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MAITRISE EN DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN CONTENTIEUX INTERNATIONAL Epreuve de mai 2003 Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003 République de Mongolie c. Fédération de Russie Corrigé didactique A. Coulibaly 1/54

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MAITRISE EN DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN

CONTENTIEUX INTERNATIONAL

Epreuve de mai 2003

Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

République de Mongolie c. Fédération de Russie

Corrigé didactique

A. Coulibaly

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

Corrigé didactique du cas pratique

Epreuve de mai 2003"Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003"

République de Mongolie c. Fédération de Russie

Nota bene : En annexe figurent le sommaire et l’index de ce corrigé.Comme le corrigé du cas pratique relatif à la fonction consultative, le présent corrigé

est une application stricte et quelque peu sophistiquée des directives méthodologiques consi-gnées dans le bréviaire ad hoc :

1 – Compréhension de la question posée2 – Exposé analytique des règles pertinentes3 – Exposé analytique des faits pertinents4 – Application raisonnée des règles pertinentes aux faits pertinents5 – Conclusion : réponse explicite à la question posée.Selon le contexte, les étapes 2 et 3 sont interchangeables.Naturellement, le correcteur ne s’attend pas à ce que la copie du candidat soit

conforme en tous points à ce corrigé qui a une visée essentiellement didactique. Il se satisfera du respect des grandes lignes de la méthodologie et de la justesse argumentée des réponses.

S’agissant du libellé de ce cas pratique, le candidat aura peut-être relevé, entre autres innovations stylistiques,

- la question que le candidat doit lui-même se poser (Cf. 2° sur le pouvoir reconnu à la Cour d’indiquer d’office des mesures conservatoires),

- la question que le candidat doit lui-même reformuler (Cf. 2° que le post scriptum in-cite à adapter)

- et la question qui appelle une réponse que le candidat doit littéralement imaginer, voire inventer, dans le respect de certaines règles (Cf. 2° sur le contenu des mesures conserva-toires décidées en l’espèce par la Cour).

INTRODUCTION [résumant les faits pertinents…] : sans conséquence sur la note

Le candidat aura remarqué que les questions combinaient interrogations et données de fait.

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

Question n°1 – Recevabilité de la requête - Exception de diffé-rend non – justiciable : Cette argumentation pourrait-elle conduire la Cour à juger irrecevable notre requête ?

Nécessité de résumer ce 1 vu sa longueur.

Définitions et compréhension des termes pertinents de la question n°1 :

Il s’agit non seulement de définitions mais encore d’explications. Les unes et les autres permettent de clarifier les interrogations et les réponses.

- différend : « Un différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contra-diction, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes. » - C.P.J.I., 30 août 1924, Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine, Recueil Série A, n° 2. (Cf. cours) ;

- justiciabilité : Caractère d’un différend qui fait qu’il est susceptible d’être réglé par une décision juridictionnelle (Cf. cours : justiciabilité par nature, etc.) ;

- négociations : Mode diplomatique de règlement des différends internationaux caractérisé par l’absence de tiers (Cf. cours). « Méthode ordinaire suivant laquelle les gouvernements poursuivent leurs rapports mutuels, discutent, ajustent et règlent leurs différends. » - Excep-tion préliminaire, France, C.P.J.I., série C, n° 84, p. 205. « La négociation, c'est le débat, la discussion entre des représentants d'intérêts contraires, discussion en laquelle chacun présente ses raisons et conteste celles de l'autre » - Opinion dissidente de M. Pessôa, C.P.J.I., 30 août 1924, Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine, Recueil Série A, n° 2 (pp. 88-93)

- requête : Acte (instrumentum) unilatéral par lequel une demande, une conclusion est pré-sentée à une juridiction ; la Mongolie étant l’Etat requérant, l’affaire aurait pour sous-titre, de-vant la Cour, République de Mongolie c. Fédération de Russie (Cf. cours) ;

- argumentation : Ensemble des moyens de droit et de fait invoqués à l’appui d’une conclusion ;

- irrecevable : Caractère d’une demande qui fait qu’elle n’est pas susceptible d’être exa-minée au fond ;

- accord sur le fond : En l’espèce, règlement négocié par lequel la Mongolie et la Russie mettraient fin au différend qui les oppose.

***

Compréhension de la question n°1 dans son ensemble :

La question n°11 – met en exergue une argumentation2 – et sollicite notre appréciation sur la validité de cette argumentation.

L’argumentation s’articule autour d’une exception, c’est-à-dire d’un moyen de défense vi-sant à obtenir que la Cour se dessaisisse du différend : l’exception de différend non justi-ciable. Le différend opposant la Mongolie et la Russie  ne serait pas justiciable ; il ne pourrait être réglé par une décision juridictionnelle.

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

Cette exception de différend non justiciable par laquelle la Russie conclut à l’irrecevabilité de la requête se fonde sur l’argument suivant : la requête de la Mongolie est dictée par des ar-rière-pensées politiques.

Et la preuve que la requête de la Mongolie est dictée par des arrière-pensées politiques, c’est que ce pays n’a pas voulu poursuivre les négociations jusqu’à l’obtention d’un accord sur le fond, c’est-à-dire d’un règlement négocié par lequel la Mongolie et la Russie auraient mis fin au différend qui les oppose.

En somme, 1 - Le dessaisissement de la Cour a pour fondement l’irrecevabilité de la requête,2 - L’irrecevabilité de la requête a pour fondement le caractère non justiciable du différend,3 - Le caractère non justiciable du différend a pour fondement le fait que la requête de la

Mongolie est dictée par des arrière-pensées politiques,4 - Le fait que la requête de la Mongolie est dictée par des arrière-pensées politiques a pour

fondement le fait que la Mongolie n’a pas voulu poursuivre les négociations jusqu’à l’obten-tion d’un accord sur le fond.

Un raisonnement régressif (à rebours) à quatre niveaux imbriqués ! C’est sans nul

doute ce que l’on appelle la méthode des matriochkas ou des poupées russes…

La question n°1 du cas pratique sollicite notre appréciation sur la validité de cette argu-mentation de la manière suivante :

Pour évaluer ce raisonnement régressif, nous pourrions l’examiner en le remettant à l’en-droit ; nous analyserions chacun des maillons de la chaîne en partant du dernier car il com-mande le reste. Nous pourrions donc nous s’interroger dans l’ordre suivant :

1 - Le fait que la Mongolie n’a pas voulu poursuivre les négociations jusqu’à l’obtention d’un accord sur le fond prouve-t-il que la requête de la Mongolie est dictée par des arrière-pensées politiques ?

2 - Si la réponse à la question précédente est positive, le fait que la requête de la Mongolie est dictée par des arrière-pensées politiques prouve-t-il le caractère non justiciable du diffé-rend ?

3 - Si la réponse à la question précédente est positive, le caractère non justiciable du diffé-rend entraîne-t-il l’irrecevabilité de la requête ?

4 - Si la réponse à la question précédente est positive, l’irrecevabilité de la requête en-traîne-t-il le dessaisissement de la Cour ?

D’un strict point de vue logique, une telle démarche serait irréprochable. Mais elle ne s’im-pose pas nécessairement.

***

Considérations d’ordre méthodologique (Rappel) :

Tout moyen juridique comporte deux dimensions :

1 - une dimension proprement juridique : on établit cette dimension en répondant à la question « S’il était retenu, ce moyen aurait-il l’effet escompté par la partie qui l’invoque ? » ou à la question « Ce moyen est-il pertinent ? » Une réponse négative fera dire au juge que le moyen est inopérant.

La dimension proprement juridique d’un moyen correspond donc à la pertinence de ce moyen.

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2 - une dimension purement factuelle : on établit cette dimension en répondant à la ques-tion « Le moyen invoqué repose-t-il sur des faits avérés ? » ou à la question « Les faits invo-qués au soutien du moyen correspondent-ils à la réalité ? » Une réponse négative fera dire au juge que le moyen manque en fait.

La dimension purement factuelle d’un moyen correspond donc à la matérialité des faits sur lesquels se fonde ce moyen. Entre parenthèses, les faits ne correspondent pas toujours à des enchaînements ou successions d’événements ; le sens commun est parfois trompeur.

Réfuter un moyen revient, par conséquent, à contester et à rejeter 1 - sa dimension proprement juridique : on démontre que le moyen est inopérant, c’est-à-

dire qu’il est dépourvu de pertinence ;2 - et/ou sa dimension purement factuelle : on démontre que le moyen manque en fait,

c’est-à-dire que les faits sur lesquels se fonde ce moyen ne sont pas avérés, constants.

On peut bien sûr s’efforcer de toujours réfuter en même temps les deux dimensions. Mais ce serait souvent une perte de temps. En effet, si l’une quelconque des deux dimen-

sions fait défaut, le moyen ne sera pas retenu : un moyen jugé inopérant ne sera pas retenu même s’il est reconnu fondé en fait, et inversement.

Une considération additionnelle s’impose : la dimension purement factuelle d’un moyen est plus ardue à établir ou à contester que sa dimension proprement juridique, car elle néces-site l’usage de moyens d’investigation importants. La longueur parfois déraisonnable des pro-cédures contentieuses est souvent imputable aux enquêtes et expertises diligentées à l’effet d’établir la matérialité des faits.   

Voilà pourquoi le souci de l’efficacité et de l’économie du raisonnement et de l’analyse doit nous conduire à la conclusion suivante, qui est aussi celle de la Cour  : si nous vou-lons réfuter un moyen, nous devons nous attacher d’abord à évaluer, et, le cas échéant, à réfu-ter, sa dimension proprement juridique.

Si nous démontrons que le moyen est inopérant, nous ne perdrons pas notre temps à éva-luer sa dimension purement factuelle, puisqu’un moyen jugé inopérant ne sera pas retenu même s’il est reconnu fondé en fait, et inversement.

Bien évidemment, si le moyen n’est pas inopérant, c’est-à-dire s’il est pertinent, nous au-rons à examiner sa dimension purement factuelle.

En somme, une manière pragmatique d’appliquer les règles pertinentes aux faits per-tinents. 

*** 

L’exception de différend non justiciable  autour de laquelle s’articule l’argumentation de la Russie se laisse décomposer en deux présupposés qui en constituent la dimension propre-ment juridique :

1 - présupposé n°1 : la Cour ne peut statuer que sur certains types de requêtes ;2 - présupposé n°2 : une requête dictée par des arrière-pensées politiques ne fait pas partie

des requêtes sur lesquelles la Cour peut statuer.

La dimension purement factuelle (synonyme d’ensemble de faits pertinents) de l’ex-ception se présente ainsi : la requête de la Mongolie est dictée par des arrière-pensées poli-tiques.

Adossé à notre souci de l’économie du raisonnement, nous évaluerons d’abord la dimen-sion proprement juridique (synonyme d’ensemble de règles pertinentes) de l’exception; nous nous demanderons à propos de chacun de ses présupposés s’il est pertinent ou s’il est inopé-rant (A). C’est l’étape de l’exposé et de l’analyse des règles pertinentes.

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En fonction des réponses obtenues, nous nous s’efforcerons ou nous nous abstiendrons d’évaluer la dimension purement factuelle de l’exception (B). C’est l’étape de l’analyse des faits pertinents.

En d’autres termes, si d’aventure nous démontrions par exemple qu’il est inexact qu’une requête dictée par des arrière-pensées politiques ne fait pas partie des requêtes sur lesquelles la Cour peut statuer, nous n’aurions pas besoin de nous s’interroger sur la réalité du fait que la requête de la Mongolie est dictée par des arrière-pensées politiques.

***

A - Dimension proprement juridique de l’exception de différend non jus-ticiable

1 - Présupposé n°1 de l’exception de différend non justiciable : la Cour ne peut-elle statuer que sur certains types de requêtes ? 

Rappelons qu’une requête est un acte (instrumentum) unilatéral par lequel une demande, une conclusion est présentée à une juridiction.

En matière contentieuse, une conclusion étant une décision que l’on convie le juge à prendre au sujet d’un différend, la notion de requête est inséparable de la notion de différend.

Article 40 du Statut de la Cour :« 1. Les affaires sont portées devant la Cour, selon le cas, soit par notification du compromis, soit

par une requête, adressées au Greffier; dans les deux cas, l'objet du différend et les parties doivent être indiqués. »

Par suite, se demander si la Cour ne peut statuer que sur certains types de requêtes revient, en fait, à se demander si la Cour ne peut statuer que sur certains types de différends.

La juridiction de la Cour est-elle réellement limitée à certains types de différends ?

Ce présupposé n°1 de la dimension proprement juridique de l’exception ne peut être établi ou contesté que sur la base d’une part des textes qui régissent la fonction contentieuse de la Cour internationale de Justice, et d’autre part de la jurisprudence de la Cour.

Dispositions pertinentes des textes qui régissent la fonction contentieuse de la Cour internationale de Justice :

Charte des Nations Unies (Rappel):

« Article 36

3. En faisant les recommandations prévues au présent Article, le Conseil de sécurité doit aussi tenir compte du fait que, d'une manière générale, les différends d'ordre juri-dique devraient être soumis par les parties à la Cour internationale de Justice confor-mément aux dispositions du Statut de la Cour. »

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Statut de la Cour internationale de Justice (Rappel):

« Article 36

1. La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumet-tront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur.2. Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer recon-naître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les diffé-rends d'ordre juridique ayant pour objet :a. l'interprétation d'un traité;b. tout point de droit international;c. la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un engagement in-ternational;d. la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement interna-tional. »

« Article 38

1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique :a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige;b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale, acceptée comme étant le droit;c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées;d. sous réserve de la disposition de l'Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. »

« Article 62

1. Lorsqu'un Etat estime que, dans un différend, un intérêt d'ordre juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la Cour une requête, à fin d'intervention. »

Nous constatons que certaines de ces dispositions visent les différends d'ordre juridique - soit explicitement (Article 36, paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies ;  Article 36,

paragraphe 2, du Statut), - soit implicitement (Article 38, paragraphe 1, et Article 62 du Statut questions juri-

diques).Toutefois, ces dispositions ne limitent pas expressément la juridiction de la Cour à certains

types de différends.Qui plus est, le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut semble ouvrir aux Etats la possibilité

de soumettre à la Cour des différends non juridiques – « toutes les affaires ».Nous sommes donc en présence d’un conflit d’interprétations que seul l’examen de la ju-

risprudence de la Cour pourrait nous aider à résoudre.***

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Jurisprudence pertinente de la Cour :  Il résulte de la jurisprudence1 – que la question de la justiciabilité des différends est une question aussi préliminaire que

l’est celle de l’existence même des différends2 – et que la Cour limite sa compétence aux différends justiciables, c’est-à-dire aux diffé-

rends d’ordre juridique.

La question de la justiciabilité des différends est une question aussi préliminaire que l’est celle de l’existence même des différends

- Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14 :

« 32. Avant d'aller plus loin, la Cour croit utile de s'arrêter sur une question préli-minaire, liée à ce qu'on pourrait appeler la justiciabilité du différend dont le Nicara-gua l'a saisie. Dans leur contre-mémoire sur la compétence et la recevabilité les Etats-Unis ont avancé plusieurs raisons pour lesquelles la demande devait être jugée ir-recevable […] »

- Affaires du Sud-ouest africain (Ethiopie c. Afrique du sud; Libéria c. Afrique du sud) excep-tions préliminaires, 21 décembre 1962 :

« Avant d'entreprendre cette tâche, la Cour estime toutefois nécessaire de trancher une question préliminaire touchant l'existence du différend qui fait l'objet des re-quêtes. » (Cf. cours)

- Affaire des essais nucléaires (Australie c. France), arrêt du 20 décembre 1974 :

« 55. La Cour, comme organe juridictionnel, a pour tâche de résoudre des différends existant entre Etats. L'existence d'un différend est donc la condition première de l'exercice de sa fonction judiciaire; »

La Cour limite sa compétence aux différends justiciables, c’est-à-dire aux différends d’ordre juridique

- Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14 :

« 33. En premier lieu, il a été soutenu que le présent différend devrait être déclaré non justiciable parce qu'il n'entre pas dans la catégorie des " différends d'ordre juri-dique » au sens de l'article 36, paragraphe 2, du Statut. Il est vrai qu'en vertu de cette disposition la compétence de la Cour est limitée aux « différends d'ordre juridique » ayant pour objet l'une quelconque des matières énumérées. » (Cf. cours)

- Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), arrêt du 20 dé-cembre 1988 :

“The Court, as a judicial organ, is however only concerned to establish, first, that the dispute before it is a legal dispute, in the sense of a dispute capable of being settled by the application of principles and rules of international law, and secondly, that

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the Court has jurisdiction to deal with it, and that that jurisdiction is not fettered by any circumstance rendering the application inadmissible. The purpose of recourse to the Court is the peaceful settlement of such disputes;”

On le voit, la Cour limite sa compétence aux différends d’ordre juridique.Comme le montre ci-dessus la dernière citation, un différend d’ordre juridique est un

différend susceptible d’être réglé par application des règles et principes du droit inter-national énoncés à l’article 38 précité du Statut (« a dispute capable of being settled by the application of principles and rules of international law »).

Et naturellement un différend susceptible d’être réglé par application des règles et principes du droit international énoncés à l’article 38 précité du Statut est un différend soulevant des questions de droit international :

« Un différend concernant des locaux diplomatiques et consulaires et la détention de personnes internationalement protégées et mettant en jeu l'interprétation ou l'appli-cation de conventions multilatérales qui codifient le droit international en matière de relations diplomatiques et consulaires relève, par sa nature même, de la juridiction internationale. » (Affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (États-Unis d'Amérique c. Iran) Ordonnance du 15 décembre 1979, C.I.J. Recueil 1979, p. 16, par. 25).

Que la Cour limite sa compétence aux différends d’ordre juridique rencontre une illustration éclatante dans la fameuse définition précitée du différend international à laquelle l’actuelle cour s’est ralliée en substituant récemment, en vue d’une plus grande précision, parties à per-sonnes et conflit à contradiction :

« 22. La Cour rappellera qu’au sens admis dans sa jurisprudence et celle de sa de-vancière un différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, un conflit, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre des parties (voir Concessions Ma-vrommatis en Palestine. Arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2, p.11 ; Cameroun septen-trional, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 27, et Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988, p. 21, par. 35). » - Affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie, 30 juin 1995

Ajoutons, pour couper court à toute spéculation, que les intérêts auxquels il est fait référence sont des intérêts juridiques :

« La fonction de la Cour est de dire le droit, mais elle ne peut rendre des arrêts qu'à l'occasion de cas concrets dans lesquels il existe, au moment du jugement, un litige réel impliquant un conflit d'intérêts juridiques entre les parties. » - Affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt du 2 dé-cembre 1963.

***

Conclusion sur le présupposé n°1 de l’exception de différend non justi-ciable :

L’analyse de l’interprétation jurisprudentielle des textes pertinents révèle que la Cour ne peut statuer que sur des requêtes qui présentent à juger des différends d’ordre juridique, des différends susceptibles d’être réglés par application des règles et principes du droit internatio-nal énoncés à l’article 38 précité du Statut, c’est-à-dire des différends soulevant des questions de droit international – Cf. cours.

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Bien entendu, la question de savoir si un différend entre deux Etats est ou n'est pas un dif-férend d'ordre juridique peut être elle-même en litige entre ces deux Etats ; dans ce cas il ap-partient à la Cour de décider, comme le prévoit le paragraphe 6 de l'article 36 du statut - Acti-vités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

***

2 - Présupposé n°2 de l’exception de différend non justiciable : est-il exact qu’une requête dictée par des arrière-pensées politiques ne fait pas partie des requêtes sur lesquelles la Cour peut statuer ?

Fort logiquement, l’analyse faite ci-dessus de l’interprétation jurisprudentielle des textes pertinents doit conduire à la conclusion suivante : la Cour ne peut statuer sur une requête qui présenterait à juger un différend exclusivement politique, un différend non justiciable, c’est-à-dire qui un différend qui ne serait pas susceptible d’être réglé par application des règles et principes du droit international énoncés à l’article 38 précité du Statut.

En effet, dans toutes les espèces où ce moyen a été invoqué, la Cour a pris soin d’en exa-miner la dimension factuelle, ce qui n’aurait pas été le cas si elle avait tenu ce moyen pour to -talement inopérant (Economie du raisonnement et de l’analyse oblige).

Mais jusqu’à présent cet examen a toujours débouché sur un rejet du moyen. Il faut tout de même préciser que dans toutes ces espèces les différends ont été considérés

comme juridiques malgré la connotation politique que leur prêtaient les Etats qui souhaitaient voir la Cour rejeter les requêtes.

En fait, la jurisprudence de la Cour autorise les observations suivantes :

i - la Cour ne peut statuer sur une requête ayant pour objet un différend exclusivement poli-tique ;

ii - aux yeux de la Cour, un différend d’ordre juridique n’est pas nécessairement un diffé-rend d’ordre exclusivement juridique ;

iii - un différend partiellement politique et partiellement juridique reçoit la qualification de différend juridique ;

iv - si un différend d’ordre juridique comporte des aspects politiques, la Cour accepte quand même de statuer à son sujet en le considérant comme un différend d’ordre juridique ;

v - donc, pour la Cour, seul serait pertinent le moyen tiré du caractère exclusivement politique d’un différend; en revanche serait inopérant le moyen tiré du caractère partielle-ment politique d’un différend partiellement juridique.

- Affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (États-Unis d'Amérique c. Iran), arrêt du 24 mai 1980 :

« Des explications sur ces différents points auraient été d'autant plus nécessaires que les différends juridiques entre Etats souverains ont, par leur nature même, toutes chances de surgir dans des contextes politiques et ne représentent souvent qu'un élé-ment d'un différend politique plus vaste et existant de longue date entre les Etats concernés. Nul n'a cependant jamais prétendu que, parce qu'un différend juri-dique soumis à la Cour ne constitue qu'un aspect d'un différend politique, la Cour

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doit se refuser à résoudre dans l'intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent. La Charte et le Statut ne fournissent aucun fondement à cette conception des fonctions ou de la juridiction de la Cour ; si la Cour, contrairement à sa jurisprudence constante, acceptait une telle conception, il en résulterait une restriction considérable et injustifiée de son rôle en matière de règlement pacifique des différends internatio-naux. »

- Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), Compétence et recevabilité, 26 novembre 1984 :

« 96. Il convient également de rappeler que, comme en témoigne l'affaire du Détroit de Corfou (C.I.J. Recueil 1949, p. 4), la Cour ne s'est jamais dérobée devant l'exa-men d'une affaire pour la simple raison qu'elle avait des implications poli-tiques[…] »

- Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), arrêt du 20 dé-cembre 1988 :

"The purpose of recourse to the Court is the peaceful settlement of such disputes; the Court's judgment is a legal pronouncement, and it cannot concern itself with the political motivation which may lead a State at a particular time, or in particular cir-cumstances, to choose judicial settlement. So far as the objection of Honduras is based on an alleged political inspiration-of the proceedings, it therefore cannot be upheld. "

***

Conclusion sur le présupposé n°2 de l’exception de différend non justi-ciable :

La Cour ne peut statuer sur des requêtes qui présentent à juger des différends exclusive-ment politiques. Mais elle peut statuer sur des requêtes qui d’une part présentent à juger des différends d’ordre juridique et d’autre part seraient inspirées par des arrière-pensées ou mo-biles politiques.

***

Conclusion sur la dimension proprement juridique de l’exception de dif-férend non justiciable :

La dimension proprement juridique de l’exception de différend non justiciable est donc établie sous la forme de deux règles pertinentes :

1 - la Cour ne peut statuer que sur les requêtes qui présentent à juger des différends d’ordre juridique, des différends susceptibles d’être réglés par application des règles et principes du droit international énoncés à l’article 38 précité du Statut, c’est-à-dire donc des différends soulevant des questions de droit international ;

2 - mais elle peut statuer sur les requêtes qui d’une part présentent à juger des différends d’ordre juridique et d’autre part seraient inspirées par des arrière-pensées ou mobiles poli-tiques. En effet, un différend partiellement juridique et partiellement politique reste un diffé-rend juridique.

Ainsi donc, l’exception de différend non justiciable est un moyen pertinent si elle se fonde sur le 1 ci-dessus, un moyen inopérant si elle est basée sur le 2.

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Il nous reste à appliquer ces règles pertinentes à l’exception russe en nous attachant à sa di-mension factuelle.

*** B - Dimension purement factuelle de l’exception de différend non justi-

ciable Compte tenu des règles pertinentes exposées plus haut, nous nous attacherons d’abord à

démontrer que le différend que la requête de la Mongolie présente à juger est au moins par-tiellement juridique.

Si nous y parvenons, nous pourrons faire l’économie de l’interrogation relative au carac-tère politique des arrière-pensées de l’Etat requérant, puisqu’un différend reconnu juridique reste un différend juridique même s’il comporte des aspects politiques. Un différend partielle-ment juridique et partiellement politique est un différend juridique – nous l’avons démontré plus haut.

Le différend soumis à la Cour par la Mongolie est-il au moins partiellement juri-dique ?

De toute évidence, oui :

1 - Le différend soumis à la Cour par la Mongolie soulève des questions de droit inter-national : La Russie a-t-elle engagé sa responsabilité internationale à l’égard de la Mongo-lie ? Ou encore compte tenu des données pertinentes du cas pratique ("Après avoir réitéré nos griefs et moyens") : dans ses rapports avec la Mongolie, la Russie a-t-elle violé, dans des conditions propres à engager sa responsabilité internationale, la Charte des Nations Unies, le droit international coutumier, la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l’avia-tion civile internationale et la Convention de Montréal du 23 septembre 1971 pour la répres-sion d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile ?  La Russie doit-elle présen-ter des excuses officielles à la Mongolie et indemniser intégralement les ayants droit des vic-times et la Mongolian Airways ?

2 – Les questions de droit international  que soulève le différend soumis à la Cour par la Mongolie sont susceptibles d’être tranchées par application des règles et principes du droit in-ternational énoncés à l’article 38 précité du Statut.

***

Conclusion sur la dimension purement factuelle de l’exception de diffé-rend non justiciable :

Le différend soumis à la Cour par la Mongolie est au moins partiellement juridique. Ayant établi le caractère au moins partiellement juridique du différend soumis à la Cour

par la Mongolie, nous n’avons pas à nous interroger sur la réalité du caractère politique des arrière-pensées de l’Etat requérant, puisqu’un différend reconnu juridique reste un dif-férend juridique même s’il comporte des aspects politiques. Un tel moyen devient inopérant.

Au surplus, nous n’avons pas besoin non plus de nous demander si le fait que la Mongolie n’a pas voulu poursuivre les négociations jusqu’à l’obtention d’un accord sur le fond prouve que la requête de la Mongolie est dictée par des arrière-pensées politiques. La manière de conduire les négociations pourrait plutôt avoir une incidence sur la pertinence des bases de compétence que sont la Convention de Chicago et la Convention de Montréal (Cf. question n°3).

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

Signalons enfin à l’attention du gouvernement russe que l’obligation – conventionnelle – de négocier

- équivaut à une obligation de négocier de bonne foi- mais n’équivaut pas à une obligation de parvenir à un accord. Elle s’analyse en une

obligation de moyens - de comportement - et non de résultat. L'engagement de négocier n'im-plique pas celui de s'entendre.

Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13.) :

«Une négociation ne suppose pas toujours et nécessairement une série plus ou moins longue de notes et de dépêches; ce peut être assez qu'une conversation ait été en-tamée; cette conversation a pu être très courte : tel est le cas si elle a rencontré un point mort, si elle s'est heurtée finalement à un non possumus ou à un non volumus pé-remptoire de l'une des Parties et qu'ainsi il est apparu avec évidence que le différend n'est pas susceptible d'être réglé par une négociation diplomatique.»

***

Conclusion sur la question n°1 du cas pratique :

Cette argumentation ne pourrait pas conduire la Cour à juger irrecevable notre re-quête.

En d’autres termes, est irrecevable l’exception russe consistant à contester la justiciabilité du différend en soutenant que la requête mongole est dictée par des arrière-pensées politiques.

Certes, la Cour ne peut statuer que sur des requêtes qui présentent à juger des différends d’ordre juridique, des différends susceptibles d’être réglés par application des règles et prin-cipes du droit international énoncés à l’article 38 précité du Statut, c’est-à-dire donc des diffé-rends soulevant des questions de droit international.

Elle ne saurait statuer sur des requêtes qui présentent à juger des différends exclusivement politiques :

Affaire Haya de la Torre, Arrêt du 13 juin 1951: C.I.J. Recueil 1951, p. 71:« La forme interrogative qu'elles ont donnée à leurs conclusions montre qu'elles en-

tendent que la Cour opère un choix entre les diverses voies par lesquelles l'asile peut prendre fin. Mais ces voies sont conditionnées par des élément de fait et par des possi-bilités que, dans une très large mesure, les Parties sont seules en situation d'apprécier. Un choix entre elles ne pourrait être fondé sur des considérations juridiques, mais seulement sur des considérations de nature pratique ou d'opportunité politique ; il ne rentre pas dans la fonction judiciaire de la Cour d'effectuer ce choix. »

Mais elle peut statuer sur des requêtes qui d’une part présentent à juger des différends

d’ordre juridique et d’autre part seraient inspirées par des arrière-pensées ou mobiles poli-tiques.

Nous avons démontré que les questions soulevées la requête mongole étaient des questions de droit international susceptibles d’être réglées par application des règles et principes du droit international énoncés à l’article 38 précité du Statut.

En conséquence, que la requête mongole soit ou non dictée par des arrière-pensées poli-tiques est dénué de toute pertinence et ne peut rendre cette requête irrecevable. Le parallèle avec la fonction consultative est patente – Cf. cours et corrigé du cas pratique relatif à la fonc-tion consultative. La procédure contentieuse et la procédure consultative s’influencent mutuel-lement.

*****

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

Question n°2 – Fondement et objet des mesures conservatoires dé-cidées par la Cour 

Nécessité de résumer ce 2 vu sa longueur.

Définitions et compréhension des termes pertinents de la question n°2 :

Rappel : Il s’agit non seulement de définitions mais encore d’explications. Les unes et les autres permettent de clarifier les interrogations et les réponses.

- mesures conservatoires : normes de conduite et de sauvegarde qu’une juridiction pres-crit aux parties en attendant sa décision définitive ;

- l’objet de ces mesures : le contenu desdites mesures conservatoires ou normes de conduite et de sauvegarde ;

- les raisons qui ont déterminé la Cour à vouloir les prononcer : les motifs de fait et les motifs de droit pour lesquels la Cour internationale de Justice veut indiquer des mesures conservatoires.  

***

Compréhension de la question n°2 dans son ensemble :

La question n°2 du cas pratique diffère des autres, notamment en ce sens - qu’elle doit être reformulée partiellement compte tenu du post scriptum,- qu’elle ne donne pas à évaluer un moyen- et qu’elle nous convie plutôt à reconstituer une décision (une ordonnance) de la Cour :

dispositif, motifs et fondement.

Cette question comprend trois interrogations :

1 – deux interrogations explicites :a - Compte tenu du contexte, quel pourrait être l’objet de ces mesures ? ou encore,

compte tenu des définitions et du post scriptum, quel est le contenu des mesures conserva-toires ou normes de conduite et de sauvegarde que la Cour a prescrites ?

b - Quelles sont les raisons qui ont déterminé la Cour à vouloir les prononcer ? ou en-core, compte tenu des définitions et du post scriptum, quels sont les motifs de fait et de droit pour lesquels la Cour internationale de Justice a indiqué des mesures conservatoires ?

2 – une interrogation implicite : la Cour pouvait-elle valablement prescrire d’office des mesures conservatoires ? Données pertinentes du cas pratique : « Or ni la Russie ni la Mongo-lie n’ont sollicité l’indication de telles mesures. »

Nous nous évertuerons à répondre à chacune de ces trois interrogations.Mais dans quel ordre ?Prima facie, nous sommes tenté de suivre l’ordre des interrogations. Il nous faut cependant résister à la tentation. En effet si des questions ont un sens dans un certain ordre, les réponses à ces questions

peuvent n’avoir de sens que dans un ordre différent. Quiconque a déjà lu rigoureusement une décision de justice le comprendra aisément.

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

Nous présenterons donc nos réponses dans l’ordre suivant :i - réponse à l’interrogation sur les motifs de fait et de droit pour lesquels la Cour interna-

tionale de Justice a indiqué des mesures conservatoires ;ii - réponse à l’interrogation implicite relative au pouvoir pour la Cour de prescrire d’office

des mesures conservatoiresiii - et réponse à l’interrogation sur le contenu des mesures conservatoires ou normes de

conduite et de sauvegarde que la Cour a prescrites.

Ordre logique dont le schéma serait le suivant :i - les raisons de faire une chose,ii - le pouvoir de faire cette choseiii - et le contenu de ladite chose – comme ce contenu varie en fonction des raisons et du

pouvoir, il faut analyser au préalable ces raisons et ce pouvoir.

Comme la question n°2 du cas pratique nous convie à reconstituer une décision (une ordonnance) de la Cour, notre schéma correspond partiellement à celui de la démarche de tout juge : fondement, motifs et dispositif.

Mais en droit les choses sont rarement aussi rigides qu’elles paraissent. Hans Reichenbach met en garde contre la confusion entre le contexte de justification et le

contexte de découverte. La présentation formelle d’une décision juridictionnelle (fondement, motifs et dispositif)

s’inscrit dans un contexte de justification ; dans le contexte de justification, fondement et mo-tifs précèdent et déterminent le dispositif. Cet ordre rassure le lecteur.

Mais dans la cuisine interne du juge, à savoir le contexte de découverte, il se peut fort bien que le juge ait d’abord découvert le dispositif avant de lui chercher un fondement et des mo-tifs.

Pour rendre moins vicieux le cercle, nous dirons que la relation de détermination- joue principalement dans le sens descendant : fondement, puis motifs et enfin dispositif ;- et accessoirement dans un sens partiellement ascendant : fondement, puis dispositif et en-

fin motifs ; la pré-connaissance du contenu permettant parfois de mieux choisir les motifs.

***

Nous répondrons successivement- à l’interrogation relative aux motifs qui ont conduit la Cour à indiquer des mesures

conservatoires (A),- à l’interrogation sur le pouvoir de prescrire d’office des mesures conservatoires (B)- et à l’interrogation sur le contenu des mesures conservatoires indiquées par la Cour (C).

***

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

A - Interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique : quels sont les motifs de fait et de droit pour lesquels la Cour internationale de Justice a indiqué des mesures conservatoires ?

Bien évidemment, l’interrogation originelle du cas pratique est la suivante : Quelles sont les raisons qui ont déterminé la Cour à vouloir les prononcer ?

Mais comme nous avons appris- de nos définitions et explications liminaires que raisons signifiait motifs de droit et motifs

de fait,- et du post scriptum que la Cour a indiqué des mesures conservatoires. Données perti-

nentes du cas pratique : « Nous apprenons à l’instant même que, s’agissant de la question des me-sures conservatoires, la Cour vient de rendre son ordonnance. »,

nous devions reformuler et comprendre l’interrogation de la manière qui suit : quels sont les motifs de fait et de droit pour lesquels la Cour internationale de Justice a indiqué des me-sures conservatoires ?

Une interrogation simple puisqu’il ne s’agit nullement – rappelons-le - d’évaluer un moyen.

Une interrogation qui renvoie à deux présupposés interrogatifs qui en forment respecti-vement la dimension proprement juridique et la dimension purement factuelle :

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1: d’une ma-nière générale, à quelles conditions de droit et de fait la Cour subordonne-t-elle l’indication de mesures conservatoires ? C’est l’étape de l’exposé et de l’analyse des règles pertinentes.

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 : en l’espèce, le libellé du cas pratique révèle-t-il les circonstances de fait et de droit qui ont conduit la Cour à conclure qu’étaient réunies les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée l’indi-cation de mesures conservatoires ? C’est l’étape de l’analyse des faits pertinents.

Fidèle à notre méthode originelle, nous évaluerons successivement la dimension propre-ment juridique (1) et la dimension purement factuelle (2) de cette interrogation n°1.

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique : d’une manière générale, à quelles conditions de droit et de fait la Cour subordonne-t-elle l’indication de me-sures conservatoires ? 

L’évaluation de cette dimension proprement juridique passe par l’analyse des textes et de la jurisprudence de la Cour.

Dispositions pertinentes des textes qui régissent l’indication par la Cour de mesures conservatoires :

Statut de la Cour

« Article 411. La Cour a le pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circonstances l'exigent,

quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provi-soire. 

2. En attendant l'arrêt définitif, l'indication de ces mesures est immédiatement noti-fiée aux parties et au Conseil de sécurité. »

Règlement de la Cour

Article 731. Une partie peut présenter une demande en indication de mesures conservatoires

par écrit à tout moment de la procédure engagée en l’affaire au sujet de laquelle la de-mande est introduite.

Article 741. La demande en indication de mesures conservatoires a priorité sur toutes autres

affaires.2. Si la Cour ne siège pas au moment de la présentation de la demande, elle est im-

médiatement convoquée pour statuer d’urgence sur cette demande.

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

Ces dispositions textuelles exposent, indirectement d’ailleurs, certaines des conditions de droit et de fait auxquelles la Cour subordonne l’indication de mesures conservatoires :

1 - l’introduction préalable d’une instance principale sur le fond - Article 73, paragraphe 1, du Règlement,

2 - le risque qu’une atteinte soit portée aux droits des parties – Article 41 du Statut3 - et l’urgence - Article 74 du Règlement.

L’analyse de la jurisprudence devrait permettre de compléter et de développer ces condi-tions. Une synthèse s’imposera ensuite.

***

Jurisprudence pertinente de la Cour :

1 – sur l’introduction préalable d’une instance principale sur le fond :* Affaire LaGrand, Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique, 27 juin 2001, C.I.J. Re-

cueil : « 3. Le 2 mars 1999, jour du dépôt de la requête, le Gouvernement allemand a également dé-posé au Greffe de la Cour une demande en indication de mesures conservatoires fondée sur l'article 41 du Statut et les articles 73, 74 et 75 du Règlement […] » ;

2 – sur la conviction de la Cour qu'elle a, prima facie, compétence pour se prononcer sur le fond :

* Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Islande), mesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 12 : « 15. Considérant que, lorsqu'elle est saisie d'une demande en indication de mesures conservatoires, la Cour n'a pas besoin, avant d'indiquer ces mesures, de s'assurer de manière concluante de sa compétence quant au fond de l'affaire, mais qu'elle ne doit cependant pas appliquer l'article 41 du Statut lorsque son incompétence au fond est manifeste; »

* Affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d'Amérique) demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 5 février 2003 : « 38. Consi-dérant qu'en présence d'une demande en indication de mesures conservatoires la Cour n'a pas besoin, avant de décider d'indiquer ou non de telles mesures, de s'assurer d'une manière définitive qu'elle a compétence quant au fond de l'affaire, mais qu'elle ne peut cependant indiquer ces mesures que si les dispositions invoquées par le demandeur semblent prima facie constituer une base sur laquelle la com-pétence de la Cour pourrait être fondée; »

3 – sur le risque qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige ou l’éven-tualité de l’aggravation ou de l’extension d’un conflit :

* Affaire de l'Anglo-Iranian Oil Co., Ordonnance du 5 juillet 1951 : C. I. J. Recueil 1951, p. 89. : « Considérant que l'objet des mesures conservatoires prévues au Statut est de sauvegarder les droits de chacun en attendant que la Cour rende sa décision ; que, de la formule générale employée par l'article 41 du Statut et du pouvoir reconnu à la Cour par l'article 61, paragraphe 6, du Règlement, d'indiquer d'office des mesures conservatoires, il résulte que la Cour doit se préoccuper de sauvegarder par de telles mesures les droits que l'arrêt qu'elle aura ultérieurement à rendre pourrait éventuellement reconnaître, soit au demandeur, soit au défendeur ; » ;

* Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Islande), mesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 12. : « 21. Considérant que le droit pour la Cour d'indiquer des mesures conservatoires, pré-vu à l'article 41 du Statut, a pour objet de sauvegarder les droits des parties en attendant que la Cour rende sa décision, qu'il présuppose qu'un préjudice irréparable ne doit pas être causé aux droits en litige devant le juge et qu'aucune initiative concernant les mesures litigieuses ne doit anticiper sur l'ar-rêt de la Cour; » ;

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

* Essais nucléaires (Australie c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973, C.I.J. Recueil 1973, p. 99 : « 20. Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires conféré à la Cour par l'article 41 du Statut a pour objet de sauvegarder les droits des parties en attendant que la Cour rende sa décision, qu'il présuppose qu'un préjudice irréparable ne doit pas être causé aux droits en litige devant le juge et qu'aucune initiative concernant les questions litigieuses ne doit anticiper sur l'arrêt de la Cour; »

* Affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, or-donnance du 3 mars 1999, C.I.J. Recueil 1999, p. 14-15, par. 22) : « 22. Considérant que le pou-voir d'indiquer des mesures conservatoires que la Cour tient de l'article 41 de son Statut a pour objet de sauvegarder le droit de chacune des Parties en attendant qu'elle rende sa décision, et présuppose qu'un préjudice irréparable ne doit pas être causé aux droits en litige dans une procédure judiciaire; qu'il s'ensuit que la Cour doit se préoccuper de sauvegarder par de telles mesures les droits que l'arrêt qu'elle aura ultérieurement à rendre pourrait éventuellement reconnaître, soit au demandeur, soit au dé-fendeur; »

4 – sur l’urgence : * Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordon-

nance du 29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, p. 17, par. 23 « 50. Considérant que les mesures conservatoires visées à l'article 41 du Statut sont indiquées "en attendant l'arrêt définitif" de la Cour au fond et ne sont par conséquent justifiées que s'il y a urgence, c'est-à-dire s'il est probable qu'une action préjudiciable aux droits de l'une ou de l'autre Partie sera commise avant qu'un tel arrêt définitif ne soit rendu » - Cf. aussi Affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d'Amé-rique) demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 5 février 2003.

* Procès de prisonniers de guerre pakistanais, mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet 1973, C.I.J. Recueil 1973, p. 328 : « 14. Considérant que le fait que le Gouvernement pa-kistanais prie maintenant la Cour de différer la suite de l'examen de la demande en indication de me-sures conservatoires signifie que la Cour n'est plus saisie d'une demande en indication de mesures conservatoires sur laquelle elle doive statuer d'urgence; et que la Cour n'est donc pas appelée à se prononcer sur cette demande ; »

5 – sur la conviction de la Cour que les mesures sollicitées ne préjudicient pas aux droits d’une partie :

* Différend frontalier, mesures conservatoires, ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 3 : « 30. Considérant que la décision rendue en la présente procédure ne doit préju-ger aucune question relative au fond de l'affaire portée devant la Chambre, et qu'elle doit laisser in-tacts les droits des Parties à cet égard; »

* Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigé-ria), ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 22, par. 35 : « la Cour doit se pré-occuper de sauvegarder par de telles mesures les droits que l'arrêt qu'elle aura ultérieurement à rendre pourrait éventuellement reconnaître, soit au demandeur, soit au défendeur […] ».

***

Conclusion sur le présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique :

D’une manière générale, la Cour subordonne l’indication de mesures conservatoires aux cinq conditions de droit et de fait suivantes :

1 - l’introduction préalable d’une instance principale sur le fond ;2 - la conviction de la Cour qu'elle a, prima facie, compétence pour se prononcer sur

le fond ;3 - le risque qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige ou l’éventualité

de l’aggravation ou de l’extension d’un conflit ;

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

4 - l’urgence ;5 - la conviction de la Cour que les mesures conservatoires en question ne préjudicient

pas aux droits d’une partie.

Rappelons que la démarche est fondée sur le souci de l’économie du raisonne-ment et de la pertinence des moyens – Cf. cours :

La cour s’assure d’abord que la condition n°1 est remplie. En général, cela ressort implicite-ment de son ordonnance. Exemple : "3. Le 2 mars 1999, jour du dépôt de la requête, le Gouvernement allemand a également déposé au Greffe de la Cour une demande en indication de mesures conserva-toires fondée sur l'article 41 du Statut et les articles 73, 74 et 75 du Règlement […]" – C.I.J., 27 juin 2001, Affaire LaGrand, Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique. Si cette condition n°1 venait à manquer, la demande serait rejetée sans qu’il y ait besoin d’examiner les autres conditions.

Ensuite, la Cour vérifie la réalité de la condition n°2. Si elle n’est pas remplie, la Cour s’abs-tiendra en principe d’examiner les autres conditions. En effet, celles-ci ne seraient pas pertinentes, car même si elles étaient remplies, la Cour ne pourrait pas indiquer de mesures conservatoires puisqu’elle a déjà estimé qu’elle n’avait pas, prima facie, compétence.

Si la condition n°2 est remplie, la Cour s’attachera à examiner les conditions suivantes. A ce stade, une précision s’impose : il arrive que la Cour procède à une fusion des conditions n°3 et 4 en une seule formule l’urgence. Cette urgence - au sens large - englobe

- d’une part la condition n°3 : le risque qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en li-tige ou l’éventualité de l’aggravation ou de l’extension d’un conflit,

- et d’autre part, la condition n°4 : l’urgence dans l’acception temporelle du mot.Cette fusion s’explique par le fait que même si les deux conditions sont intellectuellement dis-

tinctes, la seconde (la condition n°4) n’a de sens que par rapport à la première (la condition n°3). La condition n°3 peut être remplie sans que la condition n°4 le soit, mais l’inverse n’est pas vrai (revoyez donc, plus haut, la définition de la condition n°4).

Si les conditions n°3 et 4 (fusionnées ou non en une seule formule) sont remplies, la Cour exa-minera la condition n°5.

Si, en revanche, les conditions n°3 et 4 ne sont pas remplies, la Cour s’abstiendra d’examiner la condition n°5. En effet, celle-ci ne serait pas pertinente, car même si elle était remplie, la Cour ne pourrait pas indiquer de mesures conservatoires puisqu’elle a déjà estimé que les conditions n°3 et 4 n’étaient pas réunies.

Il convient donc de toujours garder à l’esprit ce souci juridictionnel de l’économie du raison-nement et de la pertinence des moyens, sans compter le caractère discrétionnaire de la compétence de la Cour.

***

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique : en l’espèce, le libellé du cas pra-tique révèle-t-il les circonstances de fait et de droit qui ont conduit la Cour à conclure qu’étaient réunies les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée l’indication de mesures conservatoires ?

Sachant que le post scriptum nous apprend que la Cour a effectivement indiqué des me-sures conservatoires, et sauf à présumer hasardeusement que la Cour a méconnu sa propre ju-risprudence, nous rechercherons ces circonstances de fait et de droit avec la certitude qu’elles existent même si elles ne sont pas énoncées explicitement dans le libellé du cas pratique.

Nous serons guidé dans notre quête par la connaissance précédemment établie des cinq conditions auxquelles est subordonnée l’indication de mesures conservatoires.

En d’autres termes, nous nous demanderons au sujet de chaque condition si le libellé du cas pratique nous apprend, directement ou indirectement, qu’elle est remplie.

1 – Une instance principale sur le fond a-t-elle a été introduite préalablement au prononcé des mesures conservatoires ?

La réponse est affirmative. A preuve, l’emploi du passé pour décrire l’introduction de l’instance et du présent (réel et non de narration) pour rapporter, d’ailleurs dans le post scrip-tum, l’indication de mesures conservatoires.

Données pertinentes du cas pratique : « Le 11 mai 2003, alors que des bruits de botte et de chenilles se faisaient entendre sur les rives du fleuve Amour (Heilong jiang, en chinois) qui sépare nos deux pays, nous avons déposé au greffe de la Cour internationale de Justice une requête introdui-sant une instance contre la Russie. 

Post scriptum : Nous apprenons à l’instant même que, s’agissant de la question des mesures conser-vatoires, la Cour vient de rendre son ordonnance. Faute de temps, nous ne vous en communiquons pas le contenu.»

2 – Quels sont les éléments qui ont incité la Cour à acquérir la conviction qu'elle avait, prima facie, compétence pour se prononcer sur le fond ?

Les trois bases de compétence invoquées par la Mongolie. Même si ces bases sont discutables – et elles seront discutées ci-dessous au 3 -, elles

n’en demeurent pas moins plausibles et ne révèlent point une incompétence manifeste – Cf. Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Islande), mesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 12.

3 – Quelles sont les circonstances de fait qui révèlent le risque qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige ou l’éventualité de l’aggravation ou de l’exten-sion du conflit ?

Que des troupes et des chars russes et mongols s’activent sur les deux rives du fleuve Amour qui sépare les deux pays, cela laisse présager une aggravation, voire une extension du conflit.

4 – Quelles sont les circonstances de fait qui prouvent qu’il y a urgence à indi-quer des mesures conservatoires ?

Même réponse que précédemment : la présence de troupes et de chars russes et mon-gols sur les deux rives du fleuve Amour qui sépare les deux pays.

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5 – Quels sont les éléments qui ont incité la Cour à acquérir la conviction que les mesures conservatoires en question ne préjudicieraient pas aux droits d’une partie ?

La réponse à cette question n’est pas dans le libellé du cas pratique. Données pertinentes du cas pratique :« Post scriptum : Nous apprenons à l’instant même que, s’agissant de la question des mesures

conservatoires, la Cour vient de rendre son ordonnance. Faute de temps, nous ne vous en communi-quons pas le contenu. »

C’est nous qui devrons définir correctement le contenu des mesures conservatoireslorsque nous répondrons à l’interrogation suivante du cas pratique : « compte tenu du contexte, quel pourrait être l’objet de ces mesures ? »

Voilà pourquoi il était logique que nous renversions l’ordre des interrogations de la question n°2 du cas pratique :

- répondre d’abord, comme nous sommes en train de le faire, à l’interrogation « Quelles sont les raisons qui ont déterminé la Cour à vouloir les prononcer ? »

- répondre ensuite, comme nous le ferons dans un instant, à l’interrogation « compte te-nu du contexte, quel pourrait être l’objet de ces mesures ? ».

***

Conclusion sur le présupposé n°2 ou dimension purement factuelle  de l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique :

En l’espèce, le libellé du cas pratique révèle les circonstances de fait et de droit qui ont conduit la Cour à conclure qu’étaient réunies les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée l’indication de mesures conservatoires.

A un détail près : la question de savoir si les mesures conservatoires en question ne préjudi-cient pas aux droits d’une partie. En effet, la réponse à cette question ne se trouve pas dans le cas pratique, mais dépend étroitement de la réponse que nous donnerons dans un instant à l’interrogation « compte tenu du contexte, quel pourrait être l’objet de ces mesures ? ».

***

Conclusion sur l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique :

 La Cour internationale de Justice a indiqué des mesures conservatoires a indiqué des mesures des mesures conservatoires parce qu’elle a estimé que se trouvaient réunies, en l’espèce, les cinq conditions auxquelles de jurisprudence constante se trouve subordonnée une telle indica-tion, à savoir :

1 - l’introduction préalable d’une instance principale sur le fond ;2 - la conviction de la Cour qu'elle a, prima facie, compétence pour se prononcer sur

le fond ;3 - le risque qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige ou l’éventualité

de l’aggravation ou de l’extension du conflit ;4 - l’urgence5 – et la conviction de la Cour que les mesures conservatoires en question ne préjudi-

cient pas aux droits d’une partie.***

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

B - Interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique : la Cour pou-vait-elle valablement prescrire d’office des mesures conservatoires ?

C’est une interrogation que le libellé de la question n°2 nous incitait à nous poser.Données pertinentes du cas pratique : « Or ni la Russie ni la Mongolie n’ont sollicité l’indi-

cation de telles mesures. »

Une interrogation simple puisqu’il ne s’agit nullement – rappelons-le - d’évaluer un moyen.

Une interrogation qui renvoie à deux présupposés interrogatifs qui en forment respective-ment la dimension proprement juridique et la dimension purement factuelle :

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°2 : d’une ma-nière générale, la Cour est-elle habilitée à prescrire d’office des mesures conservatoires ? C’est l’étape de l’exposé et de l’analyse des règles pertinentes.

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°2 : en l’espèce, la Cour était-elle en droit de prescrire d’office des mesures conservatoires ? C’est l’étape de l’analyse des faits pertinents.

Fidèle à notre méthode originelle, nous évaluerons successivement la dimension propre-ment juridique (1) et la dimension purement factuelle (2) de cette interrogation n°2.

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique : d’une manière générale, la Cour est-elle habilitée à prescrire d’office des mesures conservatoires ?

L’évaluation de cette dimension proprement juridique passe par l’analyse des textes et de la jurisprudence de la Cour.

Dispositions pertinentes des textes qui régissent l’indication par la Cour de mesures conservatoires :

Statut de la Cour

« Article 411. La Cour a le pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circonstances l'exigent,

quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provi-soire. »

Règlement de la Cour

« Article 75

1. La Cour peut à tout moment décider d’examiner d’office si les circonstances de l’affaire exigent l’indication de mesures conservatoires que les parties ou l’une d’elles devraient prendre ou exécuter. » - La mise en gras est de nous.

On vient de le lire : adossé à l’article 41 du Statut, l’article 75, paragraphe 1, du Règlement habilite la Cour à indiquer d’office des mesures conservatoires. Cette lecture est-elle corrobo-rée par la jurisprudence ?

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Jurisprudence pertinente de la Cour :

- Statut Juridique du Groenland oriental (C.P.J.I. série A/B n° 48, p. 287-288) :« Considérant, d'autre part, qu'il convient pour la Cour d'examiner s'il y a lieu ou

non de procéder d'office à l'indication de mesures conservatoires à l'occasion des deux requêtes du 18 juillet 1932, indépendamment de la demande norvégienne à cet ef-fet […] »

- Affaire de l'Anglo-iranian Oil Co., demande en indication de mesures conservatoires, (Royaume-Uni / Iran), ordonnance du 5 juillet 1951 :

« Considérant que l'objet des mesures conservatoires prévues au Statut est de sauve-garder les droits de chacun en attendant que la Cour rende sa décision ; que, de la for-mule générale employée par l'article 41 du Statut et du pouvoir reconnu à la Cour par l'article 61, paragraphe 6, du Règlement, d'indiquer d'office des mesures conserva-toires, il résulte que la Cour doit se préoccuper de sauvegarder par de telles mesures les droits que l'arrêt qu'elle aura ultérieurement à rendre pourrait éventuellement recon-naître, soit au demandeur, soit au défendeur; […] » - Nota : l’article 61, paragraphe 6, du Règlement est devenu l’article 75, paragraphe 1, du Règlement.

- Affaire des activités armées sur le territoire du Congo, (République démocratique du Congo c. Ouganda), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 1er Juillet 2000 :

« 38. Considérant que la Cour ne saurait davantage être empêchée d'indiquer des mesures conservatoires dans une instance au seul motif qu'un Etat qui a porté simulta-nément plusieurs affaires similaires devant la Cour ne sollicite de telles mesures que dans l'une d'entre elles; et que, conformément au paragraphe 1 de l'article 75 de son Rè-glement, la Cour peut en tout état de cause décider d'examiner d'office si les circons-tances d'une affaire exigent l'indication de mesures conservatoires; […] »

- Affaire relative à la convention de vienne sur les relations consulaires (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999 :

« 21. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 75 du Règlement de la Cour, celle-ci "peut à tout moment décider d'examiner d'office si les circonstances de l'affaire exigent l'indication de mesures conservatoires que les parties ou l'une d'elles devraient prendre ou exécuter"; qu'une telle disposition figure en substance dans le Rè-glement depuis 1936 et que, si la Cour n'a pas, à ce jour, fait usage du pouvoir que cette disposition lui confère, celui-ci n'en apparaît pas moins bien établi; que la Cour peut user de ce pouvoir qu'elle ait ou non été saisie par les parties d'une demande en indi-cation de mesures conservatoires; qu'en pareille hypothèse, elle peut, en cas d'extrême urgence, procéder sans tenir d'audience; et considérant qu'il appartient à la Cour de dé-cider dans chaque cas si, au vu des particularités de l'espèce, elle doit faire usage dudit pouvoir; […] »

On aura relevé dans cette dernière ordonnance (Affaire LaGrand) que la Cour se reconnaît le pouvoir d’indiquer d’office des mesures conservatoires dans deux hypothèses :

1e hypothèse : la Cour n’a pas été saisie d’une demande en indication de mesures conser-vatoires

2e hypothèse : la Cour a été saisie d’une demande en indication de mesures conservatoires.Si la compréhension de la première hypothèse ne se heurte à aucune difficulté, la compré-

hension de la seconde hypothèse exige quelques explications.

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Certes, on est tenté de réserver la qualification d’exercice d’office d’un pouvoir à l’exer-cice de ce pouvoir opéré en l’absence de toute demande faite en ce sens.

Mais il n’est point illogique de tenir pour un exercice d’office un exercice effectué en pré-sence d’une demande dont on fait purement et simplement abstraction.

Ainsi dans l’Affaire LaGrand (Affaire relative à la convention de vienne sur les relations consulaires - Allemagne c. États-Unis d'Amérique -, demande en indication de mesures conserva-toires, ordonnance du 3 mars 1999), l’Allemagne a bien saisi la Cour d’une demande en indi-cation de mesures conservatoires visant notamment à empêcher l’exécution aux Etats-Unis de Walter LaGrand, un citoyen allemand.

La demande allemande est parvenue au greffe de la Cour le 3 mars 1999, à 9 heures. Or l’exécution de Walter LaGrand était prévue pour le même jour. Il y avait donc extrême urgence à statuer sur la demande allemande. En clair, la Cour devait indiquer des mesures conservatoires le jour même, c’est-à-dire en

moins de 10 heures. Mais elle ne pouvait le faire aussi rapidement sur le fondement de la demande allemande,

car l’examen d’une demande en indication de mesures conservatoires exige des auditions et des plaidoiries conformément au Statut et au Règlement de la Cour.

En revanche, l’indication d’office par la Cour de mesures conservatoires n’est pas néces-sairement subordonnée à de telles auditions et plaidoiries.

La Cour a alors fait abstraction de la demande allemande, et elle a indiqué d’office des mesures conservatoires, le 3 mars 1999, à 19 heures, et ce pour la première fois de son his-toire – en vue de sauver une vie humaine :

« 26. Considérant que, compte tenu des considérations susmentionnées, la Cour conclut que les circonstances exigent qu'elle indique de toute urgence et sans autre procédure des mesures conservatoires, conformément à l'article 41 de son Statut et au paragraphe 1 de l'article 75 de son Règlement; » - Affaire relative à la convention de vienne sur les relations consulaires (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999.

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Conclusion sur le présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique :

Ainsi donc se trouve établi le présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’in-terrogation n°2 : d’une manière générale, la Cour est habilitée à prescrire d’office des mesures conservatoires. Nous n’avons fait que le démontrer, car le cours nous l’avait déjà appris.

Signalons aussi qu’il ne faut pas confondre le pouvoir de prescrire d’office des mesures conservatoires (article 75, paragraphe 2 précité du Règlement) avec celui d’indiquer des me-sures conservatoires totalement ou partiellement différentes de celles qui ont été sollicitées dans une demande (article 75, paragraphe 2 du Règlement).

Il est vrai que ces deux pouvoirs sont voisins et, à certains égards, complémentaires.

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2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique : en l’espèce, la Cour était-elle en droit de prescrire d’office des mesures conservatoires ?

Compte tenu- des conditions auxquelles est subordonnée l’indication de mesures conservatoires,- des règles textuelles et jurisprudentielles pertinentes,- du but des mesures conservatoires,- de l’absence de demande valide émanant de l’une ou l’autre partie (Données pertinentes

du cas pratique : « […] ni la Russie ni la Mongolie n’ont sollicité l’indication de telles mesures. »)- et des circonstance pertinentes de l’espèce (Données pertinentes du cas pratique :

« […] des bruits de botte et de chenilles se faisaient entendre sur les rives du fleuve Amour […]», il est évident que la Cour était en droit de prescrire d’office des mesures conservatoires.

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 Conclusion sur le présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique :

Nous avons établi le présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°2 : en l’espèce, pour les raisons exposées plus haut, la Cour était en droit de prescrire d’of-fice des mesures conservatoires.

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Conclusion sur l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique :

La Cour pouvait valablement prescrire d’office des mesures conservatoires.En effet, 1 - d’une manière générale, la Cour est habilitée à prescrire d’office des mesures conserva-

toires ;2 - en l’espèce, au vu des circonstances, la Cour était en droit de prescrire d’office des me-

sures conservatoires.

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C - Interrogation n°3 de la question n°2 du cas pratique : compte tenu du contexte, quel pourrait être l’objet de ces mesures ?

Si malgré le post scriptum, nous maintenons le conditionnel, c’est pour souligner - que c’est nous qui imputons à la Cour ces mesures conservatoires- et que, dans l’absolu, ces mesures ne sont pas les seules mesures possibles. L’analyse effectuée dans le cadre de l’interrogation n°1 autorise une réponse simple et

brève.Au vu des données pertinentes du cas pratique et sachant que les mesures conserva-

toires ne doivent pas préjudicier aux droits des parties (Cf. supra), le contenu des me-sures conservatoires, et donc le dispositif de l’ordonnance pourrait être le suivant :

« Par ces motifs [Cf. supra : conditions]La Cour,A l’unanimité,I. indique à titre provisoire les mesures conservatoires suivantes :a) Le Gouvernement de la République de Mongolie et le Gouvernement de la Fédération de Russie

ordonneront à leurs forces armées de se replier sur les positions qu’elles occupaient avant le 25 avril 2003,

b) Le Gouvernement de la République de Mongolie et le Gouvernement de la Fédération de Russie veilleront l'un et l'autre à éviter tout acte qui risquerait d'aggraver ou d'étendre le différend dont la Cour est saisie ou de porter atteinte au droit de l'autre Partie à obtenir l'exécution de tout arrêt que la Cour pourrait rendre en l'affaire ;

c. Les deux gouvernements s'abstiendront de tout acte qui risquerait d'entraver la réunion des élé -ments de preuve nécessaires à la présente instance ;

II. Décide que, jusqu'à ce que la Cour rende son arrêt définitif en l'espèce, elle demeurera saisie des questions qui font l'objet de la présente ordonnance. »

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Question n°3 – Le consentement russe à la compétence de la Cour : "Ces exceptions préliminaires auront-elles l’effet escompté par le gou-vernement russe ?"

Définitions et compréhension des termes pertinents de la question n°3 :

Rappel : Il s’agit non seulement de définitions mais encore d’explications. Les unes et les autres permettent de clarifier les interrogations et les réponses.

- exception préliminaire : tout moyen de défense destiné à mettre fin à la procédure sans que la juridiction saisie statue sur le fond du différend (Cf. cours). En l’espèce, on est en pré-sence de trois exceptions préliminaires à la compétence de la Cour ;

- réserve : L’expression réserve s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État ou par une organisation internationale à la signa-ture, à la ratification, à l’acte de confirmation formelle, à l’acceptation ou à l’approbation d’un traité ou à l’adhésion à celui-ci ou quand un État fait une notification de succession à un traité, par laquelle cet État ou cette organisation vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de cer-taines dispositions du traité dans leur application à cet État ou à cette organisation - (Cf. cours) ;

- effet escompté par le gouvernement russe : les exceptions préliminaires russes à la compétence de la Cour visent à persuader cette dernière qu’elle doit s’abstenir d’examiner le fond du différend parce que la Fédération de Russie n’y aurait pas consenti ;

- ratification : la ratification est l’acte international par lequel un État indique définitive-ment son consentement à être lié par un traité, (si elle est la manière dont les parties au traité ont décidé d'exprimer leur consentement) ;

- article 84 de la Convention de Chicago et article 14 de la Convention de Montréal : stipulations conventionnelles contenant une clause compromissoire spéciale, c’est-à-dire une disposition désignant la juridiction compétente (en l’occurrence, la Cour internationale de Jus-tice) pour statuer sur les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application desdites conven-tions ;

- déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour : acte unilatéral par lequel un Etat partie au Statut de la Cour donne, par avance, son consentement à la compé-tence de la Cour conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut.

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Compréhension de la question n°3 dans son ensemble :

La question n°31 – met en exergue une argumentation2 – et sollicite notre appréciation sur la validité de cette argumentation.

On le sait, « le consentement des États parties à un différend est le fondement de la juridiction de la Cour en matière contentieuse. » - Interprétation des traités de paix, Avis consultatif : C. I. J. Recueil 1950, p. 65.

L’insistance avec laquelle la Cour souligne ce principe est saisissante :

- Affaire du Timor oriental (Portugal c. Australie) : « La Cour rappellera à cet égard que l'un des principes fondamentaux de son Statut est qu'elle ne peut trancher un diffé-rend entre des Etats sans que ceux-ci aient consenti à sa juridiction. » ;

- Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 10 juillet 2002 : « 57. Considérant qu'en vertu de son Statut la Cour n'a pas automatiquement compétence pour connaître des différends juri-diques entre les Etats parties audit Statut ou entre les autres Etats qui ont été admis à es-ter devant elle; que la Cour a déclaré à maintes reprises que l'un des principes fonda-mentaux de son Statut est qu'elle ne peut trancher un différend entre des Etats sans que ceux-ci aient consenti à sa juridiction; et que la Cour n'a donc compétence à l'égard des Etats parties à un différend que si ces derniers ont non seulement accès à la Cour, mais ont en outre accepté sa compétence, soit d'une manière générale, soit pour le différend particulier dont il s'agit (Licéité de l'emploi de la force (Yougoslavie c. Bel-gique), demande en indication de mesures conservatoires, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 132, par. 20); […] »

Dans sa requête introductive d’instance, la Mongolie n’a pas perdu de vue ce principe – loin s’en faut !

Elle a invoqué trois bases juridiques pour prouver que les deux parties avaient donné leur consentement à la compétence de la Cour :

1 – le paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour, 2 – l’article 84 de la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l’aviation civile

internationale3 – et l’article 14 de la Convention de Montréal du 23 septembre 1971 pour la répression

d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile.Contre chacune de ces trois bases juridiques, la Russie envisage de soulever une exception

préliminaire tendant à démontrer qu’elle n’a pas consenti à l’instance introduite par la mongo-lie.

En supposant que la Russie les soulève effectivement devant la Cour, ces trois excep-tions préliminaires à la compétence de la Cour déboucheront-elles sur le dessaisissement de la Cour pour incompétence ?

En d’autres termes, l’argumentation qui les sous-tend est-elle valide ?

Théoriquement, nous sommes censé passer au crible de l’analyse chacune de ces trois ex-ceptions préliminaires à la compétence de la Cour.

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Toutefois, logique et souci de l’économie du raisonnement obligent, nous procéderons de la manière suivante :

1 – Nous soumettrons d’abord à l’analyse l’exception préliminaire visant la déclaration faite par la Russie en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour.

En effet, cette exception semble être la plus faible. Autrement dit, prima facie les déclarations faites par les deux parties conformément au para-

graphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour pourraient constituer une base à la compétence de la Cour.

Ce sont sans doute ces déclarations que la Cour avait à l’esprit lorsqu’elle a indiqué d’officedes mesures conservatoires – Cf. post scriptum. Comme la Cour elle-même l'a souligné dans l'affaire relative à Certains emprunts norvégiens, quand sa compétence est contestée pour des motifs distincts, "la Cour est libre de baser sa décision sur le motif qui, selon elle, est plus direct et décisif." (C.I.J. Recueil 1957, p. 25.) ;

2 – Si nous établissons que l’exception préliminaire visant la déclaration faite par la Russie en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour ne peut être retenue, nous n’au-rons pas besoin de nous interroger sur la validité des deux autres exceptions préliminaires, car nous aurons établi que la Cour a compétence – c’est cela l’économie du raisonnement ! Nous examinerons quand même, pour le sport cérébral, les autres exceptions.

Au passage, nous ferons remarquer au Gouvernement russe qu’il revient à la Cour elle-même de trancher toute question relative à sa compétence :

«La Cour fera observer qu'établir ou ne pas établir sa compétence n'est pas une question qui relève des parties; elle est du ressort de la Cour elle-même. S'il est vrai que c'est à la partie qui cherche à établir un fait qu'incombe la charge de la preuve (voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 437, par. 101), cela est sans pertinence aux fins d'établir la compétence de la Cour, car il s'agit là d'«une question de droit qui doit être tranchée à la lumière des faits pertinents» (Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et receva-bilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 76, par. 16).» (Affaire de la Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 450, par. 37.)

On sait ce que prescrit le droit international commun :

« Depuis l'affaire de l'Alabama, il est admis, conformément à des précédents anté-rieurs, qu'à moins de convention contraire, un tribunal international est juge de sa propre compétence et a le pouvoir d'interpréter à cet effet les actes qui gouvernent celle-ci. » - Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) exception préliminaire, ar-rêt du 18 novembre 1953.

L'article 36, paragraphe 6 du Statut dispose : «En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.»

Même si l’habilitation de l’article 36, paragraphe 6 du Statut n’existait pas, « la Cour, "dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis" (article 38, paragraphe I, du Statut), devrait suivre à cet égard ce que prescrit le droit international commun. »- Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) exception préliminaire, arrêt du 18 novembre 1953.

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A la lumière de ce qui précède la position de la Cour se comprend aisément :

« La Cour devant toujours s'assurer de sa compétence avant d'examiner une af-faire au fond, il est certainement souhaitable que « les moyens de droit sur lesquels le demandeur prétend fonder la compétence de la Cour » soient indiqués dans les premiers stades de la procédure, et l'article 38 du Règlement spécifie qu'ils doivent l'être « autant que possible » dans la requête. Un autre motif de compétence peut néanmoins être porté ultérieurement à l'attention de la Cour, et celle-ci peut en tenir compte à condi-tion que le demandeur ait clairement manifesté l'intention de procéder sur cette base (Certains emprunts norvégiens, C.I.J. Recueil 1957, p. 25), à condition aussi que le dif-férend porté devant la Cour par requête ne se trouve pas transformé en un autre diffé-rend dont le caractère ne serait pas le même (Société commerciale de Belgique, C.P.J.I, série A/B n° 78, p. 173). » - Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1984.

Nous aurons donc à répondre à trois grandes interrogations concernant chacune des trois ex-ceptions préliminaires.

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A – Interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique : L’exception préliminaire visant la déclaration faite par la Russie en vertu du para-graphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour peut-elle être retenue ?

Cette interrogation renvoie à deux présupposés interrogatifs qui en forment respective-ment la dimension proprement juridique et la dimension purement factuelle :

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1: d’une ma-nière générale, à quelles conditions des déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut fondent-elles la compétence de la Cour ? C’est l’étape de l’exposé et de l’analyse des règles pertinentes.

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 : en l’espèce, le libellé du cas pratique révèle-t-il que se trouvent réunies les conditions exigées pour que les déclarations russes et mongoles faites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut fondent la compétence de la Cour ? C’est l’étape de l’analyse des faits pertinents.

Fidèle à notre méthode originelle, nous évaluerons successivement la dimension propre-ment juridique (1) et la dimension purement factuelle (2) de cette interrogation n°1.

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1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique : d’une manière générale, à quelles conditions des déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut fondent-elles la compétence de la Cour ?

Nous ne pouvons répondre à cette interrogation que sur la base d’une part des textes qui ré-gissent la fonction contentieuse de la Cour internationale de Justice, et d’autre part de la juris-prudence de la Cour.

Dispositions pertinentes des textes qui régissent la fonction contentieuse de la Cour internationale de Justice :

Statut de la Cour internationale de Justice (Rappel):Article 36, « 2. Les États parties au présent statut pourront, à n’importe quel moment, déclarer

reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout État acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet :

a) l’interprétation d’un traité b) tout point de droit international c) la réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engage -

ment international d) la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement inter-

national. 3. Les déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement et simplement ou

sous condition de réciprocité de la part de plusieurs ou de certains Etats, ou pour un dé-lai déterminé.

4. Ces déclarations seront remises au Secrétaire général des Nations Unies qui en transmettra copie aux parties au présent Statut ainsi qu'au Greffier de la Cour. »

Le paragraphe 2 de l’article 36 correspond à ce que l’on appelle la clause d’option ou clause facultative de juridiction obligatoire. La clause est facultative en ce sens que nul État n’est tenu d’y souscrire. Mais sa souscription a pour conséquence de rendre obligatoire la juridiction de la Cour.

On aura fait les observations suivantes :1 - seuls les Etats parties au Statut de la Cour peuvent souscrire à la clause de l’article 36,

paragraphe 2 (Rappel : le Statut de la Cour étant annexé à la Charte des Nations Unies, tous les Etats membres des Nations Unies sont ipso facto parties au Statut de la Cour – article 93, paragraphe1, de la charte) ;

2 - une certaine latitude est laissée aux Etats déclarants : essentiellement la possibilité d’as-sortir leurs déclarations de réserves ratione temporis, ratione materiae, ratione personae ou autres – l’imagination des Etats étant sans limite ;

3 - la formalité de la remise de la déclaration au Secrétaire général des Nations Unies : la date de l’accomplissement de cette formalité est normalement la date d’effet de la déclara-tion ; mais si l’Etat déclarant a prévu la ratification de sa déclaration, c’est la date du dépôt de l’instrument de ratification entre les mains du Secrétaire général des Nations Unies qui marque le point de départ des effets de la déclaration.

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Jurisprudence pertinente de la Cour :

Quelle est la nature des déclarations faites en vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Sta-tut ?

Pourquoi parle-t-on volontiers, au sujet de l'article 36, paragraphe 2, du Statut,  de « clause facultative de juridiction obligatoire » ?

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), compétence, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14 :

« 59. Les déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour sont des engagements facultatifs, de caractère unilatéral, que les Etats ont toute liberté de souscrire ou de ne pas souscrire. »

L’Etat a le droit d’assortir sa déclaration de réserves ratione materiae, ratione temporis, ra-tione personae ou autre :

« L'Etat est libre en outre soit de faire une déclaration sans condition et sans limite de durée, soit de l'assortir de conditions ou de réserves. Il peut en particulier en limiter l'effet aux différends survenant après une certaine date, ou spécifier la durée pour la-quelle la déclaration elle-même reste en vigueur ou le préavis qu'il faudra éventuelle-ment donner pour y mettre fin. » - Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), compétence, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

 Le caractère unilatéral des déclarations n'implique pourtant pas que l'Etat déclarant soit

libre de ne pas se conformer à ses engagements solennels. Dans l'affaire des Essais nu-cléaires, la Cour s'est exprimée très clairement à ce sujet :

« Il est reconnu que des déclarations revêtant la forme d'actes unilatéraux et concer-nant des situations de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de créer des obligations juridiques. Des déclarations de cette nature peuvent avoir et ont souvent un objet très précis. Quand l'Etat auteur de la déclaration entend être lié conformément à ses termes, cette intention confère à sa prise de position le caractère d'un engagement juridique, l'Etat intéressé étant désormais tenu en droit de suivre une ligne de conduite conforme à sa déclaration. » (C.I.J. Recueil 1974, p. 267, par. 43 ; p. 472. par. 46.)

Certes, la déclaration d'acceptation de la clause facultative de juridiction obligatoire de la Cour est un acte unilatéral ; néanmoins l'Etat déclarant établit un véritable lien consensuel avec les autres Etats parties au système de la clause facultative :

« […] par le dépôt de sa déclaration d'acceptation entre les mains du Secrétaire gé-néral, l'État acceptant devient partie au système de la disposition facultative à l'égard de tous autres États déclarants, avec tous les droits et obligations qui découlent de l'ar-ticle 36. Le rapport contractuel entre les Parties et la juridiction obligatoire de la Cour qui en découle sont établis «de plein droit et sans convention spéciale » du fait du dépôt de la déclaration. En conséquence, tout État faisant une déclaration d'acceptation doit être censé tenir compte du fait qu'en vertu du Statut il peut se trouver à tout moment te-nu des obligations découlant de la disposition facultative vis-à-vis d'un nouveau signa-taire, par suite du dépôt de la déclaration d'acceptation de ce dernier. » - Affaire du droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde) exceptions préliminaires, arrêt du 26 novembre 1957.

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Un rapport contractuel qui n’exclut pas la prise en compte des réserves sur la base de la ré-ciprocité :

« 60. En fait les déclarations, bien qu'étant des actes unilatéraux, établissent une sé-rie de liens bilatéraux avec les autres Etats qui acceptent la même obligation par rap-port à la juridiction obligatoire, en prenant en considération les conditions, réserves et stipulations de durée. » - Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), compétence, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

L’Etat déclarant doit s’attendre à une conséquence bien précise :

« Un État qui accepte la compétence de la Cour doit prévoir qu’une requête puisse être introduite contre lui devant la Cour par un nouvel Etat déclarant le jour même où ce dernier dépose une déclaration d'acceptation entre les mains du Secrétaire général. C'est en effet ce jour-là que le lien consensuel qui constitue la base de la disposition fa-cultative prend naissance entre les États intéressés. » - Affaire du droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde) exceptions préliminaires, arrêt du 26 novembre 1957

Naturellement si l’Etat a prévu la ratification de sa déclaration, c’est le dépôt de l’instrument de ratification entre les mains du Secrétaire général des Nations Unies qui marque la nais-sance du lien consensuel.

Quelle est précisément la teneur du lien consensuel ? Quelles sont les implications du prin-cipe de réciprocité ?

«[…] la compétence de la Cour dépend des déclarations faites par les Parties confor-mément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut sous condition de réciprocité; et que, comme il s'agit de deux déclarations unilatérales, cette compétence lui est conférée seulement dans la mesure où elles coïncident pour la lui conférer. » - Affaire relative à certains emprunts norvégiens (France c. Norvège), arrêt du 6 juillet 1957

En d’autres termes, pour établir sa compétence sur la base de deux déclarations, la Cour commence par comparer les deux déclarations. Si cette comparaison révèle que les deux dé-clarations sont d’inégale étendue, la juridiction de la Cour sera contenue dans les limites indi-quées par la déclaration la plus étroite. C’est la règle du plus petit dénominateur commun.

Ainsi, l'arrêt de la Cour dans l'affaire de l'Anglo-Iranian Oil Company énonce-t-il :

« La déclaration de l'Iran étant de portée plus limitée que celle du Royaume-Uni, c'est sur la déclaration de l'Iran que la Cour doit se fonder.» (C. I. J. Recueil 1952, p. 103.).

Toute réserve contenue dans une déclaration peut être indifféremment invoquée par l’une ou l’autre des parties.

Affaire relative à certains emprunts norvégiens (France c. Norvège), arrêt du 6 juillet 1957 :

« La France a limité son acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour en ex-cluant à l'avance les différends « relatifs à des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale telle qu'elle est entendue par le Gouvernement de la République française ». Conformément à la condition de réciprocité, mise à l'acceptation de la juri-diction obligatoire dans les deux déclarations et prévue par l'article 36, paragraphe 3, du Statut, la Norvège est fondée, dans les mêmes conditions que la France, à exclure de la

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compétence obligatoire les différends que la Norvège considère comme relevant essen-tiellement de sa compétence nationale. »

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2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique : en l’espèce, le libellé du cas pra-tique révèle-t-il que se trouvent réunies les conditions exigées pour que les déclarations russes et mongoles faites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut fondent la compétence de la Cour ?

Pour l’essentiel, ces conditions tiennent1 – à la validité des déclarations russe et mongole2 – ainsi qu’à l’étendue du consentement qu’elles expriment.

Au vu des règles pertinentes exposées plus haut, la validité des déclarations russe et mon-gole peut être considérée comme certaine. Au demeurant, rien dans le libellé du cas pratique ne nous conduit à une conclusion différente.

Il nous reste donc à analyser le consentement exprimé dans chacune des deux déclarations et à le confronter au différend qui oppose les deux Etats, sachant que c’est le consentement russe qui pose problème.

a - Le consentement exprimé dans la déclaration mongole :

Les annexes nous apprennent que la déclaration mongole est ainsi libellée :

« La Mongolie reconnaît comme obligatoire, de plein droit et sans convention spé-ciale, à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, c'est-à-dire sous condi-tion de réciprocité, la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour, sur tous les différends d’ordre juri-dique, pour une période de cinq ans à compter de la ratification de la présente déclara-tion. »

La lecture de cette déclaration impose les observations suivantes :

i – le consentement mongol comporte une limitation de durée que l’on ne peut consi-dérer comme une vraie réserve ratione temporis. Cette limitation de durée est en fait celle de la validité de la déclaration elle-même ; le consentement comme la déclaration ne valent que pour une période de cinq ans à compter, non du dépôt de la déclaration mais de sa ratifi-cation. En supposant que l’instrument de ratification ait été déposé sans délai entre les mains du Secrétaire général des nations Unies, la période de validité court jusqu’au 10 octobre 2006 ;

ii – S’agissant des différends couverts par le consentement, on ne relève aucune réserveratione materiae, ratione personae, ratione temporis ou autre, sauf à considérer comme une ré-serve l’exclusion implicite des différends non juridiques.

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b - Le consentement exprimé dans la déclaration russe :

Toujours selon les annexes, la déclaration russe se lit comme suit :

« Le Gouvernement russe déclare reconnaître comme obligatoire, de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre État acceptant la même obligation, c'est-à-dire sous condition de réciprocité, la juridiction de la Cour internationale de Jus-tice internationale, conformément à l'article 36, paragraphe 2 du Statut de la Cour, sur tous les différends qui s'élèveraient au sujet de situations ou d’actions relatives à l'appli-cation des traités sur la sécurité de l’aviation civile ratifiés par la Russie et postérieures à la ratification de la présente déclaration. »

La lecture de la déclaration russe impose les remarques qui suivent :

i – Ratione materiae, le consentement russe ne porte que sur certains types de différends : les différends qui s'élèveraient au sujet de situations ou d’actions relatives à l'application des traités sur la sécurité de l’aviation civile ratifiés par la Russie ;

ii – Ratione temporis, le consentement russe comporte une limitation.

C’est l’interprétation de cette limitation ratione temporis qui pose problème.

Selon la Russie, sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour ne s’ap-plique qu’aux différends relatifs à l'application des traités sur la sécurité de l’aviation civile ratifiés par la Russie postérieurement à la ratification de ladite déclaration.

Cette interprétation ne peut être retenue que si dans la déclaration russe postérieures s’ap-plique à traités.

Mais la Cour ne suivra pas la Russie dans son interprétation et ce pour deux raisons :1 – traités est au masculin pluriel et postérieures au féminin pluriel2 – le texte français faisant foi, on ne peut pas retenir l’interprétation russe en prétextant une

violation fortuite, lors de la traduction, des règles de la grammaire française.

On doit donc présumer que le texte de la déclaration russe a été rédigé dans le respect des règles de la grammaire française. Ce n’est que si cette présomption conduit à des résultats dé-raisonnables ou absurdes que l’on pourrait envisager une autre lecture.

Interprétation des traités de paix, Avis consultatif : C.I.J. Recueil 1950, p. 65. :

« Si les mots pertinents, lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et ordi-naire, ont un sens dans leur contexte, l'examen doit s'arrêter là. En revanche, si les mots, lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et ordinaire sont équivoques ou conduisent à des résultats déraisonnables, c'est alors que la Cour doit rechercher par d'autres méthodes d'interprétation ce que les parties avaient en réalité dans l'esprit quand elles se sont servies des mots dont il s'agit. »

Adossé à ces principes, nous relevons

1 – que postérieures (féminin pluriel) qualifie situations et actions (féminin pluriel)2 – et que viser les situations et les actions postérieures à la ratification de la déclaration

russe n’a rien d’absurde. Il est d’ailleurs fréquent que des déclarations d’acceptation de la juri-

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diction obligatoire de la Cour ne portent que sur des situations et des actions survenues après lesdites déclarations.

En conséquence, la combinaison des limitations ratione materiae et ratione temporis impose de comprendre la déclaration russe comme suit :

1 – Le consentement russe ne porte que sur les différends qui s'élèveraient au sujet de si-tuations ou d’actions relatives à l'application des traités sur la sécurité de l’aviation civile rati-fiés par la Russie ;

2 – Toutefois, le consentement russe ne porte pas sur tous les différends qui s'élèveraient au sujet de situations ou d’actions relatives à l'application des traités sur la sécurité de l’avia-tion civile ratifiés par la Russie ;

3 – En fait, le consentement russe ne porte que sur les différends qui s'élèveraient au sujet de situations ou d’actions

i – qui d’une part sont relatives à l'application des traités sur la sécurité de l’aviation civile ratifiés par la Russie

ii – et qui d’autre part sont postérieures à la ratification de la déclaration russe, c’est-à-dire à la date du 22 janvier 2002.   

 A la lumière de ce qui précède, la Russie est-elle fondée à soutenir que le différend qui

l’oppose à la Mongolie n’est pas compris dans le champ du consentement qu’elle a expri-mé dans sa déclaration ?

De toute évidence, non :

1 – le différend s’est élevé au sujet de l’incident aérien du 25 avril 2003 ;

2 – l’incident aérien du 25 avril 2003 concerne une action relative à l'application des traités sur la sécurité de l’aviation civile ratifiés par la Russie ;

3 – cette action est intervenue postérieurement à la ratification de la déclaration russe, c’est-à-dire postérieurement à la date du 22 janvier 2002. 

  Certes on pourrait faire l’objection suivante :

- le différend comporte deux aspects : la destruction de l’aéronef mongol et l’intrusion d’hélicoptères russes en territoire mongol ;

- si la destruction de l’aéronef mongol est comprise dans le consentement russe comme ce-la a été démontré ci-dessus, en revanche l’intrusion d’hélicoptères russes en territoire mongol en est exclue, car il ne s’agit pas d’une action ayant trait à la sécurité de l’aviation civile.

Mais l’objection n’est pas dirimante.En effet, l’intrusion d’hélicoptères russes en territoire mongol n’est pas une action isolée,

c’est une suite de la destruction de l’aéronef mongol. D’ailleurs, le prélèvement des débris de l’aéronef mongol était le but de l’intrusion. Données pertinentes du cas pratique : « Quelques heures plus tard, connaissant le lieu exact où l'appareil avait été abattu, deux hélicoptères russes de type Mi-24 Hind ont pénétré en territoire mongol pour y prélever des débris. »

Le différend forme donc un tout compris dans le champ du consentement russe, même si au stade de la responsabilité il est possible d’opérer des distinctions.

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Conclusion sur l’exception préliminaire visant la déclaration faite par la Russie en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour

L’exception préliminaire visant la déclaration faite par la Russie en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour ne peut être retenue pour des raisons tenant à la portée du consentement russe et à la nature du différend.

La combinaison des limitations ratione materiae et ratione temporis impose de comprendre la déclaration russe comme suit :

1 – Le consentement russe ne porte que sur les différends qui s'élèveraient au sujet de si-tuations ou d’actions relatives à l'application des traités sur la sécurité de l’aviation civile rati-fiés par la Russie

2 – Toutefois, le consentement russe ne porte pas sur tous les différends qui s'élèveraient au sujet de situations ou d’actions relatives à l'application des traités sur la sécurité de l’avia-tion civile ratifiés par la Russie ;

3 – En fait, le consentement russe ne porte que sur les différends qui s'élèveraient au sujet de situations ou d’actions

- qui d’une part sont relatives à l'application des traités sur la sécurité de l’aviation ci-vile ratifiés par la Russie

- et qui d’autre part sont postérieures à la ratification de la déclaration russe, c’est-à-dire à la date du 22 janvier 2002.

 A la lumière de ce qui précède, la Russie n’est pas fondée à soutenir que le différend qui

l’oppose à la Mongolie n’est pas compris dans le champ du consentement qu’elle a exprimé dans sa déclaration :

1 – le différend dans son ensemble s’est élevé au sujet de l’incident aérien du 25 avril 2003 ;

2 – l’incident aérien du 25 avril 2003 concerne une action relative à l'application des traités sur la sécurité de l’aviation civile ratifiés par la Russie ;

3 – cette action est intervenue postérieurement à la ratification de la déclaration russe, c’est-à-dire postérieurement à la date du 22 janvier 2002.   

Ayant établi que la Cour était compétente sur le fondement des déclarations russe et mon-gole, nous n’avons pas besoin d’examiner les autres exceptions préliminaires, parce que même si elles étaient fondées la Cour demeurerait compétente. Nous les examinerons quand même rapidement, pour le sport…

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B – Interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique :  Les exceptions préliminaires relatives aux réserves écartant l’application de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article 14 de la Convention de Montréal peuvent-elles être retenues ?

L’article 84 de la Convention de Chicago et l’article 14 de la Convention de Montréal sont des stipulations conventionnelles contenant une clause compromissoire spéciale, c’est-à-dire une disposition désignant la juridiction compétente (en l’occurrence, la Cour internationale de Justice) pour statuer sur les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application desdites conventions.

Certes, la Russie comme la Mongolie sont parties à ces deux conventions. Mais la Russie, en donnant son consentement à être lié par ces deux conventions a émis

deux réserves écartant l’application de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article 14 de la Convention de Montréal.

Ces deux réserves ont été reconnues valides par toutes les autres parties, y compris donc la Mongolie, que l’estoppel (objection péremptoire fondée sur la bonne foi) empêcherait de re-venir sur sa position.

Que les autres parties aient jugé valides les réserves russes, cela signifie qu’elles ont estimé que ces réserves étaient compatibles avec l’objet et le but des deux conventions – Cf. cours et C.I.J., Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Avis consultatif du 28 mai 1951.

La validité des réserves russes n’étant ni contestées ni sérieusement contestables, la Russie est fondée à soutenir que la Cour ne peut fonder sa compétence sur les stipulations de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article 14 de la Convention de Montréal.

Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (Répu-blique démocratique du Congo c. Rwanda), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 10 juillet 2002 :

« Lorsque la compétence de la Cour est prévue dans une clause compromissoirecontenue dans un traité, cette compétence n'existe qu'à l'égard des parties au traité qui sont liées par ladite clause, dans les limites stipulées par celle-ci ; […]»

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Conclusion sur l’interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique : Pour les raisons précédemment exposées, les exceptions préliminaires relatives aux ré-

serves écartant l’application de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article 14 de la Convention de Montréal peuvent être retenues.

Entre parenthèses, même en l’absence de réserves russes à l’application des deux clauses compromissoires, la Mongolie ne pourrait valablement se fonder sur lesdites conventions pour conférer juridiction à la Cour.

En effet, l’article 84 de la Convention de Chicago et l’article 14 de la Convention de Mont-réal prévoient des procédures préalables à la saisine de la Cour.

Or tout porte à croire que la Mongolie n’a pas respecté ces procédures : saisine du Conseil de l’Aviation civile internationale, demande d’arbitrage, délai.

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Conclusion sur la question n°3 du cas pratique :

Si le gouvernement russe les présentait à la Cour, les exceptions préliminaires n’auraient pas entièrement l’effet escompté.

L’exception préliminaire visant la déclaration faite par la Russie en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour ne peut être retenue pour des raisons tenant à la portée du consentement russe et à la nature du différend – Cf. supra.

Si la Cour suit l’ordre de notre analyse, elle n’aura pas besoin de statuer sur les exceptions préliminaires relatives aux réserves écartant l’application de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article 14 de la Convention de Montréal.

Si la Cour débute son raisonnement par l’examen des exceptions préliminaires relatives aux réserves écartant l’application de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article 14 de la Convention de Montréal, elle jugera que ces exceptions sont fondées.

Mais elle découvrira aussitôt qu’elle est compétente en vertu des déclarations souscrites par les deux Etats conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut.

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Question n°4 – Causes exonératoires et forum prorogatum

Définitions et compréhension des termes pertinents de la question n°4 :

- moyens juridiques sur le fond pour échapper à toute condamnation ou pour atté-nuer la responsabilité : c’est la définition même des causes exonératoires ;

- si, par erreur, l’agent du gouvernement russe présentait et développait de tels moyens avant les exceptions préliminaires précitées à la compétence de la Cour : l’hypo-thèse d’une présentation et d’un développement des causes exonératoires  avant les exceptions préliminaires à la compétence de la Cour. 

***

Compréhension de la question n°4 dans son ensemble :

La question n°4 comporte deux interrogations :

A – interrogation n°1 : la nature et la validité des causes exonératoires que le gouverne-ment russe pourrait invoquer (fusion de deux interrogations) ;

B – interrogation n°2 : les conséquences qui s’attachent à la présentation et au développe-ment des causes exonératoires avant les exceptions préliminaires à la compétence de la Cour.

Nous nous évertuerons à répondre successivement à ces deux interrogations.

***

A – Interrogation n°1 de la question n°4 du cas pratique : la nature et la validité des causes exonératoires que le gouvernement russe pourrait invo-quer 

Cette interrogation renvoie à deux présupposés interrogatifs qui en forment respective-ment la dimension proprement juridique et la dimension purement factuelle :

1 – Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1: d’une ma-nière générale, quelles causes exonératoires peut-on valablement invoquer devant le juge in-ternational ? C’est l’étape de l’exposé et de l’analyse des règles pertinentes.

2 – Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 : en l’espèce, le libellé du cas pratique révèle-t-il que le gouvernement russe est fondé à invoquer des causes exonératoires devant la Cour ? C’est l’étape de l’analyse des faits pertinents.

Fidèle à notre méthode originelle, nous évaluerons successivement la dimension propre-ment juridique (1) et la dimension purement factuelle (2) de cette interrogation n°1.

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1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1 de la question n°4 du cas pratique : d’une manière générale, quelles causes exonératoires peut-on valablement invoquer devant le juge interna-tional ?

Etant donné la nécessité logique qui unit d’une part les conditions d’engagement de la res-ponsabilité internationale, et d’autre part les causes exonératoires, on saurait analyser les unes en faisant abstraction des autres.

En l’occurrence, l’analyse des conditions d’engagement de la responsabilité internationale prélude à l’analyse des causes exonératoires.

a - Règles pertinentes relatives aux conditions d’engagement de la res-

ponsabilité internationale :

L’engagement de la responsabilité internationale suppose la réunion de trois éléments : un fait internationalement illicite, un préjudice et un lien de causalité entre le fait et le préju-dice – Cf. cours.

L’illicéité internationale constitue le point de départ de l’engagement de la responsabilité internationale.

Commission du droit international : “Tout fait internationalement illicite d’un État engage sa responsabilité internationale ”.

Affaire relative à l'usine de Chorzów (demande en indemnité) (fond), Recueil Série A, n° 13 (pp. 4-65)

« […] c'est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute vio-lation d'un engagement comporte l'obligation de réparer. »

Tout État est susceptible d’être considéré comme ayant commis un fait internationalement

illicite engageant sa responsabilité internationale. Le fait d’un État ne peut être qualifié d’internationalement illicite que d’après le droit inter-

national. Une telle qualification ne saurait être affectée par la qualification du même fait comme licite d’après le droit interne.

Et il y a fait internationalement illicite d’un État lorsque - d’une part, un comportement consistant en une action ou en une omission est attribuable

d’après le droit international à cet État, - d’autre part, ce comportement constitue la violation d’une obligation internationale de cet

État.Il y a violation d’une obligation internationale par un État lorsqu’un fait dudit État n’est

pas conforme à ce qui est requis de lui par cette obligation. L’origine coutumière, conventionnelle ou autre, de l’obligation internationale violée par un

État est sans effet sur la responsabilité de cet État. L’illicéité peut consister dans la violation d’une obligation de résultat ou de moyens, d’une

obligation d’action ou d’abstention.Quant au préjudice ouvrant droit à réparation, il est largement entendu.Certes, il doit être direct, mais il peut être matériel ou moral, médiat ou immédiat. On parle

de préjudice médiat pour l'Etat demandeur lorsque la victime du préjudice est un sujet de droit interne. En effet, dans cette hypothèse, on a recours à une fiction juridique pour pouvoir

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considérer que c'est un sujet de droit international qui est la victime au sens du droit interna-tional. C'est le mécanisme de la protection diplomatique. Selon la Cour Permanente de Jus-tice Internationale, “en prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mouvement en sa faveur l'action diplomatique ou l'action judiciaire internationale, l'Etat fait, à vrai dire, va-loir son propre droit, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants le droit international. ” - 30 août 1924, Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine.

Enfin, la relation de la causalité doit être comprise de la manière suivante : l’illicéité in-ternationale est la cause directe et normale du dommage.

On aura fait les observations suivantes :- la Mongolie demande la réparation d’un dommage matériel (destruction de l’aéronef) et

d’un dommage moral (violation de la souveraineté : excuses officielles, que l’on distingue des simples regrets, lesquels n’ont pas de portée juridique) ;

- la Mongolie use de la protection diplomatique au profit de ses nationaux (indemnisation intégrale des ayants droit des victimes et de la Mongolian Airways) : l’exception de non épui-sement des voies de recours internes russes ne pourra pas être opposée à la Mongolie puisque les dommages ont été causés en territoire mongol et que, préalablement à la saisine de la Cour, une demande a bien été présentée à la Russie.

***

b - Règles pertinentes relatives aux causes exonératoires :

Les causes exonératoires sont des comportements ou des événements qui tendent à déchar-ger, totalement ou partiellement, l’Etat de sa responsabilité. Elles empêchent l’illicéité d’être constituée ou imputée à l’Etat.

i - Le consentement de la victime Par consentement de la victime, il faut nécessairement entendre consentement d’un sujet du

droit international. Les faits de la victime sujet de droit interne, ne sont à prendre en considé-ration que dans l’hypothèse de la clause Calvo ou des clean hands.

Le consentement de la victime exclut l’illicéité du fait litigieux si trois conditions sont réunies :

1 - Le consentement doit être valable en droit international, c’est-à-dire clairement établi, réellement exprimé - ce qui exclut le consentement implicite - attribuable à l’Etat sur le plan international, et antérieur à la commission du fait auquel il se rapporte ;

2 - Le fait litigieux doit rester dans les limites du consentement de la victime ;3 - L’obligation méconnue ne doit pas résulter d’une norme impérative du droit internatio-

nal général.

ii - La légitime défense  L’illicéité ne peut être retenue lorsque l’acte dommageable constitue la réponse adéquate

(nécessaire et proportionnée) à un acte d’agression. Le principe a été clairement admis par la Cour internationale de Justice dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nica-ragua et contre celui-ci - 27 juin 1986.

Dans cette décision, la Cour rappelle que l’exercice du droit de légitime défense présup-pose un acte d’agression.

Toutefois, « la définition de l'" agression armée " dont la constatation autorise la mise en oeuvre du " droit naturel " de légitime défense n'est pas énoncée par la Charte et ne fait pas partie du droit conventionnel. » - Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicara-gua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

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En fait, l’article 51 de la Charte relatif à la légitime défense renvoie au droit coutumier :

« Ce rappel du droit international coutumier est exprimé par le texte même de l'ar-ticle 51 mentionnant le " droit naturel " (en anglais " the inherent right ") de légitime défense, individuelle ou collective, auquel " aucune disposition de la ... Charte ne porte atteinte " et qui joue en cas d'agression armée. La Cour constate donc que l'article 51 de la Charte n'a de sens que s'il existe un droit de légitime défense " naturel " ou "inhé-rent", dont on voit mal comment il ne serait pas de nature coutumière, même si son contenu est désormais confirmé par la Charte et influencé par elle. De plus, ayant re-connu elle-même l'existence de ce droit, la Charte n'en réglemente pas directement la substance sous tous ses aspects. Par exemple, elle ne comporte pas la règle spécifique - pourtant bien établie en droit international coutumier - selon laquelle la légitime dé-fense ne justifierait que des mesures proportionnées à l'agression armée subie, et néces-saires pour y riposter […] Il n'est donc pas possible de soutenir que l'article 51 soit une disposition qui " résume et supplante " le droit international coutumier. » - Activités mi-litaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

L’absence de définition conventionnelle de l’agression n’empêche donc pas la Cour de considérer conformément au droit coutumier qu’un acte d’agression présente les caractéris-tiques suivantes :

1 - c’est un acte de force armée dirigé contre un Etat ;

2 - il est imputable à un autre Etat :

« L'accord paraît aujourd'hui général sur la nature des actes pouvant être considérés comme constitutifs d'une agression armée. En particulier, on peut considérer comme admis que, par agression armée, il faut entendre non seulement l'action des forces ar-mées régulières à travers une frontière internationale mais encore " l'envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de merce-naires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat d'une gravité telle qu'ils équivalent " (entre autres) à une véritable agression armée accomplie par des forces régulières, " ou [au] fait de s'engager d'une manière substantielle dans une telle action ". » - Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nica-ragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

Selon la Cour, « cette description, qui figure à l'article 3, alinéa g), de la définition de l'agression annexée à la résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale, peut être considérée comme l'expres-sion du droit international coutumier. » - Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

iii - La force majeure et le cas fortuit La force majeure est définie ici comme en droit interne : événement imprévisible dans sa

survenance, irrésistible dans ses effets et extérieur à la volonté de l’Etat défendeur. Elle se distingue du cas fortuit par ses effets sur le comportement du défendeur. La force majeure entraîne l’impossibilité matérielle d’agir conformément à une obligation

internationale donnée ; le cas fortuit empêche l’Etat de se rendre compte, au moment de l’ac-tion ou de l’omission, que son comportement n’est pas conforme à cette obligation.

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iv - La détresse : En principe, l’illicéité est exclue si l’agent de l’Etat n’avait pas d’autre moyen, dans une situation d’extrême détresse, pour sauver sa vie ou celle de personnes pla-cées sous sa garde. Toutefois, l’illicéité est retenue :

* si l’Etat en cause a contribué à la naissance de la situation d’extrême détresse * ou si le fait litigieux a créé un dommage comparable ou supérieur à celui que l’Etat

voulait éviter.v - L’état de nécessité : Il ne sera retenu que si cinq conditions sont réunies : * le fait litigieux doit avoir été le seul moyen de sauvegarder un intérêt essentiel de l’Etat

en cause face à un péril grave et imminent; * le fait litigieux ne doit pas avoir porté atteinte à un intérêt essentiel de l’Etat à l’égard

duquel existe l’obligation violée; * l’obligation internationale violée ne doit pas découler d’une norme impérative du droit

international général; * l’obligation internationale violée ne doit pas être prévue par un traité qui, explicitement

ou implicitement, exclut la possibilité d’invoquer l’état de nécessité en ce qui concerne cette obligation;

* l’Etat en cause ne doit pas avoir contribué à la survenance de l’état de nécessité.

***

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 de la question n°4 du cas pratique : en l’espèce, le libellé du cas pra-tique révèle-t-il que le gouvernement russe est fondé à invoquer des causes exonératoires devant la Cour ?

a - Le consentement de la victime Les conditions de sa mise en œuvre en tant que cause exonératoire ne sont pas réunies

ici :i – en l’espèce, le consentement est supposé émané d’un sujet de droit interne incapable de

toute évidence d’engager valablement l’Etat mongol au plan international. Données perti-nentes du cas pratique : « Il n’y avait donc qu’un seul moyen pour sauver des milliers de vies : abattre immédiatement l’avion de la Mongolian Airways, ce qui fut fait avec du reste l’accord codé du commandant de bord mongol. » ;

ii – la destruction de l’aéronef mongol en territoire mongol constitue un cas d’emploi de la force contre un Etat ; or l’emploi de la force contre un Etat contrevient à une norme du jus co-gens, autrement dit à une norme impérative du droit international général (la norme qui pro-hibe justement l’emploi de la force contre un Etat : cf. article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies).

b - La légitime défense  Les conditions de sa mise en œuvre en tant que cause exonératoire ne sont pas

réunies :i - l’acte de piraterie auquel a répondu la destruction de l’aéronef mongol n’est pas un acte

d’agression, car il n’est imputable ni à l’Etat mongol ni à aucun autre Etat. Données perti-nentes du cas pratique : « […] en substance, les services secrets russes avaient été informés que trois "terroristes" tchétchènes se trouvant à bord s’apprêtaient à précipiter l’appareil sur la ville d’Ir -kutsk. » ;

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

ii - l’incursion d’hélicoptères russes en territoire mongol ne répondait à aucune menace, ni a fortiori à un acte d’agression de la part de la Mongolie. Données pertinentes du cas pra-tique : « Quelques heures plus tard, connaissant le lieu exact où l'appareil avait été abattu, deux héli-coptères russes de type Mi-24 Hind ont pénétré en territoire mongol pour y prélever des débris. »

Au surplus, nous n’avons pas besoin d’épiloguer sur la prétendue notion de légitime dé-fense préventive.

c - La force majeure et le cas fortuit Les conditions de leur mise en œuvre en tant que causes exonératoires ne sont pas

réunies :i - ni la destruction de l’aéronef mongol, ni l’intrusion d’hélicoptères russes en territoire

mongol ne peuvent être considérées comme des événements imprévisibles dans leur surve-nance et extérieurs à la volonté de l’Etat défendeur ;

ii - dans le contexte actuel (Cf. prise d’otages de Moscou), l’acte de piraterie des « terro-ristes » tchétchènes ne peut non plus être tenu pour un événement imprévisible.

d - La détresse :Les conditions de sa mise en œuvre en tant que cause exonératoire ne sont pas

réunies :i - la destruction de l’aéronef mongol a créé un dommage comparable à celui que l’Etat

russe voulait éviter. Données pertinentes du cas pratique : « Les deux cent quatre-vingt-dix passagers et membres d’équipage de l'avion mongol ont péri. » ;

ii - l’intrusion d’hélicoptères russes en territoire mongol ne répondait manifestement à au-cune menace ni a fortiori à une quelconque situation de détresse. Données pertinentes du cas pratique : « Quelques heures plus tard, connaissant le lieu exact où l'appareil avait été abattu, deux hélicoptères russes de type Mi-24 Hind ont pénétré en territoire mongol pour y prélever des débris. ».

e - L’état de nécessité : Les conditions de sa mise en œuvre en tant que cause exonératoire ne sont pas

réunies :i - l’intrusion d’hélicoptères russes en territoire mongol n’était pas le seul moyen de sau-

vegarder un intérêt essentiel de l’Etat russe (cf. supra sur la détresse) ;ii - la destruction de l’aéronef mongol et l’intrusion d’hélicoptères russes en territoire

mongol ont porté atteinte à des intérêts essentiels de l’Etat mongol ;iii - l’obligation internationale violée par la Russie découle d’une norme impérative du

droit international général qui prohibe l’emploi de la force contre un Etat (jus cogens).

***

Conclusion sur l’interrogation n°1 de la question n°4 du cas pratique :

Pour les raisons exposées ci-dessus, si la Russie invoque une cause exonératoire, on lui fe-ra remarquer que les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas réunies.

Contrer les moyens du gouvernement ne sera donc pas une entreprise ardue.

***

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

B – Interrogation n°2 de la question n°4 du cas pratique : les consé-quences qui s’attachent à la présentation et au développement des causes exonératoires avant les exceptions préliminaires à la compétence de la Cour 

Comme nous l’apprend le cours, cette interrogation a trait au problème du forum proroga-tum :

« Exceptionnellement, le consentement peut être donné par l’Etat défendeur après la saisine unilatérale de la Cour par son adversaire - "offre unilatérale". Cette acceptation subséquente peut être explicite ou implicite. Dans le second cas, elle illustre le principe du forum prorogatum, c’est-à-dire l’extension de la compétence normale de la Cour à une affaire qui, d’après les règles ordinaires, n’en relève pas. »

Etant donné le caractère sommaire des faits pertinents auxquels renvoie cette interro-gation, l’exposé et l’application des règles pertinentes se feront sans délai.

Exposé et application des règles pertinentes relatives au forum proro-gatum

La validité du forum prorogatum comme manière de donner son consentement n’est pas sérieusement contestable, car la Cour ne cultive pas le fétichisme de la forme :

Droits de minorités en Haute-Silésie (Ecoles minoritaires), 26 avril 1928 :

« L'acceptation, par un État, de la juridiction de la Cour dans un cas particulier, n'est pas, selon le Statut, soumise à l'observation de certaines formes, comme, par exemple, l'établissement d'un compromis formel préalable. Et il ne semble point douteux que la volonté d’un Etat de soumettre un différend à la Cour puisse résulter, non seulement d'une déclaration expresse, mais aussi d’actes concluants. Il paraît difficile de nier que le fait de plaider le fond sans faire des ré-serves sur la compétence, ne doive être regardé comme une manifestation non équi-voque de la volonté de l'État d'obtenir une décision sur le fond de l'affaire. Or, la Cour a déjà observé que les conclusions du Contre-Mémoire visent une décision sur le fond. »

Il y a forum prorogatum dès lors que le défendeur ne soulève aucune objection contre une décision sur le fond du différend. Le fait de plaider sur le fond révèle la volonté d’obtenir une décision sur le fond :

- Société commerciale de Belgique, arrêt du 15 juin 1939, C.P.J.I, série A/B n° 78, p. 173 :

« Quant à sa propre compétence pour statuer sur ces conclusions, la Cour se borne à constater que le Gouvernement hellénique n'a soulevé aucune objection ; au contraire, il a plaidé le fond et il a demandé une décision sur le fond. Sur ce point, il y a donc ac-cord entre les Parties. »

- Affaire Haya de la Torre, Arrêt du 13 juin 1951: C.I.J. Recueil 1951, p. 71:

« Les Parties ont dans la présente affaire accepté la juridiction de la Cour. Elles ont dis-cuté au fond toutes les questions soumises à celle-ci et n'ont rien objecté contre une dé-cision au fond. Cette attitude des Parties suffit à fonder la compétence de la Cour. »

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003

- Affaire de l'Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran) exception préliminaire, Arrêt du 22 juillet 1952 :

« Au cours des débats oraux le Gouvernement du Royaume-Uni a déposé une conclu-sion aux termes de laquelle " le Gouvernement de l'Iran, ayant, dans ses conclusions, soumis à la décision de la Cour plusieurs questions qui ne sont pas des exceptions à la compétence de la Cour et qui ne pourraient être tranchées que si la Cour était compé-tente, a, ce faisant, conféré compétence à la Cour, sur la base du principe du forum pro-rogatum ". Bien que l'agent du Gouvernement du Royaume-Uni ait déclaré par la suite qu'il ne tenait pas à insister sur ce point, sa conclusion n'a pas été formellement retirée. La Cour est donc tenue de l'examiner.Pour pouvoir s'appliquer en l'espèce, le principe du forum prorogatum devrait être fon-dé sur quelque acte ou déclaration du Gouvernement de l'Iran impliquant un élément de consentement à l'égard de la compétence de la Cour. Mais ce Gouvernement n'a pas cessé de contester la compétence de la Cour. Après avoir déposé une exception prélimi-naire aux fins d'incompétence, il a maintenu cette exception pendant toute la durée de la procédure. Il est vrai qu'il a présenté d'autres objections sans rapport direct avec la question de compétence. Mais elles étaient clairement indiquées comme des moyens de défense qui auraient à être traités seulement si l'exception d'incompétence de l'Iran était- rejetée. Aucun élément de consentement ne saurait être déduit de l'attitude adop-tée par l'Iran. En conséquence, la conclusion du Royaume-Uni sur ce point ne saurait être admise. »

***

Conclusion sur l’interrogation n°2 de la question n°4 du cas pratique :

Si, par erreur, l’agent du gouvernement russe présentait et développait des causes exonéra-toires avant les exceptions préliminaires précitées à la compétence de la Cour, il y aurait

- défense au fond,- volonté d’obtenir une décision au fond- et donc acceptation implicite de la compétence de la Cour (Forum prorogatum).

*******

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003SOMMAIRE

Sommaire du corrigé

Question n°1 – Recevabilité de la requête - Exception de différend non justiciable page……..3 

Considérations d’ordre méthodologique (Rappel) ……………….p.4

A - Dimension proprement juridique de l’exception de différend non justi-ciable……………….p.6

1 - Présupposé n°1 de l’exception de différend non justiciable : la Cour ne peut-elle statuer que sur certains types de requêtes ? ……………….p.6

Dispositions pertinentes des textes qui régissent la fonction contentieuse de la Cour in-ternationale de Justice……………….p.6

Jurisprudence pertinente de la Cour…………….p.8Conclusion sur le présupposé n°1 de l’exception de différend non justi-

ciable……………….p.9

2 - Présupposé n°2 de l’exception de différend non justiciable : est-il exact qu’une requête dictée par des arrière-pensées politiques ne fait pas partie des requêtes sur les-quelles la Cour peut statuer ? ……………….p.10

Conclusion sur le présupposé n°2 de l’exception de différend non justi-ciable……………….p.11 

Conclusion sur la dimension proprement juridique de l’exception de différend non justi-ciable……………….p.11 

B - Dimension purement factuelle de l’exception de différend non justi-ciable……………….p.12

Conclusion sur la dimension purement factuelle de l’exception de différend non justi-ciable……………….p.12

Conclusion sur la question n°1 du cas pratique……………….p.13

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003SOMMAIRE

Question n°2 – Fondement et objet et des mesures conservatoires décidées par la Cour……………….p.14 

A - Interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique : quels sont les motifs de fait et de droit pour lesquels la Cour internationale de Justice a indiqué des mesures conservatoires ? ……………….p.16

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique : d’une manière générale, à quelles conditions de droit et de fait la Cour subordonne-t-elle l’indication de mesures conservatoires ?……………….p.17

Dispositions pertinentes des textes qui régissent l’indication par la Cour de mesures conservatoires……………….p.17

Jurisprudence pertinente de la Cour…………….p.18Conclusion sur le présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interroga-

tion n°1 de la question n°2 du cas pratique……………….p.19

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique : en l’espèce, le libellé du cas pratique révèle-t-il les cir-constances de fait et de droit qui ont conduit la Cour à conclure qu’étaient réunies les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée l’indication de mesures conser-vatoires ? ……………….p.21

Conclusion sur le présupposé n°2 ou dimension purement factuelle  de l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique……………….p.22

Conclusion sur l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique……………….p.22

B - Interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique : la Cour pouvait-elle valablement prescrire d’office des mesures conservatoires ? ……………….p.23

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique : d’une manière générale, la Cour est-elle habilitée à prescrire d’office des mesures conservatoires ? ……………….p.23

Dispositions pertinentes des textes qui régissent l’indication par la Cour de mesures conservatoires……………….p.23

Jurisprudence pertinente de la Cour…………….p.24Conclusion sur le présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interroga-

tion n°2 de la question n°2 du cas pratique……………….p.25

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique : en l’espèce, la Cour était-elle en droit de prescrire d’office des mesures conservatoires ? ……………….p.26

Conclusion sur le présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique……………….p.26Conclusion sur l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique……………….p.26

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003SOMMAIRE

C - Interrogation n°3 de la question n°2 du cas pratique : compte tenu du contexte, quel pourrait être l’objet de ces mesures ? ……………….p.27Question n°3 – Le consentement russe à la compétence de la Cour……………….p.28   A - Interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique : L’exception prélimi-naire visant la déclaration faite par la Russie en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour peut-elle être retenue ? ……………….p.31

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique : d’une manière générale, à quelles conditions des décla-rations faites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut fondent-elles la compé-tence de la Cour ? ……………….p.32

Dispositions pertinentes des textes qui régissent la fonction contentieuse de la Cour in-ternationale de Justice……………….p.32

Jurisprudence pertinente de la Cour…………….p.33

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique : en l’espèce, le libellé du cas pratique révèle-t-il que se trouvent réunies les conditions exigées pour que les déclarations russes et mongoles faites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut fondent la compétence de la Cour ? ……………….p.35

Conclusion sur l’exception préliminaire visant la déclaration faite par la Russie en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour……………….p.38

B - Interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique :  Les exceptions préli-minaires relatives aux réserves écartant l’application de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article 14 de la Convention de Montréal peuvent-elles être retenues ? ……………….p.39

Conclusion sur l’interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique……………….p.39 

Conclusion sur la question n°3 du cas pratique……………….p.40

***

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003SOMMAIRE

Question n°4 – Causes exonératoires et forum prorogatum …………….p.41  A - Interrogation n°1 de la question n°4 du cas pratique : la nature et la validité des causes exonératoires que le gouvernement russe pourrait invo-quer……………….p.41

1 - Présupposé n°1 ou dimension proprement juridique de l’interrogation n°1 de la question n°4 du cas pratique : d’une manière générale, quelles causes exonératoires peut-on valablement invoquer devant le juge international ? ……………….p.42

a - Règles pertinentes relatives aux conditions d’engagement de la responsabilité inter-nationale……………….p.42

b - Règles pertinentes relatives aux causes exonératoires……………….p.43

2 - Présupposé n°2 ou dimension purement factuelle de l’interrogation n°1 de la question n°4 du cas pratique : en l’espèce, le libellé du cas pratique révèle-t-il que le gou-vernement russe est fondé à invoquer des causes exonératoires devant la Cour ? ……………….p.45

Conclusion sur l’interrogation n°1 de la question n°4 du cas pratique……………….p.46

B - Interrogation n°2 de la question n°4 du cas pratique : les conséquences qui s’attachent à la présentation et au développement des causes exonératoires avant les exceptions préliminaires à la compétence de la Cour……………….p.47

Exposé et application des règles pertinentes relatives au forum proroga-tum……………….p.47 Conclusion sur l’interrogation n°2 de la question n°4 du cas pratique……………….p.48 

   

********

  

   

 

   

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003SOMMAIRE

Aacceptation implicite, 48accord, 3, 4, 9, 12, 13, 44, 45, 47acte unilatéral, 28, 33action isolée, 37agression, 43, 44, 45, 46annexes, 35, 36appréciation, 3, 4, 29argumentation, 3, 4, 5, 13, 29arrière-pensées, 4, 5, 6, 10, 11, 12, 13article 36, 7, 8, 10, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 38,

40aspects politiques, 10, 12

Bbut, 26, 37, 39

Ccas fortuit, 44, 46causalité, 42, 43causes exonératoires, 41, 42, 43, 45, 46, 47, 48circonstances de fait et de droit, 16, 21, 22clause compromissoire, 28, 39clause compromissoire spéciale, 28, 39clause d’option, 32clause facultative de juridiction obligatoire, 32, 33compétence, 7, 8, 9, 12, 18, 19, 20, 21, 22, 28, 29, 30,

31, 32, 33, 34, 35, 39, 41, 47, 48conflit, 7, 9, 18, 20, 21, 22conflit d'intérêts juridiques, 9consentement, 28, 29, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 43, 45, 47,

48contexte de découverte, 15contexte de justification, 15conviction, 18, 19, 20, 21, 22cours, 3, 8, 9, 13, 20, 25, 28, 39, 42, 47, 48

Dd’office, 2, 14, 15, 23, 24, 25, 26, 30déclaration, 28, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 47,

48défendeur, 18, 19, 24, 44, 46, 47délai, 32, 35, 39, 47demande, 3, 6, 8, 17, 18, 19, 20, 24, 25, 26, 29, 39, 42, 43demandeur, 18, 19, 24, 31, 42dénominateur commun, 34dépôt, 18, 20, 32, 33, 34, 35dessaisissement, 4, 29détresse, 45, 46différend, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 27, 28, 29, 31,

35, 37, 38, 40, 47différends d’ordre juridique, 8, 9, 11, 13, 32, 35différends exclusivement politiques, 11, 13diplomatique, 3, 9, 10, 13, 43discrétionnaire, 20dispositif, 14, 15, 27dommage, 43, 45, 46

droit international commun, 30droit international coutumier, 12, 44droit naturel, 43, 44

Eéconomie, 5, 12, 20, 30effets, 32, 44emploi de la force, 29, 45, 46engagement de négocier, 13épuisement des voies de recours internes, 43estoppel, 39Etat déclarant, 32, 33, 34exception, 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 28, 29, 30, 31, 38,

40, 43, 48exceptions préliminaires, 8, 9, 28, 29, 30, 31, 33, 34, 38,

39, 40, 41, 47, 48excuses officielles, 12, 43

Ffaits pertinents, 2, 5, 6, 16, 23, 30, 31, 41, 47fétichisme de la forme, 47fonction consultative, 2, 13fonction judiciaire, 8, 13fond, 3, 4, 8, 10, 12, 18, 19, 21, 22, 28, 31, 41, 42, 43, 44,

47, 48fondement, 4, 11, 14, 15, 25, 29, 38force majeure, 44, 46forum prorogatum, 41, 47, 48

Iillicéité, 42, 43, 45implications politiques, 11inopérant, 4, 5, 10, 11, 12instance, 18, 19, 21, 22, 24, 27, 29instrumentum, 3, 6interprétation, 7, 9, 10, 28, 32, 36, 39interrogation implicite, 14interrogations explicites, 14irrecevabilité, 4irrecevable, 3, Voir irrecevabilité

Jjus cogens, 45, 46justiciabilité, 3, 8, 13justiciable, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12

LLaGrand, 18, 19, 20, 24, 25légitime défense, 43, 44, 45, 46lien consensuel, 33, 34logique, 4, 15, 22, 30, 42

Mmatériel, 42, 43matriochkas, 4

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Cas pratique : Affaire de l’incident aérien du 25 avril 2003SOMMAIRE

mesures conservatoires, 2, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 29, 30, 39

moral, 42, 43motifs de droit, 14, 16motifs de fait, 14, 15, 16moyen, 3, 4, 5, 7, 10, 11, 12, 14, 16, 23, 28, 45, 46

Nnationaux, 43nécessité, 42, 45, 46négociations, 3, 4, 12non possumus, 13non volumus, 13norme impérative, 43, 45, 46

Oopportunité politique, 13

Ppertinence, 4, 5, 12, 13, 20, 30pertinent, 4, 5, 10, 11post scriptum, 2, 14, 16, 21, 27, 30poupées russes Voir matriochkaspréjudice, 18, 19, 20, 21, 22, 42préliminaire, 3, 8, 28, 29, 30, 31, 38, 40, 48preuve, 4, 7, 21, 27, 30prima facie, 18, 19, 20, 21, 22, 30procédure consultative, 13protection, 43

Qquestions de droit international, 9, 11, 12

Rraisonnement, 4, 5, 10, 20, 30, 40rapport contractuel, 33, 34ratification, 28, 32, 34, 35, 36, 37, 38ratione materiae, 32, 33, 35, 37, 38ratione personae, 32, 33, 35ratione temporis, 32, 33, 35, 36, 37, 38rebours, 4recevabilité, 8, 11, 30réciprocité, 32, 34, 35, 36règles pertinentes, 2, 5, 11, 12, 16, 23, 31, 35, 41, 47régressif, 4regrets, 43rejet, 10requête, 3, 4, 5, 6, 7, 10, 12, 13, 18, 20, 21, 29, 31, 34, 39requêtes, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 24réserve, 7, 28, 34, 35

Ssaisine, 39, 43, 47sauvegarde, 14, 15souveraineté, 43

Uunanimité, 27urgence, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25

Vvalidité, 3, 4, 29, 30, 35, 39, 41, 47victime, 42, 43, 45

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