mathÉmatiques et livres pour enfants -...

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MATHÉMATIQUES ET LIVRES POUR ENFANTS par Jean-Christophe Deledicq*, A partir d'un choix d'exemples de livres de fiction pour les enfants - albums, contes, romans - Jean-Christophe Deledicq montre comment le plaisir de la littérature, dans la variété des tons et des styles, de l'humour à la sagesse, peut (et devrait davantage) jouer un rôle important dans l'apprentissage des mathématiques. L es mathématiques inspirent rarement les auteurs de littérature, bien que l'histoire des mathématiques soit une partie non négligeable de la culture générale et que la connaissance de quelques classiques des problèmes de maths soit un plaisir à connaître, lire et raconter. Il se trouve cependant que la logique, les petits problèmes et autres énigmes, sortis du cadre simplement scolaire, ont toujours plu aux petits et aux grands enfants. Cela va des livres à compter pour 1 ou 2 ans jusqu'aux romans de Perec par exemple. Bien des cadres littéraires se prêtent au jeu mathématique : les albums, le théâtre, les contes, les nouvelles philosophiques, les romans. De même tous les tons et les styles d'auteurs permettent un jeu avec les maths : humour bien sûr, rigueur et pédagogie sou- vent, littérature pour le plaisir de lire, ludique pour l'envie de savoir, mais la place existe aussi pour les légendes, la morale, l'illustration, le dialogue,... Bien sûr, l'école et ses notes, la vie et ses comptes, la politique et sa logique, l'écono- mie et ses fonctions modifient l'image cultu- relle des maths et l'envie de lire des Uvres où affleurent les maths. Pourtant, la mathématique inspire des romanciers tels Eco, Calvino ou Queneau et nous allons le voir, pour le jeune lecteur encore peu « traumathisé », toute une litté- rature existe qui trouverait parfaitement sa place dans les bibliothèques, publiques ou privées, aux côtés de Marcel Pagnol, Jules Verne, Jacques Prévert, Marcel Aymé, Charles Perrault, Charles Dickens, Lewis Carroll, Jules Supervielle, Edgar Poe et bien d'autres, lesquels ont tous parlé des maths dans quelques-uns de leurs écrits ! * Jean-Christophe Deledicq est ingénieur et organisateur du concours Kangourou, jeu mathématique réunissant chaque année 2 millions 1/2 de jeunes Européens. Site Internet : www.mathkang.org N-199-200 JUIN 2001/131

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  • MATHÉMATIQUESET LIVRES

    POUR ENFANTSpar Jean-Christophe Deledicq*,

    A partir d'un choix d'exemples de livres de fiction pour les enfants- albums, contes, romans - Jean-Christophe Deledicq

    montre comment le plaisir de la littérature,dans la variété des tons et des styles, de l'humour à la sagesse,

    peut (et devrait davantage) jouer un rôle importantdans l'apprentissage des mathématiques.

    L es mathématiques inspirent rarementles auteurs de littérature, bien quel'histoire des mathématiques soit une partienon négligeable de la culture générale et quela connaissance de quelques classiques desproblèmes de maths soit un plaisir àconnaître, lire et raconter.Il se trouve cependant que la logique, lespetits problèmes et autres énigmes, sortis ducadre simplement scolaire, ont toujours pluaux petits et aux grands enfants. Cela va deslivres à compter pour 1 ou 2 ans jusqu'auxromans de Perec par exemple.Bien des cadres littéraires se prêtent au jeumathématique : les albums, le théâtre, lescontes, les nouvelles philosophiques, lesromans. De même tous les tons et les stylesd'auteurs permettent un jeu avec les maths :humour bien sûr, rigueur et pédagogie sou-vent, littérature pour le plaisir de lire,

    ludique pour l'envie de savoir, mais la placeexiste aussi pour les légendes, la morale,l'illustration, le dialogue,...Bien sûr, l'école et ses notes, la vie et sescomptes, la politique et sa logique, l'écono-mie et ses fonctions modifient l'image cultu-relle des maths et l'envie de lire des Uvres oùaffleurent les maths.Pourtant, la mathématique inspire desromanciers tels Eco, Calvino ou Queneau etnous allons le voir, pour le jeune lecteurencore peu « traumathisé », toute une litté-rature existe qui trouverait parfaitement saplace dans les bibliothèques, publiques ouprivées, aux côtés de Marcel Pagnol, JulesVerne, Jacques Prévert, Marcel Aymé,Charles Perrault, Charles Dickens, LewisCarroll, Jules Supervielle, Edgar Poe et biend'autres, lesquels ont tous parlé des mathsdans quelques-uns de leurs écrits !

    * Jean-Christophe Deledicq est ingénieur et organisateur du concours Kangourou, jeu mathématiqueréunissant chaque année 2 millions 1/2 de jeunes Européens. Site Internet : www.mathkang.org

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  • Nous commenterons une sélection d'une cin-quantaine d'ouvrages. Ces livres sont engénéral destinés à un public de 7 à 14 ansmais beaucoup restent plaisants et délec-tables jusqu'à 111 ans !Signalons simplement que ne font pas partiede cette sélection les livres intéressant unpublic d'âge uniquement supérieur à 14 ans.Cependant nous ne résistons pas à l'envie deciter quelques romans fort empreints de cul-ture mathématique, tout à fait digestes pourl'amateur de lecture non matheux et dispo-nibles en librairie : Le Théorème du Perro-quet de Denis Guedj , Oncle Petros et laconjecture de Goldbach d'Apostolos Doxiadis,Le Pré infini et d'autres nouvelles d'Italo Cal-vino, La Bibliothèque de Babel de Jorge L.Borges et aussi quelques ouvrages plus ancienscomme Alice aux pays des Merveilles de LewisCarroll, Eurêka d'Edgard Poe, pour ne citerqu'eux.

    AlbumsCommençons ce panorama par les albumspour les plus jeunes. Bien sûr les premierscontacts entre maths et lettres, dans leslivres pour la jeunesse se trouvent dans leslivres dits « albums à compter ». On ferarapidement le tri entre d'une part lessimples albums où les nombres sont présen-tés de 1 à 9 ou de 1 à 20 ou de 1 à 100 sansautre intérêt que les illustrations souventtrès belles et la simple liste bien connue deces nombres et, d'autre part, les albums plusréfléchis où l'auteur s'est appliqué à mettreen images quelques notions fondamentalesde la numération. Signalons ici quelquesouvrages de la deuxième catégorie.

    Ainsi, on passera rapidement sur Dix petitsamis déménagent (Mitsumasa Anno, L'Ecoledes loisirs, 1982) où l'auteur demande même« parcourez le Uvre plusieurs fois ». DansUn Canard, un autre canard (CharlottePomerantz, ill. José Aruego et Ariane

    Dewey, L'École des loisirs, 1987) compterrevient à savoir rajouter un, évidemment leprincipe de la récurrence est posé mais lelivre est un peu simple. On remarquera plu-tôt Comptines pour compter de CorinneAlbaut (Acte Sud, 1997 - 4-5 ans) qui allieavec justesse rimes, nombreuses illustrationset notions mathématiques. Par exemple lezéro, qui n'est rien, n'est pas oublié : « Unzéro c'est rien du tout. Ça ne vaut pas unclou, beaucoup de zéros bout à bout, ça peutfaire des millions, à la seule condition, quedevant la farandole, des zéros qui caraco-lent, un chiffre mène la danse. Les zérosprennent alors de l'importance ». Quelquesexpressions de la langue y sont aussi illustréescomme « être sur son trente et un » « Ah Babaet les 40 voleurs », « Les millefeuilles », « les

    Un Éléphant ça compte énormément, ill. H. Heine,

    Gallimard Jeunesse

    132 /LAREVUE DES LIVRES POUR ENFAJNTS

  • Et maintenant, voici des canards.Le canard du bas de la pageest'il différent des autres ?Non, mais en haut, il y a un renard.C'est lui qui est différent des canards !

    Semblable-différent, ill. M. Anno, Flammarion

    parts de quatre-quarts » ; les grands nombreset la notion d'ordre de grandeur, idée siimportante lorsqu'on parle des nombres, s'ytrouve aussi : « Combien le sable a-t-il degrains ? combien d'étoiles dans le ciel ? ».

    Cette approche par l'illustration des grandsnombres, des nombres incommensurables,de l'infini plus qu'humain et de l'infinimentgrand se retrouve dans Le Pot magique etLes Graines magiques de Mitsumasa Anno(Flammarion, 1990) c'est aussi l'idée princi-pale qui structure le bel album de HelmeHeine, Un éléphant ça compte énormément(Gallimard, 1981). Cette fois le texte compte,pardon, conte une véritable histoire, alliantl'humour à la connaissance des nombres deplus en plus grands. Cet album pour les 6-9ans est truffé d'images qui marqueront lesjeunes lecteurs. Les adultes qui lisent ceslivres à de jeunes auditeurs y trouveront demultiples points d'ancrage pour faire com-prendre les grands nombres, les progres-sions arithmétiques, géométriques et expo-nentielles sans faire appel à des notions pluscompliquées que les bouses d'éléphants et la

    longue vie de ces animaux qui mangent etdéfèquent, chaque jour plus jusqu'à 50 ans,puis chaque jour moins jusqu'à 100 ans. Unconte philosophique, parfois difficile à saisirpour un enfant qui lirait seul mais riched'enseignement grâce à des éléphants quicomptent énormément, dans le patrimoineanimalier aussi !

    La collection « Jeux mathématiques » deMitsumasa Anno au Père Castor-Flamma-rion allie jeux, pédagogie, rigueur et origina-lité. Certaines notions sont très bien illus-trées, comme Gauche et droite, Assembler-séparer, Semblable-différent, Labyrinthes(4-7ans). Quelques ouvrages plus subtilscomme La Machine magique illustrent, bienavant le lycée (!), la notion de fonction, toutcomme Des points, des points, et encore despoints qui fait aborder en toute simplicité lanotion de continu et de discret.

    Cette image d'un renard est formée de bandes de papiertissées entre elles, les unes blanches et les autres noires.Certains tissus à motifs sont obtenus de cette façon.

    Des points, des points et encore des points, ill. M. Anno,

    Flammarion

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  • y

    Image et magie des nombres,

    ill. A. Rosenstiehl, Larousse

    Dans la catégorie album, il est intéressantde noter quelques livres qui allient lecture,découverte et création. Le côté actif deman-dé au lecteur n'est pas dans sa tête maisdans ses mains ce qui n'empêche pas laréflexion. Par exemple, le livre à compter oùl'on découpe des œufs du livre et dans lequell'enfant participe à l'animation Savez-vouscompter les œufs ? (M.C. Butler, ill. M.Rutherford, Nathan, 1988 - 4/6 ans) intéres-sant concept que l'on retrouvera dans deslivres comme Des triangles, encore des tri-angles (M. Anno, Père Castor-Flammarion)ou dans des albums plus denses comme tousceux de Didier Boursin grand spécialiste despliages. Le livre Pliages magiques de DidierBoursin (Dessain et Tolra) est un grand clas-sique où l'on retrouve les pliages de tortue,grenouille ou chien et les fameuses cocottesen papier et autres salières de nos enfances.Mais Didier Boursin est aussi un inventeurgénial et pour le thème qui nous préoccupe,les mathématiques, nous nous devons de sou-

    ligner ces deux autres albums Mathémagiedes pliages (ACL-les éditions du kangourou,1998 - 8/10 ans) et Pliages & Mathématiques(ACL-les éditions du kangourou, 2000 -10/12ans) où l'on retrouvera, entre autres, faran-doles, cubes, étoiles et dodécaèdres... à partirde pliages d'enveloppes.

    Nous classons à part l'album Image etMagie des nombres (Larousse, 1980)d'Agnès Rosenstiehl. D'abord par le publicqu'il touche : on pourrait le lire à desenfants de 6, 7, 8, 9, 10 ans, et le relireensuite souvent jusqu'à 77 ans (comme ondit communément) !Ce Uvre est d'un style particulier, il n'a riendu roman, ni du conte, il prend aux albumsillustrés des idées et des images, des dessins,des figures en y apportant un foisonnementde petites touches discrètes qui en font unalbum pédagogique sans l'être vraiment nonplus. Il puise avec justesse dans les mathé-matiques tout ce qui s'accorde avec le pro-pos, sans tout vouloir y mettre afin deconserver l'harmonie qui est le lien secretde tous les composants de l'album. Commel'annonce le frontispice du livre : « Parcmultiplicational - réserve naturelle desnombres premiers », chaque page est un jeuavec le lecteur où le plaisir de lire peut êtresolitaire mais aussi partagé entre plusieurslecteurs : enfant et parent, élève et maître,l'un pouvant expliquer à l'autre, car commel'auteur le souligne malicieusement :« attention un nombre peut en cacher unautre ».

    Sans que cela ne vale plus que d'être signalénous citerons Dix-huit chameaux dans la viedes frères Sérendip (Jean-François Bory, ill.Michel Gay, L'École des loisirs) et Bannibalou l'histoire d'Albert (Anne Quesemand,Laurent Berman, Hachette) qui racontentdes problèmes bien connus comme le partagedes 17 chameaux et l'histoire des grains deriz sur un échiquier.

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    L'Ogre, le loup, lu petite fille et le gâteau, ill. P. Corentin, L'École des loisir

    En revanche, l'illustration d'un problèmetout aussi classique, celui des traversées,proposée dans le livre L'Ogre, le loup, lapetite fille et le gâteau de Philippe Corentin(L'Ecole des loisirs) nous a absolument pas-sionné. Bien que le sujet soit très connu :comment faire traverser la rivière à tout cepetit monde dans une barque à 2 places sansjamais laisser seuls ensemble le gâteau avec lapetite fille, la petite fille avec le loup ou l'ogreavec le loup, cet album est un régal, tant parsa forme originale, que par son écriture d'unhumour bien trouvé pour faire sentir aujeune lecteur toute la difficulté de résoudrelogiquement et pratiquement ce problèmepas si bateau que ça !

    Mélisande, d'Edith Nesbit (Grûnd) est unmagnifique album par ses illustrationsd'abord, mais aussi un conte plein de rebon-dissements et de surprises où les problèmesposés au prince et à la princesse sont davan-tage logiques et mathématiques que dans lescontes traditionnels. Les fées et les sorcièresont leur rôle et les références à la tradition

    du conte sont nombreuses, mais la réflexionet les maths sont bien présentes aussi. Lesmondes magiques s'entrecroisent et le pou-voir de l'intelligence triomphe car tout finitbien. Un prince qui conquiert la fille du roisans tuer de dragon ni faire la guerre, maispar sa logique pure, quelle leçon et quellebelle histoire !

    Dialogues, théâtreL'originalité de l'exposé, le pédagogue le saitbien, est aussi un moyen classique de sapalette de « transmetteur ». Deux exemplesfort intéressants dans la littérature à fondmathématique sont à mettre en avant : LeDémon des maths, de Hans Magnus Engens-berger (Le Seuil/Métailié) et Les Mathéma-tiques en scènes (sous la direction de Domi-nique Mègrier, éd. Retz, 1999). Dans le pre-mier livre le personnage principal, un jeunegarçon, Pierre, déteste les maths et fait descauchemars dans lesquels apparaît le démondes maths, qui chaque nuit revient hanter sespensées. Mais rapidement une complicité

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  • Le Démon des maths, ill. R.S. Berner, Seuil/Métailié

    s'installe entre les deux personnages (le livreest principalement un dialogue) car sansperdre une nuit, le diablotin rouge (quelquesillustrations égaient les pages) entreprendd'enseigner à Pierre les joies et les plaisirs àretrouver ou découvrir toutes les propriétésdes nombres. Même le lecteur, comme soushypnose, fera des maths sans s'en rendrecompte car le ton du livre est agréable, simpleet rythmé. Un livre très pédagogique (unesorte de Platon / Ménon du XXIe siècle !) oùdans le jeu maître-élève, le lecteur un peuPierre un peu démon, ne voudra plus, commele héros, que ses cauchemars devenus rêvesdisparaissent jamais une seule nuit. Dans lesMaths en scènes, l'approche est plus didac-tique dans la mesure où les auteurs proposentde monter des pièces de théâtre pour et avecles petits (7/10 ans). Les textes des pièces sontaccompagnés de quelques commentaires de

    mise en scène, de préparation pour que le tra-vail avec les enfants soit plus positif, et ques'amplifie le plaisir d'apprendre, de jouer, decomprendre et de transmettre. Nous n'avonspas encore expérimenté ce livre avec desélèves, mais la lecture seule apporte debonnes idées et laisse présager de bellesscènes. Notons que la collection (chez Retz)comprend aussi, entre autre, La Grammaireen scènes.

    Nouvelles, histoires courtes etcontesLorsque les problèmes de mathématiques setransmettent sous forme de contes, le péda-gogue est ravi ; quoi de plus réjouissant qued'utiliser les ressorts, les ficelles et tous lesmécanismes du conte pour faire passer dansla simplicité, la complicité et le plaisir, lesfondements des problèmes arithmétiques,géométriques et logiques.Parmi les livres de contes, de contes philoso-phiques, on recommandera Debout sur unpied de Nina Jaffe et Steve Zeitlin (L'Écoledes loisirs), Tsila et autres contes déraison-nables de Chelm de Muriel Bloch (Syros,1998), Le Zéro d'Oxyrophon de Pierre Moes-singer (Le Sorbier). L'humour, on le sait, àtoujours fait bon ménage avec les mathéma-tiques ; si, de plus, il s'associe aux pouvoirsévocateurs des contes, le résultat est biensouvent une réussite (comme dirait Alice). Sienfin, viennent s'y ajouter les merveilleusestouches d'amusements logiques familièresaux histoires juives on obtient de fort délec-tables nouvelles.

    Debout sur un pied est un livre remarquableoù la logique du lecteur est constammentmise à l'épreuve. En effet les auteurs nousracontent une courte histoire dans laquelleles héros, tantôt un rabbin , tantôt unrenard, un bouffon, un cocher ou un sage setrouvent coincés, pris au piège et bienembarrassés. Là, le discours s'arrête et les

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  • auteurs interrogent le lecteur : « Et vous queferiez-vous à sa place ? » La page qui suittermine l'histoire où l'on est heureux deconstater que le héros, souvent plus intelli-gent que nous, s'en tire toujours bien. Lesénigmes posées sont des classiques des pro-blèmes de logique.

    Dans les livres d'énigmes contenant de nom-breux problèmes souvent classiques mais quifont partie de la culture mathématique (doncde la culture) on peut citer pour les 8-10 ansKangourou au pays des contes et Les Fablesdu Kangourou (ACL - Les éditions du kan-gourou, 1998 et 1999). Pour un public plusâgé (à partir de 15 ans) citons un remar-quable ouvrage Le Livre qui rend fou (Ray-mond Smullyan, Dunod) qui fourmille deproblèmes logiques et aussi Les Mille et unenuits de la science (Philippe Boulanger,Belin, 1998) qui rassemble 1001 problèmes.

    Romans

    Dans le domaine des romans que l'on appelle« de jeunesse », nous aimerions soulignerquelques belles histoires qui se sont présen-tées à notre lecture. À l'opposé, dans la listede ceux qui ne nous ont pas passionnés,notons la nouvelle « Le problème » tirée desContes du chat perché, de Marcel Aymé,reprise et mal augmentée dans l'éditionillustrée par Roland Sabatier chez Galli-mard en 1985. Cette nouvelle est misogyne,amorale, contre l'éducation par les parents,prônant l'indiscipline, le mensonge et latromperie ; il s'agit sûrement d'un règle-ment de compte (!) de Marcel Aymé quinous a délecté avec bien d'autres histoires.Dans la même veine on trouve La Malédic-tion des maths à qui nous accorderons toutde même un prix d'humour noir. On peutaimer la provocation, et trouver de bonsexercices dans ce livre que d'autres quenous, aimeront sûrement...

    Enfin, outre Jules Verne que l'on peutconseiller aux jeunes lecteurs, et dont le conte-nu des ouvrages fut de la science- fiction etque l'on pourrait presque étudier aujourd'huipour la science et non plus pour la fiction,nous tenons à signaler les romans suivants :Échec au gouverneur, de José Féron Romano(Hachette Jeunesse, 1990), Le Trou dans lecalendrier, d'Abner Shimony (J.C. Lattes,1996), La Méridienne, de Denis Guedj(Seghers, 1987), Le Procès des étoiles, de Flo-rence Trystram (Seghers, 1979) et Longitude,de Dava Sobel, traduit de l'anglais (J.C. Lat-tes, 1996). Le premier raconte comment unjeune prodige des échecs joue son rôle depion, de fou du roi, de cheval (de Troie), detour (de guet), dans la fin d'un dictateur telque l'Europe en a connu. Un peu de mathsseulement dans ce livre, mais un grand pou-voir éducatif. Les quatre autres romans sonttous historiques : la réforme du calendrier parGrégoire XIII, la mesure d'un arc de méridienpar Delambre et Méchain, la même aventure,au Pérou, de la mesure de la méridienne parune équipe de l'Académie des Siences menéepar La Condamine et enfin l'invention parJohn Harrison du chronomètre. Ainsi l'His-toire après la logique, l'humour, les nombres,les contes de fées, l'illustration, le théâtre, lespliages, les jeux, les lettres, vient retrouver lemonde des mathématiques.

    Nous espérons avoir montré dans cesquelques lignes, que certains livres pour lajeunesse parlant un peu, beaucoup ou pas-sionnément de maths, pourraient être desclassiques si l'enseignement mathématique,comme celui du français, s'arrêtait parfoissur la littérature, et proposait, en débutd'année, des listes de Uvres à lire et si lesprogrammes envisageaient de les commenterdurant l'année scolaire en proposant à desgroupes d'élèves de les étudier en détails.Que les jeunes lecteurs se délectent desmaths en lisant ou de lire en pensant auxmaths, le plaisir reste dans les livres ! I

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