marketing pour ing nieurs

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  • Alain GOUDEY Gal BONNINPrface dHerv Biausser

    Marketingpour

    Ingnieurs

  • Dunod, Paris, 2010ISBN 978-2-10-054823-1

    Conseiller ditorial :Christian Pinson, professeur lInsead

    Maquette de couverture : Chlo Lerebourshttp://graphi-chlo.blogspot.com/

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  • VPrface

    Les vingt dernires annes ont t marques par une profonde volutiondes formations dingnieur dlivres en France et notamment de cellesdispenses par les Grandes coles. Cette volution est comme toujours laconsquence directe de celle des entreprises et plus gnralement ducontexte conomique et de la demande sociale. La prise en compte expli-cite de la mondialisation de lconomie dune part et des problmatiquesde dveloppement durable dautre part en sont certainement les aspects lesplus saillants.

    Toute aussi importante, de mon point de vue, est lmergence dunpositionnement nouveau des formations dingnieur vis--vis de deuxcomposantes essentielles dans lactivit des entreprises mais jusquiciquasiment ignores : le march et le client. Cette tendance lourdersulte principalement :

    de lvolution de lorganisation et du fonctionnement des entreprisesde plus en plus orientes vers la cration de valeur pour leurs action-naires et leurs clients ;

    de llargissement permanent de la gamme des mtiers dsormaisaccessibles aux ingnieurs, en particulier vers les mtiers dits de servi-ces et paralllement de lincorporation dune dimension service croissante dans les mtiers de lindustrie.

    Les formations dingnieur ont donc largement ouvert leurs cursus laprparation aux mtiers de services, notamment ceux du conseil, de labanque et de lingnierie, et la dcouverte et la connaissance de lentre-prise et des affaires. Il faut en outre noter lintrt croissant des entreprisesde secteurs forte intensit technologique pour des profils mixtes tech-nologie et affaires dans des fonctions telles que la vente, le business deve-

  • MARKETING POUR INGNIEURS

    VI

    lopment ou le support aux clients. De producteurs ou concepteurs, lesingnieurs sont ainsi devenus galement gestionnaires et managers.

    Pourtant, cette indispensable volution est loin dtre acheve. Ainsi, lesjeunes ingnieurs ont trop tendance considrer lentreprise o ilstravaillent comme une donne, sans percevoir que par leur action ilspeuvent (doivent ?) contribuer la permanente et ncessaire adaptation deson fonctionnement et de son organisation.

    De mme, les jeunes ingnieurs ont trop tendance considrer le clientet ses besoins comme un lment parmi dautres du cahier des charges duproduit ou du service quils doivent concevoir ou produire, en ngligeanttrop souvent de prendre en compte la ralit de ce client, le march surlequel il sexprime et toute la relation commerciale qui va conduire lavente.

    Alors que jtais encore dans lindustrie, javais t frapp, voire choqu,le mot nest pas trop fort, par un propos attribu Lee Iacocca, lemblma-tique prsident de Chrysler, qui disait en substance : Celui qui na jamaisrien vendu na jamais vraiment travaill . Pass un court moment dindi-gnation, lingnieur passionn de R & D que jtais dut se rendre lvidence : dans lentreprise, tant quon na pas vendu, rien nest fait ! Toutce qui prcde ne prend sens et ne se justifie quau moment de la vente etcela, trop de jeunes ingnieurs lignorent ou loublient !

    Est-il ds lors ncessaire dinsister sur lintrt et la pertinence du prsentouvrage ? De mon point de vue, il tombe point car il rpond parfaite-ment aux attentes exprimes ci-dessus.

    Sa premire qualit est videmment le souci permanent des auteursdaccessibilit et de clart destination dun public de non-spcialistes. Laslection des concepts, des outils et des mthodes dune part et lesnombreux cas qui lillustrent, essentiellement issus de lindustrie, dautrepart, y contribuent grandement et renforcent son caractre pratique.

    Les deux premiers chapitres, sur la stratgie et loffre, abordent desthmes perus et connus des ingnieurs mais le plus souvent de faonempirique ou diffuse. Ils donnent des bases solides et structures pouraborder la suite.

    Les trois chapitres suivants exposent eux des aspects beaucoup moinsconnus des tudiants et des jeunes ingnieurs : la communication, la distri-bution et le prix. Si certains aspects de la distribution et de llaboration duprix sont tudis par les tudiants qui choisissent une spcialit respective-

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  • PRFACE

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    ment en gnie industriel et en mathmatiques appliques, tous gagneront les connatre sous tous leurs aspects. Quant la communication, elle faitpartie des domaines o tous, tudiants et jeunes ingnieurs et souventmme ingnieurs confirms, ont progresser.

    Je recommande donc vivement la lecture de cet ouvrage crit par deuxauteurs qui ont une profonde connaissance du marketing et une solideexprience de son enseignement, y compris en milieu technologique etcomplexe . Il compltera trs utilement la formation des ingnieurs, et enparticulier celle des tudiants et des jeunes diplms, dsireux de dvelop-per leurs comptences et dexercer leur mtier dans toutes ses dimensions.

    Herv BIAUSSER

    Directeur de lcole Centrale Paris

    dcembre 2009

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    Table des matires

    Remerciements 1

    CHAPITRE INTRODUCTIF Lingnieur, linnovation et le marketing 3

    CHAPITRE 1 La stratgie marketing : construire un avantage concurrentiel durable 15

    Quest-ce que la stratgie marketing ? 16Comment crer une organisation oriente march ? 20Comment choisir les marchs cibles ? 31Comment dfinir une proposition de valeur ? 65

    CHAPITRE 2 Le produit : laborer une nouvelle offre 81Le processus de dveloppement et de lancement dune nouvelle offre 83Le processus dadoption du produit nouveau par le consommateur 113Comment valoriser le produit ? 128Nommer son offre : quelle marque sur un march nouveau ? 138

    CHAPITRE 3 La communication : faire connatre son offre 153Quest-ce que communiquer ? 154Auprs de qui communiquer ? 157O communiquer ? 158Comment expliquer le produit ? 165Comment faire connatre le produit

    par le bouche--oreilles ? 170

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    Comment utiliser les nouvelles technologies dans la stratgie de communication ? 178

    Comment grer les ventuels risques dtects par le consommateur ? 195Comment mesurer lefficacit de la communication ? 200

    CHAPITRE 4 Les politiques daccs au march : grer les rseauxde distribution et la force de vente 207

    Quest-ce que la politique de distribution ? 208Comment construire le rseau de distribution ? 218Comment animer le rseau ? 231Comment grer la force de vente ? 247

    CHAPITRE 5 Le prix : comment tarifer loffre ? 261Dterminer les objectifs de lentreprise 262Estimer les cots totaux de mise sur le march 265Analyser la concurrence et estimer les ractions potentielles 269Comprendre la demande et le comportement de lacheteur 273Fixer le ou les prix 285

    Conclusion 299Bibliographie 301Index des entreprises et marques cites 305Index thmatique 311

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  • 1R E M E R C I E M E N T S

    Les auteurs remercient les ditions Dunod, dont milie Lerebours, pourleur avoir confi le challenge de rendre le marketing attractif et accessible des publics ingnieurs. Merci galement Christian Pinson pour sonsoutien, sa patience et ses conseils aviss, ainsi qu nos anciens collguesde Telecom et Management SudParis, notamment Oliver Segard et OlivierEpinette, pour nous avoir sensibiliss aux problmatiques de lingnieur.

    Remerciements dAlain Goudey, Jean-Cyrille Renaud, associ de lagence AtooMedia, pour son soutien

    dans ce travail denvergure et pour son aide au quotidien dans lagence ; tous mes collgues de Reims Management School, dont la gentillesse

    et le soutien mont accompagn favorablement dans cette rdaction ;aux membres du laboratoire DRM-DMSP de Paris-Dauphine pour ces

    changes rguliers et enrichissants ; tous les contributeurs directs ou indirects : Betty Goudey, Herv

    Goudey, Benot Monod, Robin Ferrire, Marie-Nolle Blancheteau etCharles Delalonde entre autres ;

    et une pense mue pour Jean-Claude qui ne lira malheureusementjamais ce livre.

    Enfin, merci ma femme Alexandra qui a donn naissance notre filsau tout dbut de ce projet : grce ton soutien et aux efforts dAntoine, celivre a pu voir le jour dans des dlais raisonnables.

    Remerciements de Gal Bonnin, lensemble des promotions de lexecutive-mba de lEdhec Business

    School, qui ont stimul ma rflexion sur les pratiques du marketing ; mes collgues de lEdhec, qui mont tmoign un amical soutien ; ma famille et mes amis pour leur soutien inconditionnel : merci

    (encore) Juliette (pour Indiana Jones, les sacs dos et les serpentins) ;et une pense la mmoire de Philippe, mais aussi de mon grand-pre

    et de mon oncle.

  • 2Avertissement

    Cet ouvrage a t conu en lien avec un site Internet.

    Chaque fois que vous trouverez lindication au cours devotre lecture, vous pourrez aller consulter sur le site

    www.marketingpouringenieurs.com

    les exemples et approfondissements correspondants.

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  • 3C H A P I T R E I N T R O D U C T I F

    Lingnieur, linnovationet le marketing

    Aujourdhui, de nombreuses entreprises industrielles et technologiques ontpris le virage du marketing. Les plus grandes ont toutes un dpartementmarketing et les plus petites demandent leurs ingnieurs de faire dumarketing pour gagner en efficacit sur leur march. Lmergence de cette conscience marketing dans les quipes dingnieurs est assez rcente.12

    1. Voir en ligne, Technologies, ingnieurs et entreprises : la longue volution de la cons-cience marketing , sur www.marketingpouringenieurs.com

    2. Vision construite sur la base dinterviews de managers de grandes entreprises technologiques.

    La vision ingnieur du marketing2

    Jusqu la fin des annes 1990, de nombreuses entreprises technologiques taientstructures autour dun dpartement R & D extrmement puissant : tous lesproduits taient conus par les ingnieurs avant dtre envoys la force de ventequi navait dautre responsabilit que de vendre. Le commercial tait le malncessaire pour vendre le produit . Le marketing quasiment absent ne rsidaitque dans la rdaction de documents commerciaux ou de quelques argumentaires

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    Les techniques marketing sont particulirement utiles lingnieur pourrussir grer des caractristiques rcurrentes sur les marchs technologi-ques et industriels, telles que lincertitude de march, lincertitude techno-logique, la mouvance concurrentielle, les cots de R & D et deproduction, les difficults de distribution, etc.

    de vente : le positionnement, le ciblage et la segmentation ntaient pastravaills.Le dbut des annes 2000 a t synomyme de dmocratisationtechnologique : les marchs (tlphonie, informatique, Internet, tlpho-nie fixe, rception TV, etc.) se sont ouverts au grand public. Les grandesentreprises ont alors d voluer dune logique exclusivement B2B (business-to-business) une approche des marchs grand public B2C (business-to-consumer) : le marketing devenait indispensable pour approcher le grandpublic de manire efficace.La plupart des entreprises se mirent adapter leurs produits la demandedu consommateur et au march. Les produits taient dsormais dicts parle march avec des inputs marketing fournis la R & D avant de tenircompte des contraintes techniques. Cela se traduisit par des tests de designauprs de panels dans les centres commerciaux, des retours terrain,lembauche de designers et dergonomes. La plupart des produits furentrepenss en fonction des segments de march, ont vu diffrents niveaux defonctionnalits intgrs en fonction du prix, du canal de distribution et desconcurrents.Ce fut la rvolution dans ces entreprises : la R & D jusque-l toute puis-sante avait le sentiment de perdre du pouvoir et les ingnieurs freinaient aumaximum le changement. Les contraintes techniques servaient souventdexcuse pour ralentir les retours marketing : vous ny connaissez rien, onva la catastrophe ! . Le changement des mentalits se fit parfois avec lesoutien de la direction de lentreprise et surtout grce aux chiffres de ventequi donnaient raison aux quipes marketing : laccueil des nouveauxproduits tait bon avec une hausse du volume des ventes, et galement dela marge globale ralise.

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    Lincertitude de march

    La premire cause dincertitude de march est labsence dinformation sur lavitesse de diffusion de linnovation auprs des utilisateurs finaux mais aussides acteurs sur le march. Par exemple, on pensait en 1995 quInternetserait trs rapidement adopt par tous. Le tableau I.1 ci-dessous montrequil nen est rien, car quatorze ans plus tard, seulement 50 % de la popu-lation franaise est internaute.

    Tableau I.1 Nombre dinternautes en France1

    Souvent le temps de diffusion dune nouvelle technologie est plus longque prvu. Cest le cas pour la technologie UMTS/3G en tlphoniemobile pour laquelle, fin 2008, on ne compte encore quenviron 10 %dutilisateurs dans la population franaise. Lingnieur marketing essaierade cerner le march pour amliorer ses prvisions de ventes.

    Lingnieur marketing cherchera galement comprendre et anticiperle comportement du consommateur. La nouveaut laisse rarement indiff-rent et les individus sont soit merveills, soit effrays par linnovation. Untrop grand doute sur une technologie ou un nouveau produit implique un

    (Individus de 11 ans et plus stant connects au cours du dernier mois, quel que soit le lieu de connexion)

    Date Nombre (en millions)

    Janvier 2008 31,571

    Janvier 2007 28,340

    Janvier 2006 26,710

    Janvier 2005 24,140

    Janvier 2004 21,720

    Janvier 2003 20,100

    Fvrier 2002 16,400

    1. Daprs le Journal du Net : www.journaldunet.com (source : Mdiamtrie).

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    achat retard. Lentreprise doit alors chercher mieux expliquer le produitet rassurer lacheteur.

    Au-del des doutes, le consommateur du nouveau millnaire est dcritcomme changeant, volatil, imprvisible, influenable, cest--dire difficile cerner ! Lingnieur marketing tentera de comprendre le fonctionnementde lindividu et du consommateur pour identifier prcisment ses besoinset chercher y rpondre avec une satisfaction optimale.

    La deuxime cause importante dincertitude de march (et cest un para-doxe) repose souvent dans labsence de standard. On parle encore ducombat qui opposa en leur temps les cassettes VHS dun ct, le Betamaxde Sony et le V2000 de Philips de lautre. On retient dsormais celui duHD-DVD (Toshiba) contre le Blu-Ray (Sony). Cette course pour transfor-mer sa technologie en standard a connu de multiples rebondissements. Parexemple, les studios Paramount ont au dpart choisi de ne fournir leurcatalogue quen Blu-Ray avant de changer de stratgie fin 2007 pourproposer leurs titres galement en HD-DVD. Universal Pictures et WarnerBros ont eux aussi retenu le HD-DVD alors que MGM, 20th Century Foxet Sony Pictures se sont tourns vers le Blu-Ray. Dans cette situation, leconsommateur doit se demander sil regarde les films de tel studio pluttque de tel autre avant de squiper, ou alors squiper des deux technologiespour rpondre au mme besoin : impensable ! Cette guerre des standards aeu des rpercussions galement dans le secteur informatique. Ainsi Acer,constructeur tawanais dordinateurs, a abandonn la fourniture exclusivede lecteurs HD-DVD sur ses portables, contrairement ce quil avaitinitialement annonc. Le support DVD est abonn ce genre de bataillepuisque le stockage de donnes avait vu lopposition entre les formatsDVD+R et les DVD-R ! Le march a adopt les deux technologies enproposant, mais avec du retard, des lecteurs/graveurs compatibles avec lesdeux.

    Lincertitude technologique

    Elle repose sur des craintes, fondes ou non, portant sur la capacit dunouveau produit tenir ses promesses et rpondre dans la dure auxattentes du consommateur.

    La premire crainte concerne le fonctionnement du produit. Le produitsera-t-il aussi efficace que prvu ? Le sera-t-il plus que les anciens produits ?

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    Cest une crainte rcurrente dans le milieu mdical. Tous les patientssoumis un traitement innovant lont connue. Malgr le grand nombre detests raliss avant lautorisation de mise sur le march, il est difficile pourles laboratoires de garantir un risque zro et une efficacit aussi probantequen laboratoire.

    La deuxime crainte repose sur la disponibilit effective des nouveauxproduits. Dans le domaine des innovations ou des produits technologiques,il nest pas rare dannoncer lavance larrive des prochaines gnrationsde produits pour tester la raction du march. Parfois, lentreprise setrompe lourdement sur le calendrier en raison dune dure de dveloppe-ment beaucoup plus longue que prvu.

    Tels furent le cas de lA380 dAirbus et du 787 Dreamliner de Boeing, dont lesrallongements de dlais furent particulirement mdiatiss. Le retard du 787de Boeing sexplique par des grves en septembre 2008 et par la dcouvertedun problme rcurrent de dfaut qualit sur prs de 3 % des fixations desappareils ou modules dj manufacturs. Quant lA380, il est victime deproblmes dindustrialisation persistants, les diffrents retards annoncs sontdj chiffrs plus de deux milliards deuros de manque gagner dici 2010.Ces retards ont eu pour consquence la mise en uvre du plan Power 8 pourrduire de 30 % les frais de fonctionnement de lentreprise et raliser dici 2010 lconomie de ces deux milliards deuros.

    La troisime crainte porte sur lentreprise ou lcosystme qui promeut latechnologie : en cas de difficults, lentreprise pourra-t-elle intervenir ? dansquels dlais ? Le problme est-il rparable ? en combien de temps ? Selonlampleur de linvestissement sur le produit achet ou son impact dans leprocessus de production, il est ncessaire pour lentreprise de validerlcosystme entourant le produit.

    Par exemple, pour faire construire un ouvrage public (un pont, une autorouteou une voie de chemin de fer), il est ncessaire de sadosser des entreprisesfiables et solides pour grer tous les alas dun chantier : intempries, dfautsde fabrication, retards dapprovisionnement, etc. Cest lensemble de lcosys-tme de lentreprise responsable de louvrage qui est gnralement mis contri-bution.

    Enfin, la quatrime crainte rside dans les consquences inattendues lies lutilisation du nouveau produit. Par exemple, certains mdicamentspeuvent avoir des effets secondaires. Les emballages plastiques conus pourconserver les aliments frais sont un danger sur le plan de llimination des

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    dchets. Les centrales lectriques qui assurent lclairage de nos foyerspolluent assez fortement. Pendant longtemps le progrs technologique futconsidr comme suprieur ces impacts environnementaux, ce qui nestplus tout fait le cas aujourdhui. Il existe aussi des usages inattendus desproduits : un email peut servir transmettre des documents pdf, maisgalement des virus informatiques. Le GPS utilis pour reprer sonchemin sert aujourdhui dtecter les radars fixes sur la route et en prve-nir le conducteur. Enfin, lutilisation des produits technologiques peutavoir des consquences imprvues : il existe de plus en plus dalertes sur latoxicit des produits cosmtiques utiliss trop rgulirement, de plus enplus davertissements sur notre environnement arien domestique quiserait pollu par les agents chimiques contenus dans les peintures et lescolles, de plus en plus de demandes dapplication du principe de prcau-tion lies lutilisation intense des ondes radio dans la communicationsans-fil, etc.

    Lincertitude concurrentielle

    Larrive de nouvelles technologies ou lapparition de nouveaux produitsconstituent autant doccasions de voir merger de nouveaux concurrents : concurrents dhier, dj connus mais avec une technologiediffrente, ou souvent, loccasion dinnovations, nouveaux concurrentsprovenant dindustries diffrentes ou qui nexistaient pas jusque-l. Inter-net a ainsi amen un grand nombre de secteurs constater larrive denouveaux concurrents. Parmi les plus clbres, il faut compter :

    Amazon.fr (dans la vente de biens culturels) ; eBay ou PriceMinister (sur le march de la petite annonce et de la

    vente doccasion) ; Pixmania (sur le dveloppement de la photo) ; Expedia (sur le march des voyagistes).

    Mais les technologies permettent aussi :

    Orange de concurrencer Canal+ sur les droits tlvisuels de la Ligue 1de football (avec lADSL et la fibre optique) ;

    Apple de devenir le troisime constructeur mondial de tlphonemobile en lespace de 18 mois (avec liPhone) et dtre la premireplate-forme de tlchargement de musique (avec iPod/iTunes) ;

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    EasyJet de devenir un acteur mondial du transport arien (modle lowcost adoss des techniques de yield management orchestres sur leweb).

    Contrainte par lmergence de pays forts tels que la Chine ou lInde,lindustrie chimique amricaine investit dans des produits de plus en pluscomplexes. Par exemple Cabot Corporation existe un niveau mondial encapitalisant sur son cur de mtier (le graphite) pour se convertir auxfibres de carbone (qui trouvent des applications en high-tech, dans ladfense, larospatiale et la microlectronique). Engelhard sappuie sur sonexpertise dans les catalyseurs et les matriels denduits pour voluer dans lascience des matriaux et en amliorer les performances pour une utilisationquotidienne. Le dveloppement technologique est souvent la rponse une concurrence exacerbe et en mme temps dveloppe lui-mme laconcurrence : cest le paradoxe technologique.

    Lmergence du MP3 dans la musique ou celle du DIVX dans le cinmaa favoris lapparition de nombreux nouveaux acteurs sur ces marchs.Leur arrive a boulevers fortement le paysage concurrentiel, modifi leshabitudes du consommateur, chang les cycles de consommation, modifiles rseaux de distribution, remis en cause le leadership, etc.

    Larrive du MP3 et la vente de musique en ligne

    De nombreuses autres difficults

    Les trois incertitudes prcdentes constituent les phnomnes majeurscaractrisant les marchs forte composante technologique. Il peut existerdes difficults supplmentaires lies la prsence dune entreprise sur untel march :

    La gestion de la proprit intellectuelle et des transferts de technologies. Ledveloppement dune nouvelle technologie soulve toujours desproblmes dordre stratgique : la technologie doit-elle trepropritaire ? faut-il en faire un standard ? comment la diffuserrapidement ? quels sont les partenaires pertinents ? quels sont lesrisques ? quelle est lvolution de notre mtier : devons nous fournir leproduit ou bien dvelopper les technologies qui permettent (auxautres) de fournir le produit ?

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    Le cot de la R & D et de la production de la premire unit. Cest unecomposante forte des secteurs techniques, le cot de production dupremier produit est toujours prohibitif car il est le fruit de plusieursmois de recherche et de dveloppement, a mobilis beaucoup depersonnels, a ncessit le dploiement de nouvelles chanes de produc-tion, etc. Il est beaucoup plus onreux de crer et de dvelopper unlogiciel que de le dupliquer. Ds lors, comment grer ce phnomnedans la politique dinvestissement ? au niveau de la mise sur lemarch ? dans la stratgie prix ?

    Lanticipation de lvolution du march et des relations fournisseurs, cons-tructeurs, distributeurs, consommateurs. Dans les milieux fortecomposante technique, il est de plus en plus dlicat danticiper lvolu-tion du march puisque toute innovation est la porte ouverte denouvelles avances dans le secteur. Ce nest alors plus une entreprisequi doit innover, mais tout un secteur qui doit suivre la tendance et lechangement. Cest le cas par exemple dans la micro-informatique oune entreprise comme Microsoft gre travers son systme dexploita-tion (et les avances quil propose chaque nouvelle version) lavancede tout le secteur de linformatique bureautique. Ce phnomne seretrouve dans lautomobile o quelques grands constructeursmondiaux travaillent avec des dizaines de milliers de sous-traitants :chaque nouveau modle de voiture (et les innovations quil apporte)ncessite une adaptation de lensemble de lcosystme dentreprisesdu constructeur.

    Le plan marketing : rduire les risques lis au march

    Le plan marketing est un outil qui permet de structurer la rflexion pouroptimiser la prsence de lentreprise sur le march. Il se divise en huit gran-des parties : dune part le contexte, le march, la cible et les concurrents,qui traitent essentiellement du march, et dautre part loffre, la communi-cation, la distribution et le prix qui relvent davantage de lentreprise elle-mme. Toutes ces composantes sont tudier lors de la mise en uvredun plan marketing1 :

    1. Pour approfondir : Van Laethem N., Body L., Le Plan marketing, Dunod, 2004 ; 2e d.,2008.

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    Figure I.1 lments essentiels du plan marketing (stratgie)1

    1. Adapt de Marketing Strategy Template de Stark Reality, accessible en ligne :http://starkreality.onlybusiness.com

    Quelle est notre activit ?Quels services/produits proposons- nous ?Quels

    Quels sont les problmes rsoudre ?

    sont nos objectifs court terme (nb de clients, volume des ventes, etc.) ?

    Quels sont les concurrents qui nous menacent ? Quelle est la plus grande menace ? Quelles sont leurs forces / faiblesses ? Quels sont les concurrents majeurs en parts de march sur chacun des segments viss ?

    Quelles

    sont

    les

    barrires

    lentre que nous pouvons crer pour nous protger ?

    Quelle est lopportunit ? Quelle est la taille du march ?

    Quels sont les regroupements logiques de consommateurs que nous pouvons dessiner ?

    Quelles sont les tendances industriel-les qui vont nous servir ou nous desservir sur ce march ?

    Quel est le contexte conomique des deux prochaines annes ? Quelles en seront les rpercussions sur notre activit ? Notre activit est-elle sujette des cycles de variation ?

    Quels sont les segments de march que nous visons ? et ceux que nous laissons de ct ? Quelles sont les caractristiques dmographiques et psychographiquesdes segments viss ? Quel lment principal poussera le client acheter notre produit ?

    Pourquoi choisira-t-il notre produit plutt quun produit concurrent ? Quels sont les points cls qui focalisent sur nous lintrt des segments viss ?

    Comment allons-nous crer de la diffrence pour gagner des parts de march ?

    1. Le contexte 2. Le march

    3. La concurrence

    4. La cible

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    Figure I.2 lments essentiels du plan marketing (marketing-mise)1

    1. Idem note prcdente.

    Par segment, quels sont les besoins satisfaits par notre offre ?Quelles sont les fonctionnalits offertes et pour rpondre quel besoin ? Comment proposer ces fonctionnali-ts ?

    Quelles fonctionnalits nous diffren-cient de la concurrence ? Quelles amliorations pouvons nous envisager pour mieux satisfaire le besoin du consommateur ?

    Quels sont les nouveaux produits / services que le consommateur attend de notre part ?

    O et comment les clients trouvent-ils notre offre ? (vente directe ? indirecte ?) Quels sont nos partenaires de distribu-tion ?Faisons-nous lobjet dun achat rflchiou dun achat dimpulsion ? Quelles sont les tapes importantes du processus dachat de nos diffrents segments ? Comment le choix est-il opr ? Quels sont les critres de choix ? Quels sont les critres retenus par nos clients pour choisir nos distribu-teurs ?

    Comment les consommateurs sinforment- ils sur nous ?

    Quel est le message commun tous les segments que nous souhaitons commu-niquer ? Quels sont les lments qui peuvent appuyer notre message principal ?Quels sont les messages (diffrents) que nous souhaitons communiquer chacun de nos segments ? Quelles preuves pouvons nous apporter ? Quels sont les clients-rfrences que nous pouvons citer ? Quont-ils achet ? Pourquoi sont-ils contents ?Quelle image de marque voulons-nous dfendre ? Valeur ? Ton ?

    Quelle impression voulons-nous laisser aprs un contact ralis avec un partenaire ou un client ?

    Quelle est limportance du prix dans le processus dachat ?

    Quelle est notre stratgie prix ? Faisons- nous des promotions ? des ventes croises ? Comment ces oprations sont- elles perues par le consommateur ?

    Quelles sont les volutions de prix envisages par nos concurrents ?

    1. Loffre 2. La communication

    4. Le prix

    3. La distribution

    Quel est notre concurrent le plus agressifsur le prix ? Comment fait-il pour propo- ser ce prix ?Comment pouvons nous rduire nos cots sans dtriorer la qualit ?Quelle est la valeur perue de notre offre ? Quels sont les services inclus dans le prix ? Quels en sont les bnfices perus ?

    Quelle est la tendance prix du march ?

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    Sans pour autant faire disparatre toutes les incertitudes et difficultsvoques dans ce chapitre liminaire, les techniques marketing fournissentdes moyens relativement srs pour rduire la part de risque. Dans uncontexte de plus en plus technologique et mondialis, il devient de plus enplus difficile pour une entreprise dignorer les concepts et les outils marke-ting tels que la stratgie dentreprise, le positionnement, le ciblage, lasegmentation, le cycle de vie du produit, le comportement du consomma-teur, linnovation produit, le mix-communication, la stratgie prix, etc.

    Ce livre vise fournir au lecteur ingnieur les concepts marketingfondamentaux pour comprendre la dynamique du march sur lequel il sesitue. Il vient proposer et illustrer les concepts spcifiques aux marchs forte composante dingnierie. Dans cette optique, les exemples, mthodeset outils proposs ont t slectionns pour clairer le quotidien de ling-nieur qui aujourdhui ne peut plus se soustraire aux contraintes du marchet du marketing.

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    La stratgie marketing : construire un avantage concurrentiel durable

    Dans un environnement conomique hypercomptitif et mondialis, lamise en uvre dune stratgie marketing est un impratif pour assurer lacroissance et la rentabilit long terme de lentreprise.

    Ainsi, pour les entreprises oprant sur des marchs bien tablis, le diffren-tiel de qualit technique dune prestation (produit ou service) suffit de moinsen moins obtenir un avantage sur la concurrence. En particulier les entre-prises des pays mergents sont dsormais capables doffrir un niveau dequalit acceptable et des prix trs bas. Les dveloppements de Mahindra(Inde) sur le march des tracteurs et de Haier (Chine) sur le march desproduits lectromnagers aux USA, en sont des exemples loquents.

    Par ailleurs, pour les entreprises innovantes oprant sur des marchs encours de formation, le risque dchec commercial est consquent : si lagrande majorit des projets de R & D peuvent tre considrs comme desrussites techniques, environ 75 % sont des checs commerciaux1. En

    1. Rao P. M., Sustaining competitive advantage in a high-technology environment: a strate-gic marketing perspective , Advances in competitiveness research, 13, 1, 33-47, 2005.

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    outre, la dure de lavantage que confre linnovation technologique tend se raccourcir : douze dix-huit mois aprs lintroduction dun nouveauproduit, les concurrents ont dcouvert les caractristiques de linnovationet dans les quatre ans qui suivent le lancement 60 % des innovations sousbrevets sont imites1.

    Sur les marchs forte composante dingnierie, le dcideur est doncconfront aux problmatiques suivantes : Quels sont les composants dunestratgie marketing ? Comment identifier et choisir les territoires quipermettront la croissance de lentreprise ? Comment dfinir la propositionde valeur pour les territoires cibls ? Comment mettre en place et protgerlavantage concurrentiel ?

    Quest-ce que la stratgie marketing ?

    La place du marketing dans lentreprise

    Lassociation amricaine du marketing (AMA) a dfini en 2007 le marke-ting comme lactivit, mene par les organisations et les individus, autravers dinstitutions et de processus, permettant de crer, communiquer,distribuer et changer des prestations qui ont de la valeur pour les consom-mateurs, les clients, lorganisation et la socit dans son ensemble 2.

    La valeur fournie au client est au cur de la rflexion marketing. Touteprestation, service ou produit, doit tre considre sous langle de la valeurquelle procure aux clients3. Cest la capacit fournir au client une valeursuprieure aux concurrents qui constitue lavantage concurrentiel de lafirme et qui doit guider lensemble des dcisions stratgiques.

    1. Rao P. M., ibid.2. www.marketingpower.com, accd le 27 juillet 2009. Voir aussi Sheth J.N., Uslay C.,

    Implications of the revised definition of marketing : from exchange to value creation ,Journal of public policy and marketing, 26, 2, 302-307, 2007.

    3. Webster F. E., Defining the new marketing concept , Marketing management, 2, 4,1994 ; Executing the new marketing concept , ibid. 3, 1, 22-31.

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    Les cinq piliers du leadership sur un march1

    La conqute et le maintien dun leadership sur un march rsultent de laligne-ment de cinq forces :

    1. La vision stratgique : il sagit dune impulsion managriale donne par lesdirigeants concernant lavenir de lentreprise. Elle prend gnralement laforme dobjectifs ambitieux qui visent mobiliser lnergie de lentrepriseautour dun but atteindre. Elle fournit un cadre gnral qui donne du sens lensemble des actions individuelles, permet de maintenir un cap quand lescirconstances changent et guide la cohrence en terme dallocations deressources.

    2. Lavantage concurrentiel : il sagit de la supriorit des prestations duneentreprise par rapport ses concurrents vis--vis de ses clients. Elle se fondesur la capacit proposer une valeur suprieure celles des concurrents. Ladfinition de cet avantage concurrentiel est lobjet central de la stratgiemarketing et une stratgie marketing bien conue permet dobtenir un avan-tage concurrentiel durable : outre le fait de fournir une valeur suprieure celles des concurrents, il est difficile pour les concurrents de comprendrelorigine de lavantage, par ailleurs difficile dupliquer mme quand sonorigine est comprise par les concurrents, et, enfin, des menaces de rtorsionexistent en cas dimitation2.

    3. Les ressources et comptences : elles sont du domaine technique, commercial,managrial, financier et administratif. Elles constituent un avantage compa-ratif, cest--dire quelles confrent une supriorit dans llaborationconcrte de la proposition de valeur aux clients (par exemple, qualit deproduction, matrise des cots, connaissance des clients, accs exclusif desressources). Elles doivent tre alignes avec lavantage concurrentiel choisipar lentreprise. Les ressources et comptences nont dintrt que ds lorsquelles rpondent des attentes des clients.

    4. Les structures et processus (communication, organisation, systmes decontrle et de planification, systmes dvaluation et de rcompense, valeurset normes) aident maintenir lalignement et la cohrence des quatre autresforces.

    1. Burgelman R. A., Siegel R. E., Cutting the strategy diamond in high-technologyventures , California management review, 50, 3, 40-67, 2008 ; Trincquecoste J.-F., Pourune clarification thorique du lien marketing-stratgie , Recherche et applications enmarketing, 14, 1, 59-80 6, 1999 ; Hamel G. et Prahalad C. K., Strategic intent ,Harvard business review, 69, 1, 63-78, 1989.

    2. Rao P. M., 2005, op. cit.

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    5. Lexcution concerne les comportements quotidiens de lensemble desmembres de lorganisation (production, finance, ventes). Ils sont souventoublis dans la rflexion stratgique, mais ils traduisent concrtementlensemble des dcisions prises dans chacun des quatre autres domaines.

    Le marketing, central dans la construction de lavantage concurrentiel,se dcline en trois dimensions1 :

    La dimension tactique est la plus visible et la plus popularise (tudesde march, vente, communication, nouveaux produits). Pour tre effi-caces, ces lments tactiques doivent dcouler des choix stratgiques.Elle est dvolue gnralement au dpartement marketing/vente.

    La dimension stratgique est moins visible et tombe en partie sous laresponsabilit de la direction gnrale de lentreprise. La stratgie marke-ting a trait aux choix des marchs (segmentation et ciblage) et la dfini-tion de la proposition de valeur faire aux clients, en se basant sur une

    1. Webster F. E., Marketing management in changing times , Marketing management,janvier-fvrier 2002, 18-23.

    Avantage concurrentiel

    Ressources et comptences

    Fournisseurs Concurrents

    Clients Concurrents

    Processus et structuresVision stratgique Excution

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    connaissance approfondie des conditions de marchs (clients, concurrents,distributeurs). En dautres termes, il sagit de rpondre aux questions :o se battre (sur quels territoires) et comment se battre (avec quelleproposition de valeur) ? Les choix de stratgie marketing tiennent comptedes ressources et comptences de lentreprise et, dans le mme temps,orientent les volutions et allocations de ces ressources et comptences.

    La dimension culturelle est un aspect souvent nglig. Il sagit du faitque, pour construire une position durable, lensemble de lorganisa-tion doit tre inform et se soucier des volutions du march, pourpermettre une flexibilit de lentreprise.

    Les tapes clefs de la conception dune stratgie marketing

    La conception de la stratgie dbute par un diagnostic de la situation delentreprise et des marchs quelle peut potentiellement cibler. Cette phasedanalyse permet didentifier lattractivit du march pour lentreprise et lacomptitivit de lentreprise sur ces marchs. Cette analyse attracti-vit/comptitivit permettra didentifier les marchs cibles, cest--dire lesmarchs sur lesquels lentreprise souhaite oprer et qui lui permettrontdatteindre ses objectifs globaux, dallouer des ressources et de fixer desobjectifs pour chacune des cibles, et de dvelopper des stratgies permet-tant la conqute de ces cibles.

    Au final, la proposition de valeur chacune des cibles est dfinie, ce quipermet de programmer le marketing mix (prix, produit, distribution,communication) et dorganiser les ressources pour atteindre ces objectifs.Ces lments sont rsums dans le plan marketing (cf. fin du chapitreprcdent).

    Llaboration dune stratgie marketing est une tape cruciale, quirequiert du temps et de lnergie. Parfois, les entreprises tendent effectuerdes analyses rapides, peu approfondies, bases sur lexprience et lintui-tion, qui conduisent des volutions purement ractives et tactiques. Or,les dcisions purement tactiques (changement de prix, de nom de marque,lancement dune campagne de communication pour faire face aux baissesde ventes) ont trs peu de chance dtre efficaces, si elles ne sinscrivent pasdans un cadre stratgique labor auparavant, et qui repose sur uneconnaissance prcise du fonctionnement et des volutions du march.

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    Comment rater sa stratgie ? Les quatre erreurs fatales dans

    le processus de construction dune stratgie marketing

    Comment crer une organisation oriente march ?

    Dans des entreprises fort contenu technique ou technologique, ce sontles comptences techniques, technologiques et la qualit dingnierie desproduits qui sont souvent valorises au dtriment de la comptence marke-ting et de la connaissance des marchs. Concrtement, dans ce type deculture, la supriorit technologique du produit est considre comme laclef du succs sur les marchs et tend minimiser le point de vue desclients. Pourtant, la comptence marketing est cruciale pour rduire leniveau dincertitude et augmenter les chances de succs et la rentabilisation

    Marketing-mixOrganisation

    Mesure de performance

    Vision et objectifs stratgiques

    Dfinition et analyse (attractivit/ comptitivit ) des domainesdactivit stratgiques (DAS)

    Dfinition et analyse (attractivit/ comptitivit) des segments pour chacun des DAS

    Ciblage des marchs Stratgies pour les DAS (croissance, portefeuille)Objectifs et allocation des ressources

    Ciblage des segments

    Objectifs et allocation de ressources

    Stratgies pour les segments (pro- position de valeur)

    Figure 1.2 tapes clefs de la conception dune stratgie marketing

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    des investissements R & D. Pour certains analystes, la crise des start-up desannes 2000 peut sexpliquer en grande partie par une absence de prise enconsidration du fonctionnement des clients et par une absenced orientation march 1 : le potentiel de succs des start-up tait valu laune du progrs technologique, et non laune de la valeur que cesprogrs pouvaient apporter aux clients.

    Dfinition et consquences de lorientation march

    L orientation march est la capacit de lensemble des collaborateurs delentreprise comprendre le fonctionnement des marchs, anticiper leursvolutions et btir une stratgie tenant compte de ces volutions. Il sagitdonc dune culture de lorganisation qui mobilise les comportements delensemble des employs vers la cration dune valeur suprieure pour lesclients et qui permet damliorer la performance de lentreprise2.

    Une entreprise oriente march :

    sadapte et reconfigure rapidement ses ressources en rponse aux chan-gements des marchs ;

    rduit lincertitude de march par la communication entre lespreneurs de dcision dans lorganisation ;

    amliore le niveau de qualit des prestations, la satisfaction des clientset leur fidlit ;

    augmente les revenus gnrs et les profits dgags3.

    Le cot dinvestissement (financier, humain) ncessaire la mise enplace et lentretien dune orientation march est largement compenspar les consquences positives, en particulier en termes de profit. Limpactest particulirement important dans le cas des marchs B2B et dans lesentreprises ayant une culture technique lorigine4.

    1. Lambin J.-J., Chumpitaz R., Lorientation march est-elle une stratgie rentable pourlentreprise , Recherche et applications en marketing, 21, 2, 1-29, 2006.

    2. Narver J. C., Slater S. F., The effect of a market orientation on business profitability ,Journal of marketing, 54, 4, 20-35, 1990.

    3. Kirca A. H., Jayachandran S. et Bearden W. O., Market orientation : a meta-analyticreview and assessment of its antecedents and impact on performance , Journal of marke-ting, 69, avril 2005, 24-41.

    4. Beverland M. B. et Lindgreen A., Implementing market orientation in industrial firms ,Industrial marketing management, 36, 430-442, 2007.

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    Motorola : les consquences de la prsence/labsence dune orientation march 11

    En 1994, Motorola dtient 60 % du march des tlphones mobiles aux tats-Unis. En 1998, cette part nest plus que de 34 % du fait dune absence dcoutedu march. Alors que, depuis plusieurs annes, un des principaux clients delentreprise (AT & T) lui annonce sa volont de passer au tlphone digital etque de nouveaux concurrents apparaissent avec ce type de produit (Nokia),Motorola continue de se focaliser sur la fabrication de tlphones analogiques.Lamlioration de la qualit de ces derniers (par exemple, le Star TAC, lesth-tique trs soigne, petit et lger) na t daucune utilit, les clients se tournantvers les tlphones digitaux. Signe prcurseur de la chute de part de march, la sortie du Star TAC en 1996, AT & T se tourne vers Nokia et Ericsson pourles tlphones mobiles.

    L orientation march comme base du succs dune entreprise, estsouvent cache par une avance technique (Nucor, Intel) ou stratgique(Dell). Toutefois, ces avances nont constitu un succs que parce quellestaient valorises par un ensemble de clients, et cest la comprhension finedu march qui a permis deffectuer des choix pertinents.

    Nucor : les processus techniques occultent l orientation march

    Nucor, entreprise amricaine, a connu une des croissances les plus specta-culaires du secteur de la sidrurgie ces vingt dernires annes, tout en ne bn-ficiant pas de lavantage cot de gants comme Arcelor-Mittal. Les analysesmettent souvent en avant sa matrise du processus de fabrication en mini-acirie,sa culture galitaire ou sa productivit exceptionnelle.

    Toutefois, Nucor est galement bien plus oriente march que ses concurrents,avec une culture du partage dinformation et de lutilisation de la connaissancecollective. Les managers ont un fort pouvoir de dcision qui leur permet derester proches de leurs clients, les relations avec ces derniers sont ouvertes etdirectes, la connaissance des clients et des concurrents est trs fine. Cette orientation march a permis deffectuer les choix stratgiques pertinents etde sadapter aux volutions des marchs.

    loppos, dans le domaine de la machine-outil, un fabricant duRoyaume-Uni2, a vu, en 2006, ses ventes seffondrer de 50 % et sa produc-tion chuter moins de la moiti de la capacit des usines. Pourtant, lentre-prise tait rpute pour tre un excellent fournisseur, proposant des

    1. Day G., The Market-driven organization, New-York, Free Press, 1999.2. Singh S., Sat & Co, Market orientation, Ivey Business School 2008, cas 9B08A006.

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    produits de qualit un bon prix, avec une excellente valeur de revente. Lamconnaissance du march tait la cause du problme : loffre, malgr saqualit, tait dcale des besoins et des usages des clients potentiels. 82 %des clients voulaient des arbres deux axes dans les machines, et non troisaxes, comme propos par lentreprise, et la taille des machines tait de15 % suprieure celle souhaite. Ce manque d orientation march futrectifi par le dirigeant qui dcida de raliser des tudes du march (3 500questionnaires par mail auprs des clients, 300 entretiens tlphoniquesauprs de prospects, 200 managers confirms dentreprises en face face).Les rsultats des tudes furent communiqus tous les dpartements delentreprise. Une mesure symbolique fut galement prise : le dpartementmarketing sest install au milieu de lusine. Suite ces actions, lentrepriseput nouveau remplir les capacits de production de lusine, en dvelop-pant une gamme adapte aux clients : bas prix et suppression des spcifici-ts techniques non valorises par les utilisateurs des produits.

    Enfin, une tude rcente1 sur les clefs de succs des PME-PMI innovan-tes, mene auprs des mittelstand allemandes, a montr que parmi les cinqfacteurs dterminants se trouve la proximit (voire lintimit information-nelle) avec le client.

    La mise en place de lorientation march

    L orientation march qui comporte deux dimensions, une dimensionculturelle et une dimension comportementale, nest pas naturellementprsente dans les entreprises, et encore moins dans celles avec une forteculture technique.

    La dimension culturelle correspond aux normes et au systme de valeursde lentreprise, qui vont favoriser les comportements orients march .Dans une entreprise oriente march , la communication interne delentreprise, les discours formels et informels des dirigeants et des leadersdopinion dans lentreprise mettent laccent sur le rle de la connaissancedu march (clients, concurrents, partenaires, environnement) dans laperformance de lentreprise. Au plan des normes, les systmes de forma-

    1. Warren A. et Susman G., Review of innovation practices in small manufacturing companies,Report for the National Institute of standards and technology, United States Departmentof commerce, 2008.

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    tion et de rmunration doivent promouvoir et rcompenser les compor-tements orients march .

    Valeurs et normes organisationnelles communes aux entreprises orientes march 1

    Dans une recherche de 2006, trois chercheurs amricains ont analys les syst-mes de valeur et les normes prvalentes dans des entreprises orientesmarch de diffrents secteurs (B2B et B2C) et de diffrentes tailles (de laPME la multinationale). Ils ont mis en vidence les points prsents dans letableau 1.1 suivant.

    Tableau 1.1

    1. Gebhart G.F., Carpenter G.S. et Sherry J.F. Jr, Creating a market orientation : a longitu-dinal, multifirm, grounded analysis of cultural transformation , Journal of marketing, 70,octobre 2006, 37-55.

    ValeursNormes

    comportementales

    Le march comme raison dtre de lentreprise Nous sommes ensemble dans lorganisation pour servir le march et gagner de largent

    Chacune des dcisions et actions des collaborateurs doit intgrer son impact sur le march

    Collaboration En travaillant ensemble, nous faisons plus, plus vite et mieux, quindividuellement

    Le travail est ralis en quipes collaboratives, responsables solidaires des rsultats

    Respect, empathie et prise en compte des diff-rents points de vue Les individus sont fondamentalement qualifis et ont des raisons pour leurs actions

    Intgrer les points de vue, besoins, formations, exp-riences des autres quand on ragit ou interprte leurs actions

    Tenir ses promesses Pour russir, chacun doit faire sa part du travail

    Chaque employ estresponsable de la ralisa-tion de ses engagements vis--vis des autres

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    La dimension comportementale de l orientation march correspond lensemble des actions qui permettent1 :

    de gnrer et de diffuser de linformation pour construire une compr-hension commune du march. Cette connaissance empirique du marchde lensemble de lorganisation concerne les clients, les concurrents, lesautres acteurs sur le march (distributeurs et fournisseurs). Elle est ralisepar la diffusion de donnes sur les clients, par les visites de clients, enparticulier par les membres du dpartement R & D, quils soient ou nonaccompagns de collaborateurs du dpartement marketing ;

    dlaborer des stratgies partir de la connaissance du march et decoordonner les ressources pour offrir une valeur suprieure aux clients.

    Les connexions interdpartementales par la cration dquipes cross fonc-tionnelles et de stratgies collaboratives internes permettent de faire vivreau quotidien cette orientation march . En particulier, les quipes R &D et de production prennent conscience du contexte du march alors quedans le mme temps le marketing intgre les contraintes des processus deR & D et de production.

    Des questionnaires ont t labors pour permettre de mesurerl orientation march dune entreprise. Une premire approche consiste mesurer la perception par lentreprise de son degr dorientation march.

    Ouverture Partager honntement linformation, les hypothses, et les motivations, permettre aux autres de compren-dre et donc de travailler efficacement avec nous

    Partager honntement et proactivement linforma-tion, les hypothses et les motivations avec les autres

    Confiance Chacun est engag dans latteinte du mme objec-tif. Ds lors, nous pouvons avoir des attentes positi-ves sur leurs intentions et leurs comportements

    Avoir confiance dans le fait que les collaborateurs disent la vrit et respecte-ront leurs engagements

    1. Narver J. C. et Slater S. F., 1990, op. cit.

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    Votre entreprise a-t-elle une orientation march ?Quelques questions pour mesurer l orientation march

    dans lorganisation1

    Lambin et Chumpitaz lors dune recherche mene en 2006 en Europe ontutilis un questionnaire pour recueillir la perception par les entreprises de leurdegr d orientation march . Nous proposons ici une adaptation de leurquestionnaire. La mesure peut seffectuer sur une chelle 5 points (1 = pas dutout daccord, 5 = tout fait daccord).

    Dimension clients Nous analysons systmatiquement les besoins prsents et futurs de nos clients

    finaux. Nous analysons rgulirement les facteurs influenant les processus dachats

    de nos clients finaux. Nous mesurons priodiquement le niveau de satisfaction/insatisfaction de

    nos clients finaux. Nous mesurons priodiquement limage de marque de nos produits ou de

    notre entreprise auprs de nos clients finaux.

    Dimension distributeurs Nous analysons systmatiquement les besoins actuels et futurs de nos distri-

    buteurs. Nous mesurons rgulirement le niveau de satisfaction/insatisfaction de nos

    distributeurs et limage quils ont de notre socit. Nous analysons rgulirement la compatibilit de notre stratgie avec les

    objectifs de nos distributeurs. Nos dirigeants sont impliqus personnellement dans les contacts avec les

    distributeurs.

    Dimension concurrents Nous analysons systmatiquement les forces et faiblesses de nos concurrents

    directs. Nous analysons systmatiquement les menaces de produits substituts. Nous analysons les meilleures pratiques de nos concurrents pour amliorer la

    qualit de notre offre. Nous rpondons rapidement aux actions de nos concurrents vis--vis de nos

    clients finaux.

    1. Adapt de Lambin J.-J. et Chumpitaz R. C., 2006, op. cit.

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    Dimension coordination interfonctionnelle

    Nous encourageons les contacts directs avec les clients dans toutes les fonctions.

    Linformation relative au march (clients, concurrents, distributeurs) estdiffuse systmatiquement dans tous les dpartements de lentreprise.

    Les stratgies de march sont dveloppes en coordination avec plusieursdpartements.

    Nous organisons rgulirement des runions interdpartementales pouranalyser les informations du march.

    Une check-list d orientation march

    Si le degr d orientation march de lentreprise est faible, un proces-sus de changement doit tre mis en uvre. Plusieurs tapes sont ncessairespour dconstruire les normes, valeurs et comportements prexistants et enreconstruire des nouveaux.

    Comme tout processus de changement, celui-ci, du fait de la mise aujour et de la remise en cause des hypothses implicites existantes sur labonne manire de faire les choses, implique souvent des dbats forts et desrsistances. Des objections apparaissent fondes sur la perception de mena-ces sur la stabilit, la peur du changement, la croyance dans la non-perti-nence du passage une orientation march, la peur dune myopiemarketing et dune dictature du client.

    Limplication et lexemplarit des dirigeants ou des leaders dopinion ausein de lorganisation sont alors cruciales. Ils doivent tenir un discours lafois rationnel (faire comprendre les raisons du changement) et affectif(faire adhrer via les motions). La mise en place de normes, de guides devaleurs de lentreprise, est peu efficace si elle nest pas soutenue par desartefacts, ou outils, appropris : rcits autour dun hros de lorienta-tion march, symboles, rituels, langages. Par exemple, dans les annes1990, le DG de Cisco, John Chambers, voque larrogance des entreprises orientes produits , qui ne rpondent pas leurs clients. Son comporte-ment lors de son entre en fonction illustre cette notion dartefact : lors deson premier comit excutif en tant que DG, il insista pour rgler leproblme dun client, et arriva avec un retard dune heure et demie pour larunion. Le signal tait clair : les clients sont la priorit de lentreprise.1

    1. Day G., 1999, op. cit.

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    Outre limplication des dirigeants, les incitations, la formation, la disponibi-lit des donnes de march sont indispensables. Si la phase damorage peuttre difficile, partir dun certain stade, les employs eux-mmes deviennentles vecteurs de changement de culture en renforant les valeurs par la pratique1.

    Le processus de changement vers une orientation march2

    1. Beverland M. B. et Lindgreen A., Implementing market orientation in industrial firms ,Industrial marketing management, 36, 430-442, 2007.

    2. Gebhart G. F., Carpenter G. S. et Sherry J. F., 2006, op. cit.

    Phase dinitiation

    Phase de reconstruction

    Phase dinstitutionnalisation

    Phase dentretien

    Identification des motifs de changement (par exemple, menace de non atteinte des objectifs financiers).Prparation du projet de changement (par exemple, listes des normes, valeurs, comportements ou proces-sus mettre en uvre, comme la collaboration, un systme dinformation sur le march).

    Prsentation du projet de changement toute lorganisation.Reconnexion concrte avec le march (par exemple, envoi dquipes sur le terrain).Recrutement de collaborateurs en phase avec le projet de changement, mise lcart des rsistants farouches.Redfinition collaborative de la vision de lentreprise.

    Incorporation formelle de l orientation march .Alignement des systmes de rcompenses.Formation pour renforcer les valeurs.Augmentation de lautonomie dans la prise de dcision pour tous les membres de lorganisation (partage du pouvoir entre les services ; les valeurs, les normes et linformation sur les marchs vont guider les dcisions).

    Analyse rgulire du niveau d orientation march .Maintien des rituels.Continuit de la connexion au march.Des gardiens de la flamme doivent continuer promouvoir les valeurs, normes et comportements lis l orientation march et viter leffet de mode.

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    Association lainire de Nouvelle-Zlande Mrino NZ : mise en place dune orientation march 11

    Cet exemple illustre concrtement le processus de mise en place dune orientation march pour un producteur situ en amont dune industrie.Jusquau milieu des annes 1990, les producteurs dun type de laine spcifi-que, la laine Mrino, vendaient leur production au travers du secrtariatinternational de la laine, compos de producteurs australien, no-zlandais etsud-africains. Le bureau no-zlandais rgulait lindustrie et tait la seuleorganisation du pays vendre la laine. Il avait dvelopp le programmeWoolMark pour stabiliser les prix et dvelopper les parts de march. LeMrino reprsentait seulement 5 % du total des ventes et tait le plussouvent mlang avec des laines dautres origines, qui, cause des conditionsclimatiques, taient moins solides et moins fines.En 1995, les producteurs de Mrino se sont regroups sous le label Mrino dufait de plusieurs sources de mcontentements :

    leur faible place dans la communaut des producteurs de laine ne leurpermettait pas de valoriser les qualits de leurs produits et donc de bn-ficier de marges suprieures ;

    le programme WoolMark, malgr sa forte notorit, tait jug peuefficace : les importantes dpenses marketing ne russissaient ni stabili-ser la part de march ni contenir la chute des prix.

    Lobjectif de lorganisation cre tait dtablir une stratgie spcifique pour leMrino. La premire action a t de mettre en uvre une orientationmarch auprs de lensemble des fermiers adhrents.Le processus de changement vers une orientation march a dur cinqannes au total : une anne pour la phase dinitiation, trois annes pour lareconstruction, une anne pour linstitutionnalisation.La phase dinitiation a consist remettre en cause les pratiques en vigueur etconvaincre de la ncessit dun changement :

    en fournissant de linformation sur le march avec des donnes justifiantla relation entre pratiques passes et dclin, mais illustrant aussi le poten-tiel pour le futur ;

    en communiquant de manire active, avec un mlange de faits, daspira-tion vers un nouveau futur, et de sentiment durgence ;

    en remettant en cause les processus de coordination utiliss lpoque ; en impliquant des dirigeants et des leaders externes, qui ont fait appel

    la fois la pense et aux motions. Ainsi, le ministre de lAgriculture

    1. Beverland M. B. et Lindgreen A., 2007, op. cit.

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    no-zlandais en 1998, a dclar en public, lors dune confrence, quilportait un costume fait 100 % de laine Mrino, que ce costume taitvendu 2 000 $ no-zlandais, mais que les fermiers ne touchaient que80 $. Ce message fort contenu motionnel permettait la fois de faireun tat des problmes et de donner une image dun futur possible.

    Pendant la phase de reconstruction qui a suivi :

    les dirigeants se sont chargs de la ngociation et de la promotion dunevision partage de l orientation march , et de gagner le soutien desacteurs clefs ;

    les processus de coordination interfonctionnelle ont t reconfigurspour soutenir la stratgie, de nouveaux processus et systmes ont t misen place ;

    linformation sur le march a t recueillie et diffuse abondamment(tudes gnrales des besoins des clients et de leur perception desproduits, tudes plus spcifiques avec les clients clefs) ;

    la communication a t plus ducative et informative.

    Enfin, pendant la phase dinstitutionnalisation :

    les dirigeants se sont concentrs sur la communication des russites decourt terme, des objectifs du changement, et ont encourag les remontesdinformation venant de la base des adhrents ;

    des amliorations incrmentales ont t apportes aux processus de coor-dination interfonctionnelle, avec lobjectif essentiel de renforcer la visionpartage ;

    linformation sur le march a continu tre recueillie et diffuse, avecune recherche spcifique de donnes permettant didentifier les bnficesdu changement ;

    la communication a continu renforcer le message de la ncessit duneorientation march et dduquer, en utilisant la clbration des succsinitiaux.

    Le processus de passage l orientation march a eu les effets suivants :

    une reformulation de lapproche du march : alors que le produit taitinconnu, mlang avec dautres laines et vendu en gros, a t mis en placeun produit ingrdient qui visait les fabricants de textile haut degamme et les maisons de couture. La laine de moins bonne qualit taitvendue ces mmes clients pour leurs marques secondaires. Des actionscommunes dinnovation ont t entreprises avec des grandes marques dusecteur de la mode ;

    un changement culturel : alors quauparavant, les fermiers sintressaientpeu aux produits aprs les portes de leurs fermes, quils se focalisaient sur

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    les produits, que les clients et les membres du rseau taient inconnus, lissue du processus de changement, ils considraient que leur responsabi-lit allait jusquau secteur de la mode, que leur marque tait une source devaleur, que les clients et les membres du rseau devaient tre traits avecrespect, quil existait une dpendance mutuelle avec les membres durseau. Plus globalement, lensemble des fermiers a eu un tat despritfocalis sur la valeur apporte aux clients. La proximit avec les clients estdevenue extrme puisque ces derniers ont pu demander un animal parti-culier dans chacune des fermes, et que les fermiers traitaient directementavec les clients. De mme, lapproche de la concurrence a chang : lesconcurrents ne sont plus dfinis seulement comme les autres producteursde laine, mais comme tous les autres producteurs de fibres ;

    la coordination a atteint des niveaux trs levs entre les fermiers, lesyndicat, la R & D, le marketing et les membres des canaux ;

    une amlioration de la performance : alors que le produit tait quasimentinconnu, il a connu un accueil chaleureux de la part des clients viss.Mrino est devenu un produit de premier choix pour des fabricants depremier ordre, la marque a t valorise par les maisons de mode, condui-sant une augmentation des ventes chez ces dernires. Au plan financier,le dclin des prix de 3 6 % par an depuis 20 ans a t stopp et lindus-trie gagne plus dargent que jamais auparavant.

    Comment Intel a renforc son orientation march en 2005

    Comment choisir les marchs cibles ?

    La premire tche de la stratgie marketing est didentifier les territoiresoffrant les conditions les plus favorables au dveloppement de lentre-prise. La rflexion doit se structurer autour de quatre phases :

    la dfinition des marchs (quels sont les territoires possibles ?) ; lanalyse de lattractivit des marchs (quels sont les potentiels des

    diffrents territoires ?) ; lanalyse de la comptitivit (dans quelle mesure lentreprise peut-elle

    disposer dun avantage concurrentiel sur ses concurrents ?) ; le ciblage proprement dit (sur quels territoires lentreprise va-t-elle

    choisir de se positionner ?).

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    Identifier les marchs

    Lidentification des marchs est opre en deux temps. Tout dabord, il fautidentifier des domaines dactivit stratgiques (DAS), aussi appelssegments stratgiques. Il sagit du travail de macrosegmentation. Ensuite,au sein de chacun des DAS, la segmentation marketing (ou microsegmen-tation) consiste identifier des segments de clients.

    Les domaines dactivit stratgique

    Lobjectif du dcoupage en DAS est de dfinir des marchs homognes entermes de comptences et de ressources ncessaires pour y oprer. Identifierles frontires des marchs est une tche complexe. Abell (1980)1 a proposune mthode consistant rpondre aux trois questions suivantes :

    Qui est satisfait (groupe de clients) ? Quel est le besoin gnrique satisfait (fonction) ? Comment les besoins sont-ils satisfaits (technologies) ?

    En fonction des rponses ces questions, trois perspectives danalyse desmarchs apparaissent :

    Le march produit : il sagit de la conception la plus troite dun march.Le march se dfinit, dans ce cas, comme un groupe de client, une fonc-tion et une seule technologie. Par exemple, il pourrait sagir de dfinir ledplacement (fonction) ferroviaire (technologie) pour les particuliers(groupe de clients). Toutefois, cette dfinition troite dun march estlimite pour la prise de dcision stratgique, car elle conduit ngligerdes technologies diffrentes pouvant rpondre la mme fonction(lautomobile, lavion). Elle noffre donc quune comprhension limitedes mcanismes concurrentiels au niveau stratgique. En revanche, pourles dcisions et problmatiques tactiques, elle est bien adapte.

    Le march solution : il sagit du niveau danalyse le plus pertinent pourltablissement dune stratgie. Il rassemble un groupe de clients, pour unefonction et toutes les technologies substituts pour raliser cette fonction. Sinous reprenons lexemple du march ferroviaire, il sagit dinclure danslanalyse du march dautres technologies qui rpondent la mmefonction : lavion, lautomobile sont alors intgrs dans lanalyse du march,ce qui permet de mettre au jour des lments stratgiques importants.

    1. Abell F. D., Defining the business, Prentice Hall, 1980.

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    La bataille TGV-avion1

    La bataille des 360 km/h pour les TGV est une bonne illustration duneanalyse du march solution.Fin 2008, la SNCF a multipli les tests de vitesse, afin dvaluer la viabilitconomique et technique du passage une vitesse de pointe 360 km/h,contre 320 km/h actuellement, pour les TGV.Face aux menaces darrive dAir France et de Veolia sur le march du transportferroviaire, la SNCF entendait prendre des parts de march sur le marcharien, en partant du constat que, sur des trajets de moins de 2 heures, le traindtient 90 % du march face lavion, plus de 66 % sur les dures de 3 heureset 50 % pour les dures de quatre heures : pour rsumer, 5 minutes gagnescorrespondraient 2 % de part du march.Cest bien lapproche solution du march qui dicte ici les axes de la stratgie delentreprise.

    Lindustrie : il sagit du niveau danalyse le plus rpandu, car, biensouvent, les donnes sur les marchs sont structures par industrie (parexemple, recensement des entreprises Insee). Le march dfini comme industrie regroupe plusieurs groupes, plusieurs fonctions et une tech-nologie. Le problme de cette perspective est quelle peut conduire analyser des phnomnes ou comparer des entreprises qui nont rien encommun, ou pour lesquelles les mcaniques concurrentielles sontdiffrentes : par exemple, une entreprise de lindustrie de la chimie inor-ganique peut oprer sur des marchs aussi diffrents que la pharmacie,le textile, les explosifs, les peintures, la colle Soulignons nanmoinsson utilit dans le cas o lentreprise souhaite envisager des possibilitsde diversification, base sur sa technologie. Par exemple, dans le cas dutextile, il va sagir de sinterroger sur des groupes de clients, ou des fonc-tions que lentreprise peut remplir, pour avoir un avantage concurrentielface la concurrence des entreprises chinoises aux prix trs agressifs.

    Les domaines dactivit stratgique bioMrieux2

    bioMrieux dfinit son activit comme le diagnostic in vitro, cest--dire undiagnostic tabli partir dun prlvement ou dun chantillon ( la diffrencedu diagnostic in vivo, ralis dans le corps du patient, par exemple via limagerie

    1. Honor R., Le TGV envisage de passer la vitesse suprieure pour mieux concurrencelavion , Les Echos, 15 octobre 2008, 26.

    2. http://www.biomerieux.com/servlet/srt/bio/portail/dynPage?node=Activities; http://www.bio-merieux.com/upload/Strategy_Presentation_Finale_FR_INTERNET21.pdf.

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    mdicale). Lentreprise volue donc sur le march plus global du diagnostic etdoit intgrer dans son analyse stratgique le potentiel de concurrence des tech-nologies de diagnostic in vivo.bioMrieux divise le march du diagnostic in vitro en deux domaines dactivitstratgiques : le diagnostic mdical (diagnostic de maladies infectieuses et depathologies) et les contrles microbiologiques industriels (qualit microbiolo-gique dun chantillon). Ces deux domaines dactivit stratgique correspon-dent une approche solution du march : les groupes de client sont diffrents(industrie vs laboratoires et hpitaux), comme les fonctions remplies (valua-tion de la qualit microbiologique vs diagnostic de maladies) et regroupe unensemble de technologies diffrentes (bactriologie, biologie molculaire,immuno-essais, chimie clinique, hmatologie, hmostase).Cette approche solution permet lentreprise davoir des prestations quicouvrent de nombreuses pathologies (industrielles, maladies infectieuses,cancers, maladies cardiovasculaires, diabte, endocrinologie, composants dusang, maladies auto-immunes), et vite bioMrieux de se focaliser sur uneapproche produit (les prestations vont des ractifs aux logiciels et systmesexperts, en passant par les instruments).

    Les exemples dAir Liquide et du groupe Safran

    La microsegmentation : regrouper les clientsAlors que la macrosegmentation sintresse la dfinition stratgique desmarchs, la microsegmentation se focalise sur lanalyse des clients dans chacundes marchs. Il sagit donc dune analyse supplmentaire mene afin danalyserla diversit et les exigences des clients de manire plus dtaille. Tous les clientsnayant pas les mmes attentes, ni le mme intrt conomique pour lentre-prise, il sagit dobtenir une reprsentation structure et organise de lht-rognit des marchs 1. Ceci permettra de comprendre plus finement lesmcanismes concurrentiels, de dfinir ou de faire voluer la proposition devaleur aux clients et donc daugmenter limpact des actions marketing.

    Plus prcisment, un segment se dfinit comme une partie du marchqui regroupe des individus (entreprises ou consommateurs) aux attentesaussi homognes que possible dans chaque segment, et clairement distinctsdes individus appartenant aux autres segments.

    1. Guillou M., Crespin-Mazet F. et Salle R., La segmentation dans les entreprises travaillantpar affaires : lexemple de Spie Batignolles dans le secteur du BTP , Dcisions marketing,31, juillet-septembre 2003, 63-71.

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    Il est important de souligner quil nexiste pas une mais plusieurs mani-res de segmenter un march. Bien souvent, une segmentation innovantepeut confrer un avantage concurrentiel, car elle permet didentifier despoches dinsatisfaction ou des besoins non dcels par les concurrents utili-sant des procdures de segmentation traditionnelles.

    Techniquement, diffrents critres peuvent tre utiliss pour segmenterun march, au sens marketing, que ce soit en B2B ou en B2C :

    Les caractristiques descriptives : souvent utilises dans la pratique car lesstatistiques sont disponibles (frquentation mdia ou distribution pour lesconsommateurs, taille, secteur dactivit, sant financire pour les entrepri-ses), elles prsentent linconvnient dtre gnralement peu fiables dans laprdiction des comportements et dapporter peu dlments sur les atten-tes des clients. Elles sont utiles comme segmentation de second ordre,cest--dire pour dcrire des segments labors par dautres mthodes.

    Les styles de vie : surtout utiliss pour dfinir les messages de lacommunication en B2C.

    Les comportements : il sagit souvent des comportements dachat passs,des niveaux de consommation. Comme les caractristiques descriptives,ils sont trs utiles un niveau tactique (gestion de base de donnes etgestion de la relation client) comme complment dinformation sur dessegments tablis par dautres mthodes, mais, au niveau stratgique, ilsdonnent peu dlments qualitatifs sur les attentes des clients. Ils sontsouvent utiliss pour identifier les clients les plus rentables parmi lesclients existants.

    Les bnfices recherchs : au niveau stratgique, il sagit du critre privilgier car il permet de regrouper les clients sur la base dattentescommunes et donc de maximiser la qualit de prise de dcision pourla proposition de valeur, et il donne galement des indications sur lescaractristiques du produit privilgier. Les bnfices recherchs sonttrs divers, peuvent porter sur les caractristiques de la prestation, surles rsultats de la prestation, ou sur la dimension relationnelle danslaquelle sinscrit la prestation.

    Spie Batignolles et la segmentation1

    Dans le domaine du BTP, le vendeur peut tre confront des situations trsdiverses, allant de clients centrs sur les prix jusqu des clients aux affaires

    1. Ibid. note prcdente.

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    complexes ncessitant une coopration forte entre vendeur et client. La capacit reprer des situations types dans cette diversit est cruciale, car cela permet deconstruire des politiques pertinentes en fonction de ces situations types.

    La segmentation stratgique entreprise par Spie Batignolles a tout dabordconsist sparer marchs publics et marchs privs, pour lesquels les procdu-res sont diffrentes, ainsi que la sensibilit largument prix (moins forte dansles marchs privs). Dans un second temps, la segmentation marketing a tralise au sein du domaine dactivit stratgique marchs privs .

    Deux critres de segmentation ont t utiliss :

    les enjeux lis aux projets : Il sagit des impacts du projet sur lactivit duclient. Ces impacts peuvent tre lis au processus (cas dextension duneusine par exemple) ou limage (par exemple pollution). Spie Batignollesa donc distingu des clients potentiels en fonction des projets faibleenjeu (faible niveau de risques chez le client, le prix est quasiment le seulcritre de choix) et des projets forts enjeux (fort niveau de risque, danslequel le client cherche se rassurer, le prix nest plus le seul critre) ;

    les caractristiques du client : les clients peuvent tre plus ou moinsouverts la coopration avec le constructeur. Lentreprise a distingu desclients peu ouverts la coopration (existence de comptences internes,ou de procdures figes interdisant la coopration), des clients slectifs (lacoopration est dpendante du projet), des clients ouverts la coopra-tion (ils cherchent des constructeurs pouvant concevoir et raliser).

    La carte de segmentation suivante a donc t labore, avec pour chacun dessegments, des prconisations concernant le mode dapproche privilgier.

    Zone 2Approche centre sur le projet, co-constructionZone 3

    Approche variable en fonction des projets, convaincre de passer sur des projetsZone 1

    Approche centre sur les prix, si potentiel de rptition, fairepasser en zone 2

    Clients peu ouverts la coopration

    Clients ouverts la coopration

    pour certains projetsuniquement

    Clients ouverts la coopration

    Enjeu du projet faible pour le client

    Enjeu du projet fort pour le client

    Figure 1.4

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    Cette segmentation a aussi des consquences importantes en termes de ressour-ces. Les projets complexes ncessitent le passage dun conducteur de travaux un vritable chef de projet. La formation est donc un lment ncessaire lamise en uvre de cette segmentation.

    Il existe toujours plusieurs faons de segmenter un march, non seule-ment en fonction des critres utiliss, mais galement en fonction duniveau auquel le processus de segmentation est arrt. Il sagit de trouverun quilibre entre deux positions extrmes : dun ct une vision uniformedu march et de lautre une vision de chaque client comme diffrent. Laqualit dune segmentation peut tre value partir de critres prcis. Lessegments doivent tre :

    mesurables (taille, pouvoir dachat) ; accessibles (pouvoir tre effectivement atteints et servis) ; de taille suffisante pour justifier une adaptation de la stratgie marketing ; rellement diffrents (cest--dire rpondre de manire diffrente aux

    lments du marketing-mix) ; attirs et servis par des programmes efficaces.

    valuer lattractivit des marchs

    Une fois les diffrents marchs identifis, que ce soit au niveau stratgique(DAS) ou marketing (segments), il faut valuer leur attractivit, cest--direleur potentiel pour le dveloppement de lentreprise. Ce potentiel doit nonseulement tre estim en termes conomiques, mais galement en fonctionde lintensit de la concurrence, de la structuration de la filire, et, plusglobalement, des forces du macro-environnement qui peuvent influencerlensemble des lments prcdents.

    Lestimation du potentiel conomique du march

    Lestimation du potentiel conomique du march dbute par une estimationde la taille actuelle du march, de la croissance future de la demande, ainsique du pouvoir dachat des clients potentiels et du niveau de marge possible.

    Lestimation de la demande actuelle du march se calcule simplement partir des formules suivantes (avec Q = quantit demande, n = nombredutilisateurs, q = quantit moyenne par utilisateur par an, D = taille dumarch en valeur, p = prix moyen dachat) :

    pour une estimation en volume : Q = n q ;

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    pour une estimation en valeur : D = n q p.

    La comparaison entre le prix moyen de vente sur le march et les cotsmoyens des prestations pour les offreurs permet dvaluer la margemoyenne. On distingue alors des marchs de valeur, pour lesquels la margeest leve, et les marchs de volume, pour lesquels la marge unitaire estfaible. Dans le premier cas, un niveau de demande faible suffit dgager unecontribution financire, alors que dans le second cas, des volumes impor-tants sont ncessaires pour ne serait-ce quatteindre lquilibre financier.

    Lestimation du taux de croissance du march pour le futur est une tcheplus complexe, particulirement dans le cas dinnovations de rupture, pourlesquelles le march se construit avec le lancement de linnovation, et, donc,pour lesquelles les habitudes de consommation sont encore mal connues.

    Pour estimer le potentiel de croissance du march, lentreprise doit avoirrecours au concept de march potentiel. Le march potentiel est la taillemaximale du march, si tous les utilisateurs potentiels de la prestation,achtent la frquence et en quantit maximale. Elle se fonde sur unedistinction entre diffrents types dutilisateurs :

    les clients sont les individus qui utilisent actuellement le produit (ilspermettent de dfinir le march actuel) ;

    les clients potentiels sont les individus qui ne consomment pas leproduit mais pour lesquels le produit pourrait rpondre un besoin ;

    les non-clients absolus sont les personnes qui, pour une raison (physique,conomique, sociale, morale, lgale) ne consommeront jamais le produit.

    Deux ratios permettent dvaluer le potentiel de croissance du march :

    lindice de dveloppement du march est le rapport entre le marchactuel et le march potentiel ;

    le taux de pntration correspond au nombre de personnes qui ont utilisau moins une fois le produit au cours dune priode de temps donne.

    Plus ces taux sont bas, plus le potentiel de croissance est fort, et doncplus le march est attractif pour lentreprise.

    Pour une estimation plus prcise, lentreprise peut tenter de raliser uneprvision de la demande future, en se fondant sur lquation :

    Q = Qr (demande de remplacement) + Qn (demande des nouveaux clients).

    La croissance de la demande dpend dun certain nombre de facteursparmi lesquels :

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    la connaissance de lexistence dune prestation et la comprhensiondes bnfices quelle peut apporter ;

    la disponibilit physique de la prestation ; la capacit des utilisateurs utiliser la prestation ; la capacit financire des utilisateurs potentiels ; lintensit et la qualit des efforts marketing par les entreprises ; les cots de changement sont les cots que le consommateur supporte

    pour changer de marque ou de produit. Ils peuvent freiner considra-blement le dveloppement du march ;

    pour certaines prestations, il est impratif destimer linfluence desexternalits de rseau. Il sagit de situations dans lesquelles la valeurdun produit ou dun service dpend du nombre dindividus qui ontaccs au produit ou au service (rseau tlphonique, rseau dordina-teurs). La courbe dvolution des ventes sen trouve considrable-ment modifie : en dessous dun seuil minimum de personnes utilisantloffre, le march ne se dveloppera pas, alors qu loppos la crois-sance peut tre exponentielle une fois quun certain seuil est dpass ;

    lexistence de produits complmentaires (produits qui ne peuvent treconsomms quensemble, comme tlphones portables et batteries)peut ralentir la croissance dun march ;

    en milieu industriel, la notion de demande drive est fondamentalepour estimer la taille du march et les volutions futures. Elle corres-pond au fait que les achats du client vont tre dicts par la demandeadresse par les clients du client (par exemple la demande en cimentdpend de lactivit des entreprises du BTP, qui dpend en partie de lademande de construction et de rnovation).

    Lestimation de la taille future du march est particulirement ardue.Diffrentes mthodes aident raliser cette estimation :

    la mthode Delphi : il sagit dinterviews dexperts dont on confronte dunemanire itrative les points de vue pour essayer destimer la demande ;

    les donnes analogues : il sagit destimer les ventes du nouveauproduit en le comparant des marchs proches (par exemple, lesdonnes sur la possession et lutilisation de tlphones fixes aumoment du lancement du tlphone mobile, les donnes sur la posses-sion de magntoscope au moment du lancement du lecteur de DVD) ;

    lutilisation dindicateurs de rfrences : il sagit dindicateurs externesau march qui voluent avant le march, et pour lesquels une corrla-tion a t observe (par exemple lindice de construction) ;

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    les intentions dachat ; les opinions de la force de vente, des distributeurs ; llaboration de scnarii : utilise par de grandes entreprises comme Shell

    ou General Electric, elle consiste envisager diffrentes possibilitsdvolution de la demande en fonction dhypothses, pour tester la sensi-bilit du schma de dveloppement des changements dans lenvironne-ment. Dans la pratique, le nombre de scnarii doit tre limit (3 7).

    Dans tous les cas, il est ncessaire deffectuer une triangulation entrediffrentes mthodes : il sagit dutiliser diffrentes mthodes pour prvoirla demande et de comparer les rsultats des prvisions. Ceci permetdvaluer le ralisme des prvisions tablies et destimer le niveau dedemande le plus probable. Par exemple, la demande en polymres peut treestime partir dindicateurs dactivit conomique (croissance du PIB),de remontes dinformations des commerciaux et dune tude des inten-tions dachat des clients. Si les donnes convergent, la prvision est fiable.Dans le cas contraire, lentreprise doit tablir diffrents scnarii.

    Lanalyse de la concurrenceLe choix de prendre position sur un segment ne dpend pas seulement deson potentiel conomique. Certains segments ou marchs forte crois-sance attirent de nombreux concurrents et rendent difficile la prise de posi-tion forte long terme sur ce segment. linverse, certains segments croissance plus faible peuvent attirer peu de concurrents et donc offrir despossibilits pour lentreprise qui souhaite sy investir.

    Lidentification des concurrents

    Lidentification des concurrents dpend beaucoup de la manire dont a tdfini le march : une approche produit du march conduit ne considrercomme concurrents que des offres aux caractristiques techniques similaires. linverse, une dfinition centre sur le client permet de considrer commeconcurrentes des marques ou des prestations avec des caractristiques techni-ques diffrentes, mais rpondant un mme besoin pour le client.

    On peut donc diffrencier une concurrence directe (prestations similai-res techniquement) et une concurrence indirecte (prestations technique-ment diffrentes).

    La position de chacun des concurrents, dans une analyse centre surloffre, repose sur la part de march : part des dpenses dans la catgorie deproduit consacr