louis lefebvre - excerpts.numilog.com

7

Upload: others

Post on 20-Jun-2022

9 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LOUIS LEFEBVRE - excerpts.numilog.com
Page 2: LOUIS LEFEBVRE - excerpts.numilog.com

LOUIS LEFEBVRE

M È R E S

V I R I L E S

ASSOCIATION du MARIAGE CHRÉTIEN EDITIONS FAMILIALES DE FRANCE

Page 3: LOUIS LEFEBVRE - excerpts.numilog.com

ŒUVRES DE LOUIS LEFEBVRE Académie Française: Prix Vitet 1931

PROSE Romans ou récits :

La maison vide (Perrin) Le recueillement (Perrin) L'île héroïque (Perrin) Le couple invincible (Perrin) Prix Montyon, Ac. fr. Le seul amour (Calmann-Lévy) Le grand jour (Calmann-Lévy) La femme au masque (Calmann-Lévy) Lazare ou la danse des ombres (Perrin) La touche de feu (épuisé) Les mouvements de la flamme (Ed. de la Vraie

France) Ce roman résume les œuvres précédentes.

La baraque (Messein) Félice (Fasquelle) Silence (Flammarion) Le marchand de cailloux (De Gigord) Plus que moi-même (Bloud et Gay) Massabielle ou la joie de Lourdes (Beauchesne) La maison des simples (Lethielleux)

Sur la guerre : Le maître de la mort (dans le Grand Jour) Poulot en Italie (Renaissance du Livre) Histoire de ma guerre pour mon fils (Les Etincelles) Le Christ aux armées (épuisé)

Littérature : L'incomparable Evelyne Moncœur (épuisé) Charles Morice (Perrin) Rectifications (Messein)

POESIE La prière d'un homme (Perrin) Aurelio (Perrin) La peine quotidienne (Garnier) L'allusion au bonheur (Perrin) Douze poèmes du temps de guerre (H.C.) Ignis (Messein) Prix Chauchard de la Soc. des G.D.L. Prières (Messein) Naître (Garnier) Les vergers humains (Le rouge et le noir) Choix de poèmes (Perrin) Le poème de Lourdes (Aubanel père)

Page 4: LOUIS LEFEBVRE - excerpts.numilog.com

MÈRES VIRILES

I

L'ENFANT S'ELOIGNE

Ce soir du 24 décembre, selon l'habitude prise dès la fin de la guerre, j'allai sonner chez la veuve de mon ami Jacquet. C'était l'anniversaire de sa mort. Je dînerais, je passerais la soirée dans sa maison, avec sa femme et son enfant.

Pierre, le fils, m'ouvrit la porte. Il était en pardes- sus, ses gants mis, prêt à sortir, sans chapeau, bien entendu, selon la mode nouvelle. Je lui serrai la main; depuis qu'il avait tant grandi — quinze ans — je ne l'embrassais plus.

— Tiens ! lui dis-je, tu sors? Suis-je en avance? N'est-il pas sept heures?

— Si, si, répondit-il; mais vous voudrez bien m'excuser: je suis forcé de ne pas dîner avec vous.

Je ne répondis d'abord rien: cette réunion de famille avait quelque chose de sacré, et aucun de nous trois, jusqu'à ce jour, n'y manqué. Il tenta d'expliquer:

Page 5: LOUIS LEFEBVRE - excerpts.numilog.com

— Vous comprenez... un camarade, que je n'ai pas vu depuis longtemps, et qui traverse Paris... Je ne peux pas faire autrement... Je regrette. Excu- sez-moi...

— Cela ne me regarde pas, dis-je enfin, mais ne crains-tu pas de faire de la peine à ta mère ?

Ces simples paroles parurent l'exaspérer, comme s'il les eût attendues et redoutées. Son regard, deve- nu dur, se détourna.

— Je ne peux pas faire autrement, répéta-t-il d'une voix qui tremblait un peu.

Et il disparut. Dans la petite salle à manger, où, pour la pre-

mière fois, il n'y avait que deux couverts, M Jac- quet me reçut. Amicale comme toujours et recon- naissante de ma fidélité à son mari, elle parut trouver toute naturelle l'absence de son fils.

— Pauvre chéri, dit-elle, il n'a pas beaucoup de distractions et il aime beaucoup l'ami qu'il doit voir...

Je n'insistai pas, mais je ne suis pas sûr d'avoir entièrement dissimulé ma pensée; cet abandon du fils me semblait grave, et je me sentais désarmé, car il avait coupé net mes velléités de remontran- ces. Un silence assez pénible s'établit.

— Je retourne un instant à mes fourneaux, dit M Jacquet; vous avez là l'Intran; et vous savez que vous pouvez fumer.

Elle quitta la pièce; mais je n'avais l'envie ni de fumer, ni de lire le journal; assis dans le fauteuil bas que j'avais adopté, je remontai mes souvenirs pour tâcher de trouver un remède à la difficulté qui s'offrait.

Je les remontai jusqu'à la nuit de Noël, dans les tranchées de Champagne, où, à onze heures, j'avais pris la garde avec Jacquet au petit poste B'.

Ce n'était pas un méchant endroit; la ligne enne- mie passait à cinquante mètres; mais, le plus sou- vent, on se laissait tranquilles. Ce soir, dans le froid et la mystérieuse clarté, il y avait de l'émo- tion.

Page 6: LOUIS LEFEBVRE - excerpts.numilog.com

le reste. Mais soyez prudente: vous n'avez plus le droit de commander ; vous avez remis votre enfant.

Reposez-vous, mère virile : votre tâche est ac- complie.

Qu'on vous sente aimer, dans le silence et dans l'ombre.

Qu'on vous voie prier. Le dernier mot que je garde de vous, c'est le mot que vous venez de pro- noncer : Chrétienne.

Page 7: LOUIS LEFEBVRE - excerpts.numilog.com

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections

de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.