macro-planification [Racine 2014]

adjectif + nom (grand honneur),

préposition + déterminant (dans une).

• Cette identification s’affaiblit (88%) dans les contextes

déterminant + nom (son usine);

déterminant + adjectif (d’un autre côté);

adverbe monosyllabique + adjectif (très inquiet)

*La répartition en contextes de liaison obligatoires/facultatifs dans le texte PFC présentée ici est tirée de S.Detey et al. à des fins de comparabilité des données

Taux global de réalisation selon le contexte grammatical

Liaison obligatoire

• Cette tendance s’accentue dans les contextes

on en a vu

pronom + pronom on en (50%),

pronom + verbe auxiliaire (84%) on a vu1

expression figée (Jeux Olympiques) (73%)

_______________________ 1 amuïssement du pronom en pour simplifier la lecture.

Taux global de réalisation selon le contexte grammatical

Taux global de réalisation selon le contexte grammatical

Liaison facultative

• En constatant que les apprenants font très peu de liaisons facultatives,

observons trois contextes où elle est réalisée:

auxiliaire + participe passé (ont eu) (25% )

nom pluriel+adjectif pluriel (visites officielles) (8% )

• Le contexte verbe copule + préposition (est en), où la liaison est présentée

comme obligatoire dans beaucoup de méthodes FLE.

• Ce contexte génère la liaison dans 60% des occurrences étudiées, 40% de la

non réalisation étant probablement dus à la ponctuation du texte: tous les

apprenants ont fait une pause entre Il s’est et en désespoir de cause.

Taux global de réalisation selon le contexte grammatical

Taux de réalisation de la liaison en fonction de la consonne de liaison

La liaison est plus souvent réalisée avec les consonnes:

[n] 60% (en effet)

[t] singulier 57% (est en)

[z] pluriel 49% (les opposants)

[z] singulier+autres cas 47% (très inquiet)

[t] pluriel 13% (ont eu)

Aucune liaison n’est realisée avec [ʁ], les autres consonnes de liaison ne

figurant pas dans le texte PFC.

L’absence de réalisations en [ʁ] réside dans le fait que les apprenants ne font

pas de liaisons INF+X dans les productions étudiées.

Taux de réalisation de la liaison en fonction de la consonne de liaison

La liaison est plus souvent réalisée avec les consonnes:

Il nous semble qu’un grand nombre de liaisons en [n] s’explique par la

réalisation de la consonne finale non prononcée, par exemple, comme dans le

mot ‘region’ (interférence lexicale et phonétique avec la L1 des apprenants).

Un taux assez important de réalisations en [t] singulier s’explique

probablement, d’abord, par le fait que 2 graphèmes différents correspondent à

un seul phonème (fréquence élevée). Par ailleurs, Il est à noter que les

apprenants tendent à réaliser toutes les liaisons du type verbe copule + PRP

(est en etc.) et ADJ+NOM (grand émoi).

Les liaisons en [z] relèvent des contextes récurrents de la liaison dans le groupe

DET+NOM, ADV+ADJ.

Taux de réalisation de la liaison en fonction de la consonne de liaison

Taux de conformité à la cible – [n]

• Bien que les liaisons en [n] soient

conformes à la cible dans 100% des

occurrences, ces liaisons

s’accompagnent d’une dénasalisation de

la voyelle qui précède la consonne de

liaison dans 49% des cas de liaison

enchaînée et dans 89% des cas de liaison

non enchainée.

Taux de conformité à la cible – [t] singulier

• La liaison en [t] singulier s’avère la

plus problématique pour les

apprenants. Les fautes les plus

récurrentes:

- correspondance graphie-phonie

grand[d]émoi

- liaison orthographique

grand[n]émoi

Taux de conformité à la cible – [z] singulier

• Quoique les liaisons en [z]

singulier soient correctement

réalisées, avec un taux de

conformité de 99%, une

occurrence erratique a été

observée chez un locuteur du

groupe AG:

dans[n]une impasse liaison

orthographique

Taux de conformité à la cible – [z] pluriel

• Pas de difficulté pour les liaisons en

[z] pluriel dans les séquences

DET+NOM, par contre, la liaison ou

plutôt l’enchaînement consonantique

pose des problèmes considérables

dans les expressions figées, comme

par exemple, dans Jeux Olympiques

où chez certains locuteurs l’on assiste

même à la substitution de la

consonne cible (Jeux[n]Olympiques).

Taux de conformité à la cible – [t] pluriel

• Dans nos données, toutes les liaisons

en [t] pluriel sont produites avec une

consonne erratique ont[n]eu.

• Les autres ne sont pas réalisées,

puisqu’elles se trouvent dans le

contexte VER+DET préparent une.

Les liaisons non enchaînées

• La liaison non enchaînée est produite uniquement par les apprenants du

groupe AG. 62% de ces réalisations figurent dans les mots polysyllabiques, le

taux de réalisation global de la liaison non enchaînée dans la tâche de

lecture étant de 4% contre 0% pour les natifs [Eychenne et al. 2014].

Les liaisons non enchaînées

• Les liaisons non enchaînées sont réalisées dans 54% des cas dans le contexte

NOM+X. Elles sont majoritairement produites à la frontière des deux groupes

rythmiques, avec une pause entre le mot liaisonnant et le mot qui suit. Ces

liaisons sont liées aux erreurs de prononciation et tendent à être réalisées

avec la consonne cible [n], par exemple, l’opposition[n] // aurait déclaré,

région[n] // en fin d’année. Tout comme la majorité des liaisons en [n] dans

les productions étudiées, elles s’accompagnent de la dénasalisation de la

voyelle qui précède la consonne finale du mot liaisonnant.

Les liaisons non enchaînées

• Apparemment, le phénomène observée est plutôt lié aux difficultés de réalisation des

voyelles et des consonnes nasales par les russophones, ainsi qu’à la mauvaise maîtrise des

règles de lecture, donnant lieu à la non-observance de la fluidité et de la rapidité de

décodage graphique. Il est donc problématique de considérer ces exemples en tant que

réalisation de la liaison.

Les liaisons non enchaînées

Bibliographie 1. Detey, S. & Kawaguchi, Y. (2008). Interphonologie du Français Contemporain (IPFC) : récolte automatisée des données et apprenants

japonais. Journées PFC : Phonologie du français contemporain : variation, interfaces, cognition, Paris, 11-13 décembre 2008.

2. Racine, I., Detey, S., Zay, F. & Kawaguchi, Y. (2012). Des atouts d’un corpus multitâches pour l’étude de la phonologie en L2 : l’exemple du projet « Interphonologie du français contemporain » (IPFC). In A. Kamber et C. Skupiens (éds), Recherches récentes en FLE. Berne : Peter Lang, 1-19.

3. Detey, S., Racine, I., Kawaguchi, Y. & Zay, F. (2016). Variation among non-native speakers: the InterPhonology of Contemporary French. In S. Detey, J. Durand, B. Laks et C. Lyche (éds), Varieties of Spoken French. Oxford : Oxford University Press, 491-502.

4. Racine, I., Zay, F., Detey, S. & Kawaguchi, Y. (2011). De la transcription de corpus à l'analyse interphonologique : enjeux méthodologiques en FLE. In G. Col & S. N. Osu (dir.) Travaux Linguistiques du CerLiCO 24 (Actes du 24ème colloque du CERLICO « Transcrire, écrire, formaliser », Université de Tours, juin 2010). Rennes: PUR, 13-30.

5. Racine, I. & Detey, S. (éds) (2015). « L'apprentissage de la liaison en français par des locuteurs non natifs: éclairage des corpus oraux/French liaison learning by non-native speakers in the light of oral corpora. », Bulletin suisse de linguistique appliquée Vals-Asla 102.

6. Eychenne, J. & R. Paternostro (2016). “Analyzing transcribed speech with Dolmen”. In S. Detey, J. Durand, B. Laks & C. Lyche (eds) Varieties of Spoken French, Oxford: Oxford University Press, D35-D52.

7. Eychenne, J., Lyche, C., Durand, J. & Coquillon, A.-L. (2014). Quelles données pour la liaison en français: la question des corpus. In C. Soum-Favaro, A.-L. Coquillon & J.-P. Chevrot (éds.), La liaison: approches contemporaines (pp. 33-60). Berne: Peter Lang.

8. Durand, J., Calderone, B., Laks, B. & Tchobanov, A. (2011). Que savons-nous de la liaison aujourd'hui?, Langue française, 169, 103-135.

9. Racine, I. (2014). Une approche par corpus de la liaison chez les apprenants hispanophones de français langue étrangère: quelles conséquences pour l'enseignement du FLE?, Flambeau, 40, 18-37.