manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

44
3 ème Année Communication Cours COM333 MANUEL DE COMMUNICATION APPLIQUEE : LA PUBLICITE Professeur : M. Redouane LAAFOU Session Hiver 2005 1

Upload: federica-pudva

Post on 27-Jun-2015

1.396 views

Category:

Documents


21 download

TRANSCRIPT

Page 1: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

3ème Année Communication

Cours COM333

MANUEL DE

COMMUNICATION APPLIQUEE :

LA PUBLICITE

Professeur : M. Redouane LAAFOU

Session Hiver 2005

1

Page 2: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

SOMMAIRE

Page

LA COMMUNICATION INTERNE

La communication interne : situation La communication interne et la stratégie d'entreprise La communication interne et le management La communication interne et la culture d'entreprise Les limites de la communication interne

LES STRATEGIES CREATIVES

Les relations entre l'agence et l'annonceur Le bon projet créatif selon Ogilvy La copy stratégie La copy strategy créative La star Stratégie Plan de travail créatif Disruption et saut créatif

LA COMMUNICATION : les hommes ne sont pas des téléphones

Un schéma trop classique Faites gaffe aux techniciens L'émetteur humain Le récepteur humain Polysémie du message Multiplicité des codes Le signal et les parasites

ARGUMENTER

Introduction : l'information brute est un leurre Les cinq étapes de l'argumentation Trois raisons d'adhérer à une opinion Le (re)cadrage du réel Les arguments de lien

2

Page 3: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

LA MANIPULATION

Lessive et tais-toi (introduction) Mange ta soupe Manipuler par le style Manipuler par la clarté Manipuler par la peur Manipuler l'enfance Manipuler par le toucher Manipuler par la répétition

SIGNIFIANT / SIGNIFIE

Signifiant, signifié, c'est quoi ? Comment ça marche ? Jouer avec les mots : clef à molettes.

LES METAPHORES

Présentation Carrefour du sens (fonctionnement) Effet produit Fonction des métaphores Autres types de métaphores

LES FIGURES

Tropes Métonymie Prosopopée Synesthésie Oxymore Antithèse Euphémisme Zeugma

LES PROCESSUS DE CREATION PUBLICITAIRE - Henri Joannis

La bi-section symbolisante L'hyperbolisation sympathique La personnalisation signifiante La référence inattendue

3

Page 4: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

LA COMMUNICATION INTERNE

Rappelons d'abord ce qui devrait être une évidence, on ne peut pas bien communiquer en externe si on ne communique pas bien en interne. Danone est peut-être un bel exemple de grande réussite en terme de communication externe mais c'est aussi un magnifique désastre de la communication interne qui s'est traduit par une catastrophe pour l'image de la marque : Danone ne fait plus partie des marques préférées des Français. Dans les entreprises qui réussissent, les gens communiquent entre eux. Et au-delà de la communication, ils n'agissent pas seulement en fonction de leurs missions mais aussi en fonction de leur contribution. Ils essaient d'évoluer ensemble car l'entreprise n'est pas un empilement mais un réseau de compétences. La communication interne a ce rôle : développer le sens du collectif. Si la communication n'a pas de finalité humaine, elle ne sert à rien. Si le communicant n'a pas d'éthique, il devient un outil de la propagande économique.

La communication interne : situation La communication interne et la stratégie d'entreprise La communication interne et le management La communication interne et la culture d'entreprise Les limites de la communication interne

Communication interne : situation

L'objectif global de la communication interne consiste à récolter puis à diffuser, à communiquer, des informations pour permettre à l'entreprise et à ses acteurs internes d'exister. Ces informations peuvent avoir pour origine la rumeur. Radio Moquette est un bon indicateur de l'état de la communication dans une organisation. Le besoin d'informations tient compte des différents événements qui se déroulent dans le temps. Il varie selon les lieux et les contextes, tous les services n'ont pas les mêmes demandes. Il est différent en fonction des cibles qui peuvent être nombreuses : l'encéphalogramme d'une entreprise n'est jamais plat. L'offre doit répondre à plusieurs impératifs : être régulière, adaptée et accessible en permanence. Le travail sur la forme est un élément essentiel de la communication interne. Informer tout en communiquant n'est pas forcément chose facile et il s'agit de trouver un juste milieu entre l'information (la transmission brute de données qui concerne l'organisation) et la communication (la mise en situation des données avant leur transport vers les publics de l'organisation). Informer ne suffit pas surtout dans des dynamiques de changement

4

Page 5: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

La communication interne est au service de la stratégie d'entreprise

Les salariés sont aujourd'hui des acteurs de l'entreprise. Il n'est plus possible de les mobiliser sans les tenir informés des objectifs économiques, financiers, sociaux, politiques, éthiques et culturels. Les démarches projets qu'ont entamées beaucoup d'entreprises leur permettent de mobiliser tous les partenaires, y compris ceux qui ne travaillaient pas forcément ensemble. Les chargés de communication participent à la mise en place des projets. Et s'ils n'y participent pas, ils doivent tout mettre en œuvre pour connaître les origines de la stratégie, les événements qui la modifient, le contexte socioculturel, etc. Sans cela, le risque est grand de ne communiquer que des finalités alors que la transmission du sens du projet est primordiale. Nous ne pouvons pas nous approprier ce que nous ne comprenons pas. La démarche projet est donc déjà un acte de communication et la communication interne a en charge de fabriquer les supports et de trouver les médias pertinents pour véhiculer la stratégie.

La communication interne accompagne le management

Les organisations tayloriennes comme les organisations pyramidales ne sont pas franchement concernées par des problèmes de communication. On pourrait aller jusqu'à dire qu'elles se contentent d'informer se situant dans le strict schéma de la communication où il y a un destinateur qui émet un message et un récepteur qui reçoit (ou pas) un message. La communication y est mécanique et se préoccupe peu de l'impact. Les organisations cellulaires ou en réseau ont une toute vision de la communication puisqu'il y est question de relations, de dialogue et d'écoute : pour approfondir ce point, consultez la page les hommes ne sont pas des téléphones. Savoir informer et savoir communiquer sont des compétences que doivent posséder les managers. Pour cela, ils ont besoin d'être aidés dans leurs rôles de communicants aussi bien d'un point de vue logistique que d'un point de vue organisationnel. Dans ces organisations complexes où la ligne hiérarchique est réduite, la communication interne fonctionne aussi comme un centre des ressources communicationnelles, centralise les supports, établit les chartes graphique et rédactionnelle, décloisonne les services et les secteurs d'activités, facilite les transferts d'expérience…

La communication interne anime le réseau et mutualise

La communication interne met en commun un langage, une culture, les valeurs. La culture d'entreprise est une notion qui apparaît dans les années 80 en France. Importée des Etats Unis, elle intervient à un moment où le modèle classique de l'entreprise familiale a de moins en

5

Page 6: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

moins cours. Il s'agit alors de trouver une autre relation d'appartenance à l'entreprise puisque la relation au père / chef d'entreprise est obsolète. Père ou culture d'entreprise, il est très important pour les salariés d'avoir des points de référence en terme d'image. Cette réflexion autour de la création d'une identité propre à l'entreprise peut être poussée encore plus loin et on peut imaginer que chaque service dispose également de sa culture propre. Cette culture d'entreprise est suscitée bien sûr par l'histoire de l'entreprise, par les Hommes qui font l'entreprise, des salariés aux cadres, par les événements (EDF a intégré dans sa culture son exceptionnelle mobilisation lors de la tempête de 1999)… Quand Jean-Marie Messier multiplie les passages dans les médias, c'est en tant que PDG du groupe Vivendi mais c'est aussi pour véhiculer une culture d'entreprise auprès des salariés qui, sans cela, pourraient avoir l'impression d'être noyés dans une multinationale sans âme, sans valeurs, sans histoire, qui n'existe que dans les cours de la Bourse, etc. On peut facilement imaginer les remous qui ont dû se produire dans Canal Plus, où la culture d'entreprise semblait très forte, quand Canal Plus est passé dans la galaxie Vivendi. En tout cas, on mesure mieux ici l'importance de la communication interne qui va mettre en scène la culture de l'entreprise qui va s'incarner dans le journal interne, les livres ou les musées d'entreprise. Chaque organisation s'invente un langage (un certain code vestimentaire dans les Start up) et entretient des rituels (les pots d'arrivée, les départs à la retraite, les arbres de noël, les repas en commun).

La communication interne et ses limites

Réceptionner un message et adhérer à un message ne va pas forcément de pair. Dans les entreprises de type pyramidal, on ne se pose guère le problème de l'adhésion. Dans les autres organisations, il faut s'interroger sur la production de messages qui ne s'accompagne pas d'une action. En clair, la communication ce n'est pas du vent, elle doit s'incarner dans des faits, des actions visibles, des situations réelles.

La culture d'entreprise ne peut pas être perçue comme une tentation fusionnelle. Il ne s'agit pas par exemple de fabriquer une culture d'entreprise artificielle. C'est pourquoi on doit s'interroger sur le modèle que véhicule certaines start-up où l'entreprise devient aussi un lieu de vie avec par exemple des lave-linge mis à disposition, des baby foot ou des jeux vidéo dans les salles de repos. Que se passera-t-il dans ces entreprises quand elles seront confrontées à une crise interne ? La communication interne n'a pas pour mission d'infantiliser, d'aliéner, de manipuler, de nourrir la propagande, de servir la langue de bois. Elle met en place un langage commun en organisant les relations entre l'individu et l'entreprise… Elle n'écarte pas de son champ d'action les désaccords, les ruptures, les conflits et les crises, sachant qu'il n'y a pas pire crise que la non-crise. Elle n'a pas pour prétention de régler les conflits mais elle

6

Page 7: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

LES STRATEGIES CREATIVES

Bâtir une campagne de communication nécessite un vrai travail de réflexion. On ne s'aventure pas à communiquer pour une entreprise sans bien connaître ses besoins. La même chose pour les produits et les services. Ce travail d'exploration qui se réalise en amont doit être réalisé avec minutie, son histoire et sa culture comptent beaucoup, mais il y a aussi l'histoire et la culture dans lesquelles le client s'est inscrit. Sans une très bonne culture générale, pas une culture académique, une culture générale, c'est-à-dire une culture qui tient compte des mouvements de la société, il n'y a pas de salut pour les communicants. C'est grâce à cette culture que nous allons cerner au mieux l'adéquation entre le service, le produit, la marque d'une part, le client d'autre part. Toutefois, les créatifs ne sont pas des artistes et si tout le travail qui mène au résultat (la publicité proprement dite) est riche, profond et éprouvant, il ne faut pas oublier que le résultat est d'une pauvreté inouïe, éphémère, mercantile et au service d'une marque, bref, sans aucun secours pour l'Humanité. Restons humble donc. Mini Mir, mini prix, mais il fait le maximum... En même temps, il ne faut pas se leurrer, les frais de création représentent une part infime du budget total d'une campagne de communication, pour Eric Vernette, Publicité - Théories, acteurs et méthodes, ils représentent moins de 5% du montant des achats d'espace. En effet, une fois que la publicité est fabriquée, elle l'est une bonne fois pour toutes. Ce faible pourcentage ne doit pas être négligé puisqu'il va conditionner, voire influencer, les 95% restants. Et oui, à l'origine, il y a toujours un ou des créateurs.

7

Page 8: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

Les relations entre l'agence et l'annonceur Le bon projet créatif selon Ogilvy La copy strategy La copy strategy créative La star Stratégie Plan de travail créatif Disruption et saut créatif

Traditionnellement, la relation entre l'annonceur et l'agence se déroule selon le schéma suivant. Un annonceur rédige un brief pour l'agence, brief que transporte les commerciaux et qui se transforme ensuite en brief créatif. L'agence propose ensuite une copy strategy pour l'annonceur (on verra plus loin que la copy strategy peut prendre d'autres noms).

La relation entre l'annonceur et l'agence est une relation de commande, l'entreprise passe commande, elle a un besoin, elle le définit et elle l'exprime. La relation entre l'agence et l'annonceur est une relation de conseil, mais aussi une relation commerciale. Les précautions à prendre par l'annonceur : passer une commande claire, précise, synthétique, exhaustive et factuelle, se méfier des relations affectives qui se nouent avec l'agence, ne pas oublier qu'une relation commerciale c'est aussi une relation de séduction et les agences ont fait de l'influence leur métier. Les précautions à prendre par l'agence : écouter, écouter, écouter et encore écouter, et au moment de proposer, être factuel, simple, concret, rendre visible le travail des créatifs, mettre en avant les retombées de la campagne, conseiller en n'hésitant pas à défendre ses choix : il arrive très souvent que l'annonceur contredise les propositions afin de tester l'efficacité de la stratégie mise en place par l'agence. Situation classique de communication : c'est un jeu, il faut en comprendre les règles, n'oubliez pas que les règles se réinventent chaque jour...

8

Page 9: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

Un bon projet créatif pour Ogilvy : - comporte une idée forte et une seule, il est très dangereux de multiplier les idées pour un produit. Cela n'empêche pas l'agence de soumettre plusieurs propositions pour une seule idée - donne des faits, des informations, des éléments factuels - est en phase avec les cibles de communication - est original (euh! Rappelez-vous la citation de Nerval - qui n'était pas un publicitaire - : le premier à avoir comparé une femme à une rose était un poète, le second un imbécile)

La copy strategy : projet créatif typique des années 80, la publicité vient à peine de passer le cap de la réclame, mais elle a encore besoin de fonctionner avec la sacro-sainte preuve. Très efficace avec des produits de consommation courants qui ne nécessitent pas des efforts de réflexion colossaux au moment crucial de l'acte d'achat. La copy strategy se structure ainsi :

- La promesse : le message à communiquer à la cible : LE RICIL QUI ALLONGE LES CILS

- La preuve (the reason why) : l'étude comparative, la présence de résultats, la démonstration du produit : LA DOUBLE FORMULE, UNE BROSSE A CILS POUR EPAISSIR LES CILS, UNE AUTRE POUR LES ALLONGER

- Le bénéfice consommateur : l'avantage que va retirer le consommateur, il faut que cet avantage soit concret, il doit appartenir à l'univers du consommateur : MES CILS AGRANDIS AGRANDISSENT EN MEME TEMPS MON REGARD : ON VOIT MES YEUX - Le ton est tout ce qui va constituer l'ambiance du message, sa scénarisation et son émotion : LE MATIN JE SUIS DE BONNE HUMEUR QUAND JE ME MAQUILLE

La copy strategy est accompagnée d'une définition précise de la cible, une analyse de la pub des concurrents, historique de la communication du produit ou du service

Finalement la copy strategy (qu'on peut aussi écrire copy stratégie) et qui signifie stratégie créative est assez proche de la théorie de l'USP, elle s'en inspire, théorie imaginée dans l'agence Ted Bates et détaillée par Rosser Reeves dans le réalisme en publicité (Unique Selling Proposition) : la publicité fait une proposition forte, attractive, exclusive, spécifique, au consommateur pour être efficace. Cette théorie n'a aucune efficacité pour des produits ou des services qui ne se démarquent pas de la concurrence.

9

Page 10: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

Variante de la copy strategy : la copy strategy créative

- L'axe publicitaire : c'est une idée forte qui est communiquée (promesse), une idée et une seule : VITTEL, BUVEZ ELIMINEZ. La meilleure façon de déterminer un axe publicitaire est de recenser les freins et les motivations : EAU MINERALE POUR LES GROS SANS GOUT, FADE POUR LES MALADES mais aussi EAU MINERALE POUR ETRE EN FORME POUR RESTER JEUNE POUR LE SPORT etc. Il convient de choisir des motivations qui n'engendrent pas de frein, celles qui sont stimulantes, qui sont des motivations ni dévalorisées, ni inconscientes, le choix final est déterminé par la recherche de l'originalité et de la spécificité AVEC VITTEL ON BOIT, on fait du sport (ellipse du message) ET ON ELIMINE. Exemples de freins : le faible coût d'un ordinateur peut laisser supposer une qualité médiocre, la facilité d'utilisation d'un téléphone portable peut être interprétée comme un manque d'innovation technologique, une belle voiture peut trahir son manque de confiance en soi puisque la voiture sera envisagée comme un substitut à la séduction (doux syllogisme : j'ai une belle voiture, donc je suis beau, ce qui s'avère assez pertinent pour analyser la psychologie masculine: puissance, séduction, virilité...), un produit diététique est forcément pas bon et une boisson pétillante s'adresse obligatoirement aux jeunes... Il s'agit donc de se méfier de ses motivations qui peuvent se révéler être des freins durables pour le produit... et pour la marque.

Motivations engendrant un frein faible coût d'une voiture (qualité bof) facilité pour utiliser du matériel techno (retard) motivation dévalorisée (afficher sa position sociale par une conso ostentatoire) motivation inconsciente (acheter une voiture pour séduire) frein (produit diététique pas bon) axe non original (la jeunesse pour soft drink) axe non spécifique (du calcium dans du lait)

- Le concept d'évocation est une situation concrète qui crédibilise l'axe JE COURS DANS UN PARC JE SUIS DYNAMIQUE JE TRANSPIRE JE BOIS POUR ELIMINER. Le concept d'évocation est ce que Roland Barthes nomme l'effet de réel (article à lire dans Critiques), l'effet de réel qui crée l'illusion d'une situation ou d'une sensation : pensez à l'effet de réel que représente une vague qui roule sur la plage pour symboliser la fraîcheur d'un après rasage. Le concept d'évocation doit être attractif, facilement compréhensible, être spécifique au produit (attention aux femmes trop minces pour les produits diététiques), être crédible (colle super glu c'est peut-être un trucage, et bien non, ce n'est pas un trucage), être accepté par tous les publics (Charal n'a peut-être pas atteint son objectif en faisant manger un chien par un homme privé de viande... ) et s'adapter aux contraintes techniques des supports.

10

Page 11: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

- Le thème est la déclinaison du message, on dira d'une manière un peu pompeuse la mise en signifiant (allez vite réviser ce concept dans la rubrique LES MESSAGES) : conception rédaction, scénario, musique, ton, ambiance du message, tout ce qui va servir à matérialiser l'effet de réel : LA VAGUE COULEUR VERT MENTHOLEE GLISSE SUR LA PLAGE JAUNE SABLE ETC.

La star stratégie se déplace de la communication sur le produit vers la communication de la marque. Elle se développe avec les années 80 lorsque le consommateur éprouve le besoin de s'identifier à une marque, un thème récurrent, on n'achète pas un produit, mais une marque. Cela commence avec l'attractivité qu'exercent les héros publicitaires (mère Denis), les stars (Isabelle Adjani et un savon), le recours à la provocation (Benetton), la publicité superproduction (Citroën et Jean Paul Goude), les publirédactionnel (presse), les infomerciales (télévision), les événements (le lancement de Harry Potter). L'aboutissement de la star stratégie est un processus qui permet à la marque de sortir de l'anonymat et devenir une star qui a :

- un physique : ce qu'elle apporte : NIKE LE SPORT LE MOUVEMENT ET LE CONFORT DANS L'EFFORT : LE CONCEPT AIR

- un caractère : ce qu'elle est, sa valeur imaginaire : NIKE LE PASSAGE A L'ACTION - JUST DO IT

- un style: ce qu'elle représente pour exister, les constantes de création : NIKE ET SES FORMES REBELLES A LA CANTONA SON PARTI PRIS POUR ETRE UN INDIVIDU DANS UNE EQUIPE "Etre une personne, c'est être personne. Nous ne fabriquons pas des personnes, nous créons des stars. Une personne que tout le monde connaît, qui fait vendre et qui dure". Séguéla. Citation tirée du Publicitor dont la lecture est plus qu'utile pour approfondir cette présentation très synthétique. Nous sommes aujourd'hui sortis des années frimes des années 80, la star stratégie ne sert plus les marques, elle les desservirait même parfois : pensez à la façon dont communique Levi's...

Who, what, what (Youg et Rubicam) décline autrement le concept de la star stratégie : - Who : qui est la cible

11

Page 12: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

- What : comment la cible se représente la marque avant l'exposition à la publicité.

- What after: comment la cible se représente(ra) la marque après l'exposition à la publicité ? Le prisme de personnalité défini par Kapferer définit encore une autre version de la star stratégie :

- Physique : jean, solidité, permanence dans le temps, indémodable, Levi's (nom produit) - Personnalité : présent partout, jeunesse, décontraction - Relation : esprit en marge sans être déconnecté, branché rebelle - Culture : tribale, urbanité, pratique - Reflet : unisexe, moderne, voire postmoderne, pas d'ostentation - Mentalisation : adhérer à l'époque, être à l'aise dans une époque complexe

Avec ce prisme de personnalité concernant la marque Levi's, on retrace toutes les plates-formes qui ont abouti aux publicités pour vanter ces dix dernières années la célèbre marque de jean.

Plan de travail créatif (Young et Rubicam)

Le PTC repose sur 6 éléments. Fin des années 80, les agences de publicité traversent une crise qui va en faire disparaître plus d'une. La crise fait le ménage et la communication change d'âge : fini le temps des strass et des paillettes, voici venu le temps des gestionnaires. Le plan de travail créatif porte la marque de cette évolution. Cette stratégie s'applique en particulier à des annonceurs prudents, à des marchés sensibles, à des produits instables. - Le fait principal positionne le produit et la marque - Le Problème à résoudre et le rôle de la publicité dans le marketing mix - Les objectifs précis concis mesurables - Les Principaux concurrents - La stratégie créative (cible de communication, bénéfice consommateur, support et justification du bénéfice consommateur, thème et ambiance du message) - Les instructions et les contraintes (budget et charte graphique)

Charte de création d'Henri Joannis

La charte de création est encore une variante de la copy strategy, sans réel bouleversement, on la cite pour disposer d'une grille supplémentaire. - Définition d'une cible de communication - Etude des motivations de la cible

12

Page 13: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

- Définition de la personnalité du produit et du positionnement de la marque - Contraintes de création à respecter

La stratégie de disruption

Le concept apparaît au début des années 90 où la crise se ressent d'une manière durable (stagnation des ventes, consommateurs économes et prudents, essoufflement de la publicité : la star stratégie lasse...). En même temps, les besoins de se renouveler se font ressentir, ce n'est pas encore l'idéologie du changement, mais ça approche. La stratégie de disruption va petit à petit devenir un modèle avec tous les risques que cette plate-forme créative comporte (rupture totale entre le message voulu et la perception de la cible, tension avec l'annonceur qui n'aime jamais gérer des situations de crise, impact très difficile à évaluer à priori). Pourtant, cette stratégie a un avantage et non des moindres : elle facilite la créativité. Jean Marie Dru fournit un prolongement intéressant avec le concept du saut créatif - capacité des créatifs de l'agence à traduire un objectif marketing en situation originale, séduisante et attractive pour la cible : EAU D'EVIAN CIBLE LES ENFANTS ET CELA DEVIENT UN BALLET NAUTIQUE. Le saut créatif / la disruption brisent les conventions et redessinent le marché :

- La convention : cette étape permet de valider les habitudes figeant les pensées, les stéréotypes qui emprisonnent les perceptions, les évidences invisibles qui enterrent la marque. Les conventions ne sont pas des faits, ce sont des opinions. APPLE EST UNE MARQUE QUI NE FAIT PAS LE POIDS FACE AUX PC - INSTABILITE DE LA MARQUE - LA CONVENTION AURAIT CONSISTE A SE POSER EN RIVAL DES PC

- La disruption (la rupture) est le moment de remise en question qui permettra à la marque de se repositionner. "La "disruption" s'attaque à l'identité globale de la marque. Dans un premier temps, il s'agit de détecter les conventions qui "norment" un marché, c'est-à-dire "le stock d'idées toutes faites qui maintiennent les choses en l'état". La marque souffre de leur carcan. Il faut donc les remettre en cause, les questionner. Nike, Ikea, Saturn ou Apple ont tous brisé des conventions. Mais en déstabilisant ces dernières, il faut veiller à rester juste par rapport à la marque et à l'idée qu'on s'en fait." L'entreprise. Pierre Agède. UN ORDINATEUR EST BIEN PLUS QU'UN ASSEMBLAGE TECHNOLOGIQUE, IL EST AUSSI VEHICULE DE VALEURS

- La vision découvre le sens (orientation future et signification) de la marque. Imaginer une vision à long terme pour une marque demande une profonde compréhension de cette marque et exige donc de laisser beaucoup de place à l'imagination et aux rêves. LES VALEURS APPLE SONT LA CREATIVITE ET L'ANTICONFORMISME - THINK DIFFERENT - LA MARQUE VA UTILISER DANS SES CAMPAGNES LES FIGURES QUI

13

Page 14: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

INCARNENT LA QUETE DU SENS TOUT AU LONG DE L'HISTOIRE (GANDHI, CALLAS, EINSTEIN...)

LA COMMUNICATION : les hommes ne sont pas des téléphones

14

Page 15: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

Les Hommes ne sont pas des téléphones

Un schéma trop classique Faites gaffe aux techniciens L'émetteur humain Le récepteur humain Polysémie du message Multiplicité des codes Le signal et les parasites

Le schéma classique de la communication, aujourd’hui trop classique, nous explique que la communication est amorcée par un signal, diffusée par un émetteur, reçue par un récepteur, véhiculée par un canal, codée par la langue des utilisateurs, parasitée par les inévitables interférences. Trop beau pour être vrai. En fait, ce schéma commandé par l’entreprise Bell (les premiers téléphones) à un mathématicien (Shannon) qui avait pour objectif de théoriser un problème technique (celui de l’information qu’envoie un poste émetteur à un poste récepteur à condition d’utiliser un code commun et là apparaissent, magie de la recherche, la sonnerie du téléphone (le signal) et encore plus magique, les fritures sur la ligne (les parasites).

15

Page 16: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

Si le schéma semble rendre compte du problème technique, il est totalement inopérant pour résoudre un problème humain. Et là, on comprendra mieux pourquoi il a été difficile de mettre en place des intranet ou des sites web quand ils ont été confiés aux seuls informaticiens dont la culture est exclusivement technique. Monopolisant de par leur position l’entretien des câbles, du serveur chargé de gérer l’information collective, des postes individuels, ils vont rarement en deçà (avant le serveur, l’émetteur) ou au delà (après les postes individuels, les récepteurs). Les émetteurs et les récepteurs humains ont un cerveau qui est à lui seul un vrai serveur (pardon pour la métaphore extrêmement réductrice qui consiste à comparer l’esprit humain à un ordinateur), triant et interprétant l’information, sympathisant ou pas avec les outils, capricieux ou volontaire, imperméable au monde extérieur ou disponible. C’est pourtant là, dans la psyché des utilisateurs, que se situent les vrais enjeux.

En amont, il s’agit de définir une vraie stratégie de communication qui permettra de déterminer les outils dont a besoin l’entreprise, le site web qui s’adaptera au marché, aux clients, l’intranet susceptible d’améliorer l’efficacité du personnel, la qualité de la communication interne, le partage des ressources. En aval, il s’agit d’accompagner les utilisateurs par des formations ou des démarches de type marketing pour que soient adoptés les outils technologiques de l’information et de la communication. Il s’agit aussi d’assurer l’activité du serveur et du site, l’alimenter, l’actualiser, l’animer. On a trop souvent tendance à oublier

16

Page 17: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

qu’un site n’est qu’un support, un média, et que comme tout média il ne vit que par le contenu qu’il véhicule. Si informer est surtout du ressort de la technique (que les journalistes méditent là dessus), communiquer est d’abord un problème de relations humaines, on dira plutôt un problème lié aux relations interpersonnelles. Et là, plus rien n’est simple.

L’émetteur humain n’est jamais neutre. Il subit le contexte (il est malade, amoureux, confronté à des problèmes financiers…). Il peut aussi être engagé dans une stratégie de séduction ou il veut convaincre, parfois même il manipule. Quoiqu’il en soit, il a des intentions, qu’elles soient personnelles, économiques, religieuses, politiques, toutes ces intentions vont modeler son discours, ce qui lui ôtera un peu plus de sa neutralité ou de sa croissante objectivité (comment PPDA ne serait-il pas influencé par une chaîne délibérément commerciale, racontez nous donc le conte de fée du journaliste résistant). Sans compter qu’il peut s’embrouiller l’émetteur humain, choisir un mot plutôt qu’un autre, compliqué à l’extrême son discours, se perdre dans l’infini dédale de sa pensée, se perdre, lui et son interlocuteur.

Le récepteur humain est dans la même position que l’émetteur quant au contexte (malade d’amour, amoureux de son image, financièrement perturbé…). Ses stratégies d’écoute sont loin d’être idéales et l’émetteur en fait souvent les frais. Le récepteur peut s’ennuyer ferme, ne pas adhérer à l’idéologie de l’information. Il est libre et en Homme libre, il peut choisir de choisir, sélectionner, trier parmi ce qui l’intéresse, s’emparer d’une partie du message et détruire (déchirer) ce qui n’a pour lui aucun intérêt, zapper le fameux PPDA quand le fameux PPDA cesse d’être journaliste pour se transformer en commercial de la chaîne. Ou pire, il peut décider de déformer (travestir, parodier, caricaturer) le pauvre émetteur qui croyait que son message atteindrait sans encombre sa cible oubliant que la cible est une personne douée de raisons, de sentiments, de structures psychologiques qui lui sont propres.

Le message est polysémique. Jean Ricardou (un autre linguiste) définissait dans les années 70 le mot comme étant un nœud de significations. Le seul mot arbre dans une phrase peut non seulement suggérer une infinité de sens, mais aussi un nombre tout aussi infini d’images. L’émetteur (appelons « le destinateur ») aura beau vouloir donner un sens univoque à son message, son interprétation ne lui appartiendra pas. Le récepteur en fera même absolument ce qu’il voudra. Au début de l’année, Danone a beau communiqué sur la qualité de son plan social, sur la nécessité du plan social, sur un plan social à valeur

17

Page 18: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

humaine, il n’en demeure pas moins vrai que le plan social est interprété d’une manière très négative à l’autre bout de la chaîne. Modifiable et interprétable, le message est aussi à l’image de l’histoire qui le produit. C’est là toutes les difficultés que Cohn Bendit a récemment rencontrées. Si ses propos concernant la sexualité des enfants dans les années 70 étaient en phase avec son époque, à la fin des années 90, ils ne l’étaient plus du tout. Parce qu’en 72, la jeunesse voulait se libérer du poids oppressant des parents, des institutions, du pouvoir. En 2001, Dutroux et tous les prêtres pédophiles sont passés par-là, la sexualité est omniprésente pour qu’elle soit mieux censurée, alors le message des années 60 ne passe plus. L’histoire (et les hommes qui la font) s’est chargée d’en modifier le sens.

Les codes sont eux aussi loin de permettre une bonne communication, du moins la communication idéale que l’on souhaiterait tous. C’est que les cibles ont éclaté en une infinité de cibles (hyper segmentation), qu’une cible peut adopter des comportements selon les moments de la journée, de l’année, de l’époque. Chaque cible, chaque comportement, aura ses propres codes. Dans le mythe de Babel, alors que les Hommes voulaient atteindre les appartements élevés de Dieu en construisant un gratte-ciel, le même Dieu fit exploser le gratte-ciel et éparpilla les infortunés bâtisseurs à chaque coin de la planète, donnant à chaque groupe une langue particulière pour que, ne pouvant plus communiquer entre eux, ils ne puissent pas s’allier pour reconstruire le plus haut gratte-ciel du monde. De nouveau les Hommes veulent atteindre Dieu (l’argent), ils ont un code commun (l’Anglais), il y a fort à parier qu’en même temps la divinité fric dissémine les segments sur toute la planète. Alors il y a ceux qui ne maîtrisent pas les codes de la post-modernité, ceux qui estiment que les codes sont trop techniques et ceux qui recodent en permanence, les médias qui se font l’écho d’un monde où la seule finalité est économique.

Le schéma de la communication que nous continuons encore à pratiquer pour expliquer ce qui se passe entre les êtres comprend également le signal. Impossible de communiquer avec l’autre si on ne lui signale pas qu’on veut entrer en relation avec lui (bonjour, allô, pardon, un sourire, une main tendue. Et quand tout se passe bien, qu’on discute tranquillement, les parasites entrent en scène : la friture sur la ligne, la tondeuse à gazon sous les fenêtres de la salle de réunion, l’extinction de voix du directeur commercial, l’envahissante rumeur de Loft Story dans un repas de famille… Les parasites sont certainement ce qu’il y a de plus intéressant dans une situation de communication, car ils portent atteinte à la norme du langage. Soit on ne les maîtrise pas, soit ils sont intentionnels : pour rendre plus émouvante l’annonce d’un drame, on adopte un ton lyrique, on emploie des images fortes, une sonate particulièrement pathétique de Chopin accompagne les images d’un enfant bolivien à qui on a arraché les yeux. S’il s’agit de rendre compte du chômage, on aura recours au champ sémantique de la catastrophe :

18

Page 19: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

en période de plan social il sera question du raz de marée des licenciements, de la tempête sociale, du fléau du chômage et ce n’est pas la pauvreté qui tue les SDF, mais le froid, raccourci assez étonnant qui transforme l’hiver en épidémie alors que nous sommes des millions à en être vaccinés par le simple fait d’avoir un toit et des radiateurs en état de marche… Autant de parasites pour ne pas révéler d’une manière crue la réalité des restructurations économiques et du contexte

19

Page 20: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

ARGUMENTER

Introduction : l'information brute est un leurre Les cinq étapes de l'argumentation Trois raisons d'adhérer à une opinion Le (re)cadrage du réel Les arguments de lien

"Je découvrais...que la vérité dépend toujours du point de vue de celui qui la formule, je découvrais que la vérité de chacun peut déformer les faits, les ignorer ou les dénaturer à son profit, et que nul n'est infaillible, ni omniscient ni même bien intentionné, et cette découverte m'ancrait dans la suspicion, qui est peut-être la lucidité suprême, en sus d'être un désespoir constant". La Tempête. Juan Manuel de Prada. P.155.

Ne plus croire à la parole spontanée. Ne pas croire à la parole qui n'ait (n'est) pas à l'origine une intention. Toute tentative de communication est une tentative pour influencer l'autre et l'autre, heureusement, reçoit le message comme il l'entend. Le discours journalistique qui consiste à nous faire croire qu'informer consiste à transmettre une information dans laquelle le sujet n'apparaîtrait pas est certes gentille et noble et séduisante et politiquement correcte mais loin de la réalité. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder n'importe quel journal télé (la mine déconfite de PPDA annonçant la défection de la gazelle Pérec ou les bons-douteux jeux de mots de Masure), n'importe quel reportage télé (la musique comme effet de dramatisation des images tournées par les journalistes d'envoyé spécial), n'importe quel journal (c'est de l'écrit, derrière l'écrit il y a du style et comme le style c'est l'homme...). En fait comme le déclare Paul Watzlawick : il est impossible de ne pas communiquer. Ce jeune qui marche dans la rue avec ses lunettes noires et son walkman, qui écoute de la musique gothique avec le volume poussé au maximum, qui affiche son retrait de la société par ses habits noirs et un tee-shirt qui revendique l'ère de Satan, ce jeune là communique. Il communique son désir de ne pas communiquer. Même la plus banale consigne d'incendie contient, en plus de la volonté d'informer, un désir de communiquer. L’argumentation est donc une stratégie pour

20

Page 21: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

organiser des idées, des opinions, des informations, mais c’est aussi une stratégie pour convaincre. "Communiquer c’est, au minimum, donner une information. Argumenter c’est, au pire, travestir la vérité." Philippe Breton

Les lignes qui suivent tentent de mettre à jour la structure argumentative. Pour ne pas être accusés de partialité, nous avons choisi deux exemples opposés ( pour la pub et contre la pub ). Il va de soi que ce sont des outils de manipulation que nous retrouvons (ou que nous employons) tous les jours. Pour compléter cet aperçu de l'argumentation, tu peux lire : l'argumentation dans la communication, Philippe Breton et/ou l'art d'influencer, Alex Mucchielli, deux ouvrages clairs, complets, complémentaires?

La stratégie argumentative comporte six étapes :

1 – Mobilisation de l'opinion en l’isolant provisoirement du contexte dans lequel elle est produite a - la publicité entretient la démocratie b - la publicité ne doit pas polluer la démocratie

2 – Identification de son ou de ses auditoires a - des écologistes adeptes de produits bio et des étudiants consuméristes b - des responsables du marketing et des étudiants en communication

3 – Identification du contexte dans lequel l'argument sera reçu a - climat foncièrement contre la société de consommation et de communication b - climat foncièrement pour la société de consommation et de communication

4 – Assimilation de l'opinion dans un ou plusieurs arguments a - la publicité peut informer sur l'existence de produits bio et donner des informations qualitatives sur les produits, la publicité par le contexte concurrentiel dans lequel elle s'inscrit propose au consommateur qui est aussi un citoyen des centaines de produits parmi lesquels il fera son choix, s'il en a envie... b - la publicité en l'état produit une communication à court terme. Alors que tous les consommateurs, surinformés, sont devenus intelligents, il paraît suicidaire pour une publicité de les considérer comme de simples acheteurs, de vulgaires consommateurs, c'est pourquoi il est important de moraliser la publicité Démarrage de la double détente argumentative

21

Page 22: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

5 – Intervention sur le contexte de réception de l’auditoire pour le modifier afin d’y ouvrir une place pour son opinion. Utilisation d'une première catégorie d’argument, les arguments de cadrage. On s’adresse à l’autre d’abord pour qu’il change sa vision des choses. (voir plus bas)

6 – Introduction de l’opinion proposée au contexte de réception modifié, en utilisant une deuxième catégorie d’arguments, les arguments de lien. On s’adresse à l’autre pour lui montrer que la nouvelle opinion proposée s’accorde avec cette vision des choses.

Trois raisons d’adhérer à une opinion :

L’écho : l’argument aura d’autant plus de poids qu’il noue un lien sympathique avec le récepteur. La relation ainsi créée aura souvent des valeurs conservatrices puisqu’elle s’appuie sur du connu, du familier, du conservateur. a - la publicité offrant plusieurs choix aux consommateurs-citoyens n'existe pas dans les dictatures b - de plus en plus d'annonceurs sont davantage soucieux de l'image de leur entreprise que de l'image de leurs produits

L’étonnement : l’argument a une force attractive puisqu’il exprime du nouveau. Ce qui nourrit l’intrigue ou le virtuel séduit (la gauche fait baisser les impôts) a - les publicitaires ont une éthique qu'ils essaient de transmettre au produit, à la marque, à l'annonceur. Impossible d'être créatifs sans être humanistes et il y a peu de créatifs dans les dictatures b - à l'instar de Toscani-Benetton, de nombreuses publicités communiquent avec leur produit un message humaniste, écologiste ou citoyen, et ce courant, loin de s'inverser, se généralise

L’intérêt : le récepteur ne reçoit bien que ce qui représente un intérêt pour lui a - écologistes ou consuméristes ont besoin de la publicité pour communiquer sur leur mouvement, de la même façon que les producteurs de produits du terroir font aujourd'hui leur publicité sur Internet b - il est de plus en plus important d’inscrire une marque dans la durée, cela ne peut pas se faire en abusant, en trompant, en illusionnant le consommateur

22

Page 23: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

Première étape de la double détente : le (re)cadrage du réel

Les arguments de pouvoir / cadrage

Pouvoir et soumission : l’argument du destinateur n’est pas remis en cause du fait du pouvoir qu’il représente. C’est la confiance au père, à l'idée suprême ou universelle, au chef, au guide qui s’exprime. L'argument soumet le destinateur qui ne peut pas faire autrement qu'adhérer à l'opinion (il est interdit de fumer du fait de la loi du...) a - la publicité est une composante de la démocratie et la démocratie est incontestablement le meilleur système pour vivre libre, s'exprimer et raisonner b - le BVP veille et les publicitaires ne peuvent pas faire autrement que de s'inscrire, plus ou moins c'est vrai, dans une logique rationnelle, démocratique

Pouvoir et confiance : l’argument inspire confiance parce qu’il repose sur une compétence (le chirurgien dentiste qui exprime la qualité d’un dentifrice), parce qu’il repose sur l’expérience (revendication des années d’expérience), parce qu’il repose sur le patrimoine ou le terroir (les produits du terroir), parce qu’il repose sur une valeur empirique (des accidentés de la route parlant de leur tragique expérience) a - la publicité, d'après le dictionnaire, c'est ce qui est public, ce qui n'est pas tenu secret b - les publicitaires de demain, ce sont ceux qui sauront à la fois respecter l'annonceur et le consommateur. La propagande ne plait plus à personne.

Pouvoir et communauté : ces arguments à valeur conservatrice forte sont aussi à la base du populisme et de la démagogie. L’argument instaure des liens sympathiques entre les personnes impliquées dans le processus en recourant à l’opinion commune (mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine qui pourra être utilisé par tel ministre de l’éducation pour faire passer l’idée d’un dégraissage au sein du corps enseignant), en faisant appel à des valeurs communes (comme vous, nous avons le souci du beau / l’alcool nuit à la santé) en utilisant les espaces de la qualité, de la quantité ou de l’unité (ce qui compte, ce n’est pas quand on sort de la crise, mais comment on en sort) a - la publicité garantit le choix des consommateurs-citoyens et chacun peut adhérer comme il l'entend à tel ou tel produit b - s'il est possible de communiquer sur les qualités seules d'un produit (que ces qualités soient esthétiques, fonctionnelles, pratiques...) alors les relations entre les acteurs de la publicité seront plus saines dans la mesure où les procédés manipulatoires seront moins à l’œuvre

23

Page 24: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

Les arguments manipulatoires ( ne pas forcément projeter des connotations négatives sur le mot manipulation) / recadrage

La définition : l’argument de définition est une reconstruction du réel en vue d’argumenter. Le défini est présenté de telle façon qu'il soit favorable à l'argumentation. Ce transport se fait soit sous l'effet d'une comparaison, d'une métaphore ou d'une définition a - la publicité est un outil de la démocratie, elle permet le pluralisme politique puisque chaque parti l'utilise pour communiquer avec les citoyens b - la publicité est une forme de propagande qui peut avoir des effets dévastateurs, l'annonceur ne veut pas être assimilé au nazisme

La présentation : l’argument déplace l’attention par le biais de la description ( le ciel bleu pour une pub sur la Bretagne), de la qualification (les chômeurs deviennent des demandeurs d’emploi), l’amplification (sur la côte d’Azur il fait beau tout le temps), la répétition (l’héroïne enchaîne, fait perdre toute volonté, soumet à l’emprise, elle commande) a - la publicité est un livre ouvert qui en dit long sur les préoccupations des consommateurs-citoyens, elle a une fonction sociale b - la publicité est née dans les démocraties, elle a donc une fonction démocratique, n'en faites pas l'outil d'une dictature contre laquelle certains commencent à se rebeller (Bové)

L’association : l’argument déplace le réel en le comparant à d'autres systèmes (la réussite -économique- américaine est fondée sur le libéralisme, il faut donc encore libéraliser dans notre pays) a - comme il y a une bonne et une mauvaise presse, il y a aussi une bonne et une mauvaise publicité b - comme il y a une bonne et une mauvaise presse, il y a aussi une bonne et une mauvaise publicité

La dissociation : l’argument segmente les réels en les opposant a - la publicité n'a rien à voir avec la propagande, on est tous d'accord hein! (tiens, note à quel point le hein ou le n'est-ce pas ou le vous avez compris sont manipulatoires, impossible de répondre non, n'est-ce pas ?) b - la publicité doit continuer à servir la démocratie, elle a su s'adapter aux évolutions de la démocratie et se démarquer des effets de propagande, n'est-ce pas ?

24

Page 25: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

LA MANIPULATION

Lessive et tais-toi (introduction) Mange ta soupe Manipuler par le style Manipuler par la clarté Manipuler par la peur Manipuler l'enfance Manipuler par le toucher Manipuler par la répétition

On sait maintenant depuis longtemps que la publicité n'a pas pour premier rôle d'informer, mais, selon Philippe Breton, d'influencer en vue de provoquer un comportement d'achat. Cette influence peut s'exercer sur le consommateur en le plaçant dans une logique d'achat prédéterminée (la Polo-VW-fourmi est une petite voiture bien pratique en ville), sur le citoyen qui doit voter ou ne pas mourir au volant de son coupé sport, sur l'homme à qui on présente les dangers du tabac. Ensuite, après avoir influencé, la publicité séduit et parfois manipule, en proposant des images agréables ou désagréables quand le désagréable sera un autre moyen de toucher la cible - Kookaï, Benetton. (la Polo-VW-fourmi, elle a toute la sympathie du petit insecte qui se faufile partout, qui est fiable, maniable et besogneur). Sans oublier que la publicité cherche à faire passer un troisième message après celui de l'information influencée et celui de l'image séduisante : un message plus général car, toujours selon Philippe Breton, la publicité porte en elle-même l'apologie de la société de consommation et de la culture de masse (la Polo-VW-fourmi est la petite voiture des gens qui travaillent, c'est la petite voiture du peuple allemand qui obéit parfois un peu trop facilement, si facilement que son obéissance aveugle peut conduire à l'extermination de la cigale. Volkswagen. La voiture du peuple avaient-ils promis. Ein Volk, ein Reich, ein Dictateur). On se rappellera également que le marketing naissant rencontra, dans les années 60, un vrai problème de communication avec la machine à laver : les femmes allaient devenir oisives, frivoles, libres ! Le message fut rapidement transformé. Avec une machine à laver, on n'obtient pas du temps libre, on obtient du temps pour s'occuper du mari, des enfants et de la maison. Ce qui explique en partie que les

25

Page 26: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

personnages de maman se collent la quasi-totalité des pubs ayant trait à domesticité, pour protéger "l'ordre" de la civilisation. Et oui, la publicité produit ces stéréotypes qui soudent une nation.

Manipuler l'autre, exercer une domination sur lui... T'es-tu déjà posé la question de la manipulation quand ta maman, te regardant droit dans les yeux, te sortait l'inévitable "mange ta soupe, on ne sait pas qui te mangera". Laissant présager par cette menace terrible une issue horrible à ta vie fraîchement commençante, celle de te faire bouffer tout cru par l'ogre, le système mondialisé tout puissant, ta future vie sociale. Ou alors, elle convoquait les enfants mourrant de faim quelque part en Afrique Australe et toi, te remémorant les images effroyables de ceux qui auraient pu être tes copains d'école, mais squelettiques, l’œil hagard, parfois plus d’œil du tout, avec cette inévitable mouche se balançant, cynique, sur un sourcil, pendant que ta soupe à la tomate made in Royco Minute Soup refroidissait. La manipulation était déjà là, dans ta vie, et toi, la conscience encore faible, tu t'exécutais ou tu repoussais ton assiette creuse, tu avalais le breuvage à contrecœur ou tu avais des hauts le cœur, tu comprenais la raison d'être des images télévisées sur le Soudan ou tu dégueulais. Dans le même style, dans les écoles de communication, on raconte cette histoire à propos de l'entrée des américains dans la guerre. Lors d'un premier référendum la question aurait été posée de cette manière : souhaitez-vous que les américains participent à la guerre en Europe ? La réponse aurait été non. La question aurait été posée une deuxième fois : souhaitez-vous empêcher qu'Adolf Hitler devienne le maître du monde ? La réponse aurait été oui et les américains seraient entrés en guerre. L'argumentation laisse l'autre libre d'adhérer ou non à l'opinion du destinateur. La manipulation insère un décalage entre la raison pour adhérer au message et le contenu du message : tu préfères une soupe à la tomate ou une soupe au sang séché de lapins nourris aux farines animales ? La manipulation peut agir avec brutalité. Et quand elle agit avec subtilité, elle utilise alors les armes de la séduction. Tu veux manger ta soupe à la tomate qui te rendra fort devant tes Pokémons ?

Manipuler par le style. Les figures de style, surtout la métaphore, ont un tel pouvoir dans un message publicitaire qu'elles en arrivent aujourd'hui à faire disparaître le message et les arguments qui accompagnent le message. Que reste-t-il des discours de Le Pen quand on a enlevé les figures de style grossières du type Durafour-crématoire. Pour les jeunes par exemple, ce qui nourrit la surprise (zeugma, anacoluthe, hyperbole – cf. la publication dans la rubrique communiquer) passe avant le produit lui-même, n'achetant plus au bout du compte un produit ou une marque, mais la mise en scène qui constituera ensuite la

26

Page 27: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

personnalité de la marque, la superproduction Nike qui hyperbolise le footballeur metaphorisé en highlander des temps sportifs. L'esthétisme valide la crédibilité d'un produit, de son environnement, de ses utilisateurs (les actrices et les chanteuses, les chanteurs et les acteurs, sont presque tous clonés sur le moule du top-model, les hommes politiques adoptent le look président américain, souriant, debout derrière un pupitre lors des conférences de presse, sportifs et sexuellement perfectibles, les animateurs de la télé ne perdent plus leurs cheveux, les vieux sont toujours en forme, gais, dynamiques, les jeunes sont séduisants et sans bouton, etc).

Manipuler par la clarté et la simplicité. Le séducteur veut ressembler à tout ce qu'il approche, à tout ce qu'il touche. Vide et superficiel, sa stratégie consiste à se calquer sur les désirs de l'autre. Vide et superficielle, la télévision s'est adaptée aux goûts du public. Démagogie fatale qui nous amena peu à peu à Questions pour un champion avant de nous conduire tout droit à Qui veut gagner des millions, l'essentiel étant de proposer des spectacles intellectuellement abordables, où il ne s'agira plus de déranger, et bientôt ce seront les auteurs eux-mêmes qui s'adapteront au goût du public. "Séduire, c'est mourir comme réalité et se produire comme un leurre". Philippe Breton. Vulgarisation et simplification, la télévision n'a pas d'autres prétentions, c'est aussi ce qui fait sa force, ou ce qui pourrait la faire s'il y avait un relais avec d'autres médias plus appropriés à la réflexion. Un reportage d'Envoyé Spécial n'est plus qu'un reportage politiquement correct, intellectuellement abordable, qui fait peur (les méchants nazis qui défilent à Berlin ou les casseurs des banlieues), qui rend triste (les enfants de Colombie à qui on vole (!) des organes ou les enfants autistes), qui égaie (l'arrivée du beaujolais nouveau ou les victoires de l'équipe de France de foot) qui inquiète (les OGM ou les sous-marins nucléaires russes), mais bon, le téléspectateur en passant un bon moment sera tenu informé.

Manipuler par la peur. "On ne fuit pas parce qu'on a peur, on a peur parce qu'on fuit". Simone Weil. Rien de plus horrible que ces taches marron que le gamin ramène du foot. Mais heureusement il y a la lessive de la ménagère de moins de cinquante ans pour tout nettoyer. Première étape de la prise de pouvoir qui fonctionne comme un climat de peur (1) qui s'impose (la boue sur le tee-shirt blanc du rejeton - le climat d'insécurité dans les villes). La deuxième étape consiste à désigner un coupable (2) facilement identifiable (la maladresse infantile du marmot - les arabes). La troisième étape se borne alors à proposer un sauveur (3) opportuniste (une lessive exterminatrice - un leader d'extrême droite exterminateur). Et là on se rappelle les mots terribles du présentateur télé de la fin des années soixante-dix, Roger Gicquel : "la France a peur".

27

Page 28: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

En désespoir de cause, la publicité utilise parfois cette peur pour communiquer sur des thèmes qui concernent la vie, n'hésitant pas à utiliser des images d'accident filmées par Depardon ou des propos d'accidentés (la force du témoignage). A l'angoisse (1) qui règne sur les routes succèdent les coupables (2) que sont l'alcool et la vitesse, puis les sauveurs (3) la responsabilité de chacun et le respect des règles de conduite. De la nécessité parfois de la manipulation.

Manipuler l'enfance. On l'a vu plus haut, les enfants sont des cibles faciles. Les adultes traités en enfants le sont tout autant. Ainsi, il s'agirait de faire régresser n'importe quel trentenaire pour que son infantilisation soit déculpabilisante. Les machines à laver qui étaient autrefois uniquement réservées aux femmes ont de plus en plus pour utilisateurs des hommes qu'il faut bien se résoudre à cibler. Toutefois, cet homme qui se retire dans sa buanderie pour écouter le bruit de son lessiveur (je ne me rappelle plus la marque) ne se comporte pas comme un adulte, mais comme un enfant, voire comme un demeuré, comme si un homme se livrant à des tâches domestiques ne pouvait pas être autre chose. Quant aux enfants eux-mêmes, ce sont dans un premier temps, des prescripteurs forcément influençables, c'est leur âge qui veut ça (cf. les publications sur les jeunes dans la rubrique CIBLER). Dans un deuxième temps, ce sont les consommateurs de demain et les marques sont prêtes à investir sur le long terme pour s'ancrer dans les esprits de la prochaine génération de consommateurs, espérant que le mécanisme proustien sera à l’œuvre, que la Madeleine aura cette capacité à réveiller les pulsions de la consommation, que la mémoire n'aura pas quitté le cortex des poussins élevés en batterie devant les pubs. Henri Joannis appelle personnalisation signifiante le fait d'associer un personnage-fictif à une marque - Mamie Nova, Papy Brossard, Mère Denis, Germaine (lustucru), Simone (e-bazar) et personnalisation fantaisiste le fait d'associer un personnage-objet à une marque - Bidendum (Michelin), monsieur Propre, Monsieur Plus (Bahlsen), Cap'tain Igloo, les enfants Kodak... Ces deux personnalisations offrent aux marques une infantilisation sympathique des produits.

Manipuler par le toucher. Le manipulateur, au sens premier du terme, c'est celui qui touche un objet afin de le transformer. Avec son actrice aux atouts mammaires fortement développés, la campagne Cachou Lajaunie a su se rappeler aux bons souvenirs des consommateurs de réglisse et de ceux qui allaient le devenir. Mais quel rapport entre la petite boîte en fer jaune et cette femme aux seins tentateurs ? Aucun, l'essentiel étant de créer un stimulus érotique dans l'esprit du téléspectateur, le même genre de stimulus qui se produit avec la voix sensuelle de Chambourcy Oh Oui. Ces seins, cette voix sensuelle, cette épaule dénudée, cette chute de

28

Page 29: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

reins, ces jambes rythmés par l'air de Dim, ces images et ces sons suggestifs réveillent un trouble qui ne se ressent pas ailleurs que dans les parties érogènes du corps. Se produit dans le ventre, pour ne pas dire sous le nombril, un trouble physique qui exprime le désir, une pulsion, qui ne demandera plus qu'à être assouvi. Toucher quelqu'un (lui serrer la main par exemple) n'est jamais anodin, c'est une façon d'établir un contact. De nombreuses études ont montré le pouvoir du contact physique dans la manipulation de l'autre, comme s'il était plus facile de conduire quelqu'un qu'on aura réussi à toucher dans sa chair. Cet amalgame affectif, selon Philippe Breton, "provoque une contamination des sensations éprouvées à la réception de cette partie sur l'autre partie dont on veut justement la promotion".

Manipuler par la répétition. L'art pédagogique, dit-on, est souvent l'art de la répétition. Et il est vrai qu'en temps que prof on répète pas mal. Ainsi un prof qui ferait un cours théorique qui s'accompagnerait d'un cours pratique qui trouverait une formalisation sur Internet sous la forme d'un site accessible aux étudiants ne serait rien d'autre qu'un matraqueur de savoirs. Et bien oui ! Ce qui paraît étrange d'abord, devient ensuite abordable pour finir par paraître acceptable. La répétition dans la publicité s'exprime sous la forme du slogan (texte court fortement musical avec son rythme (be be be), rapidement mémorisable avec ses sonorités homogènes (bo bon boch), facilement compréhensible avec la citation de la marque et la proposition de la promesse (c'est beau, c'est bon, c'est Bosch). Ici ce qui manipule, c'est moins le message lui-même que la structure (le signifiant a plus de poids pour la mémorisation que le signifié - cf la publication sur le signe dans la rubrique figurer). Le jingle de Dim est définitivement attaché aux collants de la marque. Par réflexe conditionné de type pavlovien (Pavlov), le consommateur associe immédiatement le jingle de Dim aux produits de cette marque. Le but recherché par la répétition est la fatigue mentale. La répétition use (Juvamine), fatigue, pour qu'à la fin les parents, par exemple, cèdent (les Pokémons ont fait l'objet d'une véritable propagande ces derniers mois). La répétition des mêmes thèmes rejoindra en effet l'objectif de la propagande : faire adhérer une majorité d'individus à une opinion et ça marche encore, une grande majorité de femmes sont encore aliénées aux tâches ménagères. La publicité, au risque de ne pas être acceptée, entretient les stéréotypes d'une civilisation. On sait par ailleurs que le langage, s'il n'était pas constitué de clichés, serait totalement incompréhensible. Que se répandent les stéréotypes du consommateur intelligent, adulte, ayant le sens de l'équité, et la publicité sera condamnée à évoluer, ce qu'elle a commencé à faire.

29

Page 30: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

SIGNIFIANT / SIGNIFIE

Signifiant, signifié, c'est quoi ? comment ça marche ? Jouer avec les mots : clef à molettes.

Nous percevons en permanence des signes : pas toutes sortes de signes, des signes olfactifs (une odeur de poulet grillé), des signes visuels (la peau cuivrée du poulet grillé), des signes auditifs (le poulet qui caquète dans la basse-cour), des signes tactiles (la peau grillée du poulet qui brûle les doigts), des signes gustatifs (la chair blanche du poulet qui a conservé tout son goût sur la langue et dans le palais parce que la bête a été nourrie dans la basse-cour).

De tous ces signes, ce que nous avons d'abord perçu, c'est le signifiant, c'est-à-dire UNE PERCEPTION MATERIELLE. Après, parfois dans la micro-seconde qui suit, nous interprétons. Et à ce signifiant, nous associons un (parfois plusieurs) signifié : c'est-à-dire UNE PERCEPTION MENTALE.

L'artiste s'intéresse d'abord au signifiant (non pas à ce que la peinture veut dire, mais à ce que la peinture fait ressentir). La musique a cette chance de ne pas être asservie à la tyrannie du signifié : de la musique, de la musique avant toute chose (Verlaine). Les chanteurs de rap (NTM) et Racine l'ont bien compris, nous laissant entendre d'abord des sons, des syllabes obsessionnelles, des rimes qui s'enchaînent, s'enlacent. Barthes a raison d'affirmer que Racine est d'abord prisonnière de l'alexandrin, du rythme que Racine impose à la phrase. Van Gogh, lui, ne voyait pas un champ de blé mais du jaune de cadmium. Ce n'est pas le blé qui l'intéressait mais la couleur du blé. Parions que la plupart des artistes (qui ne sont pas des intellectuels) ont les mêmes préoccupations. Parions aussi que nous-mêmes (lecteur, consommateur, spectateur ou téléspectateur) sommes d'abord intéressés par le signifiant. Imagine Racine et Kool Shen se rencontrant...

30

Page 31: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

SIGNIFIANT SIGNIFIE (par exemple) odeur du poulet j'ai faim peau cuivrée c'est appétissant poulet caquetant produit naturel peau brûlante ça brûle mais j'ai trop faim goût du poulet meilleur que le poulet plastifié

JOUER AVEC LES MOTS

Le jeu sur les mots est d'abord un jeu sur les signifiants, un jeu à partir de la matérialité que nous lisons (les syllabes prononcées) et qui nous permettent de créer certains figures :

L'HOMONYMIE

Les signifiants sont identiques, les signifiés ne le sont pas : le cœur a des raisons que la raison ne connaît pas (Pascal). Le publicitaire l'utilise beaucoup : SOS Amitiés, un mal, des mots. Coup de cœur, pas coût de cœur (Ford).

ANTANACLASE (jeux homonymiques : le cœur a des raisons...)

Le courant ne passait plus. EDF arrive en courant, me met au courant du problème, me remet le courant. Et tout ça avec le courant, c'est pas si courant. Une ANTANACLASE est la répétition d'un même mot avec des sens différents

L'HOMOPHONIE : LE CALEMBOUR

Les signifiants sont identiques et les signifiés n'ont strictement aucun rapport (Dim, météo et tes bas - Thé Eléphant : un parfum de nouveau thé)

LA PARONYMIE (ou paronomase)

Les signifiants sont presque identiques : l'éloge du vin est l'éloge divin (Desnos). C'est la belle de match (Peugeot 205). Le Grand méchant Look (Naf naf). C'est l'Arbell vie (chaussures Arbell). Gervais, j'en veux. Valda, ça me va.

31

Page 32: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

LES ASSONANCES

Répétition de la voyelle : codhor, j'adhor. Chambourcy, oh oui.

LES ALLITERATIONS

Répétition de la consonne : un comte toqué qui comptait en tiquant tout un tas de tickets de quai (Bobby Lapointe). Mais qu'est-ce tu boisdoudoudisdon (Banga). Frisson ricqless.

HOMEOTELEUTHE

Une rime est introduite dans la phrase : Canon, voir et émouvoir. Singer, l'ami sincère.

L'ONOMATOPEE

On crée un mot à partir des signifiants "naturels" : Crac boum hue (Dutronc). Crunch. Croky, je craque.

32

Page 33: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

LES METAPHORES

Pour Jacques Lacan, il s'agit d'un mot pour un autre. Mais le mot substitué n'a pas totalement disparu, il reste présent dans la contamination du sens. C'est ce qu'on aime dans la métaphore. Elle intervient sans crier gare, du plus profond de la pâte blanche que la carapace osseuse protège de l'invasion capillaire. Association inattendue, analogie surprenante, sens mystérieux, effet empoisonnant, énigme perverse, à les résoudre le lecteur se laisser charmer. Lautréamont l'a compris empoisonnant des générations de liseurs, la publicité également. Puisque c'est l'inconscient (le truc filandreux dans la pâte blanche que la carapace osseuse...) qui se charge de redonner du sens. Lacan ajoute : "il y a dans la métaphore un élément dynamique de cette opération de sorcière dont l'instrument est le signifiant et dont le but est une reconstitution après une crise du signifié" (avant de poursuivre, tu peux aller revoir ce que sont le signifiant et le signifié).

"Au commencement du monde étaient l'analogie et la métaphore" Baudelaire

Présentation Carrefour du sens (fonctionnement) Effet produit Fonction des métaphores Autres types de métaphores

Présentation

Retour à l’école où, allant vite en besogne, entre une grève, un arrêt maladie pour dépression et une aventure avec une camarade de classe, ton prof t'a dit que la métaphore c'était une comparaison (avec un comparé et un comparant) sans outil de comparaison (comme) : le prof de français aboie de plaisir. Soit... On verra dans la partie fonctionnement que c'est un tout petit peu plus complexe.

La métaphore transporte la réalité dans un autre espace. Ce sera la figure idéale pour le rêveur qui ne se contente pas du réel que lui impose la perception. Mais aussi pour le junky, l'alcoolo et le mystique qui ne

33

Page 34: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

contentent pas de voir des métaphores mais qui les vivent sous forme d'hallucinations, de délires verbaux, de visions et/ou d'apparitions : le coup du sang qui se transforme en vin et inversement : les autoroutes débobinent les étoffes du paysage chrétien, paradis artificiels du grand buveur de Ricard

Figure de l'impuissance également, pour celui qui est incapable de se servir du discours quotidien (chère simplicité) pour décrire ce même quotidien. Les romantiques nous en ont fait crever, des générations d'écrivant ne s'exprimant que par métaphores

ô noires autoroutes qui saignent nos terreuses mémoires

Heureusement les surréalistes allaient leur succéder pour rafraîchir la figure

insolent juillet qui enfile des perles de caravanes sur les fils de l'autoroute

Des surréalistes à la publicité, la métaphore s'étant redonnée un coup de jeune dans les mouvements branchés du Pop Art (indispensables artistes du Pop Art qui réhabilitent la société de consommation - bon gré, mal gré, notre réalité - dans nos représentations), il n'y a qu'un pas

l'autoroute du soleil vous souhaite bon voyage

Et quand il s'agira de nommer ce qui n'est que virtuel, cela donne :

les autoroutes de l'information

Champ sémantique 1 Champ sémantique 2 Référent actuel Référent virtuel autoroutes débobinent l'étoffe autoroutes qui saignent autoroutes les fils (de l'autoroute) autoroutes du soleil autoroutes de l'information

Fonctionnement

Dans la métaphore, se croisent (se rencontrent, se heurtent, s'entrechoquent - qu'y a-t-il de commun entre un paquet de cigarettes et un cow boy, une voiture et une fourmi ?) deux champs sémantiques à priori incompatibles. Une analogie s'opère entre un référent actuel et un référent virtuel. Le sens ayant subi une manipulation quasi génétique se déploie dans l'imaginaire qu'il rénove et qu'il enrichit.

34

Page 35: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

Effet produit - les métaphores permettent par exemple :

de concrétiser l'abstrait les autoroutes de l'information

de personnifier les autoroutes débobinent l'étoffe

d'animaliser les objets Les autoroutes rugissent dans les nuits sauvages

d'inhumaniser l'humain le camionneur rugit sur les autoroutes qui traversent les nuits rurales

Fonction des métaphores

FONCTION ORNEMENTALE : la métaphore joue un rôle esthétique, souvent afin de positiver ou d'embellir le réel (les touristes multicolores fleurissent les aires d'autoroute de leurs sourires reposés)

FONCTION ARGUMENTATIVE : les métaphores sont employées dans une chaîne argumentative généralement pour qualifier le réel (de poussives caravanes se traînent dans les caniveaux des autoroutes). Les connotations qui sont ainsi développées sont valorisantes ou dévalorisantes, elles ont une valeur argumentative. Cette manière d'argumenter est d'abord persuasive, voire manipulatrice, car reposant sur l'affectif. La publicité en use (et en abuse puisque que le consommateur aime ça) pour sur valoriser le produit (lion, pour rugir de plaisir). Mais aussi le journaliste qui ne se contente pas d'informer comme il le prétend hypocritement (comme s'il n'avait pas dépassé le simpliste schéma de la communication émetteur-récepteur-message-canal-code-brouillage , comme s'il avait ce pouvoir surhumain de faire abstraction du contexte, de l'indépendance du lecteur, des divers « parasitages » de l'information, comme s'il était à l'abri des métaphores) : Marie-Jo Pérec devient une gazelle, Zidane Zorro, les exclus deviennent les naufragés de la compétitivité.

FONCTION COGNITIVE : (affectivité et sensibilité) la métaphore modifie notre connaissance du monde. Elle permet de révéler un nouvel aspect de la réalité, quitte à détourner la réalité (le cow boy de Marlboro laissant deviner l'univers d'aventure et de liberté qui se dissimule derrière le fumeur de cigarettes : tu parles !). Les romantiques s'en sont servis pour

35

Page 36: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

explorer ce que cachait le réel (en même temps, ils ont préparé le terrain que Freud allait défricher), c'est-à-dire les lieux secrets que nos sentiments investissent (lorsque la forêt est triste, nous avons tous compris que la tristesse appartient à celui qui l'articule : c'est celui dit qui est). C'est pourquoi la métaphore a une fonction capitale dans le langage amoureux (je brûle d'amour pour toi), religieux (la main de Dieu), poétique (sur les ailes du temps, la tristesse s'envole) et bien sûr publicitaire (la bouteille orangina transformée en bouteille humaine : anthropomorphisation de la bouteille)

Autres Métaphores

LA SYNESTHESIE : la synesthésie est une forme de métaphore (voir page des figures de style)

LA METONYMIE : la métonymie est aussi une forme de métaphore (voir page de la métonymie)

LA METAPHORE FILEE : des métaphores reliées les unes aux autres par un thème similaire permettent d'une manière récurrente de créer un espace imaginaire proche de l'allégorie : les autoroutes rugissent dans les nuits rurales, dans les savanes de l'Europe. Bêtes fauves figées dans le temps, leurs langues noires lèchent les reliefs apeurés.

LA CATACHRESE : l'usage courant détourne un mot de son champ sémantique habituel : le bras du fauteuil, le pied de la table, le pantalon à pattes d'éléphant. Le travail poétique peut rénover le cliché : l'épaule du fauteuil, le pantalon à trompe d'éléphant. Parfois ces catachrèses sont carrément gore : j'ai l'estomac dans les talons (imagine-toi ça), j'ai le cœur déchiré et toujours plus fort : j'ai les dents qui baignent.

LA METAPHORE LEXICALISEE : c'est une métaphore qui est rentrée dans le lexique (dans l'usage courant) : la nuit tombe, le jour se lève. Là aussi, on peut s'amuser à rénover le cliché : le soleil se levant de bonne heure baille à s'en décrocher les rayons.

SUR LES AUTOROUTES DE L'INFORMATION LES PEAGES SE SONT MULTIPLIES AINSI QUE LES CONTROLES POLICIERS - SUR LES AIRES DE REPOS DANS LES RESTOS LA BOUFFE EST DEGUEULASSE

36

Page 37: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

LES FIGURES

Tropes Métonymie Prosopopée Synesthésie Oxymore Antithèse Euphémisme Zeugma

Les tropes sont des figures qui permettent le détournement du sens (métaphore, comparaison, synesthésie, énallage, catachrèse, antonomase, synecdoque et métonymie? ETC). Les textes qui suivent présentent des tropes et l'utilisation qu'on peut en faire. Un conseil : pas d'onanisme (branlette intellectuelle) avec les tropes. La définition doit permettre de comprendre et surtout de faire, hein ? compris? tu prends les mots que tu as sous la main et tu fais ta cuisine.

Bon quand même un peu d'intellectualisme puisqu'il y a débat : on distingue la métonymie de la synecdoque (bonjour les maladies, et oui détourner le sens, c'est aussi parasiter le langage, le terroriser et le renouveler). Pour la métonymie la relation de substitution se nourrit de relations logiques (contenant/contenu : je bois un verre, effet/cause : je bois la mort, instrument/utilisateur : c'est une bonne plume. Pour la synecdoque la relation de substitution se nourrit de relations spatiales (matière pour l'objet : je porte un cuir). Pour en savoir, il faut aller jusqu'à la métonymie

37

Page 38: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

METONYMIE

La figure du désir, la figure qu'emploie celui qui aime, celui qui veut être aimé. Elle exprime la totalité d'un être, d'une chose, d'un objet par un détail. La scène du Mépris de Godard quand BB demande à Piccoli s'il aime ses genoux, et mes genoux, tu les aimes mes genoux, et mes fesses, tu les aimes mes fesses, etc. Il nous est impossible de percevoir la totalité, alors on nomme cette totalité à l'aide d'un élément qu'on détache et l'élément détaché vaut pour l'ensemble, en vient parfois à masquer l'ensemble (la passion : le passionné ne verra que les yeux ou les bras de celle qu'il aime ou les circonstances de leur rencontre) ou à l'effacer (le fétichiste : le fétichiste n'a pas une relation avec l'autre mais avec le soutien-gorge qui se substitue à la personne) ou à le détourner (celui qui a subi un choc - j'ai perdu le contrôle de ma voiture et j'ai percuté un platane - aura davantage peur du platane que de l'accident, le platane signifiant l'accident pour le restant de ses jours). Le langage courant en abuse : on porte un cuir (un blouson en cuir). Cocasse : le gaz est passé (le releveur des compteurs du gaz), le gaz est passé, il sentait fort mais on ne le voyait pas. Gore : je bois un verre (d'eau), il file tout droit via mon oesophage dans mon lave-vaisselle intestinal. Mais aussi le langage poétique : les voiles glissent sur la mer (les bateaux à voile). Très utile pour construire des généralités, les politiques et les publicitaires l'utilisent fréquemment : on vendra non pas une voiture mais un airbag et cet airbag vaudra pour la totalité de la voiture, et ça marche. Il faut s'y faire, la force du détail singulier (l'airbag) l'emporte sur la banalité de l'ensemble (la voiture). Quant à l'amoureux, un jour qui ne tarde jamais, il sera forcément confronté à la totalité de l'autre ou tout simplement à un détail qu'il n'aura pas vu, cette excroissance de chair sous l'aisselle gauche qui annoncera l'usure des métonymies initiales, le temps des désillusions et les préparatifs de la rupture.

PROSOPOPEE - figure de sens

Avec la prosopopée, les absents, les morts, les êtres surnaturels et imaginaires, les êtres inanimés sont mis en situation. Démocratisation linguistique, chacun a le droit d'exister dans son enfer, y compris la Beauté de Baudelaire : je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre. Invisibles ou abstraits, le langage leur donne l'occasion d'exister non pas en chair et en bois, en nerfs et en eau, en pierre et en os, mais en images rémanentes se véhiculant avec les moyens du bord dans les cellules de notre cortex. Bref, on parle de quelque chose qui n'est pas là mais qui est connu de tous. La publicité l'utilise fréquemment pour les voitures, Renault notamment.

38

Page 39: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

La Twingo par exemple avait tout pour être une voiture VISIBLE. Tellement visible qu'il était inutile de la représenter (re-présenter) sur une affiche. Ne la voyant qu'en esprit, comme la beauté de Baudelaire, le consommateur peut d'autant mieux la fantasmer. Fortement manipulatrice la métonymie. Au moyen de cette figure, la parole est attribuée à une entité qui ne peut pas la prendre, comme cette parole que les enfoirés (ils portent bien leur nom) confisquent aux exclus. Exclus du système socio-économique, ils n'ont même pas la possibilité de se représenter (se présenter) là où les enfoirés assurent à moindre frais la promotion de leur image. Que sont les punks devenus ? A quand un Bukowksy chez Drucker ?

SYNESTHESIE - figure de sens

D'un point de vue médical, la synesthésie est un trouble médical qui se caractérise par une certaine confusion sensorielle. L’œil perçoit des parfums, l'oreille des odeurs, la main des images, le nez des sons, la langue des matières rêches. La synesthésie est une figure qui consiste à passer d'un sens à l'autre (le nez ne perçoit plus ses propres affaires mais celle de l'oreille, panique dans les neurones). Un véritable bonheur pour le généticien de la sémantique qui s'amusera à opérer des croisements inattendus : j'écoute des musiques violettes qui glissent dans mes narines, les pupilles enregistrent chaque note et les renvoient sur la langue en autant de sensations sucrées ou salées, etc. Les pervers s'en satisfont, tel ces amateurs de latex qui verront dans le latex une réponse aux besoins de tous leurs sens (l'odeur caoutchoutée du latex, la sensation lisse du latex, les crissements du latex qui se frottent, la sensation froide du latex sur le corps, la vue noir pneu du latex prélude aux dysfonctionnements des sens) ou ces amateurs de la soie qui entendront les soies se caresser. Le concepteur en publicité en tirera les mêmes bénéfices : un parfum sentira toujours le parfum, les nez les plus habiles seront reconnaître telle fragrance (je ne n'aime pas ce mot, j'ignore pourquoi), mais comme en publicité cela ne suffit jamais, normal il faut toujours attiser le désir lointain, le parfum deviendra mélodieux, caressant, sensuel, érotique, violet, violent, doux comme la viole de gambe (la synesthésie est un trouble médical qui...). Les gels douches et les savons ne se contenteront pas de sentir les mille effluves du printemps, ils seront le printemps à grand renfort de couleurs, doux comme une caresse. Une bonne manière de recadrer le réel, de fournir au produit (forcément limité) un contexte ou une atmosphère qui le sort de l'anonymat, de la médiocrité, de l'anonymat de la médiocrité, de la médiocrité de l'anonymat.

39

Page 40: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

OXYMORE - figure de construction

Oxymore, ou oxymoron, une figure d'opposition qui permet d'associer deux mots radicalement opposés d'une manière concomitante (à la différence de l'antithèse où les deux mots qui s'opposent interviennent l'un après l'autre). Il est nécessaire que les deux mots appartiennent à un champ sémantique (espace qui regroupe des termes appartenant à la même famille) similaire : le soleil noir de Baudelaire, l'amour est une douce violence pour Dom Juan, le lointain proche, le clair obscur, le sucré amer. La figure convient bien pour exprimer des sentiments contradictoires, la confusion des sentiments, les états paradoxaux. Le discours du pervers en raffole, qu'il soit sado : la douleur de l'autre le fera jouir ou maso : sa propre douleur le fera jouir. On imagine ce que cela peut donner dans le discours politique : la droite sociale contre la gauche libérale, ce sera une façon pratique pour l'orateur de brouiller les pistes. La prolifération de ce type de figures traduit d'ailleurs bien une usure du sens, l'usure du sens caractéristique de notre époque.

ANTITHESE - figure de construction

Egalement une figure d'opposition. A la différence de l'oxymore (qui a davantage un effet esthétique, elle s'adresse au sens qu'elle choque, à la raison qu'elle trahit), elle fonctionne comme une véritable figure rhétorique. Après la thèse, dit le prof, c'est-à-dire la prise en compte des avis de la partie adverse, vient l'antithèse, la position des avis partisans. L'orateur l'utilise pour convaincre : cette liberté que nous croyons avoir avec Internet, liberté de communiquer, de s'exprimer, de visiter, nous enferme dans une prison confortable dans laquelle nous ne sentons pas, nous ne touchons pas, nous ne percevons que ce qui a été donné à percevoir. Ces oppositions permettent d'abord de faire ressortir des contrastes entre deux idées, deux expressions, deux états. D'une certaine manière, le publicitaire a su en jouer dans la fameuse publicité pour le sucre : on y voit un couple du futur déguster des asperges sorties d'un tube, musique d'hypermarché, décor aseptisé, soudain un cri, découverte de la supercherie : vous êtes pas prêt à avaler n'importe quoi hein ? le sucre est un produit naturel. L'effet de contraste prend ici toute son ampleur, à condition qu'on ne soit pas trop regardant sur la définition du mot naturel...

EUPHEMISME - figure de sens

L'euphémisme est une figure d'atténuation qu'on emploie lorsqu'on est dans une situation délicate - tel homme qui est mort n'est pas mort : il est parti, il s'en est allé, il nous a quittés ou il est monté au ciel. D'une certaine manière, tous ces euphémismes traduisent l'embarras que nous ressentons : nous avons peur que la réalité brute (la mort et le néant qui

40

Page 41: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

l'accompagne) rejaillisse sur nous et nos proches. Les hommes politiques n'ont pas cessé d'en employer, d'abord pour tenter de revaloriser certains métiers (les balayeurs sont devenus des techniciens de surface), certains handicaps (les aveugles sont devenus des non-voyants), certaines inégalités (les pays pauvres sont devenus des pays en voie de développement). L'euphémisme le plus cynique est sans doute celui qui s'adresse aux chômeurs qui sont devenus par l'opération magique du politiquement correct des demandeurs d'emplois : ah oui, ça pour positiver, on positive... Quant aux publicitaires, jamais en reste, surtout quand il s'agit de bouffer et de faire bouffer, ils ont inventé les seniors. Véritable pendant des juniors, nouvelle cible qui consomme beaucoup (elle vit plus longtemps et mieux - DHEA, Viagra, etc), il était normal de leur trouver - aux vieux - une appellation qui renvoie à leur retraite active. Peut-être qu'un jour les morts seront des revenants à qui il conviendra de vendre des lotions revitalisantes.

ZEUGMA : figures de construction

La grande affaire du zeugma, c'est cette célèbre pub pour le sucre qui met en scène un couple aseptisé dans un décor aseptisé qui se prépare un déjeuner datant d'une époque que nous connaîtrons peut-être un jour, le jour où nous aurons perdu le goût du sucre... Si, tout le monde a vu cette pub. Scénario : situation initiale (d'un tube sort une pâte verte), processus de transformation (la pâte devient des asperges), situation finale (on pourrait y croire, ça pourrait avoir lieu. Mais un cri jeanpierrecoffien retentit, effet de surprise : vous êtes pas prêt à avaler n'importe quoi. Rupture brutale, effet de surprise la chaîne textuelle, c'est un zeugma : pour faire un bon fils, il faut un bon père et un bon camembert. Le zeugma est constitué d'éléments sémantiques peu cohérents. On s'en servira beaucoup pour créer des effets de chute et on connaît la chanson : voir quelqu'un tomber fait sourire ou rire les moins fins d'entre nous. Très pratique pour détendre l'atmosphère : cette année nous proposons trois cents suppressions de postes et une prime pour les meilleurs commerciaux...

41

Page 42: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

LES PROCESSUS DE CREATION PUBLICITAIRE - Henri Joannis

Dans son livre intitulé le Processus de création publicitaire, Henri Joannis (n'oubliez pas de lire cet ouvrage : indique plusieurs moyens pour ajouter de la force au message à partir de la créativité d'expression. Ces propositions intéressantes en terme de créativité sont les prolongements des figures de style les plus utilisées en publicité. Encore une fois, pour exercer ses compétences rédactionnelles en matière de publicité, il est plus que conseillé de pratiquer. Au-delà de la pratique, l'écriture ne doit pas faire l'objet d'un effort. Si vous n'écrivez pas tous les jours en vous interrogeant sur la forme que vous donnez à vos poèmes, à votre journal, à vos articles ou à vos essais, il y a de fortes chances pour que vous restiez un rédacteur laborieux à qui il manquera cet aspect essentiel à tout créatif : la spontanéité, ce qui réclame un énorme travail de fond, ce qu'aucune école ne saura vous proposer sauf si vous vous trouvez dans ces rares écoles où la personne importe plus que le diplôme.

La bi-section symbolisante L'hyperbolisation sympathique La personnalisation signifiante La référence inattendue

La bi-section symbolisante : prolongement de la métaphore.

Définition Joannis : rencontre de deux univers apparemment étrangers chez qui le créateur a trouvé une zone commune, un recouvrement et de cette zone commune inattendue jaillit l'impact et la communication.

Le message se construit à partir de deux univers différents (deux champs sémantiques différents) qui deviennent signifiants tous les deux. Devarrieux villaret a réalisé une campagne pour Eram où par exemple un homme portait des talons (heurt sémantique réel mais faible), une autruche des bottes (heurt sémantique fort), une chaise des escarpins (heurt sémantique absurde). La déclinaison en homme, animal, objet permet de décliner aussi les chaussures. Le heurt permet dans le cas présent de créer une distance humoristique avec le produit et de jouer avec l'intelligence du prospect (il doit en avoir) pour apprécier la portée du message. A noter que plus le heurt sera fort et plus le symbole obtenu aura de l'impact, sauf si les deux champs sémantiques sont franchement

42

Page 43: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

étrangers, auquel il faudra compter avec l'absurde qui est un mode de communication qui peut fonctionner.

L'hyperbolisation sympathique : prolongement de l'hyperbole

Définition Joannis : hyperboliser le message c'est le pousser au-delà de son poids normal mais à un degré tel que l'on percevra clairement qu'il s'agit d'une symbolique, d'un mythe et non du gonflement publicitaire d'une bagatelle qu'on veut vous faire prendre pour un grave problème. Le plus grand danger de ce procédé, c'est de ne pas oser aller trop loin.

Le principe consiste à exagérer une situation à l'extrême. L'agence Leo Burnett a proposé pour Heinz une publicité qui représente une barquette de frites pleine de ketchupp Heinz et un petit sachet de ketchupp contenant trois frites. Outre l'inversion, comme l'écrit Stratégies, le produit est tellement mis en majesté , ici, qu'il en devient l'ingrédient principal du repas. L'hyperbolisation a donc le caractère sympathique de la caricature qui permet au produit de son anonymat, de son quotidien, de son aspect par trop commun.

La personnalisation signifiante

Définition de Joannis : il s'agit de fabriquer un personnage réel ou fantaisiste autour d'un produit. La personnalisation signifiante consiste à d'abord symboliser la personnalité de la marque.

On n'est pas très loin de la Star Strategy chère à Séguéla. Ce message fonctionne bien parce qu'il permet d'humaniser la marque (quoi de plus atroce qu'un pneu Michelin et pourtant quand le pneu devient Bibendum, ça change tout...). Cette humanisation de la marque peut toutefois vite virer au ridicule du fait de pseudos personnages. Qu'on pense au savant qui parle des lessives sans phosphate, ça ne marche plus ! Ce procédé est un des plus anciens de la publicité et l'agence Young & Rubicam en a fait une véritable success story avec les enfants Kodak. On a repéré aussi à quel point les marques aimaient s'associer à des stars (Citroën et Schiffer, Depardieu et Barilla, Adjani et Woolite, Jeannot et Madrange, Paradis et Chanel, Agassi et Gilette, Noah et Danette, Jordan et Nike, Zidane et Adidas...) avec plus ou moins de réussite. Lire l'article sur la star strategy dans les plates-formes créatives.

43

Page 44: Manuel de cours de la communication appliquée: la publicité

La référence inattendue

Définition de Joannis : la force vient de la rencontre allusive avec quelque chose d'autre. L'allusion se passe essentiellement sur le plan cognitif ou culturel, même si l'allusion s'exprime visuellement.

Il faut que l'élément visuel ou verbal soit bien connu du prospect. L'élément est ensuite rénové ou détourné en faveur de la marque (Gandhi, Marx et Che Guevara détournés au profit de Liberty surf). La rupture favorise la mémorisation de la marque. Young & Rubicam a signé il y a un an une publicité pour Eurostar où l'on voyait un couple courir dans la mer (photo stéréotypée Club Med, mer turquoise, ciel bleu). Il s'agissait avant tout d'assurer la promotion des voyages pour Londres en Eurostar. Le recadrage du réel y était total : voir cours sur la manipulation.

44