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L.R. INRP - Lyon 6.12.2007
La lecture des débutants dans la La lecture des débutants dans la classe: les débats et les acquis classe: les débats et les acquis de la recherche depuis 30 ansde la recherche depuis 30 ans
Laurence Rieben
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
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Remarques liminairesRemarques liminaires Bilan (subjectif?) d’une évolution plutôt que revue de
question; Le contexte genevois que je connais le mieux est à la fois
différent et proche du contexte français; Recherches « en laboratoire » et « en situation de classe »
se complètent pour faire progresser les sciences de l’éducation et se fertilisent mutuellement;
Recherche en situation de classe et recherche-action ne se superposent pas;
Débats scientifiques et polémiques politiques doivent être distingués.
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Plan de l’exposéPlan de l’exposé
I. Les années 80’: quand les positions des praticiens et des chercheurs divergent
II. Les années 90’: quand se font jour des tentatives de rapprochement
III. Le début du 21ème siècle: quand pointent les méta-analyses sur les effets comparatifs des différentes méthodes d’apprentissage/enseignement de la lecture
IV. Des défis à relever
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I. I. Les années 80’: quand les positions des Les années 80’: quand les positions des
praticiens et des chercheurs divergentpraticiens et des chercheurs divergent A Genève, formateurs et enseignants s’inspirent entre autres
de Smith (1980, traduit par Foucambert), Foucambert (1989), Charmeux (1975).
Ils y lisent par exemple: « L’usage des règles de correspondance grapho-phonémique pour
identifier les mots est aussi efficace que l’emploi de ciseaux à ongles pour tailler le gazon (Smith, p.142)
« Les lecteurs efficaces utilisent avec un rendement maximum un minimum d’information visuelle… et lire sans deviner n’est pas lire du tout… » (Smith, p. 145)
« Apprendre à lire, c’est deviner d’abord puis de plus en plus juste » (Foucambert, p.12)
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Dans le même temps, les chercheurs Dans le même temps, les chercheurs (pour l’essentiel anglo-saxons) (pour l’essentiel anglo-saxons)
montrent que :montrent que :
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• L’effet facilitateur du contexte est faible et les bons lecteurs L’effet facilitateur du contexte est faible et les bons lecteurs sont moins dépendants du contexte que les moins bons sont moins dépendants du contexte que les moins bons lecteurs (Perfetti & Roth, 1981)lecteurs (Perfetti & Roth, 1981)
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• La lecture implique l’identification d’à peu près chaque motLa lecture implique l’identification d’à peu près chaque mot(position et durée des fixations oculaires pendant la lecture - (position et durée des fixations oculaires pendant la lecture - Just & Carpenter, 1987)Just & Carpenter, 1987)
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• La conscience phonologique est systématiquement corrélée La conscience phonologique est systématiquement corrélée à l’apprentissage de la lectureà l’apprentissage de la lecture
Etudes Consc. phono/Lecture QI/Lecture
Bryant et al. (1985) .52 .52Juel et al. (1986) .56 .34Lundberg et al (1980) .37 .19Stanovich et al (1984) .43 .33Torneus (1984) .33 .24Tunmer (1988) .41 .10
(d’après un méta-analyse de Stanovich, 1992)
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Mes réactions au constat de cet écart entre Mes réactions au constat de cet écart entre discours des praticiens et état de la recherchediscours des praticiens et état de la recherche
Faire connaître les recherches des années 80’ (pour la plupart anglo-saxonnes) → édition de L’apprenti lecteur (Rieben et Perfetti, eds, 1989)
Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain: exploiter en classe des situations permettant à la fois un travail sur le sens et sur le code → développement des situations dites complexes, par exemple, situation du texte de référence (inspirée de Clesse, 1977)
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II. II. Les années 90’ : début d’un rapprochementLes années 90’ : début d’un rapprochemententre résultats de la recherche et discours pédagogiqueentre résultats de la recherche et discours pédagogique
Les ouvrages destinés aux formateurs et aux enseignants sont plus « équilibrés »; ils tiennent compte des différentes composantes en jeu dans l’apprentissage de la lecture(voir par exemple, Chartier, Clesse, Hébrard, 1991,1998; Les actes de la Villette, 1993; Lire et écrire à l’école primaire, INRP, 1994; Apprendre à lire, Observatoire national de la lecture, 1998);
« … Les dogmatismes tombent. Il n’y a plus de discours interdit. Nous avons le droit de nous intéresser au décodage sans se faire accuser de ramener les méthodes d’apprentissages à des pratiques anciennes, donc réactionnaires. Il nous est possible de nous pencher sur l’accès au sens sans que la rigueur scientifique de notre approche soit contestée » (Gombert, 1993, p. 129)
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Les thèmes retenus par les chercheurs sont plus susceptibles d’avoir des retombées sur l’école:
- différenciation entre le lecteur adulte et l’apprenant;- place de la langue orale dans l’acquisition de la lecture;- relation entre identification des mots et compréhension;- davantage de recherches francophones;- intérêts pour les recherches en situation de classe; - relation entre lecture et écriture;- intérêts pour les différences individuelles;
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Intérêt pour les recherches en situation de Intérêt pour les recherches en situation de
classeclasse
Un exemple:
La situation didactique complexe dite du « texte de référence » développée à la Maison des Petits dans les années 90’
(Rieben, 1995; Rieben & Saada-Robert, 1991; Rieben &
Elliott, 1996; Rieben, Saada-Robert & Moro, 1997)
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La situation du texte de référence (2E/1P)La situation du texte de référence (2E/1P)
Une démarche en 5 étapes:1. Expression orale (hypothèses libres à partir d’un
livre)2. Lecture du livre par l’enseignante3. Elaboration du texte de référence4. Dessin d’un épisode et projet oral du
commentaire à écrire5. Ecriture du commentaire (recherche et copie de
mots, relectures)
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A travers une telle situation, les élèves (N = 21; 2E/1P) progressent dans la connaissance des lettres et dans la conscience phonologique en dépit de l’absence d’enseignement systématique dans ces deux composantes
MoyennesNom des lettres Effacement de phonèmes(max. 22) (max. 16)
Nov. 11.09 7.33 Janv. 14.95 7.90 Mars 16.47 10.19 Mai 17.76 12.85 (Rieben & Saada-Robert, 1991)
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Prise en compte des différences individuellesPrise en compte des différences individuelles
Sur les mêmes 21 élèves de 2E/1P (Rieben & Saada-Robert, 1991)
Moyennes et empans
Nom des lettres Effacement de phonèmes(max. 22) (max. 16)
Nov. 11.09 (Max = 22; Min = 1) 7.33 (Max = 16; Min = 0)Janv. 14.95 (Max = 22; Min = 2) 7.90 (Max = 16; Min = 0)Mars 16.47 (Max = 22; Min = 3) 10.19 (Max = 16; Min = 0)Mai 17.76 (Max = 22; Min = 6) 12.85 (Max = 16; Min = 1)
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Sur 57 élèves de 2E en 1999/2000 (Rieben et al., document interne 2001)
Max possible Empan observéEffacement de syllabes 8 pts 0 à 8Effacement de consonnes 8 pts 0 à 8Connaissances des lettres 25 pts 0 à 25Lecture de mots 6 pts 0 à 6
Une classe de CE2 (Goigoux, 1997)
groupe total 20% compr. + 20% compr.-T. moyen identif. (ms) 800 400 2400
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• différences de stratégies observées en classedifférences de stratégies observées en classe
Observation des différentes stratégies de recherche de mots dans le texte élaboré par la classe (21 élèves de 2E/1P, Rieben & Saada-Robert, 1991):
Copies aveugles (COA) Localisation dans le titre (LOT) Localisation dans le texte (LOC) Fondées sur la similarité visuelle (VIS) Fondées sur indices grapho-phonémiques (COD) Reconnaissances non-médiatisées (NME) Copies voulues (COV)
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Relations entre lecture et écritureRelations entre lecture et écriture
Les apprentissages de la lecture et de l’écriture sont-ils simultanés ou décalés dans le temps ?
La question est plus compliquée qu’il n’y paraît, les résultats peuvent différer selon les sources étudiées;
Un travail historique comparatif entre différents pays serait
nécessaire et passionnant
Ce que l’on trouve dans les textes, ne correspond par forcément aux pratiques sur le terrain
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Quelques points de repèresQuelques points de repèresEn FranceDès le 18ème siècle
« … mettre [aux enfants] la plume à la main dès qu’ils commencent la lecture, et de les faire écrire, quelque jeunes qu’ils puissent être » (Delaunay fils, 1741)
Dès 1920, valorisation des activités d’écriture: La méthode naturelle (Freinet, 1925)
En BavièreVers 1820, introduction de la Schreiblese-methode
Aux USAMouvement autour des « invented spellings » (Write first, read later C. Chomsky,
1971)« Children of 4 to 5 who do not yet read, but who know the letters of the alphabet and their sounds, show themselves able to compose words and messages on their own, creating their own spellings »
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Comment a-t-on justifié l’importance de Comment a-t-on justifié l’importance de l’écriture précoce pour la lecture dans les l’écriture précoce pour la lecture dans les
années 90’?années 90’? La production de texte permet de réaliser que l’écrit code
la parole (compréhension du principe alphabétique, par ex. à travers la dictée à l’adulte);
Elle permet de prendre conscience de la segmentation intra- et inter-mots;
Elle nécessite une relecture (lecture facilitée); Il existe des corrélations significatives: entre écritures
inventées et conscience phonologique; entre écritures inventées et identification de mots;
Elle se justifie pour des raisons motivationnelles (production personnelle);
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Dans les années 90’ font encore défaut:Dans les années 90’ font encore défaut: Au niveau de recherche en situation de classe:
études expérimentales comparatives, en particulier sur le français (une seule étude sur des enfants francophones comparant méthode « globale » et « phonique » (Content & Leybaert, 1992))
Au niveau des différences individuelles:des études sur les différences individuelles au niveau de la compréhension;des études explorant le passage des différences individuelles vers la différenciation de l’enseignement
Au niveau des relations lecture/écrituredes recherches qui distinguent les 3 niveaux de comparaison (lettres, mots, textes)
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III. Début du 21III. Début du 21èmeème siècle: études comparatives siècle: études comparatives entre différentes méthodes entre différentes méthodes
d’apprentissage/enseignement de la lectured’apprentissage/enseignement de la lecture
On voit apparaître des méta-analyses
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Méta-analyse américaine Méta-analyse américaine (Ehri & al., 2001)(Ehri & al., 2001)
Sur 52 études retenues:Les résultats montrent un effet positif de l’enseignement de la conscience phonémique (méta-analyse sur les effets des programmes comportant un enseignement de la conscience phonémique comparés à ceux des programmes n’en comportant pas)
- Sur la conscience phonémique - Sur la lecture de mots- Sur la compréhension
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Sur 34 études retenues:
Les résultats montrent un effet positif de l’enseignement phonique (méta-analyse sur les effets des programmes phoniques comparés à ceux des programmes non-phoniques)
- sur la lecture de mots - sur l’orthographe de mots- sur la compréhension
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Meta-analyse anglaiseMeta-analyse anglaise(Torgerson, Brooks & Hall, 2006)(Torgerson, Brooks & Hall, 2006)
Sur 12 études randomisées (toutes anglophones) Confirmation de la supériorité des approches phoniques
(amélioration de 12%) par rapport aux méthodes non-phoniques pour l’identification des mots
Sur 4 études randomisées Pas d’effet de supériorité significatif des méthodes phoniques sur
la compréhension (désaccord avec étude américaine)
Sur 3 études randomisées Pas de différences significatives entre les effets des méthodes
phoniques synthétiques et des méthodes phoniques analytiques.
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Pourquoi supériorité des Pourquoi supériorité des méthodes phoniquesméthodes phoniques
Existence d’un principe phonologique universel
« Les systèmes d’écriture encode le langage oral… La lecture est insérée dans deux systèmes liés l’un à l’autre: le système du langage et le système d’écriture. La relation entre le premier et le second est variable mais persistante. Il n’y a pas de système d’écriture actuellement en usage qui contourne le langage pour s’ériger en système de
signes indépendants » (Perfetti, 2003)
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Données à l’appui de la thèse du principe Données à l’appui de la thèse du principe phonologique universelphonologique universel
Les effets d’amorçage phonologique existent en chinois
Réplication de l’effet Stroop en chinoisLe mot rouge (hong2) écrit en bleu produit un effet d’interférence (Stroop standard) et de surcroît il existe un effet Stroop sur mot homophone:Le mot homophone (hong2) signifiant large écrit en bleu induit aussi un effet d’interférence
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Conséquences pour Conséquences pour l’apprentissage de la lecturel’apprentissage de la lecture
La nature du système d’écriture devrait être au cœur du débat;
L’enfant doit apprendre comment le système d’écriture de sa langue fonctionne: les principes de base de correspondances entre les unités graphiques et phoniques;
Ces correspondances ne sont pas similaires d’une langue à l’autre et les principes sont distincts de l’apparence visuelle de l’écriture.
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Que conclure de ces recherches comparatives?Que conclure de ces recherches comparatives?
Pas encore suffisamment de choses!
Pourquoi: Manque flagrant d’études l’apprentissage de la
lecture en français; Difficultés (méthodologiques et éthiques) à faire
des études comparatives expérimentales; Difficulté à définir finement les méthodes
(l’opposition globale/phonique ne suffit pas)
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Différenciation des méthodes: Différenciation des méthodes: plusieurs critères sont nécessairesplusieurs critères sont nécessaires
Les relations entre l’oral et l’écrit
accent mis sur oral/écrit accent mis sur l’écrit------------------- Continuum ---------------------
Le sens du traitement de l’information
accent mis sur la synthèse Accent mis sur l’analyse
------------------- Continuum ---------------------
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Les unités linguistiques
accent mis sur les graphèmes accent mis sur les textes -------------------- Continuum --------------------
Les caractéristiques des situations didactiques
accent sur situations accent sur situationsspécifiques (exercices) complexes
------------------- Continuum --------------------
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La relation entre lecture et écriture
accent sur la lecture accent sur l’écriture
------------------------ Continuum ----------------------
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IV. Les défis à releverIV. Les défis à relever
Un postulat L’enseignement de la lecture ne peut plus être vu
comme l’application d’une méthode, et encore moins comme le simple choix d’un manuel. Il consiste dans l’agencement par l’enseignant, de façon équilibrée, dynamique et différenciée, d’activités faisant intervenir les différentes composantes en jeu dans l’apprentissage de le lecture.
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Malgré de très fortes avancées de la recherche depuis 30 ans, les connaissances actuelles ne permettent pas encore de fonder totalement cette vision de l’apprentissage/enseignement de la lecture
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Pour ce faire, il faudrait…Pour ce faire, il faudrait…
Développer des modèles d’ensemble et pas seulement des études sur les composantes isolées;
Développer les travaux prenant en compte les différences individuelles;
Analyser finement les différences entre méthodes; Développer des recherches expérimentales
comparatives en situation de classe;
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Des conditions impératives pour atteindre Des conditions impératives pour atteindre ces objectifs:ces objectifs:
Une augmentation massive des crédits de recherche;
La mise sur pied de programmes internationaux francophones;
Une participation institutionnellement admise des enseignants à la recherche.