marseille antique

20
Gratuit MARSEILLE AU TEMPS DES MARINS GRECS 2009 Cabotages Hors Série m e t e o f r a n c e . c o m

Upload: deschamps-hubert

Post on 23-Mar-2016

264 views

Category:

Documents


7 download

DESCRIPTION

Marseille antique de Cabotages.Coastwise

TRANSCRIPT

Page 1: Marseille antique

Gratuit

MARSEILLE AU TEMPS DES MARINS GRECS

2009

CabotagesHors Série

meteofrance.com

Page 2: Marseille antique

2 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

www.picassoenprovencecotedazur.com

Itinéraire en Provence-Côte d’Azur : D’Avignon à Antibes, en passant par Aix-en-Provencedes étapes à suivre sur les pas de l’artiste

Pica

sso

à la

Vill

a Ca

lifor

nie

Cann

es ©

And

ré V

iller

s

Page 3: Marseille antique

Contact Météo France : [email protected]

Cabotages.Coastwise est publié par Bastaque Éditions16 rue Garenne, 34200 Sète.

Directeur de publication, dir. commercial : Alain PasquetDir. de la rédaction, rédacteur en chef :

Christophe NaigeonRédaction : Emma Chazelles, Jeanne Chemin,

Guy Brevet, Claude Roger.

Agenda : Julia ChaineMaquette : Emmanuelle Grimaud, Richard MorisPartenariat publicité : Patrick Faure, Thierry Dutto

Imprimerie : Gieza Services - EspagneEncre : SunChemical Certified

Publicité : [email protected]édaction : [email protected] : [email protected]

Tél : 04 67 17 14 30 - Fax 04 67 17 14 32

ISSN en cours - Dépôt légal mai 2009

Hors série Marseille et les marins de l’antiquité

LA FONDATION DE MARSEILLE 4-5 OPÉRATION PRÔTIS 6-7

OPÉRATION KYBELE 8 L’ODYSSÉE, GUIDE NAUTIQUE ? 9

LES GRÉEMENTS DE L’ANTIQUITÉ 10-11 PHYTÉAS, L’EXPLORATEUR 12-13

LES HYPER GALÈRES 14-15 VINS ET AMPHORES 16-17

bastaque editionsbe

Page 4: Marseille antique

4 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

Quand les Marseillaisavaient l’accent grec

Nous sommes vers 600 avant J-C. Les Grecs ne le savent pas, mais ils vivent

la fin de la période “archaïque” de leur his-toire. Socrate, Platon, Aristote, Hérodote et tant d’autres philosophes ne viendront que deux siècles plus tard, à l’époque “classi-que”, mais déjà, dans les “cités” qui se créent et s’organisent, naît la Dēmokratía. À Athènes, la cité-mère, les aristocrates qui mobilisaient les terres et les pouvoirs ont été mis à mal par des législateurs : Dracon et ses principes… draconiens sur le droit commun, puis Solon pour qui le ci-toyen est digne de se gouverner. On dis-cute sur les Agora, lieux de parole libre. À condition d’être citoyen athénien et de n’être pas esclave.

La Grèce n’est pas un pays au sens actuel du mot, c’est une fédération de cités auto-nomes. Ce n’est pas un territoire “terres-tre”, c’est de l’eau salée avec un peu de terre autour om pousse la vigne, l’olivier, des céréales et où paissent des chèvres. Aucun point ne se trouve à plus de cent ki-lomètres de la mer Égée. Dire que les grecs sont des marins est un Euphemismos… Alors que Romulus et Remus sortent à pei-ne de dessous leur louve de mère pour fon-der le petit village de Rome, il y a deux cents ans qu’Homère a fini d’écrire l’Iliade et l’Odyssée et Thalès, mathématicien, astro-nome et philosophe met au point le fameux théorème qu’il lèguera aux élèves du mon-de entier. Vous avez dit “archaïque” ?

LES HELLÈNES CHEZ ASTÉRIXPendant ce temps-là, sur la côte méditerra-néenne de “Gall” que les Romains appelle-ront plus tard la Gaule, les indigènes sont des Ségobriges, du groupe des Saliens, fu-sion de peuples ligures (venus du sud vers -1800) et de Celtes (arrivés de l’Est à partir de -1000). Installés également sur les côtes italiennes, ce sont eux ces mêmes Gaulois celto-ligures qui, en -390, échoueront dans leur tentative de prendre la ville de Rome à cause des oies du Capitole qui donnèrent l’alerte.Mais en -600, ces Ségobriges sont installés sur les hauteurs du proche arrière-pays provençal où pousse le chêne vert et proli-fère une faune digne d’Astérix : cerfs, ours

et san-gliers. Leur mode de vie est plutôt rudimen-taire. Chasseurs, pêcheurs et bûcherons, ils vivent probablement dans les bories, ces petites constructions de terre sèche. Pas question pour eux de cultiver un sol caillouteux. Ils ne connaissent ni la vigne, ni le tour de potier, ni l’écriture.Le géographe grec Posidonios parle de « ces hommes petits et trapus et vigoureux et batailleurs qui vivent dans un pays si sauvage et aride, dont le sol est si pierreux qu’on ne peut rien planter sans se heurter au rocher. Le travail est pénible et les pri-vations rendent la vie des celto-ligures dif-ficile et font leur corps maigre et sec. Les femmes doivent trimer comme les hom-mes. Les hommes compensent le manque de blé par la chasse. Ils escaladent les montagnes comme des chèvres ».Phocéens et Ségobriges, une rencontre fort improbable et qui pourtant, va donner naissance à une ville puissante et respec-tée. Quand, bien plus tard, les Romains en feront leur capitale provençale, ils accorde-ront aux massaliotes, entre autres privilè-ges, celui d’avoir des places gratuites dans tous les théâtres de Rome… C’est dire !

LES PERSES CHEZ LES PHOCÉENSPrôtis est un Phocéen. Phocée, sur les cô-tes de la mer Égée, est aujourd’hui Foça, en Turquie, une petite bourgade de pê-cheurs, où en 1913 et 1914 les fouilles de Félix Sartiaux, ont révélé les traces de la cité grecque d’Asie mineure.Autour de -600, à l’est de Phocée, il est un autre territoire, terrestre et immense, la Perse. Alors que Zarathoustra en fonde la religion, le roi Cambyse 1er, successeur du grand Cyrus, ambitionne de jeter les Grecs d’Orient à la mer. Ses successeurs y réussi-ront et parviendront jusqu’à Athènes.Pour les Grecs, conquérir le monde, c’est conquérir un espace de mer délimité par des “comptoirs” entre lesquels établir de nouvelles routes commerciales. Ils ont déjà établi de telles colonies en Sicile, en Espagne, en Corse… Avec la menace per-se, la question n’est plus d’accroître l’em-pire maritime mais de décaler vers l’Ouest

Prôtis et Gyptis

L’histoire de la rencontre improbable des Grecs et des Gaulois, le mythe de la prin-cesse gauloise et du beau marin grec, fondateur de la cité qu’on appelle phocéenne.

Le bateau de prôtis : une pentécontore

Le navire avec lequel Prôtis est arrivé à Marseilleveyre était un Pentécontore, une galère monorème à 50 rameurs (un rameur par banc de nage et par aviron). Vaste et donc propice à l’embarquement de troupes, large donc rapide et stable, largement pour-vue en force motrice humaine donc rapide, massive et donc efficace à l’éperonnage, le Pentekontoros est devenu le navire militaire standard de la flotte athénienne mais aussi des unités légères macédoniennes, Cartha-ginoises, romaines, ptolémaïques. Ils dispa-rurent en 200 ap.J.-C., remplacées par les Liburnes et leurs bancs à deux ou trois ra-meurs par aviron, dite «nage a scaloccio».Long de 27 à 30 m en moyenne, larges de 3,50 à 3,80 m, déplaçant environ 40 ou 50 t, le Pentécontore avait une coque de sec-tion évasée. Il avait un équipage réduit à un officier, un homme de barre, un «garde-chiourme», plutôt dans le rôle de «quartier-maître» (donnant le rythme de nage, les ra-meurs grecs étant des engagés volontaires payant un «droit de passage» et non des esclaves, dont une partie pouvait participer

aux combats en cas d’abordage), dix ho-plites, pouvant de déplacer sur une mince plate-forme centrale, la «passerelle», et deux plates-formes au gaillard d’avant et d’arrière. En cas d’éperonnage, le rostre tripointe en bronze bénéficiait de l’effet de masse de la galère lancée à 5-6 noeuds. (D’après David Bocquelet, www.navistory.com)

Maquette du port du Lacydon reconstitué au musée de Marseille

Page 5: Marseille antique

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 5

l’espace vital commercial et, éventuelle-ment – chose nouvelle – de déplacer des populations.Prôtis est un marin. Il navigue, il commer-ce, il imagine des terres lointaines. Sans doute rêve-t-il aux récits de son père, Euxène, qui, en navigant bien au-delà du détroit de Messine, avait découvert la somptueuse embouchure d’un fleuve ouvrant sur des espoirs de comptoirs com-merciaux nouveaux : le Rhône.

ARRIVÉE EN PAYS SÉGOBRIGEC’est Arganthonios, roi de la mythique Tartessos, comptoir Phocéen d’Andalou-sie qui a en partie financé, dit-on, une ex-pédition vers ces terres prometteuses. Si-mos et Prôtis, dont le nom signifie “le premier”, sont appelés à la diriger. Forts des indications précieuses d’Euxène et avec 150 hommes d’équipage répartis sur deux impressionnantes galères – des “pentécontores” – ils mettent pied à terre en pays Ségobrige.La beauté du bassin de navigation leur rap-pelle la cité originaire, Phocée et ses îles. Du haut du massif de Marseilleveyre, ils viennent de découvrir la sœur jumelle de leur lointaine patrie. Venus sans intention belliqueuse, ils sont bien accueillis par les autochtones. Bien plus que cela, même.

LES NOCES DE GYPTIS ET PRÔTISLe roi Ségobrige, Nann prépare la noce de sa fille Gyptis (Petta, pour Aristote). Il y convie nos explorateurs. La règle locale veut à cette époque que, durant le festin, la princesse offre à celui qui deviendra son époux, une coupe d’eau de la Fontaine d’Ivoire. Obéissant à la coutume, la belle choisit parmi tous les prétendants réunis, Prôtis, l’hôte (Euxénos pour Aristote) et lui tend la coupe d’Hyménée (Hymen est le dieu grec du mariage). L’histoire est scellée. Prôtis reçoit en dot une calanque, un port naturel, abrité du vent par des collines qui servent aussi de précieux guets. Large à l’intérieur mais fer-mé par une entrée étroite, le port dispose côté terre, d’un espace suffisant pour envi-sager une cité nouvelle. Par son mariage avec la belle gauloise, Prôtis est le maître du Lacydon, berceau du futur Vieux Port.Comme bien d’autres comptoirs, Marseille

deviendra une cité-état grecque indépen-dante : Massalia (Mas-sallia, la “maison des saliens”) est née. Les marins grecs s’unissent à d’autres gauloises. De ces couples mixtes – et bilingues – naîtra la première génération phocéo-celto-ligure du comptoir Massaliote.

LA CIVILISATION PUIS LA GUERRESi le ventre de leurs bateaux recelait des trésors inconnus des Ségobriges – ampho-res remplies d’huile et de vin, céréales et lingots d’étain – les nouveaux arrivants étaient avant tout porteurs de la culture et des savoirs-faire d’une civilisation avancée qui transformera les autochtones : “ Les Gaulois apprirent d’eux à vivre de façon plus civilisée, après l’amollissement et l’abandon de leurs mœurs barbares ; ils apprirent à cultiver les champs et à entou-rer les villes de remparts alors également ils s’habituèrent à vivre sous des lois, non sous les armes, à tailler la vigne, à planter l’olivier, et un si grand éclat s’attacha aux hommes et aux choses qu’il semblait que ce n’était pas des Grecs qui avaient émigré en Gaule, mais la Gaule qui avait été trans-portée en Grèce ” (Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée. Livre XLIII Origines de Rome et de Marseille).Mais, soixante-cinq ans plus tard, la lune de miel prendra fin entre les colons et les indigènes. En 546, Phocée tombe entre les mains des Perses. Des très nombreux réfu-giés affluent à Massalia, la phocéenne. L’équilibre numérique entre l’hôte et l’invi-té est brutalement rompu. Les Ségobriges trouvent soudain bien encombrants et hé-gémoniques ces gens, venus en petit nom-bre et à qui ils avaient offert l’hospitalité.Sous le commandement de Coman, suc-cesseur de Nann, les autochtones essaient de renvoyer les Grecs d’où ils viennent. Déjà très nombreux et très déterminés à s’accrocher à cette nouvelle terre, les Pho-céens se défendent derrière les remparts qu’ils avaient déjà érigés. Dans cet affron-tement armé, les autochtones ne font pas le poids. Les Grecs s’imposent, tuent Co-man et, en représailles, détruisent le villa-ge ségobrige de Marseilleveyre.Une autre page de l’histoire de Marseille commence.

Emma Chazelles

La seule femme embarquée sur une des galères grecques est Aristarqué. Ce n’est pas une femme quelconque mais une guide spirituelle du temple d’Arté-mis d’Éphèse considéré comme une des sept merveilles du monde. Artémis est la “Diane” romaine dont on connaît la réputation de chasseresse et de compa-gne des animaux sauvages. Artémis se

présente bien différemment, sans arc ni flèche. Son torse est pourvu de plu-sieurs couronnes de seins. Cette figure polymaste que les Grecs nomment aussi la Radiante est associée à la lune comme Apollon l’est au soleil. Elle « éclaire la route aux carrefours de la vie » et guide au cœur de la nuit les égarés, les étran-gers ou les esclaves en fuite.

de la mer.comde la mer.com

Aristarqué, seule femme à bord du bateau de Prôtis

Page 6: Marseille antique

6 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

Plans, matériaux et techniquesantiques pour les reconstruire

L’histoire qui nous intéresse com-mence en 1993 avec les fouilles

effectuées en préalable à des travaux d’aménagement prévus Place Jules Verne. Elles révèlent des vestiges de la ville grecque archaïque et, surprise, des épaves de bateaux : deux navires de l’époque hellénistique, retrouvées serrées l’un contre l’autre, sans doute abandonnées près du rivage au VIe av J.-C. et cinq épaves romaines. Les fouilles mettent aussi à jour un chan-tier de construction navale du IVe siècle av J.-C. et des entrepôts qui lui sont postérieurs (IVe au Ier siècle av J.-C.). Selon les chercheurs, les navires ont été construits et ont navigué dans la seconde moitié du VIe siècle av J.-C., soit deux ou trois générations seule-ment après la fondation de la cité mari-time par les Grecs de Phocée.

BOIS COUSU AU POINT DE CROIXSous la direction de Patrice Pomey, responsable des fouilles et de l’étude des épaves, l’équipe d’archéologie na-vale du Centre Camille Julian (Maison de la Méditerranée et des Sciences

de l’Homme, Aix-Marseille Université - CNRS) identifie notamment les élé-ments d’un petit navire de commerce et d’une grande barque côtière, utilisée communément à cette époque pour la pêche au corail. Elles sont référencées respectivement Jules Verne 7 et Jules Verne 9. Enfouies dans les sédiments du vieux port qui en ont permis l’état remarqua-ble de conservation, elles présentent, pour la première fois au monde, les ligatures végétales habituellement dis-parues, utilisées à cette époque pour l’assemblage des structures. La petite barque Jules Verne 9 est un bateau en-tièrement cousu et même au point de croix ! L’autre découverte remarquable tient à l’assemblage de Jules Verne 7, pe-tit navire marchand de 16 m de long sur presque 4 m de large : il est de construction mixte, témoin d’une pha-se transitoire (fin de la seconde moitié du VIe siècle av J.-C.) dans l’évolution des techniques de construction. On y trouve à la fois des tenons et des mor-taises chevillées pour le bordé, des clous pour la fixation de la membrure, et des ligatures végétales pour les ex-trémités avant et arrière. Les répara-tions ultérieures ont également été cousues.

OUTILS ET GESTES ANTIQUES« Sa section est arrondie et ses extré-mités élancées. Propulsé par une voile carrée, sa capacité de charge était d’en-viron 12 t et ses capacités nautiques suffisantes pour des navigations trans-méditerranéennes » précise le dossier scientifique.

L’idée est de reconstruire ces deux na-vires à l’identique, en utilisant les tech-niques de l’époque et de les faire na-viguer pour la grande fête marseillaise de 2013.Mais plusieurs maquettes vont être réalisées avant de travailler à l’échel-le 1. D’abord celles des vestiges au moment de leur découverte, puis celles de leur remise en forme au 1/10e, aux-quelles succèderont les réalisations au 1/5e à partir d’un gabarit en carton qui préfigurera enfin la réplique. L’équipe de Robert Roman, ingénieur d’Etude CNRS, en charge de la réalisation et de la coordination technique ne s’arrêtera désormais qu’à la fin de la reconstruc-tion finale de ces deux trésors du pa-trimoine naval. Folie douce et travail de titans, les asso-ciés sont lancés dans une aventure tout aussi romantique que scientifiquement ambitieuse et techniquement folle. Car, pour eux, il ne s’agit pas de construire un bateau “à la manière de”, mais de s’assurer que non seulement les plans sont exacts mais aussi que chaque ma-tériau utilisé est exactement le même que celui d’origine et que les gestes

sont eux-mêmes la réplique de ceux qui a fait naître ces deux navires.Il faudra vérifier mille hypothèses, par-faire ou fabriquer les outils et retrouver le tournemain des artisans pour réin-venter la carène, le gréement, la voilu-re, l’accastillage, la gouverne… qui ont déjà nécessité en amont des mois de un travail de recherche.« La mise en œuvre de cette reconstruc-tion requiert de vrais talents, tant dans la maîtrise des techniques que celle des processus innombrables à vérifier », in-dique Robert Roman qui recherche aus-si tous les matériaux nécessaires, tels qu’à l’époque : cordelettes de ligatures, clous coulés et forgés, toiles de lin pour les voiles, chanvre pour les cordages, résine et cire pour l’étanchéité, plomb pour les anneaux de cargue, roche pour les jas d’ancre… et l’approvisionnement en bois. Les arbres, choisis avec soin, seront coupés à l’automne 2009. Et reste encore en question le choix d’une couleur pour la peinture de la coque… La science n’exclut pas l’imagination. Ces bateaux font rêver.

CHANTIER OUVERT AU PUBLICCe qui ne se passe pas à la Maison des Sciences de l’Homme d’Aix en Provence a lieu au chantier naval Borg. Cette entreprise de restaura-tion et de construction de bateaux de tradition créée il y a 50 ans dans l’anse du Pharo va être le théâtre de la renaissance des deux bateaux et le laboratoire technologique de la charpenterie maritime phocéen-ne. Il devrait accueillir des élèves du Lycée professionnel de la mer Poinso-Chapuy et recruter des sta-giaires en formation au métier de charpentier de marine.Quand les deux bateaux vont-ils pouvoir naviguer ? La construction de Jules Verne 9 devrait prendre

une année et demi et il en faudra une de plus pour le Jules Verne 7. D’ici là, des expositions temporaires sont pro-grammées au chantier pour suivre la construction, au moins aussi intéres-sante que la navigation future.Pourtant, celle-ci est une autre aventu-re scientifique. Pour Patrice Pomey et Robert Roman faire naviguer ces mer-veilles, c’est amasser mille nouvelles informations sur la navigation antique. Et, pour en évaluer les qualités nauti-ques et la résistance à la mer, quoi de mieux que de refaire, à l’envers, le tra-jet qui a conduit Prôtis de la Cité-Mère de Phocée en Asie Mineure jusque dans la baie du Lacydon. Il ne s’agit pas d’une simple croisière, on s’en doutait, mais d’archéologie expérimentale. Après les premières navigations, viendra le temps de l’ar-mement au commerce pour étendre le champ des recherches aux condition de vie et de travail des équipages de l’Antiquité.

2009-2013 : saison Haute Couture pour l’archéologie navale et le Centre Camille Julian qui prépare dans l’enceinte des chantiers Borg ce qui est déjà considéré comme un événement maritime et scientifique majeur. Le projet Prôtis sera présenté dans le cadre des manifestations prévues en 2013, l’année Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture. Gageons que le Vieux Port rayonnera comme au temps de son avant-garde, il y a 2.600 ans.

Jules Verne 7 et 9, alias Prôtis et Gyptis

JULES VERNE 9, OU GYPTIS : LA GRANDE BARQUE DE PÊCHEURLongueur hors tout 9,72 m sur 1,88 de large pour un poids de 2, 299 tCreux 0,75 et tirant d’eau maximum de 0,42 mVestige retrouvé conservé sur 5m de longueur et 1,50m de largeur, correspondant à la partie centrale et à extré-mité de l’embarcation d’origine. © CCJ-CNRS

Les bordés étaient cousus entre eux.Les chercheurs étudient les matériaux consitutifs du fil retrouvé dans l’épave pour reconsituer le bateau à l’identique.

Page 7: Marseille antique

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 7

NAVIGUER “À L’ANTIQUE”Comme ils vont ouvrir le chantier de construction au public, les initiateurs du projet feront partager la navigation à bord de ces deux navires qui, pour n’être pas anciens, n’en sont pas moins patrimoniaux. La par-tie pédagogique est porté par l’association ARKAEOS et soutenu par le musée d’Histoire de la ville qui expose deux répliques des épaves d’origine. À voir ab-solument ! Il est envisagé, après 2013, de proposer des sorties en mer aux scientifiques mais aussi à des groupes scolaires et des curieux en tout genre pour une initiation à la navigation “à l’antique”. Jules Verne 9 rebaptisé Gyptis en sou-venir des amours fondatrices de la belle Gauloise avec Prôtis, le marin grec (voir pages 4 et 5) naviguera dans la rade, autour des îles du Frioul et dans les calanques. Pour des raisons liées aux capacités nautiques de cette barque de pêche côtière très effilée (un peu moins de 10 m sur presque 2 m), aucune navi-gation plus lointaine n’est prévue.Quant à Jules Verne 9 rebaptisé Prôtis, devrait quant à lui effectuer diverses na-vigations hauturières, équipé et chargé comme la navire marchand qu’il est. Marseille,qui a commencé à prendre soin de ses barquettes traditionnelles a,

semble-t-il, décidé de s’affirmer comme un port de patrimoine maritime. L’inté-rêt économique direct est grand et les retombées d’image importantes. Après l’arrivée en juillet 2009 de la reconsti-

tution d’une birème Phocéenne fa-briquée en Turquie, le départ

pour la Turquie de la réplique exacte d’un navire marchand de l’époque de Prôtis fabri-quée à Marseille est un joli symbole d’une très antique forme mondialisation, du

temps où le monde se limitait à la Méditerranée, du temps où

rustres Gaulois et raffinés Grecs faisaient alliance et créaient des cités.

Emma Chazelles

La MMSH

La Maison Méditerranéenne des Scien-ces de l’Homme est un campus d’en-seignement et de recherche situé à Aix en Provence et spécialisé sur le monde méditerranéen dans le domaine des sciences humaines et sociales. Elle comprend deux départements, l’Anthro-pologie et les Sciences de l’Antiquité.regroupe notamment deux laboratoires de recherche qui travaille sur la période qui nous intéresse : le Centre Camille Julian d’Archéologie Méditerranéenne et Africaine (CCJ).

Le chantier borg

Marseille a gardé quelques spécialistes des vieux gréements parmi ses char-pentiers. Toujours, c’est une affaire de famille. Daniel Scotto, installé rue Neuve Sainte Catherine, est le petit fils d’un Ita-lien venu construire les chaloupes des bateaux des Messageries. Denis Borg est le fils de son père qui a créé le chantier

en 1957. Aujourd’hui ce chantier qui se présente lui-même comme une «entre-prise du patrimoine vivant» est installé au pied du Pharo, dans une petite anse où, coïncidence, se trouve également le DDRASSM (Département Recherches Archéologiques Subaquatiques Sous-Marines). De la fouille à la reconstitution des épaves, il n’y a, en distance, qu’un petit pas.

JULES VERNE 7 OU PRÔTIS : LE BATEAU DE COMMERCELongueur hors tout 16,55 hors tout, 15,65m à la flottaisonLargeur au maître bau : 3,80 m, creux 1,70m, port en lourd 11,823 t poids coque prêt à naviguer 3,500 t , tirant d’eau maxi 1,01m Épave conservée sur 14 m de longueur et près de 4 m de largeur, corres-pondant à la coque qui est relativement complète.© CCJ-CNRS

Page 8: Marseille antique

8 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

Le 2 mai 2009, Kybele, la reconstitution d’un navire de la Grèce antique de 60

pieds (19 m avec l’éperon, 4 m de large) quittait la petite ville portuaire de Foça, en Turquie, site de l’Antique Phocée. Destina-tion : Marseille. Comme il y a huit siècles. À l’heure où nous mettions sous presse, il était attendu dans le port du Lacydon pour le 1er juillet.À son bord, Erkurt Osman, archéologue-navigateur, et vingt rameurs, étudiants ou membres de l’association 360° qui porte le projet.Le but n’est pas de reconstituer à l’iden-tique les conditions du voyage de Prôtis et des ses 150 compagnons. Le fondateur de Marseille était venu sur un “pentécon-tore” (50 rameurs) de plus de cent pieds.

Ces grands bateaux, très légers et agiles à la manœuvre, pouvaient filer 10 nœuds et étaient tirés à terre chaque soir.

LA GALÈRE : UN “FIFTY”Kybele (Cybèle, voir l’encadré), construite aux chantiers naval d’Urla, près d’Izmir (Smyrne), est une “birème”, navire de guerre très courant au Ve siècle avant J.-C. qui tient son nom des deux rangs superposés de rameurs prenant place sur chaque bord. C’est un “fifty” adapté aux conditions de vent de la Méditerranée : un bon “moteur” pour aller contre le vent et manoeuvrer, et une voile – presque un spi – très efficace aux allures portantes. Celle de Kybele fait 87 m2, maintenue par une vergue de près de 13 m.

Il s’agit avant tout de faire voyager sym-boliquement cette petite galère de com-bat imaginée à partir d’éléments issus de documents littéraires et d’iconographies (on ne retrouve pas d’épaves des navires de guerre, voir article pages 16 et 17). Les 1.500 milles nautiques qui séparent les deux ports vont être l’occasion de réin-venter une bien singulière route et de mieux estimer les conditions de naviga-tion pratiquées vers -600, par les marins ioniens fondateurs de tous les comptoirs grecs en Méditerranée… mais avec la sé-curité d’un navire accompagnateur pour la logistique, l’aide électronique à la navi-gation et les éventuels secours.Erkurt Osman n’en est pas a son coup d’essai. Il déjà exercé ses talents de char-pentier de marine antique avec Ulu Bu-run, un bateau de l’âge du Bronze (-1400) qu’il a reconstruit cette fois à partir de son épave, découverte en 1984 au “Grand Cap”, en Asie mineure. Ce bateau en bois de cèdre de la reine d’Egypte Néfertiti (on a retrouvé des bijoux lui appartenant par-mi mille objets d’art dans l’épave) a déjà parcouru quelques 1.000 milles depuis sa mise à l’eau en 1995. Mais ceci est une autre histoire…

LES AMITIÉS FRANCO-TURQUESMême si ni le navire ni les conditions de navigation ne sont celles de Prôtis, le par-

cours est un cabotage d’une cinquantaine d’escales distantes d’environ 30 milles, ports ou mouillages. Les arrêts prévus en France (Aléria – première colonie grecque – Nice, Antibes, Cannes, Saint-Tropez, Toulon et Cassis) sont autant de visites de courtoisie aux comptoirs anciens, créés par les Phocéens de Phocée et les Pho-céens de Massalia.Le projet “Kybele”, qui n’a pas la vocation scientifique, technique et patrimoniale du projet “Prôtis” (voir l’article pages 6 et 7), revêt surtout une dimension politique. Intitulé “Mare Nostrum” et lancé à l’ini-tiative de l’association 360° basé à Urla en Turquie, il est parrainé par le Centre Culturel Français d’Izmir et le Centre de Documentation Antoine Galland que re-laie l’Association Méditerranée France-Turquie de Marseille. Le coût du projet, qui s’élève à 750.000 €, est financé par des fonds privés, essentiellement des entrepreneurs turcs et le groupe français AXA.L’arrivée de Kybele à Marseille coïncide avec l’ouverture de la Saison de la Tur-quie en France. Un final est envisagé via fleuves et canaux jusqu’au pied de la tour Eiffel à Paris où elle sera exposée dans le cadre d’Istanbul capitale européenne de la culture, en mars 2010..

Emma Chazelles

1.500 milles dans le sillage de Prôtis

Kybele, une galère de Phocée à Marseille

Une galère «à l’antique» a entrepris la croisière de Phocée au Lacydon. Un cabotage symbolique de cinquante étapes sur les traces du fondateur de Marseille

Kybele ou Cybèle, la Sibylline

Cybèle est la déese-mère de la Turquie d’Asie – Asie mineure – que les Grecs appelaient Anatolie, «pays du so-leil levant». De là, son culte s’est propagé dans l’ensemble du monde antique, à Marseille comme à Rome où, sous l’empire, on organisait des jeux de printemps en son honneur. Elle deviendra un des premiers cultes romains.Fille de Zeus abandonnée à sa naissance, elle fut élevée par un léopard, ou un lion. L’animal lui révéla des mystères que Cybèle consigna sous forme de récits dits «sibyllins». Obscurs sont aussi sa naissance et ses amours mais, associée à Rhéa, la Terre, elle en possédait les clés. Ses attributs sont nom-breux : la fertilité, la forêt, l’androgynie, les animaux, surtout le lion, les abeilles et les plantes sauvages.Patronne des marginaux, des travesties et des transsexuels, on retrouve parmi ses multiples symboles, la clé mais aussi le tambour et sa pierre sacrée, le météorite : on raconte que le bétyle (la pierre) qui la représentait sur le mont Dindymon, le lieu de son culte initial, serait tombée du ciel, comme la semence de Zeus qui l’enfanta. À Marseille, on peut admirer, rue Negrel, des «naïskoi», de petits oratoires de cal-caire où elle se tient assise, parfois en compagnie d’un lionceau (voir photo). En Occident, seule Vélia (Italie), sœur pho-céenne de Massalia, est dépositaire d’une de ces petites chapelles. En Méditerranée orientale, on n’en trouve que dans deux villes proches de l’ancien site de Phocée.Aujourd’hui attribués à Cybèle, on crut

longtemps que ces «naïskoi» étaient dé-diés à Artémis d’Ephèse, la «déesse des Ioniens» honorée autour du Lacydon. Marseille honorait aussi d’autres dieux

d’Asie mineure : Priape au phal-lus démesuré, protecteur des

jardins et des vergers, Leuco-théa, la secourable «déesse blanche» de l’écume et des falaises, divinité préférée des marins, emblématique de l’emporia phocéenne.

Mais c’est bien Cybèle – Ky-bèle - qui symbolise l’héritage

partagé et les grandes civilisa-tions de la Méditerranée.

À visiter : le musée d’Histoire de Marseille, à deux pas du palais de la Bourse et de l’Office du tourisme.À lire : “Phocée et la Fondation de Marseille”, une édition des musées de Marseille

Page 9: Marseille antique

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 9

Nombreux sont les chercheurs qui ont «refait» le voyage d’Ulysse de Troie

à Ithaque, livre en main, sur des bateaux tantôt «à l’antique», tantôt modernes, parfois simplement dans la soute boisée de bibliothèques universitaires. De leurs travaux se dégage un consensus : il est possible de retrouver la quasi tota-lité des lieux et phénomènes décrits par Homère de ma-nière enluminée par la poésie.Mais de là à penser que le poème d’Homère est – en plus – un guide nautique, une aide à la navigation d’autant plus facile à utiliser et à transmet-tre de marin à marin qu’il s’agit de «chants» dont tous ne sont pas à ap-prendre par cœur.

LE POUR… Ancien directeur du Musée national des Arts et Traditions populaires et du Cen-tre d’ethnologie française du CNRS, Jean Cuisenier, auteur de Le Périple d’Ulysse (Fayard ed. 2003), après avoir suivi ce pé-riple sur un catamaran contemporain et vérifié l’exactitude des indications, il opte pour l’idée du Pilot Chart :« Mémoriser des passages pour leur uti-lité pouvait être le fait de marins avisés. À la recherche d’informations pour leurs expéditions lointaines, les gens de mer avaient en effet un intérêt particulier à re-tenir les épisodes narrant les approches de côte ou décrivant les rivages, les caps, les ports ou les simples mouillages. Com-me nous, en pleine mer, cherchant du pont du Tzarambo un point d’atterrissage renommé, qui lisons mot à mot le texte des Instructions nautiques, à haute voix parce que nous sommes en équipage ; pareillement, les pilotes d’autrefois resti-tuaient par cœur, je le suppose, les infor-mations enchâssées dans le métal de ces vers homériques ».

…ET LE CONTRED’autres chercheurs, comme Claude Cala-me, directeur d’études à l’École des Hau-tes Études en Sciences Sociales, Histoire et Anthropologie de l’Antiquité, n’est pas tout à fait de cet avis : « l’intention poé-tique du voyage d’exploration imaginaire dans des mondes dont la localisation va

des limites du monde habité aux pro-fondeurs de la terre nous éloigne d’ins-tructions nautiques à déchiffrer sous le couvert du récit épique. Les nombreuses mises en scène de récitations aédiques dans le récit de l’Odyssée même indi-quent que leur public n’était pas formé de gens de mer, si ce n’est dans la commu-nauté d’utopie maritime des Phéaciens et seulement de manière partielle ! Si le «ré-cit d’Homère» a peu de chances de livrer les informations attendues sous la forme d’instructions nautiques, on pourra rete-nir la fonction plus générale d’»enseigne-ment» attribuée à cette «dramaturgie» (Calame C., L’Odyssée entre fiction poé-tique et manuel d’instructions nautiques. Un autre aspect de la question homérique, L’Homme 2007/1, N° 181, p. 151-172).

ESSAYEZ DONC !Alors ? Laissons les scientifiques à leurs

guerres de Troie… mais sachons tout de même que des poè-

mes courts et des chan-sons de marins écrites

en Égypte ancienne se sont révélées être des instructions nautiques précises indiquant à quelle époque de la lune appareiller, dans quelles conditions fa-

vorables doubler tel cap ou franchir tel détroit,

quelle cap suivre sous les étoiles, comment trouver

l’abri sûr. Avant Gutemberg, la culture se transmettait oralement.

Comme il y avait de l’instruction morale dans les contes racontés aux enfants, il y avait des instructions nautiques cachées dans les chansons qu’on chantait aux marins. C’est toujours plus facile à rete-nir. Essayez d’apprendre par cœur le Bloc Marine…

Christophe Naigeon

BLOC MARINE 120X340 15/04/09 11:38 Page 1

L’Odyssée, poésie, récit ou instructions nautiques ?

Naviguer

La polémique fait rage entre les spécialistes : l’Odyssée, poème épiques écrit par Homère (ou un groupe d’écrivains sous sa houlette) au VIIIe siè-cle av. J.-C. est-elle oeuvre de pure imagination, récit de voyage réel ra-conté de manière «sybilline», ou bien un manuel d’instructions nautiques mis en vers pour être mieux mémorisé ?

Homère

Page 10: Marseille antique

10 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

Toutes les parties du monde maritime et toutes les époques ont eu leurs

voiles. L’archéologie a révélé que les pre-mières étaient rectangulaires. On peut le comprendre, n’importe quel Robinson qui construirait un radeau en ferait autant : un drap porté en haut d’un mât par une ver-gue disposée comme la barre du ”T”. La vergue peut pivoter autour du mât mais elle reste en position horizontale. Et voilà le gréement antique, dit ”carré”.Toute la Méditerranée est pleine de repré-sentations ou d’épaves de tels bateaux. Cela semble logique : comme le plus simple des cerfs-volants doit avoir deux bâtonnets en croix pour tendre la toile, la voile d’un bateau doit être soutenue par un mât vertical et un espar perpendicu-laire qui l’offre ouverte au vent. Le bas de la voile n’a pas besoin d’être tenu ouvert par une pièce de bois parallèle à la vergue sauf en Égypte, voir photo). Deux écou-tes frappées dans les coins du tissu libre suffisent pour en contrôler le creux. Voilà pour le gréement qui, pour être primitif n’en a pas moins été utilisé jusqu’au XIXe siècle tant il est efficace.

UNE PROPULSION AUXILIAIRETrès creuse et plus large en haut qu’un spinnaker, la voile carrée est puissante aux allures ”portantes” (on se fait pous-ser). Elle trouve son efficacité maximale en plein vent arrière sur un bateau qui n’a qu’un seul mât, au grand largue (vent de trois-quarts arrière) sur ceux qui en ont plusieurs afin d’éviter qu’elles ne se dé-ventent les unes-les autres.

Les bateaux 100% ”carrés” comme ceux de l’Antiquité ou à 95% comme la Santa Maria de Christophe Colomb sont donc totalement tributaires du vent qui doit ”porter”. Le reste du temps, vent contrai-re ou pétole, on attend là où on est.Si on ne peut pas attendre, on doit opter pour un autre mode de propulsion. Avant le moteur, la seule option était la rame. Les navires de guerre grecs, Perses, Car-thaginois ou Romains ne pouvaient se permettre de temps morts, d’autant que la Méditerranée n’a pas de régimes de vents constants sur la longue durée comme les alizés atlantiques.Sur les galères militaires, la vitesse, la constance de l’avancement et la ma-noeuvrabilité étaient primordiales. Des centaines de rameurs, voire des milliers (voir l’article sur les ”hyper-galères” en page 14) assuraient la propulsion. La voi-le n’était qu’un auxiliaire pour les temps de repos, un complément qui, en cas ne nécessité, permettait d’atteindre les 10 nœuds !Or, si la voile antique est carrée, la célè-bre et omniprésente voile dite ”latine”, image de la Méditerranée éternelle et des bateaux de tout le bassin de Mare Nos-trum est triangulaire. Comment, pourquoi est-on passé de l’une à l’autre ?

DU CARRÉ AU TRIANGLECertaines sources indiquent que la voile latine serait arrivée en 400 ou 600 de no-tre ère. D’autres disent qu’elle est née du côté de l’Australie, arrivée dans l’Océan Indien vers -200 av. J.-C. et introduite en Méditerranée en l’an 200 de notre ère, 800 ans après l’arrivée de Prôtis, alors que les Romains avaient remplacé les Grecs au Bar de la Marine et le seraient bientôt à leur tout par les Wisigoths. Voici pourquoi la ”barquette massaliote” n’existait pas dans le port du Lacydon… Si tout cela est si vague, c’est qu’il n’y eu aucune ”im-portation”.

Des sources scientifiques sérieuses(1) penchent pour une évolution progressive de l’usage de la voile carrée qui se serait peu à peu et à volonté ”triangulée”. Ex-plication :Les voiles carrées, à la manière des ri-deaux de théâtre qui se ”froncent” quand on les remonte, pouvaient être ferlées par des cargues, cordages répartis réguliè-rement sur la largeur du bas de la toile, passant à travers des anneaux pour mon-ter jusqu’à la vergue et ramenés au poste de commande à l’arrière (voir illustration N°1). Ces cargues étaient à la fois des bosses de ris et des drisses : en tirant éga-lement tous les cordons à la fois, on ”re-montait le rideau” (N°2), partiellement ou totalement, selon que l’on voulait réduire la voilure ou ferler totalement la voile sur la vergue.En bordant inégalement ces cargues, certaines parties de la voile se relevaient plus que les autres. On pouvait ainsi ferler totalement la toile à une extrémité de la vergue et la laisser entièrement déferlée à l’autre, lui donnant ainsi la forme d’un triangle rectangle dont la base géométri-que restait la vergue horizontale en haut de mât (N°3).Cette vergue étant équipée à chaque ex-trémité de balancines pour la soutenir et en contrôler la position, il était possible de l’apiquer (incliner) et de faire ainsi bas-culer ce triangle (N°4). Et enfin, en posi-tionnant la vergue plus bas sur le mât, on obtenait ce qui ressemble de très près à une flèche de voile latine (N°5). Par ces manœuvres, on jouait sur la position du centre de voilure, l’abaissant et le recu-lant vers le centre de carène, le faisant même passer en arrière du mât, un peu à la manière d’une planche à voile.

CHOISIR LE CAP OU LA DÉRIVECet usage sophistiqué de la voile carrée permettait de gagner de précieux de-grés d’angle par rapport au lit du vent.

Du grand largue, on pou-vait passer au vent de tra-vers, voire tenter un petit largue. Ainsi, les navires de commerce pouvaient faire de grands bord au portant avec toute la puissance de leur gréement carré et manœuvrer un peu le long des côtes en configuration triangulaire. Pratique pour passer un cap, ou, le soir, se dévier pour gagner la crique de mouillage. Et remonter au vent ? On ne peut pas parler de voi-le sans parler de la carène. Les bateaux antiques étaient faits pour le cabotage. Ils faisaient de petites étapes. Les ports étaient la plupart du temps des plages, parfois abritées par un brise-lames. On ne se mettait que très rarement à quai, seulement dans les grands ports mar-chands.

Les navires grecs enfin contre le vent !

Gréements & cie

Les Grecs étaient de grands mathématiciens et de grands marins. Pourquoi auraient-ils navigué sur des bateaux aux carènes et gréements conçus avant l’Âge du Bronze ? La voile dite «latine», comme beaucoup le croient, serait-elle venue d’ailleurs, vers 200 après J.-C. ? En fait, les Grecs utilisaient depuis bien longtemps une voile à géométrie variable, tantôt carrée, tantôt triangulaire qui permettait, avec l’augmentation du plan anti-dérive, d’entrer dans le monde merveilleux des bateaux qui vont «contre le vent» !

N° 1 © CCJ - CNRS

N° 2 © CCJ - CNRS

N° 3 © CCJ - CNRS

N° 4 © CCJ - CNRS

N° 5 © CCJ - CNRS

Page 11: Marseille antique

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 11

Les bateaux étaient chaque soir tirés au sec. Ceci implique l’absence de quille. À part le minimum pour assurer la rigi-dité longitudinale et assurer un lien solide avec les membrures, rien ne dépassait en dessous afin de s’échouer à plat.Or, un bateau à fond plat avance ”en cra-be” dès que le vent commence à être laté-ral. Quand il essaie de remonter au vent, il perd en dérive tout ce qu’il gagne en cap. En Méditerranée – où il n’est pas possi-ble à un quillard de profiter de la marée descendante pour s’échouer en restant droit sur des béquilles – l’impossibilité d’accroître le plan de dérive vers le bas empêche de profiter des avantages de la voile ”à géométrie variable”. Comment résoudre ce problème ?

ENFIN REMONTER AU VENT !Un peu de théorie : ce qui empêche un bateau de dériver (le plan anti-dérive) est l’ensemble de ce qui est sous la ligne de flottaison, vu de côté, en ombre chinoi-se. Peu importe sa configuration, ce qui compte c’est la surface mouillée. Alors, élémentaire, mon cher Pythéas !, ce qu’on ne peut gagner en profondeur, on le ga-gne en longueur. Comme on le voit sur de très nombreux bas-reliefs, mosaïques et céramiques, les bateaux ont été rallon-gés à l’avant. En tout cas ceux auxquels on demandait le lus de performances, les navires de guerre.Ce qu’on appelle joliment un taillemer (voir le bas-relief) est un prolongement de la quille à la proue, ce qui donne cet aspect d’étrave inversée. Sur les galères militaires, ce taillemer a été prolongé d’un rostre, l’éperon qui, renforcé de bronze, a aussi trouvé un second usage : détruire par collision les navires ennemis. La même opération n’a pas été faite à l’arrière pour garder toute son efficacité du gouvernail, la poupe pouvant ainsi déraper latéralement d’autant plus facile-ment que la proue était ”fixée” sur l’eau

(comme sur un chariot où les roulettes fixes sont à l’avant et celles qui peuvent pivoter du côté de la main de celui qui le dirige). À ces grandes inventions-mères se sont ajoutées toutes sortes d’innovations concernant le gréement et l’accastillage pour aboutir à une véritable révolution nautique : remonter au vent !On imagine quelles pers-pectives nouvelles cela a pu ouvrir : les jours de na-

vigation possible sont plus nombreux et plus longs, les destinations deviennent plus proches et les temps plus cours, les équipages de rameurs (quand il y en a) peuvent être moins sollicités et moins nombreux et, en conséquence, la charge embarquée plus importante. Du coup, l’horizon s’élargit, autant pour les conquêtes militaires que pour l’expan-sion du commerce. La seule limite est la capacité de naviguer de nuit, ce qu’un marin astronome comme Pythéas savait faire, ce qui le conduisit jusque dans les glaces polaires… Mais ils n’étaient pas nombreux.

ET VOICI LA BELLE ”LATINE”Ainsi serait née la belle voile latine, aujourd’hui symbole Méditerranée. Une belle histoire. On la croit d’autant plus qu’on se demanderait pourquoi les Grecs, avec leur degré de connaissances ma-thématiques et physiques, leur science de la mer et leur inventivité se seraient contentés de bateaux conçus à l’Age du Bronze !Certes, une ”vraie” voile latine taillée d’origine en triangle est plus efficace (pas de plis) pour les allures contre le vent, mais, au portant, un triangle pointe en bas offre moins de surface qu’un vrai carré. C’est le choix des pêcheurs pour qui bien manœuvrer par tous les vents, avec un gréement simplifié et un équipage encore plus réduit est plus important que d’aller vite en ligne droite.Plus tard, il y a eu toutes sortes de varian-tes des voiles triangulaires, selon les be-soins, la possibilité d’avoir des mâts as-sez hauts, des haubans assez efficaces… Puis est arrivée la voile ”bermudienne”, un autre triangle, sans vergue, coulissant le long du mât et embômée. Mais c’est une autre histoire que ni Ulysse, ni Prôtis, ni Pythéas n’ont jamais entendue.

Christophe Naigeon

Gouvernail, ancre, pompe de cale

Les bateaux de commerce n’ont pas de rameurs de route. L’aviron ne sert qu’aux manœuvres de port. La gouverne est as-surée par deux pelles-gouvernail de part et d’autre de la coque. Totalement symé-triques par rapport à leur axe de rotation, il faut peu d’effort pour les manœuvrer. En revanche, la vitesse du bateau exerce sur le long bras latéral une forte pression qui exige un ancrage puissant sur le flanc de la coque. Ces systèmes ne seront rem-placées qu’au 13e siècle par le gouvernail d’étambot, dans l’axe de la quille, plus “lourd dans la main” (mais on installera une timonerie et des barres à roue sur les grands navires), sa position n’en fait pas un frein à l’avancement.

Les mouillages, d’abord assurés par de grosses pierres armées de dents en bois sont ensuite sécurisés par des an-cres en bois avec un “jas” en pierre ou en fer. Chaque bateau en a sept ou huit. Certaines sont frappées sur les flancs du navire.Et savez-vous qu’il y avait des pompes de cale à bord des navires ? C’étaient des sortes de “norias” dans des tuyaux, avec manivelle et pistons… Pompe de cale © R.Roman

Le Taillemer

Page 12: Marseille antique

12 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

Prôtis a débarqué au Lacydon il y a deux siècles et demi. La Grèce est en-

trée dans sa période «classique”, l’ère des grands philosophes. Et de la reconquête. Alexandre le Grand, en battant les Perses qu’il poursuit jusqu’en Égypte après avoir défait Darius III, offre leur revanche aux Phocéens, eux qui avaient été jetés à la mer en 546 et avaient du se réfugier dans les autres «cités”, comme Marseille.Pendant les périodes troublées, les Grecs n’ont jamais cessé d’être des marins et des commerçants pour qui la création de comptoirs tout autour de la Méditerra-néenne est une condition de leur survie. Plus que la conquête par la force, c’est le négoce maritime qui est l’arme numéro un de ces navigateurs infatigables.Vers -450 avant J.-C. Euthymènes, fran-chissant les colonnes d’hercule – le détroit de Gibraltar – est allé vers le sud jusqu’au Sénégal, croyant y trouver le Nil. Revenu de ces mers où deux fois par jour, la mer monte et descend – chose étonnante pour un Méditerranéen – il dira : « J’ai navigué sur la mer Atlantique. Elle cause le débor-dement du Nil, tant que les vents étésiens se soutiennent ; car c’est leur souffle qui pousse cette mer hors de son lit. »

FRANCHIR LES “COLONNES”Un siècle après lui, un autre navigateur passera les colonnes : Pythéas, astrono-me et mathématicien marseillais, partit à son tour à la découverte de l’Océan Exté-rieur où il choisit la route de l’Atlantique nord.Le but de cette expédition : ouvrir la route de l’étain. La Grèce civilisée et militaire avait besoin de ce métal pour ses usten-siles quotidiens autant que pour les ar-mures de ses soldats. Principalement de

Cornouaille, elle importait à grands frais cette ma-tière première stratégique par voie terrestre et flu-viale. Mais il y avait aussi l’ambre de la Baltique et d’autres matières précieu-ses des pays «barbares”.Pythéas avait convaincu le Boulé, l’assemblée des Ti-mouques, (l’équivalent de nos députés) qui gouver-nait la prospère cité pho-céenne, mais avait aussi trouvé des sponsors parmi les marchands de Massalia et peut-être même d’Em-porion, en Espagne. Fort de ce mandat et de ces moyens, Pythéas quitte sa charge d’astronome à l’observatoire de Marseille d’où il donne l’heure cha-que jours aux citoyens et met le cap vers Gibraltar.Ces portes de la Méditerra-née qui ouvrent sur le grand Inconnu sont sous blocus de l’ennemi carthaginois. L’histoire ne dit pas si c’est par ruse ou diplomatie qu’il le franchit mais ont sait qu’il prit la route vers le Nord et fut le premier Grec à décou-vrir la Bretagne.

NAVIGUER DE NUITSon bateau, baptisé Artémis à la Flèche en l’honneur de la déesse massaliote, est rapide est solide. Les archéologues semblent d’accord pour dire que c’est un pentécontore (cinquante rameurs sur deux bancs de nage) long de 35 m pour 5 m de large, non ponté, gréé “carré”. C’est sans doute le seul navire de l’ex-pédition.Nul doute que son ventre profond recè-le nombre d’amphores d’huile et de vin car on en retrouvera sur les lieux de son passage mais il emporte des biens et, exceptionnellement, des vivres, céréales et fruits sec. Ceci est exceptionnel car la navigation de cette époque supposait de mettre pied à terre chaque soir et de tirer le bateau sur le rivage. Et, donc, d’avi-tailler.Sans doute ses réserves sont-elles une sage précaution face à des escales fort in-certaines dans ce monde inexploré. Mais aussi Pythéas prévoyait-il des étapes comportant plusieurs jours de navigation sans toucher terre. Car cet astronome, contrairement aux marins de l’époque, sa-vait naviguer aux étoiles. Élève d’Eudoxe de Cnide, il avait appris à calculer la hau-teur astrale. Il peut donc déterminer sa latitude.Pythéas double la pointe du Raz, la Cor-nouaille, l’île de Wight et découvre Albion, cette muraille de craie qui prend son nom de sa couleur : albus, blanc. Il en parcourt le territoire à pied et passe beaucoup de temps avec les “Britannis”, les autochto-nes qui se peignent le corps (du celtique “brith”, bariolé, les “Pictes” des latins). Partout où il passe, le capitaine-scientifi-que observe, interroge, mesure, calcule, cartographie…

Puis il repart en mer. Le pentécontore poursuit sa route nordique : après le Sud de l’Angleterre, il en longe toute la côte Est, dépasse l’Écosse et, en six jours de navigation hau-turière, franchit le 60° pa-rallèle et atteint probable-ment Thulé (l’Islande).

L’INCONNU GLACÉLe capitaine prévoyant avait eu bien raison de s’encombrer de réser-ves de vivres, d’huile et de vin ! Sans doute aussi avait-il acquis des vête-ments de fourrure pour son équipage auprès des tribus rencontrées… Car, dans ces mers boréa-les, les conditions de navi-gation sont épouvantables pour ces Méditerranéens, loin de leur familier “cen-tre du monde”, de sa lu-mière, de sa chaleur et de ses coups de vent secs. Ici, même les tempêtes sont étranges. Ces hom-mes – qui pourtant en ont vu d’autres – sont effrayés par ces immenses blocs d’eau douce gelée qui er-rent dans le brouillard sur cette eaux de mer glacée et fumante, par la nuit qui n’existe presque plus. S’ils étaient venus l’hiver !Pythéas est un aventurier mais aussi un bon marin, de ceux qui veulent rentrer à la maison : Artémis à la Flèche n’ira pas plus loin, prudemment, elle fait demi-tour. C’est par les îles Shetland puis entre l’Ir-lande et la côte Ouest de l’Angleterre que la galère regagne les zones relativement tempérées de la Manche. Mais au lieu de rentrer directement vers la Bretagne, elle longe encore une fois les falaises de craie, et cabotant cette fois le long de la côte Nord l’Europe, double les îles de la Frise et arrive en mer Baltique, le pays de l’ambre. Mission accomplie.

OBSERVER, CALCULER, DÉCRIRE Explorateur fidèle à la mission confiée par ses financeurs marchands massaliotes, il a pris note des lieux d’escale, s’intéressant tout particulièrement aux embouchures des grands fleuves, le Rhin, la Seine, la Loire et la Garonne. Il a rapporté dans les cales de son navire les échantillons des richesses trouvées sur place. Les preuves de sa réussite. Et aussi beaucoup de ri-chesses immatérielles.Ethnographe avant l’heure, Pythéas a consigné les mœurs des Britanniques, « ces gens simples qui ne boivent pas de vin mais une boisson à base d’orge fermentée ». Il a décrit tous les autres peuples rencontrés, ceux qu’il appelle les “Nordiques”, les Celtes, les Goths ainsi que les Irlandais avec leurs rituels nécrophages et les gens de Thulé avec leur hydromel.Géographe, il est le premier à avoir tracé la carte des îles britanniques et à en don-ner la dimension. Jour après jour, il a tenu

avec précision son livre de bord où il a noté toutes sortes de choses étonnantes : la banquise, ce continent de glace, et ses îles flottantes, la mer qui ne se ressem-ble plus avec ses courants, ses immenses houles, ses grandes et petites marées, mouvements qu’il nomme poétiquement le “poumon marin” mais qu’il calcule avec une précision scientifique. Il a décrit minutieusement des effets connus de nos jours comme étant ceux provoqués par le Gulf Stream.Astronome, il a calculé l’obliquité de la terre et donné sa circonférence à l’aide d’un gnomon, sorte de cadran solaire. Spécialiste du calcul du temps, il s’est intéressé aux jours qui s’allongeaient dé-mesurément. En corrélant ce phénomène avec ses relevés des positions stellaires, il a ainsi confirmé la rotondité de la ter-re qu’Aristote avait déjà prouvée d’une autre manière à l’occasion de l’observa-tion d’une éclipse.Fort de ces mesures, Pythéas suggèrera de concevoir autrement le temps et la durée. Il proposera une journée de 24 h, de du-rées égales et constantes, et de faire varier la durée du jour et de la nuit. À cette épo-que, un cycle journalier était constitué de 12 h de jour et 12 h de nuit, la durée des heures variant selon les saisons. Il indique la latitude – presque exacte – de Massalia.

ET RENCONTRER L’INGRATITUDE…Quand Pythéas franchit à nouveau les Co-lonnes d’Hercule, sa mission est double-ment accomplie : il a ouvert la Route de l’Étain et fait une extraordinaire moisson d’observations géographiques, anthropo-logiques et astronomiques. Mais, quand ce Marco Polo Phocéen revient à Mar-seille (six mois, un an ou plus après son

“Artemis à la Flèche” sur la route de l’étain

Pythéas

Pythéas le grand navigateur explorateur qui passa pour le premier “galégeur” marseillais

Page 13: Marseille antique

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 13

Le voyage présumé de Pythéas jusqu’à Thulé

départ, on ne sait pas très bien), l’accueil n’est pas à la mesure de son mérite. Quand il explique le phénomène des marées par la corrélation entre le flux, le reflux et le déplacement de la lune, on le prend pour un «fada”, car les érudits de son temps préfèrent attribuer cette mon-tée des eaux à l’apport des rivières ainsi que son prédécesseur Euthymènes, ma-rin mais pas mathématicien, l’avait inter-prété.Pythéas bouscule mille convictions et passe pour un incapable. La réussite de sa mission qui consistait à ouvrir une route vers les pays du Nord est éclipsée par les révélations scientifiques qu’il tente vaine-ment de partager avec les intellectuels de son temps qui le méprisent et l’humilient publiquement. En somme, il passe pour le premier affabulateur marseillais… Et la polémique qu’il suscite va traverser les siècles.L’homme génial et intrépide consigne ses travaux exceptionnels dans deux ouvra-ges. Le principal, récit de son voyage et somme de ses observations, intitulé De l’Océan, disparaîtra dans l’incendie tragi-que de la bibliothèque d’Alexandrie.

JUSQU’À LA RECONNAISSANCEComment a-t-on alors eu connaissance de ses découvertes ? Grâce à ses détrac-teurs. Une sorte de connaissance à tra-vers les yeux des autres, ou «en creux” à travers les nombreux ouvrages qui ont été écrits par d’autres pour démonter ses affirmations. On connaît ainsi son oeuvre par les écrits d’Aristote, de Pline l’An-cien, d’Hipparque, de Diodore de Sicile et grâce à ceux de son principal détracteur, Strabon, géographe qui ne naviguait pas et qui, presque deux siècles après le re-tour de Pythéas, écrivait que le vie n’était

pas possible dans les régions situées au-delà des tropiques et sous la Grande Ourse.Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour qu’il soit enfin admis au panthéon des grands navigateurs, explorateurs et scientifiques. Alors qu’on mettait pour la première fois le pied sur cette étrange contrée qu’est la Lune, les astronomes lui ont enfin rendu hommage en donnant le nom de Pythéas à un cratère lunaire.

Emma Chazelles

À lire :Une République des Marseillais, Aristote (384-322 av.J-C)Yves Roman, La Gaule et les Mythes Historiques, de Pythéas à VercingétorixFrançois Herbaux, Puisque la Terre est RondeYves Georgelin, Pythéas, Explorateur et Astronome

MÉDITERRANNÉE

ATLANTIQUE

MER DU NORDMER BALTIQUE

MER DE

NORVÈGE

AllerRetour

Marseille

THULÉ

CULTURE / PATRIMOINE / ENVIRONNEMENTSPORT ET LOISIR NAUTIQUE / VOILE

+ DE 200 RENDEZ-VOUS MARINS

ww

w.h

ors-

norm

e.co

m -

RC

S 44

0 32

9 87

8

Informations :www.officedelamer.comTél. : +33 (0)4 91 90 94 90[

Un événement proposé par

de la mer.com

de la mer.com

CabotagesCoastwise

Strabon le grand détracteur de Pythéasgravure du XVIe siècle

Page 14: Marseille antique

14 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

Il n’existe pratiquement pas d’épaves de galères de l’Antiquité (à l’exception de

l’épave incomplète du navire de Marsala en Sicile), alors que nombreux sont les vestiges de bateaux de commerce remplis

d’amphores (voir pages 16 et 17). Heureu-sement les anciens ont laissé de multiples représentations de ce qui leur était le plus familier, la vie maritime. Les textes dé-crivent avec précision ce que pouvaient

être les embarcations des pêcheurs, des marchands et des militaires. Ainsi, on sait pratiquement tout sur la flotte hellénisti-que. Et, oh !, surprise, on y découvre des navires totalement hors normes, comme

ces hyper-galères, dont David Boquelet, rédacteur du site web www.navistory décrit ici deux fleurons des années -260 av. J.-C. : le Leontophoros de 110 m de long et 10 m avec ses 1.600 rameurs, et l’Isthmia, de seulement 70 m mais large de 20 m et propulsée par 2.300 rameurs !

DE VRAIS MONSTRES MARINSLe Leontophoros et l’Isthmia sont deux des Léviathans de cette époque. Incar-nant deux philosophies différentes, ces hyper-galères n’en étaient pas moins re-marquables dans leur parfaite incarnation d’un genre qui ne devait pas survivre à l’ère classique. C’était le règne de navires qu’aucune gravure, ni même aucun reste probant n’est venu attester hormis des suppositions d’après des récits concor-dants de nombreux auteurs antiques, si ce n’est l’interprétation de certains graffi-tis (comme le navire Lagide “Isis”»), le re-gistre de la flotte d’Alexandrie, ou encore le sanctuaire d’Actium (Aktio) construit par César Auguste en commémoration de sa victoire, montrant des emplacements de rostres (éperons) de taille colossale, les comparant à celui retrouvé à Alhit (Is-raël).Partant des familières trières athéniennes (trois rangs de rameurs superposés sur chaque côté), aujourd’hui reconstituées et dont les techniques de nage nous sont connues, on fut obligé d’admettre l’exis-tence de navires à 4, 5 et jusqu’à 40 ni-veaux de rames superposées (ce qui ne signifie pas quarante “étages” de rameurs superposés comme on a pu le croire au XIXe siècle). Cela semblait absurde, sinon à recourir au procédé déjà ancien, car pra-tiqué par les pirates et peuples de la mer, misant avec leurs Hemioliae (et Liburnes) sur une grande maniabilité précisément en multipliant le nombre de rameurs par banc.A partir de là, et sans arriver à des navi-res aux proportions délirantes, il deve-nait possible d’entrouvrir le voile pesant sur cette ancienne énigme de l’archéolo-gie marine. Une galère de type “16” par exemple, n’avait pas seize étages de ra-

Les hyper-galères : 110 m de long, 2.300 rameurs !

Bateaux antiques

La Méditerranée antique a une image de frugalité. Et pourtant elle exprima une grande démesure par ses palais, ses temples et ses navires. Certains parmi les plus grands, atteignaient les 300 pieds et transportaient des milliers de rameurs maniant des avirons de quatre tonnes !

Le Léontophoros, propriété de Lysimaque, Roi de Thrace, offert à Ptolémée II. Il s’agissait probablement de la plus grande monorème (un seul niveau de rameurs) jamais construite. Par-ticulièrement étroite et malgré tout ayant huit rameurs par banc, ce qui en faisait une «triple» octère au standard de l’époque (100 avirons), elle devait être très rapide, mais fut vaincue par l’ Isthmia d’Antigone Gonatas.

L’Isthmia, aux couleurs de la Macédoine dont il fut l’ambassadeur, était fort différent. Plus corpulent (20 m de large mais seulement 70 m de long ), il était légèrement moins rapide bien qu’ayant tout de même 2.300 rameurs sur deux rangs (rangées de 64 avirons), mais bien plus maniable et stable, plus puissant et dévastateur en éperonnage.

Page 15: Marseille antique

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 15

meurs, mais pouvait être une simple triè-re (trois étages) alignant 7, 6 et 5 rameurs par banc.Au vu de la difficulté à gérer déjà trois niveaux de rames maniées par un seul homme (testé au cours d’essais de Coa-tes et Morrisson ), qu’en était-il de navires alignant – s’il faut en croire la fameuse “40” de Ptolémée Philopator – jusqu’à 10 rameurs par banc ? La seule considéra-tion du point de levier est un casse-tête pour bon mathématicien.Deux certitudes cependant : un tel aviron devait être si long qu’il devait aussi être massif (ce qui est attesté par les rares avi-rons en bois conservés datant du XVIIe siècle) et posséder nécessairement des poignées, car trop larges pour pouvoir être attrapés à pleine main.

LA LIMITE : L’INSTABILITÉDe plus, la déclivité de l’aviron supposait une déclivité égale du banc supérieur, re-poussant vers le haut le pont du navire, le rendant hautement instable faute de lest dans les œuvres vives. Et, surtout, cela impliquait un écartement très important du premier rameur face au point d’appui de la rame sur le plat bord (apostis) et donc un débord de nage largement su-périeur, allant jusqu’à presque doubler la largeur du navire par rapport à sa ligne de flottaison, rajoutant encore des difficultés à le stabiliser en roulis...Rien ne s’opposant à ce que des rameurs soient debout, les derniers à l’extrémité de la rame effectuant une véritable mar-che avec retour en plus de leurs efforts de traction/pulsion, s’appuyant de tout leur poids sur les rames. Cela induisait des passerelles intérieures ou des ponts complets, ce qui était difficile avec des rangs décalés de faible hauteur. Quoiqu’il en soit, la construction, la manoeuvre et l’apprentissage de la nage devait être par-ticulièrement ardus.Il est très probable en effet que les ra-meurs dans les «hyper-galères» (plus de cinq rameurs par aviron ) étaient debout, de façon à ce que les derniers rameurs, ceux qui se trouvaient les plus éloignés du point de levier de rame, effectuent un déplacement sur trois ou quatre pas au moins (amplitude de deux mètres), cette distance décroissant jusqu’au rameur le plus proche de l’apostis.Il semble peu concevable dans ces condi-tions qu’il y ait eu des rameurs assis et d’autres debout sur la même rame. Enfin, le fait que les rameurs étaient debout et évoluaient dans la longueur pose le pro-blème des ponts : Il faut imaginer pour une “40”, quatre ponts complets superpo-sés, ce qui semble porter le navire à des hauteurs colossales et du coup devient peu plausible. En revanche, en gardant une hauteur raisonnable, surtout pour la “40” qui devait posséder 4 rangs de ra-mes chacun maniés par dix rameurs, les thranites (voir figure) fournissaient l’ef-fort le plus grand du fait de la longueur de la rame comparée à la hauteur du na-vire; et d’autre part les rameurs se trou-vaient décalés à hauteur de mi-corps, ce qui exclut autre chose qu’une chambre de nage unique pour tous les rameurs, im-mense espace rythmé par des traverses longitudinales, passerelles décalées pour les rameurs, les poutres transversales et verticales...

LE CAUCHEMAR DES ARCHITECTESLa structure interne de cette chambre devait être un véritable cauchemar pour tout architecte naval de l’époque (caprice de princes !). Le fait que ces rames étaient pourvues de poignées semble évident tant sa largeur était considérable (on par-le d’avirons de quatre tonnes et plus de dix-sept mètres pour la Tekkerakonteros).L’autre difficulté de la rame était sa grande finesse comparée à sa longueur (problèmes de solidité à la torsion, et de souplesse à la fois). S’agissait-t-il de jeu-

nes pins choisis exprès ? Ou d’une autre espèce dont on joignait plusieurs sec-tions décroissantes, taillées en biseau et entourées par un anneau de métal ou de cordages?... Le mystère demanderait une reconstitution - au moins d’une bordée...On sait que les Lagides disposaient d’une flotte de proportions considérable ( l’équi-valent de la Royal Navy en 1914 ou de l’US Navy aujourd’hui ), pas seulement numériquement mais aussi qualitative-ment avec une forte proportion de “7”, “6”, “9”, et des “11”, “12”, “13” dits “de rupture”...Les Macédoniens n’étaient pas en reste, avec notamment la rivalité navale exa-cerbée entre Ptolémée II et Antigone Go-natas qui accoucha de fabuleux pachy-dermes. Certaines cités indépendantes en construisaient également. Syracuse, certainement, puisqu’elle vendit à Pto-lémée son Alexandris, navire marchand aux proportions bibliques, mais dérivé simplement des Corbites construites pour convoyer le blé de Sicile vers l’Italie.Rhodes, plébiscitée par tous par son ex-périence comme pour son esprit vision-naire, s’en tenait à des navires raison-nables, mais elle posséda sans doute au moins une “dékère”. Pergame, qui com-battit à la fois Macédoniens et Séleucides au gré des alliances, possédait également une flotte considérable, et au moins une dizaine de «navires cataphractes». Cha-que souverain de l’époque prouvait la puissance de sa nation sur les mers en arborant ces géants de bois.

L’EXTINCTION DES DINOSAURESPour finir, cet épisode maritime tricen-tenaire à trouvé son épilogue lors de la bataille d’Actium, consacrant la fin de la dernière grande flotte Hellène en même temps que le temps de ces «hyper-galè-res», surclassées par une tactique déjà esquissée auparavant et misant sur le nombre de navires légers et agiles, judi-cieusement comparée postérieurement à la confrontation des cuirassés avec les torpilleurs à la fin du XIXe siècle. Mais le mot de la fin revient certainement aux nostalgies Romaines tardives, cel-les notamment de Caligula, l’empereur qui se fit construire deux navires géants consacrés à Diane pour naviguer sur le lac Nemi. Ils furent découverts l’un et l’autre en 1930 en vidant partiellement le lac, confirmant les écrits de Suétone. Le pre-mier, appelé Nemi I, fut la réplique sup-posée exacte, car d’après les descriptions faites par Pausanias, l’admirant au sanc-tuaire des Taureaux à Délos de l’Isthmia qui y aurait reposé des siècles durant. Le Nemi II était un revanche un simple palais flottant presque aussi large que long, et aucunement marin, tout juste bon à devenir le point de mire de nauma-chies à grande échelle. Les deux navires, extraits en bon état (vases bactéricides), restaurés et conservés dans des hangars, furent malheureusement brûlés par des soldats Allemands par pure vengeance de l’armistice Italien – durant leur retraite dé-but 1944. Cette perte est aussi celle d’une technique de construction qui aurait pu nous en apprendre bien plus sur ces fa-meuses galères géantes.

David Bocqueletwww.navistory.com

Sources : Lionel Casson : The Ancient Mariners (Second Edi-tion). Princeton University PressLionel Casson : Ships and Seamanship in the An-cient World. The Johns Hopkins University PressJohn S. Morrison, John F. Coates, N. B. Rankov : The Athenian trireme. Cambridge University PressBasch L. , The tessarakontores of Ptolemy IV Philo-pator. Mariner’s Mirror, 1969The age of supergalleys (PDF File) Selection from Casson, L. Ships and Seafaring in Ancient Times 1994Lionel Casson, «The Super Galleys of the Hellenis-tic Age,» Mariner’s Mirror 55 (1969) 185-93Deborah N. Carlson, Caligula’s Floating Palaces Volume 55 Number 3, May/June 2002

• Pho

tos

: © E

.Jon

drev

ille •

04/0

9

* En

Juille

t et e

n Ao

ût

Jusq

u'à

par jour

Ouverture

7/7 j *

MN09-Mai-135x370-Cabotages.indd 1 17/04/09 18:20:08

Page 16: Marseille antique

16 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

Les pinardiers de l’antiquité Petite histoire du vin, des amphores et des navires qui les transportaientDès que le déluge cessa, dit la Genèse, Noé «planta la vigne, but le vin et connut l’ivresse». Dionysos, né – la seconde fois – de la cuisse de Jupiter, dieu grec des sucs vitaux, a donné la vigne aux hommes, comme Osiris l’Égyptien et Bacchus le Romain. Mais c’est avec Neptune – Poséidon, dieu des océans, que le vin est le plus lié. L’histoire de la navigation en Méditerranée est d’abord celle du commerce du vin et l’architecture navale est affaire de potiers. Embarquement sur les pinardiers de l’Antiquité.

Six cents ans avant note ère, des navigateurs Grecs

après avoir colonisé et couvert de ceps et d’oliviers la Sicile et l’Italie du Sud, fondent Mas-salia, la première ville “fran-çaise”. Marseille, bientôt floris-sante cité maritime, sera donc phocéenne, oléicole et viticole. L’union des tribus autochto-nes avec les nouveaux arri-vants fut scellée par une coupe d’eau fraîche offerte par la belle Ligure Gyptis à Prôtis, capitaine de l’escadre Phocéenne qui ap-portait la science d’une boisson autrement plus dyonisiaque…La fouille sous-marine, née de l’invention du scaphandre autonome par le Cdt Cousteau, est venue bouleverser l’archéo-logie à la Indiana Jones. Les récits des hiéroglyphes, des mosaïques et des textes an-ciens sont confirmés, précisés, prolongés par la découverte d’épaves qui racontent la vie, les techniques et les fortunes de mer de toutes les époques. Mare Nostrum donne, reprend, et parfois rend… Ce n’est qu’un début. Aujourd’hui , on foui l le à soixante-dix mètres. Demain cent, deux cents. Les gisements sont immenses, dans les allu-vions du Rhône, les sables du Languedoc, les fosses de Pro-vence, mais aussi sur les routes fluviales, le Rhône, l’Hérault, Arles, Agde…

L ES GALÈRES SONT RARESLa plupart des épaves retrou-vées sont celles de bateaux de commerce aux formes arron-dies. Quasiment pas de trace des fins bateaux de guerre que l’on voit sur les vases et les murs des palais. Trop légers, chargés de rameurs et de guerriers qui tom-baient à la mer, ils coulaient en se disloquant et s’éparpillaient sur le fond, vite recyclés.

Les navires de commerce, lour-dement chargés et costauds s’enfonçaient avec leur car-gaison dans la vase, se recou-vraient de sable. Conservés ainsi presque intacts jusqu’à ce qu’un caprice des courants ne les remette à nu ou qu’un plon-geur chanceux… Phéniciens, Grecs et Romains feront naviguer des bateaux de plus en plus grands aux char-pentes et aux cargaisons de plus en plus phénoménales. Chacun établit ses comptoirs sur les routes maritimes et des corporations se développent comme en témoignent les mo-saïques d’Ostie (port de Rome) où des enseignes devant des “bureaux” de commerce figu-rent notamment Narbonne et les Bouches-du-Rhône.Pourquoi par la mer ? C’est que les voies terrestres sont encore moins sécurisées. Durant qua-tre siècles que dure la Pax Ro-mana (entre -200 et +200) les fondateurs d’Olbia, d’Agde, de Narbonne, de Lattes et de Mar-seille profitent de la surveillan-ce de la mer par les galères impériales. Après le déclin de la Grèce, c’est le triangle Espa-gne – Italie – Gaule romaine qui concentre l’essentiel du com-merce maritime.Les navires sont longs de 40 m et pèsent jusqu’à 400 t, comme La Madrague de Giens retrou-vée dans les années 70, lestée de six mille amphores. Ces bateaux sont avant tout des “pinardiers”, qui, jusqu’au 1er siècle vont transporter le vin d’Italie vers la Gaule et, ensuite, de la Gaule vers l’Italie. Flux et reflux des marchés…

JETABLE ET TRAçABLELes récipients d’argile purifiée cuite sont les quasi uniques contenants des denrées liqui-des (rarement solides). L’am-

phore, avec sa forme fuselée, son col étroit et ses deux anses élégantes symbolise les anti-ques libations. Mais il en existe autant de types différents que de lieux où elle est produite, autant de formes et de volumes que de denrées qu’elle contient. Utilisée pour le stockage dans

les entrepôts et comme conte-nant pour le transport, c’est un emballage jetable. Vidée, elle est pilée et mise en poudre ou brisée au mortier pour devenir matériau de construction, son col parfois utilisé comme élé-ment de canalisation.C’est aussi une unité de mesure très précise : 19,56 l à Athènes et 26,26 l à Rome qui conserve une amphore-étalon au Capitole.L’amphore est aussi un support de communication. Comme sur les conteneurs maritimes d’aujourd’hui où l’on trouve des signes ésotériques pour le profane, dans l’argile de l’am-phore est gravé un véritable bon de fret maritime.L’opercule de mortier qui sert de bouchon porte le plus sou-vent un cachet, l’épaule un timbrage, une estampille, ou des sceaux gravés à la pointe ou encore des marques pein-tes qui permettent de dater très précisément la fabrication de l’amphore, de retrouver l’adresse de l’atelier du potier où elle a été fabriquée mais aussi d’identifier le Mercator, le commerçant, son contenu, son origine et sa destination. La traçabilité est totale. Une chance inouïe pour l’archéo-logue qui se retrouvera fort

dépourvu quand le tonneau de bois gaulois – réutilisable et putrescible – remplacera, vers le 3e siècle, les indestructibles récipients de terre.Ainsi, une amphore n’est ja-mais perdue en route. À cette époque, les déroutages son fréquents. La météo n’est pas une science, la Méditerranée déjà capricieuse, la naviga-tion empirique. Les marques servent à la redistribution des cargaisons sur des navires de cabotage plus petits (20 t comme La Cavalière, retrou-vée dans la baie qui lui donne son nom).

Amphores - © CCJ - CNRSMaquette du musée de l’Ephèbe au Cap d’Agde

Page 17: Marseille antique

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 17

Parmi les treize épaves pho-céennes retrouvées devant Marseille, deux d’entre-elles, les plus anciennes, longues de 8 m seulement, rappellent les “barquettes” et contenaient une trentaine d’amphores.

QUATRE CENTS TONNES !Quatre cents tonnes, vingt ton-nes, cinq tonnes… Quarante mètres, vingt mètres, huit mè-tres… les épaves racontent le commerce de gros, demi-gros ou détail, de haute mer, de cabotage ou de porte-à-porte comme l’a mis en évidence Luc Long, archéologue plongeur, conservateur en chef du patri-moine au DDRASSM de Mar-seille.Sur ces “pinardiers“, pas de cabines, la dizaine d’homme d’équipage dort à la belle étoi-le. Il n’y a dans la cale que les réserves de vie, l’eau douce et une cambuse. Priorité à la car-gaison.Les Acratopotes, autrement dit buveurs de vin rouge, sont si nombreux à cette époque que le “vin de table” va être bientôt être transporté en vrac, dans d’énormes jarres appelées do-lia, alors que les amphores sont réservées aux “grands crus”. Le dolium, également en terre cui-te, peut contenir jusqu’à 2.500 l, être haut de 1,70 m pour 1,20 m de diamètre. Installé à poste fixe au centre de la carène, ce n’est pas un “jetable”. Le ba-teau est construit à sa mesure. On cale les dolia dans la coque en construction avant de poser les barrots et le pont. Certains navires pouvaient en contenir quinze ! L’arrimage délicat et la solidité toute relative de ces énormes jarres de terre font courir un ris-que aux navigateurs. Au point que Robert Roman, chercheur en charpenterie de marine an-tique à la MMSH d’Aix en Pro-vence pense que ce système a dû être abandonné en moins de deux siècles pour des raisons de sécurité…Tout aussi savant est le charge-ment des amphores qui, en cas de tempête, ne doivent pas bri-ser les dolia. La forme de l’am-phore permet de les caler sur trois ou quatre niveaux à partir d’un premier rang pris dans un rack. La stabilité du chargement est confortée par quelques fa-gots glissés dans les intersti-ces. Quand un dolium se brise

en route, c’est une catastro-phe pour l’équilibre du navire. Leur état fait l’objet de tous les soins. Beaucoup d’entre eux ont des fissures colmatées par des joints de plomb…Quant au remplissage ou au vidage de ces bateaux-citer-nes, on peut laisser aussi li-bre cours à son imagination, penser à la cohorte d’esclaves portant chacun une amphore sur le dos, une main au des-sus de l’épaule tenant l’anse et l’autre, sur les reins, agrippant la pointe ? ou à deux, comme un palanquin, des tiges pas-sées entre les anses ? allant et venant entre ces navires et d’immenses entrepôts pendant que le capitaine surveillait d’un oeil l’arrimage de la cargaison, de l’autre l’état du ciel.

Emma Chazelles

MMSH : Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme

DDRASSM : Département Recherches Archéologiques Subaquatiques Sous-Marines

Dolia au musée de l’Ephèbe au Cap d’Agde

Un potier à son four (-550 av J.-C.)

L’amphore est fabriquée à partir d’argile épurée. Il faut de l’eau pour délayer l’argile, et du bois ou un autre combustible pour la cuisson. Le plus fréquemment, c’est le tour-nage qui est utilisé pour la façonner.Afin de la fabriquer, le potier façonne d’abord un fût, puis y ajoute col, pointe, anses.Une fois mise en forme, elle est mise à sé-cher au soleil, ou à défaut dans un lieu ven-tilé. Elle est ensuite mise à cuire pendant plusieurs heures.Le poissage est parfois utilisé pour la ren-dre plus étanche : on verse à l’intérieur de la poix liquide, de manière à former un film imperméable.

- Hauteur : 100 à 122 cm- Diamètre de la panse : 28 à 30 cm- Diamètre de l’ouverture : 15 à 18 cm- Hauteur de la lèvre : environ 6 cm- Masse : 24 à 26 kg (vide)- Capacité : 24 à 26 l. (1 amphore = 8 conges = 48 setiers = environ 26 l

Légende :1- lèvre2- col3- anse4- épaule5- panse6- pilon ou pied

Comment faire une amphore

Des

sin

: E

ric

Gab

a

Page 18: Marseille antique

18 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

MarSeilleSPORTS

Audi Med Cup Animations - CoursesDu 9 au 14 juin - La Rade du port Toute la journée

*Open Gaz De France De Marseille Du 1 au 5 Juin : Pré-qualificationsDu 6 et 7 juin : QualificationsDu 8 au 14 juin : Tableau final,Renseignements et inscription par courrier 25€ - Tél : 04.91.77.84.86.Tennis Club de Marseille – Entrée Gratuite

-Lundi 8 juin11 H, ouverture du village et 1er tour du tableau final 18 H 30, match principal19 H 30, soirée des partenaires Vernissage

-Mardi 9 juin11 H, fin 1er tour tableau final et 1er tour des doubles. 18 H 30, match principal19 H 30, soirée Jazz avec le groupe « show time »

-Mercredi 10 juin11 H, 8ème de finales simplesJournée des enfants patronnée par la Ville de Marseille« Fête le Mur » patronnée par le Conseil Général et GDF SUEZ 18 H 30, match principal.. 20 H, Soirée caritative avec ventes aux enchères au profit de l’Association : « Au tour de l’enfant »

-Jeudi 11 juin 11 H, 8e de finales simples et doubles.Journée de la femme et de la “Côte Bleue”. Apéritif offert par la Société Ricard et de nombreux lots à gagner 18 H 30, match principal.19 H 30, soirée Italienne «show time »

-Vendredi 12 juin12 H, 1/4 de finales simples et doubles.18 H 30, match principal19 H 30, Soirée de la Mer

-Samedi 13 juin14 H, 1/2 finales simples et doubles 20 H : Soirée de gala « white party » (soirée blanche) avec Joseph (Pépino)(réservations obligatoires, places limitées).Dégustation PUYRICARD

* Dimanche 14 juin15 H, finales simples et doubles - Remise des PrixTirage au sort de la tombola pour le projet U2T Paoli Calmette soutenu par la Caisse d’Epargne www.opengazdefrance-marseille.com

*Massilia Freeride Cup Démonstrations toute la journée4 sports extrêmes : le skate, le BMX, le windsurf et le kitesurfDu 24 au 28 juinQuartier de la Vieille Chapelle

*Les Voiles Du Vieux Port Les courses auront lieu dans la rade de MarseilleLe village installé au pied du Fort Saint-Jean sera ouvert au public avec au programme des expositions, des ateliers, des soirées …Remise des prix : Dimanche 21 juin à 17h30Du 18 au 21 Juin – Rade de Marseillewww.lesvoilesduvieuxport.com

*11eme Defi De Monte Cristo Natation en merLe défi : 5 km. Etape du circuit de la Coupe de France de Natation, nage avec palmes en eau libre, au départ du Château d’If.Le Championnat de Provence FFN : 2,5 km ouvert à tous les jeunes de 15 ans et plus.Le Défi Masters FFN : 1,5 km ouvert aux

nageurs de 25 ans et plusSamedi 27 juin 2009 : Le Défi Junior 1 km & Le Défi Open 2 kmwww.defimonte-cristo.comLes 27 et 28 Juin – Plage du Prado

*Etape Du Tour De France CyclisteEtape : Marseille – La Grande Motte : 196 km.Lundi 6 juillet www.letour.fr

*Mondial La Marseillaise A Pétanque Du 5 au 9 juillet Parc Borély,Le 9 juillet - La finale - Vieux Port – Quai d’Honneur – En nocturne

Programme de la finale10h00 1ère demi-finale15h00 2ème demi-finale17h00 Finale du grand prix féminin – EDF La Marseillaise19h00 Finale de l’écureuil - La Marseillaise des jeunes21h30 Finale du mondial www.lamarseillaise.fr

*Beach Volley Swatch Fibv World Tour Jeux et activités mis en place par les parte-nairesCoiffage et relooking - Dégustations, remise de goodies et tests nouveaux produitsExposition et essai de véhicules - Cyber espaceHappy hour au bar central...- Du 20 au 26 juillet - Plage du Pradowww.worldseries13.com

*Le Provencal 13 PétanqueDu 19 au 24 juillet - Au Parc Borelywww.asptt.com

*Tour De France A La Voile Dimanche 19 juillet : arrivée du ralliement Lundi 20 juillet : parcours Mardi 21 juillet : départ du ralliement vers La Seyne-sur-Mer (40 milles)Du19 et 20 Juillet www.tourvoile.fr

*CONCERTS

Festival de Musique Sacré Du 28 avril au 12 juin - Différents lieux, des églises ou l’opéra,

*Fête De La Musique Concerts organisés pour célébrer l’arrivée de l’été et la Fête de la Musique.Dimanche 21 Juin Dans toute la ville

*Musiques A Bagatelle - Les 25 et 26 juin - Parc Bagatelle Soirées classiques- Les 2 et 3 juillet - Parc BagatelleSoirées Jazz

*Le Festival De Jazz Des 5 Continents Du 21 au 25 juillet 2008 – Parc Longchamp

*EN SCÈNE

Les Soirées Du Ballet National De Marseille - « Success Story » Grand studio du BNM du 27 mai au 5 juin -

*Entremets Entremots Dégustation de 9 plats originaux. Quatre acteurs vous convient à leur table pour une soirée inoubliable où mets et mots se dégustent entre connaisseurs. Avec la participation exceptionnelle de l’Ins-titut Paul BocuseDu 8 au 20 juin –– Théâtre NoNo

*Ballet « Constance » Samedi 13 juin - Opéra de Marseille

*Le Festival de MarseilleDanses et spectaclesDu 17 juin au 13 juillet Hangar 15 - Grand Port de Marseille.

*LOISIRS

La Fête Bleue Les 26, 27 et 28 juin

*

Le Festival International Du Film Documen-taireDu 8 au 13 juillet 2008 – Divers lieux

*Cours De BouillabaisseUn jeudi par mois de 9h30 à 14h30. Tarif : 120€ par personneSur le Vieux Port

*Chef D’un Jour dans un Restaurant Gastro-nomiqueUn mardi par mois de 9h à 12h. Tarif : 120€ par personne

*Initiation A L’œnologieUn samedi par mois de 18h à 19h30. Tarif : 40€

*Randonnée Dans Les CalanquesLe vendredi et le samedi selon programma-tion. 15€. Accessible à tous. Enfant à partir de 8 ans accompagné d’un adulte responsable.

*PlongéeLe vendredi et le samedi de juin à septem-bre de 14h à 18h. Tarif : 55€ par personneAccessible à tous. Enfant à partir de 8 ans accompagné d’un adulte responsable

*KayakTarifs : ½ journée : 35€ par personne. Le mercredi et samedi de 9h à 12hJournée : 60€ par personne le dimanche de 9h à 16h

*Balade PalméeLe lundi, le mercredi et le jeudi de 14h à 18h. Tarif : 20€

*Les Visites PatrimoineSelon programmation. A partir 6,50€

”Manon des Sources“

*Les Randonnées ThéâtralesTarif adulte : 33€ - Tarif enfant : 16€

*Les Circuits Mp3Dans le quartier du Panier et Belsunce. Les deux plus vieux quartiers de Marseille.Le petit plus : à la fin de la visite, on repart avec son MP3 !

*EXPOSITIONS

Instantanés – Photographies De Jean-Marc Barr - Récits De Pascal ArnoldDu 15 mai au 15 juin A l’Espace Villeneuve Bargemon

*Exposition Bernard BuffetDu 13 mars au 7 juin A la Vieille Charité

*Marines et Ports Méditerranéens XVIIIe - XIXe et XXe SièclesDu 21 Mai au 20 septembre Au Palais des Art

*Les Collections Du Musée Des Beaux Arts Et Du Musee CantiniDu 10 juillet au 3 janvier 2010 A la Vieille Charité

*Julien Blaine Du 6 mai au 20 septembreAu Musée D’art Contemporain

*Fred Sathal Du 15 mai au 30 septembreAu Musée De La Mode

*Gaston Castel Et Les Artistes MarseillaisDu 1er juin au 31 décembreAu Musée D’histoire

*

Renseignements à l’Office de Tourisme04 91 13 89 00

agenda

Cabotages.fr

Acheter/vendre un bateau

Annonces d'emplois/formations

Sites utilesImmobilier du littoral

Puces marines Bourse des équipiers

Retrouver les professionnels

du nautisme de vos escales

PREPAREZ VOS ESCALES

E N M E D I T E R R A N E E

Mais aussi des rubriques pratiques

Cabotages/Coastwise est une production de Bastaque éditions16, rue Garenne, 34200 SèteTél. 04 67 17 14 30 - Fax. 04 67 17 14 32 - Email. [email protected]

Car

tes-

En-M

ain

(Sad

ik F

.200

9)

PREPAREZ VOS ESCALES

E N M E D I T E R R A N E E

PUB 1Cabotages 120x170 1/01/22 15:49 Page 3

Sous réserve de modification. Renseignements à l’office du tourisme ou à la mairie

Page 19: Marseille antique

sur www.japprendslamer.fr DÉCOUVREZ LES BONS GESTES À ADOPTER EN MER

RESPECTER L’ENVIRONNEMENT !Protéger les espaces maritimes et les écosystèmes marins, c’est :- utiliser des produits d’entretien biodégradables respectueux de l’environnement- ne jeter aucun déchet en mer- évacuer les vidanges dans les emplacements prévus à cet effet- respecter la faune et la flore en évitant de dégrader les fonds marins

RESPECTER LES CONSEILS DE SÉCURITÉ !Avant de sortir en mer :- vérifier le bon état de son embarcation et du matériel de sécurité- consulter la météo- porter son gilet de sauvetage- embarquer une VHF pour l’appel des secours (canal 16)- toujours prévenir un proche de sa sortie

De Navigatio

MEE_90052_AP.indd 1 25/05/09 19:06:47

Page 20: Marseille antique

20 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

© w

ww

.piq

uetd

esig

n.co

m -

2009

- Cr

édit

phot

os : D

. RD. R

. Di

. re

ctio

n de

la c

omm

unic

atio

n M

PM,

Piqu

et d

esig

n, A

. Bey

sens