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La parole aux concernés Lyon, une terre d’asile ? Décembre 2015

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Dans un contexte social plus propice que jamais aux questions migratoires, Exaequo s’est penché sur l’accueil des réfugiés à Lyon. Pour cela, les journalistes de la rédaction de l'ISCPAQ LYON sont allés à la rencontre de tous les acteurs concernés par ce phénomène. Des associations d’accueil aux familles françaises en passant par la religion chaque lyonnais semble être concerné d’une façon directe ou indirecte. Le maximum de points de vue a été abordé, celui des personnes favorables comme celui des opposants à l’accueil des réfugiés, le tout pour permettre au lecteur de se faire sa propre opinion ou de concrétiser son avis d’origine sur le sujet.

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Page 1: Lyon: terre d'asile? "Exaequo" mag de l'ISCPA Lyon

La parole aux concernés

Lyon, une terre d’asile ?

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Page 2: Lyon: terre d'asile? "Exaequo" mag de l'ISCPA Lyon

Le débat autour de l’accueil des réfugiés fait la une des médias. Plutôt favorables à accueillir les réfugiés, l’élan de solidarité des Français vascille depuis les attentats de Paris. Deux responsables des attentats sont entrés sur le territoire grâce aux filières

des réfugiés. La peur s’est donc emparée de certains cœurs. Mais ce sentiment ne doit pas s’étendre, les réfugiés fuient la guerre, les tortures et l’injustice. Il est naïf de penser qu’ils souhaitent retrouver la mort au bout du chemin. Cette fuite vers l’occident est un acte politique. Ils votent contre la violence, contre les gouvernements autoritaires. Cette fuite est un symbole de leur adhésion aux valeurs occidentales : démocratie, liberté religieuse et humanisme social.

En septembre, le gouvernement annonçait qu’il accueillerait 24 000 réfugiés sur les deux prochaines années. Pour François Hollande, l’accueil de ces personnes fait partie « de la chair et de l’âme de la France ». Ce sont plus de 600 villes qui ont affirmé leur soutien et leur solidarité à ces populations. Lyon, deuxième ville d’accueil des populations réfugiées, a elle aussi montré son soutien à la politique d’accueil. Gérard Collomb, maire de Lyon, a déclaré qu’il « accueillerait ces populations selon les capacités de la ville », et souhaite « répartir ces réfugiés sur l’ensemble de la région ». Lyon est déjà dépassé par les centaines de personnes qui sont déjà sur place. Toutefois, une nouvelle forme de solidarité voit le jour. Des centaines de familles qui se mobilisent pour accueillir des réfugiés au sein de leur foyer. Une initiative citoyenne qui mériterait le soutien du gouvernement. François Hollande déclarait qu’il débloquerait des fonds pour les villes, pourquoi pas pour ces familles ?

Notre rédaction, qui se revendique humaniste, a voulu, à travers ce magazine, donner la parole à tous ceux qui travaillent pour cet accueil : centres d’hébergement, institutions, associations et citoyens. Mais aussi donner la parole à ces populations réfugiées. Notre travail, semé d’embûches, tente de donner une vision globale des problèmes, des solutions et des questions que soulève l’accueil de ces personnes. Nous avons souvent été confronté à des refus, pour la sécurité des réfugiés et par respect de leur intimité. Nous nous sommes rendus sur le terrain pour vérifier si les actes sont à la hauteur des déclarations de notre gouvernement.Force est de constater qu’encore une fois, les belles paroles de nos politiques correspondent rarement à la réalité du terrain. Derrière ce combat pour la solidarité, il apparaît surtout un combat entre la droite et la gauche et une course au vote, à quelques semaines des élections régionales. La volonté y est, les actes ne le sont pas forcément !

Coline RepoltRédactrice en chef

Marie RedortierPhotographe

Quentin LachèseRédacteur en chef adjoint

Antoine GaraponSecrétaire de rédaction

Laura TurcSecrétaire de rédaction

Charline BakowskiRédactrice

Maëlys ErissyRédactrice

Maxime FeuilletRédacteur

Léo RoynetteRédacteur

Arnaud BastionRédacteur

Pauline RagueRédactrice

Solène RigouletMaquettiste

Téo HenrietRédacteur

Vincent TricoliRédacteur

Marie JeromePhotographe

ISCPA Lyon47 rue du Sergent Michel Berthet 69009 [email protected]

Directrice de la rédaction : Claire PourprixDirectrice de la publication : Isabelle DumasRemerciements : La rédaction fait ses remerciements à Lucien OULAHBIB, Pauline LANOË et Mathieu DELATY pour leurs dessins, Kamel KABTANE, Pierre-Olivier DOLINO, Richard WERTENSCHLAG, Thierry CLAIRE, François BES DE BERCK, Alekasanyan ARKADI, Famoro, Omer OSMAN, François RYSTO, Clémence GAUTHIER-PONGELARD, Jean-Wilfried MARTIN, Alexendre VINCENDET et Claire POURPRIX. La rédaction remercie aussi tous les bénévoles, les citoyens, les associations et les institutions qui ont accepté de nous rencontrer et de répondre à nos questions. La rédactrice en chef remercie l’ensemble de son équipe pour son travail et son implication.

ÉDITO

2

@Exaequomaghttps://exaequomagazine.wordpress.com/

Plus d’articles à l’adresse suivante :

Accueil des réfugiés : la volonté y est, les actes seront-ils à la hauteur ?

Page 3: Lyon: terre d'asile? "Exaequo" mag de l'ISCPA Lyon

P6-11

SOMMAIRE

3

SE SITUER

ENQUETE

OPINION

DOSSIER

IMMERSION

À chaque mot, son sens...

Infographie P4

P5

Regards politiques

La parole aux Lyonnais P12Un spécialiste nous répond P13

P14-21

Visa : En quête de droits

Génération identitaire

Violences policièresP27

P27

P24-25

Ma vie, un combat

COUP D’œILLe cas de la Caserne Raby

Centre de santéP28P29

CULTURE

SOCIÉTÉLes religions s’impliquent P22

Débat : SDF VS réfugiés P26

Du roman à la réalité P30Dheepan P31

L’histoire se répète P4

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1860-1960 

Réfugiés: où peuvent-ils alleR ?

SE SITUER

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Entre 2000 et 4 000 personnes

Entre 1 000 et 2 000 personnes

Entre 10 et 1 000 personnes

Villes favorables

Villes favorables sous condition

Villes hostiles à l’accueil de réfugiés

Les réfugiés se bousculent en Grèce, en Italie et en Sicile. Ils arrivent par centaines et tentent de rejoindre les contrées européennes. L’Union européenne multiplie les réunions pour tenter d’organiser au mieux ces arrivées massives. La France s’est engagée à accueillir quelques dizaines de milliers de personnes. Où pourront-ils aller, quelles sont les villes qui souhaitent les accueillir ?

Capacité d’hébergement

Mairie de Toulouse, région Rhônes-Alpes, mairie de Besançon, site de la mairie de Clermont-Ferrand, site de la mairie de Paris, citations politiques et sources internet.

Pour ou contre ?

Paris

Bordeaux

Toulouse

Clermont-Ferrand

Besançon

Lille

Roanne

Lyon

Belfort

Cannes

BéziersAix-en-Provence

Troyes

St Quentin

Hénin Beaumont

Vagues d’immigration : thermo mètre des conflits dans le monde

Deux périodes de migration italienne pour des raisons économiques et politiques (facsime). Le Vieux Lyon a pris des allures florentines avec l’arrivée des Italiens.

Italiens, Grecs, Arméniens, Juifs, Maghrébins et Espagnols.Flux migratoire dû aux régimes totalitaires et aux guerres.

Fin du XIX ème siècle 

Maghrébins.Flux migratoire en raison d’un appel de main d’oeuvre de la France pour reconstruire le pays après la guerre. Les maghrébins se sont installés dans le quartier de la Guillotière.

Trente Glorieuses (1950-1980)

Coline Repolt

Page 5: Lyon: terre d'asile? "Exaequo" mag de l'ISCPA Lyon

À chaque mot, son sens...Par Clémence Gautier-Pongelard, ancienne juriste de la Plateforme de services aux migrants (PSM), à Calais.

Migrant : celui qui migre. C’est tout simplement quelqu’un qui part de son pays pour aller dans un autre. Si je pars vivre en Allemagne, je serai une migrante. Si un Allemand vient en France, il migre également. Dans les médias, le terme est assez mal utilisé car les migrants sont ceux qui vont du sud vers le nord. Les personnes qui vont du nord vers le sud sont des « expatriés ». Le mot mi-grant a pris un sens péjoratif dans l’opinion publique qu’il n’a pas à l’origine. Les médias utilisent parfois le terme d’ « ex-migrant » pour désigner des migrants qui se sont installés en France. C’est notamment le cas à Calais où l’opinion publique pense que les migrants sont des personnes en transit, qui sont en France pour passer en Angleterre. Ainsi, un migrant qui s’installerait en France au lieu d’aller en An-gleterre aurait cessé de migrer. C’est faux : un migrant reste un migrant dès lors qu’il a quitté son pays d’origine. La seule façon de ne plus être une personne migrante est de rentrer dans son pays d’origine. Le terme migrant n’explique pas pourquoi la personne a quitté son pays, contrairement au terme de réfugié.

Réfugié : cela correspond à la situation d’une personne qui a demandé l’asile dans un pays autre que son pays de nationalité et pour laquelle on a considéré qu’elle avait effectivement besoin d’une protection. Contrairement au demandeur d’asile qui attend une réponse à sa demande, le réfugié a vu sa demande d’asile acceptée. Le pays dans lequel il a demandé l’asile a considéré qu’il avait effectivement besoin d’une protection. En droit, le mot « réfugié » correspond à la définition de la Convention de Genève de 1951 : « le terme « réfugié » s’appliquera à toute personne : (...) Qui craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son ap-partenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors

du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

Dans l’Union européenne, lorsque l’on demande l’asile on peut obtenir deux types de protection : le statut

de réfugié ou la protection subsidiaire. Le statut de réfugié équivaut à un titre de séjour de dix ans ; la

protection subsidiaire correspond à un titre de séjour d’un an. Cette dernière est normalement délivrée pour les personnes qui ne remplissent pas les conditions de la convention de Genève et qui risquent la torture ou la peine de mort dans leur pays d’origine, ou qui viennent de pays

en situation de guerre civile.

Demandeur d’asile : c’est une personne qui demande une protection à un pays autre que son pays de nationalité. Partout dans l’Union européenne, les demandeurs d’asile doivent demander l’asile aux Etats qui vont vérifier que leur demande d’asile est fondée. En France, un demandeur d’asile dépose sa demande de protection auprès de l’Office français de protection des ré-fugiés et apatrides (Ofpra) et, si cet organisme rejette sa demande, il peut faire un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Ces termes peuvent également se re-couper : lorsqu’on est demandeur d’asile

ou réfugié, a priori, on a forcément migré et donc on est aussi une personne migrante.

Vous remarquerez sûrement que ces trois mots sont globalement mal utilisés dans les médias et/ou par les politiques. Je pense que certains le font à dessein : on parle de migrant lorsque l’on sou-haite faire peur, donner l’impression d’inva-

sion, de réfugiés lorsqu’on veut faire remar-quer au public que les personnes qui

migrent viennent de pays en guerre.

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Vagues d’immigration : thermo mètre des conflits dans le monde

Syriens, Afghans, Irakiens, Erythréens, Soudanais, Congolais.Flux migratoire dû aux guerres, famine, guerres civiles et régimes autoritaires d’Afrique.

Asie du Sud Est, Turcs et Africains Sub-SahéliensA la Guillotière, le quartier chinois illustre cette vague d’immigration.

1980-1990  Fin des années

1990 

Kosovars, Roms d’Europe de l’Est, Albanais, Serbes et Arméniens.Flux migratoire dû à la guerre du Kosovo.

2005-2015

Propos recueillis par Laura Turc

Laura Turc et Coline Repolt

Source : Musée de l’histoire de l’immigration

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ENQUÊTE

Lyon et sa région se mobilisent pour l’accueil des réfugiés

Dans toute l’Europe, ou presque, la crise des migrants est au cœur des débats. Début septembre, une enquête d’opinion, réalisée par l’institut Elabe, montrait que les Français étaient majoritairement opposés à l’accueil des réfugiés. Mais la publication de la photographie du jeune Aylan Kurdi, retrouvé mort noyé sur une plage de Turquie, a soudainement fait évoluer notre avis sur la question. Après le choc de cette publication, les initiatives en faveur des réfugiés se sont multipliés. Lyon et sa région sont également concernés. La région Rhône-Alpes compte 6 800 places d’hébergement pour réfugiés, dont 2 000 pour la métropole de Lyon et le département du Rhône. Certaines villes s’apprêtent à accueillir des réfugiés, certaines l’ont déjà fait mais d’autres refusent. Quelles sont les mesures prises pour parvenir à les accueillir ? Sont-elles toujours mises en place ?

Les Rhônalpins devraient donc accueillir un peu plus de 10 % de la totalité des réfugiés attendus sur

le sol français dans les deux ans à venir. Ces derniers, Syriens et Irakiens pour la plupart, viendront s’ajouter aux autres demandeurs d’asile déjà accueillis dans la région. Ils étaient déjà 3632 en 2014 selon l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, contre 5101 en 2013. Si le nombre de demandeurs est en sensible baisse, la métropole de Lyon et sa région ont tout de même décidé d’agir afin de permettre une répartition équitable. « Nous avons, au niveau des demandeurs d’asile, une tradition d’accueil relativement forte et ancienne. Nous allons donc mobiliser l’ensemble des réseaux  »,

confirmait Gérard Collomb, président de la métropole de Lyon, le 7 septembre dernier, après la demande faite par Bernard Cazeneuve aux municipalités du pays de se «  mobiliser  ». Et pour pouvoir être en mesure d’accueillir ces personnes dans des conditions décentes, un investissement financier de la part de la région

semble indispensable.

500 000 euros débloqués par la Région

Le président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, a donc annoncé le 15 septembre dernier, lors de sa visite d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile géré par l’association

Forum réfugiés à Villeurbanne, une série de mesures afin de «  participer à l’élan de solidarité  », tout en rappelant la «  vocation d’humanisme social de la Région  ». Le but est d’augmenter considérablement la capacité d’hébergement, qui est pour l’heure à son maximum. D’où la mise en place d’un fonds d’urgence de 500 000 euros visant a accueillir dignement les 2 500 réfugiés attendus dans les deux prochaines années. Mais ce n’est pas tout. Le président PS de la région a aussi évoqué son souhait de rouvrir l’ancien site du conseil régional de Charbonnières, inoccupé depuis l’installation des nouveaux locaux à la Confluence. Le site pourra accueillir une centaine de demandeurs

d’asile, «  le temps que leur soit reconnu le statut de réfugiés et qu’ils intègrent des dispositifs d’accompagnement », précise Jean-Jack Queyranne. Il propose également l’attribution de dix bourses régionales pour l’accueil d’étudiants syriens sur les trois prochaines années. Des mesures qui semblent en adéquation avec les engagements de la France au sein de l’Union européenne, sur fonds de campagne électorale pour la présidence de la région. Mais a quelques semaines des élections de décembre, il n’est pas certain que ces mesures soient toujours d’actualité si Jean-Jack Queyranne venait à céder la présidence rhônalpine.

Arnaud Bastion

Ancien site de la Région : un « coup

médiatique »

Pour Laurent Wauquiez, candidat de la droite et du centre aux élections régionales en Auvergne-Rhône-

Alpes, la décision de rouvrir l’ancien site de la région aux réfugiés n’est pas « raisonnable », voire « irresponsable ». Interrogé le 21 novembre dernier lors d’une réunion publique à Charbonnières-les-Bains, où il présentait

son projet d’aménagement du précédent site de la région (lire ci-après), l’ancien ministre a qualifié de simple «  coup médiatique  » la mesure annoncée par Jean-Jack Queyranne. « Ce n’est pas parce que des locaux ne sont pas utilisés que l’on va y mettre n’importe qui, n’importe comment » a précisé Laurent Wauquiez. Pour lui, l’accueil des réfugiés doit se faire « en lien avec des structures dédiées, dans des installations étudiées pour, avec des associations qui peuvent les accompagner, notamment pour une insertion dans l’emploi  ». Il rajoute même que c’est une décision «  irrespectueuse  » vis-à-vis des personnes accueillies tant les anciens locaux de la région tombent « en ruine ». Bref, les campagnes régionales sont bien lancées.

La Métropole en point de chute, mais pour quel accueil ?

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Parmi les 24 000 réfugiés que la France s’est engagée à accueillir dans les deux prochaines années, 2 500 sont attendus dans la région Rhône-Alpes.

©Quentin Lachèse

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À l’Ouest, rien de nouveau…

Les éventuels «  visi-teurs  » sont préve-nus, une gigantesque pancarte les avertit  :

«  Espace sous protection élec-tronique  ». Le portail donnant sur la route nationale 7 est ver-rouillé par une grosse chaîne et un cadenas à la hauteur… Bien malin celui qui arrive-ra à le défaire discrètement. A l’entrée, dans un espace vitré, des documents  : des arrêtés, des décisions de votes… des papiers datés de 2011. Le parking, tout de suite derrière le portail, n’a pas vu une seule goutte de désherbant depuis sans doute très longtemps. On devine encore les places en gravier sous l’herbe. Autour du bâtiment qua-si à l’abandon, c’est le flou qui règne. Les langues ne se délient pas aussi facilement qu’on le voudrait. « Un appel à la vente a été lancé. D’ici quelques mois, c’est une autre entreprise qui investira les lieux, annonce la Région, par téléphone. Des logements, un

centre de congrès, des bu-reaux et des commerces oc-cuperont les dix hectares de terrain. En attendant, la Région a proposé aux associations d’oc-cuper les lieux  ». Mais quand on se rend sur cet ancien site administratif  : personne… La mairie de Charbonnières ne nous laissera entendre que rien n’a été signé. Il y a bien un pro-jet de création de logements so-ciaux qui a été lancé, mais rien de concret.

Les associations se sentent mises de côté

Pour en savoir un peu plus sur ce lieu construit par la Région en 1974, il faut se tourner vers l’association des familles de Charbon-nières-les-Bains. Ségolène Detaisne, présidente de l’as-sociation, explique qu’il y a un an, la région avait déjà ou-vert les portes de son ancien siège social  : «  A l’époque, il ne s’agissait pas que de réfu-giés ou de migrants. C’était en période hivernale, les

gens étaient accueillis dans ces lieux, mais nous n’avons pas pu nous y rendre. Nous avions fait une collecte de denrées alimen-taires pour toutes ces familles, et c’est tout.  » Même discours du côté de l’association Pierre Valdo, l’un des responsables, Ivan Courriol, exprime aussi cette sensation de flou.  «  On n’a jamais trop compris ce qu’il se passait. Rendez vous compte, le bâtiment est protégé  ! Il y a des caméras de surveillance, des vigiles, des alarmes. En dé-but d’année, nous nous sommes mobilisés avec les gens de l’asso-ciation pour que les personnes puissent avoir un toit. Ils ont eu droit à des constructions en préfabriqué. »

Un accueil mitigé

Sur place, aucune trace de tout cela. Pas de vigile, pas de caméra à l’entrée du por-tail. Il est d’ailleurs très facile de s’y introduire en passant sous le portail situé chemin Beckensteiner. «  Il est vrai que si des aména-gements doivent être faits, ils

seront minimes », assure la Ré-gion.Le responsable de l’association Pierre Valdo ajoute son avis à l’accueil des Charbonnois. «  Nous sommes en plein Ouest lyonnais. La population là-bas est bien plus exigeante et a des at-tentes différentes des populations de l’Est de Lyon. J’ai le sentiment qu’il y a de la méfiance. »Sur place, les riverains sont par-tagés  : «  L’an dernier, il y avait eu quelques inquiétudes sur la venue de personnes sur le site de la Combe », raconte une rive-raine du centre ville, à peine à quelques centaines de mètres des bâtiments à l’abandon. « Nous même on savait pas quoi penser. Et puis, on les a croisés dans la rue, on voyait qu’il ne se passait rien de particulier. On fi-nissait par leur dire bonjour. […] C’était des gens finalement très charmants. » Avant d’ajouter  : «  S’il y en d’autres qui doivent venir, ce n’est pas un problème ». Ce témoignage sera le seul que nous aurons pu recueillir. Beau-coup ne sont pas au courant de la venue de réfugiés.

Quentin Lachèse

L’ancien site de la région Rhône-Alpes pourrait accueillir quelques réfugiés dans les prochains mois. ©Quentin Lachèse

Une vision d’avenir à droite pour l’ancien site de la Combe

Laurent Wauquiez, tête de liste centre et droite, est candidat à la tête de la future grande région Rhône-Alpes-Auvergne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a de grandes ambitions pour ce site. 5 000 m² de bâtiments dédiés à quelque 1 200 étudiants qui apprendront, dans l’ancien hôtel de Région, les métiers du numérique. Il a déjà fait appel à un cabinet d’architecte pour donner une perspective d’avenir aux habitants de Charbonnières, venus au petit meeting organisé le 21 novembre. L’idée est de se baser sur le modèle américain, avec réutilisation de ce qui a déjà été fait et la part belle à la nature sur les 10 hectares de terrain. Quant aux migrants qui de-vaient être accueillis, ils sont absents du projet. Personne ne sait où ils iront. Mais le candidat assure qu’il garde à l’esprit que le préfet aura le dernier mot. Il veut d’ailleurs en discuter avec lui. Le projet pourrait se concrétiser par les premières études en 2017.

C’était une promesse de Jean-Jack Queyranne. L’ancien bâtiment qui abritait le conseil régional de Rhône-Alpes a été mis à la dispo-sition du Département pour accueillir des réfugiés. Le site, situé dans l’Ouest lyonnais, reste pourtant bien mystérieux. Et ne semble pas servir à la cause des migrants.

La Métropole en point de chute, mais pour quel accueil ?

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Comment se positionnent les Dans la métropole lyonnaise, les avis divergent. Faut-il accueillir ou non des réfugiés ? Comment les prendre en charge ? Com-ment réagit la population locale ? Plusieurs villes affichent des points de vue radicalement différents à ce sujet. C’est notamment le cas des mairies de Villeurbanne et Rillieux-la-Pape. Ces municipalités s’expriment pour Ex Aequo.

Ils seront 24 000. 24 000 réfugiés à être accueillis en France sur les deux prochaines années selon François Hollande, qui

s’exprimait sur le sujet lors de sa conférence de presse du 7 septembre dernier, à l’Elysée. Le Président de la République affirmait : « C’est le devoir de la France. Le droit d’asile fait partie intégrante de sa chair, de son âme. C’est l’Histoire qui appelle cette responsabilité. » Dans plusieurs villes de l’agglomération lyonnaise et plus particulièrement à Villeurbanne, le message semble avoir été entendu. Très vite, Jean-Paul Bret, le maire PS de la ville se positionne en faveur de l’accueil de migrants dans sa commune. Un choix expliqué par François Rysto, directeur de cabinet à la mairie de Villeurbanne : « Cela tient à la nature de la ville. Villeurbanne s’est construite en se peuplant presque exclusivement de migrations extérieures au cours du XXème siècle. Sont arrivés des Espagnols, des Italiens, des Portugais qui venaient pour chercher du travail mais aussi pour fuir le régime politique de leur pays. Puis ce sont les populations d’Afrique du Nord qui sont venues pour travailler. » En un siècle, Villeurbanne passe de 20 000 à 145 000 habitants et devient la 20ème municipalité la plus peuplée de l’Hexagone. « À la mairie, on a décidé que le slogan de cette ville, c’était : Tous venus d’ailleurs, tous devenus d’ici. Il y a une tradition d’accueil chez nous, et il n’y a pas de raison que cela change aujourd’hui », poursuit François Rysto.Alors que la crise des migrants accapare la sphère médiatique et que la photo d’Aylan Kurdi, ce jeune migrant syrien de 3 ans, retrouvé mort noyé sur une plage de Turquie fait le tour du monde, certaines voix s’élèvent pour dénoncer le manque de réactivité des autorités compétentes. Interrogé à ce sujet par Lyon Capitale, Jean-Paul Bret

défend sa position : « L’accueil, c’est notre quotidien, mais on n’en parlait pas de la même manière. L’actualité ne nous conduisait pas à en parler comme aujourd’hui. » Des déclarations appuyées par François Rysto : « On a rapidement pris conscience de l’importance d’accueillir des migrants venus de Syrie ou d’Irak puisque depuis plus d’un an, nous en recevons ici, à la mairie. Au début, il s’agissait de médecins, de professeurs de fac avec des moyens financiers mais aussi des moyens intellectuels. La plupart d’entre eux parlaient déjà français, ils avaient un réseau de relations en Occident et sont venus dès que la situation a commencé à s’envenimer dans leur pays. Ces gens-là arrivent avec leurs enfants et nous demandent de les aider. En général, ils se débrouillent très vite et en trois semaines, un mois, ils sont sortis d’affaire et ont trouvé un logement et pour certains même, un travail ». Mais petit à petit, François Rysto observe un changement au fil des semaines : les réfugiés qui toquent à la porte de la mairie sont issus de populations de moins en moins favorisées, des zones rurales du nord-est de la Syrie ou du nord de l’Irak. Ces personnes n’ont pas d’expérience urbaine et baragouinent un anglais approximatif. La municipalité décidait alors de réagir en prenant en charge ces personnes qui ne présentaient aucune capacité

d’intégration rapide à la société.

De la jungle de Calais au centre Forum réfugiés

de Villeurbanne

L’accueil des migrants dans la métropole lyonnaise et à Villeurbanne prend une nouvelle tournure le 28 octobre dernier. Le gouvernement, souhaitant mettre un terme à la suroccupation du

centre de Calais, demande à la Métropole de Lyon d’accueillir certains migrants de cette «  jungle ». 50 réfugiés (49 hommes et une femme) originaires d’Erythrée, du Soudan et d’Ethiopie débarquent alors au centre de transit de Forum réfugiés à Villeurbanne sous l’œil de Michel Delpuech, le préfet de la Région Rhône-Alpes. Aujourd’hui, un mois après leur arrivée, ces migrants sont toujours au centre de transit où leur situation à l’égard du droit d’asile est en cours d’examen. Une étape qui nécessite généralement entre trois et six mois. Au terme de cette période, ces individus obtiennent ou non le statut de réfugié politique, qui leur garantit les mêmes droits qu’un citoyen français. Dans son interview accordée à Lyon Capitale, Jean-Paul Bret expliquait que cet accueil de migrants soudanais, éthiopiens, syriens ou irakiens devait être structuré sur le moyen terme : « Pour être efficace, il faut dépasser l’acte compassionnel immédiat. Des familles accueillies dans d’autres familles, si elles ne sont pas mises dans un parcours, elles vont être isolées. Il faut leur offrir des perspectives ». François Rysto précise : « Au centre de transit, ils sont confrontés à des professionnels qui examinent leur situation, leurs possibilités de travailler, de scolariser leurs enfants, d’obtenir un accès au logement et aux soins. Tout cela s’effectue dans des structures encadrées par des pros et d’autres associations avec lesquelles on a l’habitude de travailler. » À l’heure actuelle, la municipalité de Villeurbanne travaille uniquement sur l’accueil de ces 50 réfugiés africains. En effet, les migrants syriens et irakiens ne sont pas encore arrivés et la mairie affirme ne pas avoir d’information précise quant à leur venue. En attendant, la commune a ouvert un numéro de téléphone pour les Villeurbannais

prêts à accueillir des migrants dans leur foyer puissent s’inscrire. « Spontanément, on a eu 50 à 60 familles qui nous ont donné leur nom, leur adresse », affirme François Rysto. Les migrants passeront donc par le centre de transit avant de pouvoir peut-être rejoindre ces familles dans leur domicile.

Des critiques acerbes dans l’opposition

Cette politique d’accueil orchestrée par Jean-Paul Bret, le maire socialiste villeurbannais, n’a pas manqué de soulever les critiques de l’opposition. Jean-Wilfried Martin, président du groupe Les Républicains Villeurbanne, dénonce une forme d’instrumentalisation politique. Il précise : « L’instrumentalisation politique qui a été faite à Villeurbanne, ça a été de dire : «  Regardez, nous accueillons des populations migrantes mais les autres maires, eux, refusent ». C’est bien gentil de donner des leçons de morale comme ça à d’autres élus, quand on est maire d’une ville comme Villeurbanne avec des budgets assez importants, alors qu’il y a des problématiques dans d’autres communes qui peuvent être beaucoup plus difficiles à gérer. » À Rillieux-la-Pape, le maire Alexandre Vincendet (Les Républicains) va plus loin et accuse Jean-Paul Bret de «  clientélisme et

d’électoralisme ».Des propos fermement condamnés par François Rysto : « Parler d’électoralisme en parlant des migrants, c’est méconnaitre la réalité car ce ne sont pas des gens qui votent. Ils ne viennent pas dans un but de passer toute leur vie ici, ils échappent à la guerre, à la misère, à la mort. Parler d’électoralisme quand on leur tend la main, c’est exagéré. Nous sommes conscients que toute

ENQUÊTE

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Page 9: Lyon: terre d'asile? "Exaequo" mag de l'ISCPA Lyon

la population n’est pas d’accord avec la politique d’accueil de la ville. Si nous n’avions pas de lieux pour les accueillir, on ne le ferait pas, mais aujourd’hui, nous avons la capacité d’agir et la volonté de le faire, donc on le fait. »

Un accueil qui ne fait pas l’unanimité

Si certaines villes ont annoncé leur désir de répondre à l’appel du gouvernement en acceptant

d’accueillir des migrants sur leur territoire et en mettant en place une situation propice à un accueil décent, d’autres sont plus timides et freinent des quatre pieds. Dans l’agglomération lyonnaise, quelques villes ont exprimé leurs réticences au préfet du Rhône délégué à l’Egalité des chances, Xavier Inglebert, sur leur choix d’accueillir des migrants afin de répondre à l’appel du gouvernement. C’est le cas de Saint-Priest, ville de plus de 40 000 habitants. Pour le maire, Gilles Gascon (Les Républicains), il est nécessaire de trouver des solutions

aux problématiques actuelles de la ville. « On a 5 000 demandes de logement en attente. Je me vois mal ne pas répondre en priorité à des gens qui attendent depuis cinq ou six ans », avait-il déclaré à Rue89Lyon. De plus, il a également expliqué que d’autres villes de Métropole de Lyon ont davantage de moyens pour accueillir des réfugiés  : « Il y a certainement des communes ayant moins de problèmes de logements sociaux que nous, pouvant répondre à l’afflux des migrants. » Contactée, la mairie de Saint-Priest a expliqué que le maire n’aurait pas le temps de répondre à nos questions afin d’expliquer son choix. Ce dernier argument a également été évoqué par le maire de Villefranche-sur-Saône, Bernard Perrut  : « Nos efforts en termes de solidarité, déjà significatifs ici, trouvent d’autant plus leurs limites que l’Etat baisse de manière très importante les aides financières nécessaires pour répondre aux besoins et attentes des habitants. » Avec 57 % de logements sociaux, Alexandre Vincendet, maire de Rillieux-la-Pape, estime qu’il n’est pas en capacité d’accueillir ces migrants  : «  Je suis l’une des communes qui a le plus de logements sociaux sur la Métropole lyonnaise. » Il estime également avoir déjà fait des efforts en mettant à disposition 60 places d’hébergement d’urgence dans le quartier Ostérode : «  En continuant à être généreux d’un côté, même s’il y a déjà 57 % de logements sociaux dans la commune, cela me permet de dire de l’autre côté  : moi j’ai donné, maintenant à chacun de faire un effort. Le fait d’avoir été généreux à ce moment-là, me permet aujourd’hui de donner un non ferme et définitif, totalement compris par l’État ». Certaines communes refusent également pour des raisons de coûts. L’État attribue 1 000 euros par migrant. Un coût dérisoire pour les maires qui estiment que l’aide n’est

pas suffisante lorsqu’il faut prendre en charge les soins, le logement, les démarches administratives, l’éducation, etc. «  Quand vous avez 57 % de logements sociaux, forcément les dépenses sociales ne sont pas les mêmes que dans une ville où vous avez 6 % de logements sociaux. L’Etat d’un côté dit « Soyez généreux, accueillez-les », et de l’autre côté on dit « Vous avez 1000 euros par migrants ». C’est une insulte à l’intelligence. Avec cette somme on tient dix jours  maximum  », s’exclame Alexandre Vincendet. Pour Jean-Wilfried Martin, il faut aussi tenir compte des capacités d’accueil à long terme : « Il est aussi difficile d’accueillir des migrants car dans certaines communes, comme à Villeurbanne, car les écoles sont arrivées au maximum de leur capacité d’accueil, donc accueillir des familles où les enfants doivent aller à l’école, cela pose problème. Ils vont également avoir accès aux centres communaux d’action sociale donc ce sont des budgétaires supplémentaires. Ce qui n’est pas compatible avec la baisse des dotations de l’Etat. »

« Jusqu’à présent, on a créé des ghettos de riches

et des ghettos de pauvres »

Une autre raison l’inquiète. «  Il ne faut pas rajouter de la difficulté à la difficulté, de la misère à la misère », un argument qu’il exprime haut et fort et pour lequel il a son explication. Selon lui, pour les villes qui sont déjà en grande difficulté, « ce n’est pas réaliste de leur imposer des réfugiés  ». La question de la mixité sociale est soulevée  : «  Des communes comme Saint-Fons ou Feyzin, sont déjà en grande difficulté, vous ne pouvez pas demander d’en rajouter encore et encore. Soit un moment, on est un peu réaliste et on se dit que la mixité sociale, ça va dans les deux sens, soit vous

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 « Il ne faut pas rajouter de la dif-ficulté à la difficulté. » Alexandre Vincendet, maire de Rillieux-la-Pape. ©LauraTurc

« Il y a une tradition d’accueil chez nous, et il n’y a pas de raison que cela change aujourd’hui ». François Rysto, directeur de cabinet du maire de Villeurbanne. ©LauraTurc

villes de la Métropole de Lyon ?

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ENQUÊTE

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continuez à entasser et vous voyez ce que ça peut donner avec les derniers événements.  » Avant d’ajouter  : « Jusqu’à présent, on a créé des ghettos de riches et des ghettos de pauvres. Et la mixité, ça vaut aussi bien pour l’un que pour l’autre. » François Rysto ne partage pas son avis : « Je comprends ce qu’ils disent mais en revanche pas leurs décisions. Alexandre Vincendet n’est pas du côté de la tolérance et de l’accueil. Ce qu’il craint, c’est qu’il a du logement social avec des familles en difficulté et des jeunes de quartier, c’est ce qu’il appelle la difficulté. Et les migrants, pour lui, c’est une difficulté en plus. Nous ne sommes pas du tout d’accord avec lui. Pour nous, les gens qui arrivent de l’extérieur, ce n’est pas une difficulté mais une évolution, quelque chose de positif. » Selon le maire de Rillieux-la-Pape, la majorité de ses habitants serait plutôt contre cet accueil : « J’ai plus de 72 nationalités à Rillieux, donc ici, la diversité, on sait ce que c’est. Quand vous avez des personnes qui sont issues de la diversité et de l’immigration et qui viennent vous dire « Monsieur le Maire, il y a trop d’étrangers dans notre cage d’escaliers ou dans notre barre d’immeuble », ça interpelle, confie Alexandre Vincendet. Et vous en avez d’autres qui vont vous dire « Stop, maintenant, ça suffit, décommunautarisez les quartiers  ». C’est demandé par une grande majorité de ces personnes dans les quartiers, quelle que soit leur

origine, quelle que soit leur religion et

quelle que soit leur condition. »

Accueillir mais à une condition : uniquement

des réfugiés syriens chrétiens

Alors que certaines villes exposent des arguments liés à leur budget, leur capacité matérielle d’accueil ou encore aux problèmes sociaux qu’elles rencontrent déjà, d’autres vont plus loin et brandissent l’argument religieux. C’est notamment le cas de Roanne, ville de plus de 35 000 habitants dans la Loire, et de Charvieu-Chavagneux, ville de plus de 8 000 habitants dans le Nord-Isère. Le maire de Roanne, Yves Nicolin, (Les Républicains) et le maire de Charvieu-Chavagneux, Gérard Dezempte, sont prêts à accueillir des réfugiés dans leur commune mais avec une condition : il faut que ce soit des réfugiés syriens chrétiens. « Si la France décide d’accueillir sur son sol un certain nombre de familles et qu’elle décide de les intégrer, c’est-à-dire de leur donner des papiers, la ville de Roanne pourra jouer ce rôle-là, accueillir peut-être une dizaine de familles mais à la condition qu’il soit bien question de réfugiés chrétiens qui sont persécutés parce que chrétiens en Syrie, par Daech »,

avait déclaré à France Bleu Yves Nicolin. Il avait expliqué et justifié ses propos à 20minutes : « Il n’est pas question de dire « je ne veux que les chrétiens ou que les musulmans  ». C’est une question de sécurité. On est dans l’urgence. Et ceux pour lesquels on aura le plus rapidement une analyse, ce sont les chrétiens. On a la quasi-certitude qu’ils ne seraient pas infiltrés par d’éventuels membres de Daech. » Une question de sécurité est également l’argument avancé par Gérard Dézempte : « Les chrétiens ne mettent pas en danger la sécurité d’autrui, ils n’attaquent pas les trains armés de kalachnikov, ils n’abattent pas des journalistes réunis au sein de leur rédaction. » La mairie de Charvieu-Chavagneux a été contactée, mais le maire n’a eu le temps de répondre à nos questions. Les propos ont vivement fait réagir les associations défendant les droits de l’homme. SOS Racisme en Rhône Alpes a porté plainte contre le conseil municipal de Charvieu-Chavagneux pour incitation à la haine raciale et à la discrimination. La Ligue des droits de l’homme avait jugé les propos du maire de Roanne de « discriminatoires ».Le 13 novembre dernier, à Paris, des terroristes de Daech ont semé la terreur dans les rues de Paris. Deux d’entre eux avaient profité du flux de migrants pour rejoindre l’Europe en se faisant passer pour des réfugiés

syriens.Pour Alexandre Vincendet, ces événements ne vont pas contribuer à améliorer l’opinion publique à propos de l’accueil des migrants  : «  Cela va enlever une forme d’angélisme.  Il va y avoir une prise de conscience. A un moment, il faut que les autorités prennent leurs responsabilités et après c’est à chaque citoyen de voir les choses telles qu’elles doivent être. Aujourd’hui, dans les quartiers il y a des tags vantant les actes des terroristes, il y a des plaisanteries, des interpellations, il y a des conflits avec les forces de police. Jusqu’à maintenant c’était vu comme quelque chose d’anodin, mais on se rend compte que ce n’était pas anodin. » Pour Jean-Wilfried Martin, «  depuis les attentats, on constate sur les marchés, en discutant avec les habitants qu’il y a une certaine réticence des Villeurbannais à accueillir les migrants. On peut alors se poser la question : savoir s’il n’y a pas potentiellement des risques. Il faut être méfiant. ». Selon François Rysto : « Ces événements ne vont rien changer par rapport à l’accueil des migrants. Il poursuit : Je pense que les gens vont parfaitement comprendre, ils savent faire la différence entre des personnes qui commettent des attentats et des personnes qui viennent ici pour fuir ces attentats, et les mêmes doctrines. »

Laura Turc & Maxime Feuillet

« Quand vous avez des personnes qui sont issues de la diversité et de l’immigration et qui viennent vous dire « Monsieur le Maire, il y a trop d’étran-gers dans notre cage d’escaliers ou dans notre barre d’immeuble », ça interpelle ». Alexandre Vincendet. ©LauraTurc

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«  Tout est une question d’organisation »

Xavier Inglebert est le préfet du Rhône délégué à l’Egalité des chances. Exæquo l’a rencontré dans son bureau, à la préfecture de Lyon. En toute simplicité, il explique la position de l’État dans la question de l’accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile.

Savez-vous où se trouvent actuellement les 2 500 migrants attendus en Rhône-Alpes ?Les migrants syriens ou irakiens attendus dans la région sont pour l’heure dans ce que l’on appelle les « hotspots », situés en Grèce et en Italie. Ils font l’objet d’inscriptions, d’identifications et font une demande pour rallier tel ou tel pays. Le processus piloté par l’Europe est donc bien en cours.

Sous quels statuts ces migrants arrivent-ils ?Alors, il faut bien différencier deux grands types de migrants. D’abord, il y a une minorité qui dispose déjà du statut de réfugié. Un statut qui leur a été accordé par des organismes comme l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), directement sur les « hotspots ». Et des réfugiés qui arrivent de façon perlée, en fonction des appartements qui ont été mis à disposition. Puis, il y a la deuxième catégorie, la plus importante. Celle des demandeurs d’asile. Un statut à part entière. [NDLR : Voir notre article page 20].

La procédure prend du temps, y a-t-il eu des améliorations ?Effectivement, le processus complet est relativement long, environ deux ans. Mais il y a une récente loi qui a été votée dans un but de réduction des délais. Le rapporteur, le sénateur rhodanien François-Noël Buffet, a permis par cette loi une simplification des procédures qui ramène les délais à seulement neuf mois.

Ce sera la même chose pour les migrants syriens qui arriveront bientôt ?Pour eux, il y aura un dispositif particulier. La procédure de délivrance du statut ne devrait pas dépasser quatre mois. Sachant qu’habituellement, l’Ofpra accorde le statut de réfugié à un demandeur sur quatre, les taux seront naturellement différents dans cette situation d’extrême urgence.

Après l’obtention du statut de réfugié, que se passe-t-il pour ces personnes ?Après les quatre mois d’instruction du dossier et l’obtention du statut de réfugié, ils ne resteront pas forcément dans le département. Ils seront répartis dans toute la France. Ce statut donne ensuite le droit au RSA et aux différentes allocations.

Quelles sont vos ambitions pour ces migrants et réfugiés ? Notre objectif ce n’est pas seulement de les loger, c’est aussi de les accompagner. Nous les plaçons dans des logements qui offrent un terrain favorable à leur insertion. Pour qu’ils puissent intégrer notre société. Cela passe par un certain nombre de structures, associations qui sont à proximité pour les aider au quotidien.

Dans le Rhône, comment allez-vous les répartir ? Dans des logements

existants ? Concernant les logements, tous ces migrants qui vont arriver, je ne sais pas qui ils sont, combien ils sont, combien il y a de familles... On a ici un guichet unique qui permet de les accueillir dans des conditions plus favorables et pratiques administrativement parlant. Cela réduit encore les temps de traitement. En France, il y a du logement social vacant. Quand je dis logement social, je parle plutôt de logement « aidé »*. Il arrive souvent que des logements aidés soient plus agréables que certains logements privés. Les constructions sont faites avec le cahier des charges imposé par l’État. Ce sont donc les dernières normes qui sont en vigueur.

Mais on ne peut pas tous les mettre à Lyon par exemple…. Non, évidemment, c’est compliqué en ville. Dans l’ouest du département, on a des taux de logements vacants de l’ordre de 10 à 15 % en fonction des endroits. C’est non négligeable. Je pense qu’il y aura ensuite une réorientation des personnes sur tout le territoire français. Mais, je le rappelle, pas de logement sans un environnement favorable. On a, à la préfecture, une personne en service civique, qui liste toutes les associations, les personnes qui proposent leur aide… Avec ce listing, on voit où l’on peut les répartir.

Mais vous ne vous concentrez que sur des logements sociaux/aidés ? On a souvent des personnes qui viennent spontanément et qui nous disent : «  J’ai un appartement qui a une pièce de libre, on peut accueillir des gens quand vous voulez. » C’est très gentil de leur part, mais c’est une solution pour une semaine, voire deux. Dans notre cas, on parle de durées pour six mois. Les logements attribués par l’État ne sont que des lieux de transition.

Propos recueillis par Quentin Lachèse et Arnaud Bastion

*Xavier Inglebert insiste sur le fait que 67 % des Français peuvent prétendre à ce type de logements.

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©Quentin Lachèse

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La parole aux Lyonnais

« Je ne suis pas un centre d’accueil »

« La conjoncture économique actuelle n’est déjà pas simple pour prendre de nouvelles responsabilités »

« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais on peut essayer de venir en aide à ceux qui viennent chez nous »

Êtes-vous pour ou contre l’accueil de réfugiés à Lyon ?

Totalement contre Pour

Pour, mais...Contre

Oui

Non

Si oui, êtes-vous prêts personnellement à les accueillir chez vous ?

Sondage réalisé par Maëlys Erissy auprès de 827 Lyonnais du 5  novembre 2015 au 11 novembre 2015 (sexe, tranches d’âges, formations et toutes orientations politiques confondus)

« L’État a bien les moyens de les accueillir, pas moi »

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OPINIONS Pour ou contre l’accueil des réfugiés ?

« Qu’on s’occupe d’abord des Français en détresse »

« Liberté, Égalité, FRATERNITÉ »

Entre guillemets, quelques propos recueillis par certains sondés par la rédaction

23,8%

14,9%

36.9%

25.3%

82.6%17.4%

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« Il ne faut pas jeter la pierre aux Français en parlant d’intolérance »

D’une façon générale, comment peut-on interpréter les résultats du sondage obtenu ?

Au sujet de ce qu’il se passe en ce moment, sur ce réel flux migratoire, les chiffres ne m’étonnent pas vraiment. Que ce soit la proportion de personnes « pour » ou « contre ». Il faut savoir que toute société humaine est spontanément fermée à l’étranger, et éprouve une certaine xénophobie. Attention, à ne pas confondre avec le racisme ! La xénophobie, c’est la peur de l’autre, peur que l’inconnu vienne déranger ses habitu-des. Je pense que beaucoup de personnes ne sont pas totalement contre l’accueil des réfugiés mais uniquement dans une certaine mesure, car la question qu’ils se posent est : « Comment va-t-on s’organiser si l’on accueille tout le monde » ?

Comment faut-il présenter ce phénomène migratoire pour qu’il soit davantage accepté par la société ?

La solution principale serait de changer l’image des migrants. Il faut les présenter d’une autre manière. Dans l’idéal, il faut qu’eux-mêmes soient ouverts à la culture du pays qui les accueille, et surtout ne pas réagir comme si leur intégration était quelque chose que leur doive les citoyens lyonnais. Il y a là un problème d’altérité. La solution serait de ne pas présenter l’autre comme différent mais bien comme semblable, se focaliser sur les points communs de chacun afin de mieux cohabiter. Il ne faut plus présenter le migrant comme un être souffrant, que l’on doit protéger mais comme un être qui a aussi à apporter quelque chose à notre société.

Une majorité de personnes qui sont contre l’accueil des migrants à Lyon mettent en avant un devoir de solidarité prioritaire envers les Français, notamment les sans-abri. Qu’en pensez-vous ?

Au sujet des sans-abri français, ceux qui présentent cet argument n’ont pas tout à fait tort. En effet, il faudrait aider tout le monde de la même façon. Prenons l’exemple d’une situation très représentative de ce qu’il se passe souvent : si une femme seule française avec un enfant est dans l’attente d’un logement social depuis huit mois, une famille de six migrants sera susceptible en deux mois d’obtenir ce même logement pour une question « d’urgence », par le simple fait qu’ils sont plus nombreux. C’est exactement cela qui ne fonctionne pas et qui emmène à ce genre d’argument. C’est là un problème de justice, dans lequel il faut analyser la complexité de chaque situation, qui n’est pas chose facile.

Être contre l’accueil des migrants signifie-t-il être raciste ?

Il ne faut pas faire d’amalgame, les Lyonnais et la France ne sont pas racistes. Pour le justifier, il faut simplement se pencher sur l’histoire de l’immigration. Les premières générations de nationalité différente s’intégraient très bien. C’est à partir des années 68, au moment de la crise, qu’une contre-société s’est constituée, entraînant une certaine animosité envers l’étranger et créant cette peur de la concurrence. C’est un peu ce que l’on retrouve maintenant.

Comment percevez-vous le refus d’accueillir un migrant chez soi, malgré la proportion de personnes favorables à l’accueil des migrants sur le sol lyonnais ?

C’est le modèle français lui-même qui entraîne ce genre de réaction car, en France, les citoyens ont une tendance à tout attendre de l’État. Ce, à la différence des pays anglo-saxons ou scandinaves qui ont un devoir de charité bien à eux. Il ne faut pas jeter la pierre aux Français en parlant d’« insolidarité », quelque soit leur choix. De plus, ce serait très culpabilisant !

Propos recueillis par Maëlys Erissy

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OPINIONS Pour ou contre l’accueil des réfugiés ?

Lucien Oulahbib, docteur en sociologie, écrivain et professeur d’histoire des médias, porte une analyse complète, à travers cet interview, sur les résultats obtenus lors du sondage précédent. Une enquête ayant pour but d’illustrer, ainsi que de justifier, la

volonté ou l’appréhension des Lyonnais en ce qui concerne l’accueil des migrants dans la ville.

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VISAGES

Un visa pour l’Europe

Nous avons voulu savoir et connaître l’histoire des principaux concernés. Nous nous sommes rendus dans différents lieux, et différents quartiers. Famoro, un réfugié mineur, Joseph, un Irakien en France depuis plus de vingt ans, Anne-Claude et Antoine ayant accueilli Moh, sont des exemples parmi tant d’autres. Quoi qu’il en soit, ceci est leur histoire.

DOSSIER

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Une personne est au guichet de l’Ofpra pour la régularisation de ses papiers. Certains attendent leur tour depuis plus de cinq heures. ©Marie Jérome

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Être mineur et réfugié

À la mort de son père en 2010, il rejoint son oncle, l’imam du village voisin. Ne se doutant pas qu’il

lui imposerait l’école coranique, il décide de retourner à Bamako. Il y retrouve cette femme. Cette «  mamie », comme tous les enfants du quartier l’appelle. Au Mali, on se partage les maisons, les enfants des uns sont les enfants des autres et la vie en communauté n’a pas meilleure définition. Elle ne peut cependant pas l’assumer financièrement. Un de ses amis lui propose de l’héberger. Il loue sa remorque à des particuliers et gagne de quoi nourrir deux bouches. Quelques mois plus tard, il dit à Famoro : « Tout est organisé, nous partons demain pour la France. »

« Les petits enfants pleuraient dans les bras de leur maman »

Au départ de Gao, tous deux montent dans une 4x4 Cruser avec une trentaine de personnes à bord. Ils se dirigent en direction de Kidal au nord-est du pays. Alternant marches nocturnes interminables, trajets dans des voitures aux airs de voyages mortifères, lui et son ami parviennent à atteindre l’Algérie quelques semaines plus tard. Famoro a toujours ces quelques photos dans son sac à dos et son livre de français. Un pavé de quelques centaines de pages. Ils voyagent en bus, en voiture et parviennent tous deux à Melilla. Melilla, enclave espagnole sur le rif marocain, est une de ces terres stratégiques pour les migrants. Ils se comptent par centaines. Les rochers sont vertigineux. Les gens y dorment à même la pierre. Il y a des enfants, des vieilles femmes, des vieillards. Famoro y restera trois mois. Il y perdra toutes ses affaires et son ami avec. « Je ne sais même pas s’il est encore vivant. » Famoro parvient à trouver un bateau grâce à un vieux monsieur qui lui paie le trajet. C’est un petit bateau à moteur, où près d’une centaine de personnes sont entassées. « Les petits enfants pleuraient dans les bras de leur maman », confie Famoro. Arrivé sur la plage de Malaga en Espagne, il se confronte pour la toute première fois aux autorités. Elles prennent ses empreintes et le laissent partir, retrouver l’ami de son père qui y vit depuis des années. Famoro restera cinq mois sur le sol espagnol. L’ami de son père, qui avait prévu de retourner au Mali, récupère son acte de naissance à Bamako. Famoro peut alors partir en bus pour la France : Madrid, Bilbao, Lyon.

« C’est trop dur de dormir dehors »

Nous sommes au mois de février. Famoro a 15 euros en poche. Il attend à la gare Perrache abasourdi par la situation. Un homme décide de l’emmener au commissariat de la Guillotière, espérant qu’il dormira au chaud cette nuit-là. Les policiers lui posent une multitude de questions. Ils prennent ces empreintes et l’emmènent à la MIE (centre de ressources pour mineurs isolés étrangers). « Il n’y a pas de place, retournez à la gare », lui dit-on.

DOSSIER

Famoro dormira dans la rue pendant deux mois avant de revenir au commissariat : « C’était trop dur de dormir dehors ». Les policiers l’emmènent à l’aéroport voir la police aux frontières. Il refusera les tests osseux qu’il juge « dégradants », avant d’accepter après 48 heures de garde à vue. À ce moment précis, la juge, Stéphanie Robin, s’occupera de son dossier.

De mai à aout, il alternera foyers pour mineur et chambres d’hôtel temporaires, ponctués par des rendez-vous hebdomadaires au 9e arrondissement pour se rendre au cabinet de la juge pour enfant. Puis, il est envoyé à Paris. Il doit chercher son passeport au consulat du Mali. De retour à Lyon, Famoro est légitime pour avoir l’accès à un logement viable et à l’éducation.

Depuis le mois de septembre, il est hébergé dans les logements Majo, à Vénissieux. Une chambre de 12m2 où il possède un petit frigo et une plaque de cuisson, une salle de bain et des WC individuels. Il fait chaud, et les draps sont lavés une fois par semaine. Il reçoit aussi 15 euros par semaine, avec 100 euros de chèque-restaurant par mois. « Je cuisine du gombo et du maphé avec ça. Ça me rappelle mon pays ». Depuis le début du mois d’octobre, Famoro va à l’école en seconde technologique au lycée Edmond Labbé, à Oullins. Il a été accepté dans la classe CIT (Création et innovation technologique). « Jusqu’à mes 18 ans, je pourrai rester dans le foyer. Après, je ne sais pas comment ça va se passer. » L’incertitude face à l’avenir règne en maitre, mais ce qui importe aujourd’hui à Famoro « c’est trouver un patron ». Si Famoro avait su avant que la France n’était pas cette terre d’accueil, cette terre soit disant « des droits de l’homme », il ne serait jamais venu.

Marie Jérôme

Famoro a 17 ans. Il est né et a grandi à Bamoko. Aujourd’hui, il étudie au lycée technique d’Edmond Labbé, à Oullins. C’est un « mineur isolé », comme le qualifie l’administration française. Je le rencontre pour la première fois lors d’une manifestation concernant le droit des réfugiés. « Personne n’est illégal », peut-on lire sur les banderoles. Je sympathise avec Famoro et décide de le revoir chaque semaine pour suivre ses démarches, ses joies et ses malheurs. Cet article est son histoire.

Durant une exposition de Hans Sylvester « Les enfants berges », Famoro immortalise cet enfant jouant à éloigner les oiseaux des champs de céréales : « Je faisais ça quand j’étais petit » © Marie Jérôme

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  « Il avait deux pieds chez nous,

la tête et le cœur en Syrie »

« C’est le début de la vraie vie »Un couple lyonnais, Anne-Claude et Antoine, a accueilli un réfugié syrien, Moh, âgé de 31 ans, pendant près de six mois. Six mois de démarches administratives, longues et compliquées. Mais également six mois d’échanges, de moments conviviaux, comme de conflits familiaux. Une expérience « complexe et riche à la fois », pour Antoine et Anne-Claude, mais qui a également été le point de départ d’un nouveau monde pour Moh.

Antoine, d’origine russe, a cependant vécu jusqu’à l’âge de 15 ans, en Syrie, à Damas. Il a poursuivi ses études supérieures en France, mais a gardé de nombreux contacts amicaux là-bas. Juste avant Noël, lorsque la guerre syrienne était déjà

importante, Antoine se faisait énormément de soucis pour les fils d’un de ses amis. Notamment pour l’aîné, Moh, qui allait, sans tarder, être accaparé pour partir à l’armée. Ce qui fut effectivement le cas. Mais il a réussi à s’échapper et est parti en direction du Liban, à Beyrouth. C’est

dans ce contexte-là qu’Antoine a demandé à sa femme s’ils pouvaient accueillir ce jeune homme chez eux. « J’ai dit oui sans vraiment hésiter, étant tous les deux dans le secteur public, nous avons pour habitude de nous aider de personnes souvent violentées », explique Anne-Claude. En ajoutant tout de même : « J’étais heureuse pour lui, mais, les enfants n’étant plus à la maison, il a fallu que l’on réapprenne à vivre avec quelqu’un au quotidien. » Moh a alors pris l’avion à Beyrouth jusqu’à Genève, où le couple est venu le chercher. Il est arrivé de manière légale, en tant qu’étudiant en langues appliquées. C’est donc à partir de là, le 29 avril 2015, que tout a commencé.

Moh est « enregistré comme demandeur de statut de réfugié »

D’une manière générale, quand quelqu’un arrive en France, que ce soit avec une situation régulière ou irrégulière, il faut qu’elle s’enregistre à

la préfecture de la ville où elle est domiciliée, accueillie ou hébergée. Il faut également savoir que du moment où l’on est enregistré comme demandeur d’asile, on ne peut plus avoir d’emploi. Mais ils ont cependant pu faire une demande de RSA, qu’ils ont obtenu assez rapidement. Des empreintes digitales sont alors prises afin de contrôler si la personne n’a pas déjà été répertoriée dans un autre pays de l’Union européenne. Lorsque c’est le cas, elle est automatiquement renvoyée dans le pays concerné pour poursuivre les démarches. Moh n’ était pas répertorié, et a ainsi pu remplir un dossier d’identification et obtenir un rendez-vous à la préfecture de région. C’est à ce rendez-vous qu’il a pu acquérir son APF, l’autorisation provisoire de séjour, et récupérer son dossier à remplir pour l’Ofpra, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. C’est donc à trois, Moh, Anne-Claude et Antoine, qu’ils ont rempli ce lourd dossier administratif. Un dossier qu’il a fallu envoyer en moins de vingt-et-un jours, en recommandé, à l’Ofpra. C’est ici que Moh a dû décrire toute son histoire, comment, et surtout pourquoi, il est arrivé en France. La peur de devoir aller à la guerre de manière imminente est la principale cause. Cependant, si Moh voulait obtenir le statut de « réfugié  » et non de « protection subsidiaire », autrement dit être assuré pour dix ans et non seulement pour deux petites années, il lui fallait aller plus loin. Décrire ses craintes d’un contexte politique insoutenable à vivre au quotidien, que ce soit dans le milieu scolaire ou familial. « Moh est arrivé avec un syndrome post-traumatique, il avait peur des avions, du bruit des pétards, ou encore de croiser des uniformes en ville », confie Anne-Claude. Une fois le dossier arrivé à l’Ofpra, la famille a reçu le premier document qui déclarait Moh comme « enregistré comme demandeur de statut

Moh de retour pour un repas de famille chez Antoine et Anne-Claude ©DR

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DOSSIER Un visa pour l’Europe

  « J’avais l’impression d’avoir

un neveu à la maison, très proche et heureux »

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  « Il avait deux pieds chez nous,

la tête et le cœur en Syrie »

de réfugié ». Grâce à lui, ils ont pu se rendre une nouvelle fois à la préfecture et obtenir un second récépissé « constatant le dépôt d’une demande d’asile ».

Moh a ensuite été convoqué à l’Ofpra à Fontenay-sous-Bois, en région parisienne. Le délai de convocation peut varier entre un et six mois selon les nationalités. « Même si les Syriens sont « favorisés » dans cette étape, cela reste un vrai parcours de combattant  », déclare Antoine. Le rendez-vous à l’Ofpra est certainement un des moments les plus difficiles. En effet, Moh a dû répondre aux questions d’un officier de protection dans les moindres détails. À la fin de l’interrogatoire, l’officier peut admettre qu’il n’a pas assez d’éléments et reconvoquer ultérieurement la personne. Une fois un nombre d’éléments suffisant, il a la possibilité d’accepter et/ou de rejeter la demande, et dans ce cas, la personne peut faire appel auprès d’un tribunal. Moh n’a pas eu besoin d’aller jusque-là. Pour sa part tout est allé très vite. En moins de trois jours, ils ont reçu un document qui déclarait officiellement que « le statut de réfugié a été accepté ». À partir de ce jour-là, Moh a ainsi été placé sous la responsabilité administrative et juridique de l’Ofpra. La dernière étape est celle de « la fiche d’état civile », ce qui va définir son identité pour les dix années à venir. Quand lorsque Moh pensait arriver au bout de ses démarches, d’autres rendez-vous se sont présentés à lui. Après une visite médicale obligatoire, il a dû se rendre à l’OFII, l’Office française d’intégration et d’immigration, afin de signer son contrat d’accueil et d’intégration pour obtenir sa carte de réfugié.La période des démarches n’a pas toujours été de tout repos pour

Antoine et Anne-Claude. « Il avait deux pieds chez nous, la tête et le cœur en Syrie », confie Anne-Claude. En effet, Moh ne faisait pas de réels efforts pour parler français. Antoine, qui parle arabe couramment, pouvait échanger facilement avec lui. Pour le reste, il préférait s’exprimer en anglais, malgré les nombreuses aides. Ils lui ont donné des cours de français chez eux, il a également pris des cours à l’extérieur, notamment au Secours catholique, ou encore dans un laboratoire de langues. « Même si c’était parfois dur de se dire, qu’en étant chez soi, c’était encore à nous de nous adapter, on l’a entre guillemets adopté. On avait des disputes mais comme avec nos enfants », déclare Anne-Claude.

« On avait des disputes mais comme avec nos enfants »

Une période rythmée de difficultés administratives mais également de légers différends au sein de la maison familiale. Moh étant un musulman très pratiquant, le couple a dû faire face à certains problèmes liés à la religion, comme le ramadan, les prières ou encore la nourriture halal. Mais finalement, chacun a réussi à faire des concessions pour s’adapter l’un à l’autre. Le plus compliqué, notamment pour Anne-Claude, a été le sujet de la position de la femme. Une femme très féministe face à un musulman très pratiquant, les discussions se sont souvent terminées en long débat. Mais ce qui ne les a pas empêchés de vivre une très bonne expérience. Des vacances dans le sud de la France, des repas entre amis, des fêtes de famille et bientôt Noël. Ils avaient une totale confiance en lui et n’avaient donc aucune crainte de le laisser tout seul. « J’avais l’impression d’avoir un neveu à la maison, très proche et heureux. Nous avons pleuré en nous quittant », avoue Anne-Claude.Aujourd’hui, Moh est toujours en possession de ses papiers provisoires et attend avec impatience sa carte « officielle » de réfugié. Mais sa situation est désormais favorable. Il a intégré un centre de langues appliquées, où il pourra ainsi approfondir son français et passer le niveau B1 prochainement, juste avant les vacances de Noël. Désormais, même s’il en a envie, il ne peut plus retourner dans son pays d’origine. « Mais lorsqu’il a su que la France lui offrait tout ça, il a compris qu’il devait respecter ses valeurs même si ce n’était pas les siennes, et que c’était le début de la vraie vie », conclut Anne-Claude.

Charline Bakowski

La communauté Singa, qui favorise l’esprit du «  vivre ensemble » depuis maintenant trois ans, a mis en place la plateforme Calm (Comme à la maison) le 20 juin dernier. Un principe créé pour faciliter la mise en relation entre familles volontaires et réfugiés dans le besoin. Pour accueillir chez soi un réfugié, rien de plus simple. Que vous ayez un château ou un simple appartement, que vous soyez propriétaire ou tout simplement locataire, vous pouvez être « famille d’accueil », à condition d’être généreux et ouvert d’esprit. Il faut, dans un premier temps,

s’inscrire sur le site Singa et remplir un questionnaire détaillé. Toute une série de questions, comme le nombre de chambres disponibles, vos habitudes alimentaires, si vous fumez, si vous préférez une femme, ou encore si vous aurez le temps et l’envie de passer du temps ensemble, avec la personne. Une fois le questionnaire rempli, Singa va mettre en relation famille et réfugié, selon les critères de ce questionnaire, mais également selon leurs passions et leurs objectifs professionnels. Ensuite, les deux personnes vont se rencontrer dans un lieu

neutre. Que ce soit autour d’un café ou pendant une promenade le long d’un fleuve, elles pourront prendre le temps qu’elles désirent pour discuter, échanger et apprendre à se connaître. Car, une fois cette rencontre terminée, toutes deux auront 24 heures pour décider si elles acceptent, ou non, de « vivre ensemble  ». Votre rôle dans tout ça  ? Partager votre culture et votre langue française, tout en prenant en compte ses pratiques culturelles. Si certains ont une crainte de partager leur quotidien avec un étranger, ils pourront

s’inspirer de la charte, qui donne des exemples de règles communes, ou encore demander un contrat, pour plus de sureté. Cependant, parfois, malgré ces multiples précautions, la cohabitation ne se passe pas toujours comme prévu. Pour cela, vous pourrez faire appel aux médiateurs Singa, qui se chargent de l’accompagnement social des réfugiés. À noter que tous les réfugiés sont des personnes ayant déjà leurs statuts de réfugié.

Pour plus d’informations, rendez-vous sur http://singa.fr

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Pour être « comme à la maison »

  « J’avais l’impression d’avoir

un neveu à la maison, très proche et heureux »

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« Mon bulletin de vote ira à l’extrême droite »

Joseph Azar-Keriakous est né dans le nord de l’Irak. En 1990, la guerre du Golfe éclate. C’est seulement cinq ans plus tard que Joseph décide de fuir les bombes avec sa famille. L’objectif est de rejoindre la France pour retrouver ses libertés perdues en Irak. L’exil commence, et ne s’arrêtera que quatre ans

plus tard dans la région lyonnaise, où il retrouve son frère. La famille partie à trois est restée deux années en Jordanie afin de pouvoir rejoindre l’Italie puis la France. C’est dans ce pays d’exil que Joseph et sa femme donnent naissance à un deuxième enfant. Une fois arrivés en France, ils sont recueillis par un foyer dans la région lyonnaise. Pour obtenir des papiers Joseph admet avoir « eu de la chance ». C’est grâce à sa vision irakienne de la vie qu’il a réussi à s’intégrer dans la société française. Son périple lui a coûté 25 000 dollars, pour cela il a dû emprunter auprès de son frère ou d’amis. Après être arrivé sur le sol français son objectif était simple : travailler. Il a enchaîné les petits boulots, le travail de nuit, jusqu’à avoir, certains mois, trois métiers dans la même journée. Pour pouvoir rembourser, et continuer à vivre au foyer, lui et sa femme ont travaillé sans relâche, et n’ont pas offert de vacances à leurs enfants. Sa femme est tombée malade cinq ans après leur arrivée en France. Depuis, elle ne travaille plus. « Grâce au foyer, mes enfants ont pu aller à l’école, apprendre le français. Aujourd’hui, ils ont tous un travail et c’est là l’essentiel. » Pour obtenir ses papiers rapidement, il a réalisé tout ce qui était recommandé  : «  J’ai travaillé, j’ai essayé d’apprendre le français, j’ai changé de prénom, et après cinq ans en France, ma famille et moi, nous avons obtenu notre carte d’identité. Pour mon der-nier fils Lazare, c’était différent. Il est né sur le sol français, ce qui a été plus simple. »Aujourd’hui Joseph tient un commerce dans le quartier Saint-Georges à Lyon. Il est Français et le revendique, même s’il n’oublie pas l’Irak. En tant que Français, il se rend aux urnes à chaque élection. « En France, nous avons obtenu des libertés. Ce pays nous a tout donné, je me dois d’aller voter, et de remplir les devoirs d’un citoyen français ». Il rajoute  : « Je votais Sarkozy, mais aujourd’hui ses choix ne sont plus assez décisifs pour moi. Les politiques ne sont plus capables de gérer des réfugiés qui ne respectent pas leur pays d’accueil. Aux prochaines élections, c’est sûr, mon bulletin de vote ira à l’extrême droite. »

DOSSIER Un visa pour l’Europe

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Joseph (à droite) et son fils Lazare. Arrivé en France il y a vingt ans, son fils est né en France. Ils se sont pleinement intégrés à la société fran-çaise. ©Marie Jérome

La famille Azar est arrivée en France il y a vingt ans. Après avoir obtenu des papiers français, cette famille s’est pleinement intégrée à la société. Seul problème encore pour Joseph, le père, la barrière de la langue. C’est son fils Lazare qui nous a traduit les propos de son papa.

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« Un jour, j’ai décidé de

partir »

Omer a mis deux ans pour arriver sur le sol français. deux ans où incertitude et survies étaient de rigueur. Deux ans de solitude : « J’ai pris mes affaires et j’ai marché. » C’était à la fin 2013. Omer a rempli un sac à dos et a pris la route en direction de Kassala. Originaire de Teseney, dans le sud érythréen, il a marché

pendant trois jours pour parvenir dans cette ville frontalière du Soudan. Avec 2 000 euros en poche, il a décidé de laisser sa vie et son avenir entre les mains de passeurs. Le salaire moyen est d’à peine 50 euros en Érythrée.

« Je voulais rejoindre l’Angleterre »

Il s’est ensuite rendu à Khartoum, en voiture, par le biais d’un passeur pour la somme de 200 euros (il y a 500 kilomètres entre les deux villes soudanaises) puis il s’est ensuite dirigé à Ajdabiya (Libye) en Land Cruzer. « On était 13 dans la voiture. On a tous payé 1500 euros. À l’arrivée je savais que ça allait être compliqué. Je n’avais plus d’argent. » Finalement, il restera une année entière en Libye, faute d’argent. « Je n’avais pas les 500 euros nécessaires pour payer le passeur. Je voulais aller en Italie. » Famille, amis, tous ses proches lui ont envoyé de l’argent. « Je dois les rembourser, mais ce n’est pas aussi facile que ce que j’imaginais. »

« Les autorités italiennes m’ont donné 50 euros pour aller en France. »

Il parvient tout de même à rejoindre la Sicile, sur un bateau : 79 personnes sur neuf mètres par trois s’entassaient. Arrêté par les autorités italiennes, il prend le train à Vintimille après s’être fait scanner ses empreintes digitales : « Elles m’ont donné 50 euros pour que je rejoigne la France. » À Nice, il a pris la direction de Paris. « Je me suis caché dans les toilettes. » Il dormira deux mois dans les rues parisiennes : « À la Chapelle, je voulais aller en Angleterre, alors je me suis rendu en Belgique. » Mais les autorités belges l’ont attrapé et renvoyé en Italie. « Je ne voulais pas y rester, alors j’ai repris le train pour la France. » Cette fois-ci, il rejoint Calais. « J’y suis resté trois mois. Puis les autorités françaises sont venues, et ont demandé qui parmi les Erythréeens souhaitaient l’asile en France. J’ai dit que je le voulais ». À partir de là, il a reçu un « récépissé » lui permettant de vivre trois mois sur le territoire français. Il est passé par Roanne, avant d’avoir des contacts à Lyon et être hébergé par l’Adoma (organisme de logement social et d’urgence). Aujourd’hui il vit avec le RSA, dans une chambre de 12 m2 à peine, qu’il paie 70 euros par mois. « J’ai 22 ans et l’État français ne fait rien pour mon insertion. Je vais dans une association musulmane trois fois par semaine, j’essaie d’apprendre le français. » Pour l’instant, Omer ne comprend rien au français. « J’aimerais travailler et m’intégrer, mais ça me semble presque impossible. »

Marie Jérôme

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Omer n’a pas voulu être pris en photo. Sa tong exprime aussi bien son périple. © Marie Jérôme

Après avoir rencontré Omer à la préfecture du Rhône, pour le renouvellement de son titre de séjour, il décide de nous parler de son histoire. Érythréen, Omer a parcouru plus de 10 000km pour fuir l’enfer de son pays.

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DOSSIER Un visa pour l’Europe

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Il reçoit son APSLes empreintes digitales de Naman permettent de s’assurer que sa demande d’asile ne relève pas d’un autre Etat européen : il se voit remettre le précieux sésame sur lequel figure « en vue des démarches auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides).

Naman doit tout d’abord déclarer une « adresse de domiciliation associative » auprès d’une association d’accueil des migrants. C’est ensuite, qu’il devra obtenir, auprès de la préfecture du Rhône, un récépissé d’autorisation provisoire de séjour (APS), valable un mois. S’en suivent généralement de longues heures d’attente à faire la queue.

Obtenir une autorisation provisoire

Il est placé en rétentionNaman, dont les empreintes avaient été relevées à son arrivée en Italie, est identifié dans la base de données « Eurodac ». En vertu du règlement Dublin II, Naman est placé dans le centre de rétention administratif (CRA), à côté de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry.

Il passe en procédure accéléréeNaman se voit refuser l’APS car la préfecture estime qu’il vient d’un pays considéré comme « sûr » ou qu’il ne court plus de risques de persécutions. L’Ofpra doit alors statuer sur sa demande dans un délai de 15 jours. Naman peut former un recours contre le placement en procédure accélérée devant le tribunal administratif.

Naman ne trouve pas de lit La demande d’hébergement de Naman est rejetée par manque de place (les familles sont prioritaires sur les célibataires). Il est donc placé sur liste d’attente et redirigé vers des solutions d’hébergement temporaire (hôtel ou structure collective). Pour une meilleure répartition, L’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) peut le rediriger vers un Cada dans un tout autre département. S’il refuse, il ne percevra pas d’allocations. Si, dans un délai de neuf mois, l’Ofpra n’a pas délibéré, il a le droit de travailler.

Envoyer sa demande d’asile… et chercher un hébergement

Naman doit maintenant constituer un dossier pour l’Ofpra. Doivent y figurer : une copie de son APS ainsi que deux photos, et « tout document étayant son récit et ses craintes de persécutions en cas de retour dans son pays ». Naman doit expliquer, en français, les motifs de sa demande d’asile et son histoire personnelle. Dans le cas où Naman a été placé en CRA, il dispose de seulement cinq jours pour rédiger les motifs de sa demande et envoyer son dossier complet de demande d’asile à l’Ofpra qui doit statuer sur sa recevabilité sous 96 heures. En attendant la réponse de l’Ofpra – ce qui dure plusieurs mois –, Naman doit trouver un logement dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada).

Naman trouve un litSa demande est acceptée par un Cada : il bénéficie de cet hébergement pendant toute la durée d’examen de sa demande.

Faire prolonger son séjour de six mois en prouvant sa demande d’asile

Naman reçoit enfin un courrier de l’Ofpra. Mais ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. Plusieurs cas de figure.

Naman obtient le statut de « réfugié » ou bénéficie d’une « protection subsidiaire »Dans certains cas exceptionnels, l’Ofpra peut estimer que les éléments du dossier sont suffisants pour accorder l’asile. Naman est donc dispensé d’un futur entretien individuel au sein de l’organisme. Devenu « réfugié », Naman peut se faire délivrer une carte de résident valable dix ans. Dans le cas d’une « protection subsidiaire », le migrant a droit à une carte de séjour « vie privée et familiale », valable un an mais renouvelable. Le jeune homme, muni de la décision de l’Ofpra, n’a plus qu’à demander à la préfecture un récépissé de demande de titre de séjour d’une durée de trois mois renouvelables, qui l’autorise à travailler. Il dispose du même délai pour quitter son hébergement en Cada.

Pour un migrant ayant fui son pays, obtenir le droit d’asile en France - et le statut de réfugié s’il y est éligible  - relève du parcours du combattant. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui souhaitait une simplification des procédures, a été exaucé  par l’entrée en vigueur, le 2 novembre dernier, de la loi dont il est à l’initiative. Qu’en est-il dorénavant  ? Prenons l’exemple fictif de Naman, Erythréen de 26 ans, qui a fui les persécutions de son pays d’origine. Passé par l’Italie, il est arrivé à Lyon sans avoir été contrôlé aux frontières. En situation irrégulière, il souhaite s’installer sur le sol français.

Demande de droit d’asile : un chemin semé d’embûches

Par Léo RoynetteSources : Site internet du service public, de Libération, d’Euronews, du Huffing-ton Post, de FranceTv Info, de l’Ofpra, de France terre d’asile , Forum réfugiés.

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Naman bascule en procédure accéléréeLe dossier de Naman est incomplet. Il doit le compléter avant l’expiration du délai de 21 jours, enclenché dès l’obtention de l’APS. Mais Naman dépasse la date limite : le dossier passe automatiquement en procédure accélérée. Naman pourra être reconduit aux frontières dès la décision finale de l’Ofpra, si celui-ci refuse l’asile, et ce même s’il forme un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) – alors qu’en procédure normale, le recours empêche l’expulsion.

Faire prolonger son séjour de six mois en prouvant sa demande d’asile

Refus d’asile, et recoursL’audition de Naman n’a pas convaincu l’Ofpra qui lui notifie le rejet de sa demande par courrier recommandé en motivant obligatoirement sa décision. Naman forme alors un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dans un délai d’un mois (sans quoi le rejet devient définitif). Il est autorisé à rester en France pendant la durée de la procédure de recours et ne peut donc pas être expulsé (sauf cas de procédure accélérée).

Se rendre à l’audition devant l’OfpraAprès plusieurs semaines ou mois d’attente, l’Ofpra convoque enfin Naman pour une audition dans ses locaux, à Fontenay-sous-Bois, en région parisienne. Cet entretien se déroule sous la vigilance d’un officier de protection, éventuellement assisté d’un traducteur (nécessaire dans 80 % des cas). Il consiste, selon l’Ofpra, à « permettre au demandeur d’asile d’exposer complètement les motifs de sa demande, de compléter ou rectifier son récit écrit et de clarifier les éventuelles zones d’ombre ».

Naman décroche le statut de « réfugié »

L’entretien et le dossier de Naman ont été convaincants : il reçoit une décision favorable de l’Ofpra par courrier recommandé. Ce statut lui est attribué car il craint légitimement d’être « persécuté dans son pays », en raison de « sa race », de « sa religion ou encore de « sa nationalité ». Il se fait délivrer une carte de résident valable dix ans.

Naman obtient une protection subsidiaire

Naman n’obtient pas le statut de réfugié mais la « protection subsidiaire » qui lui donne droit à une carte de séjour « vie privée et familiale » (voir 3a). Elle peut être prolongée si les conditions qui ont conduit à sa délivrance (danger de mort ou de torture dans son pays d’origine) restent d’actualité au moment de la renouveler.

Refus de l’asile et obligation de quitter la France

En confirmation de la décision de l’Ofpra, la CNDA refuse la demande d’asile. Le migrant peut théoriquement former un pourvoi en cassation, recours considéré comme inutile puisqu’il s’agit d’une simple vérification de la procédure. Il sera ensuite reconduit à la frontière.

Attendre le recours et la décision finaleDans un délai d’un mois, Naman est convoqué devant la CNDA pour motiver son recours contre le refus d’asile. Elle statue ensuite dans un délai de cinq mois.

Naman obtient finalement le statut de réfugié

La CNDA annule la décision de l’Ofpra. Naman obtient l’asile et recevra sa carte de résident valable dix ans.

Naman bénéficie de la « protection subsidiaire »

La CNDA annule la décision de l’Ofpra et délivre ce statut qui lui permet d’obtenir la carte de séjour « vie privée et familiale » (voir 3a).

Demande de droit d’asile : un chemin semé d’embûches

Naman obtient une simple prolongation de séjourL’Ofpra lui envoie une « lettre d’enregistrement » qui prouve que la procédure est en cours. Il devient officiellement demandeur d’asile. Il doit retourner à la préfecture, muni de son numéro de dossier, pour obtenir un « récépissé constatant le dépôt d’une demande d’asile », qui lui permettra de prolonger son séjour en France pour six mois renoulables. Naman n’a pas le droit de travailler avant un an. En revanche, le récépissé lui permet de postuler et d’obtenir l’Allocation temporaire d’attente (ATA) puisque ses ressources sont inférieures à 879,84 euros par mois. Naman recevra donc 11,45 euros par jour, jusqu’à ce que l’Ofpra rende sa décision finale.

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Le son des cloches de l’église apostolique arménienne Saint-Jacques retentit dans le troisième arrondissement de Lyon, annonçant le début de la

messe. Comme tous les dimanches, les fidèles se pressent pour entrer dans l’habitacle dès 11  heures. L’église est pleine, les premiers retardataires se retrouvent sans siège. Peu importe, les croyants se lèvent souvent, une vieille habitude de prier debout qui persiste depuis le Vème siècle. Les chants liturgiques orthodoxes résonnent dans l’église à l’autel coloré. En sortant du cœur du bâtiment, au premier étage, des chants se font aussi entendre. Ce sont dix voix angéliques qui reprennent la chanson arménienne Erevan. Seda est là pour reprendre les enfants sur la justesse des notes et les mouvements de la chorégraphie qui accompagne le morceau. Cette femme était au conservatoire en Arménie. Musicologue et compositrice de formation, elle a pu faire valider une équivalence à son diplôme à Paris. C’est aujourd’hui avec les douze enfants de sa chorale, qu’elle partage tous les dimanches, de 10 heures à midi, sa passion pour la musique mais aussi pour la culture arménienne. Car si Seda apprend des chansons de Charles Aznavour à ses jeunes élèves, ce rendez-vous hebdomadaire reste un moyen de « transmettre une culture ». Essentiellement d’origines arméniennes, les petits viennent d’arriver en France où ils sont nés. « À l’étranger, il est facile d’oublier ses racines, confie Seda, en particulier pour les enfants qui grandissent en France. Pour moi, c’est grave. On ne doit pas perdre ce qu’on a et transmettre nos traditions. » Pendant que les adultes profitent de la messe religieuse, les plus jeunes partagent un moment ludique avec la chanteuse. La moitié des enfants inscrits à cette activité sont demandeurs d’asile. Si pour Seda le statut des bambins n’a pas d’importance pour son mari, c’est la régularisation des familles arrivées en France qui importe. Alekasanyan et Seda se sont mariés il y a dix ans en Arménie. Aujourd’hui installé à Lyon avec leurs deux

enfants nés en France, le couple n’oublie pas d’où il vient, ni les barrières qu’ils ont dû franchir pour espérer mener une vie paisible. L’aide aux migrants est devenue son combat quotidien.

« À Lyon, les démarches administratives sont longues

et difficiles »

Alekasanyan pose ses mains pour les réchauffer autour de sa tasse de café. C’est dans une station essence, à proximité de l’église arménienne, qu’il choisit de se livrer. En 2014, son association, Souffle d’Arménie, voit officiellement le jour. Après avoir vécu à Valence et à Saint-Étienne, c’est à Lyon qu’il a choisi de se baser pour apporter son aide. « À Valence les demandes sont traitées rapidement. Lyon est une grande ville. Les démarches y sont donc plus longues et difficiles. » À ce jour, l’homme aide

une cinquantaine de personnes dans leurs dossiers de demandeurs d’asile, de statut de réfugiés et de régularisation. « J’aide pour les démarches à la préfecture, se renseigner auprès des bonnes personnes est important tout comme une bonne traduction de son dossier. » C’est en effet à la préfecture du Rhône qu’un contact a été noué avec Alekasanyan. Il accompagnait Arthur, jeune Arménien, habitant à Roanne, pour finaliser son dossier en lui montrant l’endroit où l’on prend les empreintes. Si Arthur maîtrise le français, de nombreux migrants ne parlent que leur langue natale. Alekasanyan parle cinq langues  : l’arménien, le russe, l’anglais, l’italien et le français. Après avoir aidé l’association Forum réfugiés pendant plusieurs années en traduisant les propos des migrants fraîchement arrivés, l’homme ressentait le besoin de créer sa propre association. « Pour le moment le contact avec les nouveaux arrivants se fait par bouche à oreille, mais j’aurai bientôt le

La préfecture de Lyon est ouverte de 13 h 30 à 14 heures pour tous les demandeurs d’asile. Photo prise en novembre 2015 ©Marie Jérome

IMMERSION

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Reconstruire sa vie à Lyon : le quotidien d’un migrant dévoué aux nouveaux arrivants Alekasanyan Arkadi est âgé de 37 ans. Arrivé en France en 2005, cet Arménien n’a jamais pu acquérir le statut de réfugié. Après des démarches longues et difficiles, il a réussi à régulariser sa situation au bout de quatre ans. Marqué par cette expérience, l’homme s’occupe d’une association pour aider les réfugiés et demandeurs d’asile arrivés en France. Immersion au cœur du quotidien de ce migrant, menant un combat quotidien pour l’insertion des nouveaux arrivants à Lyon.

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Seda et les 10 enfants présents à la chorale ce dimanche 25 novembre. ©Marie Redortier

Alekasanyan, Arménien de 37 ans .©Marie Redortier

Seda, Alekasanyan et leur fils âgé de neuf ans devant l’école arménienne du 3e arrondissement. ©Marie Redortier

temps de me consacrer pleinement à cette activité. » L’Arménien est réceptionniste de nuit dans un hôtel. Bientôt au chômage pour licenciement économique, il compte profiter de son temps libre pour s’occuper de ses protégés. Car entre travail nocturne et démarches administratives en journée, son train de vie est compliqué. Mais si l’homme est réceptionniste à Lyon, en Arménie il était vice directeur de Lada-Arménie, une coentreprise russo-arménienne considérée comme le deuxième plus gros constructeur automobile de l’époque.

« La demande d’asile, c’est le loto »

Pour Alekasanyan Arkadi, pas de doute, il fallait partir. À la fin de l’année 2005, il quitte l’Arménie aux côtés de sa mère pour rejoindre la France. La famille espère ainsi échapper au climat politique instable dans la région - les affronts entre Arméniens et Azéris - et au gouvernement corrompu de Robert Kotcharian. « Rafael Shahmuradyan, notre directeur, s’est fait assassiné par le ministre des transports. Son meurtre offre au ministère le monopole tant désiré du secteur de l’automobile  », explique Alekazanyan. Les faits remontent au 6 février 2005, lorsque les ouvriers de Lada-Arménie découvrent le corps inerte de leur directeur dans le quartier Komsomol de Tolyatti. Il était le distributeur officiel non seulement de VAZ, mais aussi d’autres entreprises autos russes comme GAZ et and UAZ. « À cette époque, Shahmuradyan

exprimait déjà des soupçons sur le ministre des Transports et des communications, Andranik Manukyan », analyse t-il. Il faut dire que Manukyan détient Ararat-Lada, l’entreprise concurrente à Lada-Arménie. Et que cette dernière allait très prochainement accroître sa production à l’étranger en raison de la fermeture de la frontière entre la Russie et la Géorgie, par lesquelles la plupart des voitures russes sont acheminées en Arménie. « Un assassinat qui tombe donc à un moment stratégique », poursuit Alekasanyan. C’est donc pour cette raison que l’ancien bras droit de Rafael Shahmuradyan demandera l’asile politique à la France. Un tout autre parcours débute alors. Les démarches administratives se succèdent jusqu’en 2008, date à laquelle il parvient enfin à obtenir un statut de réfugié politique. Au total, pas moins de trois demandes successives ont été formulées. « Le plus difficile ce n’est pas de raconter son histoire, c’est de prouver chaque fait. Et quand bien même les faits sont prouvés, reste à remplir les quotas. Depuis 2010, seul 3% des demandeurs d’asile arméniens obtiennent leurs papiers français », explique t-il. Lorsqu’on lui demande si c’était à refaire, est-ce qu’il referai les démarches, Alekasanyan n’hésite pas : « Non, c’est tout le temps le loto. Certaines personnes ne méritent pas le statut et l’obtiennent, d’autres en dépendent

et ne l’obtiendront pas. J’aurais dû faire une demande de régularisation, ce qui m’aurais très certainement empêcher de perdre six années de ma vie. » La demande de Seda a abouti neuf ans plus tard. Et si le couple tente aujourd’hui de se reconstruire, c’est sans le soutien de leurs proches. Les parents de Seda habitent encore en Arménie. «  Ils aimeraient me rejoindre en France, mais s’ils viennent je veux qu’ils aient l’assurance de vivre correctement et de voir leur situation se régulariser rapidement. Pour les personnes d’un certain âge, l’obtention des papiers est très compliquée.  » Des démarches tumultueuses pour les plus âgés, Alekasanyan le sait. Sa mère a fui l’Arménie pour rejoindre l’Europe en même temps que lui. «  Elles est malheureuse en France.  » Attachés à leurs terres, leurs maisons, leurs passés, les migrants qui quittent leur Etat peinent à se reconstruire loin de leur quotidien et de leurs attaches. « Ici, la situation est beaucoup plus avantageuse, mais même si nous nous sommes établis à Lyon, nous n’oublierons jamais nos origines.  » Le couple arménien souhaite emmener prochainement leurs enfants en Arménie pour qu’ils aient une vision de ce qui aurait pu être leur lieu d’habitation si la situation politique y était différente.

Pauline Ragué et Marie Redortier

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La communauté musulmane de Lyon a-t-elle déjà menée des actions en faveur des migrants ?

Il devait arriver 30 000 personnes, dont 2  000 dans le département du Rhône et pour l’instant : personne. Actuellement, nous mettons en place une coordination des associations musulmanes et des mosquées pour leur venir en aide. On se prépare à agir sur différents points  : L’apprentissage du français et sur l’accompagnement des

démarches administratives. On va aussi travailler sur l’accueil psychologique afin de les aider à prendre en compte leur migration. On offrira un accueil alimentaire, on proposera des biens de consommation pour leur permettre de se nourrir. Etant demandeurs d’asile, ils auront une situation qui va se régulariser donc nous allons essayer de les préparer à cela. Je pense qu’il n’y a que très peu de gens qui veulent venir en France. Ils préfèrent partir en Allemagne ou dans les pays du Nord, où ils pensent qu’ils seront mieux intégrés, mieux accueillis. Beaucoup se posent la question au vu de la situation de la jungle de Calais.

Existe-il un devoir d’accueillir ces personnes dans la religion musulmane ?

Pour l’islam, l’une des actions essentielles à accomplir durant sa vie de croyant est d’aider les plus démunis. Par exemple, faire le ramadan est une façon qui permet à tout musulman de savoir ce qu’est la faim

et la soif et cela le rapproche de la privation. Le Coran nous fait un devoir d’aider le plus faible. On a donc cette tradition religieuse qui nous en fait une obligation.

Quelle est la vision de la communauté musulmane lyonnaise sur ce phénomène des migrants ?

Lyon a une tradition d’accueillir les migrants, ceux qui fuient la guerre et la misère. Aujourd’hui, on attend ceux qui viennent de Syrie. Les musulmans eux-mêmes sont, pour la plupart, des gens qui ont immigré, ou qui sont issus de l’immigration. Donc ils connaissent la migration, le fait de quitter son pays et les sentiments que cela apporte. Je pense qu’ils le comprennent.

À Lyon, certains vous reprochent de ne pas assez vous mobiliser, presque de l’immobilisme sur cette question. Que répondez-vous à cela ?

La communauté musulmane est économiquement faible. Beaucoup vivent de leurs travaux et de l’aide sociale. Elle donne surtout en fonction de ses moyens, de sa situation actuelle et de sa mobilisation. De plus, il n’y a pas de grand industriel ou de grande famille et la majeure partie des dons sont issus de la classe moyenne. On n’a pas d’organisation aussi importante que le Secours catholique ou populaire. Aucune de nos associations n’est financée sur des fonds publics. Pour des dons, il faut une mobilisation et il n’y a pas cette mobilisation aujourd’hui car on ne sait pas qui est qui. Les gens ne font pas la différence entre les migrants et les immigrés clandestins. Quand on a voulu envoyer nos dons en Syrie on nous a déconseillé, car on ne savait pas vers qui les moyens allaient partir. En ce qui concerne les migrants, pour l’instant, on n’a rien, on est en train de se préparer, on n’est pas encore dans les grandes opérations. Mais je pense que les musulmans répondront quand la demande se fera.

« Les migrants sont parfois trop exigeants avec ce qu’on leur propose »

Propos rapportés par Téo Henriet

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MIGRATION, CE QU’EN PENSENT LES RELIGIEUXLa question de la migration est sur toutes les lèvres. Comment aider ces personnes, comment les accueillir décemment ? Se sont des questions qui effraient et inquiètent la société civile mais pour la société religieuse lyonnaise, l’heure est à la préparation. Mais quels sont les points de vue des trois grandes religions monothéistes de Lyon sur la question de la migration ? Quelles sont leurs actions et leurs raisons pour agir ? Est-ce en accord avec leur foi ou cette foi les oblige-t-elles à venir en aide aux migrants ?

La communauté juive de Lyon a-t-elle déjà mené des actions en faveur des migrants ?

Il y a des gestes intéressants, comme Mr Sidon qui a proposé de construire des maisons en préfabriqué, pour permettre aux migrants d’avoir un lieu décent, où s’installer. C’est ainsi que ces initiatives sont mises en place dans l’attente de leurs droits de séjour, dans la banlieue lyonnaise,

en conserve avec la municipalité et la préfecture. J’avais fait une proposition à la préfecture : ces départements où il y a eu un exode de population, il y a des bâtiments abandonnés et où les écoles sont dépeuplées. Pourquoi ne pas offrir ces installations pour permettre aux migrants d’avoir un pied à terre décent ? Mais c’est vrai que ces migrants font parfois des choix qui font qu’on ne peut pas tout leur apporter sur un plateau d’argent.

Votre foi vous fait-elle une obligation d’aider ces personnes ?

Le devoir d’hospitalité est un grand devoir. Dans les écritures, il y a Abraham le patriarche qui a accueilli trois bédouins du désert pour les restaurer, les laver et leur accorder l’hospitalité. Abraham, voyant ces trois personnes en difficulté à l’extérieur, s’est précipité pour les recevoir dans sa tente. En faisant cela, lui-même crée le premier restaurant du cœur.

Donc on voit que Abraham est un modèle de bonté et de générosité vis-à-vis des personnes qui ne sont pas forcément de son milieu. Une obligation non, mais c’est un devoir religieux. Dans un autre texte biblique, il est dit que tu aimeras l’étranger car toi-même tu as été étranger en pays d’Égypte. Nous devons nous mettre à la place des étrangers, à savoir que même si nous sommes aujourd’hui résidents citoyens, dans quelque pays que ce soit, nous n’aurons pas oublié le sentiment que cela fait de quitter une terre.

Quelles sont vos problématiques et vos inquiétudes à propos des migrants ?

Les migrants veulent résider dans les grandes villes. Même si on les installe dans des lieux inhabités, avec de la qualité de vie et des installations, ils préfèrent vivre dans des conditions moindres dans les grandes villes. Lors de l’exode des juifs d’Afrique

du nord, la population à accepter de s’installer dans de petites bourgades, où il n’y avait pas d’installations spécifiques. Ils ont accepté des conditions au départ qui leur ont permis, ensuite, de s’intégrer peu à peu. On ne peut pas tout demander dès le premier jour d’habiter dans le 6e arrondissement de Lyon ou à Paris.On ne pas toujours culpabiliser l’accueillant, il fait ce qu’il peut mais il ne peut pas tout faire non plus. Les migrants sont parfois trop exigeants avec ce qu’on leur propose. On est devant un problème majeur : ce ne sont pas des gens très reconnaissants du fait qu’on les accueille dans un endroit où ils peuvent se loger gratuitement, mais ils rejettent même ces offres. Beaucoup quittent le pays d’origine pour des raisons économiques et politiques, et malheureusement nous savons aussi qu’une infime minorité s’infiltre parmi ces migrants pour exporter Daech en Europe. C’est une réalité qui inquiète car les attentats du 13 novembre ont montré qu’au moins un homme a profité de cette situation.

« Les musulmans répondront quand la demande se fera »

RICHARD WERTERSCHLAG, RABIN DE LYON

SOCIÉTÉ

KAMEL KABTANE, RECTEUR DE LA MOSQUÉE DE LYON

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MIGRATION, CE QU’EN PENSENT LES RELIGIEUX

La communauté chrétienne catholique de Lyon a-t-elle déjà mené des actions en faveur des migrants ?Le diocèse de Lyon s’est réorganisé et a créé une cellule pour l’accueil des migrants. Le statut administratif de ces gens amène à un accompagnement de longue durée. Cette cellule est le lieu où on récupère les initiatives de chrétiens qui veulent aider. Les gens proposent un appartement où accueillir une famille. Ils aideront à apprendre le français, à leur trouver un boulot pour ensuite sortir du système d’aide.On travaille sur l’insertion sociale car on ne sait pas combien de temps ils vont rester. Aujourd’hui, à Craponne par exemple, il y a huit familles qui sont suivies. Nous essayons de les intégrer par l’emploi afin de leur permettre l’accès au logement social.Notre travail peut être différent, par exemple à Saint-Genis-de-la-Croix, les identitaires étaient en désaccord : « Nous on n’en veut pas

». Nous y sommes allées avec nos compétence et on a travaillé sur l’acceptabilité auprès des chrétiens.Nous sommes aussi en relation avec la banque alimentaire et d’autres associations de ce type pour subvenir à leurs besoins. Il faut mettre en route ce processus pour qu’on les intègre, il ne faut pas juste les fagoter, il faut aussi les libérer pour qu’ils se relèvent de leurs misères. Et pour être debout, dans une société comme la nôtre, il faut manger et travailler.

La religion vous oblige-t-elle l’accueil de ces personnes ?Dans l’évangile un des messages central, c’est le pauvre qui représente le frère. En cela, il faut être accueillant envers l’étranger. Pour autant, cela dépasse l’idée de devoir. J’espère que ce n’est pas qu’un devoir lourd pour les chrétiens mais surtout une espérance : il faut être attentif au fragile, accueillant. Il faut

que je donne un peu de mon argent, de mon temps mais pour moi c’est d’abord une espérance. De plus, on assume le fait que l’on a d’abord une mission qui nous vient de l’évangile.

Quelles visions ont les catholiques de Lyon sur ce phénomène de migration ?Ils ont déjà accueilli des personnes dans ces difficultés sur Lyon. Étant citoyens, ils sont sur toute la palette politique vis-à-vis de ces étrangers. Il y a ceux qui essaient de promouvoir ces personnes et puis il y a des gens insécurisés, qui ont peur. On n’est pas étranger à la vie sociale, les appréhensions sont légitimes et nous travaillons sur l’acceptabilité.Pour vous, est-ce véritablement le rôle de l’Eglise ?C’est le rôle des chrétiens de répondre à la souffrance du frère. L’état ne peut pas tout faire. En tant que citoyen je vais au-delà. Il y a beaucoup de gens dans les diocèses français solidaires

avec les plus démunis et l’État n’y est pour rien. Les citoyens doivent agir sur cette question et se charger de la solidarité. Pour les migrants, l’État ne va au bout de ce qu’il peut faire. Il ne faut pas espérer des associations civiles qu’elles remplissent ce rôle. Il faut que l’Église se mobilise pour montrer l’accueil non pas comme une fragilisation de notre société mais comme une chance.

« C’est le rôle des chrétiens que de répondre à la souffrance du frère »

De tout temps la communauté protestante a particulièrement été attentive à la question de la migration et des migrants. Théologiquement et anthropologiquement, les protestants ont de multiples raisons d’aider ces personnes dans le besoin et leur credo y est parfaitement respecter. Accueil, aide juridique et sociale, travail sur l’acceptation des autres, les protestants sont actifs sur de multiples fronts concernant la migration.

Dans son histoire le protestantisme a déjà vécu la persécution et l’exode. Le XVIIe siècle a vu les dragonnades et c’est une période d’oppression qui conduit 200 000 protestants à l’émigration hors de France. « Les gens se rappellent de ça et donc la communauté protestante a été assez sensible à cette question de la migration », affirme Pierre-Olivier Dolino, pasteur et directeur du foyer protestant de la Duchère.Une explication théologique explique l’aide apportée aux migrants de la part de cette communauté. La foi biblique montre que l’humanité s’est construite à travers et autour des migrations et que « tout cela est

constitutif de l’humanité », explique Pierre-Olivier Dolino. Le pasteur ajoute également que « dans la Cimade (Organisation protestante d’aide aux réfugiés, migrants et autres personnes en difficulté), il est dit qu’il n’y a pas d’étrangers sur cette terre, et inversement, que nous sommes tous des étrangers. »

Le plus important pour lui est qu’il faut prendre en compte la fragilité de ces personnes et leur précarité : « C’est une question de justice sociale : dans un monde qui se veut juste, il est logique, comme de prendre soin de la veuve et de l’orphelin, de prendre soin de l’étranger, et ici en l’occurrence du migrant », affirme le pasteur.

L’aide apportée de la part des protestants aux migrants prend plusieurs formes. L’accueil de familles et de personnes : « Dans l’église protestante unie, il doit y avoir une dizaine de personne qui sont vraiment loger par l’église. Dans les autres églises évangéliques, il y aussi des familles qui sont logées et accueillies », concède Pierre-Olivier Dolino. La mise à disposition de locaux s’est toujours

faite dans cette communauté et il arrive que ponctuellement elles accueillent des familles de migrants dans une salle des fêtes, un appartement ou encore un presbytère. L’aide que proposent les protestant peut être aussi une aide matérielle, nutritive, immobilière comme une aide administrative et juridique.

Mais ce n’est pas son seul credo : la communauté protestante a toujours été très engagée sur la question de la sensibilisation et du nécessaire accueil des migrants comme à travers l’action de la Cimade. Cette aide s’illustre aussi par le nombre de bénévoles, de membres de la communauté qui sont engagés sur l’aide aux migrants, à travers l’action de la Cimade. Certains sont engagés dans des associations pour l’aide matérielle, alimentaire, une aide concrète et d’autres dans des associations qui ont une dimension sociale, politique, de sensibilisation de l’opinion.

La question de la migration angoisse, voire provoque des sentiments de peur chez certains. Mais la communauté protestante

lyonnaise reste confiante et persévérante dans le choix des valeurs qu’elle s’est donnée même si : « Je pense que comme toute la communauté nationale elle est traversée à la fois de peur, d’inquiétude vis-à-vis de ces phénomènes qui bouleversent notre monde, en plus avec le terrorisme qui vient se mêler, même si se sont deux choses différentes », conclut Pierre-Olivier Dolino.

Pour les protestants, « Nous sommes tous des étrangers »PIERRE OLIVIER DOLINO, PASTEUR DE LA DUCHÈRE

SOCIÉTÉ

LUC CHAMPAGNE, DIRECTEUR DE LA CELLULE DIOCÉSAINE SUR LES MIGRANTS

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Depuis que les réfugiés font partie intégrante de l’actualité française, une polémique a enflé dans le monde politique et sur les réseaux sociaux. Celle-ci assure que l’État s’occupe plus des réfugiés que des sans-abris. Mais qu’en est-il vraiment ? Nous avons demandé aux personnes concernées.

« Occupons-nous de nos SDF (Sans domicile fixe) avant de nous occuper des réfugiés ! Il n’y a déjà plus de place pour les sans-abri mais on va loger des réfugiés ! Aidons les Français avant d’aider les étrangers ! » Voici le genre d’argument que l’on peut lire sur les réseaux sociaux ou même entendre dans des discussions de tous les jours. Cette polémique, alimentée et reprise par certains politiques comme Gilbert Collard, député Front national du Gard, pour ne citer que lui, s’est étendue au niveau national et a

bien entendu frappé Lyon.

« Les SDF et les réfugiés ne dépendent pas du même dispositif d’aide »

Sébastien Guth est chargé de communication au Foyer Notre-Dame des Sans-Abri, dans le 7ème arrondissement lyonnais. Pour lui, cette polémique n’a pas lieu d’être. « C’est tout simplement une fausse polémique. Cette année encore, il y a plus de personnes sans domicile fixe mais cela n’a rien avoir avec l’arrivée des réfugiés. » Effectivement, selon l’association Forum réfugiés présente à Lyon, ces personnes qui fuient leur pays ne vont pas empêcher l’aide apportée aux personnes sans-abri. « Les SDF et les réfugiés ne dépendent pas du même dispositif d’aide. Les hébergements des demandeurs d’asile et des réfugiés relèvent de programmes distincts, au sein du ministère de l’Intérieur, alors que l’hébergement d’urgence, qui concerne les sans-abri, est pris en charge par le ministère du Logement. Cette polémique n’a donc aucune raison d’exister », assure-t-on à l’association.

« Il faut venir en aide à tout le monde »

Alors que l’hiver approche, au Foyer Notre-Dame des Sans-Abri, de nombreux SDF se retrouvent et discutent. Paul et Sébastien se serrent les coudes depuis qu’ils se sont rencontrés au foyer et abordent régulièrement le sujet des réfugiés. « Pour moi, il faut venir en aide à tout le monde. Pour la plupart d’entre nous, nous touchons le RSA (Revenu de solidarité active) alors que les réfugiés, ils n’en bénéficient pas. C’est donc normal qu’on les aide aussi », explique Paul, SDF depuis plus de cinq ans. « Moi, ça me fait doucement rigoler. Les personnes qui, soi-disant, nous défendent aujourd’hui sont les mêmes qui nous présentent comme des assistés. » À l’heure actuelle, le gouvernement de François Hollande table sur 11 000 hébergements supplémentaires, d’ici 2016, pour les demandeurs d’asile. Cette réforme vise aussi à désengorger les agglomérations comme Paris et Lyon.

Antoine Garapon

VS

SDF et réfugiés, pas de comparaison possible

SOCIÉTÉ

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Suite aux attentats du 13 novembre, Le Premier ministre, Manuel Valls, a réclamé que l’Europe cesse d’accueillir des réfugiés. ©Flickr

D’après le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l’Institut de veille sanitaire (InVS), 6 000 SDF sont morts en deux ans, en France, entre 2008 et 2010. ©Marie Jérome

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« Les populations réfugiées sont un danger »

Parmi les voix qui s’élèvent à Lyon, certaines se positionnent contre l’accueil des réfugiés. C’est le cas de Génération identitaire. Le jeune mouvement politique se définit comme « la première ligne de résistance. »

Le 13 novembre dernier, la terreur et la mort frappent la France. Les conséquences politiques sont imminentes. Le gouvernement de François Hollande annonce la fermeture des frontières et la reprise des contrôles à leurs abords. Du côté de Génération identitaire, on salue ce choix en y apportant un petit bémol. « Cette décision était nécessaire, assure Romain Espino, membre du mouvement depuis bientôt six ans. Cependant, c’est depuis le début de la crise des migrants que nous tirons la sonnette d’alarme. Nous en sommes convaincus, les populations réfugiées sont un danger. Sommes-nous prêts à prendre le risque de nouveaux attentats ou allons-nous prendre les décisions qui s’imposent  ? » Suite aux attentats

de novembre, c’est le genre de question que l’on se pose à Génération identitaire. Les membres du mouvement travaillent aussi sur des solutions pour régler ce « problème d’immigration massive ». « Les attirer ici avec de la fausse charité, ce n’est pas ce qu’il faut faire. Il faut définitivement fermer les frontières nationales et réguler les populations qui viennent dans notre pays. Tous les immigrés clandestins qui sont en France doivent être mis dehors », expliquent Marc Barrault et Julien Didtnar, tous deux identitaires lyonnais.Le mouvement politique estime que l’ensemble des valeurs de la France est en danger et ce, en grande partie, à cause des réfugiés qui arrivent en France. « Nous sommes contre l’arrivée de réfugiés à Lyon. L’immigration massive et non contrôlée n’est pas une solution. On voit le résultat à Calais. Aujourd’hui, ce sont des centaines de personnes qui s’entassent et qui créent des problèmes autour d’elles. Soit on les accueille dignement, soit on ne le fait pas », conclut Romain Espino.

« La police des frontières n’est pas plus sollicitée qu’avant »

Avec la vague de migrants, en provenance de Syrie notamment, qui se déploie actuellement sur l’Europe et la France, les forces policières sont attentives. L’exemple de Calais montre que le chemin de la liberté peut aussi faire éclater des violences entre

policiers et réfugiés, prêts à tous les sacrifices pour atteindre la terre de paix. Pourtant, à Lyon, la police des frontières, spécialisée dans le contrôle et l’interpellation des personnes en situation irrégulière, ne ressent pas une évolution dans ses rapports avec les populations concernées. Un fait confirmé par Thierry Clair, secrétaire régional du syndicat Unsa Police en Rhône-Alpes Auvergne  : «    Il y a rarement de la résistance lors des interpellations. Dans l’ensemble, la police des frontières n’est pas plus sollicitée qu’avant. On n’a pas vu arriver à Lyon une quantité hors du commun de migrants en provenance de Syrie. Le nombre de personnes en situation irrégulière est difficile à quantifier parce que justement, ces gens n’ont pas de papiers, poursuit-il. Mais à l’heure actuelle plus de 2 000

procédures sont en cours, suite à des interpellations de personnes n’ayant pas de papiers. Ceux qui nous posent le plus de problèmes ce sont les délinquants, les voyous qui sont des proxénètes, des receleurs et qui sont en plus en situation irrégulière. On a donc deux cas, ceux qui cherchent à s’en sortir, qui cherchent l’eldorado en quelque sorte, et les voyous, mais dans ce cas, c’est plutôt lié à un délit. » Si leur travail n’a pas été chamboulé par la conjoncture géopolitique européenne actuelle, les policiers doivent respecter le cadre légal dans la gestion des réfugiés. Si une violence illégitime est commise par un agent de police, il existe un conseil de discipline : « Pour ce qui nous concerne, nous n’avons pas eu écho d’un tel cas, ici à Lyon, indique Thierry Clair. Mais évidemment, cela peut arriver. Auquel cas, l’agent sera convoqué et un conseil de discipline se tiendra pour faire en sorte que le policier s’explique », conclut Alain Chizat, secrétaire départemental de l’Unsa Police.

Vincent Tricoli

SOCIÉTÉ

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Génération identitaire Lyon compte 80 adhérents et cherche constamment à recruter. À l’image de Marc (à gauche) qui a fait son entrée il y a un an. ©Marie Redortier

Thierry Clair, secrétaire régional du syndicat Unsa Police en Rhône-Alpes Auvergne. ©Marie Redortier

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Pourquoi l’ancienne caserne Raby reste inoccupée Le 12 octobre dernier, plusieurs associations (Attac, RESF) ainsi que plusieurs organisations politiques de gauche (Lutte ouvrière, PCF) s’étaient réunies devant le portail d’entrée de l’ancienne caserne de gendarmerie Raby à Bron. Ils forment le collectif Raby et militent depuis des années auprès de la préfecture pour obtenir le logement de familles de réfugiés sans toit. Avec le nombre de migrants attendus en France ces prochains mois, entre 20 000 et 30 000, les revendications s’accélèrent.

Un parc de plus de 15 hectares. Plus de 430 logements, tous vides. La caserne de gendarmerie de Bron, appelée caserne Raby, est aujourd’hui

inoccupée. Les gendarmes ont quitté les lieux il y a maintenant trois ans. Une situation mal supportée par le collectif Raby, formé depuis quatre ans par des associations, des partis de gauche ainsi que des syndicats qui ne comprennent pas pourquoi ces locaux ne sont pas exploités. Depuis des mois, le collectif sollicite l’État pour obtenir le logement de personnes sans papiers et notamment des personnes réfugiées sans toit. À l’heure actuelle, la préfecture du Rhône ne s’est pas prononcée. En effet, il est prévu que le site soit réaménagé avec la création de logements sociaux dans le cadre d’un projet d’urbanisme. Mais l’État ne cédera les lieux qu’en 2017, date à laquelle c’est l’Opac (société de gestion d’habitations à loyers modérés) du Rhône qui récupèrera la propriété. Pour Roland Couturier, membre actif du Réseau éducation sans-frontières de Bron, il y a quand même quelque chose à faire  : «  Les logements actuels vont être démolis mais probablement dans un, deux, trois, quatre ou même cinq ans en fonction de l’évolution du projet. On pense qu’il y aurait une opportunité pour loger des familles de réfugiés qui sont sans toit. L’Opac du Rhône a été désigné comme aménageur du site mais c’est un projet à longue échéance. L’Opac ne sera pas le constructeur de tous les immeubles, il n’y aura qu’une partie

des futures constructions qui seront des logements sociaux, environ 20 % des logements, ce qui est peu. C’était d’ailleurs une de nos exigences depuis que le collectif s’est formé. Qu’il y ait dans le projet final des logements accessibles pour les familles les plus modestes. Mais ce qui nous intéresse nous, c’est que pendant tout le temps de construction, les immeubles déjà existants vont rester disponibles. Il serait possible d’y faire un hébergement pour des personnes qui sont sans logis ».

Des familles de Roms relogées lors de l’hiver 2012-2013

Contacté par nos soins pour connaître sa position, l’Opac du Rhône, par la voix de sa chargée de communication, n’a pas souhaité nous répondre. Il y a deux ans, lors de l’hiver 2012-2013, la préfecture avait relogé dans le petit immeuble des officiers de l’ancienne caserne, 43 familles sans toit, essentiellement des Roms. «  Ça s’était fort bien passé, il serait tout à fait possible de recommencer cette opération pour reloger peut-être des migrants qui vont arriver mais surtout des migrants qui sont déjà en France et qui sont dehors  », explique Roland Couturier. Pourtant, plusieurs riverains, rencontrés Route de Genas à Bron aux abords de l’allée qui mène à l’entrée de l’ancienne caserne, se sont plaints des désagréments causés il y deux ans : « On peut

appeler ça des problèmes de voisinage. C’était mal fréquenté, cela zonait. J’habite à quelque mètres de la caserne, je n’ai pas envie de retenter l’expérience ou alors il faut que ce soit bien encadré, dans ce cas, alors oui », avoue un homme. « Les locaux ont été dégradés quand des gens avaient été accueillis. C’est inadmissible. », dénonce une dame retraitée, habitant les environs. Mais pour le collectif ce sont de mauvaises raisons et surtout ce n’est pas suffisant pour ne pas justifier de trouver une solution  : «  Ça ne me paraît pas du tout vrai. Personne n’a constaté de telles choses. On a eu l’occasion de discuter avec les services préfectoraux qui ont organisé cet hébergement il y a deux ans et cet hébergement s’est bien passé. Les gens se sont très bien intégrés au site. Bon, il y a quelques riverains qui n’ont pas trouvé ça très « intéressant » mais on ne peut pas faire autrement », détaille Roland Couturier. Si la préfecture n’a pas encore donné sa réponse quant à l’accueil de réfugiés sans toit dans l’ancienne caserne Raby, le préfet, Michel Delpuech a en tout cas indiqué dans son plan grand froid, dévoilé le 9 novembre dernier, qu’il souhaitait mobiliser les locaux vacants en citant ceux de la caserne Raby. Une première victoire pour le collectif, même si l’objectif principal n’est pas encore atteint.

Vincent Tricoli

COUP D’ œIL

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Entrée de l’ancienne caserne Raby à Bron. Le site est protégé par un système de vidéosurveillance. ©Marie Jérome

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La douleur du passé, la détresse du présent

Se remomémorer, raconter et recommencer. Au moment de leur demande d’asile, les réfugiés témoignent de leur vie passée. Ils doivent reconstituer leur histoire, leurs peurs et leur fuite. Un récit nécessaire pour les institutions françaises. Un moment douleureux et traumatisant pour ces personnes qui garderont des séquelles des horreurs, des persécutions ou des tortures qu’ils ont subies.

Le Centre de santé d’Essor, à Villeurbanne, tente d’accompagner ces personnes, notamment psychologiquement. Loin de leur pays et de leurs proches.« Les demandeurs d’asile ont perdu leurs repères. La violence, la persécution, la trahison, la torture ont détruit leur rapport aux autres et à eux-mêmes. L’exil les a séparés de tout ce qui leur était familier. Si bien qu’ils ne se reconnaissent plus, ils ont l’impression d’être un autre, avec une angoisse : devenir fou », explique une psychologue bénévole qui travaille au Centre d’Essor. Le traumatisme le plus courant est la névrose traumatique qui entraîne des réminiscences diurnes et nocturnes de chauchemars qui peuvent aller jusqu’au délire de persécution. «  De nombreux patients souffrent également du paradoxe des survivants, entraîné par la culpabilité qu’ils ressentent d’avoir survécu aux morts. »Dans ce centre de santé, cinq psychologues tentent d’accompagner ces personnes réfugiées. Les consultations relèvent souvent de l’ordre psychologique mais il est nécessaire de les accompagner médicalement. «  De nombreuses personnes qui arrivent d’Afrique et du Moyen-Orient ont subi des persécutions physiques, comme le viol ou encore des tortures », explique la psychologue.

À Lyon, le centre d’Essor n’est pas le seul à proposer cet accompagnement. Le Secours populaire mais aussi Première urgence internationale interviennent auprès des réfugiés pour tenter de les aider à guérir leurs blessures.

Coline Repolt

Hébergement, papiers, travail et aide financière. Ce sont les problématiques posées lorsque le sujet des réfugiés est abordé. Leur passé, leurs souffrances ne sont pas souvent envisagés par les politiques ou les institutions. Pourtant, c’est un facteur à prendre en compte si la France souhaite leur intégration. Les ONG et les associations ont mis en place, depuis quelques années, des structures et des équipes médicales pour leur apporter le soutien nécessaire.

COUP D’ œIL

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Motifs des consultations

pour les nouveaux patients :

58 % persécution31 % torture

19 % troubles psychologiques17 % problématiques familiales : famille laisée

derrière soi ou violences conjugales subies par le passé.

Source : Centre de santé d’Essor.

Le Centre de santé d’Essor à Villeurbanne accompagne les personnes réfugiées traumatisées dans leur passé. Les patients sont en provenance des régions du monde en guerre comme la Syrie. ©Coline Repolt

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D’ici et d’ailleurs

Deux ans après son premier roman « N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures », Paola Pigani publie un nouvel écrit aux éditions Liana Levi. « Venus d’ailleurs » re-trace le parcours de Mirko et Simona, deux réfugiés kosovars arrivés en France et à Lyon au printemps 2001. L’auteur dépeint avec justesse et délicatesse le quotidien de ces deux jeunes adultes, de 22 et 20 ans, entre Rhône et Saône. Les rencontres, l’apprentissage de la langue, la dure réalité du monde du travail, l’espoir, la nostalgie, Paola Pi-gani évoque chaque nuance de l’exil dans son ré-cit,où viennent aussi se mêler histoires d’amour et d’amitié.

L’idée d’écrire sur le thème des migrants trottait depuis quelques années dans la tête de Paola Pigani. Cet écrivain a grandi

en Charente dans une famille d’immigrés italiens, passés par la Belgique avant de s’installer dans l’Hexagone. Elle affirme s’être imprégnée durant sa jeunesse des nombreux « récits familiaux qui nourrissent l’imaginaire vers l’ailleurs, vers l’exil ». Des récits qui l’ont fortement influencée dans l’écriture de « Venus d’ailleurs ». « J’avais envie d’écrire sur un parcours de migrants, sans prendre ce matériau autobiographique mais en ayant en tête d’écrire sur l’exil et tous les sentiments ambivalents chez ces gens qui tentent l’aventure », précise Paola Pigani. Elle décide alors de se pencher sur le cas des réfugiés k o s o v a r s et se documente sur internet et consulte des articles sur cette grande vague migratoire de la fin des années 1990, regroupant Roms, Albanais, Serbes, Kosovars. Un sujet que l’auteur connaît déjà quelque peu grâce à Sedat, un jeune migrant qui côtoyait son fils à l’école dans les années 2000 : « On savait qu’il venait du Kosovo. Il venait à la maison pour les goûters, il avait toujours un sourire lumineux, précise-t-elle. Je voyais régulièrement son père ou sa mère faire la manche ou vendre des journaux dans la rue, ils semblaient ravagés par la douleur. Lui, il

était très joyeux, il a p p r e n a i t le français. J’ai dû m’en inspirer pour le personnage de Simona. »Mirko et Simona sont les deux personnages principaux du roman. Mirko, le grand frère, habité tout au long du récit d’une profonde nostalgie. Un jeune homme qui se tue à la tâche dans le bâtiment et repense sans

cesse aux copains, à sa famille, à son neveu qu’il a laissés au pays. Mirko

le désabusé graffeur de banlieue, qui, malgré

son amourette naissante avec

Agathe, n’arrive pas vraiment à croire que son bonheur se trouve en France. Les pensées de Simona, la sœur

cadette, sont aux antipodes

de celles de son aîné. La jeune

femme décide d’arrêter de se poser des

questions et préfère porter son regard vers l’avant. Pour elle,

tout est possible en France et à Lyon : trouver un travail, apprendre une langue, faire des nouvelles rencontres, rencontrer l’amour... « À travers ces deux personnages, j’ai voulu écrire l’ambivalence de ceux qui quittent leur pays, avec parfois le sentiment de désespoir, d’être toujours à la marge de la société dans laquelle ils évoluent mais aussi l’impression

qu’en quelques mois, quelques années, ils vont pouvoir oublier d’où ils viennent, qu’ils seront considérés comme citoyens français. »Ces deux personnages principaux se fondent dans la ville, dans un récit où le cadre spatial prend toute son importance. Ainsi, les scènes se déroulent dans le quartier de la Guillotière, à Grange-Blanche, aux Gratte-Ciel, dans la Presqu’île, à Décines, à la Part-Dieu, etc. Autant de lieux qui stimulent l’imaginaire des Lyonnais. Un choix clairement revendiqué par l’auteur qui vit dans la capitale des Gaules depuis près de vingt ans : « C’est une ville que j’aime. Lyon a été la plaque tournante et le berceau des ONG venant en aide aux réfugiés (Cimade, Forum réfugiés). J’avais la volonté de rendre hommage à ces personnes qui vivent dans l’ombre mais font un travail remarquable. »« Venus d’ailleurs » est paru en août dernier, quelques jours avant la forte médiatisation de la crise des migrants. « Cette nouvelle vague de migrants d’aujourd’hui n’est pas comparable avec celle de 2000. La situation géopolitique m’a l’air beaucoup plus grave et tragique », explique Paola Pigani. Favorable à l’accueil de réfugiés dans l’Hexagone, elle s’interroge toutefois sur le sort réservé à ces migrants à l’avenir : « Accueillir, c’est un premier mot d’ordre, mais il faut ensuite accompagner. Et aujourd’hui, je me demande quel accompagnement nous allons pouvoir offrir à tous ces gens. »

Maxime Feuillet

« Lyon a été le berceau

des ONG venant en aide

aux réfugiés »

CULTURE

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Certains films tombent à point nommé. C’est le cas de Dheepan. Alors que depuis janvier 2015, plus de 500 000 réfugiés se pressent aux portes de l’Europe, dont 65 000 à celles de l’Hexagone, la

Palme d’or 2015 a été remise à un film qui se penche sur leur sort.

Il s’appelle Dheepan. Ou plutôt, c’est sa nouvelle identité. Guerrier déchu, ce combattant srilankais quitte les rangs des Tigres tamouls pour fuir la guerre civile qui déchire son pays. Direction la France. Lorsque les passeurs lui attribuent de nouveaux papiers, ayant autrefois appartenus à l’un de ses compatriotes mort au combat, il n’a nul autre choix que de rentrer dans la peau de cet inconnu. Cet individu avait une épouse et une fille : le voilà en compagnie d’une femme, Yalini, et d’une enfant, Illayaal, avec qui il ne partage rien, si ce n’est le désir de quitter cette île au large de l’Inde. Arrivés sur place, les trois migrants ont de nombreux défis à relever : se faire passer pour une famille unie, obtenir le statut de réfugié, s’adapter à un pays et une culture qu’ils ne connaissent pas, et puis survivre tout simplement.

Réapprendre à vivre

De cette manière, ce film réussit à rendre compte au spectateur de la vie de réfugié. Aujourd’hui, les médias nous en parlent en évoquant leurs nationalités, leur nombre, ou encore leurs destinations, mais qui sont-ils vraiment ? Comment arrivent-ils à s’intégrer ? Jacques Audiard nous en donne un aperçu. Tout d’abord, hébergé dans un logement d’urgence, Dheepan court les rues de Paris pour vendre à la sauvette quelques babioles luminescentes quand la nuit est tombée. Plus tard, cette famille recomposée est installée dans une cité en banlieue parisienne. Le confort est primaire et le cadre de vie plutôt inhospitalier, bien que le tout constitue des conditions de vie déjà meilleures qu’au Sri Lanka. Côté

intégration, Dheepan, Yalini et Illayaal se heurtent aux différences qui séparent deux cultures et sociétés antipodiques. Ne pas montrer sa joie d’obtenir 500 euros de salaire, maigre revenu en France mais équivalent à bien plus au Sri Lanka, lorsque Yalini accepte de jouer l’auxiliaire de vie auprès d’une personne âgée ; manger avec une cuillère et non avec les doigts ; se faire la bise « comme tout le monde », lorsque Yalini accompagne Illayaal à l’école ; ou encore se forcer à rire à une blague dont on ne comprend pas l’humour – français… Tant d’efforts pour tenter de se faire accepter, de se fondre dans la masse et d’échapper aux regards méfiants et insistants des personnes qu’ils côtoient.

Unis dans cette situation où le temps est leur meilleur allié, les trois réfugiés vont développer une complicité, une solidarité et vont même s’adonner à quelques gestes de tendresse malgré les horreurs dont ils ressentent encore le traumatisme. C’est d’ailleurs là d’où se dégage la force de ce film : une bienveillance et un amour qui, après tant de violences, réapparaissent de façon presque pudique, entre Dheepan et Yalini. Aux trois-quarts du film, les affrontements entre cités, que subissent involontairement les trois Srilankais, n’ont pas réellement d’autre utilité que de voir Dheepan assailli là encore par les démons qu’il pensait avoir fui depuis son départ. Un homme rattrapé par son passé qui, pris de rage de voir ces jeunes de cité se faire la peau pour quelques barrettes de shit, décide de reprendre les armes, une dernière fois. Pour protéger ceux avec qui il veut recommencer une vie, Yalini et Illayaal. Une question est toutefois soulevée par Audiard en épilogue, lorsqu’on les voit tous les trois, finalement installés en Angleterre : la France est-elle un mauvais pays d’accueil ? Le réalisateur semble avoir déterminé sa propre opinion.

Léo Roynette

DHEEPAN : de la guerre civile

au grand écranAprès De rouille et d’os et Un prophète le réalisateur, Jacques Audiard, a accouché d’un nouveau long-métrage : Dhee-pan. Sorti le 26 août dernier en salles, Dheepan a été nommé Palme d’or 2015. Ce film dresse le portrait d’une famille de réfugiés srilankais qui, pour fuir la guerre civile, trouvent asile en France.

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CULTURE

Yalini prie la divinité hindouiste Ganesh de faciliter son intégration. ©Capture d’écran You Tube

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