luther - exultet · de la chaire d’Écriture. sa leçon inaugurale commença par le livre de la...

LUTHER

DUMÊMEAUTEUR

Bossuet,InFine,1992.Fénelon, In Fine, 1993, grand prix d’Histoire de l’Académie

française1994.Bourdaloue,InFine,1995.Colbertetlecolbertisme,Tallandier,1997.Louvois,lebrasarmédeLouisXIV,Tallandier,1998.Le Soleil du Grand Siècle, Tallandier, 2000, Prix Hugues

Capet2000.Massillon,InFine,2001.LeJansénisme,François-XavierdeGuibert,2002.LaRégence,Tallandier,2003.PréfacedeMadamelaComtesse

deParis.LesSavantsduRoi-Soleil,François-XavierdeGuibert,2003.

PréfacedeChristianPoncelet,présidentduSénat.SaintRobertBellarmin,François-XavierdeGuibert,2004.Les médecins du Grand Siècle, François-Xavier de Guibert,

2005.Louis XV, le mal-aimé, François-Xavier de Guibert, 2006.

PréfaceduprinceJeandeFrance.La vérité sur l’affaire Galilée, François-Xavier de Guibert,

2007.

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CHAPITRE2

Lespremièresétapes.Lemoine,leprêtre,leprofesseur.LevoyageàRome(1510-1511).

Ledocteur(1512)

« Je me suis martyrisé par la prière, lejeûne,lesveilles,lefroid…»

(Luther)

Lespremièresannées

MartinLuther1vit le jourle10novembre1483àEisleben,petitevilledeSaxe2,dansunefamilledont ilécriraplus tard:«Mesparentsontétéd’abordpauvres;monpèreétaitunpauvremineuretmamère,pournousélever,asouventportéduboissursondos.»

LepèredeMartin,HansLuder,étaitunpaysandeMoer,enThuringe3;samère,MargueriteLindemann,était«uneservantedebains,craignantDieu,vertueuseetchaste.»ElleracontaplustardàMelanchthon,ledisciplefavorideLuther,qu’étantalléeàEislebenpour acheterdesprovisions aumarchéde cettepetiteville, elle y avait accouché et que l’enfant avait été baptisé lelendemain,recevantlenomdusaintdontoncélébraitlafête.

SixmoisaprèslanaissancedeMartin,Hansvints’installerdans la ville deMansfeld, abandonnant lemétier de laboureurpour celui de mineur dans une mine de cuivre. Peu à peu lasituationfamiliales’améliora4,Hansdevintmaîtremineur,etsemitàemployerdesouvriers.

LejeuneMartinfutélevéavecunegrandesévérité ;Lutherdira plus tard qu’il avait tellement peur de son père qu’il luiarrivaitdes’enfuirdelamaison.Ilraconteraégalementcomment« il fut battupar samère jusqu’au sang»pourunenoixqu’ilavaitdérobée.Funck-Brentanoécrit5 :«Cetteextrêmerigueur,dontilsouffritensesannéesd’enfance,agirasursoncaractèrequi en conservera quelque chose de craintif, de farouche, deméfiant…»

A partir de 1488, Martin fréquenta l’école municipale deMansfeld. Il y apprit les rudiments du latin, le chant, les dixcommandements,etlesbasesdelafoichrétienne.Letraitementqu’ilreçutàl’écolen’avaitrienàenvieràceluiqu’ilconnaissaità la maison. Luther raconte qu’il fut fouetté, un certain jour,quinzefois!Ildiraplustardquel’écoledeMansfeldétait«uneécurieàbourriques»,une«écoledudiable»et«unenferetunpurgatoireavecenguised’instituteursdes tyransmalhabilesetdesgeôliers»6.

Au printemps de 1497 il passa à l’école latine deMagdebourg, puis à celle d’Eisenach, où il restera de 1498 à1501. Il y fréquente l’école dite « triviale », qui enseigne lestroisdisciplines fondamentales : lagrammaire, la rhétoriqueetladialectique.

Que retenir de l’instruction religieuse reçue par Luther aucours de ses premières années ? Il semble qu’on lui enseignal’existenced’unDieujusticier,prêtàfoudroyerlespécheurs,etd’un Christ-juge, châtiant ou récompensant les hommes selon

leurconduite.

Enjuillet1501,ils’inscrivitàl’universitéd’Erfurt,quiétaitl’une des meilleures d’Allemagne. Avant de commencer lesétudes de droit, auxquelles le destinait son père, il lui fallutpasser trois ans à la Faculté des arts pour s’y former auxdisciplines traditionnelles : la dialectique, la grammaire et larhétorique,puis lagéométrie, l’arithmétique, l’astronomieet lamusique7. Il suivit également des cours de métaphysique etd’éthique,puisésdanslesouvragesd’Aristote.

Franchissant aisément les étapes du cursus universitaire,LutherfutfaitbachelierèsartsàlaSaint-Michelde1502,puis,en janvier 1505 il accéda au grade de maître ès arts.Melanchthonécriraplustardqu’àl’université«songéniefaisaitl’admiration de tous… » Il faut toutefois noter que selon sonamiMathesius8,MartinLuther« souffrait d’une âme inquiète,l’éducation sévère qu’il avait reçue, la dévotion étroite apprisedesamère,avaientlaissédanssonâmeuneprofondetristesse;il était préoccupé avant tout de son salut et avait peur de lajustice deDieu qu’il se représentait inexorable. Seule une viesaintepouvaitluiprocurerlapaix.Pourtantsavieavaitétépure,mais il avait un sentiment accablant du péché et une frayeurmortelle des jugements de Dieu : il en tombait maladed’angoisse.»

Dans un de ses Propos de table9 Luther a racontél’événementquifitbasculersavie.Le2juillet1505,aprèsavoirrendu visite à sa famille, à Mansfeld, il s’en revenait

àl’Égliseetàsescanons.Karlstadt41l’habilitaalorsà«donnerdes cours de théologie, enseigner et commenter la Bible àWittenberget en tous lieux, tout commes’il avait étépromuàParis ou ailleurs ; et à monter dans la chaire magistrale etremplir tous les autres devoirs magistraux tant publics queprivés.»

LutherreçutensuiteuneBible,unanneaud’oretlebonnetdedocteur.Le22octobre, il futnomméprofesseur, et titulairede la chaire d’Écriture. Sa leçon inaugurale commença par lelivredelaGenèse.

Luther, toute sa vie, fut très fier de son titre de docteur. Ilécrira:«Jel’aisouventdit,etjelerépète:jen’échangeraispasmondoctoratpourtoutl’ordumonde.»

1.OuLuder,lagraphieLutherdated’octobre1517.2.En1485ledomainedelamaisondeWettinfutpartagéendeuxrégions:

laSaxeAlbertine,laplusriche,aveclesvillesdeDresdeetdeLeipzig,revintaufilscadet,leducAlbert.L’autrepartie,laSaxeErnestine,aveclesvillesdeWeimaretWittenberg,futattribuéeàl’aîné,l’ÉlecteurimpérialErnest.Nousverronsdanslasuitedecetouvragel’importancedecettedivision.3.PartiedelaSaxeErnestine.4. Lentement, car Hans était à la tête d’une famille nombreuse dont on

ignore lenombreexact.Onsaitquedeuxenfantsmoururentde lapesteaudébut du XVIe siècle et qu’une fille épousa un certain Ruhel, scribe àMansfeld.5.Funck-Brentano(Luther,Grasset,Paris,1934).6.CitéparHellmutDiwald(Luther,Seuil,Paris,1985).7.Lequadrivium.8. Mathesius, Historien von des ehrwürdigen in Gott seligen Mannes

DoctorisLutheri,Anfang,Lehre,LebenundSterben (vers 1565). (HistoiredubienheureuxDocteurLuther,vénérableenDieu.Sonenfance,sesétudes,savieetsamort).9.Du16juillet1539.10.Del’ordredesermitesaugustins.

11.J.M.Audin(HistoiredelaviedeLuther,Paris,1856).12.JeanTauler(vers1294-1361),mystiquedel’ordredesaintDominique,

a été loué par Luther et Melanchthon, ainsi que par Bossuet. Auteur deMéditationssurlavieetlapassionduSeigneuretdesInstitutionsdivines.13.CequideviendralathéoriedeLuther.14.Deniflepensequec’estimpossible,carsessupérieursnel’auraientpas

permis.HenriDenifle(Lutheretleluthéranisme,Paris,1910).15.CitéparFunck-Brentano.16.CitéparHenriDenifle.17.CitéparHellmutDiwald.18.CitéparJean-MarieValentinetal.(LutheretlaRéforme,Paris,2001).19.«Espritsourdetmuet(jetel’ordonne)sortdecetenfant.»20.Jenelesuispas.21. JeanLecharlier,ditGersondunomdesonvillagenatal (1363-1429).

Docteur en théologie à29ans, chanoinedeNotre-Dame.En1392 ildevintchancelier de l’Université de Paris. Il combattit l’astrologie, les doctrinesmystiquesetpanthéistes.DéléguéauxconcilesdePiseetdeConstance,ilestl’auteurdeDespetitsenfantsàconduiredevantleChrist,Desconsolationsde la théologie. Les bénédictins le reconnaissent comme l’auteur del’ImitationdeJésus-Christ(etnonA-Kempis).22. Guillaume d’Occam (vers 1280-1347). Philosophe scolastique né à

Occam en Angleterre. Il fut professeur à Paris où il soutint la cause duNominalisme.IlfaisaitdépendrelebienetlemaldelavolontéarbitrairedeDieu. Rappelons que les Nominalistes ne voyaient dans toutes les notionsquedepuresabstractions,desnoms.23.LaSaxeErnestine.24.QuiétaitenSaxeAlbertine.25. Gilles de Viterbe, il était général de l’ordre depuis 1507 et s’était

attachéàobteniruneplusstricteobservancedesrègles.26.HellmutDiwald.27.Environunevingtainel’acceptèrent.Lesquerellesentrecouventsd’un

même ordre étaient fréquentes, chaque couvent tenant farouchement à sonindépendanceetàconserverseshabitudesetsonmodedevie.28.JohannesLang.29.Luther’sWerke,Halle,tXXII,p.1468.30.Luther’sWerke.t.XXII,p.1515.31.Luther’sWerke,t.V,p.1646.32.Luther’sWerke.t.XXII,p.2574.33.LepapeétaitJulesII,quifutungrandbâtisseur.

34.LesproposdetabledeMartinLuther(Paris,1844,p.116).35.(858-867)ditleGrand.36.Lesproposdetable(p.90).37.Verslafindejanvier1511.38.CitéparHellmutDiwald.39.CitéparFunck-Brentano.40.Environcinquanteflorins,sommeconsidérable.41.AndréBodenstein, ditKarlstadt, né àKarlstadt enFranconie,mort à

Bâleen1541.Professeurdethéologieetdoyendel’universitédeWittenberg.

l’année suivante, le chapitre épiscopal d’Halberstadt le choisitpour être son administrateur et évêque. Or la réunion de cesdeux bénéfices importants sur une même tête nécessitait unedispensepapale,carelledérogeaitaudroitcanon.

Une délégation fut envoyée à Rome et en revint avec laprécieuse autorisation… et avec l’obligation pour Albert depayer une très forte somme à la curie romaine au titre duservitiumcommune.Commecettesommedépassait lesmoyensdontdisposaitAlbert,ill’empruntaàlacélèbrebanqueFugger4,quitransféralesfondsàRome.Toutallaitdoncpourlemieux.

Malheureusement, peu de temps après, l’archevêque deMayence5mourutbrusquement.Commec’étaitlatroisièmefoisendix ansquedisparaissait sonarchevêque6, le chapitre de lacathédraleétaitauborddelabanqueroute.IlsetournadoncversAlbert7deBrandebourgquisedéclaraprêt,s’ilétaitélu,àpayerla totalité des droits réclamés par Rome. Enchantés, leschanoinesl’éli-rentséancetenante.

Or Albert était déjà archevêque deMagdebourg et évêqued’Halberstadt,ayantétéconfirmédanscesdeuxfonctionsparlepape.Ilfallaitdonc,unenouvellefois,envoyerunedélégationàRome pour obtenir cette dispense inouïe qui permettrait derassembler sur une même tête deux titres d’archevêque, und’évêque, ainsi qu’un titre d’archichancelier d’Empire et deprince-électeur8.

Lesnégociations,quisedéroulèrenten1514,durèrentplusde trois mois, et la somme à payer pour obtenir la dispensepapalefutcolossale9.

Comme les émissaires d’Albert faisaient remarquer au

cardinal italien Lorenzo Pucci, qui s’était chargé de lanégociation, que le nouvel archevêque deMayence n’avait pasfini de rembourser les Fugger et qu’il lui serait difficile denégocierunnouvelemprunt,Puccileurproposaunesolution:lepape Léon X permettrait à Albert de prélever une partie duproduit de la vente d’une indulgence plénière10 dans sesdiocèses.Certescetteindulgencedevaitpermettredepoursuivrela construction de la basilique Saint-Pierre (commen cée parJules II),mais lamoitiédes sommes recueilliespourraient êtreconservéesparAlbertpourrembourserlesFuggeretdupremieretdusecondemprunt.

En octobre 1514 Léon X publia la bulle SacrosanctiSalvatorisparlaquelleilaccordait«indulgenceplénièreàtousles fidèles des provinces ecclésiastiques de Mayence,Magdebourg et Halberstadt » et à ceux des possessions de lamaison de Brandebourg. Selon les termes de la bulle cetteindulgence était accordée parce que : « nous nousmettons enpeinede toutesnosforcesdesuivre lessaintscommandementsdenotreSauveuretRédempteurcommeilsedoit.»

Voici donc démonté le mécanisme de « l’affaire desindulgences»quivaêtreàl’originedelarévoltedeLuther,delaRéforme,etdubaindesangdanslequelplongeral’Allemagne.

Résumons:unjeunenobleambitieux,Albert,déjàévêqueetarchevêque, convoite le siège prestigieux d’archevêque deMayence, tout envoulant conserver ses deuxmitres, ce que ledroitcanoninterdit.Consulté,lepapeaccepte,enéchanged’unegrossesommed’argent,sommequelabanqueFuggervaprêteràAlbert,moyennantdesolidesgaranties.

Quelles garanties ? La moitié du produit d’une vente

d’indulgences plénières sur le territoire des trois diocèsesd’Albert,l’autremoitiérevenantàRome.

AinsidoncAlbertaurasestroisdiocèses,lepapedel’argent(beaucoup) pour finir la basilique Saint-Pierre, et les Fuggerserontremboursés,capitaletintérêts.

Restait à convaincre les ouailles d’Albert d’acheter denombreusesindulgences…

Lesindulgences

Il nous a paru à propos de rappeller la définition du motindulgenceauseindel’Églisecatholique.

PourRobertBellarmin11une indulgence«est la rémissiondespeines temporellesqui restentà subir, aprèsque la fauteaété remise et la réconciliation obtenue avec Dieu dans lesacrementdepénitence;rémissionquelespapes,compatissantàlafaiblessedesfidèles,accordentàcertainesépoques,etpourdesjustescauses.»

Selonlui,l’indulgenceconcédéeauxfidèlesencettevie«apour but principal et immédiat la rémission des peinestemporellesqu’ilsdevaientsubirencettevie,etsecondairementetmédiatementlarémissiondecellesduPurgatoire;lespeinesduPurgatoirenesontfaitesquepourcomplétercellesquin’ontpasétéaccompliesencettevie;parconséquentuneindulgencequi délivrait un fidèle de la dette entière qu’il devait payer encette vie le délivrerait enmême temps de toutes les peines duPurgatoirequiauraientpusuccéder.

Enfin, écrivait-il, il n’y a dans les indulgences aucunhonteux trafic ; le fidèle aide par son aumône une œuvreagréable à Dieu et recommandée par l’Église ; l’Église, enretour, lui concède pour lui ou pour d’autres, ce grand bien

dans la tête des yeux qui brillent et des raisonnements quidéconcertent45».

Notons que de son côté Luther ne se priva pas de jugerCajetan.Ilenécrivit:«Lecardinalestpeut-êtreunthomistedevaleur,maiscen’estpasunpenseurchrétienaux idéesclaires.Celalerendaussiapteàtraitercetteaffairequ’unâneàjouerdelaharpe.»IlrentraàWittenbergle31octobre,aprèsavoirquittéprécipitamment Augsbourg à la suite d’une rumeur luiannonçantsonarrestationprochaine.

LamissiondeMiltitz(finde1518)

Tant Cajetan que Luther écrivirent, dès l’issue de leursentretiens,àFrédéricleSagepourseplaindrel’undel’autre.Lelégat pontifical demandait auprinceÉlecteurde«mettre fin àl’affaire dumoinillon sans retenue en l’emprisonnant d’abord,puisenlefaisantconduireàRome…[car]desiprestesartificeset perfidies, ces manigances pénibles, pernicieuses etempoisonnéesnepeuventplusdurer…»

DesoncôtéLutherprésenta,(àsafaçon)sarencontreavecCajetan, concluant :« Je suis,Dieu soit loué,pour lemomentd’uncœurserein,etjerendsgrâceàDieuquesonfilsbien-aiméJésus-Christmejugedigned’endurerdanscettebonneetsaintecause,tribulationsetpersécutions.»

LeprinceÉlecteurréponditàCajetan«qu’iln’entendaitnilivrerLutherpourqu’ilsoitconduitàRome,nil’expulserdesesétats46, car Luther n’avait pas encore été condamné commehérétique. » Il proposait donc : soit qu’ait lieu une disputepubliquedevantuneinstancelibredetoutpartipris,ouquesoit«remisàLutherunénoncéexplicatifdeserreursquiluivalaientd’être regardé et décrié comme hérétique. » Luther eut ce

commentaire « J’ai vu les admirables paroles47 que notreillustrissime prince a adressées à monseigneur le légat. Bontédivine,avecquellejoielesai-jeluesetrelues!».

Ainsi encouragé Luther n’hésita pas à clamer, à la fin de1518, ces paroles inouïes : «C’est le véritableAntéchrist quirègneàlacourromaine!»48etàenappeleràunconcile,disantqueseuleunetelleassembléepouvaitréglersonaffaire.

Inquiet de la tournure que prenaient les événements, etsurtoutdevoirFrédéricleSage,cepuissantprinceÉlecteur,seranger dans le camp des défenseurs de Luther, LéonX décidad’envoyerKarlvonMiltitz49, soncamérier,enAllemagnepourévaluerlasituation.

Miltitz commença par rencontrer Frédéric le Sage le 28décembre 1518, et lui proposa d’organiser une rencontre entrelui,envoyédupape,LutheretTetzel.Lutherdonnasonaccordmais Tetzel refusa, disant qu’il craignait pour sa vie s’il serendaitdanslaSaxeernestine50.Miltitz rencontradoncLutherseul, entre le 4 et le 6 janvier 1519. Assistaient à l’entrevueSpalatinetunautreconseillerduprince(FabienvonFreilitsch).MiltitzetLuthersemirentd’accordsurlespointssuivants:

–Lesdeuxpartiess’abstiendraientdedébattreenpublicdesquestionsàl’origineduconflit(lesindulgencesparexemple).

–Lepapedésignerait«undoctepersonnagequiexamineraitenconscienceetlibrementladoctrinedeLuther.»Montrez-moimeserreurs,ditcelui-ci,etjemerétracteraibienvolontiers.

Selon J.M. Audin « On s’embrasse, et Luther promet devivre désormais en paix et d’écrire au pape. Il proteste de son

amouretdesonrespectpourLéonX,desafoihumbleetdocile.Miltitz, de soncôté, jured’imposer silence auxadversairesdumoineetd’obtenirdupapeque la sentence soit rendueparunévêqueallemand.

Le6janvierLutherremetàMiltitzlalettredestinéeàLéonX, dans laquelle il adopte un ton d’entière soumission, sedésignant comme « la lie du genre humain et un grain depoussièreterrestre»Ilpoursuit:«Quedoisjefaire,Saint-Père?… On me demande de rétracter mes thèses. Si cela servait àquelque chose, je le ferais sans tarder…mais…mes écrits sesont répandus beaucoup plus que je ne l’avais espéré et sontbientropenfoncésdanslesespritspourquejepuisseencorelesrétracter… Car une telle rétractation ne pourrait avoir pourconséquence que de faire de l’Église romaine un objet demésestimeetderéprobation.»

Enchanté, et persuadé qu’il a réglé « l’affaire Luther »Miltitz transmet cette lettre au pape. Fin mars 1519 Léon Xrépond aimablement àLuther, l’appelant « cher fils »mais luidemandantdeveniràRomepourserétracter51.

LadisputedeLeipzig(1519)

Entre alors en scène un célèbre professeur de théologie (àl’université d’Ingolstadt) JeanMaier, dit Eccius ou Eck52, dunomdesonvillagenatal.Bonécrivain,excellentorateur,douéd’unevoixgraveetpuissante,ilétaitundéfenseurconvaincudeladoctrinecatholiquelaplusorthodoxe.Luther,quilehaïssait,l’appelaitDreck (l’ordure)ouSaueck (nidàcochons). Ildisaitdelui:Drecknedevraitparlerquedeboireetdes’empiffrer,dejolies femmes et de gais compagnons ; sur ce terrain il estéloquent…etcompétent.Pourlereste,qu’ilsetaise…Sij’étais

des humbles… se promener en un cortège impérial ? et cetteCour pontificale avec des milliers de fonctionnaires dont lacentième partie suffirait… Aussi les Romains guettent-ils lesbonnes prébendes, les prébendes d’Allemagne, comme le loupguette la brebis… » Il faut que le pape « retire sesmains dupotageoùilseplaîtunpeutropàbarboter.»

Certainspassagesdel’Appelàlanoblessesont,enfait,unappelàlarévolte.Citonsenquelques-uns:

– « Réveillons-nous, chers Allemands, et craignons Dieuplusqueleshommesafinquenousnepartagionspaslesortdetouteslespauvresâmesquisontsilamentablementconduitesàleur perte par le scandaleux et diabolique régime desRomains…»

–«Un régime si diabolique [Rome]n’étant pas seulementunevoleriepublique,une tromperieetune tyranniede laportede l’enfer, mais aussi une corruption de la chrétienté en soncorps et en son âme, c’est notre devoir de faire tout notrepossiblepourempêchercettedésolationetcettedestructiondela chrétienté. Puisque nous voulons combattre les Turcs,commençonslàoùilyalespires.»

– Bien que nous n’ayons donné aucune raison aux papesd’exercerleurscélératesse,nousavons,àcausedelaperfidieetde l’ignominie pontificales, versé notre sang à maintes etmaintesreprises,et,par l’écrasementdenotre liberté, levoldetous nos biens… nous n’avons hélas ! que trop chèrementpayé…»

Voilàdebienrudespropos…

La Captivité babylonienne de l’Église parut en octobre1520.C’est« laplusviolentedeschargesqueLutherait lancécontre le système ecclésiastique en place ; c’est un appelenflamméàselibérerdelatyrannieimpieparlaquellelespapestiennent la chrétienté captive, ayant perverti les sacrementsinstituésparleChristetinventédenouveauxsacrementsdontlasainteÉcriturenesoufflemot»10.

Luther dit que tout ce qu’il a écrit jusqu’alors sur lesindulgences et sur le pape doit être brûlé et remplacé par lesdeuxthèsessuivantes:

Les indulgences sont une monstruosité des lèche-bottesromains.

Lapapautéestuneréservedechasseoùsedéchaînel’évêquedeRome.

Après avoir refusé à la papauté un fondement de droitdivin11, Luther lui conteste maintenant toute légitimation dedroithumain:«Car,àlirelessubtilitésdecesfreluquets[Eck,Emser12, et autres], j’ai appris et je sais maintenant de façoncertainequelapapautéestlerègnedeBabyloneetlepouvoirdeNemrod13…»Pourlui«laRomechrétienneestcequefutjadislaRomeantique,letypeabsoludelavillehostileàDieu.»Elleestla«quintessenced’uneÉglisequiasuccombéàtoutcequiestterrestre.»

Luthervatrèsloindanssonattaquecontrel’Église:parlessacrementsRomeasoumistoutelaviechrétienneàlahiérarchiedes prêtres. « Les moyens de grâce sont devenus moyens dedomination. » Il déplore que, dans la messe, on ait privé lesfidèlesducalice,ilrefuselatranssubstantiation,s’orientantvers

laconsubstantiation14.Lacènen’estquelacommémorationdelamortduChristetnon«uneoffrandequenousfaisonsàDieuetparlaquellenouspourrionsfairepressionsurlui.»Ilécrit :«Lamesseestunepromessedivinequinesertàpersonne,donton ne peut faire profiter personne, sinon celui qui croit lui-même.»Ilcontestequelaconfirmation,lemariage,laprêtriseetl’extrême-onction soient des sacrements ; il ne reconnaît cecaractère qu’au baptême, à l’eucharistie et, avec de grandesréserves, à la pénitence. En fait, pour lui, l’Écriture sainte nereconnaîtcommesacrementquelaParoledeDieu.

Luther s’en tient au texte de la Bible qui indique que lefidèle doit recevoir la communion sous les deux espèces.L’Églisen’apasledroitderéserverlecaliceauxprêtres.

Pourluil’Égliseestvictimedetroiscaptivitéscarc’estêtrecaptifque:

– Ne recevoir la communion que sous la seule espèce dupain.

–Dedevoircroireaudogmedelatranssubstantiation.–Deconsidérer lamessecommeunsacrificeetunebonne

œuvre alors qu’elle n’est que don de la grâce et promesse duSeigneur.

LaCaptivitébabyloniennesetermineparcedéfiqueLutherlanceàRome:«J’opposecetécrit,avecconfianceetfranchise,aux impies et à ceux qui, au lieu des dogmes divins nousimposent,entyransobstinés,leurspropresdogmes…j’entendsdire qu’on a déjà préparé contre moi de nouvelles bullespontificales et de nouveaux anathèmes aux termes desquelsj’auraisàmerétracterouàêtredéclaréhérétique.Sic’estvrai,quecetopuscule soitunepartiedema future rétractation,afin

claire instruction des croyants en Jésus-Christ. Mes livres nesontpastousdemêmesorte.Danslesunsj’aitraitédelafoietdesmœurs…dansunesecondecatégorie,j’attaquelapapautéetsesdoctrinesdans lamesureoùelles saccagent laChré tienté.Nulnepeutnierque,parnombred’ordonnancesetpropositionsdoctrinales, la conscience chrétienne n’ait été lamentablementmartyrisée, tyran nisée, et plus particulièrement au sein dupeupleallemand.

Enfin d’autres de mes livres sont dirigés contre quelques-uns de mes adversaires qui m’ont attaqué en s’efforçant deruinerladoctrinedivinequej’enseigne.Acesouvragesjeferaimoi-même le reproche d’être plus violents qu’il neconviendrait…

Je ne puis défendre mes modestes écrits plus obstinémentque le Christ n’a défendu sa propre parole. Quand il futsouffleté par l’officier du grand-prêtre, il lui dit : Ai-je malparlé?faites-lemoivoir.

Combienàplusforteraisonl’infimeetfailliblecréaturequejesuisdoitelledemanderqueseserreursluisoientdémontrées.Qu’onme présente une réfutation fondée sur les prophètes ousur l’Évangile, je me rétracterai aussitôt et jetterai moi-mêmemeslivresaufeu.

Certes j’ai réfléchi sur le danger des querelles etinsubordinationsquemonenseignementpeut fairenaître,maisleSeigneurn’a-t-ilpasdit :Jesuisvenu,nonpourapporter lapaix,maisleglaive;jesuisvenupourséparerlefilsdupère.»

L’officialselevaalorsetditqueLuthern’avaitpasréponduà la question ; qu’il demandait une réponse simple et noncornue:s’ilvoulaitounonserétracter.

Luther reprit : « onmedemandeune réponse simple, je laferai:elleneseranicornuenidentée,etlavoici.Amoinsqu’on

nemeconvainqued’erreurparletémoignagedel’Écriture…jenepuisnineveuxmerétracter,carilnefautjamaisagircontresa conscience. Telle estma profession de foi ; n’attendez riend’autredemoi,queDieumesoitenaide.Amen.»

Après un dernier échange entre Ecke et Luther sur lesconciles,laséancefutlevée.

Le19avrillesecrétairedeladiètelutàhautevoixlerescritimpérialsignédeCharlesQuint:

«Nosancêtres…ontveilléàcequ’onrendîtauxdécretsdel’Églisel’obéissancequileurestdue…Etcommeils’esttrouvéunfrèrequiaoséattaqueràlafoisetlesdogmesdel’Égliseetle chef de la catholicité, défendant avec opiniâtreté les erreursoù il était tombé, et refusant de se rétracter, nous avons jugéqu’ilfallaits’opposerauxprogrèsdecesdésordres…afinquelaGermanie ne se souillât pas du crime de parjure. Nous nevoulons plus désormais entendre Martin Luther… et nousordonnonsqu’ilaitàs’éloigneretàseretirersous lafoide laparole que nous lui avons donnée, sans qu’il puisse dans soncheminprêcherouexciterdesdésordres.»

L’archevêquedeTrèves23priaLutherdevenir levoiret luitintunlongdiscourssurl’obéissancequ’ondoitàl’Égliseetàses décisions, aux conciles et à leurs décrets. Après l’avoirécouté, lemoine lui répondit qu’il ne pouvait pas s’écarter del’Écrituresainte.Ilajouta:«Simonaffairen’estpasdeDieu,elletomberad’elle-mêmed’icideuxoutroisans;sielleestde

Dieu,riennepourralabriser.»JohanvonEckequis’étaitjointàl’archevêquepritalorsla

parole,luidisant:«Martin,iln’estaucunedeshérésiesquiontdéchirél’Églisequinesoitnéedel’interprétationdesÉcritures:la Bible est l’arsenal où chaque novateur est venu puiser sesarguments trompeurs ; c’est avec des textes bibliques quePélage24etArius25soutenaientleursdoctrines.QuandlespèresduconciledeConstanceontcondamnécettepropositiondeJeanHuss:l’ÉglisedeJésusChristn’estquelacommuniondesélus,ils ont condamné une erreur ; car l’Église, comme une bonnemère, entoure de ses bras tout ce qui porte le nom dechrétien…»Lutherdemeurainflexible.Lesoir,l’archevêquedeTrèvesluifitdireque,parordredel’empereur,sonsauf-conduitétaitprorogédedeuxjours,etl’invita,pourlelendemain,àunenouvelleconférence.

Rien n’y fit, à tous les efforts des conseillers del’archevêqueLutherrépondait:«Nevousfiezpasauxprinces,auxfilsdeshommes,careneuxn’estpaslesalut»et:«Mauditsoitquimetsaconfiancedansl’homme».L’archevêquefinitparrenonceràsesefforts,ilditàLuther,ensoupirant:«Dieuvousjugera.»

Le 26 avril 1521, Martin Luther reprit le chemin deWittenberg. Le jour précédent CharlesQuint avait fait donnerlectureauxélecteurs,auxnoncesetàdenombreuxmembresdesÉtats,d’unéditimpérialrédigécontrelemoineaugustin.

Cet édit était sévère : l’empereur défendait, sous peine decrimedelèsemajesté,dedonneraucunasileàLutheràpartirdu15 mai, jour où expirait le sauf-conduit dont il était porteur,maisdesesaisirdesapersonneetdelagarderjusqu’àcequela

Ne tenant aucun comptedes admonestations (mesurées) deLuther,Karlstadtentrepritdefairedétruiretouslesornementsetobjets d’art qui se trouvaient dans les églises et les couvents.« Les images et tableaux religieux sont arrachés des murs etjetés au feu, les statues détruites ; on renverse puis on faitdisparaître les autels latéraux et on brûle l’huile de l’extrêmeonction»26.Untémoinalaissécerécit:«[Aucommencementde l’an 1522], Karlstadt, suivi de Didyme27 (Zwilling) et dequelqueshommesdupeuplefanatisésparsesprédications,entreunjour,aumomentdelaprière,dansl’églisedeTousles-Saints,etsemetàbriser lesstatues, les tableaux, les imagesduculte,encriantauxassistants:«Tuneferaspointd’imagestaillées,niaucuneressemblancedeschosesquisontdans lescieux,ni icisurlaterre,nidansleseauxquisontsouslaterre»28.

Lesecondretour(mars1522)

Inquiété par ces troubles qui allaient grandissant etcommençaient à s’étendre à d’autres villes saxonnes, enparticulieràZwickau,LutherdécidadereveniràWittenberg.Ilsemble qu’il fut poussé à cette décision et par une lettre desautoritésdecettevillequi luidemandaient«avecbeaucoupdeprièresetdesupplications»derevenir,etparunesecondelettrede Frédéric le Sage29 qui déplorait la situation dans la ville,écrivant : « Ils se comportent à Wittenberg d’une façon siétrangeet simultiplequ’il enest sortiune foulede sectes, aupointqu’ondeviendraitfouàessayerdesavoirquiestqui.»

Luther quitta laWartburg le 1er mars 1522 ; en chemin ilécrivitàl’Électeur:«JerentreàWittenbergpourmettrefinaux

désordresque lediableya fomentés. Je tiensmadoctrinenondeshommes,maisduciel,aussin’ai-jepasàmelaisserguiderparleshommessurlavoieàsuivrepourladéfensedecedépôtsacré.»

Le dimanche 9mars, revêtu de son froc demoine, Luthermonta en chaire dans l’église paroissiale de Wittenberg. Lamesse fut dite comme à l’accoutumée et la communiondistribuée sous une seule espèce. Au cours de son sermonLuther demanda que l’on rapporte dans les églises tous lestableauxetstatuesencore intacts. Il recommanda laconfessionavantlacommunion,autorisalesmessesbassesetlaprocessionsolennelle de la Fête-Dieu. Il s’adressa aux fidèles qui sepressaientdansl’égliseleurdisant:«[certainsprétendent]êtredesprophèteséclairésparDieu;jesuislepremieràquiDieuarévélésaparolequejevoustransmetsencemoment.»Ilprêchadelasortehuitjoursd’affilée.

Certes Luther prenait un grand risque en quittant laWartburg, car ce n’est plus à la papauté seule qu’il s’attaque,maisàl’autoritédeCharlesQuint.Ilbravelesordresdeladiètede Worms en venant prêcher en plein Wittenberg, alors qu’ilavait promis de se taire. Toutefois il ne pouvait – dira-t-il –demeurer dans les solitudes de la Wartburg car une voix luiintimait l’ordrederevenirparmisesfidèles,unevoixquicriaitplusfortquecelledel’empereur,«cellequiparlaitàMoïsesurleSinaï,etquirenversaitPaulsurlechemindeDamas,lavoixdeDieu»qu’ildisaitentendredufonddesoncœur.Ilrépondà

FrédéricleSage,quiluiavaitinterditdeveniràWittenberg:

«QueVotreGrâcelesachebien:cen’estpasdeshommes,mais du ciel, par Notre Seigneur Jésus-Christ, que vient monÉvangile…J’ai faitassezpourVotreGrâceenm’emprisonnantpendant une année… [mais] comme le Père des miséricordesinfiniesm’adonnépouvoirparsonÉvangilesurtouslesdémonset la mort, et m’a livré la royauté de l’avenir, Votre Grâceélectoraledoitbienvoirqueceseraitoutragermonmaître[Dieu]quedenepasmefieràlui…

JevaisàWittenbergsousl’ailed’uneprovidenceplusfortequecelledesprincesetdesélecteurs…AlagardedeDieu,monprince!…AmourauSeigneurdansl’éternité!».

LesprophètesdeZwickau

Dès 1518 un jeune prêtre30 à l’intelligence vive et autempérament de feu, Thomas Müntzer, était venu rejoindreLuther àWittenberg.En1520 leRéformateur l’envoya commeprédicateuràZwickau.Là,Müntzerrencontraunjeuneouvrier,NicolasStorch,quiétait«vénérécommeunprophète»parlesapprentis et les compagnons drapiers de la ville. Storchn’hésitait pas à placer le contact direct avec Dieu, qu’ilprétendait avoir par ses illuminations, audessus de la sainteÉcriture,àlaquelled’ailleursilrenonça.Storchetsesfidèles31furentrapidementconnussouslenomdeprophètesdeZwickau,etnetardèrentpasàfomenterdestroublesdanslaville.Müntzerla quitta mais les prophètes y restèrent et le nombre de leurspartisansne cessade croître.Leurdoctrinepouvait se résumerainsi:

Mais,etsurtout,lesuccèsrencontréparlemessageluthériens’expliquepartroisraisonsprincipales:

– Les critiques adressées à l’Église institutionnelle, et lastigmatisationdesesabus.

–Laperspective,évoquéeparLuther,d’unemain-bassesurlesbiensconsidérablesdecetteÉglise.

– La dimension proprement religieuse, par exemple lavalorisation de la prédication, la célébration du culte enallemand,l’attentionaccordéeàlalectureetaucommentairedelaBible,l’accèsplusdirectàDieu.

Ces raisons ont eu, à des degrés divers, une influence surplusieursclassesdelasociétéallemande.Examinons-les.

Lesprédicateurs

Ilsontétéles«commisvoyageurs»delaRéformation.PlusencorequeladisséminationdeslivresdeLuther,ilsfurentceuxqui atteignirent et convertirent les foules. Dans la grandemajoritédescas, il s’agissaitdemoinesdéfroqués19qui,ayantquitté leurs couvents, s’étaient reconvertis en porte-parole desidéesluthériennes.

Prêchantengénéraldansdesvillesoù ils s’installaient, ilslisaientenpublicpuiscommentaientlesécritsduRéformateur,mettantenavant«lepuretsimpleÉvangile»etrelativisantlesinstitutions, dont l’Église, qui ne sont, disaient-ils, que desconstructionshumaines…

Certains n’hésitaient pas à aller plus loin queLuther, s’enprenant avec véhémence à la hiérarchie catholique. D’autresinterpellaient le pape, s’étonnant « qu’il ne vide pas lepurgatoire pour l’amour de la très sainte charité » ; ils

exhortaient (avecsuccès) lesmoineset les religieusesàquitterleurscouventsetàsemarier.Tousinsistaientsurlanécessitédela prédication et le fondement de la doctrine évangélique surl’Écriture,etbeaucoupdéveloppaientlesconséquencessocialesqu’ilstiraientdumessageluthérientellesquelasuppressionouleréaménagementdesdîmes,laredistributiondesressourcesetdescharges,toutesgrainesquitombaientsurdessolsfertiles…

Lespaysans

La situation économique des paysans allemands n’avaitcessédesedétériorerdepuisprèsd’unsiècle.Deplusenplusnombreuxétaientceuxquiréclamaientunretouràl’anciendroit(coutumier), qui était progressivement remplacé par le droitromain écrit, ce qui favorisait leur oppression par les classespossédantes. D’autres allaient plus loin en exigeant lasuppressionduservage20(quiexistaitencoreendenombreusesprovinces)et«l’établissementd’unejusticedivine»,demandeàlaquellelemessageluthériensemblaitapporteruneréponse.

D’après P. Blicke21 « les paysans ont retenu deux thèmesessentiels du message luthérien… le premier était celui del’autonomiedulaïcetdelacommunautélocale;lejugementsurla vérité n’était plus réservé aux clercs, à l’Égliseinstitutionnelle et aux autorités ; la communauté locale étaitainsi revalorisée, alors que dans le système féodal elle n’avaitquepeudeplace.

D’autre part, les paysans tiraient du message luthérien…l’idéequ’ilfallaitétablirundroitnouveau,basépourl’essentielsurl’Écriture.»

Il est certain que les attaques de Luther, et ses proposenflammés contre l’Église et les clercs n’ont pu que susciter

parmilespaysans,genssimples,l’idéequ’ilfallaitmettrefin,leplusvitepossible,àladominationtemporelledecetteÉgliseetde ses représentants. Le résultat sera la tragique révolte despaysans(1525).

Lesvilles

Un historien anglais (Dickens) a pu écrire que « laRéformation était un événement urbain », car la réception dumessage de Luther, dans de nombreuses villes allemandes, futimmédiate et son impact durable. L’Empire comptait alors 85villeslibresdont65étaientsoumisesdirectementaupouvoirdel’empereur.OrlaRéformations’imposatrèstôtdansplusde50decesvilles22.

Pourquoi ces villes libres furent-elles si réceptives à laRéformation ? A notre avis pour deux raisons : d’une part labourgeoisieachetaitdeslivres,dontceuxdeLuther,leslisaitetenapprouvaitlateneur;d’autrepartdanslagrandemajoritédecesvillesexistaientd’âpresconflitsd’intérêtquiopposaientlesconseils municipaux, les échevins, aux autorités de l’Église,telles qu’évêques, chanoines, prieurs des abbayes etc. Or, lemessage de Luther encourageait, voire ordonnait aux laïcs derésister à l’Église et de prendre leurs affaires enmain, car lesdistinctionsentreclercsetlaïcsétantabolies,seulesprévalaientlesrapportsdeforce.

Silaclassebourgeoiserecevaitcemessageavecsatisfaction,cettesatisfactionn’étaitpasmoinsgrandechezlesouvriers,lesartisans, lesdomes-tiqueset les commerçants,qui formaient legrosde lapopulationdesvilles.Toutcepetitmondeapprenaitavecjoieque«letravailmanuelétaitaussiagréableàDieuquelaprière»etvoyaitd’unbonœiluneconfiscationéventuelledes

sommé les États d’exécuter l’édit de Worms, et les avait« menacés de sa colère en cas de désobéissance. » Sans serebeller contre l’édit impérial, les luthériens obtinrent que ladiète demande aupape la convocationd’un concile général enAllemagne « pour y terminer les différends religieux. » Il futconvenuqu’unenouvelleassembléesetiendraitàSpire,lejourde la fête de Saint-Martin, où les Ordres « après avoir faitexaminer par d’habiles docteurs ce qu’on devait retenir ourejeter des doctrines de Luther » formuleraient ensuite leurdécret.

Lelégatprotestaenvain.CharlesQuint, irrité,adressaàladiète un rescrit où ilmenaçait de la peine demort quiconquedésobéiraitàl’éditdeWorms,maislesÉtatsn’entinrentaucuncompte…Luther nemanqua pas d’attaquer à la fois le rescritimpérial et la décision de la diète concernant l’assemblée deSpire23 : « Scandale que toutes ces piperies d’empereur et deprinces, à la face du soleil ! Scandale affreux que ces décretscontradictoires où l’on ordonne de me courir sus, l’édit deproscriptiondeWormsà lamain, etoù l’on inviteunediète àSpirepourtrierdemeslivrescequ’ilyadebonetdemauvais!CondamnéendernierressortetrenvoyépourêtrejugéàSpire!Coupable, de par les Ordres, aux yeux des Allemands, quidoivent me pour-chasser sans relâche, moi et ma doctrine !Coupablequ’onrenvoiepourêtre jugéàdenouvellesassises!…Têtesfolles!cerveauxavinésdeprinces!

Allons, enfants de l’Allemagne ! il faut que vous restiezmartyrsd’unpape;quevousvouslaissiezpilerdanslemortiercommede lapaille, ainsiqueparleSalomon.Plaintes,prières,larmes,longuessouffrances,abîmesdedouleursoùnousavonsétéplongés,riennedoitnousservir!…

Dieuneveutpas,jelevoisbien,quej’aieaffaireàdesêtres

raisonnables ; il me livre aux bêtes allemandes, comme à desloupsetàdessangliers…

Quevoulez-vous,meschersmaîtres?Dieuestassezfort,ilvousbrisera…

Chrétiens,jevousenconjure,levezvosmainsetpriezDieupourcesprincesaveuglesdontlecielsesertpournouschâtierdans sa grande colère, et gardez-vous bien de venir présentervotreoffrandeetvotreaumônecontreleTurcquiestmillefoispluspieuxetplussagequenosmaîtres…Voisdonccepauvreempereur,verdeterre24,quin’estpassûrd’uneheuredevie,etquinerougitpasdeseproclamerlehautetpuissantdéfenseurde la foi chrétienne !Que dit l’Écriture ? «Que la foi est unrocherplusfortquelediable,lamortetleshommes,qu’elleestle bras deDieu ! »…C’est comme ce roi d’Angleterre qui sepavaneaussidesontitredeprotecteurdelafoietdel’ÉgliseduChrist…Ahlesbeauxprotecteursqu’auraienttrouvéslaSainteTrinité,leChristetlafoi!

Pitié!m’écrirai-jedufonddel’abîmedemoncœur,àtousleschrétiens,pitiépourceramassisdefous,d’insensés,deniaiset d’idiots ! mieux vaudrait mille fois mourir que d’entendreproférerdetelsblasphèmescontrelamajestéduciel…»

Bienàl’abriàWittenberg,fortdelaprotectiondeFrédéricle Sage, Luther bravait et le pape et l’empereur. Ses doctrinesgagnaientchaque jourdu terrain ;elless’étaient répandues,dela Saxe ernestine d’abord, dans les provinces du nord del’AllemagnepuisdanslesduchésdeBrunswick,deLunebourget du Mecklembourg. De nombreuses villes telles Brême,Hambourg, Rostock et bien d’autres, leur avaient ouvert leursportes.LaLivonie25, la Prussemême basculaient, cette Prussequiappartenaitàl’ordrecatholiquedeschevaliersTeutoniques!

Dans les territoires « conquis » le nouveau culte bâtissait

des temples, s’appropriait les églises catholiques et tonnait« contre les superstitions d’une religion qu’il disait éteinte àjamais.»

LaréuniondeRatisbonne(1524)

Effrayéspar lapropagationdes idées luthériennesque riennesemblaitdevoirarrêter,lesprincescatholiques26seréunirenten juillet 1524 « pour conférer sur les moyens de soutenir lareligioncatholique.»l’assembléedécidad’abordque«l’éditdeWormscontreLutheretsesadhérentsdevaitêtreobservécommeuneloidel’empire.»Elleétablitensuite:

– qu’on ne changerait rien, ni dans l’administration dessacrements,nidanslescérémonies,nidanslescommandementsetlestraditionsdel’Églisecatholique.

– que les ecclésiastiques qui semarieraient, et lesmoinesapostats,seraientpunissuivanttoutelarigueurdescanons.

– que l’Évangile serait prêché d’après l’interprétation despèresetdesdocteurs.

–queleurssujetsquiétudiaientàl’universitédeWittenbergaientàlaquitterdanslestroismois,souspeinedeconfiscationde leurs biens, et que ceux qui y avaient fait leurs études nepourraientjamaisposséderdebénéfices.

– Enfin que secours et assistance seraient donnés à toutprince attaqué pour la défense de l’une des clauses votées parl’assemblée.

Lelégatdupape,quipritpartàcetteconférence,publiauneconstitution (en trente-cinq articles) pour régler le régime

Seul celui qui est atteint de folie peut prétendre au nomd’homme.»

Puis la Folie généralise : «… toutes ces vertus, dit-elle,dontlemondefaittantdecas,laclairvoyanceetlaperspicacité,la sincérité et l’honnêteté, n’existent que pour empoisonner laviedeshommesqui lespratiquent.»ElleciteSophocle :«Lavielaplusagréableestcellequisepassesansaucuneespècedesagesse.»

Après avoir raillé « les rhéteurs verbeux, les juristescoupeurs de cheveux en quatre, les nobles arrogants, lesécrivains,lesacteurs,lessoldats»,DameFoliecritiquelesabusdel’Église:«Silesprêtreslesplushautsplacés,silespapes,lesvicairesduChrist,s’appliquaientàluiressemblerdansleurmanièredevivre;s’ilsenduraientsamisère;s’ilssupportaientses peines ; s’ils portaient sa croix ; s’ils partageaient sonméprispourtoutcequiestpérissable,quisurterreseraitplusàplaindre qu’eux ? Que de trésors les saints Pèresn’abandonneraient-ils pas si la sagesse s’emparait un jour deleuresprit!Aulieudecesimmensesrichesses,deceshonneursdivins, au lieudes jouissances et desplaisirs, ils connaîtraientlesnuitsdeveille, les joursde jeûne, lesprièreset les larmes,lesexercicesreligieuxetmilleautrespeines.»

Enfin la Folie définit cette Réforme29 qu’attend tout lemondechrétien:«LadoctrineduChristreposetouteentièresurladouceur, la patience et lemépris desvanités terrestres…LeChristvoulaitpourvoirsesvicairesselonsonespritetexigeaitàceteffetqu’ilsabandonnentnonseulementleurbourseetleurschaussures,maisaussi leursvêtements,afind’entrerpauvresetnusdansleursfonctionsapostoliques.Ilsnedevaientporterrien

d’autrequ’uneépée,nonpascet instrument impiederapineetde crime,mais le glaive de l’esprit, qui pénètre jusqu’au plusprofond de l’âme et qui détruit d’un seul coup toutes lespassions afin que la piété règne seule à l’avenir dans lescœurs.»

Ainsi se trouve démontrée, par les propos de la Folie, lanécessité d’une rigoureuse réforme religieuse « avec plus deforce, d’une façon plus impressionnante, plus compréhensiblequedansaucunautreécritdutemps.»

Toutefois,àladifférencedeLuther,Érasmenerêvepasd’unsoulèvement contre l’Église, mais plutôt d’une renaissancereligieuse, d’un renouveau de l’idée chrétienne. Il souhaite«épurerl’Église»,ladébarrasserdumatérialismequil’étouffeen en ramenant la doctrine aux Évangiles, c’est-à-dire auxpropres paroles du Christ, « mettant au jour ce Christ enfouisouslesdogmes.»

Avec l’Éloge de la Folie Érasme « atteint le zénith de sagloire;depuisdessièclesl’Europen’apasconnudenomplusillustre.NiceluideDürer,niceluideRaphaël,deLéonarddeVinci,deParacelse,deMichel-Ange,ouden’importequelautredesescontemporainsn’estprononcéàcetteépoqueavecautantde vénération que le sien ; il n’est pas d’écrivains dont lesœuvres soient tirées à un aussi grand nombre d’éditions quecellesd’Érasme;aucuneréputationmoraleouartistiquenepeutsecompareràlasienne»30.

C’est en 1516 qu’Érasme apprit l’existence de Luther, parune lettre de Spalatin31 qui lui parlait d’un jeune moineaugustin. Selon Spalatin, celui-ci « n’était pas de l’avisd’Aristote, à savoir que l’on est juste lorsque l’on agit avec

justice ; il croit que l’on n’est juste que lorsqu’on est en étatd’agir avec justice. Il faut tout d’abord dit-il [Luther] quel’individusoittransformé32,lesœuvresviennentensuite.»

A la finde1517Érasmeentendparlerdesbientôtcélèbresquatre-vingtquinzethèsesqueLutherapubliéesàWittenberg,etdesesviolentesattaquescontrelesindulgencesetlapapauté.Ilcommence par s’en réjouir, disant : « Tous les gens de bienaiment la franchise de Luther… jusqu’ici il est certain queLuthers’estrenduutileaumonde…»Ilajoutetoutefois«…siseulementill’avaitfaitavecmesure…»

Le 28 mars 1519, Luther écrit à Érasme une lettre danslaquellelesflatteriesledisputentàlalouange:«Quelestceluidont lapenséen’estpaspleined’Érasme?Quin’apasprofitédesesenseignements,quinesesentpasdominéparlui?»Ils’yprésentecomme«unrustreauxmainssales,quin’apasencoreapprislestermesdanslesquelsons’adresseàunhommed’uneaussihauteérudition…»

Luther termine, après avoir fait allusion à « ses remarquessans importance sur les indulgences », dans la même veine :« Reconnais donc, s’il te plait, ô homme bienveillant, cethumblefrèreenChrist,bienqu’envéritéilméritetoutauplus,en raison de son ignorance, d’être relégué en quelque coinobscuretqu’ilsoitindignedevivresoustoncielettonsoleil.»

Érasme répondit avec une prudence toute ecclésiastique ;StephanZweignote:«Peut-être,avecsonflairsubtild’ancienclerc, sent-ilaussi l’odeurde fagotqui sedégagedesécritsdeLuther.»

Commençantpar remercierson«frèreenJésus-Christ», iltémoigne de la sympathie, mais évite avec soin touteapprobation.Ilracontequ’ilvientde«commenceràfeuilleter»lescommentairesécritsparLuthersurlesPsaumes,et«espère

l’oreille aux savants qui parlaient de liberté etd’affranchissement… Quelle pitié pouvait-il avoir désormaispourdesmaîtresqueLuther,duhautdesachaireévangélique,appelaitdesfilsd’enfer?C’étaitunvéritablecombatd’archangecontrelesdémonsquelepaysanallaitsoutenir:succombait-il,leciels’ouvraitpourl’esclavevaincu.Ilpritdonclesarmes.»

«L’incendieéclatatoutàcoup.Ilserépanditaveclarapiditéde la flamme sur une traînée de poudre »9. Des bandes depaysans armés commencèrent par piller, d’abord des couvents,puis s’en prirent aux biens des nobles. En quelques semainesdescentainesd’abbayesetdechâteauxfurentprisd’assaut,misàsac,puisincendiés.

Il semble que le premier mouvement insurrectionnel descampagnespartitdelaForêtNoire,prèsdessourcesduDanube.« Le 24 août 1524, un pâtre, Hans Müller10, à la tête d’unetroupenombreusedepaysans,etprécédéd’undrapeauauxtroiscouleurs,rouge,noireetblanche,entraitàWaldshut,réunissaitleshabitantsetleurannonçaitqu’ilvenaitaunomdeDieupourlesdélivrerdel’esclavage»11.

Müntzernetardapasàrejoindrelesinsurgés,etàformulerleurs griefs : « Si les seigneurs ne veulent pas nous rendrejustice,disait-il,nousl’obtiendronsdeforce.»

Rapidement, l’autoritédeHansMüllers’étenditsur laplusgrandepartiedelaForêtNoire,oùilfutproclamé«chefdelagrande Fraternité chré-tienne. » La Souabe, la Franconieentrèrent à leur tour en rébellion.EnFranconie seule, près detroiscentsmonastèresetchâteauxfurentsaccagés,denombreuxnoblesetprêtresfurentégorgés.

Alafinde1524plusdedixmillepaysansd’Allemagnedusud prirent les armes, et refusèrent de payer dîmes et impôts,qu’ilsfussentdûsàdesauto-ritéscivilesoureligieuses.

Lesdouzearticles

Une première ébauche de ces douze articles12 circulait enAllemagne depuis le début de 1525. En février le chancelierbavarois Leonhard von Eck en envoya un exemplaire à sonmaître,leducGuillaumeIVdeBavière,avecuneannotation:

«J’envoieàVotreGrâcePrincièrepourbonneinformationledébutdetouteslesrequêtesdespaysansoùl’onreconnaîtracequeproduitladoctrineluthérienne.»

Pour Hellmut Diwald : «… pouvait-il y avoir lemoindredoutequantaufaitquec’étaitchezLutherqu’ilfallaitchercherlapaternitéspirituelledelarévoltepaysanne?

Ilyavaittrèsmanifestementdansladoctrineévangéliquedequoi auto-riser une lecture du Nouveau Testament et del’ensemble de la Bible allant dans le sens d’une révolutionsociale,etc’estàuneinterprétationdecegenrequeprocédaientles paysans. On peut même dire que la doctrine de Lutherfournissait le fondement nécessaire aux revendicationspaysannes.»

C’est en mars 1525, à Memmingen, que les délégués despaysans en révolte, adoptèrent ces célèbresDouzeArticles quiallaientmettrelamoitiédel’Allemagneàfeuetàsang.

«AulecteurchrétienpaixetlagrâcedeDieuparleChrist.

Ilyadenombreuxanti-chrétiensquiprennentoccasiondelaréuniondespaysanspourblasphémerl’Évangile,disant:ceciest-illefruitdunouvelévangile?Ilsdisentquelaconséquenceen sera que personne n’obéira plus, que chacun se révoltera,qu’on s’assemblera pour se rebeller avec violence et prétendreréformer les autorités ecclésiastiques et séculières, les chasseroulesassassiner.

Les articles suivants sont une réponse à tous les critiquesméchantsetimpies,afindejustifierd’unemanièrechrétienneladésobéissance,voirelarébelliondespaysans:

1. Que nous ayons le droit de choisir nous-même nospasteurs,puisdelesdéposers’ilsneseconduisentpascommeilconvient.

2.Puisqu’unedîmelégitimeestadmiseparl’Écrituresainte,nous consen-tons à la payer… Le pasteur recevra ce qui seranécessaire à son entretien et à celui des siens.Le surplus seraconsacréausoulagementdespauvresduvillage…

3.Les insurgésdéclarent qu’ils neveulent plus être traitéscommechoseetpropriétédeleurseigneur;parsonsangJésus-Christarachetél’humanitéentière,lebergercommel’empereur.

4.Iln’estpasjustequelespaysansn’aientaucundroitsurlegibierdeschampsetdesbois,lesoiseauxducieletlespoissonsdesrivières…

5. Les bois qui étaient jadis bien communaux doivent leredevenir…

6.Lescorvéesdoiventêtreallégées.7. Le seigneur ne devra pas réclamer plus de corvées que

n’enfixelachartecommunale.8.Toutouvrier adroit àun salaire… l’hommedeschamps

nedoitpastravaillersansrétribution.9.Lajusticen’estplusrendueéquitablement;lespénalités

rabais.»

LaresponsabilitédeLuther

LaRéformefaillitpériràlasuitedelaGuerredesPaysans.Eneffet,endépitdesdémentisetdescondamnationstardivesdeLuther, les chefs de la rébellion avaient, dès l’origine,mis enavant les idées des protestants ; leurs revendicationséconomiquesavaientétéexpriméesselon lesproposdeLuther,duLutherd’avant1525s’entend.Lecommunismeétaitprésentécomme un retour aux maximes de l’Évangile, retour qui étaitl’unedesexigencesdesréformateurs.

Charles Quint vit dans la rébellion « un mouvementluthérien »13. Les conservateurs expliquèrent que les pillagesdesmonastères par les paysans étaient la conséquence logiquedesexpropriationsdesbiensecclésiastiquesparlesProtestants.Danslesuddel’Allemagne,lesprincesetlesseigneurs,effrayéspar les violences, renouvelèrent leur loyauté à l’Églisecatholique.Enplusieursendroits,telleslesvillesdeBambergetdeWürzburg,desnotables furentexécutéscomme«coupablesdeluthéranisme»14.

NombredepaysansseretournèrentcontreLutherl’appelantDoktorLügner(docteurmenteur),et«levaletdesprinces»15.

Pendant plusieurs années après l’écrasement de la révolte,Luthern’osad’ailleurspasquitterWittenberg,mêmepourrevoirsonpèresursonlitdemort(1530).

Le15juin1525,ilécrivait:«toutcequeDieuafaitpourlemondeau traversdemoiestoublié ;maintenant les seigneurs,lesprêtreset lespaysanssonttouscontremoi,etmemenacentdemort»16.

Le30mai1525,ilavaitécritàNicholasAmsdorf:«Selon

mon opinion, la mort des paysans est préférable à celle desprêtresetdesmagistrats,carlesrustressesontsaisisdel’épéecontrel’autoritédivine.»

Enjuillet1525,LutherpubliauneLettreouverteconcernant[sesdéclarations]contrelespaysans.Ilydénonçaitceuxquilecritiquaient, disant « qu’au fond de leur cœur ils étaient aussirebelles que les paysans, et ne méritaient pas plus demiséricordequ’eux.»

Ilcontinuait :«…Iln’yapasàrépondreàunrebellepardes arguments logiques, car il ne les accepte pas. La seuleréponseàluifaireestuncoupdepoingquiluifassesaignerlenez. Les paysans n’ont pas voulu écouter… il faut leurdéboucherlesoreillesavecdesballes,jusqu’àcequeleurstêtesquittent leurs épaules.De tels élèvesneméritentque lebâton.Celuiquineveutpasécouter laParoledeDieuquandelleestditeavecbonté,doitécouter lebourreauquandilvientavecsahache…

Je ne veux pas entendre parler de miséricorde, maisseulementdelavolontédeDieuparsaParole…

Si il veut la colère et non la miséricorde, qu’avez-vous àfairedelamiséricorde?Saul17n’a-t-ilpaspéchéenayantpitiéd’Amalek18 lorsqu’il n’appliqua pas la colère deDieu commecelaluiavaitétéordonné…

Vousqui recommandez lapitiémaintenantque lespaysanssont battus, pourquoi ne le faisiez vous pas quand ils tuaient,volaient, brûlaient et pillaient, en terrorisant les yeux et lesoreillesdeshommes?»

Luther fait observer que la miséricorde est le devoir deschrétiensdansleurcapacitéprivée,maisqu’entantqu’officiers

de l’État ils doivent appliquer la justice plutôt que lamiséricorde car, depuis le péché d’Adam et Ève, l’homme estdevenu si méchant qu’il doit être contrôlé par desgouvernements, des lois et des peines. On doit avoir plus deconsidérationpourunecommunautémiseendangerparlecrimequepourlescriminelsquimettentendangerlacommunauté.

Il poursuit : « Si les intentions des paysans avaient étéréalisées,aucunhonnêtehommen’auraitétéàl’abrid’eux,celuiqui avait un sou [pfennig] de plus qu’un autre en auraitsouffert…Iln’yauraiteudepaixpourpersonne,enaucunlieu.

Connaît-on quelque chose de moins contrôlable qu’unehorde de paysans quand ils ont été bien nourris et ont pris lepouvoir ?… Il faut donner du bâton aux ânes, et diriger lepeupleparlaforce»19.

Quoiqu’enaitditLuther, lespaysansavaient raisonde luienvouloir.Ilavaitnonseulementannoncéunerévolutionsocialemaisavaitrenchériendisantqu’ilseraitsatisfaitsideshommestrempaient leursmains dans le sang d’évêques.Lui aussi avaitfaitunerévolution,avaitmisl’ordresocialendanger,avaitdéfiél’autorité de l’État. Il n’avait jamais protesté contrel’appropriation [le vol] des biens religieux par des laïcs.Comment les paysans auraient-ils pu améliorer leur sort sinonpar la force,car levotepopulaire leurétait interdit,et la forcearméeétaitducôtédeleursoppresseurs?Lespaysanspensaientque la nouvelle religion avait sanctifié leur cause, les avaitpoussés,d’abordàespérer,puisàagir,et lesavaitabandonnésaumomentdeladécision.Certainsd’entreeux,déçus,devinrentdes athées cyniques20, beaucoup retournèrent à la religion deleurspères;enfinuncertainnombreembrassèrentdesdoctrines

3.Luther(VonbeiderGestaltdesSacraments,Witt.1528).4.Impôts.5.EnlatinArminius,ilanéantitleslégionsromainesdeVarusen9ap.J.C.

dans le Teutoburgwald. Sa mémoire était célébrée en Allemagne par deschantspopulaires.6.DanssesProposdeTable.CitéparJ.Marx,p.175.7.MartinBucer(1491-1561).Dominicain,ilembrassalaRéformeen1521.

Il fut pasteur et professeur de théologie à Strasbourg pendant vingt ans.Bossuetl’appelaitlegrandarchitectedessubtilités.8.HenriBullinger(1504-1575).Réformateursuisse,amideZwingli,illui

succédacommeprésidentduconsistoiredeZürich.9. Propos terrifiant, qui justifie toutes les intolérances politiques et

religieuses,passéesetprésentes…10.Abschied, c’est-à-dire un accord qui dicte la conduite à suivre entre

l’ajournementd’uneconférenceetlatenued’uneautre.11.LepapeClémentVIIvenaitdeluijoueruntrèsmauvaistourendéliant

le roi François Ier de son serment (la paix deMadrid), et en s’alliant à laFrance.DanslemêmetempslesarméesturquesenvahissaientlaHongrie.12. Composée de la Saxe du duc Jean, de la Hesse, du Brunswick –

Lunebourg,duPalatinatetdel’étatdeBade.13.HellmutDiwald.14. Luther fait là un amalgame entre le gouvernement spirituel et le

gouvernementtemporelqui,pourlui,doitaccompagnerlamiseenplaceduculteluthérien.15.Le27juin1527.16.Instructionauxinspecteursecclésiastiques.17.Janssen(IV,62).HistoryoftheGermanpeople…(StLouis,Mo.).18. D’autant plus que les chefs de la Réforme, Luther surtout, leur

garantissaientqueleprotestantismeétaitunretourauxsourcesdelareligionchrétienne,etquel’hérésieétaitducôtédel’Églisecatholique.19. Ernest, du Lünebourg ; Otto et Francis, du Brunswick-Lünebourg ;

HenriduMecklenbourg;UlrichduWurtemberg;AlbertdePrusse,leGrandMaîtredeschevaliersTeutoniques…20.Janssen(VI,534).21.Le31janvier1530.22.Enfaitl’Allemagnedusuddemeuracatholique,ainsid’ailleursquela

SaxeduducGeorgesetleBrandebourg.23.Enparticulierlemariage.

24.HellmutDiwald.25. Jules deMédicis, pape en 1523. En 1526 il créa la ligue de Cognac

aveclaFrance,l’AngleterreetlesVénitiens.26. Le 6 mai 1527, par une armée impériale sous les ordres du duc de

Bourbon,enrébellioncontreFrançoisIer.Plusde4000Romainsperdirentlaviedanslespillagesquisuivirentlaprisedelaville.27.PaixdeCambrai,1529.28.Letermedeprotestantsfutappliquéparlescatholiquesauxsignataires

decetexteetfinitpardésignertouslesluthériens.29.Le20septembre1529l’arméeturquecommençaitlesiègedeVienne.

CHAPITRE14

MariagedeLuther(1525).KatherineBora.Lutherdanssonménage

En 1522, Luther de retour à Wittenberg, avait publié soncélèbre sermon sur le mariage dans lequel il insistait sur lanécessité de l’union des deux sexes pour opérer lamultiplication des êtres ; il rappelait queDieu avait dit, aprèsavoir créé et béni l’homme et la femme : « Croissez etmultipliez.»

Luther n’aurait pas été Luther s’il n’avait pas saisi cetteoccasion de s’attaquer à l’Église catholique en général, et auxmoinesenparticulier.Écoutons-le:

«Outrecescatégoriesd’eunuques1,Satanentrouved’autresqu’il séduit et qui, à ses instigations, renoncent à créer et àmultiplier,quis’emprisonnentdansdestoilesd’araignées,c’est-à-diredesvœuxetdestraditionshumaines,quis’enferrentdansdeschaînespourforcerlanature,l’empêcherdeportersemenceetdemultiplierauméprisdelaparoledeDieu…

Moines et moinesses2 enchaînés dans la chasteté etl’obéissance, et qui font sonnerbienhaut leurdévouement, nesontpasdignesdechangerleslangesd’unenfant…»

description impartiale ; nous lui empruntons les extraitssuivants:

Œcolampade. Voici le passage de l’apôtre10 : Ego sumpanisvivus,passageimportantquidelamanducationcharnelledéduitlamanducationspirituelle.

Luther. Il fautmettredecôté lechapitredesaintJeandontnullesyllabeneparledusacrement;nonseulementparcequelesacrementn’étaitpasencore institué,mais encoreparceque lesensde laphrasemontreque l’apôtreparlede la foien Jésus-Christ.Jereconnaisdurestelamétaphore,maisHocestcorpusmeumestunepropositiondémonstrative.

Œcolampade. Mais panis vivus est démonstrative aussi…du reste croire que leChrist est du pain, c’est une opinion etnonun article de foi. Il y apéril pour l’âmeà trop attribuer àl’élément,àl’apparence.

Luther. Quand Dieu parle, l’homme, ver de terre, doitécouteravec tremblement :quand ilordonne, leverdoitobéir.Embrassonsetétreignonslemot,sanschercherailleursunsenstrompeur.

Œcolampade. Mais, puisque nous avons la nourriturespirituelle,pourquoilacorporelle?

Luther.Celanemeregardepas,c’estl’affairedeDieu.Ilyaaccipite, j’obéis et jem’incline.SiDieumedisait : prends cefumieretmange,jeprendraisetmangerais,certainquecequejeferaisseraitenvuedemonsalut.

ZwingliprendalorslaparolepourrépondreàLuther.Zwingli.Mais est-ce quedans l’Écriture le signifiant n’est

pas souvent pris pour le signifié, le trope [métaphore] pour le

réalisme,l’imagepourlecorps?Ex:laPâquedel’Exodeetlerouleaud’Ezéchiel;vousvoulezqueDieuproposeàsacréaturedeschosesincompréhensibles!

Luther.LaPâqueetlerouleausontallégoriques;jeneveuxpasdiscuteravecvoussurunmot:qu’estveuillediresignifie,jem’enrapporteauChristquiadit:Hocestenimcorpusmeum;lediablen’ypeutrien.Douter,c’esttomberdelafoi.Pourquoinevoulez-vouspasuntropedans:ascenditincoelum.Dieufaithomme, leVerbe fait chair, Dieu souffrant lamort, voilà biendeschosesincompréhensibles,quevousdevezcroirecependantsouspeinededamnationéternelle!

Zwingli. Vous ne prouvez pas votre thèse… chantez-moiautrechose.Croyez-vousqueleChrist(saintJean,VI)aitvoulus’accommoderauxignorants?

Luther.Vousniez.Voilàuneparolebiendure:Durusesthicsermo11murmuraientlesJuifs…cepassageenquestionnepeutvousservir.

Zwingli.Bah!ilvousromptlecou.Luther.Toutdoux!nefaitespastantlefier,vousn’êtespas

enSuissemaisdanslaHesse,oùl’onneromptpasainsilecoudesonadversaire.

AprèsunéchangeassezvifavecZwingli,Lutherreprendlaparole:

« La parole de l’homme et la parole de Dieu ne seressemblent pas. Si saint Pierre ressuscitait et qu’il vînt aumilieudenous,jeneluidemanderaispascequ’ilcroit.C’estlaparoledeDieuquisanctifiel’homme…

Oecolampade tente alors de ramener la discussion à sonpremier objet : «Vous faites grand bruit, dit-il à Luther, d’untropequevousnevoulezpasnouspasseretvousservezd’unesynecdoque12contrelesenscatholique[commun].

Luther. Il y a synecdoque aussi ; c’est le glaive dans lefourreau, lecorps [duChrist]estdans lepaincommeleglaivedanssagaine;c’estunefigurequirequiertletexte,maisiln’yapasdemétaphore,lecorpsn’estpaspourlafigureducorps.

Zwingli cite alors Augustin, Fulgence et de nombreusesautoritésdel’Églisecatholiquequisoutiennentquelecorpsdoitêtredansunlieu,etnepeutêtredansplusieurs.Ergo leChristquiestassisàladroiteduPèrenepeutêtredanslesacrementdel’autel.

Luther. Bel argument de mathématiques, divisibilité,étendue!Ilnes’agitpasicidecequitombesouslesens…

Zwingli.MaissivousaccordezquelecorpsdeJésus-Christestfini,ergo,ilestlocal,ergoilestdanslecieletnondanslepain.Jereprends:lecorpsdeJésus-Christestfini,ergoinloco.

Luther.Nonest in loco.Quand il est dans le sacrement, ilpeut être dans le lieu et hors du lieu… du reste, que Dieuexpliquecemystère,celanemeregardepas.

Zwingli…c’estcommesivoussouteniezqueJeanestlefilsdeMarie,parcequeJésussur lacroix luiadit :Femme,voilàvotrefils…

Puis Zwingli et Oecolampade demandent à Luther uneréponsepréciseà leurquestion :Lecorps[duChrist]est-ilounoninloco?L’undesthéologiensdeLutherrépond: lecorpsest sine loco13. Zwingli rétorque : Saint Augustin a écrit : Inunolocoesseoportet14.

LutherrétorquequeSaintAugustinneparlaitpasdelacène.Lesthéologiensdesdeuxcamps«récitèrentalorsunefouledetextesdesPèresdel’Église»quiconfirmaient,disaient-ils,leurdoctrine.Le landgravePhilippe intervintalors,etdemandauneconclusion.

«En présence deDieu, direntZwingli etOecolampade, le

DeretouràWittenberg,Luthertiralaleçondel’échecdelatentative de conciliation de la diète d’Augsbourg : « Nosadversaires ne peuvent rien contre sa volonté [deDieu]. Ils neferont pas tomber un seul de nos cheveux, ni un cheveu depersonne,sansSapermission.Jeluiairecommandévotrecause,c’estluiquil’aentreprise,jelesais,c’estluiquil’achèvera»16.

1.Le5août1529letraitéfutsignéparLouisedeSavoie,mèredeFrançoisIer etMarguerite d’Autriche, tante de Charles Quint. On l’appelle aussi laPaixdesdames.2.Ilyarrivale23avril1530.3.Osée:lepremierdesdouzepetitsprophètes.Ilpréditlecommencement

etlafindelacaptivitédupeuplejuifàBabylone.OséefaisaitdireàYahvé«jelesattaquecommeuneourseàquil’onaravisespetits…».4.CitéparHellmutDiwald.5. Luther comparait, devant ses amis, l’assemblée d’Augsbourg à une

«congrégationdecorbeauxpiailleurs»etilseplaignaitque«chaqueévêqueaitamenéavecluiautantdediables[leurssuites],qu’ilyavaitdepucessurunchienlejourdelaSaint-Jean.»(Ranke,614).6.Georg.Sabin,CarmendeingressoCaesaris.7. Campeggio (ou Campeggi) (Laurent, 1474-1539), cardinal, nonce en

Allemagne.8. L’Électeur de Saxe, le margrave de Brandebourg, les ducs du

LünebourgetdeBrunswick,lelandgravedeHesseetleprinced’Anhalt.9. Sur les 28 articles de la Confession, 21 traitaient des articles de foi

acceptésetparlesCatholiquesetparlesProtestants.Malgrédesdivergencesd’interprétation,7seulementétaientconsacrésaux«abusetloishumaines»reprochésàlaPapauté(JeanDelumeau).10.ChristianBeyer.11.Coelest.Hist.August.Confessionis,t.III,p.18.12.Lettredu30juin1530.13.Tantluthérienquesuisse.14.Reichskammergericht.15. Dès le 31 décembre 1530, entre 9 princes protestants et 11 villes

impériales.

16.CitéparMichelLeplay(MartinLuther,Paris,1998).

CHAPITRE17

LapolitiquedeLuther(1531).Ledébatsurlebaptêmedesenfants.Lesanabaptistes

(1524-1536).LaréformeenSuisse;Zwingli(1484-1531).LatraductiondelaBible(1534)

LapolitiquedeLuther

Luthersalual’échecdeladièted’Augsbourgenpubliantunpamphlet de combat intitulé : Avertissement à mes chersAllemands1 : « Malheur à vous tous, qui avez soutenu lepapismeàAugsbourg;hontesurvostêtes!Lapostéritérougirade vous, elle ne pourra croire qu’elle ait eu de semblablesancêtres. Oh ! diète infâme qui n’as jamais eu, qui n’aurasjamais ta pareille : tu as couvert d’opprobre nos princes et lepays… Qui désormais, sous le ciel, aura quelque crainte ouquelque respect de nous autres Teutons, quand on saura quenousnoussommeslaissésainsihonnir,braver,traiterenenfants,enpierres,parlepapeetsaséquelle,etquenousavonssouffert,pourl’amusementdecettecanailledesodomites,qu’onétouffâtla vérité et le droit sous le poids de ce scandale desscandales?»2

Luthercontinueavecunappelàlaguerrecontrelesprincescatholiques:«Quanddeségorgeurs,deschiensdesang,n’ont

ZwingliàproposduSacrementseraitparvenujusqu’àvous,soisvigilant.»

L’influencedeZwingli,etdeZürich,s’étenditrapidementenSuisseetentraînaunefracturedelaConfédérationentrecantonscatholiques33etcantonsetvillesréformés34.Peuàpeu,Zwinglidevint le chef de la coalition des réformés dont Zürich prit latête. En février 1529 la tension entre les deux camps s’accrutbrusquementàlasuitedegravesévénementsquivenaientdeseproduire à Bâle : là, Œcolampade, qui avait adopté leprogrammedeZwingli (engrandepartie), agitait les esprits enprêchantlasuppressiondelaMesse;unefouledesespartisansexigeaalorsduConseildelavillel’interdictiondelaMesse,lamiseenplaced’uneconstitutionplusdémocratique,etlerenvoide tous les catholiques qui occupaient des emplois publics.Trouvantque ladélibérationduConseilprenait tropde temps,ils se ruèrent dans les églises et entreprirent la destruction detouteslesstatuesetreprésentationsreligieuses.

Érasmeécrivit:«Aucunestatuenedemeuraintacte,nidansleséglises,oulesvestibules,oulesporches,oulesmonastères.Lesfresquesfurentrecouvertespardescouchesdechaux.Toutcequipouvaitbrûler fut jeté au feuet le restebrisé enmenusmorceaux.Riennefutépargné.»

Le Conseil approuva les propositions des insurgés, ce quirépanditlacraintedanslescantonscatholiques.Enmai1529unmissionnaire protestant de Zürich qui essayait de prêcher àSchwyz fut brûlé vif. Zwingli exigea que Zürich déclare laguerre aux cantons catholiques, et prit la tête des troupesprotestantes.Lebonsensl’emportatoutefoiset,le24juin1529,laPremièrepaixdeKappelfutsignéeentrelesadversaires.

On se souvient35 qu’en 1529, au colloque de MarbourgLutheretZwinglis’étaientviolemmentopposésetque,endépitdesconcessionsconsentiesparlesuisse,Lutheravaitrefusédeluiserrer lamainà lafindelaconférence,Melanchthonallantjusqu’à apostropher les Zwingliens en leur reprochant leurdoctrine erronée. En 1532 Luther écrivit au duc Albrecht dePrusse,luidemandantden’admettreaucunZwingliendanssonétat«souspeinededamnationéternelle[!]»

En 1531 Zürich et ses alliés demandèrent aux cantonscatholiquesdepermettre la libertédeprêchesur leur territoire,ce qu’ils refusèrent. La guerre devint inévitable, les troupescatholiquesécrasèrent lesprotestantsà labatailledeKappel36,oùZwinglifuttué.

Luther eut ce jugement : « Zwingli a eu la mort d’unassassin… Il a menacé de l’épée ; il a eu le salaire qu’ilmérite»37.

LatraductiondelaBible(1534)

On se souvient que Luther avait traduit en allemand lesÉvangilesaucoursdesonséjourforcéàlaWartburg,entreavril1521etmars1522.DèssonretouràWittenberg,ilentrepritdetraduire l’AncienTestamentde l’hébreu38, en allemand, ce quiétaitunerudetâche.Ilécrivaitàunami39:«Quelgrandtravail,mon Dieu ! Je sue sang et eau pour amener les écrivainshébraïquesàparlerallemand;ilsserebiffent;ilsembleraitquel’onveuillecontraindreunrossignolàlaissersesfinesmélodiespourlecrimonotoneducoucou.»

Lutherétaitremplid’admirationpourlalanguedel’AncienTestament, disant : « Quant à la langue hébraïque, elle couleavec une telle simplicité, une telle majesté qu’elle en est

inimitable.Jeanl’Évangélistes’enestrapproché.Quepenserdecesmots :«Aucommencementétait leVerbeet leVerbeétaitavec Dieu et le Verbe était Dieu ? » Jean dit la plus hautemajestéaveclesmotslesplussimples.AvecquellesimplicitéilpeintDieulecréateuretlescréatures…»

La tâcheétait lourde ! Il écriraplus tardqu’il luiarrivadepasserdessemaines«àchercherlatraductiond’unseulmot.»Dans sa préface au livre de Job il revient sur les difficultésrencontréespar les traducteurs : «Melanchthon,Aurogallus etmoi avons plus d’une fois peiné quatre jours à traduire troislignes.»IlfauttoutefoisnoterquelelivredeJobleurdonnaunepeine particulière, car Luther écrivait à Spalatin : « Job paraîtvouloir aussi peu supporter notre traduction que, jadis, lesconsolationsdesesamis.»

La traduction de l’Ancien Testament parut en 1534, lesuccès fut immédiat et continu ; entre la première édition et1584, les seulespressesdeWittenbergen imprimèrentplusde100000exemplaires.

Les critiques furent nombreuses ; on reprochait surtout àLutherd’avoirajoutéousuppriméunouplusieursmotsendespassagesimportantsdemanière«àfairedutexteunappuiauxdoctrinesdutraducteursurlagrâce,lelibrearbitreetautresquilui tenaient à cœur. » Comme Luther affirmait que cessuppressionsoucesajoutsnefaisaientquerendreplusclairelapensée de l’apôtre40, ses adversaires lui répondirent que « lesaltérationsdontils’agissaitrendaientpourLutherplusclairelapensée de Saint Paul, parce que lui-même lui attribuait sesproprespensées.»

Exaspéré, Luther fulminera en réponse : « Par la grâce de

Votre Altesse a donc dans cet écrit non seulement notreapprobation,danstouslescasdenécessité,surcequ’elledésire,maisencorelesréflexionsquenousyavonsfaites.»

Le4mars1540,enprésencedeMelanchthonetdeBucer30,eut lieu lemariagedu landgrave. IlestànoterquePhilippesemontrareconnaissantenversLutherenluienvoyantuntonneaude vin duRhin.Hélas, au bout de quelques semaines l’affaires’ébruita31 car ni la nouvelle épouse, ni samère, n’avaient pugarderlesecret,«tentéesparledémondelavanité.»

J.M.Audinaécrit,avecironie:«LelandgraveavaitfermésaBible et, en paix avecDieu, sa conscience et sonÉglise, ilmarchaitlefronthaut,donnantlebrasàsesdeuxfemmespourallerauprêche,s’asseyantàtableaumilieud’elles…lanuit ilpassait souvent du lit de l’une au lit de l’autre, heureux de lafécondité de ses deux compagnes qui le rendirent père :Christine,dedeuxgarçonsetd’unefille,Margueritedetroisfilssupplémentaires.»

Fort gêné, les signataires du Conseil de conscience setournèrentverslelandgraveetluiconseillèrentdenierenpublicson double mariage, Bucer n’hésitant pas à lui donner cetexemple : « Le Christ et les apôtres, eux aussi, avaient eurecoursauxmensongesnécessaires»32,etplustard:«SiVotreGrâcen’usaitchaquejourdemensonges,dugenredeceluiquej’aiconseillé,ilenseraitrésultédepuislongtempsbeaucoupdeconfusion. Le monde doit souvent être tenu éloigné de laconnaissancedelavéritéparlemoyendesangesetdessaints;laBibleestpleinedefaitsdecegenre»33.

HenriDenifle34noteavecironie :«Quelsprincipes!Dieu

permet la concubine, dit Bucer, ce Bucer qui fulminait siviolemmentcontreleconcubinagedansl’Égliseàsonépoque;etl’ondoitseservirdumensongepourarriveràsesfins!»

Le 15 juillet 1540 les conseillers de la Cour de Hesse etceuxdel’ÉlecteurdeSaxeseréunirentàEisenach,pourparlerdel’affaire;Luthersejoignitàeuxets’opposa,avecvivacité,àlapublicationdelaconsultation.C’était,disait-il,unconseildeconfession (Beichtrat) qui devait donc, par sa nature même,demeurersecret.«Queltort!s’écrie-il,queltortladivulgationcause-raità l’Églisechrétienne[réformée],à l’Évangile,àDieumême!»

Le 17 juillet Luther allait plus loin, écrivant qu’il y avait« beaucoup de choses convenables devant Dieu qu’il fallaitpourtant supprimer aux yeux du monde… C’était uneplaisanterie de prétendre que le landgrave ne pouvait direquelques gros mensonges !… Un mensonge nécessaire, unmensonge utile, un mensonge secourable, aucun de cesmensongesn’allaitcontreDieuetilleprenaitsurlui[Luther].»Revenant sur la dispense que lui et les autres théologiensprotestantsavaientdonnéeàPhilippedeHesse,ilrépétaitqu’ilsavaient émis cet « avis de tolérer que le landgrave gardât samaîtresse, mais qu’il le fît secrètement et en niant cetteautorisation»35.

Se retranchant derrière un sophisme, Luther écrivit auchancelierduland-grave:«Cequiestunouisecretnepeutsemuer en un oui public, autrement secret et public se

confondraientenunemêmechose.Leoui secretdoitdemeurerunnonpublic…»36

Misengardeparsachancelleriequiluirappelaqu’unrécentdécret impérial (1532) punissait de la peine de mort lapolygamie,PhilippedeHessegardalesilence.«Unetranquillitéamoureuse s’installa dans son cœur ; quant au réformateur[Luther]aprèsquelqueremue-ménageaufonddesaconscience,unetranquillitépareillefinitpars’yinstallerégalement.»37

Toutefois l’affaire laissades traces.PourJuliusKöstler,unécrivainprotestant :«LedoublemariagedePhilippedeHesseest la plus grande tache sur l’histoire de laRéforme » ;MarcLiehard38écrit:«L’affairecausaungrandtortauxprotestants,sous l’angle moral tout d’abord, malgré des circonstancesatténuantesqu’onpeutfairevaloir…»

L’écrivaincatholiqueJ.M.Audinaétéplussévère;pourlui« laRéforme a pris son parti ; elle s’est unie au catholicismepourflétrirlalâchetédeLutheretdeMelanchthon,dontlamaineûtdûsedessécher39plutôtquedesignercetactescandaleux.»

1.AlexandreFarnèse(néen1466,papede1534à1549).2.VilledelaPrusse(Hesse).3.VilledeBavière(enallemandRegensburg).4.HenriVIIIavaitdéclarél’AngleterreséparéeduSaint-Siègeen1534et

avait fait exécuter Jean Fischer, l’évêque de Rochester et le chancelierThomasMore(en1535).5.MartinLuther’sLeben,vonGustavPfizer(p.703).6.CitéparJ.M.Audin.7.Luther,JusteJonas,GaspardCreuziger,JeanBugenhagen(Pomeranus),

NicolasArmsdorf,Melanchthon…

CHAPITRE20

Lutheretlapapauté.Sonpamphletcontrelapapautéromainefondéeparlediable.La

libertédecroyancevueparLuther

En1969,P.Kawerauécrivait:«CequiafaitdeLutherunRéformateur,cenesontpaslestentationsquil’accompagnèrenttoutesavie,nilesproblèmesthéologiquestournantautourdelajustification par la foi et la justice passive de Dieu, maisl’attaqueque lapapautéaentreprisecontreLutheràcausedes95thèsesetquiaobligéLutheràselanceràsontourdansuncombatdeplusenplusdurcontrelepape.»1

QuellesontétélesétapesdelalutteduRéformateurcontrecettepapautédont ildiraà la findesavie(en1545)qu’elleaété«instituéeparlediable»,toutenreconnaissant(toujoursen1545)qu’ilavaitété,audébutdesaviedemoine,«unpapistefanatique»?

Avant1517Luthernes’intéresseguèreàlapapauté,maisunchangement survient à partir de cette date. Il écrit que « lapapauté s’oppose à l’Évangile » et qu’elle n’est pasprête à sesoumettre à laparoledeDieu.Dès1518, lorsde son entrevueavecCajetan2,ilaffirmequ’iln’estprêtàsesoumettreaupapeà

proposdesquestions litigieusesque s’il est convaincupardesargumentstirésdel’Écriture.«CequeleSaintPèreétablitparl’Écritureouparlaraison,jel’accepte.»

Le 28 novembre 1518, Luther écrit, dans son appel auconcile«quelepapepeutsetromper»puis,en1519,ilmetencause les arguments qu’emploient les théologiens catholiquespour établir la primauté de Rome. Pour lui, il ne s’agit qued’une primauté de « droit humain » qui ne fait pas partie del’essencemêmedel’Église.

Apartirde1520Lutherdurcitletonetrejetteradicalementtoute suprématie du pape qu’il n’hésite pas à qualifierd’Antéchrist,écrivant:«Silepapeétablitdenouveauxarticlesdefoiets’ilneveutpasseconformerà l’Écriture,s’ilse tientpour infaillible, il est l’Antéchrist. » Il appellera ensuite à« lutter contre le pape ennemideDieu, persécuteur duChrist,destructeurdelachrétientéetvéritableAntéchrist.»

En 1531, dans son commentaire de l’Épître aux Galates3,Luthers’enflamme:

«…Pape, je veux bien [c’est Luther qui parle] baiser tespiedset te reconnaîtrecommelesouverainpontifesi tuadoresmon Christ et si tu accordes que nous ayons le pardon despéchéset lavieéternellepar samortet sa résurrection,etnonparl’observationdetestraditions.Situcèdessurcepoint,jenetecontesteraini tacouronne,ni tonpouvoir ;maisdans lecascontraire, je proclame sansme lasser que tu es l’Antéchrist etj’affirmequ’avectoutes tescérémonieset [tesordresreligieux]tunetebornespasàrenierDieumaistuleblasphèmesauplushautpointettuversesdansl’idolâtrie…»4

En1537Luther s’exprime à nouveau au sujet du pape5. Ilénumèresesarguments:

–Lapapautén’estpasd’institutiondivine.–Lepapen’estpaslechefdelachrétienté,maisseulement

l’évêquedeRome.–L’Égliseavécucinqsièclessanspape,donclapapautéest

inutile.

Enfin, en 1545, Luther publie un pamphlet d’une violenceinouïe : Contre la papauté romaine fondée par le diable.S’adressant au pape Paul III, il commence par lui reprocherd’avoir convoqué un concile à Trente6, puis ajoute : «… dureste il n’a pas réellement l’intention de le faire ; pour lui lestrois mots libre, chrétien, allemand veulent dire poison, mal,diableetenfer…»

Ilpoursuit:«…Romeestlapuissancemauditequiperdlesâmesetruinelespeuples,lepapeestl’ennemidugenrehumain,l’Antéchristassisausaint lieu, l’hommedupéchéquiaremplile monde de ses scélératesses. La papauté, en un mot, est lagrande calamité de la terre, le plus effroyable malheur qu’aitjamaissuscitélapuissancedeSatan…»

PuisLuthersedéchaîne.Voiciquelques-unsdesespropos7:

– « Les papistes sont pleins des pires diables de l’enfer ;pleins,pleins,etsipleinsquecequ’ilscrachent,cequ’ilschientetcequ’ilsmouchentnepeutjamaisêtrequedesdiables…»

accourt en prendre possession ; on lui fait jurer hommage etobéissanceaupape,lutteetcombatcontrelaparoleluthérienne.Il promet de servir le démon, et le diable aussitôt vient s’enemparer»9.

Dupape

C’est un sujet sur lequel Luther était intarissable, il yrevenaitfréquemment:

«Toutanimalestcomposéd’uncorpsetd’uneâme;l’âmeoul’espritdel’Antéchrist,c’estlepape;sachairousoncorps,c’estleTurc…»

«Malédictionsurlepape,quiafaitplusdemalaurègneduChrist et de l’Église que Mahomet ! Le Turc tue le corps,dévaste et pille les biens des chrétiens, mais le pape, pluscruel… force à nier le Christ. Tous deux sont ennemis del’ÉgliseetvaletsdeSatan;maislepapeveutnouscontraindreàadorersescanonsetsesdécrétales,afind’opprimeretd’éteindrela lumière évangélique. Qu’il meure donc dans l’éternité, cemonstre-là !Qu’il soit dans l’éternitémaudit des anges et dessaints,luietsesdécrétales!…»

«Quelenomdupapesoitdamné,quesonrègnesoitaboli,quesavolontésoitenchaînée…»10

Puis Luther se tourne vers son auditoire et lui demande :«[Vousvoulez]savoircequ’estunedécrétale11?C’esttoutcequis’échappeduderrièredusainthomme[lepape].Aucabinetles décrétales, c’est là leur place.Merde pour les décrétales !Décrétale,cequisortduculd’unâne.»

Despapistes12

«Voulez-vousquejevousdéfinisseleroyaumepapiste?Lepape et sa cour : idolâtres et valets du diable ; sesenseignements:doctrinesatanique;l’Églisecatholique:ÉglisedeSatan…

Celuiquinehaitpas lepapedu fondde l’âmenegagnerapas le royaumedu ciel ; c’est un péché que de ne pas haïr cefripondepape…

Le pape Paul III13 avait une sœur qu’il procura commemaîtresse à son prédécesseur, ce qui lui valut la pourpreromaine.Unprêtrequiaunenfantdesacuisinièredoitpayeraupapeunflorind’orqu’onnommeMilchpfennig[lesoudulait].Lamèreendoitautant…»14

Dudiable

«Lediable connaît lespenséesdesméchants, car c’est luiqui les leur inspire, qui tient et gouverne leurs cœurs, qui lesenveloppe et les prend dans ses filets afin qu’ils ne puissentpenserouagirquesuivantsonbonplaisir.Maisilignorecequisepassedanslapenséedesjustes…

Je crois que Satan est l’auteur de toutes les maladies quiaffligentl’homme,carSatanestleprincedelamort.Lespestes,les maladies, les guerres, sont l’œuvre du démon et non deDieu…

… l’esprit des ténèbres [le diable] n’est pas toujoursexorcisé par des textes de l’Écriture ; j’ai la preuve que lesplaisanteries et les joyeuses railleries le chassentinfailliblement15. Je sais une dame deMagdebourg quimit enfuitelediableenpétant…

Lediableestsemblableàlamouche:paraît-ilunbeaulivre,lamouchevole,voyagesurlesblanchesfeuillesqu’ellesouilledesonpassage,commesiellevoulaitnousdire:mespattesontpassépar là…Ainsidudiable,quandila trouvéuncœurbiennetetbienblanc,alorsils’abat,lesouilleetlecorrompt16…

LediablecouchebeaucoupplussouventavecmoiqueKetha[safemme],ilm’adonnéplusdetourmentsqu’elledeplaisirs…C’estunespritchagrinquinesongequ’àtourmenteretàquilajoie est importune. La musique le chasse ; dès qu’il entendchanter,surtoutdescantiquesspirituels,ilfuitaussitôt…

Fous, boiteux, aveugles et muets sont des hôtelleries deSatan.Lesmédecinsquilestraitentd’aprèslesrèglesdel’artnecomprennentpaslesdémons»17.

Letentateur

LaviedeLuthersemblen’avoirétéqu’unesuitedecombatsavec le diable, dont il sortit toujours vainqueur. Le diable,toutefois, ne se lassa jamais et revint sans cesse à la charge,venantletourmentertantlejourquelanuit,àlatable,àl’église,danssonménageetjusquedanssacave.

Luther raconte ainsi qu’étant moine à Wittenberg ettraduisant les psaumes, le diable venait derrière lui et luisoufflait de mauvaises pensées. S’il avait l’air de ne pascomprendre«alorsSatanentrait en fureur, fermait etdéchiraitleslivres,puiséteignaitlachandelle…»

LutherchassaitSatantantôtparunmutismecomplet,tantôtparunsignedecroixoulenomdeJésusprononcéavecferveur,ouparunecourteprière.

Si on en croit le Réformateur, le diable ne lui laissait dereposnilejour,nilanuit.Lanuit,illuienvoyaitdessongesoù

quatrième pape que j’en-terre, dit-il gaiement, j’en enterreraibiend’autres…»

Le16février,Aurifabernoteledernierdesproposdetablede Luther : « Quand je serai de retour à Wittenberg, je mecoucheraidansuncercueilpourydonneràboulotterauxversungrosdocteurbiengras.»Le17févrierileutunmalaise,puisdevives douleurs à la poitrine.On lui fit à nouveaudes frictionsavecdeslingeschaudsetonlerecoucha.Ils’endormit,puisseréveillaversminuit,ilsuffoquaitetunesueurfroideperlaitsurson front et son visage. Voyant qu’il touchait à sa fin, Jonass’approcha de lui et lui demanda : « Mon père, mourez-vousdans la foi et la doctrine que vous avez prêchées ? » Oui,réponditLuther,etilrenditl’âme21.

Le 20 février, le corps du Réformateur partit pourWittenberg.Là, il fut accueilli par le clergé, les professeurs etles étudiants de l’université, la bourgeoisie, le peuple. Puis,placé dans un cercueil de plomb, il fut emmené à l’église duchâteauoùse tintunservice ;Pomeranusprononçaunsermondans lequel il compara Luther à « l’ange de l’Apocalypse »,Melanchthonluisuccédaetretraçadansunlongdiscours«lestravaux de l’apôtre de l’Allemagne. ». Le cercueil fut ensuitedescendu dans un caveau, en face de la chaire, d’où il avaitprononcétantdesermonsenflammés.

Katherine Bora, sa femme, lui survécut quelques années,vivant assez chichement car les princes protestants l’avaientoubliée.Ellemourutle20décembre1552,àTorgau.

Letriompheduprotestantisme(1546-1555)

A la mort de Luther, plus des trois quarts des Allemandss’étaient déjà convertis au protestantisme. Si, dans les dixannées qui suivirent sa disparition, les protestantscommencèrent par perdre la guerre de Smalkalde, ilsbénéficièrent ensuite de l’édit de paix religieuse (l’Interimd’Augsbourg) signé par Charles Quint en 1547, puis desvictoiressurcemêmeempereur(en1552).Lapaixd’Augsbourggarantira alors aux protestants la liberté de conscience etd’exercicedeleurcultedanslesvillesetlesÉtatsluthériens.En1555, année de cette paix, l’Allemagne comptait quatre-vingt-dixpourcentdeprotestants.

Il faut toutefois remarquer qu’après lamort de Luther, lesdissensions s’aggravèrent entre les différents courantsprotestants,«opposantprincipalementlesGnesiolutheraner,ouvrais Luthériens, aux Philippistes, partisans deMelanchthon »22. Toutefois, le luthéranisme survécut à cettecriseet,aprèsavoirconquisunegrandemajoritédel’Allemagne,ilgagnerad’autrespaysdunorddel’Europe23.

1. Luther avait des calculs dans la vessie et les reins qui le faisaientbeaucoupsouffrir.2.Le20septembre1542,elleavaitquatorzeans.3.CitéparFunck-Brentano.4.CitéparFunck-Brentano.5. Réformés qui ne voyaient dans le sacrement de l’eucharistie qu’un

symbole.6.KurzesBekenntnissvomheiligenSacrament.7.J.M.Audin.8.Contrelepontificatromainfondéparlediable.9.LaRomagne,provincedesÉtatsdel’Église.10.Ils’agitdelaMerTyrrhénienne,entrel’Italie,laCorse,laSardaigne,la

Sicile,etc.11.Effner,citéparJ.MAudin.12. Lucas Cranach, dit Cranach l’Ancien (1472-1553) peintre et graveur

allemand.13.Voirl’annexeIIIpourlesreproductionsdecesgravures.14. Il s’agissait du partage des revenus provenant de mines dont la

propriétéétaitcontestée.15.Seckendorf,Comm.hist.deLuther,libIII,p.634etsuivantes.16.Le28janvier1546.17.Tisch-Reden,p.67.18.«Vivant,j’étaispourtoilapeste,pape!Mort,jeseraitamort.»19.CitéparJ.M.Audin.20.Faussenouvelleévidemment,carPaulIIInemourraqu’en1549.21.Le18février1546,verslestroisheuresdumatin.22.JeanDelumeau.23.Danemark,Suède,Finlande…

à l’ordre naturel que l’on savait établi par Dieu le Créateur.Régnait alors le respect de la nature dans ses fonctionsessentielles, l’adhésion aux pratiques coutumières au sein descommunautés naturelles, familles, paroisses, corporations,provinces, royaumes. Tout était hiérarchisé et concourait àempêcherl’individudeseprendrepourlecentredumonde;lenaturel reflétait le surnaturel, le particulier se soumettait augénéral,l’initiativeàlavérificationdel’expérienceséculaire,lecommerce aux valeurs spirituelles, le cœur à la raison,l’affirmation personnelle à la notion de bien commun. Desfaillesapparaissaientbiensûrdanscebelordreet,endépitdulangage commun que sauvegardait l’Église au niveau descommunicationssupérieuresentre leshommes,desvolontésdepuissance féodales ou royales s’entredéchiraient trop souvent,mais leprincipechrétien incarnépar l’Églises’imposaità touset les couronnes chrétiennes étaient comme fédérées sous latiare.

DèsleXIVesiècle,sousl’influencedeGuillaumed’Ockham,des théologiens se mirent à penser que l’homme était trop àl’étroitdanscetordredechoseset tentèrentde fonder ledroitsurlalibrevolontédesindividus,chacunétantdirectementreliéàDieu.Lenominalisme(leschosesnesontqueparlefaitquejelesnomme)seposaenoppositionauréalismetraditionnel.Desgrands désordres religieux, intellectuels, économiques etpolitiques s’ensuivirent dans le déchaînement d’hégémonismesprovoqué par la guerre de Cent ans. Sainte Jeanne d’Arc vintmontrer la route du retour au bon sens dans le respect desfinalitéssurnaturellesdeshommesetdessociétés.

L’impatienceàsedégagerde l’autorité,de lahiérarchie,dela tradition se trouva de nouveau excitée au temps de laRenaissance, l’âged’orde l’individualisme.Dès lors la liberté

tenditàcesserd’êtrelacapacitéd’adhéreràlavéritéobjective,pour devenir la capacité de vivre et de penser de façonautonome.C’estdanscecontextequ’apparutLuther,dontAiméRichardtrappellequ’ilavaitluOckham.

Certes, le moine augustin deWittenberg, persuadé que lanatureestirrémédiablementdéchueetquelaconcupiscenceestinvicible, esta priori fort loin du naturalisme optimiste de laRenaissanceexaltant lecorpset labontéde lanature ; iln’enestpasmoinsdesontempsencesens,qu’àforcededéprécierlanatureetdenelaissersubsisterquelafoiseuleaudétrimentdela grâce qui restaure la nature, l’homme selon lui se trouveéloigné du Dieu transcendant, donc livré à la force de sesvirtualités naturelles nécessairement séparées de l’ordre divin.Leprotestantismen’envient-ilpasparfoisàrechercherdans laréussite économique le critère pour chacun de sa justificationauxyeuxdeDieu?Cettemanièredeséparerlaviepubliquedelareligionreléguéedansleforintérieurmarqueévidemmentuneprofondecoupureaveclachrétienté.C’estunpremierpasverslemodernelibéralisme.

Laséparationdel’hommeetdeDieujusquedansleseindela religion est assurément le grand « exploit » de Luther. Nulencoren’avaitoséémanciperàcepoint laraisonhumaine.Lesgrandes questions soulevées par lui (la grâce, les œuvres, laliturgie, la traduction de la Bible, la confession…) ne secomprennentquereliéesàcettevolontédechangerl’Églisedansson essence. Mettre le sens de la Bible à la portée de laconscience de chaque individu, récuser la médiation duMagistère, tout ramener à la lumière privée, à l’impressionsubjective,c’étaitassuréments’enprendreàlanotionmêmedelafoi.

JacquesMaritain,quin’étaitpastendrepourLuther,aparléà son sujet dans Trois réformateurs d’« avènement du moi »,

expliquant que « Luther est à la source du volontarismemoderne » et que le sentiment hypertrophié dumoi débouchechezluisur«uneprétentiondelavolontéindividuelle,scindéeducorpsuniversel de l’Église, à seposer toute seule et toutenueenfacedeDieuetduChristpourassurerparsaconfiancesajustificationetsonsalut».

Ilétait inévitablequecetteproclamationde la souverainetédelaraisonindividuelleeûtdesrépercussionspolitiques.Lutherfut le premier à s’en apercevoir et, dans les pages que nousvenonsdelire,nousl’avonsvufaireappelaubrasséculierpourretenir lesdisciplesqui ledépassaient. Il lui fallait,aexpliquéLouis Veuillot « appuyer sa doctrine et la protéger contrel’espritd’innovationdontelleestenmêmetempslerésultatetlacause:dechaquevillagesortunthéologienprêtàréformerleréformateur».

Car,aexpliqué lemêmeLouisVeuillot,àpartirdeLuther,« la raison émancipée, c’est-à-dire incrédule, n’a fait autrechosequetravailleràdétruirecequelaraisonsoumise,c’est-à-dire croyante, avait édifié après de longs siècles et depuissantstravaux».

Allait ainsi apparaître, dit encore Jacques Maritain, « leconflitessentieldel’espritetdel’autorité,del’Évangileetdela Loi, du sujet et de l’objet, de l’intime et du transcendant[conflit qui] n’a pas de sens dans un ordre de chosesrespectueuxdesréalitésspirituelles».

Ayant rompu avec la traditionnelle chrétienté, Luther allaitchangerpourlongtempslesdonnéesdelaviepublique.

CharlesMaurras,quant à lui, a insisté sur l’atteinteportéeparlemoineréformateuraudogmedelacommuniondessaints,donc à l’idée d’échange entre les consciences et entre lesgénérations, le 31 octobre 1517, jour où Luther publia sespropositions :«Leciel fut ce jour-là séparéde la terreet les

Portraitdelapapauté

GravureINaissanceetoriginedupape

GravureIIMonstretrouvémortàRomedansleTibreen1496

Augustin, progressent heureusement et règnent en notreUniversitéparlavolontédeDieu.Aristotedégringole…»

Septembre 1517. Il commence à s’élever avec une grandeviolence, dans ses sermons, contre la distribution et laventedesindulgencesenAllemagne.

31 octobre 1517. Luther envoie à l’archevêque Albert, etpublie, 95 propositions concernant le trafic desindulgences, l’autorité pontificale, ainsi que les articlesqu’il considère comme le fondement de la foi chrétienne,telsque:«Unchrétienvraimentcontritobtientpar là-même,etparlàseulement,larémissiondesespéchés…Lesindulgencessontdoncinutiles.»«Lavolontédel’hommen’estpaslibre,maiscaptive…»«Onn’estsauvéqueparlagrâceetcelle-ciaétéfixéedetouteéternitéparlaprédestination.»

3février1518.LepapeLéonXdemandeaugénéraldel’ordredesaugustins«decalmersonprovincial»[Luther].

1518. Luther publie ses fameuses Résolutions (Resolutionesdisputationumdeindulgentiarumvirtute),danslesquellesilaffirmequelepapenepeutabsoudred’unefautequedansla mesure où elle l’a été par Dieu. Le livre est dédié aupape. Le dominicain Tetzel le traite « d’hérétiqueopiniâtre».

7août1518.LutherreçoitunecitationpontificalelemandantàRome pour s’y justifier du grief d’hérésie. Il demande àl’ÉlecteurdeSaxedeleluiinterdire.

12-14octobre1518.IlserendàAugsbourg,àl’occasiondelaDiète,pouryrencontrerlelégatpontificalCajetan.Ilparaîtdevant le légat le 12 octobre, celui-ci lui demande de serétracter,cequerefuseLuther.

18 octobre 1518. Craignant d’être arrêté, Luther quitte

Augsbourgdenuit,ilrevientàWittenbergle1ernovembre.Pendantcetempslelégatdemandeàl’ÉlecteurdeSaxedelelivreràlaCourromaine.L’Électeurrépondquel’affairedoittrouverunesolutionenAllemagne.

11 décembre 1518. Luther écrit à son ami Link : « Je croispouvoirdémontrerquelepapeestdenosjourspirequeleTurc.»

Débutde1519.Lutherracontequelui«tombedansl’espritlaparoled’Habacuc»2:lejustevitdelafoi;lajustificationparDieusemanifestesansactiondelaloi.Ilécrit :«Jecompris que la justification devant Dieu est celle quijustifie(rendjuste)ceuxquicroient.»

1519.L’empereurMaximilienIermeurtle12janvier.Sonpetit-fils,CharlesQuintestéluempereurle28juin.

Juin1519.Luther se rend àLeipzig, accompagnéde son amiKarlstadtpourunedisputation avecuncélèbreprofesseurdethéologiedel’Universitéd’Ingolstadt,JeanEck,quiestun défenseur convaincu de la doctrine catholique. Le 4juilletLuthermonte en chaire pour réfuter son adversairesur les questions de la suprématie pontificale et desindulgences, en particulier. Le 16 juillet le débat setermine, le modérateur (le professeur Lang, de Leipzig)couvredefleurslesdeuxchampions,maisleducGeorgesdeSaxeseprononceenfaveurdudocteurEck.

Janvier1520.LutherécritàCharlesQuintquivientd’êtreéluempereur d’Allemagne pour lui demander de le laisserprouver sa doctrine. Il écrit aussi à Érasme, qu’il nomme« son petit père en Jésus-Christ ». Érasme lui conseille«d’apporterdans la controverseoù il s’engageaitplusdemesure»et«d’éviterjusqu’àl’apparencedel’orgueil.»Loindel’écouterLutherpublieunpamphletcontreEcket

ses disciples qu’il traite de « vipères, engeance devipères.»

1519-1520. Dans sonDiscours sur le très Saint SacrementLuther combat la doctrine de la transsubstantiation et laremplaceparlaconsubstantiation,danslaquellelepainetle vin ne deviennent pas chair et sang du Christ maisdemeurent présents après la consécration. Il affirme aussiquel’Églisecatholiquecommetunsacrilègeeninterdisantauxfidèleslacommunionsouslesdeuxespèces:lepainetlevin.Celivresevenddansl’Europeentière.

15juin1520.LepapeLéonXcondamneparlabulleExsurgeDominequaranteetunedespropositionsdeLuther. Il luilaisse soixante jours pour se rétracter avant d’êtreexcommunié.Lutherluiconseillederetirersabulle,sinonil « considérera le trône pontifical comme occupé parSatan,etsiègedel’Antéchrist.»

Octobre 1520. Luther publie le second de ses écritsréformateurs : De la captivité babylonienne de l’Église,contre « les abus d’autorité du pape, ses ruses, sasuperstition. » C’est un pamphlet d’une grande violencedans lequel il appelle le pouvoir séculier à agir contre lepontiferomainetleclergé.Peu de temps auparavant, il avait publié sonAppel à lanoblesseallemandequiestd’uneviolenceinouïe.Lutheryécrit:«Avecraisonnouspendonslesvoleursetcouponslatêteauxbrigands,pourquoilaisserenlibertéleplusgranddesvoleurs etbrigandsqui ait paru sur terre etyparaîtrajamais?[lepapeLéonX]».Quatremilleexemplairess’envendentenquelquesjours.

11 octobre 1520. La bulle papale qui excommunie Lutherarrive à Wittenberg. Le 23 octobre Charles Quint estcouronnéempereurd’AllemagneàAix-la-Chapelle.

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prophètesdeZwickau.

Le sermon sur le mariage, le traité contre la hiérarchiesacerdo-tale. Le mouvement des chevaliers (1522).L’influence du mes sage luthérien dans la sociétéallemande (les prédicateurs, les paysans, les villes, lesclercs)

PolémiqueentreLutheretHenriVIIId’Angleterre(1521).Première diète de Nuremberg (1522). Seconde diète deNuremberg(1524).RéuniondeRatisbonne(1524)

Virulentes controverses entre Luther et Karlstadt, puisLuther et Müntzer. La querelle avec Érasme : le LibrearbitreetleSerfarbitre

LaGuerre des paysans, ses origines. Les douze articles(mars1525).Émeutesetpillages

LerevirementdeLuther(mai1525).Sonappel:«Allonschersseigneurs,frappez,transpercez,égorgez.».Findelaguerredespaysans(1525).LesresponsabilitésdeLuther

Spoliationdesbiensduclergé.LadiètedeSpire(1526).LamiseenplacedelanouvelleÉglise,songouvernement.LasecondediètedeSpire(1529)

Mariage de Luther (1525). Katherine Bora. Luther danssonménage

La dispute sur l’Eucharistie. Le colloque de Marbourg(1529)

La diète d’Augsbourg (1530). La confession

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d’Augsbourg.Melanchthon.Lesconclusionsdeladiète

La politique de Luther (1531). Le baptême des enfants.Les anabaptistes (1524-1536). La Réforme en Suisse ;Zwingli(1484-1531).LatraductiondelaBible(1534)

Le pape Paul III tente de ramener la paix enAllemagne(1535-1541). La diète de Smalkalde (1537), le colloquedeRatisbonne(1541).LabigamiedulandgravedeHesse(1539-1540)

Lutheretlesjuifs191

Luther et la papauté. Son pamphlet Contre la papautéromainefondéeparlediable.LalibertédecroyancevueparLuther

LesProposdetabledeLuther.

Lesdernièresannées.MaladiesetdoutesdeLuther.Safin(1546).Letriompheduprotestantisme(1546-1555)

LathéologiedeLuther,sadoctrine,savisionduChristetdes Écritures. La prédestination, la grâce, le péchéoriginel.Quelquescommentaires

PostfacedeMichelFromentoux

ANNEXES

AnnexeI.Lesgravuresanti-papistes,testamentdeLuther

AnnexeII.Chronologie

AnnexeIII.Courtesbiographiesd’amisetd’adversairesdeLuther

Bibliographie

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luther - exultet · de la chaire d’Écriture. sa leçon inaugurale commença par le livre de la...

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