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Licence de Physique Physique des particules et cosmologie David Viennot 25 août 2010

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Licence de Physique

Physique des particules et cosmologie

David Viennot

25 août 2010

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Table des matières

I Aspects relativistes de la physique des particules et de la cosmologie 5

1 Introduction à la physique des particules 7

1.1 Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.2 Système d’unités de la physique des particules, constantes fondamentales et échelles de Planck 111.3 Panorama des théories physiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.4 Les lois fondamentales de la physique des particules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.5 Les grands instruments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

1.5.1 Les accélérateurs de particules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121.5.2 Les trajectographes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

2 Introduction à la théorie de la relativité restreinte 17

2.1 Les transformations de Lorentz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172.2 Géométrie de l’espace-temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192.3 Collisions de particules relativistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

3 Le modèle standard de la cosmologie 23

3.1 La gravité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233.2 Les métriques de Robertson-Walker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

3.2.1 Le rôle du paramètre de courbure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253.2.2 Le rôle du facteur d’échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

3.3 Matière, énergie et dynamique de l’Univers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

II Aspects quantiques de la physique des particules 29

4 Fondements de la mécanique quantique 31

4.1 Les postulats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314.1.1 États et observables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314.1.2 Expérience des trous d’Young . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314.1.3 Chats de Schrödinger et interprétations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

4.2 Nombres quantiques internes, spin et spineurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

5 Dynamique quantique 37

5.1 Équations de Schrödinger et de Klein-Gordon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375.2 Équation de Dirac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

6 Interactions et zoologie des particules élémentaires 41

6.1 Interactions électromagnétique et électrofaible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416.1.1 L’interaction électromagnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416.1.2 L’interaction électrofaible et les leptons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 426.1.3 Le mécanisme de brisure spontanée de symétrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

6.2 Interaction forte, les quarks et les hadrons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 456.2.1 La chromodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 456.2.2 La saveur des quarks et les hadrons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466.2.3 L’interaction nucléaire résiduelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

6.3 Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

3

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4 TABLE DES MATIÈRES

6.3.1 Résumé sur les interactions et les bosons de jauge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 486.3.2 D’autres particules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 486.3.3 Les symétries et lois de conservation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

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Première partie

Aspects relativistes de la physique des

particules et de la cosmologie

5

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Chapitre 1

Introduction à la physique des particules

1.1 Historique

L’antiquité grecque

Démocrite (460-370 av.JC) développe la théorie atomique de la matière : lamatière est constituée d’objets minuscules, invisibles et insécables, en nombreinfini se déplaçant dans le vide. Démocrite les nomme atomes, “insécable” engrec. La théorie de Démocrite s’appuie sur le principe de dichotomie, consi-dérant un morceau de matière, on le coupe en 2 parties égales, on coupe ànouveau en 2 l’un des morceaux et ainsi de suite. Les notions modernes deconvergence et de limite en l’infini n’ayant pas été découvertes par les grecs,la poursuite de la dichotomie induisait des paradoxes qui nécessitaient pourDémocrite l’existence de ces portions de matières insécables.Empédocle (490-435 av.JC) développe une théorie avec 4 éléments (feu, terre,air et eau) qui se conjuguent sous l’influence de forces fondamentales (l’amouret la haine). En étudiant les symétries dans l’espace, Platon (427-347 av.JC)découvre qu’il n’existe que 5 solides réguliers, c’est à dire dont toutes les facessoient identiques avec des côtés isométriques. La philosophie de Platon étantque le monde physique est dominé par les mathématiques qui ont un rôle quasi-magique dans la nature, Platon en déduit que la matière est constituée de 5éléments associés à chacun des solides :les solides platoniciens les éléments platoniciens

tétraèdre le feu

cube la terre

octaèdre l’air

dodécaèdre l’éther (la quintessence)

icosaèdre l’eauAristote (384-322 av.JC) développe une théorie similaire avec les 5 élémentsmais sans lien avec les symétries et les solides réguliers, auxquels sont associésles quatre opposés fondamentaux (la terre est froide et sèche, l’eau est froideet humide, l’air est chaud et humide et le feu est chaud et sec). L’éther estl’élément céleste, support de la lumière.

7

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8 CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA PHYSIQUE DES PARTICULES

Les élements fonda-mentaux en Asie

Les cultures asiatiques ont développées des théories des éléments très simi-laires aux théories platonicienne et aristotélicienne. On y retrouve quasimentles mêmes éléments qui sont toujours au nombre de 5. Le Mahabhuta dansle boudisme et le Tattva dans l’hindouisme sont des préceptes fondés sur 5éléments : le feu, la terre, le vent, l’eau et l’éther. Au Japon, influencé par leboudisme, le Godai présente les mêmes éléments, mais l’éther y est désignécomme la voix ou le ciel. Enfin la philosophie chinoise de Zou Yan présente leséléments suivants : le feu, la terre, l’eau, le bois et le métal. Les éléments inter-agissent via deux principes opposés : le Yin (froid, humide, sombre et féminin)et le Yang (chaud, sec, lumineux et masculin). La particularité essentielle desphilosophies d’extrême orient est que le vide y joue un rôle fondamental, alorsqu’il ne peut exister dans le cadre aristotélicien.

Le moyen-âge

Dans l’antiquité l’alchimie est née de la découverte des métaux et s’apparentaitdonc fortement à la métallurgie. Elle fut développée en Grèce, en Mésopota-mie et surtout en Égypte. Au moyen-âge ce sont d’abord les arabes qui vontdévelopper l’alchimie, en particulier Jabir Ibn Hayyan dit Geber (721-785). Onlui ajoute alors une mythologie. En occident, en reprend les idées arabes et yajoutant des principes philosophiques et des dogmes chrétiens. Les alchimistesvont développer des méthodes expérimentales d’extraction et de synthèse deproduits toujours utilisées aujourd’hui. Il y a un très grand nombre d’élémentsen alchimie, mais 8 sont considérés comme fondamentaux, les 5 éléments destraditions grecque et indienne (feu, terre, air, eau, éther) auxquels sont ajoutésle soufre, le mercure et le sel.

XVIIème siècle

Les alchimistes ont identifié 12 corps fondamentaux (antimoine, argent, arsenic,carbone, cuivre, étain, fer, mercure, or, phosphore, plomb, soufre).Van Helmont (1577-1644) critique la déconnexion entre les principes théo-riques de l’alchimie et la pratique expérimentale. En conservant les techniquesexpérimentales développées jusque là, Van Helmont abandonne les principesphilosophiques alchimiques et décide que la théorie doit être construite pourrendre compte de l’expérience, l’analyse des résultats devant se faire avec unerigueur scientifique et pas fonction de préconceptions mythiques ou philoso-phiques (jusque là l’interprétation des alchimistes de l’échec de la synthèse dela pierre philosophale était que c’était Dieu qui ne l’avait pas voulu). C’est lanaissance de la chimie moderne. Fin du mythe des éléments platoniciens ouaristotéliciens.Isaac Newton (1643-1727) découvre la théorie de la gravitation universelle etles lois de la mécanique, publiées dans son ouvrage Philosophia naturalis prin-cipia mathematica en 1687. C’est le retour, depuis Platon et Pythagore, desmathématiques pour décrire la physique.

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1.1. HISTORIQUE 9

1869La pratique de la chimie remet à jour la description de la matière par deséléments. La classification périodique des éléments est découverte par DimitriMendeleiev (1834-1907).

XIXème siècle

Retour de la théorie atomiste abandonnée depuis l’antiquité, on pense que leséléments de la classification périodique sont associés à différents types d’atomes.Les théories atomistes cherchent à expliquer par le concept d’atome les proprié-tés de ces éléments. L’un des modèles atomiques, représente l’atome comme“une pomme” neutre avec des pépins chargés électriquement.Peter Guthrie Tait (1831-1901), Lord Kelvin (1824-1907) et James Clerk Max-well (1831-1879) mettent au point la théorie des anneaux d’éther pour expliquerles spectres d’absorption et d’émission. On supposait que les ondes électroma-gnétiques avaient besoin d’un milieu pour se propager, ce milieu était appelééther. Des théoriciens avaient découvert qu’un anneau de fumée pouvait êtrestable à condition que le fluide dans lequel il est plongé ne soit pas turbulent.Suivant cette propriété, Tait, Kelvin et Maxwell ont supposé que l’éther pou-vait former des anneaux, ces anneaux pouvant s’entrelacer et faire des nœuds.Les atomes ou les éléments ne seraient pas ponctuels mais ces anneaux d’étherentrelacés, et donc de dimension 1. Les propriétés spectroscopiques seraientalors liées aux propriétés topologiques des nœuds formés par ces anneaux. Les3 physiciens se sont alors lancé dans l’étude et la classification des nœuds,donnant naissance à une nouvelle branche des mathématiques qui est toujoursaujourd’hui l’une des plus active en recherche, la théorie des nœuds.

1900

Max Planck (1858-1947), afin d’interpréter le rayonnement du corps noir quin’est pas compatible avec les lois de l’électromagnétisme, propose que les corpsnoirs n’émettent pas un rayonnement continu mais par paquets d’énergie ap-pelés quantas.

1906

Albert Einstein (1879-1955) reprend la théorie des quantas de Planck afin d’in-terpréter l’effet photoélectrique. La lumière est composée de particules fonda-mentales appelées photons. La même année il publie l’article fondateur de larelativité restreinte. Abandon de la théorie de l’éther.

- 1911 Ernest Rutherford (1871-1937) découvre la structure de l’atome, un noyau en-tourés d’électrons.

1915Albert Einstein publie l’article fondateur de la relativité générale qui permetde décrite la gravitation dans le contexte relativiste.

1919Découverte du proton. L’éclipse solaire permet de vérifier une prédiction impor-tante de la relativité générale, la déviation de la lumière par un corps massif.

années 20 et 30

Erwin Schrödinger (1887-1961), Werner Heisenberg (1901-1976), Nield Bohr(1885-1962), Louis de Broglie (1892-1987), Wolfgang Pauli (1900-1958), PaulDirac (1902-1984), et Enrico Fermi (1901-1954) élaborent la mécanique quan-tique qui décrit correctement les molécules, atomes et particules fondamentales.

1930 Découverte du neutrino.

1932 Découverte du neutron.

1945La première bombe nucléaire américaine explose dans le désert du Nouveau-Mexique.

années 50 et 60À la suite de la construction des premiers accélérateurs de particules, on dé-couvre un très grand nombre de nouvelles particules.

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10 CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA PHYSIQUE DES PARTICULES

1954Chen Ning Yang (1928-) et Robert Mills (1927-1999) proposent les théories dejauge, c’est le retour depuis Platon de la notion de symétrie comme centraledans la théorie des éléments fondamentaux de la nature.

1964

Murray Gell-Mann (1929-) invente le modèle des quarks. Les nombreuses par-ticules récemment découvertes seraient des composites de quarks.Robert Brout (1928-), François Englert (1932-) et Peter Higgs (1929-) pro-posent la mécanisme de brisure spontanée de symétrie pour résoudre la pro-blème de description des particules massives dans les interactions faibles. Cemécanisme nécessite l’intervention d’une nouvelle particule, le boson de Higgs,qui n’a encore jamais été observé expérimentalement aujourd’hui.

1968Première observation confirmant l’existence des quarks à l’accélérateur de par-ticules de Standford.

années 80-90

Des théoriciens proposent de nouvelles théories pour unifier la mécanique quan-tique et la relativité générale. L’une de ces théories, la théorie des cordes, sup-pose que les particules ne sont pas ponctuelles mais de dimension 1, idée quin’avait pas été reprise depuis la théorie des anneaux d’éther.Dans le même temps, à la suite d’un article de Dirac de 1931, des physiciens pro-posent d’introduire de nouvelles particules (monopôles, instantons, ...), jamaisencore observées, pour expliquer certains phénomènes ou par rendre symétriquecertaines équations. L’une d’elle, celle introduite par Dirac, le monopôle magné-tique, rend symétrique les équations de Maxwell avec des sources de champsmagnétiques. Ces nouvelles particules sont associées à des propriétés topolo-giques des interactions, c’est aussi un retour de l’un des concepts de la théoriedes anneaux d’éther.

1998L’expérience SuperKamiokande au Japon, montre que les neutrinos ont unemasse contrairement à ce que l’on pensait jusqu’alors.

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1.2. SYSTÈME D’UNITÉS DE LA PHYSIQUE DES PARTICULES, CONSTANTES FONDAMENTALES ET ÉCHELLES DE

1.2 Système d’unités de la physique des particules, constantes fon-damentales et échelles de Planck

constante de Planck ~ = 1.05 × 10−34Jsvitesse de la lumière dans le vide c = 3 × 108m/s

constante de Boltzmann kB = 1.4 × 10−23J/Kconstante de couplage électromagnétique e = 1.6 × 10−19C

(charge électrique élémentaire)constante de structure fine α ≃ 1

137

constante de gravitation universelle G = 6.7 × 10−11m3/(kg.s2)

énergie 1eV = 1.6 × 10−19Jmasse 1eV/c2 = 1.8 × 10−36kgdurée 1~/eV = 6.6 × 10−16s

longueur 1~c/eV = 2 × 10−7mtempérature 1eV/kB = 11600K

longueur de Planck√

G~c3 = 1.6 × 10−35m = 8.2 × 10−29~c/eV

masse de Planck√

c~G = 2.2 × 10−8kg = 1.2 × 1028eV/c2

temps de Planck√

~Gc5 = 5.4 × 10−44s = 8.2 × 10−29~/eV

température de Planck√

c5~Gk2

B

= 1.4 × 1032K = 1.2 × 1028eV/kB

énergie de Planck√

c5~G = 1.9 × 109J = 1.2 × 1028eV

1.3 Panorama des théories physiques

Action Vitesse Force gravitationnelle Théorie physique pertinentevs autres forces

A ≫ ~ v ≪ c indifférent Physique NewtonienneA ≫ ~ v ∼ c négligeable Relativité Restreinte (y compris électromagnétisme)A ≫ ~ v ∼ c importante Relativité GénéraleA ∼ ~ v ≪ c négligeable Physique QuantiqueA ∼ ~ v ∼ c négligeable Théorie Quantique des ChampsA ∼ ~ v ∼ c importante Inconnue (théorie des cordes, gravité quantique par boucles,...)

+ cadres théoriques transverses : Physique Statistique, Physique Lagrangienne, Physique Hamiltonienne etThéorie Classique des Champs.

1.4 Les lois fondamentales de la physique des particules

Les lois fondamentales de la physique des particules s’expriment comme :– des lois de symétrie ou d’invariance,– des lois de conservation,– des phénomènes de brisure ou de violation de symétrie.

Le concept premier de la physique des particule est donc le suivant :

Théorème 1 (Théorème de Noether). À toute transformation continue laissant invariant le Lagrangien (àtoute symétrie de la dynamique) est associée une grandeur qui se conserve (une intégrale première).

Exemple : les transformations de référentiel– homogénéité du temps (les lois de la physique sont invariantes par translation temporelle du référentiel)⇐⇒ conservation de l’énergie.

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12 CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA PHYSIQUE DES PARTICULES

– homogénéité de l’espace (les lois de la physique sont invariantes par translation spatiale du référentiel)⇐⇒ conservation de l’impulsion.

– isotropie de l’espace (les lois de la physique sont invariantes par rotation du référentiel) ⇐⇒ conser-vation du moment cinétique.

1.5 Les grands instruments

1.5.1 Les accélérateurs de particules

Afin d’étudier les constituants élémentaires – les particules fondamentales – la physique expérimentale desparticules réalise des collisions à très hautes énergies. Ces collisions poursuivent différents buts : mettre enévidence la caractère composite de certaines particules et donc trouver des particules plus élémentaires (soiten brisant une particule composite, soit en provoquant un mouvement des particules constituantes à l’inté-rieur de la composite) ; mettre en évidence des propriétés internes des particules fondamentales (exemple depropriété interne : le spin) ; fournir suffisamment d’énergie pour que le choc engendre de nouvelles particules(soit par constitution d’une particule composite, soit par création d’une particule “surgissant du vide” commele permet la mécanique quantique). Plus on fournit de l’énergie, plus on a de chances de voir se produiredes phénomènes intéressants lors de la collision. Il faut donc accélérer les particules primaires avant de lesentrechoquer.L’une des missions principales des grands accélérateurs (du LHC en particulier) est la recherche d’une par-ticule indispensable au modèle standard de la physique des particules, le boson de Higgs. Prédit par lemécanisme de brisure spontanée de symétrie (mécanisme nécessaire pour expliquer la masse des particulesen théorie quantique des champs sans aboutir à des aberrations), la découverte de cette particule serait laconfirmation ultime de la validité du modèle standard. Les autres nouvelles particules recherchées dans lesaccélérateurs aujourd’hui sont associées à des nouvelles théories physiques au delà du modèle standard.

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1.5.LE

SG

RA

ND

SIN

ST

RU

ME

NT

S13

Type Principe Puissance maximale ExempleAccélérateur linéaire électrostatique condensateur 1 MeV

Accélérateur linéaire Wideroë-Alvarez

succession de cavités de taillescroissantes où règnent deschamps électriques alternatifshyperfréquences dont les crêtessont synchrones avec le faisceau.

10 GeVSLAC (Standford Li-near Accelerator Center),Standford (USA)

Cyclotron

BB

E 1 GeVPSI (Paul Scherrer Insti-tute), Villegen (Suisse)

Synchrotron

injecteur

éjecteur

à videchambre cavité

à champ HF

anneau àchamp magnétique

10 TeVLHC (Large Hadron Col-lider), CERN, Genève(Suisse)

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14 CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA PHYSIQUE DES PARTICULES

Le tunnel du SLAC où setrouve l’accélérateur.

Le cyclotron du PSI

Schéma du LHC.

L’anneau du LEP et du LHC sous la frontièrefranco-suisse.

Photo de l’intérieur de l’anneau du LHC.

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1.5.LE

SG

RA

ND

SIN

ST

RU

ME

NT

S15

1.5

.2Les

trajecto

gra

phes

Type Principe

Chambre à brouillardGouttelettes provoquées par l’ionisa-tion d’un gaz saturé en vapeur lors dupassage d’une particule chargée.

Chambre à bulles

Bulles formées par le passage d’une par-ticule dans une cuve d’hydrogène li-quide placée dans un champ magné-tique intense.

Chambre à fils

ddp sur une grille de fils sous tensionlors de l’ionisation du gaz d’argon aupassage d’une particule chargée (traite-ment informatique).

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16 CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA PHYSIQUE DES PARTICULES

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Chapitre 2

Introduction à la théorie de la relativité

restreinte

2.1 Les transformations de Lorentz

À la fin du XIXème siècle, par analogie avec les ondes acoustiques qui ont besoin d’un milieu matériel pourse propager, les physiciens pensaient que les ondes électromagnétiques avaient elles aussi besoin d’un milieupour leur propagation. Ce milieu était appelé “éther” (en réalité celui-ci avait été introduit dès l’antiquité).En 1881, Michelson et Morley entreprirent de mesurer les variations de la vitesse de la lumière par rapportau référentiel du laboratoire. Autrement dit, vérifier la relation v = v′ + ve où v est la vitesse de la lumièredans le référentiel de l’éther, v′ la vitesse de la lumière dans le référentiel du laboratoire et ve la vitessed’entraînement du laboratoire (dû au mouvement de la Terre par rapport à l’éther qui dans une bonneapproximation peut être considéré comme un mouvement de translation uniforme). L’expérience consistaità étudier la figure d’interférences obtenue par un appareil appelé aujourd’hui interférmomètre de Michelson-Morley (cf. cours d’optique) de bras de 11m reposant sur un banc d’optique flottant dans un bain de mercure(afin de limiter les vibrations parasites). Cette expérience fut un échec, aucune variation de la vitesse n’apu être mise en évidence. Dans le même temps, d’autres expériences (Fizeau et Kaufmann) ont révélées desfailles dans la mécanique classique. Le tout combiné avec le fait que les équations de Maxwell ne sont pasinvariantes par transformation de Galilée (cf. cours d’électromagnétisme de L2), poussa Einstein à proposerde nouveaux fondements à la mécanique, c’est la relativité restreinte.

Principe 1. Toutes les lois de la physique sont invariantes par changement de référentiel galiléen.

Il s’agit là d’étendre le principe de la relativité galiléenne à la théorie de l’électromagnétisme (les équationsde Maxwell devraient par principe être invariantes par changement de référentiels galiléens). L’expériencede Michelson combinée à ce premier principe, incite alors à poser le second principe suivant :

Principe 2. La vitesse de la lumière dans le vide est invariante par changement de référentiel galiléen (etdonc est indépendante du mouvement de la source).

Afin de respecter ces deux principes, les transformations de Galilée permettant d’exprimer un changementde référentiel :

x = x′ + vet

x étant la position d’une particule dans un référentiel Galiléen R, x′ sa position dans un référentiel Galiléen R′

en mouvement rectiligne uniforme de vitesse ve par rapport R dans la direction Ox (R et R′ étant confonduà t = 0) ; ces transformations doivent être remplacées par les transformations de Lorentz-Poincaré :

x =x′ + vet

′√

1 − v2ec2

ct =ct′ + ve

c x′

1 − v2ec2

17

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18 CHAPITRE 2. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ RESTREINTE

c étant la vitesse de la lumière dans le vide (constante universelle d’après le second principe), t est le tempsécoulé dans le référentiel R depuis l’instant où les deux référentiels étaient confondus, et t′ est le temps écoulédans le référentiel R′. C’est cette “relativité du temps” qui donne son nom à la théorie (nom qui est parailleurs assez mal choisi, puisque le principe fondateur est un principe d’universalité des lois de la physique– la théorie de la relativité n’énonce pas “tout est relatif”, bien au contraire –). On appelle facteur relativistele terme :

γe =1

1 − v2ec2

On dérive des transformations de Lorentz-Poincaré la loi de composition des vitesses qui remplace ~v = ~v′+~vepar

vx =v′x + ve

1 +vev′xc2

vy =v′y

γe(1 +vev′xc2 )

vz =v′z

γe(1 +vev′xc2 )

Pour prouver ces formules, il suffit d’écrire que vx = dxdt = ∂x

∂x′

∂x′

∂t + ∂xc∂t′

c∂t′

c∂t .Il vient de cette formule que v ≤ c, la vitesse de la lumière dans le vide apparaît donc comme une vitesselimite indépassable.

c étant une constante fondamentale, dont la valeur est un invariant de référentiel, on voit que l’on peutconsidérer le temps comme similaire à de l’espace par la conversion ct. L’idée est la suivante, lorsqu’onexprime un trajet s’effectuant à la vitesse v constante, on peut mesurer la trajet par la longueur x de celui-ciou par sa durée t. Les deux mesures du trajet sont équivalentes par x = vt. En mécanique Newtonienne, cetteéquivalence n’est pas canonique, v dépend du choix de référentiel. Mais en relativité restreinte, il existe unevitesse, celle de lumière, qui est invariante de référentiel, l’équivalence x = ct est donc canonique. L’espaceet le temps ne sont donc que deux aspects de la même notion.Par un raisonnement similaire et une analyse dimensionnelle, on est aussi conduit à constater le postulatsuivant :

Postulat 1 (Principe d’équivalence masse-énergie). La masse m d’objets matériels peut être convertie enénergie E0, et réciproquement, suivant la formule d’équivalence entre masse et énergie :

E0 = mc2

Les formules usuelles définissant l’impulsion et l’énergie cinétique d’une particule libre, ne sont pas com-patibles avec les tranformations de Lorentz. Les formules correctes sont, pour l’impulsion :

~p = γm~v

et pour l’énergie cinétiqueEK = (γ − 1)mc2

avec toujours le facteur relativiste γ = 1q

1− v2

c2

. La façon la plus naturelle de prouver ces formules serait

l’étude du Lagrangien de la relativité restreinte, on ne le fera pas ici et on se contentera de constater qu’àla limite newtonienne, v ≪ c, les développements limités de formules relativistes redonnent les formulesclassiques. On remarquera qu’une particule libre a pour énergie totale la somme de son énergie cinétique etde son énergie de masse, soit

E = EK + E0 = γmc2

En physique des particules, on se place souvent dans un référentiel très pratique pour effectuer les calculs,le référentiel du centre de masse. Celui-ci se définit exactement comme en mécanique newtonienne :

Définition 1 (Référentiel du centre de masse). On appelle référentiel du centre de masse d’un système departicules, le référentiel R∗ en translation par rapport au référentiel du laboratoire R tel que la quantité demouvement totale du système de particules soit nulle :

i ~pi/R∗ = ~0.

Si le système de particules est isolé, R∗ est galiléen.

Propriété 1. La relation invariante de référentiel galiléen entre énergie et impulsion est

E2

c2− p2 = m2c2

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2.2. GÉOMÉTRIE DE L’ESPACE-TEMPS 19

Autement dit, si on dispose de deux référentiels galiléens R et R′ alors

E2/Rc2

− p2/R =

E2/R′

c2− p2

/R′ = m2c2

Cette relation, est aussi appelée équation fondamentale de la dynamique libre de la relativité restreinte (c’est

la version relativiste de l’équation newtonienne E = p2

2m pour une particule libre).

2.2 Géométrie de l’espace-temps

La particularité remarquable de la théorie de la relativité restreinte et qu’elle traite l’espace et le tempssur un pieds d’égalité. On est donc amené à ne considérer qu’une seule entité, l’espace-temps. Comprendrela relativité restreinte revient à comprendre la géométrie de l’espace-temps. Or comme la géométrie dansun espace dérive plus ou moins directement de la géométrie des triangles, il suffit de connaître les lois de lagéométrie triangulaire.

Avant d’étudier la géométrie de l’espace-temps, commençons par rappeler quelques trivialités sur lagéométrie de l’espace (la géométrie euclidienne). Considérons donc un triangle rectangle dans l’espace :

A B

C

y

x

Les propriétés d’un tel triangle sont :– Le théorème de Pythagore (pour un triangle rectangle) :

AB2 +BC2 = AC2

– L’inégalité triangulaire :AB +BC ≥ AC

Il est important de faire la distinction entre coordonnées, différence de coordonnées, et longueur. Supposonsque A et C soient deux points de l’espace où se trouvent des particules. Le point B n’étant que le pointgéométrique, projection de C sur l’axe des x. AB et BC sont des différences de coordonnées. Ces différencessont homogènes à des longueurs mais ce ne sont pas des longueurs physiques. Pour s’en rendre compte, ilsuffit de changer le système d’axes du repère (qui est arbitraire) pour trouver des valeurs différentes. La seulelongueur physique est la distance AC, qui elle est invariante sous changement de repère. Cette remarquepeut sembler bête, mais il sera utile de s’y référer pour la discussion du cas spatio-temporel où les chosesseront moins intuitives.Du théorème de pythagore, on déduit l’expression de la longueur infinitésimale dans l’espace, dℓ :

dℓ2 = dx2 + dy2 + dz2

Attention à la notation : dℓ2 ≡ (dℓ)2 6= d(ℓ2).Ainsi, pour une courbe C, paramétrée par (x(u), y(u), z(u)) avec u ∈ [0, 1], la longueur de C est

ℓ(C) =

Cdℓ =

∫ 1

0

√(dx

du

)2

+

(dy

du

)2

+

(dz

du

)2

du

dℓ2 porte le nom de métrique (car elle est reliée à la notion de métrique de la théorie des tenseurs, cf. coursde mathématiques).

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20 CHAPITRE 2. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ RESTREINTE

En relativité, “la trajectoire dans l’espace-temps” d’une particule s’appelle une une ligne d’Univers.Du fait de la limite de la vitesse de la lumière, les lignes d’Univers admissibles passant par un point Oreprésentant la position de la particule à l’instant présent, sont confinées entre les bisectrices représentantun déplaçement à la vitesse de la lumière. L’objet à 3 dimensions engendré dans l’espace-temps par cesbisectrices est appelé cône de lumière.

x

ct

O

futur

passé

ailleurs

présent

ailleurs

Une courbe confinée dans le cône de lumière est dite de genre temps (c’est une courbe qui peut représenterquelque chose de physique), une courbe qui sort du cône de lumière est dite de genre espace (elle ne correspondà rien de physiquement admissible), enfin une courbe sur le cône de lumière est dite de genre lumière (ellecorrespond à la physique des particules sans masse).La géométrie des triangles dans l’espace-temps doit refléter ce qui caractérise principalement celui-ci, à savoirque les segments physiques admissibles doivent être de genre temps (ou lumière).

Ax

C

B

ct

Les triangles rectangles dont AB serait plus long que BC sont donc interdits. La façon “naturelle” d’obtenirgéométriquement cette interdiction, consiste à changer le signe du théorème de Pythagore (ce qui à pourconséquence de renverser l’inégalité triangulaire). La géométrie de l’espace-temps, dite géométrie minkows-kienne est donc caractérisée par :

– Le théorème de Pythagore-Minkowski (pour un triangle rectangle) :

BC2 −AB2 = AC2

– L’inégalité triangulaire Minkowskienne :

AB +BC ≤ AC

Ainsi si on avait AB > BC, le theorème de Pythagore-Minkwoski induirait que AC2 < 0 et donc que ACserait imaginaire pur et par conséquent non-physique.Il faut faire attention au fait qu’il y a en relativité, deux notions de temps différents, et faire bien la dis-tinction entre date, différence de dates et durées. Supposons que A et C correspondent à deux événements,et que B soit la projection de C sur l’axe des x. L’axe ct représente le temps géométrique, c’est à direun axe choisi pour repérer les dates. Le choix d’un système d’axes dans l’espace-temps est aussi arbitraireque le choix d’un système d’axes dans l’espace, donc la différence entre deux dates est arbitraire et n’estpas physique (c’est une différence de coordonnées). Ainsi CB, bien qu’homogène à une durée, n’est pas unedurée physique. Seul AC est une durée physique car indépendant du choix d’axes, on l’appelle le temps

propre. Le temps propre est un temps qui s’est physiquement écoulé pour une particule dans son référentielpropre (on rappelle que du fait des transformations de Lorentz, les durées écoulées sont relatives à un choixde référentiel).

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2.3. COLLISIONS DE PARTICULES RELATIVISTES 21

Prenons un exemple concret pour interpréter le triangle : Obi-Wan Kenobi quitte la planète Coruscant pourse rendre sur la planète Tatouine. On suppose que son voyage se déroule suivant un mouvement rectiligneuniforme à la vitesse v < c. Les planètes Coruscant et Tatouine sont supposées fixes l’une par rapport àl’autre, et on choisit l’axe des x comme la droite reliant les deux planètes. L’événement A est le départd’Obi-Wan de Coruscant et l’événement C l’arrivée d’Obi-Wan sur Tatouine. B n’est pas un événement,c’est la projection de C sur l’axe des x. Coruscant et Tatouine étant fixes l’une par rapport à l’autre, onpeut leur attribuer un référentiel commun. On peut donc supposer qu’il existe une horloge sur Coruscant quisoit synchrone avec une horloge sur Tatouine. L’axe ct représente alors les dates indiquées par les horlogesplanétaires synchrones. On suppose de plus qu’Obi-Wan embarque une horloge avec lui (étant un mouvementdans le référentiel des planètes, cette horloge est asynchrone avec les horloges planétaires). Que représente letriangle ? AB est la distance entre Coruscant et Tatouine. BC est la date indiquée par l’horloge de Tatouineà l’arrivée d’Obi-Wan moins la date indiquée par l’horloge de Coruscant à son départ. Il ne s’agit pas d’unedurée physique, mais seulement d’un paramètre géométrique lié au choix des axes (ce que l’on peut voir dansle fait que l’on fait la différence entre des dates indiquées par deux horloges différentes, on remarquera que siles deux horloges avaient été asynchrones, on n’aurait même pas eu le droit de faire cette différence). Enfinle temps propre AC est la durée du voyage d’Obi-Wan telle que mesurée par son horloge embarquée.On pourrait comparer deux durées physiques en faisant revenir Obi-Wan sur Coruscant. Soit D cet événe-ment. AD est alors une durée physique, c’est la durée mesurée par l’horloge de Coruscant entre le départet le retour d’Obi-Wan. AC + CD est la durée mesurée par l’horloge d’Obi-Wan entre son départ et sonretour. Du fait de l’inégalité triangulaire inversée, on a AC + CD < AD. Entre les deux événements quesont le départ et le retour d’Obi-Wan, il s’est écoulé plus de temps sur Coruscant que pour Obi-Wan. Cettedilatation du temps, est appelée dans le cas présent, paradoxe de Langevin.

Du théorème de Pythagore-Minkowski, on déduit que la métrique (le temps propre infinitésimal au carré)est

ds2 = c2dt2 − dx2 − dy2 − dz2

Le temps propre d’une ligne d’Univers de genre temps C, paramétrisée par (ct(u), x(u), y(u), z(u)) avecu ∈ [0, 1] est donc

τ(C) =

Cds =

∫ 1

0

√(cdt

du

)2

−(dx

du

)2

−(dy

du

)2

−(dz

du

)2

du

L’essence de la théorie de la relativité restreinte est contenue dans la géométrie Minkowskienne, le resten’est que raffinement.

2.3 Collisions de particules relativistes

La théorie des collisions en relativité restreinte est rigoureusement la même que celle de la mécaniquenewtonienne (cf. cours de physique newtonienne de L1), à condition d’utiliser les formules relativistes del’impulsion et de l’énergie.

Postulat 2 (Conservation de l’impulsion). Lors d’une collision de particules, la quantité de mouvementtotale est conservée. ∑

i

~pi,in =∑

j

~pj,out

Postulat 3 (Conservation de l’énergie totale). Lors d’une collision de particules, l’énergie totale (cinétiqueet de masse) est conservée.

i

(EKi,in +mi,inc2) =

j

(EKj,out +mj,outc2)

Postulat 4 (Principe de conservation de l’énergie de masse). Lors d’une collision élastique l’énergie demasse totale se conserve. ∑

i

mi,inc2 =

j

mj,outc2

Ce principe n’étant pas vérifié lors des collisions inélastiques, il vient que la masse totale est différenteavant et après la collision.

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22 CHAPITRE 2. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ RESTREINTE

Définition 2 (Énergie seuil). Soit un collision inélastique dont les particules filles sont différentes desparticules mères. On appelle énergie seuil de la réaction, l’énergie minimale que doivent posséder les particulesmères pour engendrer les particules filles (c’est donc l’énergie minimale à fournir pour que la réaction puissese réaliser). Dans le référentiel du centre de masse R∗, l’énergie seuil est l’énergie de masse des particulesfilles :

E∗S =

j

mj,outc2

L’étude des collisions en relativité restreinte est rendue délicate par le problème du choix du référentiel,surtout si l’on cherche à déterminer les lignes d’Univers des particules. Des effets relativistes (dilatationdes durées de vie et contraction des longueurs de vol) rendent très délicate l’étude précise des collisionsinélastiques. Ces problèmes seront traités en cours de relativité restreinte.

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Chapitre 3

Le modèle standard de la cosmologie

3.1 La gravité

Considérons un homme de masse m dans un ascenseur en chute libre de masse M . Soit O le centre del’ascenseur et P la position de l’homme. Dans le référentiel de la Terre, on a

Md2zOdt2

= −Mg ⇒ zO(t) = zO(0) − gt2

2

De même on a

md2zPdt2

= −mg ⇒ zP (t) = zP (0) − gt2

2

Dans le référentiel de l’ascenseur on a donc

−−→OP (t) = zP (t) − zO(t) = zP (0) − zO(0)

Dans l’ascenseur en chute libre, la gravité est comme effacée, aucune expérience ne permet de la voir semanifester. Ceci ressemble beaucoup à la définition des forces d’inertie (une force d’inertie est une force quidisparaît dans les référentiels galiléens). De cette constatation, Einstein tira l’idée que la gravité devait êtrede même nature qu’une force d’inertie, à la différence que le raisonnement n’est valable que pour un champde gravité uniforme ~E = −g~ez. Or le champ de gravité ~E = −GM

r2 ~er n’est qu’approximativement uniformesur de courtes distances (on dit qu’il est localement uniforme). La gravité est dite alors localement inertielle,et on introduit la notion de référentiel localement galiléen : un référentiel en mouvement de translationrectiligne uniforme ou en chute libre par rapport à un référentiel galiléen connu. C’est le point départ de larelativité générale. Notons que ceci est lié au principe d’équivalence entre masse inertielle (mi~a) et massepesante (mp~g).Afin de tirer toutes les conséquences du fait que la gravité est une force localement inertielle, reprenons lecas de la physique newtonienne (ou de la relativité restreinte), en essayant de comprendre le raisonnementépistémologique qui conduit à lier référentiels galiléens et mouvement rectiligne uniforme.

– On définit épistémologiquement parlant, les référentiels galiléens comme les référentiels naturels de laphysique. Un référentiel galiléen ne doit donc pas être soumis à une “contrainte” extérieure. Considéronsdeux de ces référentiels, et plus précisément le mouvement de l’un par rapport à l’autre.

– La physique est gouvernée par un principe de moindre action : la nature va au plus facile.– Le référentiel galiléen ne subissant aucune contrainte extérieure, le plus facile est d’aller au plus court.– Le chemin le plus court entre deux points dans l’espace euclidien c’est la droite. La ligne d’Univers la

plus courte entre deux événements dans l’espace-temps minkowskien c’est la droite.– Une droite dans l’espace-temps est un mouvement rectiligne uniforme. Nos deux référentiels galiléens

sont donc en mouvement rectiligne uniforme l’un par rapport à l’autre.Il faut bien noter qu’il s’agit là d’un raisonnement épistémologique et non d’un raisonnement logique ou d’unedémonstration mathématique. À la suite de ce raisonnement, on peut alors formaliser les choses, définir lescontraintes extérieures comme les forces extérieures (ce qui permet alors de définir les forces d’inertie), écriremathématiquement le principe de moindre action en introduisant le lagrangien, etc. Voyons comment onpeut adapter ce raisonnement au fait que la gravité passe du statut de force extérieure à force localementinertielle :

23

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24 CHAPITRE 3. LE MODÈLE STANDARD DE LA COSMOLOGIE

– Les référentiels localement galiléens sont toujours les référentiels naturels de la physique, ils ne sontsoumis à aucune contrainte extérieure.

– On maintient que la physique est gouvernée par un principe de moindre action.– En l’absence de contraintes, le plus facile est toujours d’aller au plus court.– Le mouvement de chute de libre entre deux événements est donc un mouvement qui suit la ligne

d’Univers la plus courte entre ces deux événements.– Mais la ligne d’Univers de chute libre est une courbe, zP (t) = zO(0)−g t22 (une parabole ici). Le chemin

le plus court entre deux événements dans l’espace-temps (ou entre deux points dans l’espace) est donccourbe. L’espace-temps présente donc une géométrie courbe.

Que veut-on dire par géométrie courbe ? L’exemple le plus simple est la géométrie à la surface d’unesphère. Pour relier deux points sur la surface de la sphère, le chemin le plus court (qui reste sur la surface)est l’arc de grand cercle passant par ces points (les grands cercles d’une sphère sont les cercles en surface quiont pour centre le centre de la sphère). Cet arc est donc l’équivalent de la droite sur la surface (les “droitescourbes” sont appelées géodésiques). On dit que la géométrie présente une courbure positive ou encoreque c’est une géométrie sphérique. Il existe un autre cas, avec une courbure négative, appelée géométriehyperbolique. Encore une fois, c’est la géométrie des triangles qui va fixer les propriétés de ces différentesgéométries.

Propriétés Géométrie plane Géométrie sphérique Géométrie hyperboliqueCourbure nulle positive négative

Somme des angles d’un triangle = π > π < πPérimètre d’un cercle de rayon r = 2πr < 2πr > 2πr

Deux “droites” (géodésiques) sont parallèles se coupent s’éloignentorthogonales à une troisième l’une de l’autre

Axiome d’Euclide

Soit une droite (D)et un point M n’ap-

partenant pas à cette

droite. Par M passe

une unique droite pa-

rallèle à (D).

Soit une géodésique

(D) et un point M

n’appartenant pas à

cette géodésique. Par

M ne passe aucune

géodésique parallèle à

(D).

Soit une géodésique

(D) et un point M

n’appartenant pas à

cette géodésique. Par

M passent plusieurs

géodésiques parallèles

à (D).

Les propriétés de la géométrie sphérique peuvent être bien représentées par le triangle trois fois rectangle(un des sommets est au pôle et le côté opposé est le quart de l’équateur) :

Un exemple de géométrie hyperbolique est donné par le plan de Poincaré :

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3.2. LES MÉTRIQUES DE ROBERTSON-WALKER 25

Sur cette représentation du plan de Poincaré (due à Maurits Cornelis Escher - Circle Limit III, 1959) lesarêtes dorsales des poissons sont des géodésiques. L’image est représentée comme à travers une loupe ouun effet de perspective (seule façon de se représenter la géométrie hyperbolique), le cercle limite est en faitl’horizon à l’infini. Les arêtes dorsales des poissons sont donc toutes de même taille.

On notera que puisque c’est la gravité (qui n’est plus une force extérieure, mais une force localementinertielle) qui est la manifestation de la courbure de l’espace-temps, c’est donc la répartition des masses quifixe cette courbure. C’est là l’essentiel de la théorie de la relativité générale (le reste n’est que mathématiquespour formaliser les choses). Elle affirme donc que contrairement à la théorie Newtonienne où un champde gravité existe dans l’espace (et dans le temps), le champ de gravité est une illusion, manifestation despropriétés géométriques d’un espace-temps courbe. Ainsi, la gravité n’est pas réellement une interaction entreobjets massifs ; chacun des objets courbent l’espace-temps, et les dynamiques de ceux-ci suivent la géométrieinduite par cette courbure. La particularité de la théorie d’Einstein est qu’elle est indépendante d’arrière-fond : il n’existe pas un espace-temps plat universel sur lequel se déroule la dynamique gravitationnelle,l’espace-temps est lui-même un objet dynamique naturellement courbe.

3.2 Les métriques de Robertson-Walker

Le postulat fondamental de la cosmologie est, qu’aux très grandes échelles, la matière et l’énergie sontréparties uniformément dans l’Univers. La densité de masse étant uniforme, il existe une courbure cosmiqueconstante qui est la courbure moyenne de l’espace-temps (la courbure présente des fluctuations aux petiteséchelles, l’espace est plus courbé au voisinage d’une étoile que dans le vide interstellaire). Une analysemathématique montre, que la métrique cosmique (temps propre infinitésimal au carré) est de la forme :

ds2 = c2dt2 −R(t)2(

(dr)2

1 − kr2+ r2(dθ)2 + r2(sin θ)2(dϕ)2

)

k = −1, 0 ou +1 est appelé paramètre de courbure, et la fonction R(t) est appelée facteur d’échelle 1. Lesystème de coordonnées est tel que

θ ∈ [0, 2π]

ϕ ∈ [0, π]

t ∈ R

r ∈

[0,+∞[ si k = 0,−1

[0, 1] ⊔ [1, 0] si k = 1

Les métriques de cette forme sont dites de Robertson-Walker.

3.2.1 Le rôle du paramètre de courbure

Considérons le cas des métriques telles que k = 0. La partie spatiale de la métrique est alors

dℓ2 = R(t)2(dr2 + r2(dθ)2 + r2(sin θ)2(dϕ)2

)

︸ ︷︷ ︸

métrique euclidienne en coordonnées sphériques

Ces solutions correspondent donc à un Univers euclidien, donc de courbure nulle.

Considérons maintenant les solutions avec k = 1.

dℓ2 = R(t)2(

(dr)2

1 − r2+ r2(dθ)2 + r2(sin θ)2(dϕ)2

)

Soit un cercle dont les points sont de coordonnée 0 < r1 < 1. ∀r on a 11−r2 > 1. Le rayon du cercle est donné

par

a(t) = R(t)

∫ r1

0

dr√1 − r2

> R(t)r1

1. r est sans dimension alors que R(t) est une longueur.

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26 CHAPITRE 3. LE MODÈLE STANDARD DE LA COSMOLOGIE

et son périmètre est

R(t)r1

∫ 2π

0

dθ = 2πR(t)r1

On en déduit que2πR(t)r1 < 2πa(t)

L’Univers est donc sphérique.

Pour les cas k = −1,

dℓ2 = R(t)2(

(dr)2

1 + r2+ r2(dθ)2 + r2(sin θ)2(dϕ)2

)

Soit un cercle dont les points sont de coordonnée 0 < r1. ∀r on a 11+r2 < 1. Le rayon du cercle est donné par

a(t) = R(t)

∫ r1

0

dr√1 + r2

< R(t)r1

et son périmètre est

R(t)r1

∫ 2π

0

dθ = 2πR(t)r1

On en déduit que2πR(t)r1 > 2πa(t)

L’Univers est alors hyperbolique.

3.2.2 Le rôle du facteur d’échelle

Le facteur d’échelle R(t) traduit le phénomène de l’expansion de l’Univers, observé dans la fuite desgalaxies (cf. cours de cosmologie observationnelle). Considérons un système de coordonnées sur l’Universtelles que l’origine soit notre galaxie. Soit une autre galaxie se trouvant à la coordonnée r1. La distancepropre entre la Voie Lactée et cette galaxie est

dt(0, r1) = R(t)

∫ r1

0

dr√1 − kr2

=

R(t) arcsin r1 si k=1

R(t)r1 si k=0

R(t)argsh r1 si k = -1

Donc si R(t) croît avec t, dt(0, r1) croît de la même façon, et de même pour toute distance dans l’Univers.Le facteur d’échelle est donc le facteur d’expansion. Ainsi la vitesse propre de fuite des galaxies est donnéepar

Vt = dt(0, r1) = R(t)

∫ r1

0

dr√1 − kr2

=R(t)

R(t)dt(0, r1) = H(t)dt(0, r1)

où H = RR est appelé paramètre de Hubble (ou improprement “constante” de Hubble).

Intéressons-nous aux géodésiques de l’espace-temps de genre lumière (ds2 = 0). On suppose qu’il n’y apas de mouvement angulaire donc

c2dt2 =R(t)2dr2

1 − kr2

On a alorsdr

dt=c√

1 − kr2

R(t)

Supposons que R(t) → 0, alors

limR(t)→0

dr

dt= +∞

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3.3. MATIÈRE, ÉNERGIE ET DYNAMIQUE DE L’UNIVERS 27

Cette singularité lorsque on remonte dans le passé est appelée ironiquement Big-Bang. En réalité cettelimite est fausse car elle est déduite de calculs purement relativistes. Or en remontant si loin dans le passé,la reduction des distances est telle, qu’on ne peut plus appliquer la relativité générale, mais une théoriel’unifiant à la mécanique quantique, théorie qui nous est inconnue. Cet instant où la relativité générale seulene s’applique plus, porte le nom de mur de Planck et se situe à t~ = 10−43 s de l’instant 0 de la limiteprécédente. Le Big-Bang en tant que tel n’a donc aucun sens physique, c’est le résultat de l’application d’unethéorie en dehors de son domaine de validité.

3.3 Matière, énergie et dynamique de l’Univers

Il nous faut maintenant un moyen théorique de déterminer R(t) et k. Nous savons que sur de très grandesdistances l’Univers est homogène, regardé de loin il est empli uniformément de matière. L’ensemble peut êtreconsidéré comme un fluide parfait. Soit P (t) et ρ(t) respectivement la pression et la densité de masse parunité de volume de ce fluide de galaxies. Les équations d’Einstein de la relativité générale (que l’on nedonnera pas dans le cas général ici), se réduisent alors à

R

R= −4πG

3

(

ρ+3P

c2

)

3

(

R

R

)2

=8πG3ρ+

Λ

3− kc2

R2

dites équations de Friedmann. On introduit aussi la somme de ces deux équations

2R

R+

(

R

R

)2

+kc2

R2− Λ +

8πGc2

P = 0

dite équation de Raychandhuri. Ces équations gouvernent la dynamique de l’Univers.G est la constante de gravitation universelle, et Λ est appelée constante cosmologique. Son rôle est d’éventuel-lement “fournir” de l’énergie pour accélérer ou ralentir l’expansion de l’Univers. Les observations montrentque l’expansion de l’Univers accélérée et donc que Λ > 0. La forme d’énergie qui est responsable de cela nousest totalement inconnue, on l’appelle donc énergie noire (et parfois quintessence car elle serait une cinquièmeforce fondamentale). On se placera néanmoins le plus souvent dans le cadre où Λ = 0.

Considérons la première équation de Friedmann

R = −4πG3

(

ρ+3P

c2

)

R

Pour la matière baryonique (matière ordinaire), on a ρ+ 3P/c2 > 0, et par conséquent R < 0. ActuellementR > 0. On en déduit que la fonction R(t) est concave. Une étude mathématique des équations de Friedmannmontre que pour k = 0 (Univers plat) R(t) a une croissance logarithmique (limt→+∞ R(t) = 0), pourk = −1 on a une croissance continue, et pour k = +1 l’expansion se ralentie jusqu’à l’arrêt, puis l’Universse contracte.

R(t)

tBig−CrunchBig−Bang

k=0

k=1

k=−1

Reste à déterminer k. De la seconde équation de Friedmann, on tire

ρ =3

8πG

(

H(t)2 +kc2

R2

)

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28 CHAPITRE 3. LE MODÈLE STANDARD DE LA COSMOLOGIE

On pose ρcrit(t) = 3H(t)2

8πG la densité critique. On a alors

ρ > ρcrit ⇐⇒ k = 1

ρ = ρcrit ⇐⇒ k = 0

ρ < ρcrit ⇐⇒ k = −1

Ainsi en mesurant la vitesse d’expansion et la densité de masse de l’Univers, et en la comparant à la den-sité critique, on peut déterminer le paramètre de courbure. Ainsi si la densité de matière est faible l’Universest plat ou hyperbolique, par contre pour une forte densité de matière, l’Univers est sphérique.

Pour être plus précis sur l’évolution du facteur d’échelle en fonction du temps, on a besoin de considérerl’équation d’état du fluide cosmique P = βρc2 où β est une constante caractéristique de ce fluide, déterminéepar ses caractéristiques thermodynamiques. On montre que dans l’hypothèse d’un Univers plat (avec Λ = 0),que les équations de Friedmann conduisent à

ρ ∝ 1

R3(β+1)R(t) ∝ t

23(β+1)

Ainsi dans un Univers dominé par le rayonnement (caractérisé par β = 13 ), la densité de masse du fluide

cosmique se dilue en 1R4 , alors que dans un Univers dominé par la matière froide (β = 0), le densité du fluide

se dilue comme 1R3 . On voit donc que le rayonnement se dilue “plus vite” que la matière. Réciproquement,

en s’approchant du Big-Bang, la densité de rayonnement diverge “plus vite” que la densité de matière.Ceci conduit à supposer l’existence de deux régimes dynamiques dans l’expansion, au début de son histoirel’Univers est dominé par la rayonnement et l’expansion est telle que R(t) ∝ t1/2, puis la matière froide devientdominante et l’expansion satisfait R(t) ∝ t2/3. Les calculs dans le cas des autres courbures conduisent à desrésultats similaires.

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Deuxième partie

Aspects quantiques de la physique des

particules

29

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Chapitre 4

Fondements de la mécanique quantique

4.1 Les postulats

4.1.1 États et observables

La pratique de la physique suppose l’intervention de deux entités, le système physique étudié, et l’observa-teur qui l’étudie. La modélisation d’une théorie physique doit donc faire intervenir des objets qui caractérisentces deux entités. Le système physique va être caractérisé par des états, c’est à dire des quantités mathé-matiques décrivant les propriétés intrinsèques du système. L’intervention de l’observateur, qui effectue desmesures sur le système, va être caractérisée par des observables, c’est à dire des quantités mathématiquesqui vont décrire les résultats des mesures effectuées sur le système en fonction de l’état de celui-ci. Parexemple en mécanique classique, si l’on ne considère qu’une particule, celle-ci sera caractérisée par sa posi-tion dans l’espace et par son impulsion : (x, y, z, px, py, pz), un état est donc un point de R6. Les observablesseront alors des fonctions de R6 qui évaluées en un point donnent le résultat d’une mesure sur une particulecaractérisée par ce point. Les notions d’observable et d’état sont souvent confondues en mécanique classiquedu fait que la position et l’impulsion sont aussi des observables : l’observable position suivant l’axe x est lafonction fx telle que fx(x, y, z, px, py, pz) = x, ce que l’on interprète par “si on mesure la position (action del’observable fx) de la particule qui se trouve dans l’état (x, y, z, px, py, pz) le résultat de la mesure sera x”.

Un autre exemple est l’observable énergie cinétique, qui est la fonction EK(x, y, z, px, py, pz) =p2x+p2y+p2z

2m ;(m étant la masse de la particule).

4.1.2 Expérience des trous d’Young

Afin établir la structure du modèle de la mécanique quantique, considérons l’expérience des trous d’Young.On dispose d’une source émettant une particule à la fois, envoyée sur écran percé de deux trous. Les particulesheurtent ensuite un écran qui fait apparaître une tâche au niveau du point d’impact, mesurant ainsi la positiondes particules après le passage des trous.On observe que les points d’impact se répartissent aléatoirement sur l’écran tout en formant une figured’interférences caractérisée par des franges sombres (peu d’impacts) et des franges brillantes (beaucoupd’impacts). Si on bouche l’un des trous, les impacts se répartissent toujours de façon aléatoire mais sansreproduire de figures d’interférences.Interprétation :

1. la figure d’interférences étant caractéristique d’un phénomène ondulatoire, on en déduit que les particulesne sont pas que des objets ponctuels mais qu’elles sont associées à une onde, c’est la dualité onde-corpusculede Broglie. L’état d’une particule sera donc caractérisé par une fonction d’onde ψ(x, y, z).

2. les impacts se répartissant suivant un processus aléatoire, on en déduit que la mesure de la position desparticules est gouvernée par une loi de probabilité associée à la figure d’interférences. Il existe donc une loide probabilité ρ(x, y, z) telle que ρ(x, y, z)dxdydz soit la probabilité de trouver la particule dans une cubede volume dxdydz dont l’un des sommets se trouve au point (x, y, z). Ou en d’autres termes, si D ⊂ R3

est une région de l’espace, alors∫∫∫

Dρ(x, y, z)dxdydz est la probabilité de trouver la particule dans cette

région.

31

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32 CHAPITRE 4. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

3. soit ψ1 la fonction d’onde de la particule lorsqu’elle passe par le trou 1 sachant que le trou 2 est bouché,et ψ2 la fonction d’onde dans le cas réciproque. Lorsque aucun des trous n’est bouché, la présence dela figure d’interférences induit que la fonction d’onde n’est ni ψ1 ni ψ2 mais ψ ∝ ψ1 + ψ2 (il faut deuxsources d’ondes — les trous — pour produire des interférences). Les particules étant émises une à une, onen déduit qu’une unique particule se trouve dans un état où elle est passée à la fois par le trou 1 et par letrou 2, c’est une superposition d’états (ou un chat de Schrödinger). On en déduit donc que l’espace desétats a une structure d’espace vectoriel (puisque l’on doit pouvoir additionner deux états).

4. soit ρ1 la loi de probabilité associée à ψ1, ρ2 celle associée à ψ2 ; et ρ la densité de probabilité associée àψ ∝ ψ1 + ψ2. On doit avoir ρ(x, y, z) = ρ1(x, y, z) + ρ2(x, y, z) + 2 cos(χ12(x, y, z)) où le terme cos(χ12)est la modulation nécessaire pour décrire la figure d’interférences. La présence de ce terme est typique dela structure du corps des nombres complexes : ∀z1, z2 ∈ C, |z1 + z2|2 = |z1|2 + |z2|2 + 2 cos(arg(z1z2)).L’espace vectoriel des états est donc construit sur le corps C.

En combinant tous ces points, on en déduit qu’un état d’une particule est une fonction ψ de l’espace

à valeurs dans C telle que ρ(x, y, z) = |ψ(x,y,z)|2R

R3 |ψ(x,y,z)|2dxdydz soit la densité de probabilité de présence de la

particule. On doit donc avoir∫

R3 |ψ(x, y, z)|2dxdydz <∞.D’où

Postulat 1 (Espace des états). L’espace des états d’un système régi par la mécanique quantique est repré-senté par un espace de Hilbert, c’est à dire un C-espace vectoriel muni d’un produit scalaire hermitien (i.e.linéaire à droite et anti-linéaire à gauche) 1.L’espace de Hilbert en question étant pour une particule : H = L2(R3, dxdydz) l’espace des fonctions de R3

(l’espace physique) à valeurs dans C et de carré intégrable 2, c’est à dire telles que∫

R3 |ψ(x, y, z)|2dxdydz <∞. La fonction ψ ∈ L2(R3, dxdydz) est interprétée comme l’amplitude de probabilité de présence de laparticule, ainsi la probabilité de trouver la particule dans une portion Ω de l’espace est égale à P (Ω) =∫

Ω |ψ(x, y, z)|2dxdydz si on a normalisé la fonction d’onde, i.e.∫

R3 |ψ(x, y, z)|2dxdydz = 1. Le produit sca-laire dans L2(R3, dxdydz) est

〈ψ|φ〉 =

R3

ψ∗(x, y, z)φ(x, y, z)dxdydz

Reprenons l’expérience des trous d’Young, mais cette fois avec un détecteur de particules au niveau dutrou 1. On sait à quel instant la source émet une particule si bien que si le détecteur donne une réponsepositive, on sait que la particule est passée par le trou 1, sinon, on sait qu’elle est passée par le trou 2. Iln’y a donc que deux états “fondamentaux” par rapport à cette expérience, l’état dans lequel la particule estpassée par le trou 1 que l’on va noté |1〉 , et |2〉 l’état pour lequel elle est passée par le trou 2. L’espace deHilbert est donc simplement C2, et du fait de la superposition d’états, on peut avoir un état |ψ〉 = α|1〉+β|2〉tel que |α|2 + |β|2 = 1. Le produit scalaire est défini dans ce cas par

∀|ψ〉 =

(ψ1

ψ2

)

, |φ〉 =

(φ1

φ2

)

∈ C2, 〈ψ|φ〉 =(ψ∗

1 ψ∗2

)(φ1

φ2

)

= ψ∗1φ1 + ψ∗

2φ2

On place la source de telle sorte qu’il y ait “classiquement” une chance sur 3 pour que la particule passepar le trou 1 et 2 chances sur 3 pour qu’elle pas par le trou 2. Conformément aux résultats précédents, on a

donc |ψ〉 = 1√3|1〉 +

√23 |2〉.

Résultat de l’expérience : on mesure dans 1/3 des cas une particule passant par 1 et dans 2/3 des cas uneparticule passant par 2, et sur l’écran final, on n’observe pas de figure d’interférences. Si on change lescoefficients de la superposition d’états, les lois de probabilités changent en conséquence, ainsi si on fait ensorte de mettre la source de telle sorte que la particule ne puisse passée que par le trou 1, le détecteurdonnera une réponse positive à chaque fois, et négative à chaque fois si on fait en sorte que la particule nepasse que par le trou 2.Interprétation :

1. l’absence de figure d’interférences indique que le fait de mesurer la position de la particule à la sortie destrous a détruit la superposition d’états.

2. les statistiques des mesures de passage par un trou ou l’autre correspondant à la loi de probabilité de lasuperposition d’états, on en déduit que le fait de mesurer par quel trou passe la particule projette l’état decelle-ci soit sur |1〉 soit sur |2〉 suivant une processus aléatoire telle que P (1) = |〈1|ψ〉|2 et P (2) = |〈2|ψ〉|2.1. il faut de plus que l’espace soit complet pour la topologie induite par le produit scalaire, cette question de la complétude

topologique dépasse le cadre de ce cours, nous n’en dirons donc plus rien

2. modulo une relation d’équivalence dont on ne dira rien ici

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4.1. LES POSTULATS 33

3. soitA l’observable associée au détecteur de particules. A n’a que deux réponses, 1 s’il détecte une particule,0 sinon. Le fait que la réponse est toujours positive si la particule passe par le trou 1, indique quel’évaluation de A sur |1〉 doit donner 1. De même l’évaluation de A sur |2〉 doit donner 0. Ainsi A peutêtre vue comme un opérateur tel que A|1〉 = |1〉 et A|2〉 = 0, et donc A a pour matrice dans la base

(|1〉, |2〉) :

(1 00 0

)

, les résultats possibles sont les valeurs propres de A, et les états sans superposition

et donc sans processus aléatoire, |1〉 et |2〉, sont les états propres associés.

D’où

Postulat 2 (Observables). Les observables, c’est à dire les grandeurs physiques mesurables expérimentale-ment sont décrites par des opérateurs agissant sur l’espace des états.

Postulat 3 (Résultats d’une mesure). La mesure d’une grandeur physique associée à un opérateur A ne peutdonner qu’une valeur propre de cet opérateur. Si α est une valeur propre de A nα fois dégénérée, associéeaux vecteurs propres |α, i〉i=1,...,nα

, alors la probabilité de trouver α comme résultat de la mesure de A surun système dans l’état ψ est donnée par P (α) =

∑nα

i=1 |〈α, i|ψ〉|2.

Postulat 4 (Principe de projection de Born). Si une mesure d’une observable A sur un système dans l’état ψa donné comme résultat α, alors après la mesure, le système se trouve dans l’état 1√

Pnαj=1 |〈α,j|ψ〉|2

∑nα

i=1〈α, i|ψ〉|i, α〉,où |α, i〉i=1,...,nα

sont l’ensemble des états propres caractérisés par la valeur propre α de A (états pour les-quels, la probabilité de trouver α comme résultat est 1).

4.1.3 Chats de Schrödinger et interprétations

L’interprétation de la mécanique quantique, en particulier de la structure d’espace vectoriel et du principede projection de Born, est généralement étudiée à travers la parabole du chat de Schrödinger. Il s’agit del’expérience de pensée suivante : On dispose d’un noyau d’Uranium, d’un détecteur de radio-activité, d’unefiole de poison, d’un chat et d’une boîte. On place le noyau, le chat, et un dispositif chargé de briser la fiolede poison si le détecteur mesure la désintégration du noyau, dans la boîte. On ferme la boîte et on supposeque pendant la durée de l’expérience, il y a une chance sur deux pour que l’uranium se désintègre. Lorsqu’onouvre la boîte, on a donc une chance sur deux de trouver le chat en vie, et une chance sur deux de le trouvermort. Il y a donc deux états propres : |vie〉 et |mort〉.La question est quel est l’état du chat juste avant l’ouverture de la boîte. Suivant la structure d’espacevectoriel, appelé aussi principe de superposition, celui-ci s’écrit formellement :

|boîte fermée〉 =1√2

(|vie〉 + |mort〉)

et suivant le principe de projection de Born, à l’ouverture de la boîte on mesure l’état du chat ce quile projette dans l’un des deux états. C’est l’interprétation de la superposition d’états qui pose problème.L’école d’interprétation dominante, dite école de Copenhague, considère qu’il faut interpréter littéralementla superposition d’états, le chat est à la fois mort et vivant, la nature ignore le principe du tiers exclus et ilest possible qu’un système présente simultanément deux états incompatibles (orthogonaux dans l’espace deHilbert).À ce stade, il convient de bien distinguer les probabilités quantiques des probabilités statistiques. En physiquestatistique, on dirait que tant que la boîte est fermée il y a une distribution d’états p telle que pvie = 1

2 etpmort = 1

2 . Cette distributions d’états n’est pas une propriété intrinsèque de la nature, elle modèlise notre mé-connaissance du système, c’est à dire le fait qu’il manque au physicien de l’information. Il y a donc de l’infor-mation cachée dans la boîte. En mécanique classique, on dirait que l’état du chat dans la boîte est soit vivantsoit mort, l’information nous est cachée (le principe du tiers exclus s’applique donc). En mécanique quantique,il n’y a pas d’information cachée dans la boîte, on connaît l’état du chat :|boîte fermée〉 = 1√

2(|vie〉 + |mort〉).

Certains physiciens, tel Einstein, ont pensé que la mécanique quantique était une théorie incomplète, il yaurait de l’information cachée dans la boîte mais qui n’est pas décrite du fait de cet incomplétude de lathéorie. Or il se trouve qu’on le peut déterminer la présence d’information cachée, grâce à un concept de lathéorie de l’information, les inégalités de Bell. L’expérience d’Aspect mesurant ces inégalités sur des atomesdans une superposition d’états a montré qu’il n’y avait pas d’information cachée, et que par conséquent,que la mécanique quantique était une théorie complète. La différence d’interprétation entre les probabilités

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34 CHAPITRE 4. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

statistiques et quantiques se traduit aussi par une différence mathématique importante. Les probabilitésstatistiques satisfont aux axiomes de Kolmogorov, en particulier, elles sont disjonctives :

p(A) = p(A sachant B)p(B) + p(A sachant non B)p(non B)

Dans l’expérience des trous d’Young, prenons comme événements A=”la particule se trouve au point (x, y, z)à dxdydz près” et B=”la particule passe par le trou 1”. On a alors

p(A sachant B) = |ψ1(x, y, z)|2dxdydz p(A sachant non B) = |ψ2(x, y, z)|2dxdydz

p(B) = p(non B) =1

2

et

p(A) =1

2|ψ1(x, y, z)|2dxdydz +

1

2|ψ2(x, y, z)|2dxdydz + cos

(

arg(ψ1(x, y, z)ψ2(x, y, z)))

dxdydz

Les termes d’intéférences ondulatoires rendent les probabilités quantiques non disjonctives :

p(A) = p(A sachant B)p(B) + p(A sachant non B)p(non B) + interférences

L’interprétation de Copenhague n’est pas sans poser différents problèmes, en particulier en ce qui concernele principe de projection de Born. Qu’est-ce qui définit une mesure capable de projeter l’état ? Le chat n’est-ilpas en mesure de mesurer lui-même son état et ainsi de le projeter alors que la boîte est encore fermée ? Faut-il l’intervention de la conscience pour projeter l’état (le chat a t-il suffisamment de conscience) ? Ce problèmeest représenté par la parabole de l’ami de Wigner. Wigner réalise une expérience de chat de Schrödinger dansun laboratoire fermé. Un ami de Wigner se tient à la porte du laboratoire. La question est cette fois quel estl’état de Wigner quand la boîte est ouverte mais que la porte du laboratoire est fermée. L’application naïvedes principes de la mécanique quantique donne pour état de Wigner

|porte fermée〉 =1√2

(|Wigner voit le chat vivant〉 + |Wigner voit le chat mort〉)

État qui sera projeté dans l’un des deux états propres lorsque la porte du laboratoire est ouverte. La para-bole de l’ami de Wigner a conduit à proposer une interprétation “relationiste” où la mécanique quantique nedécrit pas les propriétés d’un objet mais la relation entre deux objets (le système et l’observateur). La réalitéest alors “relative” au choix de l’observateur (un peu comme la vitesse en mécanique classique est relativeau choix de référentiel). La fonction d’onde est alors interprétée comme la description des correlations entrel’observateur et le système observé.Les paradoxes de l’interprétation de l’école de Copenhague ont conduit certains physiciens à proposer d’autrestypes d’interprétations. Dans l’interprétation des univers parallèles d’Everett, il existe deux univers paral-lèles, l’un dans lequel le chat est vivant dans la boîte fermée, l’autre dans lequel il est mort. Lorsqu’on ouvrela boîte, on découvre simplement dans lequel des deux univers on se trouve. Dans cette interprétation, il y aune information cachée, mais elle n’est pas dans la boîte, elle est reportée dans l’ensemble de l’univers. Cetteinterprétation est compatible avec les inégalités de Bell, car il n’est pas possible de tester ces inégalités surl’ensemble de l’univers (car il faut être extérieur au système pour les tester). Par contre pour expliquer lesinterférences, on doit supposer que lors des superposition d’états, les univers parallèles associés ne sont passéparés et interferfèrent les uns avec les autres, ce qui engendre de nouveaux paradoxes.La dualité onde-corpuscule de de Broglie pose également des problèmes d’interprétation. Ainsi deux parti-cules indiscernables ne sont pas séparables (leurs fonctions d’onde “fusionnent”). Du coup la notion même departicule individuelle n’est pas claire. Cette question a donné lieu à deux cadres d’interprétation. L’interpré-tation de l’onde pilote de Bohm-de Broglie suppose qu’il existe deux entités physiques distinctes, la particulebien corpusculaire qui “flotte” sur un “fluide de probabilités” parcouru par l’onde associée par le principe dedualité. Ainsi dans l’expérience des trous d’Young, l’onde passe par les deux trous et interfère, alors que laparticule, “emportée par celle-ci”, ne passe que par un trou. Mais l’ensemble des particules reforment bienla figure d’interférence car elles sont portées par l’onde (dont les “courants” ne peuvent les porter vers lesfranges sombres). Cette interprétation n’est pas libre de paradoxes. Si le fluide de probabilité est bien décritpar une équation hydrodynamique, celle-ci est gouvernée par un potentiel non local (associé à l’informationcaché de la théorie, les “forces quantiques” agissant sur le fluide).L’autre cadre proposé suite à la dualité onde-corpuscule est la famille des interprétations non ontologiques.

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4.2. NOMBRES QUANTIQUES INTERNES, SPIN ET SPINEURS 35

Il s’agit de considérer que l’ontologie n’a pas de sens en physique quantique, c’est à dire que les objets (lesessences) n’ont pas de réalité. Ainsi le terme de particule ne reflète aucune réalité objective. Il s’agit làd’interprétations idéalistes (au sens de Kant ou de Berkeley), une réalité unique indépendante peut existermais elle est essentiellement inconnaissable.L’interprétation des histoires consistantes de Griffiths consiste à ne pas considérer les événements indivi-duellements, mais toute la chaîne temporelle d’événements, appelée “une histoire”. Considérant toutes leshistoires cohérentes (consistentes) avec les informations connues, on peut interpréter la mécanique quantiqueen éliminant les paradoxes de l’école de Copenhague. Le prix à payer étant justement la définition de laconsistance qui interdit de poser certaines questions (dites inconsistantes). Le fait que des questions natu-relles soient inconsistantes constitue alors un nouveau paradoxe.Il existe beaucoup d’interpétations, toutes sont porteuses de paradoxes les rendant quelque peu obsures.Changer d’interprétation ne fait que déplacer le problème. C’est aussi pour cela que beaucoup de physicienschoisissent une interprétation instrumentaliste : la physique n’a avoir qu’avec la prédiction expérimentale etne dit rien sur la réalité de la nature.Les différentes interprétations peuvent être caractérisées par quatre questions :

– L’interprétation est-elle déterministe ? Le comportement des systèmes quantiques est-il par nature aléa-toire ou déterminé par l’influence de quelque chose de non mesurable (comme le fluide de probabilité) ?

– Y a t-il de l’information cachée non-locale (hors de la boîte) ?– La fonction d’onde a t-elle une réalité objective (est-ce une essence, un objet physique “concret”) ou

n’est-ce qu’un intermédiaire mathématique.– La réalité est-elle unique ou existe t-il plusieurs réalités (mondes parallèles, histoires parallèles) ?

Interprétations Déterministe Information Réalité de la Unicité decachée non-locale fonction d’onde la réalité

Copenhague non non non ouiMondes parallèles oui oui non non

Onde pilote oui (mais non local) oui oui ouiHistoires consistantes agnostique non agnostique non

Relationisme non non oui nonIdéalisme agnostique agnostique non oui

Instrumentalisme agnostique agnostique agnostique agnostique

4.2 Nombres quantiques internes, spin et spineurs

On caractérise les particules à l’aide de quantités physiques mesurables. La distinction entre deux parti-cules de nature différente (comme entre un proton et un électron) se fait par rapport à ces quantités, c’està dire que deux particules sont de natures différentes si et seulement si ces quantités caractéristiques sontdifférentes. Ces quantités, appelées nombres quantiques internes, ne doivent donc pas dépendre de l’étatdans lequel se trouve la particule, ni du “référentiel” dans lequel on la regarde. Ainsi de telles quantitésdoivent être invariantes par rotation et translation. Rigoureusement, comme on doit appliquer la relati-vité restreinte, c’est par translation et rotation d’espace-temps (ce que l’on appelle les transformations deLorentz-Poincaré, cf. cours de relativité) que doivent être invariantes ces quantités. La théorie mathématiquequi décrit les symétries, la théorie des groupes, montre que les états invariants sous de telles transformations,sont caractérisés par deux nombres m et s tels que m ∈ R et s ∈ 0, 1

2 , 1,32 , 2,

52 , 3, ... = 1

2N. On identifie mà la masse des particules (on ajoute alors la condition m ≥ 0), le nombre s est appelé spin.Le spin a été caractérisé expérimentalement par l’expérience de Stern-Gerlach : un jet de particules neutresest envoyé dans une cavité où règne un champ magnétique non-uniforme et statique. On constate que lesparticules en question sont déviées dans deux directions symétriques par rapport à l’axe du jet. On en déduitque les particules sont dotées d’un moment magnétique intrinsèque qui n’e xiste que dans deux directionsde l’espace (haut et bas), c’est le spin (ici de valeur 1

2 et avec deux projections possibles sur l’axe du champmagnétique, + 1

2 pour haut et − 12 pour bas.).

Le spin est donc une quantité mesurable qui s’identifie pour les particules couplées à l’électromagnétisme àun moment magnétique intrinsèque (s correspondant au module de ce moment magnétique).

Dans le cas d’une particule de masse non-nulle m > 0, l’espace des états d’une particule de spin s estde dimension 2s+ 1 avec pour base orthonormée de l’espace des états de spin :

(|s,ms〉,ms = −s,−s+ 1, ..., s− 1, s)

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36 CHAPITRE 4. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

La quantité mesurable expérimentalement est ~ms, ms est appelée projection de spin (c’est la valeur du mo-ment angulaire magnétique projeté sur l’axe du champ magnétique utilisé pour mesurer le spin). L’état despin |s,ms〉 correspond à une particule de spin s dans un état où sa projection de spin vaut ms, s caractérisele type de particule, alors que ms caractérise son état.

Pour les particules de masse nulle la projection de spin ne peut prendre que deux valeurs, ms = ±s, iln’y a donc que deux états de spin |s,+s〉 et |s,−s〉.Ainsi, on classe les particules en deux familles distinctes, les particules massives et les particules non-massives.Ces deux familles correspondent à deux comportements différents des particules vis-à-vis de la mesure deleur projection de spin. Ainsi il est important de remarquer que les particules de masse nulle ne sont pas lalimite à m→ 0 des particules massives.

Postulat 5 (Principe d’exclusion de Pauli). Deux particules de spin demi-entier de même nature d’un mêmesystème ne peuvent en aucun cas être dans le même état, alors que deux particules de spin entier le peuvent.

Ainsi, suivant si s est entier ou demi-entier, le comportement des particules est très différents. Ceci nousdonne une deuxième classification :

Définition 3 (Bosons et fermions). On appelle une particule de spin entier boson, et une particule de spindemi-entier fermions.

Définition 4 (Matrices de Pauli). On appelle matrices de Pauli, les matrices :

σ1 =

(0 11 0

)

σ2 =

(0 −ıı 0

)

σ3 =

(1 00 −1

)

Pour une particule de spin 12 l’observable caractérisant la mesure de la projection de spin est Sz = ~

2σ3.Une particule de spin 1

2 , comme un électron, aura donc ses états à la fois caractérisés par une amplitudede probabilité de présence et par une projection de spin. L’espace des états de probabilité de présence esttoujours L2(R3, dxdydz) et celui des projections de spin est C2. L’espace total des états est donc H =L2(R3, dxdydz) ⊗ C2 dont les éléments sont de la forme :

ψ(x, y, z) =

(ψ+(x, y, z)ψ−(x, y, z)

)

où ψ+ est l’amplitude de probabilité de présence de l’électron sachant que sa projection de spin est +~2 ,

ψ− est l’amplitude de probabilité de présence de l’électron sachant que sa projection de spin est −~2 . ψ est

appelé un spineur.La probabilité de trouver l’électron dans une région Ω de l’espace est

p(Ω) =

∫ ∫ ∫

Ω

(|ψ+(x, y, z)|2 + |ψ−(x, y, z)|2)dxdydz

La probabilité de trouver la projection de spin de l’électron égale à +~2 est

p+ =

∫ ∫ ∫

R3

|ψ+(x, y, z)|2dxdydz

La probabilité de trouver l’électron dans une région Ω de l’espace avec une projection de spin égale +~2 est

p+(Ω) =

∫ ∫ ∫

Ω

|ψ+(x, y, z)|2dxdydz

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Chapitre 5

Dynamique quantique

5.1 Équations de Schrödinger et de Klein-Gordon

L’équation dynamique en mécanique quantique s’obtient par une méthode appelée principe de correspon-dance. Ce principe associe aux quantités classiques, des opérateurs destinés à agir sur la fonction d’onde. Leprincipe est le suivant :

V (x, y, z, t) 7→ V (x, y, z, t)×E 7→ ı~ ∂

∂t

~p 7→ −ı~~∇où V est une fonction de l’espace et du temps, E est l’énergie et ~p = m~v la quantité de mouvement

classique. Ainsi, pour une particule libre (soumise à aucune interaction) non-relativiste, la relation classique

E =~p2

2m

devient l’équation de Schrödinger

ı~∂ψ

∂t=

1

2m(−ı~~∇)2ψ = − ~2

2m∆ψ

Pour une particule de charge q soumise à un champ électrique de potentiel V ,

E =~p2

2m+ qV

devient l’équation de Schrödinger

ı~∂ψ

∂t= − ~2

2m∆ψ + qV ψ

Enfin, si la particule est aussi soumise à un champ magnétique de potentiel vecteur ~A, on a

E =~Π2

2m+ qV =

(~p− q ~A)2

2m+ qV

où ~Π = ~p− q ~A = m~v − q ~A est l’impulsion classique . D’où l’équation de Schrödinger

ı~∂ψ

∂t=

1

2m(−ı~~∇− q ~A)2ψ + qV ψ

En mécanique quantique non-relativiste l’équation de Schrödinger pour une particule de charge q et despin 1

2 soumise à un champ électromagnétique (de potentiel scalaire V , de potentiel vecteur ~A et de champ

magnétique ~B) est

ı~dψ

dt=

1

2m(−ı~~∇− q ~A)2ψ + qV ψ +

~q

2m(Bxσ1 +Byσ2 +Bzσ3)ψ

ou

ı~dψ

dt=

1

2m(−ı~~∇− q ~A)2ψ + qV ψ +

q

m~B · ~Sψ

37

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38 CHAPITRE 5. DYNAMIQUE QUANTIQUE

ψ(x, y, z, t) =

(ψ+(x, y, z, t)ψ−(x, y, z, t)

)

et

Sx =~

2σ1 Sy =

~

2σ2 Sz =

~

2σ3

Pour une particule relativiste de spin nul libre, la relation classique de la relativité

E2

c2− ~p2 = m2c2

devient

~2

(

− ∂2

c2∂t2+

∂2

∂x2+

∂2

∂y2+

∂2

∂z2

)

ψ = m2c2ψ

cette équation, appelée équation de Klein-Gordon s’écrit également

(~2 +m2c2)ψ = 0

où = ∂2

c2∂t2 −∆ est appelé D’Alembertien. L’équation de Klein-Gordon n’est valide que pour les particulesde spin 0 (voir la suite).

5.2 Équation de Dirac

Définition 5 (Matrices de Dirac). On appelle matrices de Dirac les matrices

γ0 =

(I2 02

02 −I2

)

=

1 0 0 00 1 0 00 0 −1 00 0 0 −1

γ1 =

(02 σ1

−σ1 02

)

=

0 0 0 10 0 1 00 −1 0 0−1 0 0 0

γ2 =

(02 σ2

−σ2 02

)

=

0 0 0 −ı0 0 ı 00 ı 0 0−ı 0 0 0

γ3 =

(02 σ3

−σ3 02

)

=

0 0 1 00 0 0 −1−1 0 0 00 1 0 0

Lorsque Dirac chercha en 1928, une équation relativiste pour l’électron (particule de spin 12 ), il mis au

point l’équation qui porte son nom :

ı~

(

γ0 ∂

c∂t+ γ1 ∂

∂x+ γ2 ∂

∂y+ γ3 ∂

∂z

)

ψ(x, y, z, t) = mcψ(x, y, z, t)

où le spineur de Dirac est un vecteur à quatre composantes :

ψ(x, y, z, t) =

ψ+(x, y, z, t)ψ−(x, y, z, t)ψ∗−(x, y, z, t)ψ∗+(x, y, z, t)

L’équation de Dirac peut être écrite à l’aide de l’opérateur ∂ = γ0 ∂c∂t + γ1 ∂

∂x + γ2 ∂∂y + γ3 ∂

∂z sous la

forme 1

ı~∂ψ = mcψ

C’est l’équation de la dynamique pour toute particule relativiste de spin 12 (on rappelle que l’équation

de Klein-Gordon ne s’applique qu’aux particules de spin 0).Les solutions ψ+ et ψ− correspondent aux états de projection de spin de l’électron +1/2 et −1/2 et sontassociées à une énergie de la forme E =

p2c2 −m2c4, mais les solutions ψ∗+ et ψ∗− sont associées àune énergie E = −

p2c2 −m2c4 < 0. L’interprétation de Dirac est que tous les états d’énergie négativesont occupés par des électrons inobservables formant ainsi une mer d’électrons. Lorsqu’un photon d’énergie

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5.2. ÉQUATION DE DIRAC 39

E

mc²

−mc²

E

mc²

−mc²

Figure 5.1 – Schéma de la mer d’électrons avant et après absorption d’un photon.

~ω > 2mc2 interagit avec la mer d’électrons, celui-ci peut lui communiquer son énergie, il devient alors unélectron observable d’énergie positive arraché à la mer d’électrons.

Le trou dans la mer d’électrons se comporte alors comme une particule d’énergie positive (puisqu’il y aune particule d’énergie négative en moins dans la mer) et de charge électrique positive (correspondant à lacharge négative en moins dans la mer d’électrons). Ce trou dans la mer d’électrons est mesurable. Si ψ± sontles fonctions d’onde pour l’électron, alors ψ∗± est la fonction pour un trou d’électron. Trou d’électron quel’on appelle positron ou anti-électron. Cette théorie est générale pour toutes les particules à qui on adjointune antiparticule, d’énergie formellement négative dans les équations et de charge électrique inversée (lesautres nombres quantiques que l’on verra dans la suite, sont également inversés). On notera donc que lespineur de Dirac, associe les fonctions d’onde et l’état de spin de deux particules différentes (électron etpositron).En oubliant la mer d’électrons, on voit qu’un photon peut disparaître en créant une paire électron - positron.Ceci est général, une paire particule - antiparticule peut surgir de la mer à partir d’un photon (qui permetde fournir l’énergie). Le processus inverse existe également, une particule rencontrant son antiparticule vonts’annihiler pour ne donner qu’un photon. C’est pourquoi on a besoin de pouvoir décrire un nombre fluctuantde particules dans un système, ce qui nécessite l’usage de la théorie de la seconde quantification en théoriequantique des champs. Dans le langage moderne, la “mer” est appelée vide quantique. À tout instant dansce vide des paires particules-antiparticules sont crées et détruites, ce phénomène est appelé fluctuations duvide. D’autre part, le vide quantique a la propriété encore mal comprise, d’être d’énergie infinie.

1. On remarquera que (ı~∂)2 = ~2 : l’équation de Dirac est en fait “la racine carrée” de l’équation de Klein-Gordon

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40 CHAPITRE 5. DYNAMIQUE QUANTIQUE

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Chapitre 6

Interactions et zoologie des particules

élémentaires

6.1 Interactions électromagnétique et électrofaible

6.1.1 L’interaction électromagnétique

Le champ électromagnétique dérive d’un couple potentiel-scalaire électrique potentiel-vecteur magnétique(V, ~A) = (V,Ax, Ay, Az). Les particules sont couplées au champ magnétique via la charge électriqueQ. Toutesles expériences montrent que la charge électrique est quantifiée :

Q ∈ Ze ∪ ±1

3e,±2

3e

avec e = 1.6 × 10−19 C. L’origine de cette quantification n’est pas expliquée. La charge électrique présentedeux aspects, elle mesure le couplage avec le champ, ce qui le rôle de e, et caractérise la particule par unnombre entier Q/e ∈ Z ∪ ± 1

3 ,± 23. Ce nombre, appelé charge réduite ou simplement charge, est un bon

nombre quantique interne. e mesure donc l’intensité du couplage, mais on préfère en général utiliser unequantité sans dimension, la constante de structure fine (ou constante de couplage électromagnétique) :

α =e2

4πǫ0~c≃ 1

137

On trouve les équations de la dynamique sous champ électromagnétique à partir des équations libres enprocédant aux substitutions suivantes :

ı~d

dt→ ı~

d

dt−QV

ı~d

dx→ ı~

d

dx+QAx

ı~d

dy→ ı~

d

dy+QAy

ı~d

dz→ ı~

d

dz+QAz

On retrouve ainsi l’équation de Schrödinger avec un champ électromagnétique (pour une particule sans spin).Le principe d’invariance de Weyl stipule que sous changement de jauge, on a

V (x, y, z, t) → V (x, y, z, t) − ∂χ

∂t(x, y, z, t)

~A(x, y, z, t) → ~A(x, y, z, t) +−−→gradχ(x, y, z, t)

ψ(x, y, z, t) → eı~−1Qχ(x,y,z,t)ψ(x, y, z, t)

41

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42 CHAPITRE 6. INTERACTIONS ET ZOOLOGIE DES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES

À la limite statique, le potentiel électrique prend la forme

V (r) =1

4πǫ0

Q

r

Enfin on montre qu’en dynamique, les potentiels ont une nature ondulatoire

V (~x, t) =1

(2π)2/3

∫ ∫ ∫

R3

v(~k)eı(ω(~k)t−~k·~x)dkxdkydkz

~A(~x, t) =1

(2π)2/3

∫ ∫ ∫

R3

~a(~k)eı(ω(~k)t−~k·~x)dkxdkydkz

Le principe de dualité onde-corpuscule incite alors à associer à l’onde électromagnétique des particules,les photons. L’existence de ceux-ci a été proposée par Einstein pour interpréter l’effet photoélectrique. Lesexpériences d’interférences à un photon type trous d’Young, confirment l’aspect corpusculaire de l’électro-magnétisme. On peut donc interpréter l’interaction électromagnétique comme échange de photon. Le photonest donc qualifié de particule médiatrice de l’interaction électromagnétique, et on le classe dans la familledes bosons de jauge (étant de spin nul c’est un boson, son lien avec la symétrie de jauge justifie le nom dela famille).

6.1.2 L’interaction électrofaible et les leptons

La radioactivité β se caractérise par des réactions de conversion proton/neutron :

p+ → n+ e+ + νe

n→ p+ + e− + νe

Ces réactions sont en compétition avec les réactions inverses de capture électronique :

p+ + e− → n+ νe

n+ e+ → p+ + νe

Ces réactions se passent donc comme si la charge électrique migrait d’une particule vers une autre. Orl’interaction électromagnétique n’est pas en mesure d’échanger des charges mais seulement de l’énergie (lesphotons sont de charge neutre). On doit donc introduire une nouvelle interaction, dite interaction nucléairefaible, dont les particules médiatrices sont chargées :

e− →W− + νe p+ +W− → n

e+ →W+ + νe n+W+ → p+

On décrit alors l’interaction faible par analogie avec le spin et l’interaction électromagnétique (ce que l’onappelle le modèle de Yang-Mills). L’équivalent de la charge est l’isospin faible I3 qui ne peut prendre quedeux valeurs ± 1

2 , et l’équivalent de la fonction d’onde est un spineur d’isospin faible :

ψ(x, y, z, t) =

(ψ+(x, y, z, t)ψ−(x, y, z, t)

)

Les deux composantes sont associées aux particules couplées, ainsi le neutrino électronique est d’isospinI3 = + 1

2 alors que l’électron est d’isospin I3 = − 12 .

ψ =

(ψνe

ψe−

)

Afin de renverser les isospins on voit que les champs de particules médiatrices doivent être représentées pardes matrices :

~W+(x, y, z, t) = ~w+(x, y, z, t)

(0 10 0

)

~W−(x, y, z, t) = ~w−(x, y, z, t)

(0 01 0

)

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6.1. INTERACTIONS ÉLECTROMAGNÉTIQUE ET ÉLECTROFAIBLE 43

où ~w± sont des champs de vecteurs de l’espace-temps. En effet :

W− + νe → e− ⇐⇒(

0 01 0

)(10

)

=

(01

)

W+ + e− → νe ⇐⇒(

0 10 0

)(01

)

=

(10

)

Pour des raisons de symétrie (W± sont associés à deux des matrices de Pauli σ1 et σ2) il existe une troisièmemédiatrice neutre Z0 (associée à σ3) :

~Z0(x, y, z, t) = ~z0(x, y, z, t)

(1 00 −1

)

Synthétiquement on a(

Z0 W+

W− −Z0

)

On trouve les équations de couplage entre champ et particule par un principe de substitution et unprincipe d’invariance de jauge semblables au cas électromagnétique (mais un peu plus compliqué du fait del’aspect matriciel).Dans l’approximation statique, le potentiel de l’interaction faible est un potentiel de Yukawa :

V (r) = GFI3re−~−1Mcr

GF est une constante appelée constante de Fermi. M > 0 est un paramètre décrivant le fait que l’interactionest de portée finie R = ~

Mc ≃ 10−18 m (l’interaction s’éteint au delà de cette distance). M est homogèneà une masse et on l’interprète comme la masse des bosons de jauge W± (MW = 80.5 GeV ) ou Z0 (MZ =91.11 GeV ). La portée d’une interaction est donc inversement proportionnelle à la masse de ses bosonsmédiateurs (l’interaction électromagnétique étant de portée infinie, le photon est de masse nulle).Le modèle de Yang-Mills conduit à des résultats érronés car l’interaction faible est en fait un aspect partielde l’interaction électrofaible dont l’autre est l’électromagnétisme (comme le magnétisme et l’électricité sontdeux aspects de l’électromagnétisme). L’interaction électrofaible est décrite par un modèle matriciel un peuplus compliqué appelé modèle de Glashow-Salam-Weinberg. Dans ce modèle, certains électrons dits “droits”ne sont pas soumis à l’interaction faible (I3 = 0). Ceux qui y sont soumis sont dits “gauches”. Remarque :tous les neutrinos sont gauches.On notera que la charge Q/e n’est plus un bon nombre quantique interne dans l’interaction électrofaible carelle n’est plus une quantité conservée. On la remplace par un autre nombre quantique interne, l’hyperchargeY , quantité conservée définie par

Q/e = I3 +1

2Y

Les particules fondamentales qui ne s’assemblent pas pour former des particules composites forment la familledes leptons. Outre le couple électron neutrino électronique, on trouve le couple muon neutrino muonique etle couple tauon neutrino tauonique. Muon et tauon sont totalement identiques à l’électron si ce n’est qu’ilssont beaucoup lourds. On introduits alors de nouveaux nombres quantiques internes, les nombres leptoniquesLe, Lµ et Lτ pour les distinguer.

Leptons masse (MeV/c2) s Q/e I3 Y Le Lµ Lτe−L 0.511 1/2 -1 -1/2 -1 1 0 0e−R 0.511 1/2 -1 0 2 1 0 0νeL < 10−5 1/2 0 1/2 -1 1 0 0µ−L 106 1/2 -1 -1/2 -1 0 1 0µ−R 106 1/2 -1 0 2 0 1 0

νµL <0.2 1/2 0 1/2 -1 0 1 0τ−L 1777.1 1/2 -1 -1/2 -1 0 0 1τ−R 1777.1 1/2 -1 0 2 0 0 1ντL < 20 1/2 0 1/2 -1 0 0 1

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44 CHAPITRE 6. INTERACTIONS ET ZOOLOGIE DES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES

6.1.3 Le mécanisme de brisure spontanée de symétrie

Considérons un boson de spin 0, on a vu qu’il était soumis à l’équation de Klein-Gordon :

~2ψ +m2c2ψ = 0

En fait l’équation de Klein-Gordon peut être écrite sous une forme beaucoup plus générale :

~2ψ +

∂V (ψ)

∂ψ= 0

où V est le potentiel du champ scalaire ψ. Ce potentiel n’est pas un potentiel d’interaction (comme lepotentiel électrique) mais décrit la façon dont ψ se propage dans l’espace-temps. Pour une particule usuellede masse m, ce potentiel prend la forme :

V (ψ) = m2c2|ψ|2

qui redonne l’équation de Klein-Gordon usuelle. Mais V peut présenter en plus du terme quadratique associéà la masse, des termes d’ordre supérieur caractérisant le fait que ψ se propage dans l’espace-temps (s’étaledans l’espace) de façon non-simple (un peu comme si on imaginait les paquets d’onde comme des fluidesvisqueux ou comme les phénomènes d’optique non-linéaire).On s’intéresse à une particule scalaire de potentiel

V (ψ) =1

4λ(|ψ|2 − η2

)2

avec λ > 0 et η ∈ R∗ des paramètres caractéristiques de la particule. Le terme quadratique du potentiel− 1

2λη2|ψ|2 ne peut pas être interprété comme un terme de masse, car il conduit à une masse imaginaire pure

m = ı√λη√2c

. La particule est donc de masse nulle (la présence d’un terme quadratique négatif, i.e. d’une masse

imaginaire pure, est caractéristique d’une instabilité dans la théorie). La symétrie de jauge U(1) associée auchangement de jauge quantique global ψ → eıφψ est toujours respectée car V (eıφψ) = V (ψ). Cette symétrieest caractérisée par la forme du potentiel V en “fond de bouteille” (ou encore en “sombrero”).

-2-1

01

2ReHΨL -2

-1

0

1

2

ImHΨL

0246

8

VHΨL

-2-1

01

2ReHΨL

Dans l’état fondamental du vide, il n’y pas de particule, donc “normalement” ψ = 0. Mais les fluctuations duvide (création/anhiliation de paires particule-antiparticule) font que ψ 6= 0 mais seulement 〈ψ〉 = 0. 〈ψ〉 peutêtre considérée en première approximation comme la moyenne sur une région de l’espace-temps suffisammentgrande pour que les fluctuations quantiques se compensent. Mais 〈ψ〉 = 0 est un point d’équilibre instable(maximum local de V (ψ)) (il s’agit là de l’instabilité caractérisée par la masse imaginaire pure). Comme unebille posée au centre du fond d’une bouteille, qui va tomber dans le cercle de rayon η, l’équilibre stable estcaractérisé par

〈ψ〉 = ηeıθ

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6.2. INTERACTION FORTE, LES QUARKS ET LES HADRONS 45

pour un θ arbitraire. Mais à l’instar du système bouteille avec une bille sur le cercle qui n’est plus symétrique,l’état d’équilibre ψ ne respecte plus la symétrie (on a fait un choix de phase, i.e. θ). C’est ce que l’on appelleune brisure spontanée de symétrie. On fait le choix θ = 0 (ce choix est arbitraire), on peut alors écrire

ψ = η +1√2(ψ1 + ıψ2) avec 〈ψ1〉 = 〈ψ2〉 = 0

ψ1 et ψ2 étant réels (représentant les fluctuations du vide). On introduit alors cette expression dans l’équationde Klein-Gordon généralisée.

∂V

∂ψ=

∂V

∂ψ1

∂ψ1

∂ψ+∂V

∂ψ2

∂ψ2

∂ψ

=√

2∂V

∂ψ1+ ı

√2∂V

∂ψ2

∂V

∂ψ1=λ

2(ψ1 +

√2η)

(ψ2

1

2+ψ2

2

2+√

2ηψ1

)

∂V

∂ψ2=λ

2ψ2

(ψ2

1

2+ψ2

2

2+√

2ηψ1

)

d’où l’équation1√2

(

~2ψ1 +

√2λη2ψ1

)

+1√2

~2ψ2 + Vint(ψ1, ψ2) = 0

avec

Vint(ψ1, ψ2) =λη

2

(3ψ2

1 + ψ22 + 2ıψ1ψ2

)+

√2

4λ(ψ3

1 + ıψ32 + ψ1ψ

22 + ıψ2

1ψ2

)

On reconnaît là la superposition de deux équations de Klein-Gordon avec un terme d’interaction. Physique-ment la brisure spontanée de symétrie se traduit par le fait que la particule initialement de masse nulle, estmaintenant décrite par ψ1 qui si elle se propageait librement satisferait à l’équation de Klein-Gordon

~2ψ1 +

√2λη2ψ1 = 0

La particule est donc maintenant de masse non-nulle m =

√√2ληc . Mais cette particule interagit en perma-

nence avec une seconde particule décrite par ψ2, de masse nulle car si elle se propageait librement satisferaità

~2ψ2 = 0

appelée boson de Goldstone.La particule est donc de masse nulle, mais son interaction avec le boson de Goldstone lui communique unemasse via le processus de brisure spontanée de symétrie. Le modèle de Goldstone est académique, mais siau lieu de considérer la brisure de la symétrie de jauge électromagnétique (phase de la fonction d’onde), onconsidérait la brisure de la symétrie de jauge des interactions faibles ; on montrerait que toutes les particulessont initialement de masse nulle, et acquièrent une masse par interaction avec une particule du même typeque le boson de Goldstone, appelée boson de Higgs. La vérification expérimentale de l’existence du boson deHiggs est fondamentale pour la validation du modèle standard de la physique des particules.

6.2 Interaction forte, les quarks et les hadrons

6.2.1 La chromodynamique

Les particules fondamentales qui s’assemblent pour former des particules composites sont appelées quarks.Elles s’assemblent sous l’effet d’une quatrième force fondamentale, l’interaction nucléaire forte ou chromody-namique (les leptons ne sont pas soumis à cette interaction). La première particularité de cette interaction estque ses charges présentent trois signes et non deux. Par analogie avec la synthèse des couleurs, l’équivalentde la charge pour l’interaction forte est appelée couleur qui prend donc trois valeurs : rouge, vert et bleu.Les couleurs des antiparticules sont données par les couleurs complémentaires : jaune, magenta et cyan. Lacouleur neutre est donc le blanc (égalité de rouge, vert et bleu) et l’anti-neutre le noir (égalite de jaune,

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46 CHAPITRE 6. INTERACTIONS ET ZOOLOGIE DES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES

magenta et cyan). Le modèle de l’interaction forte est construit par analogie avec le modèle de Yang-Millsde l’interaction faible, mais avec des matrices d’ordre 3 pour tenir compte des trois signes de charges. On adonc “un spineur de couleur” que l’on appelle plutôt triplet de quarks :

ψ(x, y, z, t) =

ψR(x, y, z, t)ψB(x, y, z, t)ψG(x, y, z, t)

L’équivalent des matrices de Pauli en dimension trois sont les matrices Gell-Mann :

λ1 =

0 1 01 0 00 0 0

λ2 =

0 −ı 0ı 0 00 0 0

λ3 =

1 0 00 −1 00 0 0

λ4 =

0 0 10 0 01 0 0

λ5 =

0 0 −ı0 0 0ı 0 0

λ6 =

0 0 00 0 10 1 0

λ7 =

0 0 00 0 −ı0 ı 0

λ8 =1√3

1 0 00 1 00 0 −2

Il y a donc huit particules médiatrices de l’interaction forte, qui sont appelées gluons. Ceux-ci sont porteursd’une couleur et d’une anticouleur :

gRC gRY gRM

gBC gBY gBM

gGC gGY −(gRC + gBY )

On remarquera que les trois types de gluons neutres ne sont pas indépendants gGM + gRC + gBY = 0 (legluon vert-mangenta est une superposition quantique d’un gluon rouge-cyan et d’un gluon bleu-jaune).Dans l’approximation statique, le potentiel de l’interaction forte est

V (r) = −GSr

où GS est une constante. Contrairement aux autres interactions, l’intensité de l’interaction croît avec ladistance. Ainsi si on cherche à arracher une particule à un ensemble blanc, la force va s’opposer à l’éloignementdu quark, empêchant tout détachement de la particule et son retour vers les quarks avec lesquels elle estassociée. Ce phénomène est appelé le confinement des quarks. Ainsi dans la nature, il n’existe pas dequarks libres, ils se trouvent tous à l’intérieur d’une particule composite blanche. Inversement à prochesdistances, l’interaction est quasiment nulle, c’est ce que l’on appelle la liberté asymptotique.

6.2.2 La saveur des quarks et les hadrons

La couleur ne permet pas de différencier les quarks comme l’isospin faible le permettait des leptons. Laraison en est simple, un quark n’existe que confiner dans une particule composite où il est interaction forteavec deux autres quarks (ou un antiquark). Ce faisant, il échange en permanence des gluons, ceux-ci étantporteur d’une couleur, la couleur du quark change sans arrêt. Il est donc impossible d’isoler un quark et delui attribuer une couleur donnée, dans un triplet blanc il y a toujours un quark bleu, un rouge et un vert,mais l’échange constant de gluons induit des permutations permanentes des couleurs.Pour distinguer les différents quarks, il a donc fallu utiliser autre chose que la couleur. Les quarks étant soumisà l’interaction faible, c’est l’isospin faible qui a permit de distinguer deux quarks, le quark up (I3 = + 1

2 ) etle quark down (I3 = − 1

2 ). Mais la symétrie (des matrices d’ordre 3) implique aussi l’existence d’un troisièmequark, non-soumis à l’interaction faible (I3 = 0) et qui s’est averré très lourd. On l’appelle le quark strange, etun nouveau nombre quantique interne lui a été attribué, l’étrangeté S. Le type de quark u, d ou s est appeléesaveur et une théorie de jauge de la saveur (miroire de la théorie de jauge de la couleur) a été construite.Mais on a découvert par la suite, l’existence de trois autres quarks très lourds hors de cette symétrie. Ce sontles saveurs lourdes : le quark charmed, le quark bottom et le quark top. Pour les dinstinguer on a introduitde nouveau nombres quantiques internes : le charme C, la beauté B et la vérité T . Enfin pour distinguer lesquarks et les particules composites des leptons, on a introduit un nombre quantique qui leur est spécifique,le nombre baryonique b.

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6.2. INTERACTION FORTE, LES QUARKS ET LES HADRONS 47

Saveurs masse (MeV/c2) s b Q/e I3 S C B T Yu 3 1

213

23

12 0 0 0 0 1

3d 6 1

213 − 1

3 − 12 0 0 0 0 1

3s 100 1

213 − 1

3 0 −1 0 0 0 − 23

c 1300 12

13

23 0 0 1 0 0 4

3

b 4300 12

13 − 1

3 0 0 0 −1 0 − 23

t 175000 12

13

23 0 0 0 0 1 4

3

Les nombres quantiques internes sont reliés par les relations :

Y = b+ S + C + B + T

Q/e = I3 + 12Y

Les nombres quantiques internes des antiquarks sont donnés en inversant les signes de tous les nombresquantiques.

Les particules composites sont appelées hadrons, elles sont classées en deux familles : les baryons quisont des assemblages blancs de trois quarks, et les mésons qui sont des assemblages neutre d’un quark etd’un anti-quark. La grande majorité des hadrons que l’on trouve dans la nature sont les nucléons (protonset neutrons). Le tableau suivant donne une liste des principaux baryons.

particule masse (MeV/c2) composition s b Q/e S I3 Y Cp+ 938.3 uud 1

2 1 1 0 12 1 0

n 939.6 ddu 12 1 0 0 − 1

2 1 0

∆++ 1232 uuu 32 1 2 0 3

2 1 0∆+ 1232 uud 3

2 1 1 0 12 1 0

∆0 1232 udd 32 1 0 0 − 1

2 1 0∆− 1232 ddd 3

2 1 −1 0 − 32 1 0

Λ0 1115.7 uds 12 1 0 −1 0 0 0

Λ+c 2284.9 udc 1

2 1 1 0 0 1 2

Σ+ 1189.4 uus 12 1 1 −1 1 0 0

Σ0 1197.4 uds 12 1 0 −1 0 0 0

Σ− 1197.4 dds 12 1 −1 −1 −1 0 0

Ξ0 1314.8 uss 12 1 0 −2 1

2 −1 0Ξ− 1321.3 dss 1

2 1 −1 −2 − 12 −1 0

Ξ0c 2471.8 dsc 3

2 1 0 −1 − 12 1 1

Ξ+c 2466.3 usc 3

2 1 1 −1 12 1 1

Ω− 1672.4 sss 32 1 −1 −3 0 −2 0

Ω0c 2697.5 ssc 1

2 1 0 −2 0 0 1

6.2.3 L’interaction nucléaire résiduelle

Du fait du “caractère ponctuel” des particules, le champ à courte distance d’un assemblage blanc dequarks n’est pas nul (comme pour un dipole électrique). Cette interaction est modélisée par des courantsde particules qui s’échappent des assemblages blancs. Ainsi deux particules composites blanches peuventinteragirent à très courte distante 10−15m en mettant en commun leurs courants de particules. Les bosonsde jauge échangées lors de cette interaction résiduelle sont appelés pions π+, π− et π0, ce sont des particulesde spin nul et de masse 139, 57MeV/c2 pour π± et 134.98MeV/c2 pour π0. Entre particules compositesblanches, le potentiel est de la forme d’un potentiel de Yukawa :

V (r) = −Gsre−~−1Mcr

potentiel qui est souvent approché par un puit carré

V (r) =

−E0 si r < ~Mc

0 sinon

C’est cette interaction résiduelle qui lie les nucléons dans un noyau atomique.

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48 CHAPITRE 6. INTERACTIONS ET ZOOLOGIE DES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES

6.3 Synthèse

6.3.1 Résumé sur les interactions et les bosons de jauge

Interactions Electrofaible Chromatique

Electromagnétique Faible

sources charge électrique isospin faible couleurisospin faible et hypercharge

portée ∞ ≃ 10−18m ∞bosons γ W+ W− Z0 gij

masse (GeV/c2) 0 80 90 0spin s +1 +1 +1 +1 +1

charge Q/e 0 +1 -1 0 0couleur non non oui

isospin I3 0 +1 -1 0 0hypercharge Y 0 0 0 0 0

symétrie U(1) SU(2) SU(3)SU(2)L × U(1)Y

états singlet doublet d’isospin triplet de couleurdoublet gauche et singlet droit ou de saveur

6.3.2 D’autres particules

Il existe aussi des particules introduites pour résoudre des problèmes de symétrie ou de topologie : lesaxions, les monopôles magnétique, les instantons, les partenaires supersymétriques, etc. Elles sont hypothé-tiques et n’ont jamais été expérimentalement découvertes. De même, les modèles hypothétiques de gravitéquantique introduisent d’hypothétiques bosons de jauge de la gravité : les gravitons et les dilatons.

En physique de la matière condensée, on introduit des quasi-particules par décrire la quantification decertaines ondes à l’aide de théories de jauge spécifiques. Les exemples les plus intéressants sont :

particules ondes quantiféesphonon onde acoustiquemagnon onde de spinsplasmon excitation cohérente dans un plasmasoliton onde solitaire qui ne se déforme pas dans un milieu non-linéaireexciton état lié d’un électron et d’un trou d’électronlibron onde d’excitation des petites rotations des molécules d’une structure cristalline

Enfin, on trouve d’autres particules virtuelles qui “vivent” dans des espaces fictifs, qui sont introduitessuite à l’utilisation de théories de jauge dans ces espaces. On peut citer les anyons que l’on trouve en physiquedu solide qui sont des généralisations des bosons et des fermions dans un espace à deux dimensions, et lesmonopôles magnétiques adiabatiques que l’on trouve en physique atomique et moléculaire et qui vivent dansdes espaces de paramètres.

6.3.3 Les symétries et lois de conservation

Les symétries discrètes :Symétrie Effets

Parité (symétrie miroire) P champs scalaires : φ→ φ

champs de vecteurs : ~A→ − ~A

champs de pseudovecteurs : ~B → ~Bchamps pseudoscalaires : ρ→ −ρ

Inversion du temps T ı→ −ıSymétrie de charge C particule ↔ antiparticule

X → −X∀X nombre quantique interne

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6.3. SYNTHÈSE 49

Les symétries continues :Symétries/Transformations Groupe Quantités conservées

Translations temporelles R ETranslations spatiales R3 ~p

Rotations SO(3) ~L

Transformations de Lorentz-Poincaré SO(3, 1) × R4 m et ~SChangements de phase U(1) Q/e

Changements de jauge électromagnétiqueChangements de jauge électrofaible SU(2) × U(1) Y et I3Changements de jauge de saveur SU(6) Y , I3, S, C, B et T

Définitions des groupes :– Rn : ensemble des matrices colonnes réelles d’ordre n avec la loi d’addition.– SO(n) : ensemble des matrices carrées réelles d’ordre n, inversibles, orthogonales (XXt = id) et de

déterminant 1 avec le produit matriciel.– SO(3, 1) : ensemble des matrices carrées réelles d’ordre 4, inversibles, lorentziennes (XηXt = η) et de

déterminant 1 avec le produit matriciel.– U(n) : ensemble des matrices carrées complexes d’ordre n, inversibles et unitaires (XX† = id) avec le

produit matriciel.– SU(n) : ensemble des matrices carrées complexes d’ordre n, inversibles, unitaires (XX† = id) et de

déterminant 1 avec le produit matriciel.