m6, le grand malentendu
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Interview d'Ali Amar dans L'EchoTRANSCRIPT
INTERVIEWJean-Paul Bombaerts
Que penser deMo h a m m e dVI ? En Occi-dent, l’héri-tier d’HassanII bénéficie del’image d’unjeune monar-
que moderne, modéré et ouvert.La réalité est toutefois fort diffé-rente, comme l’explique le jour-naliste Ali Amar dans sonlivre « Mohammed VI, le grandmalentendu. Fondateur en 1997du « Journal », premier titre in-dépendant du Maroc qui a subi, àrépétition, les foudres du régime,il décrit un pays au bord de la dé-flagration sociale.
Pourquoi parlez-vous demalentendu au sujet de Mo-hammed VI ?! Cette illusion est née d’une lé-gende bien tenace, entretenuepar une communication efficacemais trompeuse, véhiculantl’image d’un régime présentécomme un modèle de transitiondans un monde arabe en déliques-cence.Or la réalité est toute autre. La so-ciété marocaine est bloquée. Onest dans une économie de rentes,de privilèges et de courtisaneries.Le roi est impliqué dans tous lessecteurs de l’économie. C’est du
Berlusconisme à la mode chéri-fienne. La redistribution des ri-chesses ne s’opère pas. Il y a uneélite technocratique très bien for-mée, mais qui n’est pas porteused’un projet de société.L’écart est énorme entre unebourgeoisie opulente qui vit àl’occidentale et le Maroc d’en bas,celui de la misère et de l’exclusion.La frustration sociale est très im-portante. On est sur un baril depoudre.
Comment alors expliquerl’adhésion de la population à lamonarchie ?! Trente-huit ans de paterna-lisme pratiqué par Hassan II, çalaisse des traces. Le chaos algé-rien fait réfléchir, de même queles régimes militaires qui sévis-sent ailleurs dans le monde arabe.C’est la philosophie du moindremal qui prévaut au Maroc. Maispourquoi faut-il absolumentdresser la comparaison avec cespays-là ?D’autre part, il y a des amortis-seurs sociaux. Il y a eu un rattra-page en termes d’infrastructureset de nouvelles technologies. Sansoublier que l’économie informelledemeure importante et que lesMarocains sont les champions dela débrouille.
Mohammed VI tranche pour-tant avec son père Hassan II.! Le « printemps marocain » n’apas subitement bourgeonné,comme on le croit trop souvent,au lendemain du 23 juillet 1999,date de la disparition d’Hassan II.Au début des années 90, contraintpar un nouvel ordre mondialmoins propice à l’impunité desdictateurs, Hassan II a tentéd’adoucir aux yeux de l’opinion in-ternationale la face implacable deson régime en vidant ses cachotsde ses opposants. Fin stratège, il aprudemment desserré son étaudespotique pour garantir sansheurts le passage de témoin à sonfils. L’heure était à l’optimisme.Or après dix ans de règne, l’espoirque Mohammed VI a suscité s’esteffiloché. Si le nouveau souveraina donné des gages, il n’est pas par-venu à se défaire d’une pratiqueautocratique du pouvoir. Pire, de-puis les attentats du 16 mai 2003qui ont été considérés dans l’opi-nion marocaine comme un mini
11 septembre, Mohammed VI achoisi la carte du tout sécuritaire :on bâillonne une opposition pro-gressiste au nom de la lutte contreles fondamentalistes.
Le code de la famille a subiun « lifting » qui n’est pas passéinaperçu.! Contrairement à ce que l’on ré-pète souvent, la condition de lafemme marocaine n’a pas été ra-dicalement transformée. Dans lesvilles européanisées comme Ca-sablanca ou Rabat, il y avait déjàdes femmes libérées. Le code n’afait que rattraper la réalité.Ailleurs en revanche, et malgré laréforme du code de la famille, plusde 80 % des mariages avec mi-neures sont toujours autorisésafin de satisfaire les plus conser-vateurs. Il convient par ailleurs deremarquer que si le régime est ré-pressif au plan politique, il estplutôt permissif au niveau desmœurs. Le port du voile n’est pasobligatoire, la consommationd’alcool, interdite en droit, est to-lérée dans les faits. Quant à l’ab-sence de liberté de culte, ellen’empêche pas l’existence d’égli-ses et de synagogues.
Comment réformer le sys-tème ?! La soif de liberté et de démocra-tie est bien réelle. Et les espéran-ces déçues s’accumulent. La mo-narchie, pour sa survie, et malgrésa popularité, devra se réforme enclarifiant sa relation constitu-tionnelle et juridique avec l’État,le gouvernement et la société. Ilfaudra d’abord opérer une sépara-tion en douce des pouvoirs. Le roicumule toujours les fonctions dechef temporel et leader spirituel.Ensuite, il faut une réelle ouver-ture démocratique. Actuellementne sont tolérées que les opposi-tions cooptées par le régime lui-même, celles qui acceptent les rè-gles du jeu et renoncent àcontester les choix du Palais. Sansautre force crédible et organisée,le souverain ne trouve face à luiqu’une majorité silencieuse, mi-résignée, mi-révoltée. A chaquescrutin, la désertion des urnes estlà pour le confirmer. "
« Mohammed VI, le grand malen-tendu », Ali Amar, éd. Calmann-Lévy, 336 pages, 17 euros
DÉBATS & OPINIONS
L’Echo 15VENDREDI 15 MAI 2009
Mohammed VI,le grand
malentendu
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Dix ans après sonintronisation,l’héritier d’Hassan II a déçules espoirs dedémocratie placésen lui.
Ali Amar
Auteur de « Mohammed VI,
le grand malentendu »
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