marie-frédérique bacqué-cancer et traitement_ domicile ou hôpital_ le choix du patient...

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  • Cancer et traitement Domicile ou hopital: le choix du patient

  • Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong London Milan Tokyo

  • Marie-Frederique Bacque

    Cancer et traitement Domicile ou hopital: le choix du

    ^ S p r i inger

  • Marie-Fredericjue Bacque Universite Louis Pasteur Departement Psychologic 12, rue Goethe 67000 Strasbourg

    ISBN-IO : 2-287-28206-8 Springer Paris Berlin Heidelberg New York ISBN-13 : 978-2-287-28206-5 Springer Paris Berlin Heidelberg New York

    Springer-Verlag France, Paris, 2006 Imprime en France

    Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media

    Get ouvrage est soumis au copyright. Tous droits reserves, notamment la reproduction et la representation la traduction, la reimpression, I'expos ,^ la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d'enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de donnees. La loi fran^aise sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n'autorise une reproduction integrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement de droits. Toute representation, reproduction, contrefa9on ou conservation dans une banque de donnees par quelque proced^ que ce soit est sanctionn^e par la loi penale sur le copyright. L'utilisation dans cet ouvrage de d&ignations, denominations commerciales, marques de fabrique, etc. meme sans specification ne signifie pas que ces termes soient libres de la legislation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu'ils puissent etre utilises par chacun. La maison d'^dition decline toute responsabilite quant k I'exactitude des indications de dosage et des modes d'emploi. Dans chaque cas, il incombe a I'usager de verifier les informations donnees par comparaison a la litt^rature existante.

    SPIN: 11538165

    Maquette de couverture : Nadia Ouddane

    ^(p\ Cet ouvrage a ete realist avec la collaboration de la Societe ^ fi-an^ aise de Psycho-Oncologie (SFPO).

  • Sommaire

    Avant - Propos Marie-Frederique Bacque p. 07

    Preface Jean-Christophe Eymard p. 11

    Implication du patient dans le choix de son traitement: etat actuel des recherches et de la pratique Franck Zenasni, Sarah Dauchy p. 7 5

    La relation medecin/patient : comment prend-on en compte le souhait du patient ? Isabelle Merckaert, Yves Libert, Dominique Bron, Marie-France Jaivenois, Darius Razavi p. 23

    Les prises en charge a domicile pour les patients cancereux: quelle prise en compte et quelle amelioration du bien-etre des patients et des proches ? Raptiael Remonnay, Yves Devaux p. 33

    Lhopital comme lieu de soins pour les malades atteints de cancer et leurs proches Sylvie Puciieu p. 45

    Le malade et ses proches au cours d'un traitement a domicile Suzanne Nervier p. 55

    Choix du patient: jusqu'ou ? Frederique Lacour, Francis Diez, Margot Estrate p. 65

    La place du choix des patients concernant leur lieu de deces Laure Copel, Marine Mauviel, Carole Bouleuc p. 79

    Propositions therapeutiques et suivi par le medecin generaliste du patient atteint de cancer Philippe Guillou p. 85

  • Avant - Propos Comment participer au choix de son traitement ? Ou traiter sa maladie ? Ou finir sa vie ? Marie-Frederique Bacque

    Ces questions d'actualite sont encore aujourd'hui si dijftciles d. entendre qu'on ne pent pas imaginer qu'elles puissent etre, un jour, posees directement par le malade et encore moins resoluespar lui... Cependant, nos conditions economiques, les couts enormes engen-dres par la sante, nous amenent a approcher au plus pres, ces conditions d'annonce et de choix de traitement. Du lieu du traitement dependent aussi des economies substantielles. Seulement voila, tel Lagardere, le malade jusqua present venait a Vhopital... Toute I'equipe soignante est-elle prete, a I'inverse, a venir au malade ? Les conditions psycho-sociales de la vie du xxf siecle ne semblent, a priori, pas tr^s favorables aux soins des can-cers d. domicile : solitude, families disloquies et eloignees, travail desfemmes, dependances liees a la longevite, desir accru de preserver son intimite, angoisse de mart et depressivite augmentees... Qui, a la maison aujourd'hui, est la pour s'occuper d'un conjoint, d'un parent ou d'un enfant malade ? Qui peut consacrer, des mois durant, son inergie, mais aussi son histoire de vie d. un proche gravement malade ? Qui a envie de se muer en aide-soignant, en auxiliaire de soins pour passer le bassin, changer de cote dans son litsonparent malade, I'assister quand il ressent des nausees, I'ecouter lorsqu'il s'attriste ou prendpeur... Avec ces restrictions, on a le sentiment que hospitalisation d domicile ne s'appliquerait finalement qu'aux... retraites! En effet, pour certains professionnels, on peut serieusement afftrmer que le soin d domicile ne fonctionne qu'avec un referent libre de son temps et disponible, voire psychologiquement formi... Tout le monde s'accorde a constater la rapide saturation des membres de la famille, les periodes d'epuisement des accompagnants, le lourd tributpaye d la depression des conjoints (Kurtz, 2004).

    Cet ouvrage vise a organiser les probldmes et a dessiner les pistes de recherche encore relativement peu cdtoyees en France, mais dejd riches de resultats dans les pays anglo-saxons. C'est un livre pragmatique dans lequel nous avons identifie les principales questions:

    - Que veut le malade ? - Que veulent les medecins et les equipes hospitalieres ? - Quelles interactions benefiques entre les protagonistes du soin peut-on developper

    pourpartager les decisions et nepas lefaire si le patient ne le souhaitepas ? - Quelles sont les phases de ces interactions ? - Les modalitis d'ichange, de relation et de communication sont-elles efficaces pour

    obtenir un vrai choix, une vraie modulation des riponses domicile/hdpital et un accompa-gnement humain et de qualite ?

  • 8 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    Ces derniers points s'appuient sur des enquetes et des etudes, dont nous avons reuni et synthetise les resultats pour proposer enfin une forme deprotocole de questionnement indis-pensable a toute demarche de choix du lieu du traitement. Dans ses grandes lignes, cette demarche passe par:

    - I'information du patient a condition de faire appel a I'ethique de la relation, a I'adequation cognitive des donnees aux aptitudes du patient a les recevoir, a la prise en compte de son etat emotionnel;

    - revaluation interactive des souhaits du patient, pondereepar les souhaits de safamille et accompagnants;

    - la negociation entre les 6quipes hospitalieres et le reseau de sante, entre le medecin generaliste et les systemes publics, pour aboutir vraiment a une decision partagee;

    - le suivi, parfois quotidien, de I'applicabilite de ces decisions, et leurs amenagements au jour lejour, pour le plus grand confort du patient;

    - la souplesse des mesures concernant aussi bien le materiel que les personnes; - lafidelite de la demarche et de I'equipe, mime en cas de decompensation, de conflit, et

    surtout defin de vie.

    Quels sont les moyens necessalres a cette demarche ? La formation des equipes est primordiale : cancerologie, specialisation dans les soins d'abord veineux, d'escarres, de complications vasculaires et urinaires, de prescriptions antalgiques, psycho-oncologie bien stir pour Vabord global du patient cancereux, sapsycho-pathologie et celle de sa famille, la psychodynamique du groupe soignant, la capacite a etablir un suivi et pas seulement des entretiens. Isabelle Merckaert et ses collaborateurs rapportent que dans I'itude de Brown et al. (2001) le simple fait de remettre au patient une liste de thematiques liees a la maladie et au traitement avant la consultation lui fait poser davantage de questions pendant celle-ci. La reprise et le commentaire par le medecin avec lui diminuent le niveau d'anxiete, tandis que I'integration des informations semble meil-leure. Le fait de verifier les informations transmises permet au medecin de renforcer la memorisation des nouvelles connaissances du patient Mais Ventretien medecin/patient ne doit pas se limiter a une transmission d'information sur un modele cognitiviste. Pour Suzanne Hervier, un entretien approfondi et ouvert, cest-a-dire non reduit a une suite d'interrogations axees sur des donnees precises, permet au patient d'evoquer ses problemes particuliers. La serie de questions posee comme une check-list risque de bloquer la relation et d'empecher I'expression des particularismes.

    Des psychologues cliniciennes comme Sylvie Pucheu ont depuis longtemps insiste sur les aspects les plus intimes de la prise en charge d'une personne atteinte de cancer. Le decalage entre le desir d'etre comme avant la maladie, de conserver une place au sein de la famille, depoursuivre un rdle et d'en decouvrir un nouveau, declenche progressivement Vepuisement, physique d'abord puis veritablement moral pour tous. Elle opte plutot pour des solutions extremement souples : mise au point d'une hospitalisation a domicile, certes, mais prevision de temps d'hospitalisation pour souffler. Patient et famille ont, de

  • Avant - Propos

    leur cote, besoin de ces pauses pour reamorcer le soutien familial et amical reciproque. Les suivis cl tres long tertne des patients sideens ont bien montre que ces situations intermi-nables ginent les accompagnants: tout le monde attend desfaits, des evenements, et la mart est un non-dit qui envenime progressivement I'atmosphere. II est complique de parler de la maladie chronique, encore plus d'un espace intermediaire entre la vie et la mort. C'est pourquoi certains patients finissent par se couper du monde : a quoi bon raconter la routine quotidienne ? Le syndrome d'epuisement gagne le malade, sa famille et ses soi-gnants. Des conflits latents, en general anciens, sont reactualises par I'hospitalisation a domicile. lis se traduisent par des mouvements chaotiques et desordonnes de la volonte des uns et des autres, I'etat stable du malade nepermettant aucune decision. Ce sont les cas oil le registre curatifest depasse, tandis que le palliatifse resume pour certains a I'attente de la mort et non a une reflexion du groupe sur sa future reforme , du fait de la prochaine perte de I'un de ses membres. L'equipe du Reseau Quietude a bien voulu justement donner I'exemple du casse-tete que constitue parfois I'organisation des soins d'un patient a la maison. Atteint d'un cancer de I'estomac polymetastase, ce patient veut retourner chez lui. Mais son epouse, epuisee, refuse formellement d'assumer les repas, les tdches d'entretien. L'equipe de soins a domicile propose done le port des repas, les toilettes, la garde de nuit... Les quatre enfants qui se relaient aupres de leur pere sont vite eprouves par ce rythme et le reseau propose alors une hospitalisation de repit. Elle est categoriquement refusee... Vun des enfants souhaite alors emmener I'epouse du patient afin qu'elle prenne du repos : elle s'y oppose clamant que c'est son mari qui doit aller a I'hopital, elle ne quittera pas la maison ! Meme une hospitalisation dejour est refusee, alors que les multiples passages des aides-soi-gnants pour les toilettes, des porteurs de repas, du kine sont vecus comme autant d'intru-sions. Une garde-malade est refusee pour sa couleur depeau... Id, le Reseau Quietude hesite a reagir face au racisme puis decide de ne pas le cautionner en laissant dorenavant d la famille le soin de rechercher de son cote, son ou sa garde-malade. Apres quatre semaines de tentatives d'amenagement des conflits familiaux, il decide d'abandonner I'organisation des soins d domicile. Quarante-huit hemes plus tard, le patient accepte d'etre hospitalise en soins palliatifs... Cet echec de la phase de negociation montre bien que I'urgence et I'ambivalence familiale sont incompatibles avec le soin a domicile : fallait-il une reunion comportant I'ensemble des membres de la famille ? Fallait-il un entretien avec chaque partenaire ? Faut-il un protocole d'accord signe par tous ? L'animation de plusieurs sean-ces de groupe familial doit-elle preceder toute HAD ? Comme le soulignent Franck Zenasni et Sarah Dauchy, la situation ideale de la decision partagee qui implique une participation mutuelle entre un medecin ouvert, riche en experience et en connaissances techniques et un patient expert dans la perception de sa propre sante reste un modele. Certains patients epuises ne veulentplus s'impliquer, d'autres ne se sententpas capables de prendre une telle decision, enfin, au sein mime du desir d'implication, on trouve la possibilite de jouer un role actif passif ou encore juste collaboratif La complexite est telle qu'une echelle de Regret decisionnel a meme ete construite (Brehaut et al., 2003) pour ceux qui montre-raient un comportement paradoxal... Et pourtant Raphael Remonnay et Yves Devaux, reprenant la revue de questions de Shepperd, 2004, insistent sur le fait que les trois quarts des patients preferent une prise en

  • 10 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    charge a domicile a celle de I'hopital. Cependant, des biais methodologiques lesfont douter des questionnaires de satisfaction (les malades expriment peu de jugements negatifs sur Vhopital, si ce n'est sur I'attente excessive pour des soins ponctuels et comment comparer, chez une mime personne, des phases dijferentes de sa maladie et du lieu de son traite-ment ?). Seuls les essais randomises croises ou les patients experimentent les deux modes de soins permettent une Evaluation plus proche de la rialitL Cependant, I'aggravation de la maladie vers les soins palliatifs augmente la part de subjectivite qui biaise la methodologie. Mais, en cas d'adequation entre le soin et la satisfaction du patient, apparaissent alors les bienfaits du choix du lieu du traitement: meilleure qualite de vie, diminution des troubles psychiques, maintien du lien familial, absence de sequelles trans-g^nerationnelles (trauma-tismes de I'agonie, culpabilite des souhaits de mort qui peuvent parfois aboutir a une demande d'euthanasie),fin de vie apaisee... Laure Copel, de I'unite mobile d'accompagne-ment de I'lnstitut Curie, le constate, eviter Vipuisement de la famille par des aides bien intigries, impliquer les partenaires liberaux des le debut de la prise en charge, assurer la continuite des soins forment les parametres favorisant une prise en charge complete. Philippe Guillou le confirme, le medecin gineraliste a souvent cette bonne connaissance du patient et de sa famille au long terme. Figurent dans sa mission cette connaissance historique du groupe et cette utilisation des ressources locales (personnes, culture, aides materielles). Upeut incarner la figure de reference locale, veritable interface avec la structure hospitaliere, mais surtoutpersonnalite dont la soliditi a en general dija ete mise a Vepreuve au cours des alias de la vie du patient.

    Aujourd'hui, les soins a domicile sont plus que jamais d'actualite. Reclamis par les patients, de mieux en mieux envisages par les soignants, ils doivent cependant etre sirieu-sement revisites a I'aune de la demande de satisfaction des soins, mais aussi d'exigence iconomique des patients et de la societi. II apparait dans cet ouvrage, quune viritable demarche s'impose pour donner toutes ses chances au traitement a domicile des personnes atteintes de cancers. En quelques mots-cles : Informer dans la riciprociti, negocier, modu-ler, suivre jusqu'au bout. Dans ces conditions, I'ideal de la decision partagee peut etre approche en le relativisantpar la temporalite de la maladie et I'evolution psychologique du patient et de sa famille.

    Marie-Frederique Bacque

    References Brehaut JC, O'Connor AM, Wood TJ, et al. (2003) Validation of the Regret Decision Scale.

    Med Decis Making 23 : 281-92 Brown RF, Butow PN, Dunn SM, et al. (2001) Promoting patient participation and shortening

    cancer consultations : a randomised trial. Br J Cancer 85: 1273-9 Kurtz ME, Kurtz JC, Given CW, et al. (2004) Depression and physical health among family caregivers

    of geriatric patients with cancer- a longitudinal view. Med Sci Monit 10: CR 447-56 Shepperd S, Iliffe S (2004) Hospital at home versus in-patient hospital care (Cochrane Review). In :

    The Cochrane Library Issue 3, John Wiley 8c Sons, Chichester, UK

  • Preface

    Des choix sous influences Point de vue de I'oncologue medical Jean-Christophe Eymard

    Cet ouvrage parte sur les criteres de choix du patient a I'egard du type et du lieu de traite-ment de sa maladie. A I'heure du developpement des notions de medecin referent, de reu-nions de concertation pluridisciplinaire, de riseaux de sante, nous voudrions insister sur Vorganisation des soins autour du patient, afin de I'aider a mieux apprehender sa maladie, les therapeutiques mais aussi les processus mis en oeuvre afin de luigarantir un traitement de qualite adapte. Frank Zenasni et Sarah Dauchy de I'Institut Gustave-Roussy detaillent le processus de prise de decision partagee. Car meme si I'information est disponible, abondante et si certains patients puisent sur Internet des dossiers tres complets, la decision reste toujours difficile et ressemble a une roulette russe entre diverses formes d'agressions therapeutiques. En effet, dans laplupart des situations, il existe des strategies recommandees pour une effi-cacite optimale, les options therapeutiques ne constituant generalement que des variantes. Les situations cliniques oil le choix se pose entre une chimiotherapie et I'abstention thera-peutique sont exceptionnelles, correspondant soit h des chimiotherapies adjuvantes lorsque le risque de rechute estfaible, soit a des chimiotherapies palliatives a visee symptomatique. Le choix veritable reside dans Vorganisation pratique, a la carte , du traitement en fonc-tion de la maladie du patient mais aussi de son etatphysiologique, de son eloignement par rapport au centre de traitement, de son milieu, du soutien de ses proches... Mais le seul veritable choix n'est-ilpas en amont meme du traitement, sorte de pre-choix tenant au choix d'un nom ou d'une equipe ? Isabelle Merckaert et ses collogues de I'Institut Jules Bordet demontent le processus de prise en compte du souhait du patient dans la relation medecin-patient. La participation du patient a la prise de decision est un droit a respecter qui peut avoir un effet positif non seulement sur sa satisfaction immediate lors de la consultation mais aussi favoriser ulterieurement son adhesion au traitement. Ce processus necessite une premiere etape d'in-formation sur la maladie et les traitements pour aboutir a la participation ou non a la deci-sion therapeutique en partenariat avec le medecin. Le souhait de participation effective est tres variable selon les patients, et les auteurs rapportent un lien avec le type de cancer traite et revolution de la maladie. La participation plus active des personnes traitees pour un cancer du sein ou de la prostate, par rapport a un cancer colo-rectal, decoule de

    Jean-Christophe Eymard (El) [email protected] Institut Jean Godinot 1, avenue du General Koenig, F-51056 Reims, France

  • 12 Cancer et traitement - Domicile ou hdpital: le choix du patient

    I'intrication de dijferents facteurs tels que Vexistence d'alternatives therapeutiques, Vatteinte directe de I'image corporelle et de la sexualite mais aussi le biais de la plus grande frequence de ces neoplasies et done de leur plus grande mediatisation. La conservation de l' organe malade , dans les formes localisees de ces cancers, est en effet envisageable actuellement, que ce soitpar une chirurgie conservatrice apres une chimiotherapie ou une hormonotherapie premiere dans les cancers du sein ou par irradiation externe ou in situ (curietherapie) pour les cancers de la prostate. II n'en est pas de mime pour les cancers colo-rectaux ou le seul choix est la participation ou non a une chimiotherapie post-opiratoire en cas de risque de recidive ou de metastases. La participation moins active observee paralMe-ment a I'evolution de la maladie peut s'expliquer par la fatigue du patient, ses craintes et Vabsence de refuge possible dans le deni et done le souhait d'une aide externe plus importante. Inversement, elle peut traduire I'installation d'un partenariat a etapes et une relation de confiance avec I'equipe de soins. Raphael Remonnay et Yves Devaux presentent un bilan des prises en charge a domicile dont le developpement est une des actions prioritaires du Plan Cancer. Les auteurs rappel-lent qu'elles se presentent selon trois modalitis compUmentaires : (1) la prise en charge informelle par des libiraux, (2) I'hospitalisation a domicile encore limitee en nombre de structures et inegalement repartie sur le territoire, (3) I'organisation d'un riseau de sante assurant une coordination entre I'hopital et le domicile. Ces solutions alternatives sontpar-ticulierement precieuses pour les patients ages, fatigues, avec des traitements continus, une surveillance de chimiotherapie ambulatoire ou en soins palliatifs. Elles ne sont envisageables au long cours que si la voie orale est preservee. Le developpement recent de chimiothirapies orales favorisant le maintien du patient dans son cadre de vie s'inscrit dans le meme sens, la presence des soignants de proximite permettant de verifier la bonne prise de ces therapies et leur bonne tolerance. Ce suivi a domicile reste necessaire, car le gain de confort ne doit pas etre entache du risque specifique de non-observance prejudiciable pour le patient.

    Sylvie Pucheu et Suzanne Hervier, psychologues cliniciennes, proposent chacune un point de vue complementaire sur le choix du lieu de traitement, hdpital ou domicile, et les retombees au niveau des malades et desproches. Sylvie Pucheu souligne avecjustesse Vam-bivalence de I'image de I'hdpital representant le lieu des maladies, des souffrances et sur-tout de la mort, mais aussi le site regroupant des iquipes specialisees favorables d. I'etat de sante des patients. Si le choix du lieu de traitement devient theoriquement possible, la pra-tique montre que ce n'est pas toujours le cas. Les possibilites sont souvent limitees : il existe des thesaurus avec des recommandations consensuelles, mais ces options therapeutiques sont restreintes. Certaines pathologies ne sont traitees qu'avec un nombre reduit de protocoles qui utilisent quelques medicaments classiques n'existantpas sous forme orale. Ainsi, la chi-miotherapie adjuvante actuelle des cancers du sein comporte une anthracycline, cytotoxi-que tres efftcace mais aux ejfets secondaires marques qui limitent son administration a la voie parentirflle sous surveillance attentive en hdpital dejour. A I'oppose, les chimiothera-pies des cancers digestifs comportent du fluoro-uracile en perfusion continue realisables en ambulatoire ou pouvant etre remplacees par une forme orale, ce qui permet au patient de choisir son type de traitement. Les situations de reel choix therapeutique se rencontrentplus

  • Preface 13

    frequemment lors des stades avarices, multitraites. Dans ces situations oil la chimiotherapie est prescrite a visee palliative symptomatique, I'oncologue et le patient peuvent decider d'une autre approche therapeutique purement antalgique. Suzanne Hervier insiste sur la place predominante de I'hospitalisation ^ domicile pour les patients en rechute ou en phase avancee de la maladie. Elle rappelle les conditions de base d'une hospitalisation d. domicile satisfaisante: une habitation decente, une presence a demeure quasi continue deplusieurs personnes accompagnantes, mais en pratique la participation active et continue de la famille est d'application difficile surtout lorsque le conjoint travaille. L'hospitalisation a domicile par le maintien des reperes du patient, de son statut en dehors de I'hopital, de sa place au sein de la famille constitue un mode de vie privilegie respectant la dignite de I'individu.

    Frederique Lacour, Francis Diez et Margot Estrate du Reseau Quietude (equipe de soins palliatifs mobile parisienne) exposent, i I'aide d'une observation detaillee d'une situation clinique, les difficultes parfois rencontrees a domicile par les unites mobiles de soins pallia-tifs pour tenter de respecter la volonte des patients en fin de vie malgre I'epuisement du systeme de garde ou de la famille. Les auteurs demontrent I'importance du travail en equipe pluridisciplinaire, de la transmission des informations et de la continuite des soins. Cette prise en charge n'apparatt reellement possible que si le patient est compliant et si les proches partagent et assument cette volonte de maintien a domicile. En outre, la rehospita-lisation temporaire constitue un recours en cas de difficultes soulignant la complementari te de ces systemes jusqu'au bout du parcours. Preuve, si besoin etait, que la pertinence de tout systeme nest que conjoncturelle...

    Laure Copel, Marine Mauviel et Carole Bouleuc de I'lnstitut Curie posent la question du choix par les patients de leur lieu de deces. Bien que plus de la moitie de la population generale interrogee sur ce lieu reponde a domicile alors que bien portante, un quart des Frangais y meurt dans lesfaits et rarement dans le contexte d'une maladie chronique. Cette question est soulevee en pratique cancerologique dans le cas d'envahissement metas-tatique, mais parfois il est difficile d'en discuter avec le patient, son deni protecteur ou celui de Ventourage ne le favorisant pas. Le travail en reseau pluridisciplinaire et surtout I'ins-tallation progressive d'un veritable dialogue avec le patient et sa famille autorisent des conditions psychologiques et materielles compatibles avec ce souhait. Neanmoins, I'evoluti-vite de la maladie cancereuse et des symptomes, tels qu'une occlusion digestive ou des trou-bles de la conscience par atteinte metastatique, empeche parfois ce choix.

    Philippe Guillou, medecin generaliste, rappelle avec justesse la place primordiale des medecins de famille des le debut de la maladie de leurs patients. Ik orientent les patients et assurent, en coordination avec I'equipe d'oncologie medicale, le suivi a domicile. Vis-a-vis du defaut d'informations rapportees sur les effets secondaires des chimiotherapies, des mesures ont ete mises en place par les centres ou les unites d'oncologie comme les services de soins a domicile assurant la liaison entre le patient et le cancerologue ainsi que son midecin traitant durant les intercures, I'utilisation de carnets de suivi therapeutique.

  • 14 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    Les chimioiherapies orales fournissent un bon exemple de travail en reseaux. Prdparees par les pharmacies des etablissements de cancerologie avec une lettre d'information et un carnet de suivi journalier sur prescription de I'oncologue qui etablit aussi une surveillance a distance, elles auront leur toUrance controleepar le service des soins d domicile qui, muni des risultats biologiques, telephone aux patients. Et, en cas de probleme, le medecin de famille assure la prise en charge coordonnee de proximite.

    En conclusion, donner I'accts d I'information pour que les patients qui le souhaitent puissent etre acteurs de leur combat contre la maladie ne sauraitfaire I'economie d'une veritable reflexion sufles vrais enjeux du choix du lieu du traitement. Les textes des diffe-rents redacteurs de ce volume en temoignent: tantotfaux choix qui en cache un autre plus en amont, tantot partie prenante d'un mecanisme de defense, souventplus dictepar I'etat physique que par une decision volontaire, le choix du patient dit indissociablement une passivite autant qu'une activite...

    Remerciements

    L'auteur remercie vivement Martine Derzelle, psychanalyste a I'Institut Jean Godinot, pour ses conseils enrichissants.

  • Implication du patient dans le choix de son traitement: etat actuel des recherches et de la pratique Patientslnvolvement in choice of treatment. Today's research and practice Franck Zenasni Sarah Dauchy

    Resume : Le concept de prise de decision partag^e a surtout emerge au debut des ann^es 90. Ce concept met en avant I'id^e d'un partenariat entre le medecin et le patient lors d'une prise de decision liee k un choix de traitement. Bien que dans sa description initiale cette approche semble trop idealiste, Fimplication du patient dans le choix de son traitement apparait possible, conseillee et favorable. Pour detailler ce processus, il faut alors consid^rer les deux composantes que sont la competence d'implication et la preference d'implication. En effet, la realisation d'une prise de decision n'est commune et efficiente que si le patient et le medecin peuvent et desirent la realiser. Ces conditions rendent le processus complexe et sa pratique difficile. Des outils existent neanmoins, qui sont ici presentes, ainsi que quelques resultats de recherches recentes sur ce theme. Ces recherches doivent etre encouragees pour permettre d'etablir des recommanda-tions utiles aux medecins et aux patients.

    Mots-des : Prise de decision partagee - Relation medecin/patient - Competence -Prefi^ rence - Information.

    Franck Zenasni (E3) Docteur en psychologie E-mail: [email protected]

    Sarah Dauchy Psychiatre

    Institut Gustave Roussy, Unite de Psycho-Oncologie 39, rue Camille Desmoulins, 94805 Villejuif Cedex, France

  • 16 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    Abstract: This paper presents tools and research about patient involvement in the choice of treatment. The concept of "shared decision-making" appeared at the begin-ning of the nineties. This concept underlines the idea of "partnership" between the phy-sician and the patient when a decision has to be made about the choice of a treatment. Even though the description of the concept of "shared decision-making" may seem too idealistic, the involvement of patients in the choice of their treatment is still possible, recommended and favourable. To detail this process, two components must be consi-dered: the competence and the preference for involvement. Indeed, a common decision can only be effective when both the patient and the physician are able and willing to make it. These conditions make the process complex and difficult to apply. However, as suggested by the research presented in this paper, the study of patient involvement is possible and useful. For this reason, research that provides useful recommendations for both physicians and patients has to be encouraged.

    Keywords: Shared decision-making - Physician/patient relationship - Competence -Preference - Information

    Introduction L'attention croissante portee a la quality de vie dans le traitement des patients a conduit certains experts au debut des annees 90 a developper I'idee d'une necessaire implication de ceux-ci dans le choix de leur traitement (Emanuel & Emanuel, 1992). Cette collabo-ration active du patient et du soignant, afin de determiner un choix therapeutique opti-mal, a ete d^finie comme une prise de decision partagee {shared decision-making). L'idee sous-jacente est que I'implication a part 6gale du medecin, d^tenteur des connais-sances et des competences techniques, et du patient, expert dans la perception de sa propre sante, devrait entrainer une amelioration de la qualite de vie des patients.

    Ce th^me de la decision partagee a g^nere une abondante litt^rature, dont rendent compte plusieurs revues (Charavel, 2001; Schulper, 2002). Celles-ci retracent ^galement revolution qui a permis de passer de la prise de decision partagee a la juste notion d'implication du patient dans le choix de son traitement. Initialement, les propositions de Szaz et HoUender (1956) d^crivaient trois types de relations medecin/patient:

    - une relation dite active/passive ou le medecin regule et prend toutes les decisions concernant le traitement therapeutique (patient dans le coma);

    - une relation dite de direction/cooperation, dans laquelle la cooperation du patient est possible, mais non indispensable ;

    - une relation dite de participation mutuelle ou le patient est considere comme un veritable partenaire pour le choix du traitement.

    C'est cette notion de partenariat qui va ^tre mise en avant dans les moddisations ult^rieures de la prise de decision partagee. La raison k cela est une certaine lutte contre

  • Implication du patient dans le choix de son traitement... 17

    une approche dite paternaliste oil le medecin guiderait totalement le choix et les com-portements des patients. Rappelons que cette derni^re approche suggere que le mede-cin partage les m^mes valeurs que celles du patient. Or, le d^veloppement du concept de qualite de vie depuis le debut des ann^es 60 va justement soutenir I'id^e que le medecin ne peut pas decider de tout au sujet de la sant^ du patient, ce dernier etant le meilleur juge pour identifier les effets favorables ou defavorables de sa maladie et des traitements sur sa vie.

    Malgre une certaine anciennete de la description de Szaz et HoUender, c'est seulement au debut des annees 90 que nous constatons les premieres moddisations formelles des processus de partage de la decision.

    Le modHe ideal de decision partagee est done que (1) le soignant et le patient partagent toutes les informations medicales disponibles, (2) qu'ils indiquent leurs attentes et leurs preferences concernant les diff^rentes possibilit^s de traitement afin d'arriver h un point d'^ quilibre dans I'^ change, oil le medecin et le patient ont le meme poids dans la decision finale ( equipoise ) (Emanuel, 1992 ; Schofield, 2003).

    Ce modele de prise de decision dite partagee a favorise I'emergence d'autres moddi-sations plus ou moins proches, mettant en avant la reflexion autour de I'implication du patient dans un choix therapeutique tout en relativisant la possibility de r^ellement eta-blir un partage 6quilibr6 des informations entre le medecin et son patient. Une autre reserve vient aussi, en canc^rologie du moins, de ce que de nombreuses situations pathologiques ne s'accompagnent pas k survie ^gale d'un r6el choix therapeutique, les options correspondant a des pronostics trop diff^rents. Neanmoins, mSme si la mod^-lisation initiale d'un partenariat total s'av^re trop idealiste, I'impHcation du patient dans le choix de son traitement apparait maintenant possible, conseillee et favorable (Stevenson, 2004). II reste cependant k determiner dans quelle mesure cette implication est compl^tement adapt^e au d^sir et k la competence des protagonistes, patients et medecins : tous les patients ne d^sirent pas s'impliquer dans le choix de leur traitement, et tous n'en sont pas forcement capables ; quant aux medecins, tous n'ont pas le mSme desir ni la m^me competence pour partager avec leurs patients information et decision.

    Nous decrirons les composantes essentielles k prendre en compte pour examiner et organiser I'implication du patient dans le choix de son traitement. Puis nous aborde-rons I'etat des recherches et des pratiques actuelles li^es k ce th^me. Les outils disponi-bles pour faciliter et favoriser les demarches du chercheur et du clinicien s'int^ressant k I'implication du patient dans le choix d'xm traitement therapeutique seront egalement presentes.

  • 18 Cancer et traitement - Domicile ou hdpital: le choix du patient

    Les composantes permettant rimplication du patient dans le choix de son traitement Considerer I'implication du patient dans le choix de son traitement impose d'en envisager les conditions, qui emprxmtent a plusieurs registres :

    - I'information (donnee et perdue); - la communication; - les caracteristiques et la qualite relation interpersonnelle (empathie... ).

    Schematiquement, deux etapes peuvent etre distinguees : - la competence a s'impliquer : traitement de I'information, capacity de comprehen-

    sion des etats ^motionnels et des reactions d'autrui; ces competences vont permettre au patient de comprendre les informations transmises, d'interagir avec le soignant, d'organiser le choix du traitement;

    - le desir ou la preference d'implication : desir des patients et/ou des soignants k s'impliquer dans un processus de partage de I'information et de prise de decision.

    Le niveau de connaissances joue egalement un role fondamental : connaissances techniques et objectives du medecin, mais aussi connaissances subjectives que le patient possede par rapport a sa sante ou a sa qualite de vie. La figure 1 resume ces etapes neces-saires a une possible implication du patient dans le choix therapeutique.

    Competence d'implication

    OUI

    D4sir/pr4firence d'implication

    Z^ OUI :s^ NON Realisation de I'implication

    NON iTAPE 1

    iTAPE2

    iTAPE 3

    Fig. 1 - Implication du patient dans le choix therapeutique.

    La premiere etape consiste a determiner les competences du patient. En effet, si le patient ne possede pas les moyens d'integrer toutes les informations n^cessaires au choix, alors mieux vaut eviter de lui proposer une implication qu'il ne maitrisera pas. II faut done trouver les moyens et les outils disponibles, efficaces et rapides pour evaluer

  • Implication du patient dans le choix de son traitement... 19

    ses competences. La presence de ces competences etant une condition sine qua non k I'implication du patient, nombre de recherches actuelles se focalisent sur le training ou I'apprentissage de ceUes-ci (Shilling, 2003).

    La deuxieme 6tape consiste a considerer le desir d'implication du patient. II importe d'emblee de noter qu'il ne faut pas confondre le desir d'information et le desir d'impli-cation (Fallowfield, 2001) : un patient peut desirer recevoir des informations sur la situation sans pour autant vouloir s'impliquer dans une decision. D'autre part, I'impli-cation du patient dans le choix de son traitement peut ne pas etre depourvue de conse-quences sur I'adaptation de celui-ci, en particulier si le traitement co-choisi s'av^re ne pas repondre a ce que le patient et le medecin en esperaient (absence d'efficacite, ou toxicite). Un patient desirant s'impliquer peut ainsi par cette responsabilite etre confronte a une certaine culpabilite. Cela peut a I'inverse moduler I'expression du desir d'implication, un patient pouvant refuser cette implication parce que (1) il ne desire reellement pas etre implique ; (2) il le souhaiterait mais ne peut accepter cette position potentiellement culpabilisante. Determiner le desir d'implication doit tenir compte id^alement de cette dimension adaptative.

    Une fois la preference du patient clairement precisee, la troisieme et derni^re etape consiste a realiser I'implication. Pour cela, il faut faciliter les echanges d'informations entre le medecin et son patient.

    Le processus d'implication n'est done pas simple. II faut respecter plusieurs etapes et a chaque moment s'assurer d'lme potentielle utilite et/ou d'une reussite de cette impli-cation. Cette complexite ne favorise pas la mise en pratique d'un processus auquel les obstacles sont nombreux dans la r^alite clinique :

    - du cote du patient, la compliance au medecin considere comme detenteur d'un savoir tout-puissant, I'absence de prise de risque dans une situation angoissante, I'incapacite a evaluer I'impact des diff(rents traitements proposes, I'absence de connais-sances quant aux impacts secondaires des traitements ;

    - du cote du soignant, le temps limite des consultations, le refus d'admettre une certaine expertise des patients, I'absence de connaissances quant aux desirs, attentes et craintes de leurs patients sont autant de facteurs qui ne les incitent pas a impliquer le patient dans le choix.

    La recente multiplication des recherches et des outils d'aide a I'implication du patient dans le choix de son traitement devrait cependant permettre ime evolution significative.

    Etat des lieux des recherches et de la pratique actuelle Les recherches concernant la prise de decision partagee ou I'implication du patient dans le choix de son traitement sont particuli^rement avancees en Amerique du Nord, notamment au Canada. En Europe, c'est au Royaume-Uni et dans les pays nordiques

  • 20 Cancer et traitement - Domicile ou h6pital: le choix du patient

    qu'on note le plus ancien interet pour Fimplication du patient dans les choix therapeu-tiques, int^rSt repris plus recemment par I'Allemagne. Les elements constitutifs de Tim-plication du patient que sont la communication, I'information, la satisfaction et la qua-lite de vie sont retrouves dans les mots-cles associes a ces recherches. Comme prec6-demment, nous distinguerons dans ces recherches celles qui concernent la preference ou le desir d'implication et celles qui concernent la competence.

    En ce qui concerne la preference, un certain nombre d'etudes ont par exemple exa-mine le degre de preference d'implication des patients dans des traitements sp^cifiques k certains cancers (Davison, 2002 ; Degner et al, 1997 ; Wallberg, 2000). Par exemple, Degner et al. ont montre que chez 1 012 patientes qui allaient etre traitees pour un cancer du sein, 22 % voulaient choisir leur traitement seules, 44 % voulaient choisir leur traitement en collaboration avec leur m^decin et 34 % voulaient que le medecin choi-sisse seul le traitement k realiser.

    Ainsi, il apparait que malgre une compliance certaine au medecin, un nombre impor-tant de patients souhaite etre implique dans le chobc du traitement de leur cancer. Ce degre de preference varie en fonction de facteurs comme la s^verite du cancer, la mediatisation de la maladie ou bien encore des variables individuelles comme Fage des patients (Beaver, 1999).

    Ce type d'etude a permis d'elaborer des outils utiles a revaluation de la preference d'implication des patients dans les choix therapeuthiques. Ainsi, Degner et al. (1997) ont mis au point I'echelle d'identification des preferences . Cette echelle a cinq items (combinant du materiel verbal et figuratif) permet d'identifier si le patient desire avoir un role actif , passif ou coUaboratif dans le choix du traitement. En rapport avec ce contexte, une echelle de regret decisionnel a ete construite (Brehaut et al, 2003). Cette echelle a cinq items permet de determiner a quel point le patient regrette le choix de traitement qu'il a realise.

    En ce qui concerne le theme des competences, on pent isoler deux groupes d'etudes, cel-les qui examinent comment se realise concr^tement I'implication du patient dans le choix therapeutique, et celles qui sont strictement centrees sur la notion de competence .

    Le premier type de recherche se focalise notamment sur I'interaction medecin/patient et sur I'impact de cette interaction dans le choix du traitement. II a permis I'elaboration d'outils evaluant la qualite des interactions lors d'une prise de decision. Par exemple, O'Connor (1995) a eiabore I'echelle de conflit decisionnel (decisional conflict scale) qui permet d'evaluer la difficvdte, per9ue par le patient, k faire le choix entre plusieurs options therapeuthiques. Un autre exemple d'outil est I'echelle d'hetero-evaluation Option {option scale, Elwyn et al, 2003) qui permet d'evaluer a quel point, et par la m^me de quelle maniere le medecin implique le patient dans un processus de prise de decision.

    Le second type de recherche tente d'isoler les competences necessaires a une bonne implication du patient dans le choix de traitement. Par exemple, Elwyn et al (2000)

  • Implication du patient dans le choix de son traitement... 21

    ont conduit une etude qualitative aupr^s de praticiens generalistes afin d'identifier les aptitudes qui leur sont utiles pour impliquer les patients dans un choix de traitement. Cette recherche a ainsi montre que les aptitudes a explorer les idees et les peurs du patients ainsi que la capacite a identifier leurs reactions au cours de Timplication etaient des facteurs essentiels pour favoriser une correcte implication du patient. Ce deuxieme type d'etude cherche par ailleurs k definir les modalit^s d'apprentissage de ces compe-tences. Ainsi, beaucoup de recherches actuelles ont pour but de demontrer I'efficacite de I'apprentissage de ces competences sur I'interaction medecin/patient et sur une prise de decision partagee (Shilling, 2003).

    Conclusion Nous ne nous sommes ici interesses qu'aux aspects cliniques et psychologiques de I'im-plication du patient dans le choix therapeutique. Mais les enjeux de la decision parta-gee sont egalement majeurs d'un point de vue m^dico-economique, par la meilleure adequation aux desirs du patient (et done une meilleure satisfaction attendue) et par la reduction potentielle de certains couts de traitement. Cette evaluation des enjevix economiques, si elle est rendue n^cessaire par le contexte medico-economique actuel, doit s'accompagner d'une evaluation des aspects cognitifs et psychologiques de I'impli-cation des patients. En effet, si comme nous I'avons vu precedemment, il apparait que cette implication, bien realisee, est globalement favorable a la qualite de vie et qu'en cancerologie la majorite des patients y serait disposee, les importantes variations mises en evidence doivent inciter a revaluation rigoureuse des preferences et competences. L'ampleur des besoins de formation et d'outils pour que les soignants puissent propo-ser I'implication dans de bonnes conditions doit etre egalement soulignee.

    Pour favoriser une mise en place efficace des processus d'implication ou d'aide a la decision, il faut encourager les recherches qui permettront d'etablir des recommanda-tions utiles aux medecins et aux patients. Actuellement, celles-ci s'appuient sur des don-nees issues de recherches etrangeres, alors que les differences interculturelles peuvent lar-gement modifier les comportements observes dans les prises de decision therapeutiques. Des recherches fran^aises explorant ces comportements en tenant compte de ces varia-tions culturelles seraient necessaires. De meme, elles devraient permettre de mieux cibler les desirs des patients dans leur singularite, afin que le developpement du parte-nariat avec le patient s'appuie sur des donnees d'observation objective et non sur un debat d'idees ou de concepts ancres dans la vie sociale, politique et mediatique.

  • 22 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    Le developpement des recherches dans ce champ de I'implication du patient, par I'apport de donnees scientifiques objectives, pourrait utilement soutenir la necessaire reflexion sur revolution des conditions de realisation du soin et des decisions qui I'entourent.

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  • La relation medecin/patient: Comment prend-on en compte le souhait du patient ? The physician-patient relationship: how to talie the patient's preferences into account Isabella Merckaert Yves Libert Dominique Bron Marie-France Jaivenois Darius Razavi

    R s^um^ : Le droit des patients de participer au processus de decision concernant les traitements est aujourd'hui de plus en plus reconnu. Cela implique que le patient soit informe de maniere adequate sur les traitements possibles et leurs consequences et qu'il puisse influencer par ces reactions la prise de decision th^rapeutique. Si une majority de patients souhaite recevoir un maximum d'informations sur leur maladie et les traite-ments qui y sont associes, ce souhait, de meme que celui de prendre part a la decision

    Isabelle Merckaert (H) Psychologue E-mail: [email protected] University libre de Bruxelles, Faculty des sciences psychologiques et de I'education, Av. F.-Roosevelt, 50 - CP 191, B-1050 Bruxelles, Belgique M . : +32 2 650 48 61 - Fax : +32 2 650 22 09 -

    Yves Libert Universite libre de Bruxelles, Institut Jules-Bordet, et CAM (Groupe de recherche et de formation), Bruxelles, Belgique University catholique de Louvain, Faculty de psychologic et des sciences de I'education, Louvain-la-Neuve, Belgique

    Dominique Bron Marie-France Jaivenois University libre de Bruxelles, Institut Jules-Bordet, Bruxelles, Belgique

    Darius Razavi Universite libre de Bruxelles, Faculte des sciences psychologiques et de I'education, et University libre de Bruxelles, Institut Jules-Bordet, Bruxelles, Belgique

  • 24 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    therapeutique, semble varier d'une personne a I'autre, voire en fonction de revolution de la maladie. II est des lors important que les medecins soient en mesure d'evaluer les preferences des patients a ce sujet tout au long de la prise en charge. Get article a pour objectif d'aborder successivement le souhait des patients d'etre informes et leur souhait de participer a cette decision et d'etudier I'impact de ces souhaits d'information et de participation sur la communication medecin/patient.

    Mots-cI6s: Cancer - Communication medecin/patient - Prise de decision - Information -Preferences des patients

    Abstract: Today, the patient's right to be informed and to participate actively in the decision-making process is being more and more acknowledged. As a result, patients need to be adequately informed concerning potential treatments and their consequen-ces and have the possibility of influencing the decision-making process through their reactions. Although a majority of patients wish to be given a maximum of information about their disease and its consequences, this wish as well as the wish to take part to the decision-making process seems to vary according to the patient and the different stages of the disease. It is important, therefore, that physicians are able to assess patients' pre-ferences with regard to information and treatment decision-making throughout the course of the disease. This paper aims to tackle the issues of the wish of patients to be informed and to participate in decision-making and to study the impact of those wishes on physician-patient communication.

    Keywords: Cancer - Physician-patient commimication - Decision-making - Information -Patients' preferences

    Introduction Le droit des patients d'etre informes et de participer activement au processus de decision concernant les traitements est aujourd'hui de plus en plus reconnu. Cela implique que le patient soit informe de mani^re adequate sur les traitements possibles et leurs conse-quences et qu'U puisse influencer par ses reactions la prise de decision therapeutique. Avant tout, il est important de preciser que la participation du patient a la prise de deci-sion therapeutique est un droit et non un devoir. Le patient pent souhaiter prendre la decision concernant son traitement seul, en partenariat avec son medecin ou encore laisser cette responsabilite a ce dernier. La participation du patient k la prise de decision therapeutique a de nombreuses implications au niveau de la relation medecin/patient. Deux questions principales se posent done : que sait-on a I'heure actuelle du souhait des patients de participer a la prise de decision therapeutique et quel est I'impact de cette participation du patient a la prise de decision sur la relation medecin/patient en

  • La relation mMecin/patient . . . 25

    general et sur la communication medecin/patient en particulier ? Get article abordera successivement ces deux questions.

    La participation des patients a la prise de decision

    La reconnaissance du droit des patients a participer a la prise de decision est importante dans la mesure oii cette participation peut avoir une influence benefique sur le bien-etre du patient. En effet, des etudes recentes montrent que la participation du patient a la prise de decision peut avoir un effet positif sur sa satisfaction par rapport a la consultation et par rapport a I'information et au soutien emotionnel re^us (Gattellari, 2001 )et qu'eUe peut avoir un impact positif sur son etat emotionnel (Fallowfield, 1990 ; Davison, 2003). Cette participation du patient k la prise de decision implique deux choses. Tout d'abord, elle implique que le patient resolve des informations au sujet de sa maladie et de ses traitements et, ensuite, elle suppose que le patient souhaite y participer. Deux questions se posent a ce niveau : que sait-on du souhait des patients d'etre informes et que sait-on de leur souhait de participer reellement a la prise de decision ?

    Sou baits conformation des patients en oncologie

    Pour participer au choix de traitement, il est important que les patients soient bien informes. L'information peut non seulement avoir un impact positif sur le niveau de participation du patient a la prise de decision, mais les patients bien informes ont ^ga-lement davantage de chances de trouver un terrain d'entente avec leur medecin et d'adherer au traitement (Epstein, 2004).

    De nombreuses etudes recentes montrent qu'une majorite de patients dans les pays occidentaux souhaite recevoir un maximum d'informations sur leur maladie et les traite-ments, que ces informations soient positives ou negatives (Meredith, 1996; Jenkins, 2001). Il existe toutefois des differences entre les patients en ce qui concerne le type d'informa-tions souhaitees (informations sur le deroulement du traitement, les effets secondaires a court et a long terme, les implications pratiques, le pronostic) et en ce qui concerne le moment oil ces differentes informations doivent etre discutees (Feldman-Stewart, 2000 ; Hagerty, 2004). II est done essentiel que le medecin evalue le souhait d'information de chaque patient et adapte I'apport d'information en fonction de celui-ci.

    Souhaits de participation des patients a la prise de decision en oncologie

    Si la litterature montre qu'une majorite de patients souhaite recevoir un maximum d'informations, les choses sont moins claires en ce qui concerne le souhait des patients de participer a la decision th^rapeutique. En effet, des etudes ont montre qu'il existe

  • 26 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le chotx du patient

    des differences au niveau du souhait de participation des patients en fonction du type de cancer. Une grande majority de patients traites pour un cancer du sein ou de la pros-tate semble souhaiter participer activement a la prise de decision therapeutique alors que ce souhait semble moins present chez des patients traites pour un cancer colo-rec-tal (Degner, 1997 ; Beaver, 1999 ; Davison, 2004). Des differences au niveau du souhait de participation existent egalement en fonction de revolution de la maladie. Le souhait de prendre part k la decision semble en effet diminuer parallHement a revolution de la maladie (Degner, 1997 ; Beaver, 1996 ; Bilodeau, 1996 ; Butow, 1997 ; Degner, 1997). L'age du patient et un niveau d'Education moins eleve ont egalement un impact sur un moindre souhait du patient de participer a la prise de decision (Wallberg, 2000). U est important de souligner enfin que les souhaits d'information du patient et de participa-tion a la prise de decision therapeutique ne sont pas toujours lies (Blanchard, 1988).

    Les souhaits des patients de participer a la prise de decision etant variables, il est important que les medecins soient capables d'^ valuer ceux-ci. Des etudes montrent que, dans de nombreux cas, il n'existe que peu de concordance entre le souhait de par-ticipation du patient a la prise de decision et sa participation effective k cette prise de decision (Degner, 1997 ; Gattellari, 2001). Les medecins souvent sous-^valuent le souhait du patient de participer a la prise de decision (Davison, 2004 ; Bruera, 2001). Cette absence de concordance est problematique dans la mesure ou elle pent avoir un impact n^gatif sur la satisfaction du patient quant a la decision prise (Keating, 2002) et sur le niveau d'anxiete du patient immediatement apres la consultation (Gattellari, 2001). Ces resultats posent des questions sur les capacites des medecins k utiliser des strategies de communication leur permettant d'evaluer le desir de chaque patient de participer k la prise de decision. En effet, prendre en consideration le souhait du patient de prendre part k la decision implique I'utilisation par le medecin de strategies de com-munication complexes pour lesquelles les medecins ne sont malheureusement que rare-ment formes (Razavi, 2003).

    La communication medecin/patient et la prise de decision therapeutique Aucune etude empirique n'a analyse precisement les strategies de communication uti-Us^ es par les medecins dans le contexte d'entretiens oil le patient p&rticipe a la prise de decision. Toutefois, plusieurs auteurs ont emis des recommandations quant aux strate-gies de communication a favoriser dans ce cadre (Towle, 1999 ; Say, 2003 ; Epstein, 2004). A la suite de ces travaux, il est possible de definir un certain nombre d'etapes favorisant la participation du patient a la prise de decision. Ces etapes peuvent se resu-mer en trois phases principales : une phase d'evaluation, une phase d'information et une phase de negociation concernant le choix de traitement.

  • La relation medecin/patient... 27

    La phase d'evaluation

    La phase d'evaluation a trois objectifs principaux. Premierement, elle doit permettre au medecin d'avoir une idee plus precise des souhaits du patient en ce qui concerne la transmission d'information et la participation au traitement. Deuxiemement, elle doit lui permettre d'evaluer les preoccupations et attentes du patient. Enfin, elle doit per-mettre au medecin d'avoir une idee de I'etat emotionnel du patient.

    La litterature relative a la communication medecin/patient a montr^ que les strate-gies d'evaluation facilitant I'expression par le patient de ses preoccupations et attentes etaient des strategies d'evaluation ouvertes (Maguire, 1996). Ces strategies permettent au patient d'aborder differents registres de preoccupations et de discuter avec son medecin de son propre agenda. II est done important de favoriser ce type de strategies ouvertes. Au contraire, I'utilisation excessive de questions fermees risque de transformer I'entre-tien en un interrogatoire et d'aboutir a I'effet inverse de celui qui est attendu. Cela est d'autant plus important que les medecins utilisent souvent des strategies de communi-cation qui bloquent I'expression par le patient de ses preoccupations. De nombreux patients, en outre, ne discutent avec leur medecin de leurs preoccupations que si celui-ci provoque la discussion (Detmar, 2000). Une etude randomisee (Brown, 2001) a eva-lue I'impact du fait de fournir au patient une liste type de questions avant une consul-tation avec son medecin. Cette etude montre que les patients qui ont re9u la liste posent davantage de questions sur le pronostic lors de la consultation et que le niveau d'anxiete de ces patients apres la consultation est plus eleve. Cette augmentation disparait cepen-dant si le medecin reprend la liste de questions avec son patient. La duree de la consul-tation diminue et le rappel des informations est meilleur dans ce cas egalement. Cette etude montre I'importance de 1'attitude du medecin par rapport a la participation du patient a la consultation sur les benefices que le patient pent retirer de celle-ci. Elle montre egalement I'importance pour le medecin de susciter les questions du patient.

    Avant toute transmission d'information, il est important que le medecin evalue I'etat emotionnel du patient de meme que ses capacites a entendre et a comprendre les infor-mations qu'il va lui transmettre. Le patient doit souvent prendre une decision a un moment difficile (au moment d'un premier diagnostic ou au moment d'un diagnostic de rechute). Il peut ne pas etre en mesure d'entendre les informations qui lui sont trans-mises. L'anxiete liee a I'annonce d'une mauvaise nouvelle, I'incertitude quant a revolu-tion de la maladie et son pronostic ou encore le deni sont autant de raisons qui peuvent empecher le patient de traiter les informations qui lui sont transmises (Ley, 1973 ; Ley, 1979; Gattellari, 1999).

    Une etude montre qu'un nombre important de patients, au moment de donner leur consentement pour participer k une etude clinique, presente des niveaux de detresse emotionnelle eleves. Cette etude montre egalement que le niveau de comprehension des patients quant au traitement propose est limite : 25 % d'entre eux sont incapables de rappeler des effets secondaires communs de la radiotherapie (Montgomery, 1999).

    fivaluer I'etat du patient permet, outre d'optimiser la transmission d'informations, de reconnaitre les difficultes du patient, d'exprimer une comprehension mutuelle des

  • 28 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    choses, d'accroitre la participation du patient ou de sa famiUe et de favoriser le partenariat entre le medecin et son patient.

    La phase d'information

    La transmission d'informations inclut un partage des connaissances sur les risques et avantages des traitements proposes. Elle implique egalement la gestion de I'incertitude qui y est associ^e. Idealement, I'objectif du medecin y est de transmettre des informa-tions claires, precises, y compris au niveau des incertitudes inherentes a tout traitement medical tout en maintenant la confiance du patient en son medecin et I'espoir par rap-port aux benefices du traitement. Cette transmission d'information doit permettre au patient de considerer les traitements proposes en regard de ses attentes et d'evaluer I'impact de chacun des traitements sur sa vie quotidienne. En oncologic, I'explication d'un choix de traitement a un patient implique souvent I'echange d'un grand nombre d'informations complexes et techniques. Deux questions principales se posent ici: celle du mode de presentation de I'information et celle de la certitude pour le medecin d'une veritable comprehension par le patient des informations transmises.

    La transmission d'informations sur les risques fait I'objet d'une litterature relative-ment abondante. Cette litterature tente de mettre en evidence les preferences des patients pour certains types de presentation et de voir dans quelle mesure la formula-tion des risques (framing) a une influence sur la comprehension de ceux-ci par le patient et sur sa prise de decision. Une revue de la litterature recente ayant compare dif-ferents modes de presentation orale et chiffree des risques montre I'impact positif sur les choix de traitements medicaux et chirurgicaux d'une formulation en termes de survie versus en termes de risque de mortalite et d'une formulation en termes de reduc-tion du risque relatif (relative risk reduction) versus en termes de reduction du risque absolu (absolute risk reduction) (Moxey, 2003).

    Une autre revue de la litterature recente a mis en revanche en evidence que lorsque le choix porte sur le fait d'entamer une procedure de depistage, la formulation en ter-mes de risque de mortalite en cas de non-depistage a davantage d'impact sur le choix de realiser cette procedure que la formulation en termes de chance de survie (Edwards, 2001). Cette revue a Egalement discute I'impact d'autres facteurs sur le choix de traitement tels que le nombre d'informations transmises et le format chiffre ou non utilise pour transmettre les risques. II semble que les patients ayant reiju davantage d'in-formations et des informations plus precises soient plus prudents lorsqu'ils prennent une decision. Les lemons k tirer pour les medecins des differentes revues de la litterature sur la transmission des risques, c'est I'importance de presenter les risques et benefices du traitement propose de differentes manieres pour permettre au patient de se faire I'image la plus precise et la plus correcte possible du traitement (Moxey, 2003).

    Ces dernieres annees, differents modes visuels de presentation ont Egalement ete com-pares : camemberts , presentations avec des barres verticales, lignes, ou graphiques utilisant des visages. Les resultats qui en ressortent sont peu homogenes et montrent des differences au niveau des preferences de patients pour ces modes de presention.

  • La relation mMecin/patient... 29

    entre autres en fonction de leur age et de leur niveau socio-economique. En outre, les modes de presentation pr^feres par les patients ne sent pas toujours ceux qui garantis-sent la meilleure comprehension des informations par ceux-ci.

    Divers outils d'aide k la decision ont egalement t^^ elabores pour faciliter la prise de decision partagee. Ces outils d'aide a la decision incluent des feuillets d'information elabores pour chaque maladie et traitement sp^cifique, des videos, des cassettes audio, des programmes informatiques ou encore des organigrammes permettant de discuter avec le patient de ses choix de traitement. Une revue de la litt^rature recente montre I'influence positive de I'utilisation d'outils d'aide a la decision sur les connaissances du patient au sujet du traitement et sur sa participation active au processus de decision (O'Connor, 1999). L'utilisation de tels outils est cependant limitee puisqu'ils doivent etre d^veloppes sp^cifiquement pour chaque traitement et etre adapt^s en fonction de revolution des therapies existantes.

    Comme nous venons de le voir, transmettre des informations sur les traitements et les risques et benefices qui y sont li^s est une tache extremement complexe. Pour que la transmission d'informations soit efficace, il faut des lors que le medecin verifie la com-prehension du patient par rapport a celle-ci soit de maniere simple en lui demandant si tout est clair, soit en lui demandant de reformuler ou de synthetiser les informations revues. Cette verification est importante et permet une r^elle participation du patient a la prise de decision. Une ^tude realisee aupres de 74 patients atteints de diabete et de 38 medecins les soignant a ainsi demontr^ que le simple fait de demander au patient de reformuler les nouveaux concepts qui leur avaient 6t6 exposes augmentait significative-ment les capacites des patients a gerer efficacement leur glycemie (Schillinger, 2003). Cette etude montre I'importance de la verification des informations pour permettre une meilleure comprehension par le patient des implications du traitement et ainsi assurer une meilleure adhesion a celui-ci.

    Cette verification par le medecin doit en outre considerer les limites des patients quant au nombre d'informations qu'ils peuvent comprendre et integrer en un temps donne. La transmission d'information doit se faire de maniere progressive et adaptee aux capacites cognitives du patient. Un trop grand nombre d'informations transmises en un temps donne risque en effet de surcharger les capacites cognitives du patient.

    La phase de negociation

    La derniere phase est celle de la negociation et de la prise de decision avec le patient concernant le choix de traitement. II est important dans ce cadre que le patient se sente a I'aise avec le medecin pour qu'il puisse poser ses dernieres questions et qu'il beneficie d'un deiai suffisant pour prendre sa decision. En oncologie, malheureusement, certaines decisions doivent etre prises rapidement. Il est d'autant plus important des lors que le medecin ait bien evalue les attentes et preoccupations du patient ainsi que sa compre-hension du traitement propose pour que la decision prise soit la meilleure pour le patient. Cette phase doit egalement permettre d'organiser la suite de la prise en charge en fonction du choix de traitement.

  • 30 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    Conclusion Les recherches sur la participation du patient k la prise de decision therapeutique n'en sont qu'^ leur debut. II n'existe actuellement que tres peu de recherches ayant etudie la communication medecin/patient dans ce cadre, au-dela de la question de la transmis-sion d'informations sur les risques. Les difficultes rencontrees par les medecins pour transmettre des informations sur les traitements et les risques et benefices qui y sont associ^ s et les difficultes rencontrees par les patients pour les comprendre indi-quent la n^cessite pour les medecins d'utiliser des strategies de communication efficaces. Ces strategies permettent au m^decin de construire une relation medecin/patient de quality mais egalement de favoriser I'expression par le patient de ses besoins et preoc-cupations.

    Tout au long de ce processus, il est important que le medecin favorise la participa-tion du patient en I'incitant a poser des questions s'il n'a pas compris certains points ou s'il souhaite recevoir davantage d'information.

    Id^alement, une bonne communication m^decin/malade devrait permettre une reelle prise de decision partag^e, qu'elle conduise ou non au souhait du patient de reel-lement participer aux prises de decision. Avoir I'opportunit^ de refuser de participer a la prise de decision et choisir de laisser la responsabilite du choix du traitement au medecin est d^ ja en soi ime participation a la prise de decision.

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  • Les prises en charge a domicile pour les patients cancereux: quelle prise en compte et quelle amelioration du bien-etre des patients et des proches ? Home care for cancer patients: what needs to be taken into account and how to improve the well-being of patients and their families ?

    Raphael Remonnay Yves Devaux

    R^sum :^ Les prises en charge k domicile (PAD), solution alternative h I'hospitalisation, voient leur d^veloppement encourage par les pouvoirs publics qui leur assignent notamment des objectifs en termes de reduction des couts, de rationalisation de la pro-duction des soins ou d'amelioration du bien-toe du patient. Trois modalites d'organi-sation de la PAD sont possibles: I'hospitalisation k domicile, les soins k domicile par des liberaux en dehors de tout cadre ou la coordination par un reseau viUe/hopital. En meme temps que nous presentons les diffi^ rentes dimensions constitutives de la satisfac-tion du patient, nous montrons comment les PAD sont en mesure d'influencer chacune de ces dimensions. Sur la base de la litterature et de notre experience, nous dressons enfin un bUan positif des PAD relativement k la satisfaction du patient, malgr^ des limi-tes m^thodologiques.

    Mots-d^s: HAD - Reseau ville-hopital - Satisfaction

    Raphael Remonnay ( S ) E-mail: [email protected] LASS GRESAC CNRS PRE 2747 et Centre Uon-B^rard 28, rue Laennec, 69008 Lyon, France

    Yves Devaux Centre Leon B^rard, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, Frahce

  • 34 Cancer et traitement - Domicile ou hopital: le choix du patient

    Abstract: Home care services as an alternative to hospitalisation have been encouraged by the authorities which assign to them, in particular, objectives in terms of cost reduc-tion, rationalization of the production of care or improvement of the patient's well-being. Three modes of organization of home care services are possible: i) home medi-cal care; ii) home care given by private organisations; iii) co-ordination by a network that associates town and hospital carers. As well as presenting the different constituent dimensions of patient satisfaction, we will also show how home care services are able to influence each one of these dimensions. With reference to the literature and our expe-rience we shall finally give a positive review of home care services relative to patient's satisfaction, despite methodological limits.

    Keywords: Home care - Town/hospital network - Satisfaction

    Contexte Le developpement des solutions alternatives a I'hospitalisation, parmi lesquelles les prises en charge k domicile (PAD), pent repondre k deux exigences principales :

    - la premiere s'inscrit dans la dynamique de rationalisation ^conomique de la pro-duction de soins, dans un contexte de deficit recurent des comptes de la S^curit^ sociale et de saturation, reelle ou supposee, des capacites hospitali^res. Les etablissements sont, en outre, confi-ontes aux fermetures de lits, k des pressions budg^taires croissantes - la mise en place de la tarification a I'activite pourrait ampHfier ce mouvement - comme k la rarefaction du personnel mMical et infirmier. II s'ensuit que les PAD, qui permet-traient d'^conomiser des ressources rares en favorisant le recentrage de I'hopital sur les activit^s les plus pointues et en impliquant davantage les soignants liberaux et les pro-ches dans le processus de soins (Bentur, 2001), peuvent etre un element de reponse aux difficultes rencontrees;

    - la seconde, qui fera I'objet de notre reflexion, est la capacity supposee d'accroitre le bien-etre du patient et de son entourage. De nombreux arguments peuvent ici etre avan-ces sur lesquels nous reviendrons, notamment la preservation du lien familial et des habitudes de vie (Fried, 2000) ou I'amelioration de la communication avec les soignants.

    En mars 2003, le Plan Cancer fixait le developpement des solutions alternatives a I'hospitalisation au nombre des actions a mener prioritairement, en particulier pour la chimiotherapie et les soins paUiatifs (MILC, 2003). Depuis lors, diff(rentes mesures allant dans cesens ont ete prises, en particulier le statut unifie des r^seaux de sant^ dans le cadre de la loi sur les droits des patients, la mise a disposition de moyens financiers importants par le biais de la Dotation Nationale pour le Developpement des Reseaux

  • Les prises en charge k domicile pour les patients cancereux... 35

    et rassouplissement des contraintes relatives a la creation de lits en hospitalisation a domicile (HAD).

    A cote des b^ri^ fices, economiques ou organisationnels, qui influencent lourdement les decisions en matiere de politique de sant^, il est important de s'int^resser aux bene-fices que le patient et son entourage peuvent retirer des PAD. L'objet de cet article est d'analyser I'impact des PAD sur la satisfaction des patients cancereux relativement a leur prise en charge. Apr^s avoir fait le point sur les differents modes d'organisation des PAD en France et la fa^on dont ils peuvent ameliorer la satisfaction des patients, nous rapporterons quel-ques resultats issus de la litterature et de nos travaux.

    Les prises en charges a domicile: quelles modalites de prise en charge pour quels types des soins

    Nous avons jusqu'ici utilise I'expression prise en charge a domicile , cela afin de prendre en compte la diversite des modes d'organisation des soins au domicile. Plusieurs modalites d'organisation des soins existent, qui correspondent a des degres de structuration plus ou moins importants : prise en charge informelle par des lib^raux, par I'hospitalisation a domicile (HAD) ou dans le cadre d'un reseau ville-hopital.

    - Les soins a domicile peuvent toe dispenses en dehors de toute structure existante, les infirmiers et les autres soignants lib^raux assurent alors les actes techniques et la sur-veillance en fonction des prescriptions effectuees par les cancerologues ou les gen^ralis-tes sans coordination specifique. Cette modalite de prise en charge pr^sente I'avantage d'etre presque partout disponible ; en outre, quasiment tous les types de soins peuvent etre dispenses dans ce cadre'.

    - A I'inverse, I'HAD constitue la forme la plus structuree des soins dispenses au domicile. II s'agit d'une solution alternative a I'hospitalisation complete, definie comme telle par le code de la sante publique et inscrite dans la carte sanitaire. Elle comprend, en plus d'un service administratif, des coordonnateurs (medecins, cadres infirmiers), un service social, voire des psychologues, et peut travailler avec du personnel propre ou des liberaux. La typologie des prises en charge inclut des soins ponctuels, techniques et complexes chez des patients ayant une pathologic non stabUis^e (le cas le plus frequent est la chimioth6rapie), des soins continus, qui correspondent en particulier aux phases palliatives, et des soins de readaptation. Le nombre total de structures d'HAD s'elevait

    1. Des dispositions reglementaires recentes visent toutefois a restreindre la realisation des chimiothera-pies a domicile en dehors de I'HAD et des reseaux.

  • 36 Cancer et traitement - Domicile ou hdpital: le choix du patient

    k 108 pour un nombre total de 4 206 places installees en 2002, tr^s inegalement r^par-ties sur le territoire et principalement situ^es en zone urbaine (dont la moiti^ en lle-de-France). L'objectif etait de doubler les capacit^s d'ici k 2005, pour atteindre 8 000 places en privil^giant les regions d^pourvues de structures et les soins palUatifs^

    - La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et k la quality des soins (art. 84) a introduit au sein du Code de la sante publique I'article L. 6321-1, lequel apporte une definition plus large des r^seaux de sant^ qui se substitue aux reseaux de soins precedents. Elle specific que ces reseaux de sant^ ont pour objet de favoriser I'acc^s aux soins, la coordination et la continuity des prises en charge sanitaires, notamment celles qui sont sp6cifiques k certaines pathologies^ lis se doivent de promouvoir la ddivrance de soins de proximite de qualite et peuvent associer des soignants liberaux a des struc-tures de soins, hdpitaux et HAD en particulier. Pour ce faire, les reseaux peuvent dispo-ser de moyens financiers pour assurer la coordination des soins, mais aussi la remune-ration de certains actes au-del^ de la nomenclature, la production ou la diffiision de referentiels de prise en charge, une assistance sociale ou psychologique. Le reseau de sant^ est, pour cela, en mesure d'offrir des moyens suppl^mentaires un encadrement aux soignant liberaux afin qu'ils puissent prendre en charge des soins techniques et des patients de la zone donn^e demandant une charge de travail elev^e. II assure une coordination entre I'hdpital et le domicile qui doit permettre une rehos-pitalisation en cours de traitement, ou une sortie rapide de I'hopital quand cette der-ni^re est souhaitee. Le modele d'organisation en reseau se situe a un autre niveau et a pour objet de permettre une optimisation des moyens existants, HAD y compris.

    L'HAD comme le reseau ont seuls les moyens de donner aux soignants et aux patients les possibilites d'ameliorer la prise en charge :

    - en garantissant la quality des soins ddivr^s (r^ftrentiels de soins, formation des soi-gnants, possibilite de joindre im coordinateur en permanence) ; I'amelioration de la confiance du patient en la structure diminuant son anxi^te ;

    - en repondant k des demandes sp^cifiques qui sont souvent un fi'ein au retour a domicile, alors que paradoxalement leur cout de mise en ceuvre est negligeable par rap-port aux depenses deja engagees : aide menagere, repas, mais aussi pour les soignants, en sortant du cadre etroit de la tarification conventionnelle, la possibilite de degager du temps pour le patient sans toe penalise, ou de multiplier les passages en toute fin de vie.

    Ces trois modalit^s d'organisation des soins peuvent ^tre adapt^es k la d^livrance des soins li^ s k la pathologic cancereuse et realisables au domicile : chimiotherapies, soins post-chirurgicaux, antibiotherapie, immunotherapie ou soins de support. II apparait neanmoins que le besoin de coordination des soins est d'autant plus important que les soins sont lourds ou techniques. Pour cette raison, s'ils sont parfois substituables.

    2. Circulaire DHOS/O n 2004-44 du 4 fevrier 2004 relative a I'hospitalisation ^ domicile. Bulletin officiel 2004 ; 2004-8. 3. Circulaire DHOS/03/DSS/CNAMTS n 2002-610 du 19 dtombre 2002 relative aux reseaux de sant^. Bulletin officiel 2003 ; 2003/3.

  • Les prises en charge k domicile pour les patients cancereux ... 37

    ils doivent neanmoins le plus souvent 6tre envisages comme etant complementaires et adaptes a des phases differentes de la prise en charge des patients cancereux.

    Nous ne presenterons pas ici les modes d'organisation des PAD a I'etranger, les lecteurs interesses pourront consulter avec profit les travaux de Shepperd et lUife (Shepperd, 2004) ou de Bentur (Bentur, 2001) sur ce sujet. Rappelons simplement que les differents types d' hospital at home existants sont tres proche de I'HAD ou du fonctionnement r^seau.

    Le bien-etre du patient a Thopital et a domicile: les elements disponibles

    Les determinants de la satisfaction du patient relativement aux soins a domicile

    La satisfaction a ete utilisee plusieurs fois comme critere principal ou secondaire de jugement dan