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Quel rôle des médias dans le lutte contre la violence armée et le terrorisme

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M E D I AM E D I AM E D I AM E D I AM E D I A SSSSSviolence et terrorisme

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© L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture – 2003

Directeurs de publication : S.T Kwame Boafo et Sylvie Coudray

Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation des faits figurant dans cet ouvrage, ainsi quedes opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l’UNESCO, et n’engagentl’Organisation en aucune manière.

Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquentde la part de l’UNESCO aucune prise de position, quant au statut juridique des pays, territoires, villes ourégions, ou des autorités qui les gouvernent, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

Conception de la mise en page et de la couverture : Irmgarda Kasinskaite

Publié en 2003 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP (France)

Impression par Vaishali Graphics India, H-969, Palam Extention, New Delhi (Inde)

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Kofi Annan, Mary Robinson and Koïchiro Matsuura vii

Abdul Waheed Khan ix

S.T. Kwame Boafo and Sylvie Coudray xi

Conférence sur les médias et le terrorisme 15

Le journalisme et la guerre contre le terrorisme 17Chris Warren

Médias en danger 43Mogens Schmidt

Les attaques terroristes du 11 septembre:Conséquences pour la liberté d’expression 51Toby Mendel

L’après 11 septembre et ses répercussions sur la liberté de la presse 59Jean-Paul Marthoz

Frères sans armes 67Philippe Latour

Vue d’ensemble 77

I. Remarques générales sur le terrorisme et les médias 77Oliver Clarke

II. L’impartialité est la meilleure défense 79Ronald Koven

Médias et terrorisme : études de cas 83

L’Afrique et les Etats arabes 85

11 septembre : conséquences pour la Liberté d’informationen Afrique du SudRaymond Louw 85

Terrorisme et médias au Zimbabwe 87Geoffrey Nyarota

L’après 11 septembre : point de vue arabe 89Nedal Mansour

L’Asie et le Pacifique 91

Terrorisme et journalistes en Afghanistan 91Faheem Dashty

La sécurité des journalistes au Timor-Leste est-elle assurée? 92Hugo Fernandes

Médias et terrorisme aux Philippines 94Justin Kili

Avant-propos

Préface

Introduction

Première Partie

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Deuxième Partie

Chapitre 7

Etude de cas I

Etude de cas II

Etude de cas III

Chapitre 8

Etude de cas I

Etude de cas II

Etude de cas III

Table desmatières

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Médias en danger : court aperçu de l’Asie du Sud-Est ?81Melinda Quintos de Jesus

Media in Danger : South East Asia at a Glance 96Chavarong Limpattaamapanee

L’Europe 99

Mourir parce que l’on est journaliste au Pays Basque 99Carmen Gurruchaga Basurto

Guerre, terrorisme et journalistes : l’expérience Tchètchène 102Anna Politkovskaya

Médias et terrorisme : l’état des recherches 105

Médias, violence et terrorisme en Afrique 107Andy O. Alali

Médias, violence et terrorisme dans le monde arabe 115Basyouni I. Hamada

Médias, violence et terrorisme en Europe 123Annabelle Sreberny et Prasum Sonwalker

Médias, violence et terrorisme en Amérique Latine 133Jorge Bonilla Vélez et Camilo Tamayo Gomez

Médias, violence et terrorisme en Amérique du Nord 137David L. Paletz et Jill Rickershauser

145

1. Résolution sur le terrorisme et les médias adoptée parles participants à la Conférence sur le Terrorisme et les médias,Manille, Philippines 147

2. Cérémonie officielle et remise du Prix mondialde la Liberté de la presse,UNESCO/Guillermo, le 3 mai 2002, Manille, Philippines:

I. Remarques de Mme Ana Maria Busquets de Cano 149Présidente de la Fondation Guillermo Cano

II. Remarques de M. Koïchiro Matsuura, 151Directeur général de l’UNESCO

III. Discours de son Excellence Mme Gloria Macapagal-Arroyo, 157Présidente de la République des Philippines

Etude de cas IV

Case Study IV

Chapitre 9

Case Study I

Case Study II

Troisième Partie

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Appendices

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Avant-Propos

Journée mondialede la liberté de la presse

3 mai 2002

Message Conjoint

Cette année, la Journée mondiale de la liberté de la presse est consacrée à la question du terrorisme etde la liberté des médias. Avant tout, elle est dédiée aux courageux journalistes qui prennent de grands risques,parfois au prix de leur vie, en exerçant leur profession.

Au cours de chacune des deux dernières années, plus de 50 journalistes ont été tués alors qu’ils couvraientdes conflits violents. De plus en plus souvent, ils sont tués, de manière délibérée, par des individus qui tententd’empêcher les médias d’exposer leurs activités criminelles, malhonnêtes ou terroristes, et non par accident dufait de la guerre. Le destin cruel de Daniel Pearl, pour ne citer qu’un cas tragique, illustre le danger de laprofession.

La menace terroriste contre la liberté et l’indépendance des médias peut être à la fois directe et indirecte.Bien trop souvent, le terrorisme implique des attaques violentes contre des reporters et des éditeurs, qu’ils’agisse de meurtres, d’enlèvements, d’actes de torture ou d’attaques à l’explosif contre les bureaux des médias.Une telle violence nous fait horreur. Les journalistes ont des droits, comme tout un chacun, droits dont ilsn’ont pas été dépossédés en choisissant leur profession.

La menace terroriste indirecte comporte deux aspects principaux. D’une part, les terroristes cherchentà intimider, à susciter la peur et la suspicion, et à réduire au silence les voix avec lesquelles ils sont en désaccord,ce qui crée un climat hostile à l’exercice des droits et libertés. D’autre part, le terrorisme peut inciter lesgouvernements à répondre par des lois, des règlements et des formes de surveillance qui sapent précisémentles droits et libertés qu’une campagne antiterroriste est censée défendre. En fait, au nom de la lutte contre leterrorisme, les principes et les valeurs élaborés au cours des décennies, voire des siècles, peuvent être mis enpéril.

Les libertés fondamentales, les droits de l’homme et les pratiques démocratiques sont les meilleursgarants de la liberté. Cette protection doit s’étendre à la liberté de la presse et à la liberté de parole en tantqu’éléments positifsen eux-mêmes et moyens de lutter contre le terrorisme. Le plus grand service que lesmédias peuvent rendre dans la lutte contre le terrorisme est d’agir librement, de manière indépendante etresponsable. Cela signifie qu’ils ne doivent pas se laisser intimider par les menaces ni servir de simples relaispour l’expression de sentiments patriotiques ou d’opinions incendiaires. Le rôle des médias est de rechercherla vérité et de la faire connaître; de présenter les informations et les points de vue avec objectivité; de choisiravec soin les mots qu’ils utilisent et les images qu’ils transmettent; et de défendre les nobles principes del’éthique professionnelle. Une presse responsable est une presse qui se réglemente elle-même. Les autoritéspubliques doivent résister à la tentation d’imposer aux médias des règlements draconiens.

À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, nous réaffirmons que la liberté de lapresse constitue un aspect indispensable de la liberté d’expression, notion plus vaste, droit que chacun acquiertà la naissance et qui constitue un des fondements du progrès humain.

Kofi A. AnnanSecrétaire général de l’Organisation des Nations Unies

Koïchiro Matsuura Mary RobinsonDirecteur général de l’UNESCO Haut Commissaire des Nations Unies

aux droits de l’homme

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Préface

Lors de l’adoption de la Constitution, en novembre 1945, les fondateurs de l’UNESCO ont donné le ton àl’action de l’Organisation, dans le domaine de la communication, pour les décennies à venir en la mandatantà promouvoir la libre circulation des idées par le mot et par l’image. La Constitution de l’UNESCO souligne le besoind’information et de communication à l’intérieur et entre les nations. Elle établit un lien entre la libre circula-tion des idées et l’objectif plus vaste qui est celui de la prévention des guerres et de la construction des défenses dela paix en développant la connaissance et la compréhension mutuelle des peuples afin que l’ignorance des façons d’être et devivre... la suspicion et la méfiance entre les peuples du monde ne soient plus une cause directe de conflit.

Les attaques terroristes du 11 septembre contre les Etats-Unis ont conduit la communauté internationale à seconcentrer sur le problème du terrorisme avec une intensité accrue. En l’espace de quelques semaines, leConseil de sécurité a voté, à l’unanimité, les Résolutions 1368 (2001), le 12 septembre 2001 ; 1373 (2001), le 28septembre 2001; et 1377 (2001), le 12 novembre 2001 et un groupe de conseil travaillant sur les Nations unieset le terrorisme a été créé à la demande du Secrétaire général, en octobre 2001.

Dans ce contexte, l’UNESCO, en tant que principale agence du système des Nations unies dans ledéveloppement de la communication, s’est efforcée à contribuer aux efforts anti-terroristes internationaux,en examinant le problème complexe des médias et du terrorisme. Au moment où les nations s’engagent dansdes guerres à la fois de type nouveau et conventionnelles pour combattre le terrorisme et résoudre les conflits,une information et une analyse précises deviennent nécessaires. Pour les adversaires comme pour lesprotagonistes, les médias sont importants parce qu’ils produisent de l’information, des symboles, des impres-sions et des idées qui sont importants lors de la bataille pour la conquête des cœurs et des esprits des nationset des peuples. Depuis le 11 septembre 2001, le paysage mondial de la liberté de la presse est devenu trèscomplexe. Le journalisme est en lui-même devenu un terrain de bataille au moment où les gouvernements, detous bords, cherchent à influencer la couverture médiatique pour qu’elle corresponde à leurs propres intérêtsstratégiques et politiques. En même temps, les journalistes et ceux qui travaillent pour les médias prennent desrisques tragiques pour couvrir et diffuser l’information sur le terrorisme et sur les divers efforts investis pourl’affronter.

Dans son allocution, lors de la conférence internationale sur les médias et le terrorisme organisée par l’UNESCOà Manille, Philippines, le 2-3 mai 2002, le Directeur général de l’UNESCO a constaté qu’un des résultats les plusinquiétants du terrorisme est qu’il peut conduire certains pays à imposer des formes de contrôle et de règlement qui entravent ladémocratie, la liberté d’expression, et les médias pluralistes, libres et indépendants. Il ne faut pas oublier que la sécurité n’est pasune fin en soi, mais le moyen pour un but, à savoir la jouissance paisible de nos droits et libertés. Il faut, par conséquent, accorderune attention particulière pour s’assurer que, en cherchant à instaurer une plus grande sécurité, les autorités gouvernementalesn’imposent pas de restrictions injustifiées à la liberté d’expression et à la liberté de la presse. La lutte contre le terrorisme nedevrait jamais saper la protection et la promotion des droits humains. Comme l’a indiqué le Secrétaire généraldes Nations unies, lors de son allocution au Conseil de sécurité, le 18 janvier 2002: Bien que nous ayons certainementbesoin de vigilance pour empêcher les actes de terrorisme et de la fermeté pour les condamner et les punir, cela ira à l’encontre dubut recherché si nous sacrifions, dans le processus, d’autres priorités essentielles, telles que les droits de l’homme.

Cette publication cherche à révéler certains des changements profonds qui portent atteinte aux libertésfondamentales, telles que la liberté d’expression et la liberté de la presse et des efforts investis, par la communautéinternationale, pour affronter les menaces terroristes.

Abdul Waheed KhanSous-Directeur généralpour la communication et l’informationUNESCO, Paris

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Introduction

Le tragique événement du 11 septembre 2001 a provoqué une intense discussion mondiale sur le terrorisme etla sécurité mondiale. Certaines des mesures adoptées pour l’amélioration de la sécurité mondiale ont desrépercussions sur les libertés civiques, en particulier sur la liberté d’expression. Comme l’UNESCO est laprincipale agence des Nations unies pour la liberté d’expression, M. Koïchiro Mastuura, le Directeur général,a décidé de commémorer la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai 2003, en appelant à uneConférence internationale avec pour thème principal : les Médias et le terrorisme.

L’objectif principal de la Conférence, qui a été organisée en collaboration avec la Commission nationale pourl’UNESCO, à Manille, Philippines, les 2-3 mai 2002, était de fournir une plate-forme pour échanger des idéeset des expériences sur les divers problèmes liés aux médias et au terrorisme, y compris comment les médiasexpliquent le terrorisme, en tant qu’arme politique, idéologique, religieuse et militaire dirigée contre les civilset comment le terrorisme affecte les médias et la sécurité des professionnels des médias.

Les 150 professionnels des médias et les représentants des organisations non-gouvernementales, des différentesrégions du monde, qui ont participé à la Conférence de Manille ont décidé que toute stratégie adoptée pourtraiter le problème de la menace terroriste doit, d’abord et avant tout, promouvoir un plus grand respect pourla liberté d’expression et des médias plutôt que d’imposer des restrictions sur ces droits fondamentaux. Ils ontsouligné que les médias ont le droit de parler du terrorisme, dans l’intérêt du droit qu’a le public de savoir, etde promouvoir un débat ouvert et approfondi sur le problème. Ils ont également invité les gouvernements, lesinstitutions, les organismes publics et les organisations médiatiques à faire tout ce qui est en leur pouvoir pourassurer la sécurité des journalistes en toute circonstance. Le meurtre brutal de Daniel Pearl, au Pakistan, en2002, a été un sinistre rappel des dangers auxquels les médias vont se trouver confrontés après les événementsdu 11 septembre 2001. La mort de Marc Brunereau, Johanne Sutton, Pierre Billaud, Volker Handloik, AzizullahHaidari, Harry Burton, Julio Fuentes, Maria Grazia Cutuli et Ulf Strömberg, tous tués en Afghanistan, s’ajouteà la triste litanie de ces journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur mission.

La publication comprend les textes édités, des interventions et les études de cas présentées à la Conférence deManille, ainsi que les rapports régionaux sur l’état de la recherche dans le domaine des médias, la violence et leterrorisme. La publication est divisée en trois parties. La Première partie présente les points de vue deresponsables des associations professionnelles de médias et d’organisations s’occupant de la liberté de lapresse, sur la question des médias et du terrorisme, ainsi que sur les conséquences des attaques terroristescontre les Etats-Unis, le 11 septembre 2001, particulièrement en ce qui concerne la liberté d’expression et laliberté de la presse.

Au chapitre 1, Chris Warren examine les conséquences des attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur laliberté de la presse et les droits civils dans 36 pays, et évalue l’ampleur des changements opérés, depuis lesattaques, sur le droit des journalistes ainsi que sur les droits humains fondamentaux, tels que la libertéd’expression. Il conclut que, même si dans la plupart des pays, le droit à des médias libres et indépendants estpréservé, on assiste, néanmoins, à des changements fondamentaux. Au chapitre 2, Mogens Schmidt soulignel’importance de médias forts et critiques comme une pierre angulaire pour toute société démocratique. Iltraite principalement de la région Basque, en Espagne et de la Colombie, où les médias et la vie des journalistessont mis en danger en raison des menaces, y compris les actes terroristes, visant à s’opposer à la liberté de lapresse. Il décrit les programmes de renforcement des capacités que l’Association mondiale des journaux(AMJ), avec le Forum mondial des éditeurs, ont introduits pour aider les professionnels des médias.

Au chapitre 3, Toby Mendel examine l’introduction de nouvelles lois anti-terroristes, par divers gouvernementsà travers le monde, à la suite des attaques terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis. Il indique que certainesde ces lois ont un effet négatif sur les droits humains fondamentaux, étant donné qu’ils restreignent la librecirculation de l’information et par là-même limitent le droit au public d’avoir accès aux informationsadministratives. Au chapitre 4, Jean-Paul Marthoz traite principalement des restrictions sur le travail desjournalistes et des médias en général, dans le monde de l’après 11-septembre, avec une attention particulièreà la guerre menée, par les Etats-Unis, en Afghanistan, en passant brièvement en revue les multiples facteursqui empêchent les journalistes d’informer de façon objective. Le chapitre 5 par Philippe Latour traite des

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dangers auxquels sont confrontés les correspondants de guerre qui couvrent les situations de crise. Il exploreles moyens les mieux adaptés pour améliorer leur situation financière et réduire les accidents mortels, ennotant qu’une plus grande sensibilisation et une expérience antérieure sont des facteurs décisifs. Au chapitre6, Oliver Clarke examine brièvement l’importance qu’il y a à protéger des médias libres et critiques pourgarantir la démocratie et la sécurité, en particulier, après le 11 septembre 2001. Dans le même chapitre, RonaldKoven indique que, face au terrorisme, qu’il soit l’acte d’acteurs non-étatiques ou de gouvernements, l’impartialitéest la meilleure défense de la liberté de la presse.

La Partie II contient dix études de cas sur les médias et le terrorisme d’Afrique, des Etats arabes, d’Asie, duPacifique et d’Europe, présentées lors de la Conférence de Manille. Les études de cas décrivent différentessituations et les effets que produit le terrorisme sur les conditions de travail des journalistes professionnels etdes rédacteurs en chef.

Trois études de cas d’Afrique et des Etats arabes sont présentées au chapitre 7. Raymond Louw examine leseffets du 11 septembre 2001 sur la liberté d’information en Afrique du Sud, y compris l’adoption de plusieursprojets de loi qui portent atteinte à la liberté de la presse. Geoffrey Nyarota donne un aperçu de l’interdictiondes médias au Zimbabwe, par le gouvernement et Nedal Mansour note que, après le 11 septembre 2001, lesmédias, dans les Etats arabes, se sont concentrés sur les facteurs qui, dans cette région, déclenchent le terrorisme.

Le chapitre 8 présente cinq études de cas d’Asie et du Pacifique. Faheem Dashty examine les effets du terrorismesur le travail des journalistes en Afghanistan et Hugo Fernandes décrit les menaces qui pèsent sur la sécuritédes journalistes dans le Timor-Leste, pendant et après le conflit dans la région. Justin Kili enchaîne avec unrapport sur la sécurité des journalistes dans le Pacifique avec une attention particulière à la Papouasie NouvelleGuinée. Melinda Quintos de Jesus présente la situation au Philippines, en notant que pour avoir unecompréhension, pleine et entière, des relations entre les médias et le terrorisme dans le pays, il faut uneformation générale sur le développement du terrorisme et de son utilisation par des communautés mécontenteset marginalisées. Enfin, Chavarong Limpattaamapanee décrit les diverses menaces qui pèsent sur la liberté dela presse, dans cinq pays de l’Asie du Sud-Est, et fait remarquer que les menaces ne sont pas seulement d’ordrephysique, mais viennent également sous la forme de pression publicitaire et d’interdiction de journaux par legouvernement.

Deux études de cas d’Europe sont présentées au chapitre 9. Carmen Gurruchaga Basurto examine lesdéveloppements dramatiques du groupe terroriste basque, l’ETA, et les menaces qui pèsent sur les journalistesrendant compte de leurs activités. Anna Politkovskaya décrit la situation difficile des journalistes qui couvrentles événements en Tchétchénie et cela en dépit des restrictions sévères imposées par le gouvernement et desmenaces émanant des militaires.

La partie III, comprenant cinq chapitres, traite de l’état de la recherche sur les médias, la violence et le terrorismemenée en Afrique, dans les Etats Arabes, en Europe, en Amérique Latine et en Amérique du Nord. Le butprincipal des rapports de recherche effectués à partir de documents était celui d’identifier et d’évaluer l’objectifet le contenu des travaux de recherche et des publications spécialisées qui ont été réalisés sur les médias, laviolence et le terrorisme politique, durant une période de quatre années, de janvier 1998 à décembre 2001.Chaque rapport régional donne une vision synoptique, suivie d’une évaluation critique, des études de recher-che et des publications spécialisées examinées, en indiquant les principales orientations identifiées et en émettantdes suggestions pour approfondir la recherche dans ce domaine.

Au chapitre 10, Andy O. Alali analyse les schémas de violence et de terrorisme en Afrique et la façon dont lesmédias couvrent de tels actes. Il note que, en dépit de la haute fréquence de toutes sortes de violences et deterrorisme en Afrique, il y a pénurie d’une documentation spécialisée dans le domaine. Au chapitre 11,Basyouni Ibrahim Hamada écrit sur la situation dans la Région arabe et fait remarquer que, bien que la Régionarabe a été décrite dans les médias occidentaux comme un environnement qui produit de la violence et du terrorisme lesspécialistes arabes en communication n’ont pas effectué beaucoup de recherches sur les implications de lacommunication dans la violence et le terrorisme. Annabelle Sreberny et Prasun Sonwalker soulignent également,au chapitre 12, que la relation entre les médias et le terrorisme n’a pas obtenu suffisamment d’attention de lapart des chercheurs européens en communication et que, sauf en relation avec les Balkans et la crise duKosovo, l’importance spécifique du rôle des médias dans les conflits et la violence politique n’a pas suscitébeaucoup d’intérêt pour une recherche soutenue dans la région.

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Au chapitre 13, Jorge Bonilla Veléz et Camillo Tamayo Gomez rendent compte de la situation en AmériqueLatine et font observer que le terrorisme ne semble pas être un sujet particulier pour faire l’objet d’unerecherche dans la région et que les études, en ce qui concerne le terrorisme et ses agents, ne cherchent pas àanalyser le terrorisme ou le rôle des médias. Dans le rapport final, au chapitre 14, David Paletz et Jill Rickershausercomparent et analysent un certain nombre d’études effectuées en Amérique du Nord sur la relation entre lesmédias, la violence politique et le terrorisme. Ils montrent la relative indigence de la recherche sur le thème,durant la période d’étude, et conseillent que la recherche future sur les médias, la violence politique et leterrorisme devienne empirique, cumulative, produire des données originales, construire sur les théories existanteset utiliser les concepts de la communication politique.

Cette publication est destinée à contribuer aux discussions en cours et aux réflexions sur le terrorisme, lesmédias et la liberté d’expression, la sécurité mondiale et les droits humains. Nous espérons que de tellesdiscussions et réflexions inciteront à davantage d’actions, dans le domaine en question, au sein de la communautédes professionnels des médias, des défenseurs de la liberté d’expression, des chercheurs et des décideurs.

S.T. Kwame Boafo et Sylvie CoudraySecteur de la Communication et de l’informationUNESCO, Paris, France

* http://www.ipu.org/english/home.htm

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15PPPPPARTIE IARTIE IARTIE IARTIE IARTIE I

Conférence sur les médias et le terrorisme

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LeJournalismeet la guerre

contre leterrorisme

Chris Warren

Président de la Fédérationinternationale des journalistes

(FIJ)

CHAPITRE 1

Introduction

Depuis les attaques du 11 septembre aux Etats-Unis, le monde est devenu unendroit moins certain et moins rassurant. La FIJ a fait un tour d’horizon dupaysage médiatique aussitôt après les attaques terroristes et notre premier rapport,publié le 23 octobre 2001, a révélé que le journalisme et les droits civiquestraversent une crise galopante.

Presque une année après, ces peurs se confirment. La déclaration d’une “guerrecontre le terrorisme” par les Etats-Unis et leur coalition internationale a créé unesituation dangereuse dans laquelle les journalistes sont devenus des victimes ainsique des acteurs clés couvrant les événements. C’est une “guerre” d’un genrenouveau. Il n’y a pas de combinaisons calculées de confrontation militaire ; il n’ya pas un ennemi clairement identifié, un objectif défini et une conclusion évidente.Inévitablement, cela crée une atmosphère de paranoïa généralisée avec desconséquences pour la liberté de la presse et le pluralisme.

Situation qui a également fait des victimes parmi le personnel des médias. Lemeurtre cruel de Daniel Pearl au Pakistan au début de 2002 - filmé d’une façon àvous faire froid dans le dos par ses meurtriers qui savent utiliser les médias - estdevenu le symbole des conséquences atroces du 11 septembre sur le journalismeet la liberté d’expression. Le meurtre de Pearl et le décès de Marc Brunereau,Johanne Sutton, Pierre Billaud, Volker Handloik, Azizullah Haidari, Harry Burton,Julio Fuentes, Maria Grazia Cutuli et Ulf Strömberg en Afghanistan, sont unindicateur sinistre des dangers auxquels sont confrontés les journalistes.

Dans un monde assoiffé de nouvelles, les gens ont besoin de comprendre lecontexte et les complexités de cette nouvelle confrontation. Ils comptent sur lesjournalistes pour leur fournir des informations fiables et dans les temps. Durantla guerre en Afghanistan, environ 3.500 correspondants étrangers parcouraientla région pour couvrir les événements.

Mais la guerre est rarement une bonne nouvelle pour le journalisme. Alors queles journalistes et le personnel des médias prennent des risques terribles pourfaire leurs reportages, les gouvernements, de tous bords, essaient, par intérêtpolitique et stratégique, d’influencer la couverture médiatique. La crise des médiasde l’après 11 septembre est partout présente, de l’Australie jusqu’au Zimbabwe,en passant par la Colombie, la Russie, les Etats-Unis et l’Ouganda. Les hommespolitiques se sont empressés d’ériger de nouvelles règles “anti-terroriste” contreleurs opposants politiques et dans la même lancée ont essayé d’étouffer la libertéde la presse.

Mais les médias doivent résister à la pression des hommes politiques qui sontprêts à sacrifier les libertés civiques et la liberté de la presse pour emporter leursbatailles de propagandes. La priorité doit toujours être la liberté de publier lesmots et les images - aussi désagréables soient-ils - pour aider le public à mieuxcomprendre les racines du conflit.

Ce rapport couvre les développements, dans environ 40 pays, jusqu’au début dumois de septembre 2002. On a utilisé abondamment les informations des syndicatsmembres de la FIJ, des défenseurs de la liberté de la presse et des organismes desdroits humains au niveau régional et international. Inévitablement abrégé, ledocument n’est pas complet. Seulement il révèle des changements profonds dansle comportement politique et l’impact qu’il a sur le journalisme. Cela devraitinquiéter les salles de rédaction et le public à travers le monde.

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Allemagne

La couverture des événements du 11 septembre a étéuniforme et, comme dans la majorité des pays,répétitive en s’appuyant sur les images fournies parCNN et reprises par les chaînes allemandes detélévision privées. A en croire plusieurs journaux, cesévénements ont rapproché le monde des médias et lepublic en raison de la surprise et du choc provoquéspar les attaques terroristes qui n’ont pas exigé unsurcroît de sensationnalisme dans le traitement del’information. Il s’agissait de l’un de ces raresévénements qui se passent de commentaires. Lesdifférents médias ont diffusé et échangé les images etl’information sur les attaques terroristes sans se livrerà la concurrence féroce et aux âpres négociations entreorganes d’information qui caractérisent le monde dela presse en temps normal.

La chaîne du service public ARD avait la plus largeaudience, suivie par la chaîne privée RTL, puis parZDF, la seconde chaîne publique, même si leurscontenus respectifs ne différaient pas beaucoup.

Comme dans de nombreux autres pays, les annoncespublicitaires ont été supprimées pendant les premièresheures qui ont suivi les événements du 11 septembre.

Tout de suite après les événements, le «pouvoir desimages» s’est fait sentir par le fossé d’incompréhensionqui semblait se creuser entre l’Occident et le mondearabe au moment où les médias montraient des genscélébrant les attaques terroristes. Ainsi que l’a faitremarquer un commentateur, des années d’effortsaxées sur une compréhension mutuelle ont été ruinéesen une seule journée.

À ce jour, aucune mesure antiterroriste officielle n’aeu d’incidence sur les médias. La législation prévueconsiste en lois très générales sur la sécurité : recueildes empreintes digitales pour les étrangers, vérificationdes comptes bancaires, limitation de la libertéd’association fondée sur l’obédience religieuse etpossibilité plus grande pour la justice allemanded’enquêter dans les pays étrangers.

Le président de la DJV, affiliée à la FIJ, a déclaré queles médias ne diffusaient pas suffisammentd’infor mations et d’analyses de fond (sur lefondamentalisme et le terrorisme avant les attaques.Il a également critiqué l’exploitation des images descènes de liesse en provenance de Palestine. Il s’agissaitlà de réactions émotives et très localisées qui nereflétaient pas le sentiment de l’ensemble du mondearabe. Enfin, il a remarqué que le fait que plusieurschaînes de télévision diffusaient exactement les mêmesprogrammes témoigne de la concentration du secteurprivé dans le monde des médias.

Afrique du Sud

L’Union sud-africaine des journalistes a dénoncé leharcèlement croissant des journalistes couvrant leconflit en Afghanistan et a déclaré que des dizainesde professionnels des médias du monde entier ontété arrêtés et physiquement agressés. Parfois, on leura même interdit d’accomplir leur missiond’information sur la guerre.

Le Secrétaire général de l’Union sud-africaine desjournalistes, Motsomi Mokhine, a déclaré que l’Unionétait horrifiée par les implications de la demande faitepar le Département d’Etat américain aux médias defaire preuve de prudence dans l’utilisation desinformations de la chaîne de télévision Al-Jazira, quia diffusé les opinions d’Oussama Ben Laden : nousestimons qu’une telle demande est une attaque contre la libertéd’expression et pourrait conduire à des injonctions du mêmeordre adressées aux journalistes par d’autres belligérants àl’appui ou à l’encontre de leurs propres intérêts.

Arabie saoudite

Un rapport de l’agence Reuters de Riyadh, daté du 10octobre dernier, signale que même si la traditioncontinue de dominer en Arabie Saoudite, lieu denaissance de l’islam, les journaux ont montré, en moinsd’un mois après les événements du 11 septembre,combien la liberté de la presse avait progressé depuisla dernière grande crise, survenue il y a onze ans, lorsde l’invasion du Koweït par l’Iraq en août 1990, où ila fallu attendre plusieurs jours avant que plusieursquotidiens du royaume ne mentionnent l’événement.Par contraste, les frappes américaines en Afghanistan- sujet d’actualité sensible - ont tout de suite fait laune de l’actualité.

Les rédacteurs en chef de journaux disent que la mainmise du gouvernement sur les médias a commencé àse desserrer au milieu des années 1990. Les journauxbénéficient à l’heure actuelle d’un degré de liberté sansprécédent. Mohammed al-Tunisi, rédacteur en chefdu quotidien économique arabe al-Eqtisadiah, a déclaréà l’agence Reuters que les journalistes saoudiensprofitent d’une liberté inexistante auparavant. Pluspersonne ne nous interdit de publier telle information. Lesdirigeants estiment que nous sommes suffisamment responsablespour tenir compte des intérêts de notre pays. Les journauxsaoudiens publient désormais des articles sur lesmauvais traitements dont les enfants et les gens demaison sont victimes, ainsi que sur la hausse duchômage.

Khaled Al-Maeena, rédacteur en chef d’Arab News, adéclaré à l’agence Reuters que la transparence est beaucoup

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plus grande - aujourd’hui vous ne pouvez plus rien cacher. Entant que journaliste, je me sens beaucoup plus à l’aisequ’auparavant. Les attaques du 11 septembre, ainsi queles frappes militaires contre l’Afghanistan, ont faitl’objet d’une couverture approfondie.

Au même moment, les journalistes sont devenus plusresponsables et les autorités plus à même de tolérerles critiques, pourvu que ces dernières soient exactes.Al-Tunisi déclare que les pouvoirs publics tolèrent les critiquesdans de nombreux domaines – il arrive qu’ils se fâchent maisils tiennent sérieusement compte de nos observations.

L’avènement de la télévision par satellite et d’Internetont été les principaux moteurs du changement enArabie Saoudite - et ailleurs dans la région. En ArabieSaoudite même, les rédacteurs pensent que le princeAbdullah a joué un rôle essentiel dans le relâchementde la pression exercée sur les médias, et cela depuisplusieurs années, depuis que le roi Fahd souffrant luia confié une grande partie des responsabilités du pays.Le ministre de l’Intérieur, le prince Naif, autrepersonnalité essentielle du régime, préside un conseild’information et tient des réunions d’informationsconfidentielles avec les rédacteurs en chef desdifférents médias. Si les portes s’ouvrent, les ministreset l’élite dirigeante du pays se montrent encore trèsprudents en matière de libéralisation totale de la presse.

Australie

La couverture par les médias des événements du 11septembre a été complète, omniprésente et, en règlegénérale, professionnelle. Les journalistes desprincipaux organes d’information - des tabloïdes auxjournaux de qualité disponibles sur le marché - onten général fait preuve de responsabilité dans la gestiondes questions liées à la tolérance.

Toutefois, plusieurs personnes qui ne sont pasjournalistes – comme les commentateurs de radio –ont fait preuve, au mieux, d’une rigueur beaucoupmoins grande dans le traitement de l’information surles questions raciales et, au pire, d’un racisme,beaucoup plus prononcé qu’à l’ordinaire, ouvertementdirigé contre les personnes issues des communautésmusulmanes. Cette évolution tient en partie au faitque les attaques terroristes sont intervenues dans uncontexte de tensions raciales qui existaient auparavanten Australie, suscitées par la polémique autour desdemandeurs d’asile, notamment les ressortissantsafghans et irakiens. Au regard des critères mondiaux,seul un petit nombre de demandeurs d’asile cherchentà entrer en Australie, environ 4 500 par an, arrivantpar bateau et passant généralement par l’Indonésie.

Toutefois, le gouvernement conservateur de JohnHoward cherche à faire de son refus de laisser entrer lesdemandeurs d’asile dans les eaux territorialesaustraliennes ou de les laisser débarquer sur le territoireaustralien une question politique de première importance.Aussi alimente-t-il l’incertitude et la crainte de l’ensemblede la population australienne. Les enquêtes d’opinionindiquent que plus de 70 % des personnes interrogéesapprouvent la position du gouvernement.

Au même moment, le gouvernement cherchedélibérément à rattacher le problème des demandeursd’asile à celui du terrorisme, en prétendant que lesévénements du 11 septembre justifient son approche,des terroristes en puissance pouvant chercher à entreren Australie comme demandeurs d’asile.

Cette situation suscite une certaine tension entre, d’unepart, la majorité des organes d’information et, d’autrepart, la communauté australienne, les partisans dugouvernement et le gouvernement lui-même reprochantaux médias de ne pas être en phase avec les vues de lamajorité des Australiens.

Depuis le début de la «crise» des demandeurs d’asile etles attaques du 11 septembre, le Gouvernement demandel’organisation de nouvelles élections législatives, cherchantà être réélu en invoquant sa capacité à diriger une politiquede lutte contre les demandeurs d’asile et les attaquesterroristes. Comptant sur la guerre contre le terrorisme,le gouvernement fédéral a introduit deux trains demesures. Le premier ensemble de mesures cherchait àamender le Commonwealth Crimes Act, afin de revoirles lois relatives aux secrets de l’Etat et les élargir au pointde rendre illégal tout obtention d’information par le biaisde fuites. En d’autres termes, un journaliste à qui onaurait confié, sous le sceau du secret, une informationpourrait se voir condamner jusqu’à deux ans de prison.

En janvier et en février 2002, la Media, Entertainementand Arts Alliance, les employeurs des médias et lesdéfenseurs de la liberté de la presse ont mené unecampagne contre cette loi, et quand les partis del’opposition au Sénat australien ont décidé de bloquer ceprojet de loi, le gouvernement a annoncé qu’il le retirait.Un second projet de loi sur la sécurité, également soumis,donnerait au gouvernement le pouvoir d’interdire lesorganisations qui menacent la sécurité de l’Australie oucelle d’autres pays. Ce projet de loi a également accorderaitdes pouvoirs plus grand aux services de sécurité :détention des suspects, interdiction d’informer, intercep-tion des courriels et autres informations. Devant la cri-tique d’un comité du Sénat et le rejet par les députés, legouvernement a dû revoir son projet de loi afin derépondre aux préoccupations relatives aux libertésciviques.

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En relation avec ces lois, un journaliste de la chaîneABC a été arrêté à l’extérieur d’un centre de détentionpour réfugiés dans le sud de l’Australie, le 26 janvier,et a été condamné pour s’être introduit sansautorisation sur le territoire du Commonwealth,propriété de l’Etat. Après de nombreuses protesta-tions, le gouvernement a dû abandonner lespoursuites.

Ces expériences illustrent deux choses : d’abord, quele gouvernement est prêt à ulitiser la guerre contre leterrorisme pour étendre son rayon d’action dans ledomaine des enquêtes et réduire la liberté de la presseet autres droits civils. Ensuite, que les campagnesconcertées pour la défense des libertés civiques attirenttoujours un soutien politique bi-partite et peuventremporter beaucoup de succès.

En Australie, la couverture médiatique est liée de façoninextricable avec le débat sur les demandeurs d’asile,dont la plupart sont des réfugiés afghans ou irakiens.Généralement, les journalistes professionnels onttoujours traité ces sujets avec beaucoup de compas-sion et de sensibilité.

Cependant, dans les autres domaines des médias, onassiste à une intolérance grandissante qui, il faut lesouligner, reçoit un certain soutien public. Cela metsouvent les médias traditionnels en désaccord avecles points de vue de la majorité. Pour une image pluscomplète sur ce point, se reporter à l’article de MikeSteketee dans le très récent numéro du magazineWalkley.

Canada

Comme dans tous les pays occidentaux, la couverturedes événements du 11 septembre par les médiascanadiens a été abondante, et dans la plupart des cas,professionnelle. Toutefois, les groupes de défense dela liberté d’expression ont réagi avec colère à l’annoncedu gouvernement fédéral d’élaborer un ensemble deprojets de lois antiterroristes à soumettre au vote duParlement. Une organisation de journalistes canadiensa exhorté le gouvernement à rejeter toute atteinte à laliberté d’expression ou toute proposition visant àaccroître un contrôle susceptible de bafouer les droitsfondamentaux des citoyens et de faire obstacle au tra-vail des journalistes.

Le président de la Canadian Journalists for Free Ex-pression (CJFE), Arnold Amber, a déclaré : nous pensonsqu’une campagne anti-terroriste efficace exige non seulement laprotection des libertés fondamentales, mais égalementl’affirmation vigoureuse de leur importance. Membre duComité exécutif de la FIJ, Amber est égalementdirecteur de la Newspaper Guild of Canada.

L’introduction du Projet de loi C-36, loi anti-terroriste, asoulevé un débat sans précédent au sujet de son impactsur les libertés civiques et la liberté d’expression. Sous lapression publique, le gouvernement a introduit unnombre d’amendements positifs au projet de loi initialque le Sénat a voté le 18 décembre 2001. Cependant,selon la CJFE, la formulation de la loi pourrait conduireà de sérieuses atteintes de la liberté d’expression.

Le groupe indique que la loi prévoit une plus granderestriction sur l’accès à l’information et donne lapossibilité à des poursuites contre ceux qui publientl’information que gouvernement “cherche à préserver”,même si elle est du domaine public. Elle accroît lespouvoirs de surveillance des services de l’Etat et empiètesur les communications privées des personnes. Une au-tre préoccupation est que ceux qui exercent paisiblementleurs droits à la liberté d’expression au service d’une causeou pour défendre les droits d’un accusé pourraient seretrouver poursuivis à cause des dispositions de cette loiconcernant la facilitation du terrorisme.

Entre-temps, à l’insu de la plupart des Canadiens, deuxautres projets de loi visant à contenir toute divergenced’opinion, lors de réunions internationales, promptementtraités au Parlement.

Le projet de loi C-35, actuellement en discussion au Sénat,introduit des amendements à la loi relative aux missionsétrangères et aux organisations internationales. Lesgroupes de défense des libertés civiques indiquent quele projet de loi C-35 élargit la définition de personnes protégéesau niveau international, ces dignitaires étrangers auxquelsest accordée l’immunité diplomatique. La nouvelledéfinition inclus aujourd’hui les représentants d’un Etatétranger qui est membre ou qui participe à une organisationinternationale. Selon certains groupes de défense deslibertés civiques, la loi référencée avec le projet de loi C-36 définissant l’interférence avec des personnes protégées ou lamenace d’interférence comme des actes terroristes,accorde au gouvernement des pouvoirs énormes pourbâillonner ceux qui veulent exercer leur droit légitime deprotester lors des rassemblements internationaux. Eneffet, certains critiques pensent que l’adoption du projetde loi est prévue pour réprimer les protestations quiauront lieu lors du prochain sommet du G-8 à Alberta.

Le projet de loi C-35 accorde à la police toute latitude ence qui concerne le contrôle, la restriction et l’interdiction d’accèsà tout lieu jusqu’à un certain point et de façon raisonnable dans lescirconstances. Toutefois, l’Association canadienne pour leslibertés civiques (CCLA) indique que le projet de loi nedonne aucune définition claire de ce que pourrait signifierraisonnable dans les circonstances. Le conseiller de CCLA, AlanBorovoy indique que la police ne devrait pas disposer depouvoirs pour déterminer les droits des citoyens à la

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liberté d’expression. Le rôle habituel incombant à la policedans une démocratie est celui de faire appliquer les jugementsfaits par d’autres, et non pas procéder à de tels jugements.

La Canadian Association of University Teachers aexprimé sa préoccupation quant au projet de loi C-42, en déclarant qu’il comprend des dispositions visantà empêcher toute divergence d’opinion, en particulierdans les activités au ton protestataire. Elle indique queles universités et les DUT sont susceptibles d’être lacible, étant donné qu’ils sont des centres où prospèrela diversité d’opinions (des étudiants en particulier),qui souvent s’exprime lors des rassemblementsinternationaux.

Colombie

Selon les groupes de défense des droits humains, lepourrissement du conflit armé qui a lieu à l’intérieur dela Colombie affecte virtuellement tout le pays et a, depuis1985, causé la mort de plus de 60 000 personnes - etaujourd’hui, environ 20 personnes par jour. Lesjournalistes font partie des victimes, avec plus de 80 tuésdurant les dix dernières années.

Des milliers de civils vivent dans la peur d’être enlevés,tués ou “disparaître” ; des milliers de gens sont forcés defuir leur maison, leur terre, leur travail, étant donné queles factions en conflit refusent de garantir leur sécurité etleur droit à demeurer en dehors du conflit. Environ 80%des victimes sont des civils, tués en dehors des zones decombat. Les assassinats, les menaces et l’intimidation desmembres d’organisations des droits humains, de syndicatset d’autres secteurs de la société civile font partie d’unecampagne sectorisée menée par les forces de la sécuritécolombienne et de leurs alliés paramilitaires dans le butd’affaiblir les défenseurs des droits humains.

La population civile prise entre deux feux, avec lesmilitaires et leurs alliés paramilitaires d’un côté et lesgroupes armés d’opposition de l’autre, ne reçoit ni laprotection humanitaire ni la protection des organisationsdes droits humains dont ils ont le plus grand besoin.Tous les mois, des milliers de gens se retrouvent déplacésen fuyant les zones de conflit armé et un nombreconsidérable d’entre eux est victime de violations desdroits humains commises par les forces de sécuritécolombiennes, par leurs alliés paramilitaires et les groupesarmés d’opposition. L’impunité est de règle, étant donnéque la grande majorité de ceux qui portent atteinte auxdroits humains ne sont nullement inquiétés pour les actesqu’ils commettent.

A la suite des événements du 11 septembre,l’administration américaine a intensifié sa contribution àl’effort de lutte “anti-terroriste” des autorités et on craintque le conflit intérieur ne s’amplifie.

Les droits humains ne cessent d’être bafoués et la situ-ation de se déteriorer à travers tout le pays. Situationqui a atteint un niveau d’urgence assez élevé depuis larupture, en février 2002, du processus de paix entrele gouvernement colombien et la Fuerzas ArmadasRevolucionarias de Colombia (FARC), forces arméesrévolutionnaires de Colombie.

La Commission des Nations unies sur les droitshumains a condamné l’impunité pour les violationsdes droits humains et des règles internationaleshumanitaires. Elle a également exprimé sapréoccupation quant aux liens supposés entre lesforces armées, la sécurité colombienne et les groupesparamilitaires et a déploré les attaques contre lesdéfenseurs des droits humains. Le gouvernementcolombien devrait entreprendre rapidement l’entièremise en oeuvre des recommandations des Nationsunies. Cela enverrait un signe et prouverait qu’il estdécidé à s’attaquer au problème de l’impunité et àtraiter la crise que traversent les droits humains dansle pays. Alvaro Uribe, qui a été élu président deColombie est vivement encouragé à mettre les droitshumains au centre de sa politique.

Chypre

La couverture par les médias des événements du 11septembre, a été, en règle générale, complète et s’estappuyée sur des informations rigoureuses. Elle ne s’estaccompagnée, par ailleurs, d’aucun problèmed’intolérance. Le Procureur général a annoncél’élaboration d’un nouveau projet de loi contre leterrorisme qui risquerait de présenter certains dan-gers pour la liberté d’expression et les libertés civiques.La seule loi appropriée qui a été votée a été celle quiratifiait la Convention internationale des Nations uniessur l’interdiction du financement du terrorisme. Lesautorités déclarent qu’elles n’imposeront rien qui soitde nature à mettre la liberté de la presse en péril, maisl’Union des journalistes chypriotes a indiqué qu’ellerestera vigilante.

Danemark

La totalité des médias danois, ou presque, ont vu leurprogrammation chamboulée par les événements du11 septembre. Les journaux, qui pendant des sièclesavaient toujours consacré leurs premières pages auxquestions nationales, quelle que pût être l’actualité àl’étranger, les ont remplacées par l’actualitéinternationale pendant plusieurs semaines. En règlegénérale, le compte-rendu de l’information a étéobjectif.

Les tentatives visant à blâmer l’ensemble desmusulmans pour ce qui était arrivé n’ont été que

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sporadiques et les représentants de la communautémusulmane au Danemark ont été fréquemmentinterrogés sur leurs opinions dans les médias.Toutefois, durant les premiers jours qui ont suivi lesévénements du 11 septembre, plusieurs personnes dedifférentes communautés ethniques ont été attaquéesou ont vu leurs boutiques endommagées.

La définition d’un terroriste a été beaucoup débattuedans les médias. Le terrorisme international a recoupéplusieurs autres thèmes d’actualité propres au pays,par exemple, l’engagement comme volontaire en Af-ghanistan, au début des années 80, du vice-présidentactuel du puissant parti libéral danois pour prendrepart au combat des Moudjahidins contre l’interventionde l’Union soviétique. Des photographies le montrantentouré de trois partisans, tous les quatre armés ethabillés en costumes traditionnels afghans, n’ont cesséd’être imprimées comme une référence constante dudébat.

Même si le gouvernement a déclaré qu’il “fera tout lenécessaire” pour enrayer le terrorisme, aucune dispo-sition législative qui serait susceptible d’influencer lesconditions de travail de la presse n’a encore vu le jour.La controverse a été présente tout au long du proces-sus national pour ratifier la réglementation européenneconcernant l’instauration d’un mandat d’arrêteuropéen.

Espagne

Un pays où les journalistes et le personnel des médiasétaient déjà la cible du terrorisme bien avant le 11septembre, c’est l’Espagne. Le Congrès de la FIJ quis’est tenu à Séoul du 11 au 15 juin, 2001, avaitfermement condamné les activités du groupe terroristeséparatiste basque ETA. Durant les mois qui ontprécédé le congrès, trois membres du personnel desmédias avaient été assassinés, plusieurs personnesblessées et beaucoup d’autres ont été menacées. LaFIJ a fait appel aux autorités politiques dans la régionbasque, l’Espagne et l’Union européenne pour pren-dre des mesures urgentes afin de permettre le libreexercice du journalisme dans la région basque.

Les événements du 11 septembre ont conduit à denouvelles initiatives nationales pour s’opposer à lamenace du terrorisme, mais des attaques aveugles ontété perpétrées à l’encontre de la société civile durantles sept premiers mois de l’année 2002 avantl’introduction, au mois d’août de la même année, d’unenouvelle loi interdisant le parti politique Batasuna,proche de l’organisation terroriste ETA. Bien queBatasuna nie avoir des liens avec l’ETA, legouvernement espagnol affirme que le parti est la pièce

maîtresse du réseau indéfini de commandos du groupearmé et dont les activités permettent de récolter desfonds et de procéder au recrutement. Les autoritésaccusent également Batasuna de fomenter la violencede rue par le biais de groupes de jeunes basquesradicaux et au travers de ses prises de position anti-espagnoles et son refus de condamner les attaques del’ETA. Le projet de loi est également soutenu par leParti socialiste. Toutefois, les législateurs des partisdans la région basque, la Catalogne, la Galicie et autrespetites régions se sont abstenus ou ont voté contre.Ces partis non-violents, dont certains sont pourl’autodétermination basque, craignent d’être à leur tourbannis.

Un juge a ordonné que les activités de Batasuna soientsuspendues pendant trois ans. Il a été interdit au partid’appeler à des manifestations publiques, à desrassemblements politiques ou à recevoir une part dufonds électoral. Mais les représentants électoraux duparti seront autorisés d’achever leur mandat auParlement régional basque où siègent 70 députés. Leparti a gagné 10% de votes lors de la dernière électionrégionale basque qui s’est tenue en mai 2001. Lesautorités ont déclaré que l’ETA a tué 836 personnesdepuis le début de ses attaques en 1968, a blessé 2.367personnes au cours de ses 3.391 attaques et a, depuis1991, sponsorisé 3.761 actions de violence des soi-disant violences de rue. Les médias ont été leur cibleprivilégiée.

Etats-Unis d’Amérique

Les organes d’information du pays, malmenés parvingt-cinq années de perte de crédibilité, semblentavoir regagné le respect des lecteurs et destéléspectateurs - du moins provisoirement - après lesattaques terroristes du 11 septembre.

Toutefois, selon le Newspaper Guild-CWA, organismeaffilié à la FIJ représentant les journalistes et le per-sonnel du secteur de la presse écrite, les journalistesont fait l’objet de pressions durant les jours qui ontsuivi les événements. Plusieurs d’entre eux étaientcensés être d’abord des patriotes, et ensuite des journalistes.

Au même moment, le Congrès s’est empresséd’adopter des lois répressives en matièred’immigration et de mise sur écoute, ainsi que d’autresmesures anti-terroristes qui ont soulevé de vivesinquiétudes quant aux libertés civiles.

Linda Foley, présidente du Newspaper Guild-CWA,signale que les journalistes et le personnel des médias– à tous les niveaux hiérarchiques du secteur – ont euen général une conduite responsable. Selon elle, les

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événements tragiques sans précédent du 11 septembreet l’actualité des jours qui ont suivi, où les journalisteseux-mêmes ont été la cible d’attaques, ontcomplètement mis à l’épreuve le professionnalismedes médias. La réaction des médias a été mesurée et abénéficié d’un large soutien face aux mesuresintransigeantes mises en vigueur par le Gouvernementmême si les nouvelles dispositions prises par ce derniersoulèvent plusieurs questions légitimes sur leursincidences sur les libertés civiles.

Linda Foley déclare qu’en dépit de certainesreprésailles exercées dans un premier temps contreles Américains arabes et musulmans - expressionémotive, le plus souvent, d’une angoisse créée par lesévénements du 11 septembre, les médias ont faitpreuve d’un haut niveau de professionnalisme et lesattitudes racistes ont été généralement ponctuelles.

Selon le Pew Research Center for the People & thePress, une société de sondage indépendante établie àWashington, 89 % des personnes interrogées se sontdéclarées satisfaites des médias lors de la premièresemaine qui a suivi les attaques. Du jamais vu ! Parcontraste, un sondage donné par Gallup Poll, l’annéedernière, signalait que le nombre de personnes quiavaient peu, voire pas du tout, confiance dans lacapacité des médias à rendre compte de l’informationde manière complète, exacte et juste avait presquedoublé depuis 1976.

Cette nouvelle fut accueillie avec satisfaction par denombreux journaux, car la tendance au scandale, ausensationnalisme et à l’information axée sur la vie desstars, combinée avec des réductions de personnel etde l’espace consacré à l’actualité, avait exacerbél’insatisfaction des lecteurs.

Toutefois, des problèmes sont apparus au début del’action militaire lancée le 7 octobre 2001, à une époqueoù les médias souhaitaient un accès à l’informationplus grand que celui que le Pentagone et la Maison-Blanche étaient prêts à leur offrir. Le 10 octobre,l’administration Bush a demandé à toutes les chaînesd’information de «faire preuve de jugement»lorsqu’elles diffusaient les déclarations de Ben Ladenet de ses associés, avertissant que ces déclarationspouvaient contenir des incitations à la violence codées.

La Newspaper Guild-CWA a mis en place un site Webconçu pour rendre publique toute attaque commisecontre les médias. Elle a également donné denombreux conseils et instructions sur la gestion de lamenace des attaques à l’anthrax après que les organi-sations de médias aient été prises pour cibles et qu’unjournaliste en Floride a trouvé la mort. Un débat

général sur le rôle des médias a eu lieu et où de nombreuxexemples ont été évoqués, ceux de journalistes et de per-sonnel spécialisé dans le compte-rendu de l’actualitévictimes de représailles pour n’avoir pas adhéré à lacroyance populaire de l’administration politique etmilitaire.

Aujourd’hui, les journalistes en sont à lutter pour lapréservation des valeurs d’un échange de l’informationlibre de toute censure dans un climat où l’opinionpublique laisse à penser que l’ensemble des gens ne sontque trop disposés à renoncer à leurs libertésfondamentales à la suite des attaques commises à NewYork et à Washington. Un sondage, conduit par ABCNews et le Washington Post, le 13 septembre, a indiqué que92 % des sondés étaient favorables aux nouvelles loissusceptibles de faciliter le travail du FBI et des autres pouvoirspublics dans les enquêtes menées sur des personnes suspectées departiciper au terrorisme. Ce soutien n’a que faiblement baissé,passant à 71 %, lorsque les gens ont répondu à la ques-tion de savoir s’ils étaient disposés à renoncer à plusieursde leurs libertés personnelles ainsi qu’à leur vie privée decitoyens américains.

Dans ce contexte d’angoisse publique généralisée, lesArabo-américains ont été harcelés et agressés et leurmusique a été censurée. Au Texas, le FBI a fermé lessites Web de langue arabe attirant sur lui, selon l’agenceReuter, l’accusation de conduire «une chasse aux sorcièresanti-musulmane. À Baltimore, le Sun a signalé que, surune chaîne de télévision, les présentateurs et unannonceur de la météo ont été priés de lire des messagesd’entier soutien aux efforts déployés par l’administrationBush dans la lutte contre le terrorisme. Devant les ob-jections des membres du personnel, le message a étémodifié afin d’indiquer qu’il émanait de «la direction dela chaîne.

L’administration Bush a, à maintes reprises, cherchéà bâillonner et à contrôler la circulation del’information. Ces tendances anti-démocratiques ontrencontré une résistance, qui a démontré les tradi-tions solides de démocratie du pays. Mais on craintque le processus n’ait encouragé une poussée vers uneauto-censure grandissante parmi les journalistes. Lesjournalistes critiques à l’égard du président Bush, telsque Tom Gutting, rédacteur en chef des nouvelleslocales pour le Texas City Sun, et Dan Guthrie,chroniqueur pour le Grants Pass Daily Courier dansl’Oregon ont tous deux été licenciés. En septembre2001, le département d’Etat américain a demandé àVoice of America, un réseau de radio financé par legouvernement américain, d’éviter de diffuser une in-terview avec le Moulah Mohammed Omar,responsable des Talibans en Afghanistan, en indiquantque diffuser l’interview serait fournir un moyen pour

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les terroristes de communiquer leurs messages et quesur le plan uniquement informationnel, cela n’était d’aucunintérêt”. Quand le personnel a protesté, le départementd’Etat a dû céder et l’interview a pu ainsi être diffuséle 25 septembre.

En octobre 2001, la conseillère à la sécurité nationale,Condoleeza Rice a contacté les cinq réseaux de diffu-sion pour les mettre en garde contre toute diffusiond’interviews d’Oussama Ben Laden de crainte que sesinterventions télévisées ne contiennent des messagescachés à l’intention des ses partisans pour les inspireret effrayer les Américains. Dans un autre cas, le débatradiodiffusé de Peter Werbe, animateur de la radiodiffusant des programmes sous licence, a dû êtreabandonné par la station de radio KOMYAM à SantaCruz, Californie, début octobre 2001 pour avoir remisen cause les actions militaires en Afghanistan.

Le 5 octobre 2001, le président Bush invoquant les raisonsde sécurité nationale ordonna aux plus hauts responsablesde son gouvernement de ne plus envoyer certaines in-formations confidentielles aux membres du Congrès decrainte qu’il n’y ait des fuites et qu’elles ne soienttransmises aux médias. Quelques jours plus tôt, le Wash-ington Post a fait un article dans lequel il révélait que lesmembres du Congrès avaient été informés qu’il y auraitvraisemblablement une nouvelle attaque terroriste auxEtats-Unis. Le président a dû aussitôt se rétracter devantles fortes protestations du Congrès.

Le 19 février, le New York Times écrit que l’Office ofStrategic Influence (OSI) du département de la Défenseavait proposé de divulguer de fausses informations pourles médias étrangers. A l’époque, le gouvernementcraignait que les étrangers voient la guerre contre leterrorisme comme une guerre contre l’islam. Devant letollé général la Maison-Blanche a ordonné la fermeture,car selon le secrétaire de la Défense, Donald Rumsfeld,le Pentagone ne ment pas au peuple américain.

Dés le début de l’opération militaire américaine appelée“Operation Enduring Freedom” en Afghanistan, enoctobre 2001, le Pentagone a essayé d’exercer un contrôlesur les médias. Pour filmer la guerre le gouvernementavait passé un contrat exclusif avec l’Agence SpaceImaging, empêchant la compagnie de vendre, de distribuer,de partager ou de fournir des photos prises par le satellitecivil Ikonos aux médias qui se sont ainsi retrouvés privéesde photos montrant le résultat des bombardementsaméricains pris par Ikonos, le satellite civil le plusperformant.

Alors que le Pentagone affirmait que l’accord signifiaitcompléter les images satellites du gouvernement, lesobservateurs faisaient remarquer que l’accord signifiait

que les médias n’auraient pas accès à ces images etpar-là même se retrouveraient incapables de couvrirles aspects les plus élémentaires des actions militairesen Afghanistan. Les journalistes étaient dansl’incapacité de vérifier, de façon indépendante, lesdéclarations du Pentagone. De plus, des dizainesd’organisations couvrant les opérations militaires ontété empêchées, à plusieurs reprises, de faire leur tra-vail par les troupes des forces spéciales américaines.

Les médias étrangers, eux non plus, n’ont pas étéépargnés. Le 12 novembre, les troupes américainesont bombardé et sérieusement endommagé les bu-reaux, à Kaboul, de la télévision Al-Jazira. En févriercette année, le Pentagone a refusé d’ouvrir une enquêtesur le bombardement, disant que le bâtiment étaitsuspecté d’abriter des militants d’Al-Qaida et que, parconséquent, était une cible militaire. Une circonstancequi a soulevé de vives protestations de la part de laFIJ et d’autres groupes de défenseurs de la liberté dela presse.

Les journalistes de CNN, CBS, The Army Times etd’autres organes d’infor mations ont reçul’autorisation, en janvier, de photographier et de filmer,à Kaboul, l’embarquement d’environ 20 prisonniersen partance pour la base navale de la baie deGuantanamo. Après que les prisonniers aient étéembarqués, les journalistes ont été informés qu’ils nepourront pas utiliser leurs photos. Un porte-paroledu Pentagone a déclaré qu’ils violaient les accordsinternationaux car les photos étaient “dégradantes”pour les prisonniers. Plusieurs médias sont passésoutre cet ordre.

Les médias ont également été la cible et les victimesdans la course aux lois contre le terrorisme. Un proc-essus qui provoque une des plus fortes inquiétudesparmi les défenseurs des droits civiques. Les limita-tions imposées sur la liberté de la presse par legouvernement touchent également la confidentialitédes messages sur Internet. Très peu de temps aprèsles attaques du World Trade Center à New York, lesagents du FBI se sont présentés aux bureaux des serv-ices fournisseurs d’Internet AOL, Earthlink etHotmail pour installer leur programme Carnivore surles serveurs, afin de surveiller les courriels et les cli-ents de ces services, dans l’espoir de glaner des infor-mations sur des attaques.

La surveillance d’Internet est devenu officiel le 24octobre quand la Chambre des représentants a votéle Patriot Act, permettant au FBI d’installer Carni-vore sur les services fournisseurs d’Internet, poursurveiller tous les courriels et garder une trace du surf-ing sur la toile des personnes suspectées d’avoir des

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contacts avec un pouvoir étranger. Pour cela, il suffisaitde demander la permission d’une entité légale spécialedont les activités sont secrètes. Les mesurescomprenaient également l’assouplissement des règlesconcernant la mise sur écoute des téléphones. Avecl’invasion de la vie privée, la carte blanche donnée auFBI menace la confidentialité des sources desjournalistes.

La technologie Encryption, qui permet aux utilisateursd’Internet de coder leurs messages pour les protégersubit les attaques du programme la Lanterne magiquedu FBI, un virus qui peut être envoyé aux cibles avecle courriel sans qu’ils le sachent et qui enregistre lesfrappes du clavier et par-là même la clé aux codesEncryption. Quand la presse a révélé ces pratiques, leFBI a nié posséder un tel dispositif, mais a admis quel’agence y travaillait. L’American Civil Liberties Un-ion (ACLU) a exprimé son “amère déception” à l’égarddu vote des lois anti-terroristes, qui sont le reflet àl’identique des propositions de lois initiales, hautementcontroversées, que l’administration Bush avait soumisà la Chambre des représentants et au Sénat.

Laura W. Murphy, Directrice du Bureau national del’ACLU à Washington, a déclaré que ce projet de loi avaittout simplement failli à son objectif : assurer une sécuritémaximale tout en réduisant les retombées négatives sur les libertésaux Etats-Unis. La plupart des Américains ne savent pasque le Congrès vient de passer un projet de loi susceptible derenforcer le pouvoir du gouvernement à envahir notre vie privée,à emprisonner les gens sans procédure régulière et à punir toutedissidence.

Le Congrès a déjà mal réagi à une attaque terroriste iln’y pas si longtemps. Un an après l’attentat à la bombeà Oklahoma City en 1995, il a voté la loi «Anti-Ter-rorism and Effective Death Penalty Act», une dispo-sition qui a sérieusement limité l’ordre de l’habeascorpus rendant beaucoup plus difficile aux criminelsreconnus coupables - y compris ceux qui attendent lapeine capitale – d’apporter de nouveaux élémentsprouvant qu’ils ont été condamnés à tort. Elle permeten outre l’utilisation de preuves secrètes en vued’entamer des procédures d’expulsion contre desimmigrés. Ces dernières années, un certain nombrede propositions visant à limiter les libertésfondamentales au nom de la sécurité ont sommeillédans les services administratifs de Washington etailleurs, attendant le moment opportun pourapparaître au grand jour en déjouant la vigilance d’unpublic distrait.

La nouvelle loi adoptée par le Congrès s’inspireétroitement du texte soumis par le procureur généralJohn Ashcroft et présenté comme la loi dite

«antiterroriste» de 2001 ou ATA. Le projet de loi s’estheurté à une vaste opposition de la part d’une largecoalition de groupes d’intérêts allant de l’Associationaméricaine de défenses des libertés (ACLU),l’Electronic Frontier Foundation (EFF), et l’ElectronicPrivacy Information Center (EPIC) aux groupesconservateurs comme Phyllis Schlafly’s Eagle Forumet l’Association Gun Owners of America.

Laura W. Murphy a déclaré que la nouvelle législationintroduite par le Sénat allait bien au-delà des pouvoirsthéoriquement nécessaires pour lutter contre leterrorisme aux Etats-Unis et que les retombées sur le longterme de cette législation sur les libertés fondamentales nepouvaient être justifiées. Selon Gregory T. Nojeim,Directeur associé du Bureau de l’ACLU à Washing-ton, ce projet de loi constitue une brutale régression. Il déclarequ’il est inconcevable de mettre en détention des immigrés quiont apporté la preuve devant les tribunaux qu’ils ne sont pasdes terroristes et qui ont eu gain de cause dans le cadre deprocédures d’expulsion.

D’autres menaces guettent. Plusieurs responsables àWashington ont tenté pendant des années d’interdirel’utilisation des techniques de cryptage sauf lorsqu’ilest possible d’assurer au gouvernement la possibilitéde décoder les messages en question. Aucune preuvene nous permet d’affirmer que les terroristes à NewYork et à Washington ont eu recours à une techniquede cryptage. En revanche, les défenseurs de la liberté,dans d’autres régions du monde, l’ont mise à profitpour soustraire leurs informations à l’emprise detyrans comme Slobodan Milosevic. Si les techniquesde cryptage sont déclarées hors-la-loi, seuls les hors-la-loi en profiteront.

Nombreux sont ceux qui craignent que cette quêteeffrénée de la sécurité ne finisse par limiterconsidérablement l’exercice du droit de prendre la pa-role en privé et de participer à des débats publics àtitre anonyme, ainsi que par affaiblir considérablementla déclaration des droits (Bill of Rights.

L’ALCU déclare que de nombreuses dispositionsrenforcent la capacité du FBI à espionner les citoyensaméricains soupçonnés d’«intelligence» et non dedesseins criminels. D’autres dispositions surl’«échange de données» portent directement sur lesinformations très personnelles relatives aux citoyensaméricains, dont disposent la CIA et le départementde la Défense, sans aucune restriction importante surleur emploi et leur redistribution.

L’histoire souligne clairement combien il est peu aviséde se fier à l’aptitude d’un Gouvernement à espionnerses citoyens de manière responsable sans qu’aucun

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contrôle ne soit exercé sur ce dernier. L’ACLU rappellela mise en place de l’impopulaire et confidentiel Coun-ter Intelligence Program (COINTELPRO), pro-gramme - créé par le directeur J. Edgar Hoover devantla crainte d’une hausse de la dissidence sociale - qui aharcelé et espionné un grand nombre de groupes deprotestation sociale pacifiques. La vaste majorité desorganisations et des individus qui ont fait l’objet d’unesurveillance étaient, de leur propre aveu, non-violents.Le révérend Martin Luther King a été l’une despersonnalités les plus éminentes à avoir fait l’objetd’une enquête dans le cadre de ce programme.

Selon Laura W. Murphy, les enseignements tirés desprécédents exemples de surveillance nationale miseen place de façon inappropriée et anticonstitutionnellesont d’autant plus pertinents à la lumière desévénements du 11 septembre. Elle poursuit endéclarant que l’administration en place ferait bien de serappeler la manière dont ses prédécesseurs ont trahi la confiancedu public. Selon elle, si le Congrès souhaite réellement mériterla confiance du peuple américain, il devrait s’assurer que salégislation antiterroriste prévoit toutes les mesures de vérificationet de prudence susceptibles d’empêcher la surveillance politiqueou idéologique des citoyens américains respectueux de la loi.

Outre la menace qui pèse sur les libertés civiles, lescraintes relatives à la liberté de la presse et à la protec-tion constitutionnelle du Premier amendement neconcernent pas tant la censure officielle - c’est-à-direune interdiction promulguée par le gouvernement -que l’autocensure, phénomène beaucoup plusdangereux qu’il ne l’était auparavant, étant donné laforte concentration qui existe dans le secteur desmédias à l’heure actuelle.

Finlande

Même s’il est difficile d’être précis, la couverture desévénements du 11 septembre a été approfondie etdétaillée. Les médias sont tout d’abord partis duprincipe que les attaques étaient étroitement liées auconflit israélo-palestinien. Cette opinion s’appuyait surles images télévisées montrant des Palestinienstriomphants. Toutefois, ces accusations contre lesPalestiniens ont cessé dès lors que les nouvelles del’implication d’Oussama Ben Laden sont devenuesplus claires. Néanmoins, certains médias continuentd’attribuer les causes profondes de ces attaques auvieux conflit israélo-palestinien, ainsi qu’à l’appuiapporté à Israël par les Etats-Unis.

Avisé et professionnel, le suivi des médias a consacréune couverture approfondie à l’islam et à sa large dif-fusion à travers le monde. La télévision et la radio ontdiffusé des débats instructifs où participaient desmusulmans vivant en Finlande, des représentants

d’autres religions, ainsi que des chercheurs et des ex-perts en politique. Le public finlandais a bénéficiéd’une série d’informations assez complètes sur l’islampendant une courte période de temps.

Au même moment, la couverture des événements du11 septembre a été tempérée par de nombreux arti-cles de journaux et, au moins, un documentaire télévisésur la tragédie de la population civile afghane et lasituation militaire qui existe dans le pays. Aucun rap-port n’a fait état de contraintes exercées sur le travaildes journalistes.

C’est le moment de renforcer l’action du Groupe detravail international des médias contre le racisme et laxénophobie (IMRAX), lancée il y a plusieurs annéespar la FIJ. Les journalistes ne peuvent influencerefficacement les questions d’actualité qu’ensensibilisant et en faisant reculer la méfiance et lesattitudes racistes. La FIJ pourrait jouer un rôle enassociant les journalistes de toute culture et traditionà la promotion de la solidarité professionnelle,éventuellement par l’organisation d’une conférenceinternationale ou de réunions régionales.

France

Selon le SNJ-CGT, le ton employé par les médiasfrançais dans la couverture des événements du 11septembre peut être résumé par le titre de l’éditorialdu Monde daté du 12 septembre : “Aujourd’hui, noussommes tous américains”. Même si nous ne pouvonsparler d’intolérance, une grande partie de la couverturedes événements manquait d’esprit d’analyse de lapolitique américaine. Il est regrettable que denombreux journalistes aient commis des erreurs parignorance en confondant les termes : arabe, musulmanet islamique, et en renforçant ainsi l’opinion denombreux Français que «musulman» signifie«terroriste». Le SNJ-CGT a publié un communiquéde presse critiquant cette approche, qui n’a étérapporté nulle part.

Le Syndicat a fait savoir que de nombreuses organi-sations médiatiques ont profité de l’incertitude quipesait à cette époque pour annoncer des réductions(suppressions d’emploi, baisses de salaire) durant lesjournées qui ont immédiatement suivi les attaquesterroristes.

Le gouvernement a annoncé une nouvelle législationantiterroriste, qui prévoirait notamment de surveilleret de repérer les messages sur Internet. De nombreuxjournalistes craignent que, sous le prétexte de parer àl’urgence de la situation et de localiser les réseauxterroristes, le gouvernement ne se prépare à adopter,sans accorder une grande part au débat ou au dia-

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logue, des mesures susceptibles d’avoir des incidencesgraves sur la liberté de la presse et les liberté civiles.

Les syndicats et les groupes de défense de la libertéde la presse condamnent ces manœuvres et exigentl’instauration d’un débat entièrement public, ainsi quel’examen des mesures législatives proposées, qui ontété annoncées, concernant les procédures de surveil-lance sur Internet, les techniques de cryptage et laconservation de l’information. Toutefois, il est àcraindre que, sous le couvert de l’urgence de la situa-tion suscitée par les événements du 11 septembre,certaines mesures qui figurent déjà dans le projet deloi sur la société d’information (LSI) ne soient re-prises dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne.

Examiné au début de l’été par l’Assemblée nationale,et actuellement réexaminé par le Sénat, ce texte seraalors amendé pour y ajouter des mesuresantiterroristes présentées par le premier ministre lorsde son intervention à l’Assemblée le 3 octobre dernier.Ces mesures pourraient également être reprises dansun projet de loi distinct sur les dispositions à prendreaprès les événements du 11 septembre. Toutefois, ellesseront, en tout état de cause, adoptées, remarque lepremier ministre Jospin, dans le souci de parer àl’urgence qui prévaut actuellement.

Les mesures visant à réglementer l’utilisation des tech-niques de cryptage limitent la capacité des utilisateursd’Internet d’envoyer leurs messages sur le réseau entoute sécurité. En dépit des nombreuses promessesde libéralisation complète des techniques de cryptage,les réglementations contenues dans le projet de loiLSI (Articles 41, 42 et suivants) continueront derestreindre la possession et l’utilisation des logicielsappropriés. Dans le cadre de poursuite judiciaire, letexte préconise le recours aux services de défense afinde casser les clés utilisées dans le codage des mes-sages.

Les mesures qui concernent la conservation del’information des utilisateurs d’Internet, c’est-à-direla possibilité de repérer l’utilisation de différentsréseaux publics (mobiles, fixes, etc.), visent à introduirele principe de «conservation préventive» des donnéesdans la législation française. Un décret devrait définirles types de données concernées par cette mesure,dont l’application est prévue pendant une période dedouze mois. Dans le cadre de la LSI, ces mesuresn’auraient probablement pas été adoptées avant leprintemps 2002 après avoir été examinées par la Com-mission nationale informatique et libertés.

La loi sur la société de l’information devait en faitfournir un cadre juridique pour toutes les activités

Internet en France. Des mesures potentiellementrépressives contenues dans le premier avant-projet deloi, comme la responsabilité criminelle desfournisseurs d’accès et de services Internet ou lecontrôle exercé par le CSA sur le contenu des sitesInternet, ont été abandonnées dans la versiondéfinitive du texte de loi. Toutefois, le projet de loi aannoncé la création d’un organisme de co-réglementation pour Internet, le Forum des droits del’Internet, auquel devraient participer desreprésentants du secteur privé aussi bien que dusecteur public, ainsi que les utilisateurs habituelsd’Internet. Toutefois, les droits de cet organismeréglementaire ne sont pas clairement définis.

Le 28 mai dernier, Reporters sans frontières, qui militeen faveur de la liberté totale en matière de contrôleset de contenu sur Internet, a dénoncé la création decet organisme de surveillance. Au début du moisd’avril, le Gouvernement a soumis la version presquedéfinitive de l’avant-projet de loi aux quatre groupesconsultatifs représentant les intérêts des citoyens.Toutefois, ces institutions étaient censées soumettreleurs commentaires avant la présentation du textedevant le Conseil des ministres et le vote à l’Assembléenationale. Or, l’insertion de dernière minute desmesures controversées contenues dans la loi sur lasociété de l’information dans le plan législatif de luttecontre le terrorisme complique le rôle de consulta-tion des quatre autorités indépendantes.

Grande-Bretagne

Comme dans de nombreux autres pays, la couverturedes événements du 11 septembre est arrivée à satura-tion. La presse britannique n’a pas fait preuved’intolérance dans le traitement de l’information sur lesdifférences ethniques/religieuses. De violentes bagarresavaient éclaté, cet été, dans plusieurs villes britanniquesopposant de jeunes racistes blancs à notamment de jeunesmusulmans asiatiques si bien que le Gouvernement et lapresse ont décidé de ne plus rendre compte desévénements liés au racisme devant la peur réelle de voiréclater des conflits ethniques.

L’Union britannique des journalistes signale que lesmédias obéissent servilement au Gouvernement et quela télévision, notamment la BBC, fait preuve d’une loyautéplus grande que les journaux en s’empressant de se conformer àl’approche décidée par le ministère de l’Information, en s’imaginantainsi sensibiliser la collectivité et assurer la cohésion de la nationface à une invasion nazie.

Le gouvernement s’est appliqué à ménager les minoritésethniques et religieuses, notamment les musulmans. LePremier Ministre a organisé des réunions avec les lead-ers musulmans et son message - nous sommes en guerre

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contre le terrorisme, et non contre l’islam - a trouvéun large écho dans les médias. L’Union britanniquedes journalistes déclare que le Royaume-Uni n’a pasété le théâtre d’agressions et de harcèlements com-mis contre les Asiatiques comparables à ce qui s’estproduit aux Etats-Unis, loin s’en faut. Du moins, detels actes de violence n’ont-ils pas été rapportés.

Toutefois, il existe une autre sorte d’intolérance - cellede la différence d’opinion. Les médias ont à peinecouvert les positions pacifiques (qui certes ont étélimitées mais qui, du moins, pouvaient offrir un intérêt)et ont émaillé leur information d’articles désobligeantss’attaquant à quiconque contestait la position desEtats-Unis, souvent en termes violemment insultants.

Les rapports de l’Union britannique des journalistessignalent des mesures de restriction générale àl’encontre des libertés civiles, même si elles ne visentpas spécifiquement la liberté d’expression. Les dis-positions prises par le Gouvernement britanniqueprévoient l’accélération des procédures d’extradition,des restrictions plus grandes dans l’octroi du droitd’asile, l’abolition du droit d’être jugé devant un jurydans certains cas (même si cette disposition existaitdéjà auparavant), des mesures de lutte contre leblanchiment de l’argent - mouvements financiersclandestins opérés par les personnes soupçonnées de«terrorisme», et l’adoption d’un mandat d’arrêt àl’échelle européenne (une étape majeure pour leRoyaume-Uni). Par ailleurs, un nouveau délitd’incitation à la haine religieuse a été introduit.

Les journalistes commettent déjà une infraction (aumême titre que le reste de la population) s’ilsn’avertissent pas la police de toute activité à laquellepourraient se livrer des organisations soupçonnéesde terrorisme. Il existe déjà une liste où sonténumérées ces organisations, quoique certaines, qui ysont mentionnées, ne soient pas des g roupesterroristes (par exemple, les organisations de libérationdu peuple kurde, tamoul, etc.).

Bien que personne ne conteste les mesures prises pourempêcher le terrorisme, il y a cependant, une certaineinquiétude quant à la mise en application des lois anti-terroristes qui affectent les journalistes. Cetteinquiétude est illustrée de façon frappante par les prot-estations et les critiques des défenseurs des droitsciviques qui ont accueilli la loi Anti-Terrorism, Crimeand Security Act 2001 du gouvernement britannique,votée en décembre 2001. Le Parlement l’a vite adoptéecomme toutes les mesures, introduites dans la paniquesuscitée par la propagande du gouvernement, le sontgénéralement. Pour la première fois, en temps de paix,le gouvernement se donne le droit d’emprisonner des

gens sans procès. Un droit qui s’exerce sur les citoyensétrangers, demandeurs d’asile ou cherchant à séjournerau Royaume Uni, soupçonnés d’activités terroristesou soutenant le terrorisme. Un droit qui nie le droittraditionnel de l’habéa corpus contre les internementsarbitraires.

Pour promulguer cette loi le gouvernement devaitdéclarer un “état d’urgence nationale” afin de reporterl’application de l’Ar ticle 5 de la Conventioneuropéenne sur les droits humains. La Conventionvenait à peine d’être introduite, une année plus tôt,dans le droit britannique sous la 1999 Human RightsAct. Pour certaines personnes, ce processus démontrele non fondé de la réaction hystérique du RoyaumeUni à la menace supposée du terrorisme. Il n’y a euaucune couverture médiatique critique de ladéclaration de l’”état d’urgence”, même si cela a étémanifestement absurde, car il n’y avait et il n’y a pasd’urgence nationale. Il n’y a pas eu d’activités terro-ristes au Royaume Uni depuis le 11 septembre, endépit d’un certain nombre d’annonces officielles, faitesà grand renfort publicitaire, selon lesquelles lesattaques étaient imminentes.

Mais la loi n’est pas entièrement nouvelle, étantsimplement une extension d’un processus que lesgouvernements britanniques (il n’y a aucun différenceentre les deux principaux partis) suivent depuislongtemps. Le Terrorism Act 2000 promulgué avantles atrocités qui ont eu lieu à New York contenait desmesures répressives qui pouvaient être utilisées contreles journalistes. Une liste d’organisations terroristes yfigurait, avec l’indication que ne pas d’informer lapolice de leurs activités serait considéré comme undélit.

Ainsi, tout journaliste qui serait en contact avec unede ces organisations et n’informerait pas la police toutce qu’il sait pourrait se retrouver emprisonné. Il enexiste environ 25. Certaines ont cessé d’exister depuisdes années, mais d’autres sont assez bien connues auRoyaume Uni comme des groupes de libération aveclesquels les journalistes travaillent régulièrement. Ilnous faut préciser que ces pouvoirs n’ont pas encoreété utilisés contre des journalistes. Il se peut quel’intention principale soit la dissuasion.

Comme partout ailleurs, les médias ont tendance àsuivre la direction politique générale du gouvernementet tous deux étaient déjà pro-américains. Après le 11septembre cette tendance l’a emporté sur le reste. Lacouverture des objectifs de guerre de la coalition étaitdénuée de toute critique et pendant un mois ou deuxles voix opposées à la guerre avaient été violemmentattaquées. Ce problème a été la non remise en ques-

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tion du consensus et ne se rapportait, en aucunemanière, aux réactions à l’événement concernant lerôle militaire de la Grande Bretagne. La BBC enparticulier a couvert l’événement sans émettre lamoindre critique.

Toutefois, il faut indiquer qu’il y eut d’excellentescouvertures médiatiques et pas seulement dans le jour-nal le plus évident, The Guardian, principal journal degauche. En particulier, le Daily Mirror, second journalnational le plus lu, et quoique acquis à la cause deBlair, il a adopté une position critique en mars 2002avec des couvertures largement appréciées par lesjournalistes. Le Syndicat national des journalistes aadopté une série de six résolutions, en mars 2002, lorsd’un débat spécial sur “la guerre contre la terreur” àsa Annual Delegate Meeting.

GrèceGrèceGrèceGrèceGrèce

L’Union des journalistes des quotidiens d’Athènes,premier groupe de journalistes en Grèce, signale quecertains médias ont essayé de profiter de l’incertitudeaccrue régnant dans le pays, ainsi que des profondespréoccupations de la population. A en croire unedéclaration faite par le Conseil exécutif de l’Union,certains journaux et chaînes de télévision ont essayéd’accroître leurs parts de marché ainsi que leursbénéfices publicitaires au mépris des critèresprofessionnels lorsque la campagne militaire a débutéet que l’on a commencé à faire état de la peur et de lapanique qui avaient saisi les Américains.

Un exemple extrême de cette tendance nous a étédonné par la chaîne de télévision Tempo, qui a faitl’objet d’une enquête menée par le Conseil pour avoirfabriqué un rapport supposé provenir directementd’Afghanistan et présenté comme «une exclusivitémondiale». Le Conseil a également condamné lapartialité du traitement de cette information.

Même si certaines inquiétudes ont été soulevées parl’autocensure et la campagne de lutte contre leterrorisme susceptibles de conduire à des mesures derestriction des libertés individuelles, aucune proposi-tion précise n’a été faite dans ce sens à ce jour. L’Uniona lancé un appel vigoureux à l’attention des journalistesles exhortant au professionnalisme dans le traitementde l’information et a encouragé la FIJ à conduire unecampagne internationale en faveur de la tolérance etdu journalisme de qualité.

Hong Kong, Chine

L’Association de journalistes de Hong Kong rapporteque le gouvernement a, le 12 avril 2002, rendu publicun projet de loi visant les organisations terroristes et

le financement. Le gouvernement de Hong Kongindique que face au problème du terrorisme il adopteune approche minimaliste et qu’il s’abstient derenforcer les pouvoirs de surveillance et de détention.Après la lecture préliminaire, le projet de loi ne sem-ble pas être aussi draconien que les nombreuxobservateurs le craignaient.

Entre-temps, les autorités chinoises à Beijing ontutilisé la “guerre contre le terrorisme” pour obtenirle soutien international dans leur campagne contreles groupes musulmans luttant pour l’indépendancedans le nord-ouest du pays. Les pressions continuellesque le gouvernement continental fait subir auxdéfenseurs de la liberté d’expression, aux utilisateursd’Internet et son refus, indépendamment du 11septembre, d’accorder une liberté d’expressionsignificative demeure une préoccupation majeure pourles journalistes et les défenseurs des droits de l’humaindans la région.

Hongrie

La Hongrie, nouveau membre de l’OTAN, a soutenul’appel du président Bush à prendre des mesures pouréviter que des attaques comme celles du WTC et duPentagone ne se reproduisent. Aucune réglementationspéciale n’a été mise en oeuvre concernant les activitésde la Presse, mais le Parlement à adopté une motioncomplexe qui a amendé des clauses statutaires pourrendre difficile le blanchiment d’argent.

Dès le 1er janvier 2002, les compte-rendus anonymesont été interdits, les cash-flows limités, les banquesobligées à informer les autorités de tous les transfertsd’argent au dessus de 2 millions de florins hongrois(environ 8.000 euros) et les titulaires de comptes, dontles ressources ont une origine non clairement définie,ont dû apparemment répondre à des questionsdéplacées. Des questions si personnelles (niveaud’études, possession de biens immobiliers etc.) qu’ellesont eu tendance à empiéter sur les libertés civiles.Cependant, dans l’ensemble, la politique et lesréglementations concernant les libertés civiles en tantque telles ou la liberté de la presse sont demeuréesinchangées.

A l’intérieur du pays il y eut un large débat surl’événement et ses origines. La catastrophe a étélargement couverte, avec un commentaire continu surla radio publique. Il y eut des discussions amères surqui était responsable. Istvan Csurka, ancien drama-turge, sympathisant du parti hongrois d’extrêmedroite, le MIEP (le parti a perdu tous ses sièges auParlement lors du premier tour des élections du 7avril), a déclaré que l’événement qui a frappé les Etats-

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Unis était certes triste, mais quand il s’agit deresponsabilité, les Etats-Unis ne sont pas seulementvictime, mais ont indirectement motivé les attaqueselles-mêmes. De vives polémiques ont suivi, avec descontributions précieuses dans le quotidienNépaszabadsag, le premier quotidien hongrois et deuxhebdomadaires Elét és Irodalom (Vie et littérature), et168 Ora. Au même moment, les Hongrois ont expriméleurs points de vue, ouvrant un nouveau chapitre dansle journalisme électronique.

Inde

L’ensemble des Indiens s’accordent à reconnaître lanécessité de contrer le terrorisme dans un paystraditionnellement confronté aux actions et aux men-aces terroristes, telles qu’elles sont perçues auCachemire et dans d’autres parties du pays. Cependant,les journalistes ont rejoint une large coalition forméede différents groupes qui ont vivement protesté contreles récents changements introduits dans les lois quimenacent les libertés civiques.

L’Union nationale des journalistes (Inde) et l’Unionindienne des journalistes signalent que, de manièregénérale, la couverture par les médias des attaquesperpétrées à New York et Washington a étéprofessionnelle et objective même si une partie desorganes d’information ont essayé de mettre l’accentsur le fondamentalisme islamique dans un soucivraisemblablement d’assimiler les attaques terroristesau terrorisme perpétré en Inde.

Toutefois, nombreux sont ceux qui pensent que la«campagne mondiale» commence à apparaître commeune campagne militaire sélective et brutale visant àassurer les intérêts stratégiques de l’Occident au niveaumondial, notamment des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Les médias peuvent jouer un rôle majeuren s’assurant que la campagne met l’accent sur leterrorisme et les moyens diplomatiques susceptiblesde résoudre les problèmes responsables de la montéeen puissance de ce dernier.

En réponse aux vives préoccupations de sécuriténationale et en raison de la détérioration des relationsavec le Pakistan et de la violence grandissante auCachemire et ailleurs, le gouvernement indien aintroduit l’arrêté Prévention of Terrorism Ordinance(POTO), une version modifiée de la loi sur le Terror-ism and Disruptive Activities (Prevention) (TADA)de 1985, aujourd’hui caduque, qui a permis la tortureet la détention arbitraire de groupes minoritaires etd’opposants politiques. POTO a été adopté, aprèssignature du président le 24 octobre 2001. Arrêté quiest demeuré en application durant six semaines. Il a

été introduit comme projet de loi durant la sessionparlementaire d’hiver et en mars 2002 a été adopté.

A la fin des années 80 et début 90, sous la loi TADA,des dizaines de milliers de détentions politiques, detortures et autres violations des droits humains ontété commises contre les musulmans, les Sikhs, lesDalits, les syndicalistes et les opposants politiques.Face à la montée d’une opposition contre la loi, legouvernement indien a reconnu ces abus et en 1995la loi TADA est devenue caduque. Les groupes dedéfenseurs des droits civiques, les journalistes et lespartis d’oppositions, les groupes des droits desminoritaires et la Commission Nationale indienne desdroits de l’homme ont sans équivoque condamnéPOTO. La promulgation aujourd’hui de la loi sur laprévention du terrorisme (POTA) donne unedéfinition plus large du terrorisme qui inclus les actesde violence, les perturbations des principaux servicesavec l’intention de menacer l’unité et l’intégrité de l’Inde ou desemer la terreur dans n’importe partie du peuple.

Depuis son introduction, le gouvernement a ajoutédes sauvegardes supplémentaires pour protéger lesdroits individuels, mais ceux qui critiquent POTAsoulignent que les sauvegardes ne vont passuffisamment loin et que les lois existantes suffisentpour gérer la menace terroriste. Peu de temps aprèsl’adoption de POTA par le Parlement, RichardBoucher, parlant au nom des Etats-Unis a déclaré quela loi était conforme à la constitution et que l’Inde avaitrenforcé son système légal pour combattre leterrorisme en accord avec les principes démocratiques.

Toutefois, les critiquent disent que condamner unjournaliste à l’emprisonnement parce qu’il est suspectéde ne pas transmettre aux autorités les informationssur un “terroriste” est contraire aux engagements del’Inde à la liberté de la presse. Les journalistes indiensmettent en garde que la loi peut conduire à plus d’auto-censure quand il s’agit de couvrir les mouvementsséparatistes. Certaines questions “sensibles” peuvent,par conséquent, disparaître totalement des médias.

Dans certains Etats indiens, tels que le Cachemire,Assam ou Manipur, la nouvelle loi rendravraisemblablement impossible le travail desjournalistes d’investigation. Les reporters seront prisentre deux feux, d’un côté les séparatistes que lesautorités qualifient de “terroristes” et de l’autre lesforces de sécurité. L’Union des journalistes indiensdéclare que les journalistes resteront vigilants etmèneront des campagnes vigoureuses pour protégerleurs intérêts d’autant qu’ils sont sûrs d’obtenir unlarge soutien des forces démocratiques dans le pays.

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Irlande

Le mouvement de sympathie et d’aide qui s’estexprimé en faveur des victimes des attaques du 11septembre au niveau national reflète les liens étroitsexistant entre les Etats-Unis et la République d’Irlande.Un incident qui a mis en exergue cette relation etsuscité une controverse médiatique a été la décisiondu Gouvernement irlandais de déclarer une Journéenationale de deuil.

Le Irish Times, l’un des principaux journaux du pays, adécidé de ne pas publier de numéro lors de la Journéenationale de deuil en signalant que cette décision étaitconforme au principe du deuil national. Toutefois,cette décision a scandalisé plusieurs membres duComité éditorial du journal et s’est heurtée àl’opposition de la branche du bureau de l’Unionirlandaise des journalistes. Les journalistes se sontplaints du fait que cette décision était motivéeuniquement par des raisons commerciales etopérationnelles - rares étaient en effet les magasinsde journaux ouverts ce jour-là. Les journalistes (ycompris les principaux membres du personneléditorial) ont estimé qu’il aurait été préférable dedistribuer les journaux gratuitement.

Ce consensus national n’a laissé que peu d’espace auxvoix dissidentes. Le traitement de l’information dansles médias irlandais a en règle générale été équilibré.La couverture de l’information a été saturée, le plussouvent répétitive, en dépendant fortement de SkyNews et de CNN, notamment pendant les premiersjours qui ont suivi les attaques. Une couvertureexceptionnelle a été assurée par Conor O’ Clery, duIrish Times, qui a commenté la situation directement àpartir du site des tours jumelles à New York. Denombreux organes d’information ont égalementrendu compte de la réaction des musulmans endonnant par ailleurs des explications sur la culture decette communauté.

Le Irish Times et la radio nationale RTE, ainsi que laradio libre et commerciale Today FM, ont servi detribunes aux opinions critiques, notamment celles deRobert Fisk (The Irish Independent/RTE).

Le Sunday Independent, groupe de presse et de médiasindépendant, a été le seul à ce jour à s’être distinguépar son intolérance - non contre les minoritésethniques ou religieuses - mais contre lescommentateurs des organes d’information qui ontcontesté ou remis en cause la réaction américaine, voirela politique du gouvernement irlandais.

Au nombre des commentateurs étrangers figurait

l’ancien diplomate américain George Dempsey qui afait valoir que la position anti américaine adoptée parcertains médias irlandais rendait ces derniers en partieresponsables des événements du 11 septembre. Il aen particulier émis des critiques à l’encontre de FintanO’Toole, catalogué par le Sunday Independent commeune personnalité haineuse au même titre que Fisk.

Un sujet de préoccupation est la décision du Inde-pendent News and Media, le plus grand organed’information du pays, de ne pas envoyer dejournalistes à l’étranger et de s’en remettre àl’information des médias britanniques et américains.La station de radio antisyndicale, TV3, a égalementdécidé de ne pas envoyer de journalistes à l’étranger.Aucune mesure nationale spécifique n’a vu le jourapparaissant comme une possible restriction de laliberté de la presse à la suite des événements du 11septembre.

Le problème du terrorisme et des médias est devenuune question nationale pour l’ensemble desjournalistes d’Ir lande lorsque le journalisted’investigation Martin O’Hagan a été assassiné le 28septembre par des terroristes protestants. Il s’agit làdu premier assassinat commis contre un journalistedepuis trente années de conflit dans le pays. Lesorganes d’information doivent être précis lorsqu’ilsinforment les lecteurs/téléspectateurs des restrictionsimposées à la couverture de l’information. De même,les journalistes doivent être mis en garde contre lerecours aux organismes publics et les intérêts en place.

Israël

Israël a immédiatement répondu aux attaques du 11septembre par un soutien total à la “guerre contre laterreur” lancée par les Etats-Unis et en établissant unlien avec le conflit en Palestine. Lors de son interven-tion devant le Congrès le 20 septembre, l’ancien Pre-mier ministre Benyamin Netanyahu a déclaré que leréseau terroriste international est basé en Irak, en Iran,en Syrie, en Afghanistan dirigé par les Talibans, àl’intérieur de l’autorité palestinienne de Yasser Arafatet de plusieurs autres régimes arabes tels que leSoudan. Durant l’année 2002, la réponse israéliennea été en permanence associée à la “guerre contre laterreur” avec ses actions contre l’Intifada. Il y eut desaccusations selon lesquelles les Palestiniensabriteraient des groupes terroristes tels que celuid’Oussama Ben Laden en Afghanistan, du Hezbollahet autres groupes au Liban sous tutelle syrienne etdiverses autres organisations terroristes basées dansdes capitales telles que Damas, Bagdad et Khartoum.Israël prétend que ces Etats et les organisationsterroristes forment un réseau terroriste qui sur le planopérationnel et politique s’aident de façon réciproque.

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Bien que les Palestiniens aient cherché à prendre leursdistances avec les militants en réduisant la liberté dela presse - par exemple quand l’Autorité palestiniennea, après les événements du 11 septembre, mis en gardeles télévisions quant à la diffusion de documentsmontrant des Palestiniens apparemment célébrant lesattaques contre les Etats-Unis. Les responsablesisraéliens ont de façon persistante cherché à établirun lien entre Yasser Arafat et Oussama Ben Laden etla Cause palestinienne avec celle d’El-Qaida. L’ancienPremier ministre Ehud Barak a déclaré sur CNN, le12 septembre 2001, que les attaques terroristes contreles Etats-Unis étaient le résultat des incitations répétéesdu président Arafat et de ses médias. La réponse des médiasisraéliens, autrefois célèbres pour leurs critiquesacérées, a été de marginaliser toute opposition à laligne officielle en ne diffusant que les points de vueconformes à la position gouvernementale.

Japon

Au Japon, les événements du 11 septembre ont con-duit à une couverture de l’information coordonnéeet approfondie par l’ensemble des réseauxd’information. Aussi l’opinion publique japonaise a-t-elle été amenée à soutenir les projets de représaillesmilitaires mis en place par les Américains. Peu dedébats ont eu lieu sur les conséquences des représaillesmilitaires et les divergences d’opinions n’ont pus’exprimer que difficilement.

Une membre de la Diète japonaise, issue d’un partide l’opposition, a déclaré sur son site Web que lesagressions terroristes étaient, selon elle, imputablesaux erreurs de la politique étrangère des Etats-Unis,lesquelles expliquaient pourquoi certains paysaccueilleraient la nouvelle des attaques terroristes avecsatisfaction. Sa déclaration a suscité une controverseet elle a été forcée à présenter ses excuses. La collected’informations sur les bases militaires américaines aété strictement limitée et ce n’est que deux semainesaprès les événements du 11 septembre que la télévisionet la presse japonaises se sont décidées à parler desobjections aux actions militaires américaines.

En vertu de la Constitution japonaise, mise en place àl’issue de la Seconde Guerre mondiale, qui interditl’envoi de l’armée à l’étranger, une législationprovisoire est nécessaire en vue d’une collaboration àl’action militaire des Américains. Toutefois, dans ceclimat de soutien inconditionnel apporté aux Etats-Unis, l’opinion de ceux qui s’opposent à l’envoi deforces d’autodéfense à l’étranger, a été critiquée ouridiculisée par la presse de droite.

Les journalistes ont dû faire preuve d’un grand cour-age pour rédiger des articles remettant en cause les

représailles militaires des Etats-Unis. Toutefois, lescivils musulmans vivant au Japon n’ont été victimesd’aucune réaction hostile. Plusieurs rédacteurs en chefet journalistes ont déclaré qu’il n’était pas faciled’exprimer leurs opinions, notamment lorsqu’ilsn’étaient pas d’accord avec l’envoi de troupesd’autodéfense japonaises à l’étranger, ni avec lesmesures de représailles américaines.

Le Cabinet du Premier ministre Junichiro Koizumi a,le 17 avril 2002, soumis à la Diète un ensemble detrois projets de loi pour déterminer la réponsejaponaise à une attaque militaire étrangère le 17 avril2002. Un des projets traitant de la légitime défenses’appliquera au cas où le japon serait attaqué ou sus-ceptible de l’être par des pays étrangers.

Selon le projet de loi, les forces de légitime défensepeuvent construire des bases militaires et utiliser desarmes. Le gouvernement a le droit de demander auxcitoyens de coopérer avec lui et de limiter leurs droits.Quant aux médias, NHK, la télévision publique, estassignée à coopérer avec le gouvernement. Le projetde loi ne révèle que la politique de base. Les élémentsspécifiques, tels que la restriction des droits descitoyens, le rôle de NHK et les mesures contre leterrorisme ne seront présentées à la Diète que dansdeux ans.

Le projet de loi a été soumis en réponse à la réactionde l’opinion publique qui voulait des lois d’urgencepour la protection du pays. Les Japonais ont pris con-science de l’importance de la gestion des crises aprèsles attaques contre les Etats-Unis et la dégradationdes relations entre le Japon et la Républiquedémocratique de Corée.

La Constitution stipule que le Japon renonce à laguerre et à l’utilisation de la force. Mais si le pays venaità être attaqué par des pays étrangers, il fallait au Japonune loi pour gérer la situation. Des contre-mesuresavaient été discutées, mais aucun projet de loi n’avaitpu être présenté, car nombreuses étaient les personnesqui s’y opposaient. Bien qu’un projet de loi soitaujourd’hui présenté, il ne sera pas adopté aussifacilement par la Diète, car il existe, parmi les citoyens,une opposition encore très forte. Ils considèrent queles lois permettant l’utilisation de la force sontindésirables, car elles menacent les pays asiatiques, etla demande du gouvernement à ce que les citoyenscoopèrent portera atteinte à la liberté d’expression dela presse.

Par ailleurs, des projets de loi sur la “protection dedroits humains et la “protection de la vie privée” ontété soumis à la Diète. Ils pourraient limiter la capacité

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de la presse à faire des enquêtes d’investigation et àpublier des informations sur la corruption deshommes politiques et des bureaucrates. Les troissyndicats de journalistes affiliés à la FIJ ont déclaréleur opposition à ces projets de loi. De surcroît, unautre projet de loi est en cours de rédaction censéprotéger les jeunes contre les “mauvaises” influencesdes médias. L’opposition des médias à ces lois ne peutespérer un grand soutien public.

Jordanie

C’est un fait avéré que le gouvernement jordanienprofite de l’instabilité et de la campagne antiterroristepour prendre des mesures de restriction de la libertéde la presse même si la Jordanie est apparue, cesdernières années, comme l’un des pays arabes dotésde la presse la plus libre.

En octobre 2001, la Jordanie a amendé par décret soncode pénal et la loi sur la presse afin, dit le Premierministre Ali Abul Ragheb, de couvrir tous les besoinsauxquels nous sommes aujourd’hui confrontés . Lesamendements ont permis au gouvernement d’interdiretoute publication susceptible d’avoir publié des infor-mations fausses et diffamatoires qui sapent l’unité nationaleou la réputation du pays, et préconisent des périodesd’emprisonnements pour toute publication de pho-tos dans les médias ou sur Internet qui porteraient atteinteà la dignité du roi ou des informations qui terniraient laréputation de la famille royale.

Les nouveaux amendements ont apparemment servià l’arrestation, le 13 janvier, du rédacteur en chef dumagazine Al-Majd, Fahd al-Ramawi, pour des articlescritiquant le gouvernement de Abul Ragheb etprédisant, de façon exacte comme cela s’est révéléêtre le cas, que le roi avait l’intention de remplacerson cabinet. Rawami fut libéré sous caution le 16janvier. S’il était emprisonné, Rawami pourrait se voircondamner jusqu’à trois ans de prison et payer uneamende conséquente.

Selon les informations recueillies par les groupes dedéfense de la liberté de la presse, des mesures de re-striction ont été adoptées à l’encontre de la presse,dans le cadre de la campagne antiterroriste, le 9 octobre2001. Le Premier ministre Ali Abou Ragheb a déclaréque le code pénal jordanien ne pourvoit pas à tous lesbesoins actuels et des amendements y seront introduitsafin d’aborder les problèmes soulevés par leterrorisme, c’est-à-dire la lutte contre les terroristeset la définition des peines qu’ils encourent.

Ces mesures prévoient la fermeture «provisoire oupermanente» des journaux en cas de publication denouvelles diffamatoires, fausses, préjudiciables à l’unité

nationale ou à l’honneur de l’Etat ou incitant àagresser, à tenir des réunions publiques illégales ou àtroubler l’ordre public. Au même moment, les peinesprévues pour insulte proférée contre le couple royalet le prince héritier ont été renforcées.

Ces délits sont désormais passibles de peines allantd’une à trois années de prison. Auparavant, la peinese limitait à une amende. Les amendements de 1999apportés au code pénal avaient mis un terme auxfermetures forcées des journaux en Jordanie.

Mexique

La presse mexicaine dépend toujours plus del’information fournie par les médias d’Amérique duNord, surtout pour les événements internationaux,de sorte que la couverture des événements du 11septembre a été dominée par les bulletins descorrespondants mexicains aux Etats-Unis et par lesinformations communiquées par les médiasinternationaux, principalement nord-américains.L’information a été uniforme, impartiale et directeavec peu d’analyses.

Il est intéressant de signaler que les principales chaînesde la télévision nationale n’ont pas diffusé les imagesde l’impact des avions sur les deux tours, ni le fameuxcommuniqué de presse de Ben Laden enregistré survidéo.

Les musulmans ont toutefois été victimes d’uneintolérance manifeste de sorte que les pouvoirs pub-lics ont pris des mesures pour protéger leurs intérêts.

Dix-huit citoyens mexicains, au moins, ont trouvé lamort lors des attaques. Le gouvernement mexicainn’a pourtant pas réagi en adoptant de nouvelles loiscontre le terrorisme.

Toutefois, dans les prochains mois, le président Foxsoumettra au Congrès un projet de loi sur le droit àl’information, qui n’existe pas au Mexique. On ne peuten ce moment dire si cette nouvelle loi contiendrades dispositions susceptibles de restreindre la libertéd’expression des journalistes.

Nigéria

Les événements du 11 septembre et l’action militairequi s’en est suivie ont ravivé les tensions continuesentre musulmans et chrétiens et ont hâté une réponseurgente de la part des journalistes et des professionnelsdes médias.

Le pays est déjà aux prises avec une vague de violencesanglante, d’origine ethnique et religieuse où plus de

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2 000 personnes ont péri à la suite de l’introductionde la stricte charia islamique dans des régions du norddu pays majoritairement musulmanes, en dépit del’opposition des non musulmans. La crise du 11septembre semble n’avoir fait qu’aggraver les rivalitésethniques et régionales traditionnelles, responsablesde plus d’un million de morts victimes de la guerrecivile qui a ravagé le pays à la fin des années 60.

Des conflits majeurs ont surtout au lieu à Kano, laprincipale ville du nord du pays où, à en croire lesresponsables communautaires, plus de 200 personnessont mortes après un week-end de violence, le 13 et14 octobre dernier, lors de manifestations demusulmans protestant contre les frappes aériennesaméricaines en Afghanistan.

Tout de suite après les événements du 11 septembre,une vaste réunion a été organisée par l’InternationalPress Center (ICP), à Lagos, le 25 septembre 2001entre les journalistes, les rédacteurs en chef et les ex-perts sur le thème Les médias et le terrorisme - enseignementstirés des attaques commises contre l’Amérique. La réunion,appuyée par la Fédération internationale desjournalistes, a analysé la couverture, par les médias auNigeria et au niveau mondial, des récentes attaquesterroristes perpétrées contre les Etats-Unis.

La réunion a estimé que les médias avaient étéobjectifs, équilibrés et justes dans le traitement del’information sur les attaques terroristes. Toutefois,plusieurs bulletins imprégnés de préjugés religieux etraciaux, diffusés en violation des principes dedéontologie et de professionnalisme, ont soulevé devives préoccupations. D’autre part, les gens ont eu lanette impression que les médias nigérians avaientconsacré une trop grande attention aux événementsdu 11 septembre aux dépens des conflits nationauxqui ont eu lieu comme, par exemple, les massacrescommis dans l’Etat du plateau de Jos, un événementnational majeur qui méritait une égale attention.

À l’issue des représentations et débats abordés soustous leurs aspects, il a été convenu que :. Les médias devront, dans leurs futurs bulletins, tenircompte de la diversité - sociale, religieuse, politique,culturelle et linguistique - des différents peuples vivantdans différentes régions du monde ;

. Les médias devraient condamner le terrorisme ens’abstenant toutefois de représenter ou de cataloguerune religion donnée comme terroriste. Ils devrontégalement mettre en lumière les causes probablesidentifiées, à l’origine du terrorisme afin d’y porterremède.

La réunion a également convenu que, dans letraitement de l’information sur les attaques commisesaux Etats-Unis ou toute autre crise majeure, lesjournalistes devaient observer les principesdéontologiques et le code d’éthique propres à leur pro-fession en:

< s’abstenant de toute propagande;< n’enjolivant pas les faits;< présentant différents aspects des questions concernées afin de permettre aux lecteurs ou au public d’arriver à une conclusion nuancée;< évitant d’être manipulés par les hommes politiques et les décideurs.

Ces principes ne peuvent avoir de valeur que si lesjournalistes gardent toujours à l’esprit les fondementsde leur profession.

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Les médias ont couvert les événements du 11septembre de façon approfondie et un débat a eu lieuentre les écrivains, les hommes politiques, lesjournalistes et les intellectuels sur l’emploi dessymboles et des mots, tels que «monde chrétien»,«monde musulman», «islamique» entre autres expres-sions employées dans les médias et lors des débatspolitiques, même si, par ailleurs, aucun problèmespécifique d’intolérance de la part des journalistes n’aété rapporté.

Plusieurs hommes politiques signalent à présent lanécessité d’une plus grande souplesse et d’une plusgrande tolérance lorsque la police décide de mettredes lignes téléphoniques sur écoute et d’enregistrerdes conversations.

Par ailleurs, un débat a lieu en Norvège autour d’unvieux réseau où interviennent traditionnellement lespouvoirs publics, les hauts responsables militaires etles rédacteurs et journalistes occupant une placecentrale dans les médias norvégiens. L’existence dece réseau de relations, mis en place depuis la guerrefroide, est désormais ouvertement remise en ques-tion.

L’Union norvégienne des journalistes a demandé auComité des doléances en matière d’éthiquejournalistique de la presse de se prononcer sur le bien-fondé de l’existence d’un tel réseau et de déclarer s’ilconstituait une des conditions nécessaires àl’indépendance et à la liberté de la presse. Par ailleurs,les hauts responsables militaires se sont plaints dumanque de compétences et de la piètre qualité de lacouverture de l’information assurée par les médias

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sur les questions liées à la défense, à l’armée et à lastratégie, en se déclarant ainsi favorables au maintiendu type de réseau décrit ci-dessus.

Ouganda

Aussitôt après les événements du 11 septembre, leprésident Yoweri Museveni a donné le ton pour lesactions anti-terroristes en Ouganda en soulignant ladifférence entre la lutte pour la liberté et le terrorismeet en promettant de traiter avec fermeté les élémentsqui ont l’intention de déstabiliser l’Ouganda. La Sup-pression of Terrorism Bill, 2001, qui impose la peinede mort automatique aux terroristes et à ceux quiaident, encouragent, financent ou soutiennent leterrorisme a été soumise au parlement en mêmetemps. La loi vise à supprimer les actes de terrorismeen imposant de fortes peines aux terroristes, à ceuxqui les sponsorisent et les soutiennent. La Haute Course voit accorder une “juridiction extra-territoriale”pour juger toute infraction liée au terrorisme commiseà l’intérieur ou à l’extérieur du territoire ougandais.

De même que cette loi accorde des pouvoirsextraordinaires aux officiers menant des enquêtes anti-terroristes dans la surveillance des suspects. Cespouvoirs incluent l’accès aux comptes bancaires dessuspects et l’interception des communicationstéléphoniques, des télécopies, des courriels et autrescommunications.

Quand le parlement ougandais a finalement adopté leprojet de loi en avril 2002, il a inclus la menace de lapeine de mort à l’encontre de journalistes publiantdes informations jugées partisanes du terrorisme. Leprojet de loi a suscité une grande inquiétude à l’Uniondes journalistes ougandais et autres groupesdéfenseurs de la liberté de la presse dans la région.

Pakistan

Le Pakistan est un de ces pays qui ont été les plusaffectés par les retombées du 11 septembre. Il estdevenu un allié important des Etats-Unis et de saguerre contre les Talibans en Afghanistan, tout enmaintenant une forme de système militaire dontl’engagement à la légitimité démocratique a étécontesté.

Les Etats-Unis considèrent le régime de Musharrafcomme un élément essentiel dans leur campagnecontre le terrorisme sont peu enthousiastes à remettreen cause les défaillances du gouvernement sur le plande la démocratie, parce que Musharef s’est révélé êtreefficace dans la capture des combattants talibans etdes membres d’Al-Qaida qui ont fui l’Afghanistanpour le Pakistan.

Cette position a renforcé Musharef qui a annoncé,en août 2002, des changements à la constitution luipermettant de dissoudre le parlement élu et denommer des responsables militaires, les juges de laCour suprême et de neutraliser l’impact des électionsannoncées pour octobre 2002. Il a prolongé saprésence à la présidence pour cinq autres années.

Le général militaire Musharef a pris le pouvoir en 1999après un coup d’Etat qui n’a pas fait couler de sang.Les Etats-Unis l’ont tout d’abord considéré commeun paria, mais cela a changé après le 11 septembre.Les médias du pays sont en grande partie engagésdans une rivalité féroce avec l’Inde sur la question duCachemire et les médias des deux bords sont accusésde faire de la propagande conforme à leursrevendications politiques. Les journalistes n’ont pasaccès aux audiences des procès importants tels quecelui des meurtriers du journaliste du Wall Street, Dan-iel Pearl.

Très de peu de gens croient que les derniersamendements à la constitution vont permettre dedévelopper dans le pays un système médiatiquepluraliste et plus ouvert. En effet, les changementsconstitutionnels introduits par Musharef octroientplus de pouvoir aux militaires. Changements qui ontpar ailleurs permis à ses opposants de s’unir etd’affirmer que la position de Musharef ne peut quese renforcer, après les élections du 10 octobre avecun coup apparemment plus démocratique, et l’investirde pouvoirs tout aussi grands.

La Court suprême a confirmé les changementsintroduits par Musharef dans la Constitution, commeelle lui avait accordé, après le coup d’Etat, degouverner pendant trois années avec l’obligationd’appeler à des élections en 2002. Les réformes deMusharef lui permettent de renvoyer le Parlement etun gouvernement, tous deux élus, et de nommer oude révoquer les personnes occupant des postes clésdans le domaine du droit constitutionnel. Pouvoirsauparavant exercés seulement par le Premier ministre.

En effet, ses critiques disent que les amendementsdonneront aux militaires, qui ont dirigé les affairesdepuis plus de la moitié de l’existence en tant quenation indépendante, un rôle permanent au dessusdu gouvernement élu par le peuple.Bien que Musharef affirme que l’accord, pour le trainde mesures qu’il a introduit, n’a été obtenu qu’aprèsla consultation publique qui a débuté en juin. Il a rejetéles protestations des partis politiques, des groupesd’avocats, des organisations de défense des droits descitoyens et des intellectuels, y compris les journalistesqui avaient tous déclaré que les changements portaient

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atteinte au libre arbitre des personnes tel qu’il est exercépar leurs représentants élus.

Palestine

Les difficultés auxquelles sont confrontés lesjournalistes au Moyen-Orient se sont aggravées aprèsle 11 septembre. Durant les semaines et les mois quiont suivi, la crise a abouti à une confrontation la plustragique et la plus amère depuis la guerre des six jours,en 1967.Le 8 octobre, à Gaza, la police a en effet empêché lesjournalistes de couvrir une manifestation anti-américaine. La plus récente atteinte à la liberté de lapresse, dans les territoires relevant de l’Autoritépalestinienne, enregistrée depuis le début de la criseinternationale provoquée par les attaques terroristescontre les Etats-Unis.

L’Autorité palestinienne, craint-on, tire profit de laconcentration de l’attention médiatique sur la réactionaméricaine pour durcir sa répression contre le droit àl’information. Problème qui a été éclipsé par la con-frontation durant les premiers mois de 2002, où descentaines de Palestiniens et d’Israéliens furent tués.Les médias locaux et internationaux n’ont pu couvrirles réactions du peuple palestinien au 11 septembre.Le même jour, un cameraman de la chaîne de télévisionfrançaise TF1 a été arrêté pendant trois heures etquatre journalistes, au moins, ont été battus. Deuxpalestiniens ont été tués durant cette manifestationdéclarée illégale par la police.L’Autorité palestinienne a également décidéd’interdire, dans les territoires sous son contrôle, lesinterviews de palestiniens sur les attaques lancées parles Etats-Unis en Afghanistan. Depuis le 9 octobre,l’accès à Gaza est interdit aux étrangers, y comprisaux journalistes. L’Autorité palestinienne a justifié cesmesures en expliquant qu’elle ne pouvait pas assurerla sécurité des étrangers contre d’éventuellesagressions.

Le 14 septembre, la police palestinienne a mis endétention cinq journalistes qui couvraient une mani-festation, dans le camp de réfugiés de Nusseirat,organisée en mémoire de l’auteur de l’attentat suicideà la bombe commis à Nahariya en Israël. Unphotographe et un rédacteur de Reuters, un camera-man de l’Associated Press TV, le correspondant de lachaîne de télévision par satellite d’Abou Dhabi et unphotographe de l’Agence France-Presse ont été libérésaprès s’être vu confisquer leurs bandes et leurs filmspar la police.

Le 18 septembre, à Bethléem, la police palestiniennea annoncé la promulgation de nouvelles lois sur latélévision et les stations de radio palestiniennes. Ces

dernières ont reçu pour instruction de ne pas diffuserd’informations sur les appels à une grève générale,les activités nationalistes, et les manifestations sans lapermission de la police ou des services nationaux desécurité.

Durant l’année 2002, la confrontation s’est amplifiéeavec les réactions israéliennes aux attentats suicide. Ily eut des actions pour dénier le statut professionneldes journalistes palestiniens et même des allégationsont été faites selon lesquelles les médias palestiniensencourageraient le terrorisme. La FIJ a entrepris unemission dans la région, en juin 2002, qui appelait àune nouvelle initiative Israélo-palestinienne pourdélivrer des cartes de presse aux journalistes.

Pays-Bas

Les médias néerlandais ont mis l’accent sur les attaquespendant des journées entières en diffusant les infor-mations correspondantes, et en publiant des bulle-tins et des flashs d’information spéciaux à la radio età la télévision. L’action de la presse écrite, des radioset de la télévision a été complémentaire. En outre, lesdeux sites Internet du NVJ ont connu des taux defréquentation quotidienne anormalement élevés .Villamedia, deux heures après les attaques du 11septembre, s’était déjà doté d’une page spéciale et deliens offrant des informations sur les attaques àl’intention des journalistes.

L’Association néerlandaise des journalistes signale ungrand nombre d’agressions commises contre lesmusulmans, lesquelles ont suscité de nombreuxdébats. La NVJ a organisé des discussions très suiviesavec le concours de plusieurs ministres parl’intermédiaire de son groupe de travail sur lesimmigrés et les médias. Les thèmes centraux desdébats portaient sur l’attitude des médias par rapportaux événements du 11 septembre et les relations avecles communautés immigrées.

Insistant sur la nécessité de maintenir un certain niveaude professionnalisme, les journalistes ont mis en gardecontre le journalisme entièrement voué aux bonnesintentions qui peut conduire à de mauvaises pratiques.Les rédacteurs en chef, les rédacteurs et lesreprésentants de la NVJ soutiennent l’idée qu’il fautrendre compte de toutes les informations mêmelorsqu’elles peuvent être préjudiciables aux groupesminoritaires ou ethniques. Chaque journal ou organede radiodiffusion se montre plus attentif ou plus sen-sible selon le point de vue qu’il adopte, mais chacunestime que la couverture de l’information passe avantla prise en compte des passions qui s’opposent dansune société donnée.

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La NVJ signale que l’action du groupe de travail surles immigrés et les médias (créé en 1984 sur le modèledu NUJ au Royaume-Uni et en Irlande) remplit àprésent une fonction spécifique. Le groupe de travail,doté d’un budget annuel de 120 000 euros pour lefinancement de projets, est également reconnu parles pouvoirs publics comme une organisationindépendante abordant les problèmes qui touchentles médias et une société multiculturelle en mutation.

En coopération avec le Ministère de la Défense, laNVJ a organisé une journée spéciale d’information/formation à l’intention des journalistes qui se rendenten Afghanistan et dans les pays voisins. La NVJ,parallèlement à la NOS - organe néerlandais de diffu-sion publique - prévoit une assurance-risque efficacepour les journalistes qui entreprennent des missionsdangereuses.

En outre, la NVJ est préoccupée par le contrôle del’information au niveau officiel qui complique le tra-vail des journalistes. En ces temps d’incertitude, lanécessité de l’accès à l’information est particulièrementimportante. Les initiatives prises par l’Unioneuropéenne visant à restreindre la liberté d’accès àl’information, soulignées par l’intervention du Conseildes ministres l’année dernière - l’infâme «coup deSolana en été» - lorsque le règlement sur l’accès àl’information officielle a pratiquement été changé dujour au lendemain pour des raisons de sécurité avantd’être avalisé par le Parlement, soulignent combiencette question est importante en temps de criseinternationale.

Pologne

La couverture de l’information par les médias a été -en règle générale - objective, rapide et précise.Quelques rares comportements hostiles auxmusulmans ont été enregistrés et les agressions phy-siques largement couvertes et condamnées. Lediscours général adopté par les médias insistait sur la«guerre» dirigée contre le terrorisme, et non contre lemonde musulman ou arabe. Par ailleurs, le Présidenta visité une mosquée à Gdansk pour y présenter sesexcuses à la communauté musulmane.

Les journalistes ont fait entendre leurs voix de manièreefficace durant les semaines qui ont suivi lesévénements du 11 septembre. Ryszard Kapusciuski,journaliste et écrivain célèbre, a ouvert le débat surles conséquences des attentats sur la mondialisationet les relations Nord-Sud, et a demandé que des solu-tions soient apportées au sous-développement du tiersmonde, ainsi qu’aux problèmes généralisés del’exclusion sociale, de la peur et de la piètre prestation

des soins de santé. A un autre niveau, l’essaicontroversé d’Oriana Fallaci sur les valeurs chrétienneset musulmanes, publié chez Gazeta Wyborcza, a connuun certain retentissement. Plusieurs personnes ontqualifié ses observations sur l’islam de racistes etd’hystériques mais d’autres ont estimé qu’elle avait euraison de signaler le problème de la discriminationdont les chrétiens sont victimes dans le mondemusulman.

Le Conseil d’éthique des médias, mis en place avecl’appui de l’Association polonaise des journalistes, acritiqué ses opinions, ainsi que plusieurs opinionsracistes et xénophobes émanant d’une minorité demédias polonais.

Mis à part plusieurs protestations exprimées contrela guerre, on n’enregistre aucun autre événementmarquant ni aucune tentative tendant à proposer denouvelles lois de lutte contre le terrorisme susceptiblesde compromettre les libertés civiles ou la liberté de lapresse.

Qatar

Un facteur de changement dans le monde des médiasarabes a été la création de la chaîne de télévision parsatellite qatar Al Jazira, qui a diffusé les opinionsd’Oussama Ben Laden et de son réseau Al-Qaïda. Seulmédia autorisé par les Talibans à Kaboul, Al Jazira aacquis une renommée internationale pour l’exclusivitéde ses images des frappes américaines et de la défenseantiaérienne des Talibans, ainsi que pour sesretransmissions - plus controversées - des messagesenregistrés par les chefs d’Al-Qaïda.

Née, il y a cinq ans, des ruines d’une entrepriseconjointe de la BBC et d’investisseurs saoudiens quin’a pas abouti, la chaîne Al Jazira a embauché denombreux journalistes, formés à la BBC, alors auchômage au moment où les Saoudiens forçaient lachaîne britannique à se retirer pour limiter lacouverture de l’information sur les enjeux régionaux.L’émir du Qatar a investi 150 millions de dollars pourrelancer le projet.

La chaîne s’est heurtée à une vague constante de prot-estations de la part des dirigeants des autres paysarabes peu habitués à voir une chaîne de télévisionarabe interviewer les ministres du gouvernementisraélien, et traiter ouvertement des questionsnormalement non divulguées au grand public. Ce futégalement pour Ben Laden le meilleur moyen decommuniquer son point de vue à travers l’ensembledu monde arabe et musulman au nez et à la barbe descheikhs et des présidents dont il exècre les lois.

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La chaîne Al Jazira a également été mise à profit parles responsables occidentaux, notamment par le Pre-mier ministre britannique Tony Blair, pour exprimerleurs points de vue. Toutefois, la chaîne, qui détenaitune vidéo pré-enregistrée de Ben Laden et de sesassociés réagissant au lancement de l’action militairemenée contre l’Afghanistan, a également fait l’objetde pressions en dehors de la région, en particulier auxEtats-Unis.

Les groupes de défense de la liberté de la pressesignalent que l’émir du Qatar, Sheikh Hamid binKhalifa al-Thaniof, a déclaré qu’il s’était vu demanderpar le département d’Etat américain, lors d’une récentevisite à Washington, de mettre à profit l’influence dugouvernement sur Al Jazira pour infléchir les posi-tions des journalistes de la chaîne, qui, selon ledépartement d’Etat, a offert ses ondes à des expertshostiles aux Etats-Unis.

Rejetant ces critiques, Al Jazira a déclaré qu’elleaccordait un même temps d’antenne aux positionsaméricaines et aux positions des Talibans. Moham-med Jassem al-Ali, Directeur général de la chaîne detélévision, a déclaré que la mission d’Al Jazira étaitd’assurer une même couverture aux deux parties enconflit et d’en présenter les opinions respectives.

L’accès unique à Ben Laden accordé à la chaîne, selonles commentateurs des médias, a révélé un aspectparadoxal du fossé culturel qui s’est transformé enabîme après le 11 septembre. C’est maintenant au tourdes sociétés de radiodiffusion occidentales de subirdes pressions de la part de leur gouvernement tendantà limiter l’accès à leurs ondes de personnalitésconsidérées comme ennemis de l’Etat.L’administration Bush et le gouvernement de Blairont exhorté leurs chaînes publiques à «faire preuvede prudence» dans l’utilisation des informationsfournies par Al Jazira en faisant valoir que les imagesdiffusées par la chaîne risquaient de contenir des «mes-sages codés». Le bureau de Kaboul de la chaîne a étédétruit par les forces américaines en Afghanistan aumois d’octobre.

Russie

Comme le signale l’Union russe des journalistes, lesmasses médias russes ont en général couvert lesévénements de New York et de Washington demanière objective, ainsi que la réaction russe etinternationale qui a suivi. Les méthodes hostiles duterrorisme ainsi que la prise de conscience de lanécessité d’une réponse internationale en ont été lesthèmes fondamentaux.

Toutefois, depuis les attaques du 11 septembre la

préoccupation internationale pour les violations desdroits humains en Tchétchénie semblait avoir diminué,bien que les forces russes en Tchétchénie aientcontinué à procéder à des exécutions, à desarrestations et des extorsions extrajudiciaires. Rien quedepuis le 11 septembre, une personne par semaine aumoins a disparu après une garde à vue. Lesgouvernements occidentaux n’ont pratiquement rienfait pour récuser la perception selon laquelle ils ontcessé de condamner fermement les actions de la Russieen Tchétchénie, afin d’obtenir le soutien russe dansla guerre contre le terrorisme. Lors de sa visite enRussie, au mois de novembre, le secrétaire général del’OTAN, Lord Robertson a déclaré à son hôte russe,qui venait juste de se ranger du côté des Etats-Unisdans leur lutte contre le terrorisme, il est certainqu’aujourd’hui, nous voyons la plaie qu’est le terrorisme enTchétchénie avec un tout autre regard.

L’Union déclare qu’une campagne contre le terrorismerisque d’être mise à profit pour justifier des restric-tions inappropriées en matière de libertés civiles etd’exercice des droits de l’homme - notamment dansle nord du Caucase où de telles atteintes surviennentquotidiennement. Les médias rendent compte de cesproblèmes beaucoup moins souvent qu’auparavant.

Même si aucune hausse directe du nombre desatteintes à la liberté de la presse et aux droits del’homme n’a été enregistrée, les déclarations faites parun nombre croissant de responsablesgouvernementaux, ainsi qu’au Parlement, indiquentque des tentatives vont dans ce sens et visent à tirerprofit de la situation pour durcir les contrôles sur lesmédias.

SuèdeSuèdeSuèdeSuèdeSuède

L’Union suédoise des journalistes signale certainsexemples d’intolérance dans le traitement del’information mais déclare que ces abus ont étécompensés par des exemples beaucoup plusnombreux de tentatives sérieuses tendant à analyserla situation et à exposer une vision équilibrée desévénements. Les médias suédois semblent, en règlegénérale, être très conscients des dangers de sorte quela couverture des événements a été, le plus souvent,professionnelle et objective. Une partie du débatconcerne également le rôle et les compétences desmédias suédois étant donné le retentissement desévénements du 11 septembre. Aucun débat politiqueouvert n’a vu le jour sur les mesures risquant decompromettre les libertés civiles ou la liberté de lapresse. Le gouvernement a clairement indiqué que laSuède était aux côtés des Etats-Unis dans leur guerrecontre le terrorisme et les médias n’ont subi, jusque-là aucune pression.

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La couverture a été équilibrée avec parfois desreportages très tendancieux”contre-attaqués” par plusde débats sur la qualité du journalisme, le rôle desmédias et des journalistes, plus qu’on ne le voithabituellement dans les médias suédois. (Dans ce“nouveau” débat avec les sources mises en doute etc...un débat tout neuf s’est instauré sur la qualité desreportages traitant, par exemple, de la situation auMoyen-Orient.

Toutefois, quand il s’agit des libertés civiques et dusystème judiciaire, c’est une tout autre histoire. Troiscitoyens suédois figurent sur la liste des “terroristes”dressée par les autorités américaines et sont, depuisplusieurs mois, mis hors la loi (avec leurs avoirs fin-anciers “gelés”, y compris l’allocation de logementqu’une des familles recevait).Ils sont “accusés” d’aiderfinancièrement Al-Qaida (en envoyant de l’argent àleur famille en Somalie) mais aucune preuve n’a étéprésentée. Pendant une période assez longue, legouvernement est demeuré très discret sur cette situ-ation, mais apparemment le cas a été en discussionavec les autorités américaines depuis un certain tempset les trois hommes impliqués semblent avoir obtenuune aide pour prouver leur innocence. En attendant,ils survivent de l’argent collecté illégalement au seinde la communauté suédoise et les autorités suédoisesont choisi de fermer les yeux. Cette complaisanceenvers les Etats-Unis a été très critiquée et débattuedans les médias. Un autre citoyen suédois d’origineimmigré est parmi les prisonniers de guerre détenus àGuantanamo. Là encore, le gouvernement est demeurépassif.

Suisse

La Comedia, membre suisse affilié à la FIJ, rapporteque, en ce qui concerne la Suisse, bien qu’aucunenouvelle loi n’ait été introduite en rapport avec la“guerre contre le terrorisme”, la qualité du journalismea été affectée. La couverture de la guerre a été - pourla plupart - très proche du point de vue américain ( àl’exception du conflit palestinien, où le reportage estdemeuré critique et équilibré). Il y eut très peu de“vraies” enquêtes sur la guerre contre le terrorisme etles événements qui s’y rapportent.

Cela est peut-être dû aux conditions difficiles de tra-vail pour les journalistes couvrant la guer redirectement de l’Afghanistan, mais l’Union indiqueque le désir de dire la vérité sur ce qui se passe n’est niintense ni aussi répandu. Ce qui est un vrai problèmepour les journalistes travaillant en Suisse. En tantqu’Union nous avons traité et débattu, plusieurs foisdurant ces derniers mois, le problème concernant lesconditions de travail de nos membres. En raison des

circonstances exceptionnelles (la guerre contre leterrorisme, Swissair avec ses avions au sol, l’attaquecontre le Parlement de Zug, etc...), les journalistes onttravaillé, à maintes reprises, au-delà de leur temps detravail et il y a peu de chance qu’ils récupèrent lesheures supplémentaires.

Ukraine

Le Parlement à Kiev a adopté une loi “On the FightAgainst Terrorism” qui contient des clauses allant au-delà de ce qui est nécessaire pour combattre leterrorisme et qui se résume à une sévère restrictionsur la liberté d’expression. La loi accorde aux autoritésde l’Etat des pouvoirs dans le domaine de la conduited’opérations anti-terroristes, d’utiliser pour des raisonsofficielles les moyens de communications appartenantaux citoyens, aux agences de l’Etat et aux organisationset cela sans considération pour le genre de propriété. Elle donneégalement au responsable des opérations anti-terroristes le pouvoir de réguler les activités desreprésentants de médias dans le domaine de la conduited’opérations anti-terroristes. Les deux clauses confèrentun pouvoir inconditionnel aux autorités de l’Etat pourprendre le contrôle des médias, la seule clause degarantie est que le pouvoir ne peut être utilisé quedurant une opération anti-terroriste.

En deuxième lieu, le pouvoir accordé aux autoritéspar ces dispositions est extrêmement large et par-làmême susceptible de conduire à des abus. La loiinternationale reconnaît en effet que certaines obli-gations peuvent être imposer à la radiotélédiffusiondu service public pour diffuser, par exemple, des misesen garde publiques en période d’urgence nationale.Toutefois, cette loi confère des pouvoirs qui vont bienau-delà de cette obligation et dont la portée est sansprécédent. En fait, elle permet à l’Etat d’avoir uncontrôle total sur les médias.

L’étendue de ces pouvoirs est renforcée par ladéfinition peu précise dans l’Article 3 de “activitéterroriste” qui inclurait les manifestations politiquesoù se produisent certains actes de violence. Lespouvoirs conférés sous l’Article 13, constituent, parconséquent, une restriction sérieuse sur le droit de laliberté d’expression qui ne peut être justifiée, mêmedans le contexte d’opérations anti-terroristes. La FIJconsidère que ces pouvoirs devraient être supprimés.De plus, l’Article 15 de cette loi limite la circulationde l’information si elle révèle les méthodes ou les tactiquesspéciales utilisées dans la conduite des “opérations anti-terroristes”, si elle sert de propagande au terrorisme ou à sajustification ou si elle contient des informationsconcernant le personnel engagé dans les actions anti-terroristes. Cette loi empêche les débats publicslégitimes et importants et peut conduire à des abus

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pour des raisons politiques que les autorités utiliserontpotentiellement pour faire taire leurs opposantspolitiques.

Union européenneDurant les semaines et les mois après le 11 septembre,les Etats de l’Union européenne ont très vite adoptéune approche commune avec les Etats-Unis quant auxactions contre le terrorisme. Plusieurs d’entre ellessapent les normes traditionnelles des libertés civiques.La coopération a été démontrée de façon spectaculairele 2ème jour après les attaques sur le World TradeCenter et le Pentagone quand l’OTAN a activé sonArticle 5, jamais évoqué auparavant, selon lequel uneattaque contre un Etat serait considérée comme uneattaque contre tous. Les forces de combats européens,avions et bateaux avaient été engagés à soutenir lesfrappes américaines en Afghanistan. Trois mois après,l’Union européenne a la même définition légale duterrorisme, une liste de suspects qui correspond à peude choses près à celle dressée à Washington et plus de100 millions de dollars de biens gelés. Ils ont égalementadopté un mandat d’arrêt commun afin d’empêcherque des personnes soupçonnées de terrorisme nepuissent échapper en traversant les frontières internesde l’Union européenne, en grande partie nonsurveillées.

En décembre 2001 et en juin 2002, il y eut des réunionscommunes entre les autorités européennes etaméricaines pour coordonner leurs politiques ets’accorder sur la liste des groupes terroristes. De laliste des cibles américaines étaient exclues cellesfigurant sur la liste européenne y compris le PKK, lesrebelles kurdes en Turquie, le groupe du Sentierlumineux au Pérou et les Forces arméesrévolutionnaires en Colombie et ce n’est que six moisaprès, c’est-à-dire en juin de l’année suivante qu’ilsfurent intégrés à une liste plus longue. Lors de la miseà jour en juin, cinq groupes palestiniens ont été ajoutés,y compris la Holy Land Foundation for Relief andDevelopment, une organisation caritative basée auEtats-Unis, accusée de financer le Hamas qui a lancéune douzaine d’attaques mortelles en Israël.Cependant, l’Union européenne fait la différence en-tre l’aile politique et l’aile militaire du Hamas. Et leHezbollah soutenu par l’Iran et dont les attaquespartent du Liban, est considéré comme une organisa-tion terroriste par Washington et non par l’Unioneuropéenne.

Le Conseil de l’Europe, représentant 15 nations, a, le9 octobre 2002, mis en avant des propositionscontroversées d’un ensemble de mesures visant àaméliorer la réponse de l’Union européenne au terrorisme.

Les propositions examinées prévoient unecoopération inter-étatiques entre les forces de policeet la création d’un mandat d’arrêt commun à toutel’Union européenne. Les groupes de défense deslibertés civiques s’inquiètent particulièrement del’adoption d’une définition du «terrorisme», valablepour l’ensemble de l’Union européenne, qui, seloneux, menace d’englober les manifestants qui ontrécemment participé aux violentes protestationsorganisées contre la mondialisation.

Les changements proposés par le Conseil desministres élargissent le champ définitionnel d’uneattaque terroriste aux actions qui «affectentsérieusement» (et non qui «altèrent sérieusement») lesstructures politiques, économiques ou sociales d’unpays ou d’«une organisation internationale», c’est-à-dire toute organisation internationale commel’Organisation mondiale du commerce ou la Banquemondiale.

Tony Bunyan, rédacteur en chef de Statewatch, unobservatoire des libertés civiques, déclare que les propo-sitions/actions de l’Union européenne visent à élargir le con-cept de terrorisme aux actes de protestations qui ont eu lieu,par exemple, à Gothenburg ou a Gênes. Introduire des mesuresdraconiennes en vue d’exercer un contrôle sur toute dissidencepolitique ne pourra qu’affaiblir les libertés et les démocratiesque les législateurs prétendent protéger.

Le 30 mai 2002, la FIJ a, parmi d’autres, protesté quandle parlement européen a décidé d’amender la Direc-tive européenne de 1997, sur la protection des donnéesde télécommunication et d’information, afin depermettre aux Etats membres d’adopter des lois quidonneraient aux autorités un accès régulier aux com-munications téléphoniques et électroniques descitoyens. La FIJ précise que cela sera l’avènementd’une société d’espions où les communications privéesferont l’objet de contrôle et de surveillance.

Accorder à la police, aux douanes et aux services del’immigration, l’accès aux communicationsélectroniques des personnes va bien au-delà de laréglementation existante selon laquelle les donnéesne peuvent être gardées que pour une courte périodepour la facture - afin que le consommateur puissevérifier et confirmer sa consommation détaillée - etdoivent ensuite être détruites. La FIJ indique que cetamendement aurait été inconcevable avant le 11 septembre.Les hommes politiques utilisent l’incertitude publique et lespréoccupations de sécurité pour empiéter sur les droits et leslibertés des gens.

Pendant que les bureaucrates à Bruxelles débattenten disant qu’il revient à chaque gouvernement de

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Conclusions et recommandations

Le Comité exécutif de la FIJ, réuni à Washington enjuin 2002, a examiné le présent rapport et a adopté ladéclaration ci-dessous et en renouvelant le pland’action adopté lors de la précédente réunion qui s’esttenue à Stockholm, au mois d’octobre 2001 :

S’il y a une guerre contre le terrorisme à remporter,elle ne doit pas se faire sur des stratégies quipromeuvent la peur, l’ignorance et l’intolérance.Seulement, les actions des gouvernements enAmérique du Nord et en Europe indiquent plutôt lecontraire. Depuis le 11 septembre 2001, lesgouvernements des démocraties en Europe et enAmérique du Nord sont demeurés ambivalents, et celade façon dangereuse, quant à leur engagement auxdroits du citoyen et de la liberté de la presse. Leursactions ont renforcé le cynisme des régimesautocratiques sur les engagements occidentaux auxdroits fondamentaux et pire encore, ils ont inspiré denouvelles actions d’oppression des médias dans despays qui persécutent et menacent les journalistes.

Sur cette question, les organisations de journalistes etles éditeurs parlent d’une seule voix. Le Congrès deWorld Association of Newspapers (WAN) qui s’esttenu en Belgique, en mai 2002, a appelé la communautéinternationale à renverser la tendance actuelle et adéclaré que la politique des Etats-Unis, après le 11septembre, avait contribué à augmenter les menacessur la liberté de la presse. Le président du WAN adéclaré que s’appesantir sur l’attitude et les actions dugouvernement américain, quand le monde est plein de banditspourrait sembler injuste, si ce n’était l’immense pouvoir etl’influence que les Etats-Unis exercent sur la scène mondiale etles effets de leur politique et de leur exemple sur tant de pays.

Le durcissement de l’attitude américaine estcertainement le plus symptomatique des restrictionsaffectant la liberté d’expression après le 11 septembreet les mesures prises par les Etats-Unis, simplementen raison du pouvoir de ce pays, ont inévitablementdes conséquences sur le reste du monde. Lesévénements du 11 septembre, aux Etats-Unis, ontprofondément mis à l’épreuve le professionnalismedes journalistes du monde entier qui ont couvertl’information, semble-t-il, de manière prudente,intelligente et avisé, mis à part d’inévitables incidentset de rares anomalies.

Toutefois, les gouvernements ont souvent tenté demanipuler le message des médias en exerçant despressions injustifiées sur les journalistes, préjudiciablesà la qualité de la couverture du conflit. Les journalistesdoivent être libres de travailler sans avoir à soutenir

l’approche que leur gouvernement a du «patriotisme»ou de l’«intérêt national».

Dans le même temps, un débat sans précédent a vu lejour sur le maintien de l’ordre, la sécurité et les libertésciviles. Dans la totalité des pays ou presque, lesgouvernements et les hommes politiques ont élaborédes stratégies antiterroristes qui prévoient la possibilitéd’introduire de nouvelles lois susceptibles de menacerles critères actuels de la liberté individuelle et de laliberté de la presse.

Nous, journalistes, devrions être parmi les premiers àremettre en cause l’action des hommes politiques quipromettent des mesures de fortune au nom de lasécurité, notamment au moment où des menacespèsent sur notre capacité de recueillir et de conserverl’information, de protéger nos sources, de mener desenquêtes d’investigation légitimes et d’assurer notreindépendance par rapport aux services de maintiende l’ordre et de sécurité. La FIJ entend participerpleinement à ce débat.

À lui seul, le présent rapport montre que le Canada,les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, laFrance, la Russie et l’Union européenne, s’empressentde légiférer en matière de mise sur écoute, de surveil-lance policière, de techniques de cryptage, de détentiondes immigrés, de surveillance sur Internet et de libertéde circulation.

Nombreux sont ceux qui estiment que l’élaborationet le traitement de ces nouvelles lois sont trop rapidespour que celles-ci puissent être examinées de manièreefficace par l’ensemble du public ou par les législateurs.Les retombées d’une telle situation sur les journalisteset leur travail pourraient être considérables.

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Plan d’action

< La FIJ lancera une campagne internationale visant àdiffuser des informations utiles et des instructions àl’intention des journalistes et des médias qui couvrentla crise actuelle afin de promouvoir une meilleurecompréhension des questions qui se posent et uneplus grande prise de conscience de la nécessité d’uncertain professionnalisme.

< La FIJ continuera à apporter des données utiles sur lasécurité des journalistes, ainsi que sur les questions desanté et de sécurité, et assurera la sensibilisation auxrisques au sein des unions de médias.

< La FIJ sensibilisera à la nécessité de la tolérance et dela qualité du journalisme afin de contrer les préjugéset l’incompréhension culturelle en mettant en placeun ensemble d’initiatives, notamment la création decinq prix régionaux de la tolérance qui seront décernésaux professionnels du journalisme, ainsi qu’enrevitalisant l’action du Media Working Group AgainstRacism and Xenophobia (IMRAX).

< La FIJ assurera la promotion de la solidaritéinternationale entre les journalistes de toute culture ettradition dans le contexte du conflit actuel, notammenten sensibilisant ses collègues du monde arabe et enappuyant leurs efforts visant à promouvoir leprofessionnalisme dans les professions du journalismeface à la menace du fondamentalisme et de toute intervention gouvernementale.

< C’est dans ce souci que la FIJ financera les séminairesinternationaux et régionaux, ainsi que les conférencessur la guerre, le terrorisme et le rôle des médias, avecl’appui des organismes internationaux compétents etdes organisations de lutte pour la liberté de la presse.

References

1 For further information, see “Media, Entertainment and Arts Alli-ance”, see http://www.alliance.org.au/2 http://www.alliance.org.au/3 Full details from http://www.cjfe.org/4 Full details of the proposed new laws are available athttp://www.statewatch.org/news/index.html5 IFJ Press Release, 27 May 2002.6 Details available from Reporters Sans Frontieres at http://www.rsf.fr/7 Further information from the Finnish Union of Journalists athttp://www.journalistiliitto.fi/inenglish8 WEISCHENBERG, S. contact through Deutscher JournalistenVerband at http://www.djv.de/home.htmlsee9 Further information from Tim Gopsill athttp://www.gn.apc.org/media/nuj.html10 Press release October 12, Athens. See http://www.esiea.gr/11 Israel National News, 12 September 2001.12 NEVE G., Ben-Gurion University writing forInthesetimes.com13 Further information from IFJ Tokyo Office.E-mail: [email protected] See International Freedom of Expression eXchange (IFEX) athttp://www.ifex.org15 http://www.villamedia.nl/ and http://www.Internetjournalist.nl16 See International Freedom of Expression eXchange (IFEX) athttp://www.ifex.org17 For full reports on incidents that affected journalists in this periodsee www.ifj.org18 See IFJ Report Deadlines and Danger, www.ifj.org19 See comment in Opendemocracy.net by David Elstein and JamesCurran, 15 October 2001.20 Details can be obtained from the Moscow-based Glasnost De-fence Foundation at http://www.gdf.ru/21 The SAUJ General Secretary can be contacted ate-mail: [email protected] New Vision, 4 October 2001.23 Information from Article 19, the Centre for Free Expression.24 More information available from http://www.newsguild.org/25 www.newsguild.org/2edged.php26 New York Times, 19 October 200227 The full text of the legislation is available at http://www.aclu.org/28 For more information see www.ifj.org29 PARKINSON, R 2002. World Association of Newspapers, Presi-dent, 3 June.

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Mogens Schmidt*

Association mondialedes journaux

Directeur du Forum Mondialdes Editeurs

* Mr M. Schmidt est maintenant Directeurde la Division de la liberté d’expression,

démocratie et paix, UNESCO.

CHAPITRE 2

Historique

Les journalistes et chefs d’édition sont victimes d’agressions physiques dans unerégion battue par les vents et située à l’extrémité d’un grand pays démocratique del’Europe. Plusieurs journalistes y ont été tués et de nombreux autres ont échappéà des tentatives de meurtre.

Dans un pays très développé d’Amérique du Sud, doté d’une longue traditiondémocratique et d’une vie culturelle fertile, les menaces et la peur empêchent leschefs d’édition et les journalistes de vivre normalement dans leur activitéprofessionnelle comme dans leur vie privée.

Je parle respectivement du Pays basque en Espagne et de la Colombie.

Lorsque les journalistes doivent commencer leur journée de travail à quatre pattespour s’assurer que l’on n’a pas placé de bombe sous leur voiture en expliquant àleurs enfants qu’ils sont à la recherche du chat afin de ne pas les effrayer; lorsquedes portes blindées et des détecteurs sophistiqués d’armes et de bombes doiventêtre installés dans les bureaux de travail des journalistes et dans les ateliersd’imprimerie ; lorsque les journalistes ne peuvent pas venir chercher leurs enfantsà l’école à la fin de la journée ou manger dans le même restaurant deux soirs desuite, les médias sont en danger.

Lorsqueles journalistes et leurs familles sont menacés pour les articles qu’ils ontécrits, ou lorsque d’autres chefs d’édition et journalistes sont forcés de verser del’argent en échange d’une prétendue protection afin de ne plus être dans la lignede mire des terroristes, les médias sont en danger.

Lorsque les journalistes doivent revêtir des gilets pare-balles et courir en zigzaguantentre les attaques des guérillas de gauche et de droite, des groupes nationalistesextrémistes et des criminels, les médias sont en danger.

L’Association mondiale des journaux et le Forum mondial des éditeurs, la brancheéditoriale de l’AMJ, ont décidé de mettre en place une série d’activités en faveur dela liberté de la presse dans ces pays, o? les médias sont bel et bien en danger. Cetteinitiative a été prise afin d’accroître l’attention portée à ce problème et de mettreen place une nouvelle stratégie à trois étapes, qui s’avérera très efficace, ainsi quenous le pensons à l’AMJ.

Cette stratégie à trois étapes englobe : une phase initiale de recherches menées surle terrain et à partir de documents, ainsi que plusieurs missions ; une secondephase de sensibilisation qui englobera l’organisation d’une ou plusieurs conférencesde haut niveau dans la région ou le pays concerné ; et une troisième phase quimettra en place un programme de renforcement des capacités répondant auxgrandes questions de la liberté de la presse et aidant les médias à acquérir unevéritable indépendance financière par le développement de leurs performanceséconomiques et de leur qualité éditoriale.

Lutte pour la liberté de la presse - nécessaire et dangereuse

Il existe de nombreuses organisations de lutte pour la liberté de la presse quitravaillent au niveau national et international. Toutes jouent un rôle important etcontribuent au moindre progrès effectivement accompli dans ce domaine. Parailleurs, elles travaillent au même moment dans des conditions difficiles. Souventà court de financement, ces organisations sont parfoismenacées et persécutées entant que médias critiques et indépendants. Elles nécessitent toutes la collabora-

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tion d’organisations similaires présentes dans les autrespays, ainsi que l’appui des organisations donatricesdans ce domaine. De même, elles ont besoin que leuraction et les problèmes auxquels elles se heurtentsoient rapportés au niveau national et international.C’est l’une des missions de Média en danger de lesaider à atteindre cet objectif.

Nous assistons à une véritable perversion du statutcivil des médias lorsque les ateliers d’imprimerie etles salles de rédaction doivent être fortifiés et le per-sonnel, ainsi que les visiteurs, se soumettre à decontinuels contrôles de sécurité. La crainte dujournaliste pour sa propre vie et pour celle de sesproches mine les critères professionnels dujournalisme lorsqu’elle finit par influencer le contenudes reportages et des décisions éditoriales. Leséditeurs, rédacteurs, photographes de presse etjournalistes - tous les professionnels des médias -travaillent dans des conditions dangereuses dans lespays o? la liberté de la presse n’est pas une réalitéétablie. Peu importe que la menace émane des autoritéslocales ou nationales, des criminels ou des guérilleroset des terroristes. L’essentiel est d’apporter la meilleureaide pratique à ces professionnels des médias. C’est làl’autre objectif que Médias en danger assigne à cesactivités. Le combat pour la liberté de la presse doitêtre rapporté et les professionnels des médias quiluttent pour le droit d’écrire et de dire toute la véritésur les questions d’actualité nécessitent l’appui actifde leurs collègues du reste du monde et des organisa-tions créées pour promouvoir la liberté d’expression.C’est là l’autre objectif que Médias en danger a fixé àces activités.

Développement économique et libertéde la presse

Il est en général admis que l’existence d’une presselibre et indépendante est fondamentale, et qu’elle estbel et bien un préalable à l’instauration d’unedémocratie durable et d’une économie de marchéefficace. Il est rare, sinon impossible, de voir se mettreen place un gouvernement et une société civileresponsables ainsi qu’un système viable d’alternancepolitique en l’absence d’une presse forte, critique etlibre.

La liberté de la presse exige non seulement que lesjournalistes soient en mesure d’exercer leur profes-sion sans restriction, mais suppose également la bonnegestion et la viabilité économique des entreprises dejournaux intervenant dans le cadre d’infrastructuresefficaces.

À travers l’ensemble du monde en développement, etdans de nombreux pays actuellement en transition surla voie de la démocratie et de l’économie de marché,les journaux dotés d’excellents journalistes n’ont pasété en mesure de mener leur mission à bien pour avoirfait faillite. Dans de nombreux cas, ils n’ont pubénéficier d’une seconde chance : une fenêtre ouvertependant un bref instant sur la démocratie s’estrefermée derrière eux.

Lorsque les régimes socialistes du bloc soviétique sesont effondrés à la fin des années 80, la nécessité defavoriser la création rapide d’une presse indépendantedans ces pays, si tant est qu’elle ait été reconnue, nefigurait qu’en note de bas de page dans les plansdirecteurs élaborés en vue de la reconstruction deséconomies de la région. Une décennie après, nouspouvions constater que, dans la seule Russie, la vastemajorité des journaux non moscovites restait sous lecontrôle d’administrateurs gouvernementauxprovinciaux et locaux. Nous pouvons imaginer ce qu’ilen est alors de l’indépendance, de l’objectivité et de lavolonté ou de la capacité de cette presse de rendrecompte de la corruption et de la mauvaise gestion.C’est seulement depuis peu que sont apparus les pre-miers signes d’une nouvelle évolution dans cedomaine.

Si la survie était la seule ambition de la presse, la presserusse semblerait bien lotie devant le souci que lespoliticiens ont d’exercer un contrôle sur cette dernièreet de l’influencer en lui versant des subsides. En effet,la plupart des journaux en Ukraine, en Géorgie, enArménie, en Albanie, en Biélorussie, en Bulgarie oudans les ex-républiques soviétiques d’Asie centralevivent au jour le jour quand elles ne sont pasconfrontées à l’imminence d’une faillite. Dans laréalité, ces deux cas de figure les empêchent de devenirdes contrepoids sérieux à un pouvoir politiquemalhonnête.

Dans le cadre des nouveaux programmes dedéveloppement prévus pour l’Afghanistan, les plansd’aide et de reconstruction de la société prévoient belet bien un appui aux infrastructures médiatiques, ainsique des programmes de formation à l’intention desprofessionnels des médias pour que ces dernierspuissent perfectionner leurs compétences dejournalistes et de chefs d’entreprise. Un autre signeencourageant nous est également donné par lenouveau Rapport annuel de l’Institut de la Banquemondiale qui consacre un chapitre entier à la nécessitéd’appuyer le développement économique des médiasafin de garantir la mise en place d’une presse vraimentindépendante.

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Un programme de renforcement des capacités feratoujours partie intégrante des activités de Médias endanger. Ce programme prévoira : des actions pratiquesvisant à protéger les professionnels des médias ; desinitiatives d’appui à la surveillance des violations de laliberté de la presse, d’aide aux journalistes exilés etincarcérés ; ainsi que l’organisation de campagnespubliques pour la liberté de la presse et contrel’impunité par la fourniture d’une aide juridique. Ilproposera également une formation visant à améliorerles compétences éditoriales et de rédaction desprofessionnels du journalisme, d’une part, et lescritères professionnels au niveau local, d’autre part.En outre, il englobera d’autres questions, telles quel’augmentation des revenus publicitaires des journaux,la mise en place de systèmes intelligents de gestiondes relations avec les clients, une aide dans la créationde services d’information en ligne, et une formationà la gestion des journaux à l’intention du personnelde la rédaction aussi bien que des commerciaux.

Les deux premières réunions deLes deux premières réunions deLes deux premières réunions deLes deux premières réunions deLes deux premières réunions deMédias en dangerMédias en dangerMédias en dangerMédias en dangerMédias en danger

Bilbao, PBilbao, PBilbao, PBilbao, PBilbao, Pays basque en Espagneays basque en Espagneays basque en Espagneays basque en Espagneays basque en Espagne

L’AMJ a démarré ses activités dans le cadre de Médiasen danger en 2001. Encouragés par l’Association deséditeurs de journaux espagnols (AEDE), un certainnombre d’employés de l’AMJ et de représentants duComité consultatif sur la liberté de la presse de l’AMJse sont rendus en Espagne, en mars 2001, dans lecadre d’une mission d’enquête, notamment au Paysbasque au nord de l’Espagne. Un rapport complet aété rédigé sur la base de plus de 20 entretiens avec laplupart des médias de la région, les politiciens del’ensemble des partis et d’autres acteurs clés.

A l’issue de la rédaction de ce rapport, l’AMJ aorganisé, en collaboration avec les éditeurs espagnolset les médias de Bilbao au Pays basque, une grandeconférence en septembre 2001. Plus de 250professionnels des médias y ont participé. Lesjournalistes et les rédacteurs, qui avaient été attaquéspar l’ETA, ont figuré parmi les intervenants, ainsiqu’un groupe d’éditeurs de journaux espagnols quiont été pour la première fois réunis en public àl’occasion de cette conférence. Y participaientégalement des journalistes espagnols et internationauxqui ont donné des informations sur la manière detravailler dans des conditions dangereuses similairesdans des pays tels que l’Algérie, la Colombie,l’Indonésie, Israël et l’Irlande du Nord.

Le résultat manifeste de cette Conférence a été une

vigoureuse résolution, reprise dans ce court article,condamnant les actes terroristes perpétrés contre lesmédias. Toutefois, il en est également résulté, à n’enpas douter, une coopération officielle entre les médiasespagnols et les médias basques, qui n’avaient pasjusqu’alors mis en place une collaboration solide dansla lutte pour la liberté de la presse, ainsi qu’une atten-tion plus grande au niveau national et internationalsur cette horrible terreur orchestrée dans cette régionbattue par les vents à l’extrémité de l’Europe.

Bogotá, Colombie

La deuxième Conférence organisée par Médias en dan-ger s’est tenue à Bogotá en Colombie, du 22 aux 23mars 2002. Lors de la Conférence de Média en dan-ger organisée à Bilbao, l’AMJ avait déjà été invitée àcontribuer à la promotion de la lutte contre leterrorisme dont les médias sont victimes en Colombie.Francisco Santos Calderon, qui a pris la parole à Bil-bao, avait invité l’AMJ à se rendre en Colombie et àoffrir son concours à l’organisation d’un programmesimilaire.

En collaboration avec Andiarios, Association deséditeurs de journaux colombiens, l’AMJ a commencéà mener un travail préparatoire en constituant un largefichier de faits sur la situation en Colombie.L’Association interaméricaine de la presse a étécontactée afin de faire parvenir un plus grand nombred’informations sur la situation dans les pays voisins.L’UNESCO et le Fonds d’aide aux médias danois ontégalement été contactés afin de trouver un appui fin-ancier à l’organisation de cette deuxième Conférenceet du programme de renforcement des capacités.

La Conférence a fait revenir en Colombie sixprofessionnels des médias qui avaient d? s’exiler deleur pays. Leurs témoignages ont solidement fait valoirl’intérêt de poursuivre la lutte contre les violations dela liberté de la presse en Colombie, que ces violationssoient le fait de groupes paramilitaires, de guérillerosou de gangsters de la drogue. Sont égalementintervenus d’éminents intellectuels colombiens etd’Amérique du Sud. Encore une fois, l’objectif de cetévénement était clairement de rassembler tous leséditeurs de journaux afin de garantir une collabora-tion vigoureuse au sein du monde de la presse contrela terrorisme.

Les 300 participants de la Conférence organisée àBogotá se sont également faits les porte-parole d’unerésolution vigoureuse.

Lors de la seconde journée de l’Atelier sur le

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renforcement des capacités, les participants quireprésentaient les médias et les organisationscolombiennes de défense de la liberté de la presse sesont accordés sur un programme d’aide concret prévupour renforcer la lutte pour la liberté de la presse et lacollaboration entre ces organisations, ainsi que pourdoter la presse colombienne d’outils plus solides àl’appui de son développement économique, et ce, afind’améliorer son indépendance.

Le programme comprenait huit activités distinctes.La première visait à faire respecter le contrôle de laliberté de la presse en renforçant la collaboration en-tre les principales organisations colombiennes de luttepour la défense de la liberté de la presse. Une harmo-nisation plus grande des activités améliorera lecontrôle de la liberté de la presse et de l’aide apportéeaux journalistes menacés ainsi qu’à leur famille, et enassurera une meilleure coordination.

Le second programme est un programme de forma-tion et de travail à l’intention des journalistescolombiens exilés, qui sera élaboré avec l’appui desorganisations donatrices internationales.

En troisième lieu, un guide Unesco à l’intention desjournalistes travaillant dans les zones de conflit seraadapté au contexte colombien et distribué parl’intermédiaire de la Fundación Antonio Narinho.

Quatrièmement, la Fédération internationale desjournalistes ouvrira un «Centre de solidarité» à Bogotápour fournir une aide pratique et juridique auxjournalistes colombiens.

Cinquièmement, l’Association interaméricaine de lapresse s’est engagée à proposer un plus grand nombrede programmes d’études subventionnés auxprofessionnels des médias colombiens, notammentceux qui travaillent dans les régions les plusdangereuses ou qui sont déjà en exil.

En outre, le Fonds international d’aide aux médiasfinancera, dans le cadre de l’AMJ, un programme deformation et de consultation sur la gestion des rela-tions avec les clients à l’intention des journalistescolombiens, ainsi qu’un programme de formation etde consultation, destiné à la presse régionalecolombienne, sur les ventes de la publicité et d’autresquestions commerciales.

Enfin, on recherche actuellement un sponsoring pourfinancer un programme complet de formation à lagestion des journaux, qui couvrirait les aspectstechnologiques, commerciaux et éditoriaux.

Les futures réunions de Médias endanger

Il existe hélas, à n’en pas douter, de nombreux autrespays et régions o? les médias sont en danger. L’un despréalables à la mise en œuvre du programme de l’AMJ,«Médias en danger», est la participation active d’uninstitut de presse local important qui assureral’intervention active de l’ensemble des éditeurs demédias dans le pays ou la région en question. Cepréalable exclut certains pays, o? d’autres formes d’aidedoivent être recherchées. Il existe toutefois denombreuses autres possibilités pour les activités deMédias en Danger axées sur une stratégie en troisétapes dans les pays d’Asie centrale, au Bangladesh,au Népal, en Namibie, au Venezuela, en Moldavie, enUkraine et au Pakistan.

Lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse,nous encouragerons la réunion de Manille à appuyerles futures activités de Médias en Danger et à exhorterles organisations internationales d’aide aux médias àcollaborer ensemble, aux côtés de l’AMJ et del’Unesco, à l’organisation de ces activités en étroitecoopération avec les organisations de médias locales.

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Communiqué de presse et Résolutionde la Réunion de Médias en dangerBilbao, Espagne, 14 septembre 2001Pour publication immédiate

Les médias condamnent le terrorisme en Espagne etaux Etats-Unis

Plus de 200 éditeurs, journalistes et avocats de la libertéde la presse, originaires de vingt-cinq pays et réunis àBilbao en Espagne, vendredi dernier, ont condamnésans réserve les attaques scandaleuses et lâchesperpétrées contre les médias par les terroristesbasques.

Ils ont déclaré, dans une résolution, que les meurtresde responsables de la presse et les attentats à l’explosifperpétrés contre les sociétés de médias en Espagneétaient l’œuvre de terroristes poursuivant la même«logique fanatique» que celle des auteurs dedestructions massives commises aux Etats-Unis mardidernier.

Ainsi que le déclare la résolution de clôture de laConférence sur le terrorisme contre les médias, lesévénements tragiques survenus aux États-Unis ont

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été perpétrés à l’évidence sur une échelle beaucoupplus grande que les crimes et les actes de destructionterroristes habituellement commis en Espagne.

La résolution signale toutefois que les racines de cetteviolence et les intentions des assassins sontessentiellement les mêmes et obéissent à une logiquefanatique similaire : la poursuite d’objectifs politiquesnon par le débat et la libre circulation de l’informationet des idées, mais par le terrorisme et l’éliminationdes individus, des institutions, et de tous les acteursqui sont les garants de la société démocratique.

Dans un message adressé aux participants à laConférence, la Présidente du Parlement européen,Nicole Fontaine, a déclaré : «le Parlement et moi-mêmeconsidérons la lutte contre le terrorisme en Espagnecomme une priorité de l’Union européenne car leterrorisme nie les droits fondamentaux et les principesdémocratiques qui fondent notre Union.»

Elle a déclaré que toute agression dirigée contre laliberté de la presse constituait une priorité pour lesterroristes en raison du rôle fondamental que lesjournalistes jouent dans l’instauration de la démocratie.

Organisée avant les attaques meurtrières dirigéescontre les États-Unis, la Conférence avait pour thèmeles actes terroristes perpétrés contre les médias,notamment au Pays basque en Espagne, o?l’organisation terroriste ETA dirige ces attaquesviolentes en priorité contre les médias et leur person-nel. La résolution concluait qu’il était plus urgent quejamais d’être résolu à combattre et à condamner lamoindre violation des principes fondamentaux etdémocratiques qui gouvernent le monde civilisé ences temps tragiques o? sévit une nouvelle forme deterrorisme sans précédent orchestrée contrel’humanité.

Outre l’intérêt porté à l’intensification des attaquescommises contre les médias au Pays basque, laConférence s’est également penchée sur les violencesqui ont lieu contre les médias en Algérie, en Colombie,en Indonésie, en Israël et en Irlande du Nord.

La résolution a manifesté son entière solidarité auxjournalistes et aux médias du Pays basque dansl’exercice de leur mission dangereuse et courageuseet a exhorté tous les partis politiques à dénoncer touteforme de violence perpétrée contre les médias.

Organisée par l’Association mondiale des journaux,le Forum mondial des éditeurs et l’Association deséditeurs de journaux espagnols (AEDE), laConférence a bénéficié de l’appui de la Fédération

des associations de la presse espagnole (FAPE) et étéaccueillie par Grupo Correo.

La Conférence fait suite à une mission conduite parl’AMJ et le Forum mondial des éditeurs au Pays basquequi y a enregistré une hausse alarmante des actes demenaces, d’intimidations et d’attaques commis contrele personnel des médias par l’organisation terroristenationaliste radicale basque ETA et ses militants. Cesattaques empêchent les journalistes de mener une vienormale tant dans leur vie privée que dans leur vieprofessionnelle. Le rapport de mission et les synthèsescontenues dans les actes de la Conférence sontdisponibles sur le site Web de l’AMJ à www.wan-press.org/ce/media.conference/index.html.

La résolution finale, approuvée par plus de 200 par-ticipants à la Conférence, se lit comme suit:

«La liberté d’expression et le droit d’être informé sontdes conditions fondamentales auxquelles doitrépondre une société pour être en droit d’être qualifiéede démocratique. Toute menace contre ces droitsfondamentaux porte gravement préjudice à la sociétéet met la démocratie en péril».

«Les professionnels des médias travaillant à lapréservation de ces principes sont en droit d’accomplirleur devoir en sécurité et en toute liberté sans courirle risque de se voir menacés, harcelés ou attaqués».

«Dans la région du Pays basque en Espagne,l’organisation terroriste ETA dirige ces attaquesviolentes en priorité contre les médias et leur person-nel. Ces mêmes médias qui ont permis la transitionde la dictature à la démocratie sont maintenant l’objetde menaces parce qu’ils s’acquittent de leurs devoirsdémocratiques».

«Lors de sa dernière campagne de violence, l’ETA atué trois professionnels des médias et a tenté d’enassassiner trois autres. L’ETA est également l’auteurde nombreuses attaques commises contre les bureauxdes médias et de menaces proférées contre desjournalistes».

«La liberté et l’indépendance des médias constituentun préalable fondamental à l’instauration de toutedémocratie, notamment bien s?r en Espagne et auPays basque. À l’heure actuelle, les terroristescherchent à ébranler ou même à détruire les médiasdans l’espoir d’influencer le traitement des nouvelleset de l’information, et de poursuivre ainsi leur pro-gramme politique par la terreur et l’intimidation ».

«Pour faire face à ce danger, l’Association mondiale

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des journaux, le Forum mondial des éditeurs, ainsique l’Association des éditeurs de journaux espagnols(AEDE), en collaboration avec la Fédération des as-sociations de la presse espagnole (FAPE), ont organisécette Conférence sur le terrorisme contre les médiasà Bilbao, le 14 septembre 2001, à laquelle participaientplus de 200 professionnels des médias originaires de24 pays».

«Dans une résolution, la Conférence condamne sansréserve les attaques scandaleuses et lâches commisescontre la presse libre et exhorte les forces de police etde sécurité à tout mettre en œuvre pour appréhenderles auteurs de ces crimes».

«Au nom de la communauté mondiale des journalistes,nous, les participants à la conférence, exprimonségalement notre entière solidarité aux journalistes etmédias présents au Pays basque dans l’exercicedangereux et courageux de leur mission et dans leurrefus d’être les otages des menaces et de la violence».

«Les participants à la conférence encouragentfortement tous les partis politiques démocratiques auPays basque à dénoncer sans réserve toute forme deviolence et d’intimidation perpétrée contre la presseet à s’abstenir de toute déclaration écrite ou orale in-citant à la haine ou à la violence contre les médias».

«Au moment même o? se tient cette Conférence deBilbao, le monde pleure la mort des victimes des plusterribles actes du terrorisme de masse commis à cejour. A l’évidence, les événements tragiques commisaux États-Unis sont perpétrés sur une échellebeaucoup plus grande que les crimes et actes de de-struction terroristes qui surviennent habituellementen Espagne».

«Les racines de cette violence et les intentions desassassins sont cependant essentiellement les mêmeset obéissent à une logique fanatique similaire:poursuivre des objectifs politiques non par le débatet la libre circulation de l’information et des idées,mais par le terrorisme et l’élimination des individus,des institutions et de tous les acteurs qui sont lesgarants de la société démocratique».

«En ces jours tragiques où sévit une nouvelle formede terrorisme sans précédent orchestrée contrel’humanité, il est plus urgent que jamais d’être résoluà combattre et à condamner la moindre violation desprincipes démocratiques fondamentaux quigouvernent le monde civilisé. Tel est le dessein de laprésente Conférence».

Communiqué de presse et Résolutionde la Réunion de Médias en dangerorganisée ŕ BogotáBogotá, 22 mars 2002

Plus de 200 éditeurs, journalistes et avocats de la libertéde la presse, originaires de quinze pays, réunis àBogotá, en Colombie le vendredi 22 mars 2002,condamnent sans réserve les attaques scandaleuses etlâches commises contre les médias par les criminelset les terroristes colombiens.

La liberté d’expression et le droit d’être informé sontdes conditions fondamentales auxquelles doitrépondre une société pour être en droit d’être qualifiéede démocratique. Toute menace exercée contre cesdroits fondamentaux porte gravement préjudice à lasociété et met la démocratie en péril.

Les professionnels des médias travaillant à lapréservation de ces principes sont en droit d’accomplirleur devoir en sécurité et en liberté sans courir le ris-que de se voir menacés, harcelés ou attaqués.

En Colombie, les organisations paramilitaires etcriminelles dirigent leurs attaques violentes en prioritécontre les médias et leur personnel. Ainsi, la libertéd’expression et de la presse est sérieusement mise àmal par le crime, le terrorisme, les enlèvements, lespressions, les menaces, la destruction des ateliersd’imprimerie et des stations de radiodiffusion, ainsique par toutes sortes de violences et l’impunité deleurs auteurs.

Pour faire face à ce danger, l’Association mondialedes journaux, le Forum mondial des éditeurs,l’Association colombienne des éditeurs de journaux(Andiarios), en collaboration avec l’Associationinteraméricaine de la presse, l’Unesco et le Fonds in-ternational d’aide aux médias ont organisé laConférence Médias en danger à Bogotá, du 22 au 23mars 2002, o? étaient réunis plus de 200 professionnelsdes médias originaires de quinze pays.

La conférence condamne sans réserve les attaquesscandaleuses et lâches perpétrées contre la liberté dela presse et incite les pouvoirs publics et les forces depolice et de sécurité à mettre tout en œuvre pourappréhender les auteurs de ces violences.

La Conférence souligne combien il importe d’attirerl’attention nationale et internationale sur le sort de lapresse colombienne en proie aux assassinats et auxkidnappings.

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La Conférence encourage vivement la promotion desefforts visant à protéger les professionnels des médias,notamment le renforcement de l’action des organisa-tions colombienne de défense de la liberté de la presse.

Au nom de la communauté mondiale des journalistes,nous, les participants à la Conférence, exprimonségalement notre entière solidarité aux journalistes etmédias présents en Colombie dans l’exercicedangereux et courageux de leur mission et dans leurrefus d’être les otages des menaces et de la violence.

Les participants à la Conférence encouragentfortement tous les partis politiques démocratiquesprésents en Colombie à dénoncer sans réserve touteforme de violence et de menaces dirigées contre lapresse et à s’abstenir de toute déclaration écrite ouorale incitant à la haine ou à la violence contre lesmédias.En cette période o? sévit une nouvelle forme deterrorisme sans précédent orchestrée contrel’humanité, il est plus urgent que jamais d’être résoluà combattre et à condamner la moindre violation desprincipes démocratiques et fondamentaux quigouvernent le monde civilisé.

Tel est l’objectif de cette Conférence.

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Toby Mendel

Directeur,Programme Juridique

Article 19

Les attaquesterroristes du

11 septembre:Conséquencespour la libertéd’expression

CHAPITRE 3

Introduction

Après les attaques du 11 septembre, un certain nombre de gouvernements, àtravers le monde, ont promulgué de nouvelles lois qui vont leur permettre deprendre des mesures plus efficaces pour combattre le terrorisme à l’échellemondiale. A un degré plus ou moins grand, ces efforts effectués dans le domainejuridique donnent aux autorités de nouveaux pouvoirs légitimes pour faire face auproblème du terrorisme qui est bien réel. Un problème qui, par le passé, sembleavoir peu intéressé les autorités, du moins dans certains pays, contrairement à cequ’on aurait pu s’y attendre. Les gouvernements ont, cependant, profité du climatde peur qui, dans certains cas a tourné à l’hystérie pour s’octroyer certains droitsqui bafouent les droits humains. Les exemples les plus flagrants sont ceuxconcernant la détention, le déplacement et/ou le procès de personnes suspectéesde terrorisme, sans respect pour les droits individuels qui ont été acquis au fil dessiècles. Cependant, dans certains cas, les mesures législatives ont également réduitles garanties de la liberté d’expression et de l’information.

Quoique plus subtile, mais non moins important, a été l’impact du 11 septembre,en termes d’autocensure que les autorités ont encouragée, à la fois pour des raisonsqui sont les leurs, mais également en réponse au comportement du public. Cetteauto-censure n’a pas permis de discuter ouvertement et de façon critique desproblèmes, d’indiquer les causes premières du terrorisme et la meilleure façon d’yporter remède, sans oublier de débattre de l’efficacité et de la légitimité de laguerre en Afghanistan, des événements atroces qui se déroulent aujourd’hui enIsraël et en Palestine et de la menace de mesures militaires supplémentaires pourcombattre le terrorisme. L’autocensure a également rendu la tâche beaucoup plusdifficile pour les défenseurs des droits humains à soutenir des causes devenuesimpopulaires, telles que les droits humains de ceux qui sont accusés de terrorisme.Cela ne fait que saper les tentatives holistiques, à long-terme, pour traiter leproblème du terrorisme.

Un problème, du même ordre, est celui de la l’attention que la communautéinternationale a investie dans sa lutte contre le terrorisme. Bien que cela ne soitpas une mauvaise chose, il y a deux effets secondaires qui sont regrettables pourles défenseurs des droits humains. D’abord, étant donné la capacité limitée pourune action internationale, l’attention fixée totalement sur terrorisme fait oublierles droits humains. En second lieu, certains au sein des principales puissances quijouent un rôle actif dans la lutte contre le terrorisme, les Etats-Unis, en particulier,ont l’habitude de fermer les yeux sur les atteintes portées aux droits humains pourse faire des alliés ou pour obtenir un avantage stratégique. Ce qui rend la tâche desdéfenseurs des droits humains bien trop difficile pour apporter un changement.

Liberté d’expression et lutte contre le terrorisme

Les tribunaux et les instances internationales ont clairement indiqué que la libertéd’expression et d’information est un des droits humains les plus importants. Lorsde sa toute première session, en 1946, l’Assemblée générale des Nations unies aadopté la Résolution 59 qui spécifie que : la liberté de l’information est un droit humainfondamental et (...) [qu’elle est] la pierre de touche de toutes les libertés que l’organisation desNations unies est destinée à défendre.

Comme l’indique cette Résolution, la liberté d’expression est à la fois, hautementimportante pour ce qu’elle est, et également parce qu’elle est la source des tous lesautres droits. Ce n’est que dans les sociétés où la libre circulation de l’informationet des idées est chose permise que la démocratie peut prospérer. En outre, laliberté d’expression est essentielle si l’on veut dénoncer et récuser les atteintes aux

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droits humains. L’importance de la liberté d’expressiona toujours été soulignée par les tribunaux nationauxou internationaux.

Les efforts, en vue de promouvoir un plus grand re-spect de la liberté d’expression, sont fondamentaux àtoute stratégie à long-terme qui veut s’atteler auproblème du terrorisme. Ce n’est que dans le respectde la liberté d’expression qu’on peut traiter les causespremières du terrorisme. Les trois principauxmécanismes internationaux sur la liberté d’expressionsont : le Rapporteur spécial des Nations unies sur laliberté d’expression et d’opinion, le Représentant del’Organisation de la sécurité et de la coopérationeuropéenne (OSCE) sur la liberté des médias et leRapporteur spécial de l’Organisation of American States(OAS) sur la liberté d’expression, ont adopté uneDéclaration commune, le 20 novembre 2001,indiquant entre autre que : [nous pensons] que lesévénements du 11 septembre 2001 et leurs conséquences mettentl’accent sur l’importance d’un débat public franc et ouvert surla liberté d’échanger des idées, et devraient servir de catalyseur,aux Etats, à travers le monde, pour garantir la libertéd’expression.

Le respect de la liberté d’expression est essentiel à lafois dans les pays qui sont la cible potentielle duterrorisme et dans les pays qui abritent ou formentdes terroristes. Il est incontestable que les méthodesemployées, par les terroristes du 11 septembre, sonttotalement illégitimes, il n’en demeure pas moinsqu’elles ont été motivées par des préoccupations quisont celles de beaucoup de gens, particulièrement ceuxqui vivent dans les régions les plus pauvres du globe.Préoccupations qui sont autant de facteursmagnétiques pour le terrorisme. C’est avoir une vi-sion bien étroite que d’essayer de traiter le problèmedu terrorisme sans d’abord comprendre les facteurs àforce magnétique et y apporter remède. Et cela nepeut se faire qu’au travers d’un débat libre et ouvert,dans le respect de la liberté d’expression et de la librecirculation de l’information et des idées.

Au même moment, le terrorisme prospère dans desenvironnements répressifs, où les moyensdémocratiques et pacifiques pour exprimer une di-vergence d’opinion ou tout simplement s’exprimern’existent pas. Il prospère également sur des rumeurs,sur la déformation et le parti pris. En d’autres termes,là où on ne peut avoir librement accès à une informa-tion sérieuse et fiable. Il y a, par conséquent, un liendirect entre la zone de reproduction du terrorisme etle non respect des droits humains, en particulier ledroit de la liberté d’expression, qu’on pourrait désignercomme facteur de “force attractive”. Il faut, parconséquent, que la stratégie globale contre le

terrorisme, élimine d’abord les facteurs de “force at-tractive”, y compris une meilleure protection des droitshumains.

Enfin, il est nécessaire d’établir de meilleurs contacts,plus fréquents, entre les communautés et les sociétésà travers le monde. Car, sur le long terme, il n’y a quele contact et la communication pour traiter desproblèmes tels que le racisme, qui a, malheureusement,augmenté depuis le 11 septembre, ainsi que cettepartialité qui, d’un côté, exprime des sentiments arabeset de l’autre en diabolisant l’Occident et les Etats-Unis.

Mesures officielles pour réduire la libertéd’expression

Dans le droit international, la liberté d’expression peutêtre limitée, mais seulement si les mesures prisesrépondent au contrôle strict en trois parties. D’abord,l’ingérence doit être stipulée par la loi. La Coureuropéenne des droits de l’homme a indiqué que cettecondition ne sera remplie que si la loi est claire etformulée de façon précise, pour que citoyen soit en mesure de s’yconformer. En second lieu, l’ingérence doit poursuivreun des objectifs légitimes énumérés dans le traité enquestion et qui sont l’ordre public et la sécuriténationale. Et enfin, la restriction doit être nécessaireet proportionnelle pour assurer l’objectif légitime.Affronter le terrorisme est, sans conteste, un butlégitime, mais rien ne justifie les mesures excessivesqui portent atteinte à la liberté d’expression ou cellesqui, quoique rédigées de manière restrictive, donnentquand même des résultats.

Dans de nombreux pays, à travers le monde, tels queBelarus, le Canada, l’Inde, le Népal, le Royaume Uniet les Etats-Unis, de nouvelles lois ont été adoptéesaprès les attaques du 11 septembre pour contrecarrerla menace terroriste à l’échelle mondiale. Ces loisconcernent essentiellement le pouvoir de détentionet de jugement de personnes soupçonnées deterrorisme. L’exemple notoire est celui du décretintroduit par le président des Etats-Unis, G.W.Bushqui prévoit de juger des “terroristes internationaux”par des commissions militaires dont les jugementsdevaient, au départ, se dérouler dans le secret. Undécret qui donne le pouvoir de juger les membressuspects d’Al-Qaida, à la base militaire américaine àGuantanamo Bay, Cuba.

Ces nouvelles règles ont des conséquences sur laliberté d’expression. Une mesure qui réduit la libertéd’expression est la disposition USA PATRIOT Act(United & Strengthening America by Providing Ap-propriate Tools Required to Intercept and Obstruct

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Terrorism). Cette disposition permet au Secrétaired’Etat américain de déclarer les personnes voulantentrer aux Etats-Unis comme des “indésirables”, parcequ’ils sont considérés comme des personnes pouvantminer les efforts américains dans la lutte anti-terroriste. Les termes généraux de ce pouvoirimpliquent qu’il peut être utilisé pratiquement contren’importe quelle personne qui porterait un regard cri-tique sur la démarche adoptée, par l’administrationaméricaine, dans sa lutte contre la terreur. Forme dedissuasion qui empêcherait toute critique légitime dela politique américaine et/ou de ses pratiques àl’étranger. On peut imaginer l’effet que cela peut avoirsur les journalistes qui ne voudraient pascompromettre leur droit d’entrée aux Etats-Unis.Même un journaliste britannique, par exemple, neserait pas à l’abri d’une expulsion des Etats-Unis, s’ilest opposé à la solution militaire de Bush contre l’Irak.

L’ampleur de ce pouvoir et le fait qu’il soit exercé parun acteur politique, le secrétaire d’Etat, rend difficiletoute accusation d’atteinte à la liberté d’expression.On peut lui opposer les normes constitutionnellesgénérales, aux Etats-Unis, qui permettent de limiterla liberté d’expression que là où elle constitue uneincitation à un acte contraire à la loi - le simple fait dedéfendre un tel acte n’est pas interdit - et là où lamenace illégale est imminente. Les Etats ontévidemment le droit de ne pas permettre à desterroristes de franchir leurs frontières, mais cela n’arien à voir avec l’expulsion de personnes susceptiblesde contrarier les efforts américains dans la lutte anti-terroriste.

Le PATRIOT ACT accorde, également, un pouvoirétendu au FBI pour enquêter sur le terrorisme, ycompris découvrir les goûts livresques des suspectset autres choses de ce genre. La loi interdit égalementaux bibliothèques et aux librairies de révéler qu’ils ontfait l’objet d’une enquête. Ainsi, un vaste champ desopérations du FBI demeure protégé du regard du pub-lic. L’interdiction devrait être réservée aux cas où touterévélation pourrait nuire à l’enquête.

Dans d’autres pays, des mesures encore plusdraconiennes ont été prises. Une loi anti-terroristevotée, en décembre 2001, à Belarus, impose unnombre de restrictions, assez conséquent, sur lesmédias, y compris le pouvoir accordé aux autoritésde prendre le relais et de remplacer les médias dans larégion où une opération anti-terroriste est en cours.Rien ne justifie une mesure aussi extrême,particulièrement quand la région en question n’est pasdéfinie et peut aussi bien inclure tout le pays. La loiimpose également de grandes restrictions sur le

contenu, telles que les informations qui justifieraientle terrorisme ou celles concernant le personnel prenantpart dans les activités anti-terroristes. Il n’est pasnécessaire que les informations en question fassentcourir un danger.

En Inde, le Prevention of Terrorism Ordinance (POTO),voté le 1er avril 2002, oblige les journalistes à donnerl’information que les autorités considèrent commeutile à la prévention du terrorisme. Cela empiète surle droit des journalistes à protéger leurs sources etbrouille la frontière entre les journalistesd’investigation et la police. La Cour européenne desDroits de l’homme a statué que l’obligation dedivulguer sa source n’est légitime que lorsqu’elle estjustifiée par une exigence prépondérante dans l’intérêt public.Le POTO ne répond nullement à ce critère.

Encore plus draconien est le nouveau projet anti-terroriste actuellement en discussion au Parlementnépalais, qui interdit aux journalistes d’informer surtout individu ou groupe d’individus impliqués dansdes activités terroristes ou subversives. Si ce projet deloi est adopté, il deviendrait pratiquement impossiblepour les médias de couvrir le conflit, en cours, auNépal et compromettrait sérieusement le droit dupublic à être informé. Dans bien des cas, les autoritéschargées de faire appliquer la loi, se sont vues investiesde nouveaux pouvoirs pour entreprendre une surveil-lance électronique et un contrôle, par exemple, descommunications téléphoniques et du courrierélectronique. Ce sont des pouvoirs, qui, par le passé,ont conduit à de sérieux abus de la part des autoritéset n’ont été réduits, de façon formelle, qu’après desactions publiques concertées avec une mise en lumièredes abus. Bien que les communications soient mieuxprotégées en tant que droit à la protection de la vieprivée, la crainte d’une mise sur écoute peut égalementconduire à l’autocensure. Les tribunaux ont souvent,par le passé, interdit de tels pouvoir, considéréscomme des atteintes aux droits humains et bien qu’ilfaille affronter le terrorisme, il n’est nul part indiquéque des pouvoirs de surveillance plus élargis sont plusnécessaires, pour cette tâche, que pour lutter contred’autres genres de crimes.

Les autorités de certains pays ont également tenté decensurer compte-rendus, reportages, informationindépendante sur l’Afghanistan, en particulier, durantla première partie de la campagne militaire avant lerenversement des talibans. Cela a d’abord commencéavec les autorités américaines qui, faisant usage de leurinfluence, ont essayé d’empêcher “Voice of America”,une station indépendante, mais financée par l’Etat,de diffuser une interview avec le responsable taliban,le Mollah Mohammed Omar. La station a finalement

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décidé de diffuser quelques extraits de l’interview enles intégrant dans un documentaire plus grand.

Le 10 octobre, la conseillère à la Sécurité nationale,Condoleezza Rice, a donné une télé-conférence auxprincipaux réseaux de diffusion américains, leurrecommandant vivement de ne pas diffuser lesdéclarations pré-enregistrées d’Oussama Ben Laden.Démarche que le porte-parole de la Maison Blanche,Ari Fleischer, a justifié en ces termes: Au mieux, lesmessages d’Oussama ben Laden sont une propagande appelantles gens à tuer des Américains. Au pire, il pourrait être entrain de donner des ordres à ses partisans pour lancer desattaques similaires.

Les réseaux de diffusion ont insisté pour dire qu’ilsconsidéraient l’appel simplement comme un conseilamical, et ont rejeté l’idée qu’il s’agissait de censure.L’idée qu’Oussama Ben Laden utiliserait lesradiotélédiffusions américaines pour donner desordres frise le ridicule, étant donné qu’il a à sa dispo-sition de nombreux autres moyens plus fiables pouratteindre cet objectif. Oussama Ben Laden et sonréseau, dont la valeur se compte en multi-milliardsont, tout de même, des moyens plus efficaces quecelui des réseaux américains pour diffuser leurs mes-sages. S’ils voulaient utiliser une chaîne de diffusion,qui n’est pas le moyen le plus sûr pour transmettreses ordres, il y a d’autres options, dont Internet et Al-Jazira serait le choix le plus vraisemblable.

Malgré cela, les réseaux de radiotélédiffusion ontaccepté d’écouter et de visionner les cassettes audioet vidéo avant de les diffuser, indiquant par là-mêmeque la télé-conférence a eu un impact sur lesreportages. La Grande Bretagne a fait de même,quelques jours plus tard, avec Alistair Campbell,directeur de la Communication du Premier ministre,Tony Blair, qui a “convoqué” les responsables desréseaux d’informations pour aborder le même leproblème. Une fois encore, les réseaux de diffusion,y compris la BBC, ont maintenu que personne ne lesa censurés. Une déclaration commune a indiqué queles responsables des réseaux d’informations avaientconsidéré qu’un dialogue raisonnable avec le gouvernementest important durant le conflit actuel. Mais nous garderons ledroit d’exercer notre propre jugement éditorial, impartial etindépendant. Cependant, après cette réunion, on aconstaté des changements, visibles, dans les pratiquesde diffusion concernant les déclarations d’Al-Qaida.Plus insidieux encore, se sont les tentatives desautorités américaines qui avaient essayé de censurerle canal satellite indépendant d’Al-Jazira, basé au Qatar.Al-Jazira est une des quelques voix de laradiotélédiffusion indépendantes au Moyen Orient.Elle avait, bien avant les événements du 11 septembre,

établi une bonne réputation pour la liberté de ton deses reportages. Même, avant le 2 octobre 2001, quandles Américains ont attaqué l’Afghanistan, l’ambassadeaméricaine au Qatar, avait émis une plainte diploma-tique formelle, quant à la couverture médiatique d’Al-Jazira sur la situation en Afghanistan. Au lendemainde cette plainte, il y eut une rencontre entre le secrétaired’Etat américain, Colin Powell, et le dirigeant du Qatar,Sheikh Hamad Khalifa al-Thani où il fut question demettre Al-Jariza au pas. Il semblerait que les autoritésaméricaines aient été contrariées par les diffusionsrépétées de l’interview exclusive qu’Oussama BenLaden avait accordé à Al-Jazira et de sa position anti-américaine et anti-israélienne. Ce dernier pointdemeure particulièrement sensible, étant donné queles tentatives américaines, pour assurer la paix dans larégion, font partie des efforts pour se donner unecoalition.

Ces tentatives de censure flagrante des autoritésaméricaines ont été largement critiquées, y comprispar plusieurs associations pour la liberté de la presse,telles que le Comité pour la Protection des journalistes,aux Etats-Unis et Reporters sans Frontières, enFrance. Un éditorial du New York Times, publié le 11octobre 2001, a également dénoncé la censure enappelant les autorités américaines à plutôt porterremède à ce qu’ils ont perçu comme une partialité dela part d’Al-Jazira, en fournissant à la station plusd’informations exprimant le point de vue américain.Al-Jazira s’est plainte, par le passé, de la difficultéqu’elle rencontrait à obtenir des interviews desautorités américaines.

Le Secret

On a assisté, ces dernières années, à une ouverture deplus en plus grande dans des pays, à travers le monde,et on a vu les autorités reconnaître que le public avaitle droit de savoir ce que le gouvernement fait pourlui. Ainsi, de nombreux pays, de toutes les régions dumonde, ont, durant ces cinq dernières années, adoptédes lois relatives à la liberté d’information permettantaux citoyens un droit d’accès à l’information par lebiais d’organismes publics.

Les attaques du 11 septembre ont eu un impactmalheureux sur cette tendance très positive. La libertéd’information est souvent la première victime de laguerre, étant donné que les gouvernements justifientle secret en invoquant la nécessité militaire et le pub-lic, ne pouvant pas ou ne voulant pas mettre en doutecette nécessité, se soumet, un peu trop facilement,aux arguments du gouvernement. Il y a quelque chosede particulièrement insidieux dans cette forme de se-cret, étant donné qu’il est extrêmement difficile

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d’évaluer, de façon indépendante, la nécessité du se-cret dans une situation conflictuelle.

Aussitôt après les événements du 11 septembre, lesautorités américaines ont appelé à une protection, plusgrande, des documents confidentiels, même si lesfuites sur ces documents n’avaient absolument rien àfaire avec les attaques. Des rapports indiquent que,dans la pratique, il est devenu de plus en plus difficiled’accéder à l’information. Un article récent paru dansle Christian Science Monitor, a, par exemple, dénoncél’importance que le secret avait pris à la MaisonBlanche, y compris en réponse aux demandes,conformes à la loi, sur la liberté de l’information. Endehors de la question du terrorisme, un juge fédérala, en février 2002, ordonné au département del’Energie de publier des milliers de pagesd’informations de la task force à l’énergie du vice-président, Dick Cheney, critiquant l’administrationd’avancer à un rythme incroyablement lent.

En novembre 2001, juste après le début des hostilitésen Afghanistan, le Royaume Uni a remis à 2005 lamise en application de la loi sur la libertéd’information, adoptée en novembre 2000. Vers lamême période, les autorités canadiennes ont amendéla loi sur l’accès à l’information en accordant auministre de la Justice le droit de délivrer des certificatsexemptant certains documents de toute divulgation.Cela a été fait malgré les conclusions des étudeseffectuées à cet effet qui indiquaient que la loi accordaitdéjà une protection adéquate aux intérêts de la sécuriténationale.

Il est indubitable que le secret s’est également propagédans des pays qui n’ont pas amendé leur loi sur laliberté d’information, bien qu’il ne soit pas toujoursfacile d’évaluer l’impact de façon précise. Un certainnombre de pays de l’Europe de l’Est et Centrale, ycompris la Bulgarie et la Roumanie sont sur le pointd’adopter des lois imposant le secret comme condi-tion à leur adhésion à l’OTAN. Bien que ces lois nerésultent pas des événements du 11 septembre, il estinquiétant qu’on ait pris avantage du climat actuel desecret pour rédiger ces lois. Ce qui rend les chosesencore plus grave, c’est le fait que la lutte pourdavantage de liberté soit aujoud’hui minée par cesmesures qui imposent une plus grande opacité, auxEtats-Unis et au Canada, pays traditionnellement par-tisans convaincus de la transparence.

Les trois rapporteurs spéciaux, de la libertéd’expression, ont exprimé leurs inquiétudes quant àces développements dans une déclaration communedu 20 novembre 2001 : Certains gouvernements ont, à lasuite des événements du 11 septembre, adopté des mesures ou

pris des dispositions pour limiter la liberté d’expression etrestreindre la libre circulation de l’information. Cette réactionfait le jeu des terroristes.

Dans la plupart des cas, la lutte contre le terrorismene peut justifier l’érosion de garanties de transpar-ence acquises. Les lois sur la liberté d’informationprévoient normalement une quantité d’exceptionsclairement définies, souvent excessives, qui prennentdéjà en compte toutes les raisons légitimes pourrefuser de divulguer l’information, sécurité nationalecomprise. Bien que le terrorisme soit une vrai men-ace pour la sécurité nationale, le combattre n’exigepas d’introduire des formes spéciales de secretgénéralisé. Il n’y a aucune raison de négliger la règleselon laquelle les exceptions au droit à l’informationdoivent être justifiées. Il faut que la menace d’undommage à un bien légitime soit réelle et même là oùle risque a été prouvé, l’information devrait, malgrétout, être divulguée quand il s’agit de l’intérêt du pub-lic en général.

Les mesures légales trouvent leur parallèle dans la ma-nipulation, parfois flagrante, de l’information militairedes deux adversaires. Un exemple intéressant, de cequi vient d’être évoqué, est celui de l’information surl’échec du raid américain, du 19 octobre 2001, sur leterritoire afghan et que les forces adverses des Talibansavaient repoussé avec succès. Les Talibans avaient,pour leur part, annoncé un nombre significatif demorts, alors qu’aucun Américain n’avait été tué. Lesautorités américaines avaient, par ailleurs, affirmé lelendemain que le raid avait été un succès. Le généralRichard Myers, président des chefs d’état-major del’armée américaine, a affirmé, lors d’une conférencede presse, que le raid avait été conduit sans interférencessignificatives des forces talibanes et les autorités avaientmême permis la diffusion de séquences pour soutenircette affirmation. Seulement, ils ont dû avouer, plustard, que les séquences avaient été sélectionnées pourune opération de prestige plutôt que d’informer surl’événement réel. Les autorités américaines n’ontreconnu, que bien plus tard, que le raid avait fait desblessés, tout en gardant secret l’étendue et l’efficacitéde la résistance talibane.

Les médias n’avaient pas de moyens indépendantspour vérifier ou évaluer les déclarations des deux par-ties. Les médias occidentaux ont dûment diffusé,comme prévu, les déclarations de succès des autoritésaméricaines, tandis que les médias, dans certains pays,comme le Pakistan, ont présenté les déclarations desTalibans comme étant plus exactes. Cela a abouti àtromper le public, à le désorienter et à ne pasl’informer. Quand la vérité s’est finalement imposée,la confusion était telle que seuls les lecteurs attentifs

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auraient pu y voir clair. A ce stade, l’information avaitlargement perdu de son importance et de sa perti-nence. Comme le montre clairement cet exemple, lecontrôle que les autorités exerçaient sur l’informationétait telle que les médias se sont retrouvés dans uneposition très difficile. Ils avaient à informer sur cesévénements qui étaient d’une importance capitale pourle public et pourtant ils se retrouvaient dansl’incapacité d’évaluer, de façon indépendante, lesaffirmations militaires.

Un problème du même ordre est celui de l’obligationqu’ont les médias d’exercer leur responsabilitéprofessionnelle en ce qui concerne les déclarationsmilitaires et la nécessité de garder le secret. Cela estinscrit dans les directives de la politique éditoriale, dela BBC, relative à la couverture en temps de guerre,qu’ils ont rendu public et c’est tout à leur honneur.Les directives reconnaissent, à la fois, le besoind’informer le public et le risque, inhérent à la circula-tion de l’information, qui augmenterait le danger pourles forces armées. En conséquence, la BBC s’estmontrée disposée à retenir l’information, pour untemps, à la demande des autorités militaires, à condi-tion que les raisons qui lui seront fournies soientvalables. Toutefois, dans la plupart des cas, il serapresque impossible, pour la BBC d’évaluer si lesraisons avancées sont satisfaisantes ou pas. Enconséquence, elle se retrouvera à prendre lesdéclarations, sur la nécessité de garder le secret, aupied de la lettre donnant ainsi aux autorités militairesdes pouvoirs significatifs sur la circulation del’information.

Les problèmes de l’autocensureet de la partialité des médias

L’impact des restrictions officielles sur la libertéd’expression est comparable aux effets de l’autocensureet de la partialité des médias sur la diffusion del’information, après le 11 septembre, en direction dupublic. L’autocensure, dans ce contexte, provient d’uncertain nombre de facteurs, y compris la pression desautorités ainsi que la peur et l’émotion sous-jacentes. Lesautorités et le public dans son ensemble sont pluspréoccupés par la riposte que par l’analyse de la situationet cela peut créer un climat où le public refuserad’entendre tout ce qui pourrait contredire les mesuresen train d’être prises. Et c’est ainsi que la vigilance dupublic quant à l’action des autorités se trouve amoindrie.

Dans certains cas, les autorités ont activement pris desdispositions pour promouvoir l’autocensure. Pourillustrer cela, on peut citer l’exemple de la tentative réussiedu président des Etats-Unis, Georges Bush et de sonadministration qui ont décrété que ceux qui n’étaient pas

du côté des Etats-Unis étaient du côté des terroristes.Cette attitude bi-partisane du “eux et nous” n’a aucunfondement, et a pour effet d’éroder le centre, rendantdifficile toute critique de l’option choisie par l’admi-nistration américaine pour répondre aux attaques.Même le nom donné à la loi anti-terroriste USA PA-TRIOT Acte a été bien choisi afin d’étouffer toutedivergence.

Les autorités américaines ont, également, utilisé latactique “eux et nous” pour réprimer les voix desdéfenseurs des droits humains. Le 7 décembre 2001,apparaissant devant le Comité judiciaire du Sénat, leministre de la Justice, John Ashcroft a déclaré : [A]ceux qui effraient des gens pacifiques en agitant les fantômes dela liberté perdue, mon message est le suivant : vos tactiques nefont qu’aider les terroristes, car ils sapent notre unité nationaleet amoindrissent notre résolution. Ils donnent des munitionsaux ennemis de l’Amérique et font hésiter nos amis. Ilsencouragent les gens de bonne volonté à garder le silence en facedu mal.

Il y a quelque chose d’ironique dans ce message, dansla mesure où un des problèmes clés avec les terroristesest qu’ils ne respectent pas la liberté et l’autorité de laloi et pourtant Ashcroft critique ceux qui défendentla liberté. Plus ironique encore, c’est quand il s’inquièteque les gens de bonne volonté soient réduits au si-lence, puisque c’est ce qu’il essaie de faire.

L’attitude du public a aussi un impact sur la libertédans les discussions et la libre circulation del’information sur la situation en Afghanistan. Cela estcertainement dû, en partie, au soutien massif descitoyens américains à la riposte de l’administration,les médias américains se sont, en grande partie, démisde leur rôle d’”observateurs” du gouvernement, enacceptant les déclarations de l’administration, enomettant de vérifier les hypothèses et en ne mettantpas en question la politique adoptée. Cela se reflète,par exemple, dans la couverture de la guerre en Af-ghanistan de CNN, qui a utilisé la bannière “Strikeagainst Terror”, et par là-même a exclu toute critique,ou même toute analyse sérieuse, de l’action militaire.

Un exemple qui illustre bien la pression du public surles médias a eu lieu lors de l’émission régulière de laBBC, intitulée “Question Time”, animée par DavidDimbleby, diffusée deux jours après les attaquesterroristes. L’émission rassemble un public trié sur levolet et un certain nombre d’invités. Ce jour-là, figuraitparmi d’autres invités, l’ancien ambassadeur américainau Royaume Uni, Philip Lader. L’audience a expriméun fort sentiment anti-américain et M. Lader a, sem-ble-t-il, fondu en larmes. Plus de deux mille spectateursont appelé pour se plaindre de l’émission. La BBC a,

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tout d’abord, défendu l’émission avant de changer saposition. Le Directeur général de la station, GregDyke, a pris une décision sans précédent, celle de fairedes excuses personnelles avec cette déclaration : Malgréles meilleurs efforts de David Dimbleby et le panel, il y avaitdes moments dans l’émission ou le ton n’était pas approprié,étant donné les terribles événements de cette semaine.

Ces excuses étaient regrettables. L’administrationBush a dès le début décrit les attaques comme uneguerre contre l’Amérique, et par là-même ouvrant lavoie à une réponse militaire. Toute opposition, ycompris celle exprimée lors de l’émission “QuestionTime” de la BBC, a été, en fait, étouffée pour le re-spect des morts. Toutefois, un débat libre et ouvertsur les attaques était essentiel, même tout de suite aprèsl’événement, étant donné que c’était le momentpropice pour se faire une opinion sur la riposte quis’imposerait.

Bien que l’exemple cité ci-dessus ait eu lieu juste deuxjours après les attaques, l’ampleur de la tragédie a étéutilisée, longtemps après, pour essayer d’étouffer toutecritique. Lors du débat télévisé, au Royaume Uni, enjanvier 2002, qui portait sur le droit des prisonniers,accusés de soutenir Al-Qaida et emprisonnés sur laBaie de Guantanamo. Un avocat américain, à courtd’arguments, a accusé son challenger, un militant desdroits humains, d’humilier la mémoire des victimes.Il est évident que l’état critique des victimes ne peutjustifier le non respect des droits humains par lesautorités américaines. Mais c’est jouer avec lesémotions des gens que d’escamoter le problème.

L’autocensure et la partialité jouent également un rôlesur la façon d’informer dans les pays où l’oppositiondu public à la guerre est importante. Au Pakistan, parexemple, les principaux quotidiens faisaient le compterendu régulier des déclarations triomphantes desTalibans sans les vérifier. La plupart d’entre elles sesont, en définitif, révélées fausses. Il a déjà été ques-tion de la façon dont le raid américain, du 19 octobre,a été présenté. Un autre exemple concernant ladéclaration des Talibans, faite au début du mois denovembre, selon laquelle ils auraient abattu un bom-bardier B.52. Déclaration qui, pendant plusieurs jours,a capté l’attention des journaux pakistanais, même sila “preuve” était pour le moins douteuse. En fait, ladéclaration s’est révélée être fausse et les gens nesavaient plus ce qui se passait réellement.

Ces exemples d’autocensures proviennent essen-tiellement de la peur et de la partialité dans le public,plutôt que de manipulation de la part des médias. Lesconflits font ressortir ce qu’il y a de pire chez lesindividus, avec une tendance à interpréter les

événements de façon émotionnelle plutôt qued’analyser froidement la situation. Cela conduitpresque naturellement à une situation d’autocensureoù il devient difficile d’exprimer des opinionsimpopulaires et où les médias se mettent à évitercertains types de controverse craignant la réactionbrutale du public.

Malheureusement, les sujets qui deviennent taboussont souvent, ceux-là même, dont la société a le plusbesoin d’en débattre ouvertement. Il est, par exemple,de la plus grande importance que les Etats-Unis et laGrande Bretagne aient un débat public, ouvert etapprofondi, avant de prendre la décision d’une actionmilitaire contre l’Irak. Cependant, dans la réalité, c’estle contraire qui semble l’emporter, avec des dirigeantsqui décident et tentent d’empêcher qu’un débat puisseavoir lieu.

Défense des droits humains

Les attaques du 11 septembre ont eu desconséquences sérieuses pour les défenseurs des droitshumains et le déclin généralisé des priorités dans lespréoccupations des droits humains, y compris cellesqui concernent la liberté d’expression. Les défenseursdes droits humains à travers le monde trouvent que,pour de nombreuses raisons, il est devenu difficile dedéfendre leur cause. Un problème clé est quel’attention de la communauté internationale estconcentrée sur la lutte contre le terrorisme audétriment de la défense des droits humains. Lesressources et l’attention sont limitées et l’énorme at-tention accordée au terrorisme ne peut que miner lesefforts dans d’autres secteurs.

Un problème connexe est que les principaux acteursinternationaux, américains et britanniques compris,ont montré qu’ils sont disposés à ignorer les atteintesaux droits humains pour qu’en échange ils obtiennentle soutien dans la lutte contre le terrorisme. Prenonsl’exemple du Pakistan, un pays envers lequel lacommunauté internationale avait exprimé une viveinquiétude, pour le développement de sa capaciténucléaire militaire et la prise de pouvoir militaire. Cesinquiétudes ont, toutefois, été balayées purement etsimplement, en échange du soutien du Pakistan pourla guerre en Afghanistan.

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Enfin, comme il a été indiqué ci-dessus au sujet de laliberté de l’information, il est beaucoup plus difficilepour des pays qui ont défendu les droits humains decontinuer à le faire alors qu’ils refusent eux-mêmesde respecter des droits qui existent depuis longtemps.Cela affecte évidemment les défenseurs des droitshumains, étant donné qu’il est difficile de convaincredes gouvernements d’améliorer la situation des droitsde l’homme quand ils savent que les droits subissentdes restrictions dans les démocraties établies. A l’instardes trois Rapporteurs spéciaux sur la libertéd’expression qui ont noté dans leur Déclaration com-mune du 20 novembre 2001, Nous sommesparticulièrement inquiets que les propositions récentes, faitespar certains gouvernements en vue d’introduire des lois réduisantla liberté d’expression, ne créent un mauvais précédent.

Conclusion

La Liberté d’expression et la liberté des médias ontsouffert de différentes façons depuis les attaques du11 septembre. Les acteurs officiels ont pris desmesures qui limitent à la fois la liberté d’expression etd’information et qui indirectement ont un effeteffrayant sur la liberté d’expression. Importantégalement est le climat préoccupant de l’autocensureet de la partialité des médias dans de nombreux pays,qui conduit au déni de droit de savoir du public.

Restreindre les droits humains à la suite de l’attaqueterroriste représente, d’une certaine manière, unevictoire pour les terroristes qui cherchent à saper notrefaçon de vivre, y compris la démocratie et les droitshumains. En outre, restreindre la liberté d’expressionmine vraisemblablement plus qu’elle n’améliore lesstratégies à long terme pour traiter le problème duterrorisme. Un débat franc et libre est essentiel pourcontrecar rer à la fois les facteurs aux effets“d’attraction et de répulsion” associés au terrorisme.

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Jean-Paul Marthoz

Directeur de Human RightsWatch (Bureau européen)

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CHAPITRE 4

Pour les journalistes, l’assassinat de Daniel Pearl au début de cette année au Paki-stan est certainement l’expression la plus brutale des conséquences du 11 septembresur la liberté d’expression. Son assassinat, précédé par celui de huit journalistessurles routes sans loi de l’Afghanistan, donne une mesure des dangers qui guettentle journalisme et la liberté d’expression. Des dangers qui viennent directementdes bandes de tueurs mais aussi plus pernicieusement de la conception que certainsgouvernements se font de la liberté de la presse. Daniel Pearl, contrairement à ceque devait déclarer quelques semaines plus tard le président pakistanais Mousharaf,n’était pas « excessivement fouineur » (overintrusive). Il faisait son travail, il faisaittrès bien son travail. Comme Marc Brunereau, Johanne Sutton, Pierre Billaud,Volker Handloik, Azizullah Haidari, Harry Burton, Julio Fuentes, Maria GraziaCutuli et Ulf Stromberg, il était là o? il devait être, sur le terrain, pour témoigner,pour expliquer. Son procès qui s’est ouvert le 5 avril à Karachi donne un autreexemple des restrictions imposées aux journalistes: alléguant des raisons de sécurité,les autorités pakistanaises ont interdit l’accès de la presse au tribunal.

Ces assassinats nous rappellent que les Etats ou du moins leurs représentantsofficiels ne sont pas nécessairement les premiers ni les seuls responsables desatteintes à la liberté de la presse. Parmi ces « prédateurs » de la liberté figurentaussi et de plus en plus des acteurs non-étatiques, des groupes intégristes, desbandes paramilitaires, des services secrets « en roue libre » ou des organisationsmafieuses. Dans cet entre-chien et loup de la guerre contre le terrorisme, larépression étatique croise la criminalité privée et se confond parfois avec elle.Dans ce contexte, le 11 septembre n’est pas une rupture : au cours des dix dernièresannées, la majorité des journalistes assassinés l’ont été par des groupes « privés »,séparatistes basques de l’ETA, Groupes islamiques armés d’Algérie, guerillerosd’extrême gauche et paramilitaires d’extrême droite en Colombie, prédateursrebelles au Sierra Leone.

Des ondes de choc

La guerre n’a jamais été propice à la liberté d’expression. Avant même la vérité,c’est la liberté, en effet, qui est la première victime de la guerre. La liberté derapporter et d’enquêter, la liberté de critiquer et de révéler. La guerre, pourtant,peut aussi apporter davantage de liberté : il règne aujourd’hui une plus grandeliberté de la presse à Kaboul que sous les Talibans comme il y en eut davantage àBelgrade après la défaite de Milosevic. Les ondes de choc de l’actualité, en effet,ne vont pas toutes dans le même sens et ne provoquent pas partout les mêmeseffets. La guerre peut museler, ellepeut aussi libérer. En Arabie saoudite, le chocdu 11 septembre pourrait même expliquer le léger frémissement que l’on a observéces derniers mois au sein d’une presse depuis toujours placée aux ordres du régime.

« Les effets systématiques du 11 septembre, note Critique Internationale, ne serésument pas à une logique univoque. En fait ils ouvrent autant d’opportunitésqu’ils imposent de contraintes ».

Même si les attentats du 11 septembre ont bouleversé le monde de l’informationet les conditions de l’exercice du journalisme, ils ne sont pas vraiment non plusune rupture dans le domaine de la liberté d’expression. Les attaques contre lapresse indépendante du Zimbabwe, les restrictions imposées à la presse dans sacouverture des violences au Moyen-Orient ou encore les atteintes à la liberté de lapresse au Maroc ou en Ouzbékistan, n’ont pas commencé le 12 septembre. Demême, certaines lois et mesures adoptées après le 11 septembre étaient déjà dansles cartons bien avant que les terroristes n’encastrent les avions dans les toursjumelles, à l’instar de la Loi sur la sécurité quotidienne en France dont le projet aété initialement déposé à l’Assemblée nationale le 14 mars 2001.

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Dans cette appréciation sur les conséquences desattentats, ne nous leurrons pas non plus sur notreapparent unanimisme. Si nous nous élevons touscontre les assassinats de journalistes, leuremprisonnement ou encore leur condamnation à desamendes extravagantes, nous ne nous partageons pasnécessairement les mêmes conceptions lorsqu’il s’agitde définir ce qui peut ou ne peut pas être dit.L’équation entre la liberté d’expression, le droit à lanon-discrimination et la sécurité nationale oucitoyenne n’oppose pas seulement les Etats auxjournalistes, elle divise aussi les journalistes entre eux.Et ce débat a commencé bien avant le 11 septembre.

Cette guerre est dès lors également un test de laglobalisation et de l’universalité du journalisme, nonseulement de la capacité des médias à traiter cette in-formation, mais aussi de leur capacité à réfléchir auxprincipes et aux valeurs qui sous-tendent cette mis-sion d’informer. La controverse sur le « choc des civi-lisations » aiguisée par les interprétations données auxattentats pose des questions essentielles sur la libertéd’expression, sur ses responsabilités, ses perspectiveset ses limites. Ce qui est ici blasphème est là-bas liberté,ce qui est ici racisme est là-bas free speech. La censurepeut aussi s’exercer au nom de la vertu ou du respectde l’autre…

Sur la défensive

Ces remarques liminaires et ces précautions n’évacuentpas toutefois le postulat de notre exposé : Après 11septembre, la liberté de la presse n’est plus tout à faitla même. La question est de savoir si les atteintes auxlibertés seront temporaires ou si elles signalent la find’un cycle historique, celui de l’éclosion des libertésqui avait été provoquée par la chute du Mur de Berlinet consacrée, sur le continent africain, par laDéclaration de Windhoek. Comme le signalait lephilosophe écrivain canadien Michael Ignatieff dansun article du New York Times, les attentats ont placé lemouvement des droits humains sur la défensive,victime de la priorité désormais accordée à la « sécuriténationale ».

Le raidissement américain est certainement le plussymptomatique des restrictions qui ont affecté laliberté d’expression après les attentats. Or, les mesuresprises par les Etats-Unis, en raison même de leur pu-issance, ont inévitablement des conséquences sur lereste du monde. La politique adoptée par le Pentagonesur les théâtres d’opérations militaires affectedirectement les envoyés spéciaux de tous les pays. Lesmesures prises pour contrôler les agissementssupposés des groupes terroristes sur le média globalpar excellence, Internet, touchent directement

l’ensemble des Internautes.

Les Etats-Unis qui, au nom du Premier Amendementde la Constitution, avaient fait de la défense de laliberté d’expression l’un des fondements de leurdiplomatie et le pilier de leur politique d’assistanceaux médias des pays en transition, ont opéré unebrusque volte-face. Ce changement d’humeur et depolitique s’est illustrée dans leur attitude à l’égard dela chaîne qatari Al-Jazirah. Célébrée jusque là commeun modèle de liberté d’expression au sein du mondearabe, elle devenait brusquement la chaîne à muselerdès lors que, dans le contexte de la guerre contre leterrorisme, elle ne relayait pas uniquement la paroleaméricaine et ouvrait son antenne à Ben Laden.

La compréhension dont les Etats-Unis témoignent àl’égard de gouvernements autoritaires connus pourleur suppression de la liberté d’expression constitueégalement une conséquence négative de la lutte anti-terroriste et rappelle les alliances impies et lesindignations sélectives de la guerre froide. L’accueilréservé par Washington au président ouzbèke IslamKarimov en mars dernier a donné toute la mesure decette nouvelle complaisance à l’égard des dictateursalliés.

Cette remarque interpelle tous les pays démocratiquesqui ces dernières années s’étaient prononcés en faveurde la liberté de la presse et avaient appuyé lesjournalistes indépendants soumis aux harcèlementsde régimes autoritaires. La lutte contre le terrorismerisque en effet de faire passer au second plan unecause, la liberté de la presse, qui constitue pourtantl’une des meilleures garanties contre la violence et lahaine. « La communauté internationale, notait ladirectrice du Committee to Protect Journalists, AnnCooper, doit faire payer les pays qui emprisonnentles journalistes. Mais on a l’impression que depuis ladéclaration de la guerre contre la terreur, ce coûtpolitique a diminué quelque peu. La répression qui ajeté 11 personnes en prison en Erythrée et 17 au Népala été promptement menée et n’a suscité qu’une faibleindignation au niveau international ». (« The interna-tional community must continue to make it costly for thosecountries that do imprison journalists. But there are signs thatthe political cost has declined somewhat since the war on terrorwas declared; the crackdowns that left 11 in prison in Erithreaand 17 in Nepal, for example, were carried out swiftly andwith little international outcry ».)

Accés á l’information

Aux Etats-Unis même, ce changement d’attitude adébouché sur la remise en cause de principestraditionnels de l’information, et notamment du « droit

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de savoir » The Right to Know. Plusieurs Etats américains,les ministères du Transport et de l’Energie ou encoredes agences fédérales comme l’Agence de protectionde l’environnement (EPA) et l’administration des ar-chives nationales ont ainsi retiré, parfoistemporairement, de leurs sites des informations qu’ilsjugeaient trop sensibles comme la localisation decentrales électriques ou les mesures de préventiond’accidents industriels dans les usines chimiques. Desurcroît, en octobre, le ministre de la Justice JohnAshcroft a distribué un mémorandum demandant auxagences fédérales de faire preuve d’une extrême pru-dence dans leur traitement des requêtes introduitesaux termes de la Loi sur la liberté d’information (Free-dom of Information Act).

Toutefois, c’est sur les champs de bataille del’Afghanistan que les restrictions imposées à la presseont été les plus gênantes pour le travail journalistique.« Les règles de reportage de guerre édictées par lePentagone n’ont jamais été aussi dures », s’exclamaitla prestigieuse revue de journalisme de l’université deColumbia (New York). Ainsi, le 28 septembre, enprévision de la « campagne d’Afghanistan », lePentagone a exposé devant les chefs de bureau de lapresse accréditée à Washington les lignes de conduitede la couverture des opérations militaires. Comme lorsde la guerre du Golfe, le ministère américain de ladéfense annonçait qu’il organiserait, à son initiative,des pools de journalistes autorisés à suivre lesopérations, et que la « copie » des journalistes pourraitêtre expurgée de toute information jugée sensible. Laporte-parole du Pentagone prévenait également quele type d’opérations prévues en Afghanistan -l’intervention des forces spéciales- ne pouvait quecompliquer la couverture journalistique et notammentl’accompagnement des forces armées américaines pardes correspondants de guerre.

Pour bien « bétonner » son dispositif, le Pentagone aégalement acheté, le 16 octobre, les droits exclusifssur les images du satellite Ikonos pointé surl’Afghanistan afin, notamment, d’empêcher les grandsmédias d’ « espionner » les opérations militaires. Lesinformations diffusées lors des briefings de DonaldRumsfeld au Pentagone ou d’Ari Fleischer à la Maison-Blanche ont répondu au même souci de tout gardersous contrôle. « Des contradictions, des formulationsobscures, des rectifications forcées, constatait LeMonde, ont donné le sentiment que l’information étaitsévèrement filtrée, quand elle n’était pas faussée » .

Les premières phases de la guerre d’Afghanistan, saufdans les territoires contrôlés par l’Alliance du Nord,se sont ainsi déroulées pratiquement sans images.Ecartée par l’armée américaine, la presse a aussi été

généralement exclue des zones sous le contrôle desTalibans. Seuls quelques journalistes ont été autorisésà traverser les lignes talibanes pour constater, sousbonne escorte, les « dommages collatéraux », c’est-à-dire les pertes civiles, attribués aux bombardementsaméricains.

Internet

Présenté comme un instrument privilégié duterrorisme, Internet s’est tout particulièrementretrouvé dans la ligne de mire de la campagne anti-terroriste. Les services de sécurité américains ont reçul’autorisation d’utiliser, sans recours préalable à la jus-tice, le système de surveillance Carnivore installé surl’ordinateur principal des fournisseurs d’accès basésaux Etats-Unis. « Le FBI, notait Libération, pourradésormais brancher cette machine-mouchard sur leréseau d’un fournisseur d’accès pour aspirer toutesles communications électroniques d’un internaute ettoutes les traces de sa navigation sur le Web . »Dansun rapport publié en octobre 2001, Reporters sansfrontières constatait que « le FBI avait exigé –et obtenu-des responsables de Hotmail toutes les informationsprovenant de comptes dont l’adresse comportait lemot « Allah ». Tous les grands fournisseurs d’accès,poursuivait RSF, semblent avoir suivi l’exemple deHotmail et pleinement collaboré avec les services desécurité américains ». RSF notait également, en janvier2002, que le FBI s’était doté d’un logiciel baptiséLanterne magique capable, à distance, de révéler auxautorités l’ensemble du contenu de l’ordinateur piraté.

Certaines entreprises américaines ont pris de leurpropre initiative des mesures qui, au nom de la sécurité,restreignent effectivement la liberté d’expression etla libre circulation de l’information. Ainsi,Anonymizer.com rejette les abonnés de pays soupçonnésde donner refuge à des terroristes. De son côté,l’association Electronic Frontier Foundation tenait laliste des sites fermés par les fournisseurs d’accès à lasuite des injonctions officielles américaines, commeiraradio.com, ou encore des sites partiellement fermésou « nettoyés » par leurs propriétaires, soit parce qu’ilscontenaient des informations jugées sensibles (c’estle cas du site du Project on Government Secrecy, gérépar la Fédération des Savants américains), soit parcequ’ils offraient, en ces moments d’appel à l’uniténationale, des articles trop hostiles au président Bush,comme le site de Barbara Streisand ou encore dePlanned Parenthood .

Le danger d’une mise hors la loi des technologies decryptage des informations transmises par voieélectronique est tout aussi réel. Si cette interdictionparaît logique dans le cadre de la lutte anti-terroriste,

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elle risque toutefois de s’appliquer aux communica-tions d’organisations absolument légitimes, commela presse et les groupes de défense des droits humains,qui ont besoin de la confidentialité de leurs messagespour exécuter leur mission.

Les attentats ont en réalité accéléré une évolutionprovoquée par les répercussions aux Etats-Unis de lacrise israélo-palestinienne. Le 5 septembre déjà, avantles attentats, cinq cent sites Internet, dont beaucoupen rapport avec le monde arabo-musulman, étaientdevenus inaccessibles après l’intervention des autoritésdans une société texane InfoComp.

De nombreux pays, d’ailleurs, n’avaient pas attendules attentats pour intervenir sur le Net. Depuis 1995,en Chine, plus de soixante réglementations ont étéémises pour contrôler le contenu d’Internet. Dans denombreux pays du Moyen-Orient, les gouvernementsont imposé des serveurs qui sont capables de traquerles internautes et de connaître l’identité des sitesconsultés. Sous la pression de certains gouvernements,des serveurs bloquent l’accès à des sites qui « portentatteinte à la sécurité de l’Etat ou à la morale », commeceux des organisations de défense des droits humains.En juin 1999, à un moment particulièrement aigu dela crise au Cachemire, l’Inde a interdit l’accès au sitedu quotidien pakistanais Dawn.

Un « effet d’aubaine »

L’après-11 septembre et la campagne lancée par lesEtats-Unis ont été marqués, dans un certain nombrede pays, par le renforcement dans l’urgence desdispositifs législatifs, réglementaires, opérationnelspour combattre le terrorisme. Le rapport publié enmars dernier par le Centre d’Information de la Coali-tion énumère avec satisfaction les mesures qui ontété prises par les pays coalisés, mais ilest difficiled’identifier dans ces initiatives celles qui contribuentréellement et légitimement à la sécurité des citoyenset celles qui portent ind?ment atteinte à la libertéd’expression.

La nature des régimes qui ont rejoint, formellementou non, la coalition offre un premier indice. Desgouvernements autoritaires ont en effet tiré parti del’exemple que leur donnaient les Etats-Unis pourrenforcer leurs dispositifs répressifs, et surtout pourjustifier et accroître leur harcèlement de groupesminoritaires ethniques, politiques ou religieux qualifiésde terroristes. C’est ce que la revue française CritiqueInternationale appelait l’ « effet d’aubaine ». Ces réactions« opportunistes » ont tout particulièrement touché laminorité ouïghoure du Xinjiang en Chine ou encoreles musulmans dissidents en Ouzbékistan. En Inde,

fin mars 2002, le gouvernement a fait adopter une loianti-terroriste (Prevention of Terrorism Ordinance,POTO) qui, en octobre déjà, avait été considérée parl’ancien rédacteur en chef du Times of India comme «une intrusion sans précédent contre la liberté de lapresse » . (an encroachment in the freedom of the press in anunprecedented manner). Au Zimbabwe, le ministre del’information s’est directement référé aux mesuresoccidentales pour justifier la répression contre lesjournalistes indépendants. « Si les plus célèbresdémocraties dans le monde ne permettent que l’ontouche leurs intérêts nationaux, nous ne lepermettrons pas non plus », s’est exclamé JonathanMoyo. « If the most celebrated democracies in the world won’tallow their national interests to be tampered with, we will notallow it, too. » Le 20 mars 2002, s’est inquiété RSF, leparlement ougandais a adopté une nouvelle loi anti-terroriste qui prévoit des peines pouvant atteindre dixans d’emprisonnement en cas de publication d ’ « in-formations susceptibles de promouvoir le terrorisme». Quant aux régimes qui avaient rudement mené leurlutte contre les groupes extrémistes islamiques enréprimant la liberté d’expression, ils se sont empressésde clamer qu’ils avaient bien eu raison, sous lesapplaudissements parfois de dirigeants de paysdémocratiques, comme l’ex-ministre italien desAffaires étrangères, Renato Ruggiero, déclarant que «l’expérience tunisienne en matière de lutte contrel’extrémisme et le terrorisme pouvait être mise à profitdans le cadre de la lutte engagée à l’échelleinternationale pour combattre ce fléau ».

Des démocraties crispées

Certaines démocraties ne sont pas restées en reste.En effet, plusieurs pays traditionnellement attachés àla protection de la liberté d’expression ont aussi adoptédes mesures qui écornent ou menacent cette liberté.Aux Etats-Unis, l’arrestation et la mise au secret decentaines d’étrangers en situation irrégulière toutcomme la proposition de création de cours spécialesmilitaires contiennent des clauses qui entraventeffectivement la liberté d’information en niant ourestreignant le droit de la presse de connaître lescharges retenues contre les personnes arrêtées ouencore de suivre les procédures judiciaires.

Au niveau européen, les organisations de défense dela liberté d’expression se sont également inquiétéesdes mesures envisagées. Elles ont toutparticulièrement mis en garde contre la définition duterrorisme proposée par la Commission européennele 19 septembre qui ouvrait des portes toutes grandesà une interprétation dangereusement vague quipourrait affecter les formes légitimes de libertéd’opinion. Elles ont aussi accueilli avec beaucoup de

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réserves le traité discuté au sein du Conseil de l’Europesur la criminalité informatique.

En France, l’adoption par le Parlement en octobre2001 de la Loi sur la Sécurité Quotidienne a étévivement dénoncée par les internautes libertaires.Cette loi entérine en effet le principe de la conserva-tion par les fournisseurs d’accès des données deconnexion des internautes (leurs traces numériques)pour une durée allant jusqu’à un an et limite l’usagedu cryptage, seul moyen jugé efficace pour assurer laconfidentialité des échanges sur le Net.

Rien de nouveau

Certains gouvernements, toutefois, n’ont pas jugénécessaire d’adopter de nouvelles lois ni d’amenderleur législation sur la presse, soit parce qu’ils ont jugéqu’il fallait savoir « raison garder » ou parce que leurarsenal législatif était suffisant pour faire face à lamenace terroriste. Ainsi, le 6 février, le groupe belgede l’Union interparlementaire communiquait qu’aucunprojet ou proposition de loi n’avait été déposé, discutéou adopté au Parlement belge depuis le 11 septembre2001 qui pourrait avoir une incidence sur les médias,y compris Internet. Des réponses semblablesparvenaient de Chypre, d’Albanie, de l’Irlande, de laLettonie, du Malawi, de la Norvège, de la Suède, duSri Lanka, de la Thaïlande, de l’Espagne, du Japon,des Emirats arabes unis, de la Corée, des îles Salomon,de l’Equateur, du Cap Vert, de la Guinée etde laHongrie.

Bombardement

En matière de censure, une bombe vaut bien un décretou un coup de ciseau. La guerre en Afghanistan a eneffet soulevé une nouvelle fois de graves interroga-tions sur le droit des parties au conflit de prendrepour cibles les médias. Même si le bombardement dela Radio Télévision Serbe lors de la guerre du Kosovoavait été fermement condamné par la plupart des or-ganisations de défense de la liberté d’expression, lescénario s’est répété en Afghanistan avec la destruc-tion du bureau de Al-Jazira à Kaboul, accusé d’êtreutilisé par le réseau terroriste Al Qaeda. « Les Etats-Unis, écrivait Fernando Castello , ancien directeur del’agence EFE et président international de RSF (Re-porters Sans Frontières), ont marqué les journalistesafghans comme objectifs militaires, avec leursbombardements sélectifs contre des moyens de com-munication audiovisuels (parmi lesquels les locaux dela télévision qatarie Al Jazira) et des bâtiments depresse à Kaboul et dans d’autres villes, comme celas’était déjà passé au Kosovo avec l’OTAN. » Endécembre et en janvier, l’armée israélienne a suivi cet

exemple en bombardant les installations de la Voixde la Palestine et en détruisant l’immeuble de la Pal-estinian Broadcasting Corporation. « Le droithumanitaire international, rappelait opportunémentAnn Cooper du CPJ, interdit les attaques délibéréescontre les installations civiles sauf si elles sont utiliséesà des fins militaires ». (« International humanitarian lawprohibits deliberate attacks on civilian facilities unless they areused for military purposes »). Plus généralement, et c’estune évolution très inquiétante, les forces armées depays qui se disent soucieux de défendre la liberté de lapresse n’hésitent plus à viser les journalistes, commel’illustrent des incidents en Afghanistan et surtout dansles territoires palestiniens occupés par l’arméeisraélienne.

La propagande

La propagande est une autre forme de la censure.Polluant les flux d’information, entravant la longuemarche vers la vérité, elle a été au cœur de tous lesconflits. La guerre contre le terrorisme ne pouvaitdonc y échapper. Les Etats-Unis ont trèsofficiellement mis sur pied un appareil de communi-cation globale entre Washington, Londres etIslamabad afin de mieux maîtriser un environnementmédiatique transnational particulièrement versatile. Le19 février 2002, le New York Times révélait toutefoisque beaucoup plus secrètement, le Pentagone,conseillé par une agence privée de relations publiques,avait créé après le 11 septembre un Bureau d’InfluenceStratégique qui avait pour objectif de placer dans lapresse internationale des informations, vraies oufausses, favorables aux intérêts américains dans lapresse internationale. Même si ce Bureau a étésupprimé après les réactions indignées des médias etde responsables gouvernementaux américains, cetteaffaire montre que le travail journalistique en tempsde guerre traverse de dangereuses zones minées.

Cette propagande pollue le travail journalistique etconstitue dès lors une véritable restriction à la libertéd’expression car elle entrave la vérité. Son action estd’autant plus pernicieuse qu’elle permet l’éclosion etla propagation des rumeurs. Le souvenir de la ma-nipulation des guerres passées, comme celles duKosovo ou du Golfe, favorise cette ambiance de doutedans laquelle peuvent prospérer les théories les plusfarfelues, comme celle qui nie l’attaque contre lePentagone ou celle qui accusa CNN d’avoir recycléune vidéo filmée lors de la guerre du Golfe.

Patriotisme

Dans des périodes de crise et de grande insécurité, les

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gouvernements ont un argument de poids, lepatriotisme, pour exiger la prudence, voire même lesilence et la connivence, de la part de leurs médias. Lephénomène est naturel et généralisé. Fin 2001, uneétude sur le traitement par la presse françaised’attentats terroristes perpétrés en France (attentatdu RER et assassinat du Préfet de Corse, Erignac)concluait qu’ « il semble qu’il soit impossible auxmédias de proposer des discours sur le terrorismevéritablement indépendants des schémasd’interprétation dominants, marqués par le pouvoirpolitique ». Cette réaction est particulièrement fortedans les premiers jours qui suivent un attentat. Lapresse assume alors un rôle qui dépasse sa missiond’informer pour accompagner psychologiquementune opinion publique en état de choc.

Mais l’appel au patriotisme peut être complètementperverti, comme ce fut le cas au Zimbabwe o? lesautorités ont pris le prétexte de la lutte contre leterrorisme pour museler la presse indépendante. Ouencore aux Etats-Unis o? le gouvernement, suivi parune majorité de l’opinion publique, a demandé auxjournalistes de « choisir leur camp » et de ne pas saperl’efficacité de la lutte anti-terrroriste. Evoquant cetexemple du Zimbabwe o? un journaliste pro-gouvernemental lui avait proclamé que « la négativité,ce n’est pas de l’info », Joseph Lelyveld, ex-directeurexécutif du New York Times, s’interrogeait : « Je trouvecet exemple particulièrement opportun au momento?, aux Etats-Unis l’idée que les nouvelles négativesne sont pas des nouvelles gagne du terrain. Notregouvernement nous a enjoint de ne pas imprimer nide diffuser les folles harangues de Ben Laden de peurque sa vision moyenâgeuse qui justifie le massacre decivils innocents n’enflamme de nouveaux adhérents..Il a promulgué un système de tribunaux militaires qui,selon le vice-président, pourrait juger et dès lors mêmeexécuter certaines de ces personnes (Nda : lesétrangers arrêtés) sans que rien ne prévoie le recoursà des tribunaux constitutionnellement établis et en-core moins l’accès des journalistes ».

L’auto-censure

L’auto-censure reste, dans la plupart des sociétés,qu’elles soient démocratiques ou autoritaires, l’armela plus efficace des gouvernants. La peur de déplaire,de prendre à rebrousse-poils l’opinion majoritaire dupublic, a influencé un nombre important de médiasdans leur couverture de la lutte contre le terrorismeet de la guerre en Afghanistan. L’impératif commer-cial qui domine le monde des médias accentue encorecette tentation du conformisme.

Cette auto-censure a pris deux formes, la « privatisa-tion de la censure » lorsque la direction d’un média afixé des limites à la liberté de ses journalistes, «l’intériorisation de la censure » lorsque les journalistes,consciemment ou non, ont restreint eux-mêmes leurlibre arbitre et collé le plus possible aux discoursofficiels ou aux émotions de l’opinion.

Ainsi, le critique média du Washington Post, HowardKurtz, révélait le 30 octobre que le président de CNN,Walter Isaacson, avait fait circuler une note interneinvitant la rédaction à « équilibrer » les reportages surles bombardements américains en Afghanistan par lerappel des attentats et des victimes civiles du 11septembre. Deux journalistes du Texas City Sun et duDaily Courier ont été licenciés pour avoir critiqué leprésident Bush. Ces mesures directes, toutefois, ontété exceptionnelles et le bâton est aussi tombé surune plume belliciste : Ann Coulter s’est vu retiré sachronique dans National Review Online après avoir écritque les Etats-Unis devaient « envahir les pays (desterroristes), tuer leurs dirigeants et les convertir auchristianisme ».

Le déroulement, au même moment, de la deuxièmeIntifada et les liens qui ont été inévitablement établisentre les troubles au Moyen-Orient et les actesterroristes, ont considérablement accru la pression surles journalistes, aussi bien dans les pays démocratiqueso? les rédactions ont été visées par les lobbies pro-israéliens et pro-palestiniens, que dans les paysautoritaires de la région, o? les gouvernements ontveillé à contrôler encore davantage leurs médias,choisissant tour à tour de les « activer » ou de lesmuseler.

Nuances

L’ampleur des restrictions gouvernementales etl’étendue de l’auto-censure des médias ne devraientpas être exagérées ou caricaturées. La vocationprofessionnelle et le courage n’ont pas partout courbél’échine devant l’intimidation patriotique ou l’intrusionpolicière. Très vite, dans le pays directement touchépar les attentats, la presse de qualité a repris sanécessaire distance critique à l’égard des mesuresadoptées par le gouvernement américain, notammentcelles qui comme les commissions militaires oul’incarcération des étrangers en situation irrégulièrerestreignaient l’accès de la presse aux cours ettribunaux. Très vite aussi, les associations dejournalistes ont protesté contre les mesures imposéespar le Pentagone sur les champs de bataille del’Afghanistan. Le 13 octobre, 20 organisationsprofessionnelles, dont la vénérable Society of Profesionnal

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Journalists, publiaient un communiqué communestimant que « les restrictions croissantes imposéespar le gouvernement américain limitant la collecte del’information constituent un danger pour ladémocratie et empêchent les citoyens d’obtenir lesinformations dont ils ont besoin ». (increasing restric-tions by the United States government that limit newsgathering…pose dangers to American democracy and preventcitizens from obtaining the information they need)

La veille, le New York Times publiait un éditorial quidélimitait clairement les droits et les devoirs de lapresse et qui critiquait la requête adressée par laMaison-Blanche aux chaînes de télévision afin qu’ellescensurent les messages de Ben Laden. « Tous lesAméricains comprennent qu’en temps de guerre,certaines informations doivent être protégées…Lasécurité des troupes américaines et la confidentialitédes méthodes d’espionnage ne doivent pas être com-promises par la diffusion inopinée d’informationssensibles et classifiées…Toutefois, de nombreusesautres informations que le gouvernement aimeraitmuseler pour éviter le débat, appartiennent audomaine public. Ce principe est au cœur du systèmeaméricain de gouvernement. Et il est de l’intérêt del’Administration de le respecter car une démocratie,pour construire et soutenir un consensus en tempsde guerre, a besoin de citoyens informés ».

Un test pour le journalisme

Cette « guerre contre le terrorisme » est un test pourle journalisme, un test de sa prétention à garantir uneinformation libre, exacte et plurielle qui permette auxcitoyens de choisir et qui évite aux gouvernants defaillir. Un test de sa capacité également à démontrerque la liberté et, plus largement, le respect des droitshumains sont les armes les plus efficaces dans la luttecontre le terrorisme et la protection de nos sociétés.Il faut toujours se méfier des évidences : En fait,contrairement aux affirmations péremptoires deshistoriens révisionnistes du journalisme en temps deguerre, la liberté de la presse et la liberté d’expressionsont un atout et non un fardeau lors des situationsd’urgence. Le mensonge et l’auto-censure, commel’histoire des guerres du Vietnam ou d’Algérie ledémontre avec éloquence, sont le plus souvent demauvaises conseillères et contribuent aux désastresnationaux que l’on prétend éviter. En fait, comme ilsied à un capitaine de navire, la liberté de la pressedans une démocratie ne devrait pas être jugée lorsquela mer est calme, mais bien au milieu de la tempête,lorsque les repères disparaissent et que l’angoisserègne.

La responsabilité des journalistes américains est

particulièrement engagée. « Je sais, écrivait le Com-mittee to Protect Journalists, que nous traversons desmoments d’un extraordinaire péril, et que despersonnes sérieuses peuvent trouver des argumentssérieux pour les mesures qui ont été prises. Maislaissez-moi revenir au sujet fondamental du devoirjournalistique. C’est notre devoir de chercher à savoirce qui se passe réellement et de prendre nos décisionsde publier ou de diffuser en toute indépendance, enaffirmant lourdement que publier et diffuser constitu-ent dans une société libre notre raison d’être. C’estnotre devoir de dégager les ressources pour révéler cequi est indûment retenu au nom de la sécuriténationale. »

Références

1 Jean-François Bayart, Béatrice Hibou, Sadri Khiari, “Après le11 septembre, Effets d’aubaine” [After 11 September, Wind-fall Effects], Critique Internationale, Janvier 2002, p.11.2 “Is the Human Rignts Era Ending ?”, The New York Times, 5février20023 Jackson Diehl, “U.S. agin supports unsavoury dictators”, TheWashington Post, publié dans l’International Herald Tribune, 20 mars2002.4 Voir See Attacks on the Press in 2001, Introduction, p.xii.5 The Reporters Committee for Freedom of the Press,Homefront Confidential, How the War on Terrorism Affects Access toInformation and the Public’s Right to Know, Washington, mars 2002,34 pages.6 See www.ombwatch.org.7 N. Hickey, “Access Denied”, Columbia Journalism Review, janvier2002.8 P. Jarreau, “Relations entre le Pentagone et la presse sedégradent” [Relations worsen between the Pentagon and thepress], Le Monde, 10 novembre 2001, p. 6.9 B. Grévisse, “Guerres et Faits” [Wars and Facts], Médiatiques,automne 2001, p. 6.10 Florent Latrive, “La Toile en liberté très surveillée” [TheWeb: freedom under very close surveillance], Libération, 2novembre 2001.11 RSF, “Entre tentation patriotique et autocensure : les médiasaméricains dans la tourment de l’après-11 septembre” [Temp-tations of patriotism and self-censorship: the American me-dia in turmoil after 11 September], octobre 2001, Paris.12 International Herald Tribune, résumé par le Centre deJournalisme Européen, 3 avril 200213 See www.eff.org/Privacy/Surveillance/Terrorism_militias/antiterrorism_chill.html.14 B. Whitaker, “Muslim websites targeted by Justice”, The Guard-ian, No. 568, 20 to 26 septembre 2001.15 Jean-François Bayart, Béatrice Hibou et Sadri Khiari, “Effetsd’aubaine, Les régimes autoritaires libérés des conditionnalités”[It’s an ill wind …: authoritarian regimes freed from con-straints], Critique Internationale, Presses des Sciences Po, CERI,Paris, janvier 2002, pp. 7-11.

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16 Tehelka.com, Anti-terrorism ordinance: muzzling the media, NewDelhi, 29 octobre 2001.17 Cité in Critique Internationale, op. cit., p.7.18 Human Rights Watch, European Union: Security ProposalsThreaten Human Rights, 6 November 2001. See also Brian Hayes,EU anti-terrorism action plan: legislative measures in justice and homeaffairs policy, Statewatch, London.19 Sur ceci, lire Index on Censorship, “Bug them all and let Ech-elon sort them out”, 8 novembre 2001.20 Laure Noualhat, La Toile alternative en ordre de bataille [Thealternative Web in battle order], Libération, 29 janvier 2002.21 Annabel Crabb, “Media chief takes aim at Howard”, TheAge, 28 février 2002.22 CJFE, Not a Balancing Act, Security and Free Expression, asubmission to the draft NGO Human Rights Consultations2002, 26 février 2002.23 Fernando Castello, “Depredadores de la libertad de prensa”[Robbers of Press Freedom], El Pais, 23 novembre 2001.24 “Un envoyé special du Washington Posten Afghanistan misen joue par des soldats américains” [A Washington Post specialcorrespondent in Afghanistan targeted by American soldiers],RSF, 12 février 2002.25 Isabelle Garcin-Marrou, Terrorisme, Médias et Démocratie [Ter-rorism, Media and Democracy], Presses Universitaires deLyon,Collection Passerelles, 2001, p. 135.26 CPJ, International Press Freedom Awards 2001, JosephLelyveld’s Acceptance Remarks, 6 décembre 2001.27 CPJ, voir note 26.

* Le chapitre 4 a également pris en compte un recueil delois, lequel a été collecté par l’Union InterParlementaire(http://www.ipu.org/english/home.htm) dans le cadre decette publication.

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Philippe Latour

Représentant de ReportersSans Frontières (RSF) dans le

Sud-Est Asiatique

FrèresFrèresFrèresFrèresFrères

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armesarmesarmesarmesarmes CHAPITRE 5

Introduction - Dix années d’existence dangereuse

L’année dernière, huit journalistes de renom ont été tués en Afghanistan en moinsd’un mois. Le tribut payé par les correspondants de presse est à chaque conflitplus lourd. Aux témoignages de respect qui ont salué le courage des victimessuccèdent des questions toujours plus brûlantes dans l’esprit des gens : les pays,les organisations internationales, les médias et les chefs d’édition ont-ils prévutous les moyens susceptibles de limiter les risques encourus par les correspondantsde guerre ? Les reporters peuvent-ils être préparés de manière efficace – et parqui – pour faire face aux dangers ?

Lors des dix dernières années, 243 journalistes ont été tués dans les zones deconflit. 46 journalistes ont trouvé la mort sur les seuls champs de bataille desBalkans, 14 en Sierra Leone, 12 en Tchétchénie, et 10 en Afghanistan. L’annéedernière, dix journalistes sont morts en Colombie. 70 % d’entre eux ont étéattaqués ou abattus de manière délibérée après avoir été reconnus commeprofessionnels d’organe d’information. Les autres ont été victimes debombardements, d’explosions de mines ou d’autres faits de guerre.

Selon nous, à Reporters Sans Frontières, cette effusion de sang permanente et enconstante augmentation est tout simplement intolérable. Certes, être reporter deguerre suppose de courir de nombreux risques, y compris celui de ne pas retournerchez soi, nous en sommes tous conscients, ainsi que les journalistes qui acceptentce type de mission. Il existe toutefois peut-être des moyens permettant de mettreen place de meilleures conditions de travail et de sensibiliser davantage aux risquesencourus afin d’atténuer les souffrances des correspondants de guerre et de leursfamilles.

Examinons d’abord les dangers auxquels les reporters font face dans les zonesde conflit ainsi que les nouvelles menaces qui pèsent sur le personnel des médias.Nous essaierons ensuite de dégager les possibles moyens susceptibles de permettreaux journalistes et chefs d’édition de prévenir, ou du moins de réduiresensiblement, les risques de voir les journalistes compter parmi les «dommagescollatéraux».

Partie I - Au mauvais endroit au mauvais moment

Il est bon de nous rappeler que, sur le champ de bataille ou dans toute zone deconflit, nous n’avons pas ami ni d’ennemi, ni même le droit d’être respectésreconnu normalement à un arbitre. Aux yeux de la plupart des acteurs d’un conflit,les reporters, qu’il s’agisse de journalistes locaux ou de correspondants étrangers,n’ont tout simplement rien à faire dans les zones de conflit, et moins encored’être les témoins de quelque violence que ce soit qu’ils souhaiteraient couvrir.Cette position a sans cesse été exprimée par les responsables militaires, certesrarement à la télévision lors des heures de grande écoute, mais souvent lors deconversations privées tenues sur le terrain.

Nous admettrons, pour la plupart d’entre nous, qu’il n’est pas de notre devoir deprendre parti ou de nous ériger en juge, du moins les règles générales dedéontologie l’affirment-elles. Toutefois, le manque de ressources financières, demoyens de communication ou de transport conduit souvent les journalistes àemprunter les moyens logistiques des belligérants, des ONG, des organisationsinternationales ou de tout autre acteur sur le terrain. Cette situation accroît lesrisques d’être pris entre deux feux ou d’être dans l’incapacité de quitter un lieudonné devant l’imminence d’un danger.

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Laissez-moi vous donner un exemple. Le 18 mars, il ya de cela quelques semaines, mon collègue OlivierWeber, envoyé spécial du journal Le Point qui compteparmi les meilleurs spécialistes français de l’Afghanistan,a pris la décision de voyager par route plutôt que de pren-dre l’avion de Kaboul à Islamabad, en raison des tarifsscandaleusement élevés du vol affrété par les NationsUnies : 1 200 dollars aller-retour. En dépit des menacesqu’il avait récemment reçues pour la publication récented’un livre sur l’Afghanistan, ila loué un taxi Toyota et estparti pour Torkham, ville frontière avec le Pakistan, avectrois Afghans comme compagnons de route. Entraversant les gorges de Kabul, o? quatre journalistesavaient été tués en novembre dernier, sa voiture a étéattaquée à plusieurs reprises par des bandits armésafghans. Grâce à son chauffeur qui a eu la présenced’esprit d’accélérer échappant ainsi aux attaquants quividaient le chargeur de leurs AK47 sur le véhicule, Olivierest toujours en vie à ce jour. Plus de dix journalistes ontété attaqués sur cette même route ces derniers mois, etnombre d’entre eux pour la même raison : ils n’avaientpas de quoi s’offrir le billet d’avion.

Avant d’aller plus loin, je souhaiterais souligner queje ne parle pas seulement des journalistes occidentaux.Bien s?r, on donne beaucoup de publicité auxmésaventures rencontrées par les correspondantsoccidentaux dans les zones de conflit. Nous avonstous à l’esprit le calvaire des trois journalistes de latélévision française retenus en otage pendant dessemaines sur l’île de Jolo par le groupe d’Abu Sayafnon loin d’ici. Mais qui se souvient des deuxjournalistes philippins qui ont partagé leur sort ? Tr-ois journalistes sur quatre tués dans les zones de conflitsont locaux et un nombre croissant de journalistesoriginaires du monde en développement sont envoyésdans ces mêmes zones. Des journalistes philippins etthaïs, par exemple, ont été dépêchés en Afghanistanl’année dernière et plusieurs d’entre eux y ont étévictimes d’attaques. Il importe d’être parfaitementconscient de ces faits lorsque nous nous efforçons dedégager les solutions visant à améliorer la sécurité desreporters qui travaillent dans les zones de conflit.

En situation de guerre, une trop grande confiance,un manque d’expérience, une confianceimprudemment mise dans certains assistants ouintermédiaires sont souvent les raisons qui conduisentles journalistes à se trouver au mauvais endroit aumauvais moment. L’idée séduisante d’être le premierà savoir et de faire un scoop entraîne parfois descomportements irréfléchis. Je me revois, au Cambodgeen 1994, me dirigeant tout seul vers le front entre lesforces du gouvernement et les lignes des Khmer rougechevauchant une moto en piètre état sur un cheminboueux entre deux champs, peut-être truffés de mines,

ne masquant pas ma joie au bruit des bombardementsqui retentissaient dans les montagnes devant moi. Jene pensais qu’au scoop que j’allais envoyer au Point àParis dans le cadre de ma première mission que m’avaitconfiée un magazine aussi prestigieux. C’est seulementplusieurs mois après que j’ai pris toute la mesure demon inconscience.En l’occurrence, je dois reconnaître que le chefd’édition à Paris ne m’avait jamais demandé de risquerma vie. Il semble néanmoins qu’il est de notre devoird’être le plus proche possible de l’action et qu’il esttoujours difficile de cerner la limite entre la nécessitépour nous, journalistes, d’être les témoins et la volontéde rester en vie. Ce dilemme fait partie du quotidiende la plupart des journalistes qui viventdangereusement et nous devrions saluer ici leur cour-age. La concurrence et les délais stricts imposés parles rédacteurs spécialisés ne font qu’ajouter à lapression.

Mais les champs de bataille ou les zones de guérillasne sont plus les seuls endroits o? les journalistesrisquent de souffrir directement ou indirectement desconséquences d’un conflit armé.

Les terroristes – j’entends par là les individus quicherchent à susciter la terreur – peuvent frapperpartout. Ils peuvent kidnapper les journalistes, commeDaniel Pearl au Pakistan, ou bien faire exploser lesbâtiments d’organes d’information comme la stationde radio de Mindanao dans le sud des Philippines en2000. Les terroristes peuvent également s’en prendredirectement aux journalistes qui ne leur plaisent pas.De la sorte, l’armée aussi bien que le groupe terroristequ’elle combat peuvent constituer une menace pourles journalistes. En mai de l’année dernière, CandelarioCayona, annonceur à Filipino radio, a été abattu pardes hommes armés non identifiés après avoir reçudes menaces de mort par un porte-parole du grouped’Abu Sayaf. Toutefois certains élémentsd’information laissent également à penser que l’armée,mécontente des bulletins de Cayonas, aurait pu jouerun rôle dans l’assassinat de ce dernier. Au Népal, aprèsque l’état d’urgence a été décrété le 26 novembre del’année dernière, les forces de sécurité ont arrêté plusde 100 journalistes dans le but de rassembler des in-formations sur les contacts qu’ils avaient établis avecles rebelles maoïstes. Au moins 27 reporters etcollaborateurs d’organes d’information sont toujoursdétenus. Pire encore, trois journalistes, au moins, ontété torturés durant leur détention.

L’impunité de ceux qui agressent les journalistes, qu’ilssoient terroristes, miliciens ou militaires, accentue lamenace qui pèse sur les professionnels del’information en activité. En Israël et en Palestine, un

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photographe italien a été tué et près de quarantejournalistes y ont été blessés depuis septembre 2000.Pour plusieurs d’entre eux, ces attaques n’étaient pasde simples erreurs: ils ont été la cible de soldatsisraéliens alors qu’ils étaient loin de tout manifestantpalestinien. Les enquêtes menées par leGouvernement israélien sur ces incidents ont étépartiales et superficielles et très peu de soldats ont étéeffectivement sanctionnés pour leurs actes. S’en suitun climat d’impunité o? un soldat sait qu’il n’a rien àcraindre lorsqu’il choisit de «tirer sur le porteur denouvelles».

Malheureusement, prévenir les attaques terroristes estpresque impossible et rien ne peut faire diminuer leschiffres des victimes, au sein des médias, si ce n’estune plus grande sensibilisation de ceux qui sont endanger. Nous, journalistes et chefs d’édition, pouvonstoujours consentir à la mettre en sourdine et à nousautocensurer mais cette solution inacceptablesignifierait la victoire des ennemis de la liberté de lapresse.

Partie II - Reporters:travailler en équipe pourune plus grande sécurité

Connaissez vous l’«Afghan Explorer» ? C’est unmoyen de diffusion de l’information équivalent à undrone, un robot récemment inventé par le Media-Labau MIT. Cet appareil sur roues et télécommandé seraiten mesure de se déplacer et de filmer sur vidéos lesimages d’une bataille à distance rapprochée et mêmede réaliser des interviews. Il pourrait constituer unesolution pour les journalistes désireux de couvrir deszones dangereuses sans risquer leur vie. Toutefois, jecrains que l’«Afghan Explorer», à l’instar des appareilsde transmission satellitaire d’il y a dix ans, risque dene pas être accessible au journaliste moyen avantplusieurs années. Cela étant, comment les reporterspeuvent-ils améliorer leur propre sécurité ?

Dans les zones de guerre ou à risque, les journalistesdoivent d’abord apprendre à partager l’informationavec leurs collègues et les chefs d’édition. C’est en seconsultant les uns les autres qu’ils peuvent évaluer etréduire les risques d’une situation instable. Denombreux jeunes journalistes, souvent sans être enmission officielle, décident de couvrir des zones deguerre ou de guérillas pour se faire un nom et sesignaler à l’attention des chefs d’édition. Lesjournalistes dotés d’une plus grande expérience ontle devoir de les assister et de les aider à se sortir dessituations difficiles. L’expérience, dit-on souvent, estla meilleure protection contre le danger.

Ainsi que j’en ai fait l’expérience, l’installation de bu-reaux de dactylos ne conduit pas nécessairement àdes bulletins copie conforme. Chaque journal, sta-tion de radio ou chaîne de télévision utilise ses propresformats, s’adresse à des publics différents, et par-dessous tout, chaque reporter a sa propre perceptionde la situation et un esprit différent des autres. Ceuxqui décident de travailler seuls devraient réévaluer lesdangers qui les guettent et reconsidérer l’intérêt debénéficier d’une assistance.

En ce qui concerne l’assistance dont peuventbénéficier les journalistes, il est également essentielque les reporters fassent bien attention lorsqu’ilsengagent des «organisateurs sur le terrain», guides ouinterprètes locaux, car les journalistes, notamment lorsde leur premier séjour dans la zone en question,dépendent entièrement de leurs assistants pour obtenirles informations sur le pays donné, sa culture, ses tra-ditions et les dangers associés au conflit en question.Travailler en équipe avec un journaliste ou uncorrespondant local est également une formuleappréciable.

S’agissant des journalistes qui aiment porter desvêtements de camouflage ou tout autre équipementmilitaire ou qui les trouvent à la mode, j’aimerais mefaire l’écho des paroles de Ronald Koven, du Comitémondial pour la liberté de la presse, qui a récemmentparticipé à un débat organisé par Reporters sansfrontières sur la sécurité des journalistes, et qui y adéclaré que les journalistes ne doivent en aucunecirconstance vêtir, en partie ou entièrement, desuniformes de camouflage ou porter un habit suscep-tible d’être pris pour un uniforme. Il s’agit en effet enpremier lieu pour le journaliste de ne pas être prispour une cible, ou pour un combattant ou un espionen cas de capture de ce dernier. Il ne pourrait pas eneffet dans ce dernier cas bénéficier de la protectiondes conventions de Genève.Pour ce qui est du matériel de sécurité, il conviendraitde rappeler aux reporters que les casques pourraientêtre peints dans des couleurs autres que militaires. Demême, les gilets pare-balles sont également disponiblesdans d’autres couleurs.

Enfin, les journalistes ne devraient pas se plier àn’importe quelle demande de leurs chefs d’édition qui,loin de la réalité du terrain, peuvent souvent avoir desattentes irréalistes. Les reporters de guerre devraientfaire entendre leurs voix et revendiquer le droit dedire non et de se retirer s’ils ne peuvent plus sup-porter la pression ou la peur.

Ceci nous amène aux responsabilités des chefsd’édition...

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Partie III - Les chefs d’édition:protéger et assurer la survie desjournalistes

Quoique pas toujours respectée, la liberté desprofessionnels des médias est un principe largementreconnu. Les chefs d’édition devraient respecter ladécision d’un journaliste qui refuse de couvrir unesituation de guerre ou exprime la volonté de partir.Ils devraient promouvoir un dialogue ouvert avec lesreporters qui travaillent sur le terrain et s’abstenird’exercer toute forme de pression sur ces derniers envue de leur enjoindre de courir des risquessupplémentaires. En bref, nous estimons que le facteurhumain devrait prévaloir sur la course aux informa-tions.

Ainsi que je l’ai mentionné ci-dessus, l’expériencefournit la meilleure protection contre les dangers dureportage mené dans un environnement hostile. Com-ment apprécier la direction et la distance desbombardements ou des explosions, le type de projec-tiles utilisés et comment savoir s’ils se rapprochentde vous si vous n’avez jamais vécu cette situationauparavant ? Jusqu’o? pouvez-vous aller lorsque voussollicitez à une patrouille armée l’accès à une zoneinterdite ?

Le sens du danger ne peut s’acquérir qu’après un cer-tain nombre de missions. C’est ce que les chefsd’édition devraient avoir présent à l’esprit au momentd’envoyer un reporter sur une zone de conflit pour lapremière fois. Ils devraient s’assurer qu’il seraaccompagné par un collègue plus expérimenté choisiau sein de leur propre équipe ou d’un autre organed’information. Par ailleurs, il conviendrait de recueillirsystématiquement le témoignage des reporters à leurretour sur les questions de sécurité. De même, uneconsultation psychologique devrait être proposée àceux qui ressentent le besoin de bénéficier d’une aidelorsqu’ils reviennent des zones dangereuses oulorsqu’ils ont été les témoins d’événements choquants.

L’expérience peut être en partie acquise par desséances de formation assurées par les médias eux-mêmes ou des organismes nationaux etinternationaux. La BBC et l’agence Reuters, parexemple, obligent leurs reporters et correspondantslocaux à suivre une formation obligatoire en matièrede sensibilisation au danger. En France, ce typed’ateliers a été créé en collaboration avec l’arméefrançaise durant la guerre de Bosnie. L’objectifconsistait essentiellement à sensibiliser les reportersà tous les aspects d’un théâtre d’opérations militaires: les différentes armes utilisées, le mode d’identificationdes mines antipersonnel et des explosifs, les techniques

d’auto-protection et les erreurs à éviter. Par ailleurs, leschefs d’édition devraient tenir le personnel et lescollaborateurs indépendants au courant de toutes lesformations spécifiques disponibles sans épargneraucun effort de financement pour les y faire participer.A cet égard, nous encourageons les gouvernementset les organisations internationales à envisager la miseen place de services officiels et permanents et à fournirdes ressources humaines pour animer ces séances deformation.

Les chefs d’édition ont également une responsabilitédans la fourniture et l’assurance de l’entretien dumatériel de sécurité que j’ai déjà mentionné – casqueset gilets pare-balles entre autres. Quoique coûteux,un équipement de communication fiable, avec desbalises de localisation, accroît sensiblement le niveaude sécurité des journalistes travaillant dans les zonesà risque. Les trousses de premiers secours etl’équipement de survie, dont par exemple un filtrepour purifier l’eau, viendraient en complément del’équipement que chaque reporter devrait emporteravec soi sur le terrain.

Enfin, les chefs d’édition et les propriétaires de médiasdoivent s’assurer que le personnel envoyé sur les zonesde conflit bénéficie d’une police d’assuranceappropriée afin de lui épargner les coûts élevés desoins médicaux et de rapatriement qui viendraients’ajouter à la douleur et à la souffrance des familles.Ce dernier élément peut vous sembler comme allantde soi mais ce n’est malheureusement pas toujours lecas, y compris dans les plus grands organesd’information. Notre collègue Maria Grazia Cutuli,reporter au Corriere della Serra, tuée en Afghanistanl’année dernière, ne bénéficiait d’aucune policed’assurance. Certains pourraient arguer de ce que cespolices d’assurance sont beaucoup trop coûteuses.Nos experts en assurance estiment qu’un contratcollectif couvrant l’ensemble du personnel éditorialet s’élevant à moins d’un demi pour-cent du salairede chaque journaliste constituerait la meilleure solu-tion.

La question la plus délicate concerne les reportersindépendants qui travaillent souvent pour plusieursmédias en échange d’un salaire forfaitaire qui neprévoit aucun avantage social supplémentaire. Certainsproposent la constitution d’un fonds professionnelprévu pour la prestation d’aides à ces journalistes dotésd’un statut particulier. Vous en conviendrez probab-lement, la mise en place de ce fonds ne pourrait voirle jour que pays par pays. Aussi avons-nous demandéaux organisations de médias nationales d’entamer desnégociations en vue d’établir de nouveaux mécanismesde protection des journalistes indépendants.

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Conclusion:Une Charte pour une meilleuresituation

Tous les principes que je viens de mentionner ont étérassemblés à la suite d’un certain nombre de discus-sions entamées par RSF o? participaient lescorrespondants de guerre, les chefs d’édition, lespropriétaires de médias, les responsables gou-vernementaux et les représentants d’organisationsinternationales. Nous avons réuni ces principes dansla Charte pour la sécurité des journalistes travaillantdans les zones de guerre ou les régions à risque. CetteCharte vise à éviter ou du moins à réduire les risquesencourus par les reporters dans l’exercice de leur mis-sion.

Entre autres organisations qui ont participé à larédaction de cette Charte figurent les ministèresfrançais des affaires étrangères et de la défense, leComité international de la Croix-Rouge, le Conseilde l’Europe, l’Organisation de la sécurité et de laCoopération en Europe, le Comité mondial pour laliberté de la presse et le groupe d’assurance IPS Bellini-Gutenberg.Même si aucune zone de guerre n’offre une sécuritéabsolue, la Charte avance un certain nombre de propo-sitions utiles sous la forme de huit principes. Cesderniers constituent un engagement de la part desmédias, des pouvoirs publics et des journalistes derechercher systématiquement des moyens d’évaluationet de réduction des risques présents, de ne pas forcerles journalistes à couvrir des situations de guerrescontre leur volonté, de ne faire appel qu’auxprofessionnels de l’information qui ont une expériencevalable, de leur offrir une formation, une policed’assurance et un équipement adéquats, de leur pro-poser une consultation psychologique à l’issue de leurmission s’ils en font la demande et de leur accorderune protection juridique internationale.

La Charte est à votre disposition et est distribuée auniveau mondial par RSF et ses partenaires aux chefsd’édition et aux journalistes. Nous demandons toutparticulièrement aux chefs d’édition et auxpropriétaires de médias de l’adopter et de l’observer.

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Charte pour la sécurité des journa-listes travaillantCharte pour la sécurité des journa-listes travaillantCharte pour la sécurité des journa-listes travaillantCharte pour la sécurité des journa-listes travaillantCharte pour la sécurité des journa-listes travaillantdans les zones de guerredans les zones de guerredans les zones de guerredans les zones de guerredans les zones de guerreou les régions à risqueou les régions à risqueou les régions à risqueou les régions à risqueou les régions à risque

La sécurité des journalistes travaillant dans le cadre de missions dangereuses n’est pas toujours garantie même si ledroit international prévoit une protection appropriée sur le papier car les belligérants s’y conforment de moins enmoins. Les collecteurs d’information ne peuvent en effet obtenir de ces derniers l’assurance d’une protection pleineet entière. En raison des risques qu’ils encourent pour maintenir le public informé, les professionnels des médias, lesjournalistes et leurs assistants (personnel permanent ou travailleurs indépendants) intervenant dans les zones deguerre ou les régions à risque ont droit à une protection de base, à un dédommagement et à des garanties de la partde leurs employeurs, même si cette protection ne doit jamais être le prétexte à un contrôle exercé par les forcesmilitaires et les autorités gouvernementales au niveau local. Les gestionnaires des organes d’information doiventégalement assumer leur part de responsabilité dans la prévention et la réduction des risques encourus. Les huitprincipes suivants s’appliquent :

Principe 1 - Engagement

Les médias, les pouvoirs publics et les journalistes eux-mêmes chercheront systématiquement des moyensd’évaluation et de réduction des risques dans les zonesde guerre et les régions dangereuses en se consultant lesuns les autres et en échangeant toute information utile.Les risques que doivent prendre les journalistespermanents ou indépendants, leurs assistants, leursemployés locaux et le personnel d’appui supposent unepréparation, une information, une police d’assurance etun équipement adéquats.

Principe 2 - Liberté

La couverture d’un théâtre de guerre supposel’acceptation des risques correspondants par lesprofessionnels des médias, ainsi qu’un engagement per-sonnel. Aussi ne peuvent-ils se rendre dans les régionsconcernées qu’à titre purement volontaire. Eu égard auxrisques encourus, les journalistes devraient être en droitde refuser de telles missions sans fournir d’explication etsans voir leur professionnalisme remis en question. Surle terrain, la mission peut s’achever à la demande du re-porter ou des chefs d’édition après consultation entreles deux partis, compte étant tenu de leurs responsabilitésmutuelles. Les chefs d’édition devraient s’abstenird’exercer toute sorte de pression sur les correspondantsspéciaux poussant ces derniers à prendre des risquessupplémentaires.

Principe 3 - Expérience

Les reportages sur la guerre demandent une expérienceet des aptitudes spécifiques. Les chefs d’édition devraientainsi choisir des journalistes permanents ou descollaborateurs indépendants suffisamment mûrs etfamiliarisés avec les situations de crise. Les journalistescouvrant un théâtre de guerre pour la première fois nedevraient pas y être envoyés seuls mais être accompagnéspar un reporter plus expérimenté. Il conviendrait que le

travail d’équipe sur le terrain soit encouragé. Les chefsd’édition devraient systématiquement recueillir letémoignage de leurs journalistes une fois ces derniers deretour afin de s’informer de leur expérience.

Principe 4 - Préparation

Une formation régulière au travail de journalisme menédans les zones de guerre et les régions à risque contribueraà réduire les risques encourus par les journalistes. Leschefs d’édition devraient informer le personnel perma-nent et les collaborateurs indépendants de toute forma-tion spécifique proposée par les organismes nationauxou internationaux compétents et leur donner la possibilitéd’y avoir accès. Tous les journalistes invités à travaillerdans un environnement hostile devraient bénéficier d’uneformation en matière de premiers secours. Enfin, touteécole de journalisme accréditée devrait familiariser sesétudiants avec ces questions.

Principe 5 - Equipement

Les chefs d’édition devraient doter les correspondantsspéciaux travaillant dans les zones dangereuses d’unmatériel de sécurité fiable (gilets pare-balles, casques et,si possible, véhicules blindés), d’un équipement de com-munication (balises de localisation) et de trousses desurvie et de premiers secours.

Principe 6 – Police d’assurance

Les journalistes et leurs assistants travaillant dans leszones de guerre ou les régions à risque devraient êtreassurés pour pouvoir être indemnisés en cas de maladie,de rapatriement, d’invalidité et de perte de vie humaine.Ainsi, les gestionnaires de médias devraient prendre tou-tes les mesures nécessaires pour mettre en place de tellesprestations avant l’envoi ou l’embauche d’un professio-nnel dans le cadre d’une mission dangereuse. Ils devraientpar ailleurs se conformer strictement à toutes les con-ventions et accords applicables au sein de la profession.

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Principe 7 – Consultation psychologique

Les gestionnaires de médias devraient s’assurer que lesjournalistes et leurs assistants qui le désirent puissent avoiraccès à une consultation psychologique à leur retour deszones à risque ou après avoir fait un reportage sur desévénements choquants.

Principe 8 – Protection juridique

Les journalistes travaillant dans le cadre de missionsdangereuses sont considérés comme des civils en vertude l’Article 79 du Protocole additionnel I aux Conven-tions de Genève, pourvu qu’ils n’entreprennent rien ouqu’ils n’aient aucun comportement pouvant remettre enquestion ce statut, comme participer directement à uneffort de guerre, porter des armes ou se livrer à desentreprises d’espionnage. Toute attaque délibéréeperpétrée contre un journaliste causant sa mort ou desblessures physiques graves constitue une atteinte grave àce Protocole et est tenue pour un crime de guerre.

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(1) Mort due à des bombes, mines, grève,projectile etc.

(2) Mort suivie d’un assaut, d’une balle etc parceque le journaliste est identifié comme tel.

Quelques examples

Balkans: 46

Tchétchénie: 12

Sierra Léone: 14

Algérie: 60

Colombie: 14

Rwanda: 51

Afghanistan: 10

RRRRReporters sans frontières, eporters sans frontières, eporters sans frontières, eporters sans frontières, eporters sans frontières, Mars 2002

243 tués dans les zones de conflit en 10 ans:

Années Accidentel (1) Déliberé (2)

1992 10 6

1993 4 21

1994 21 73

1995 11 28

1996 0 9

1997 1 4

1998 1 2

1999 8 22

2000 4 5

2001 7 6

Total 67 176 (soit 28%) (soit 72%)

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Parmi les 513 journalistes tués (zones de conflit et non-conflit):

Années Photographes Presse, agences Télévision Radio

1992 5 36 8 14

1993 4 34 15 11

1994 9 93 19 13

1995 1 39 14 10

1996 2 25 6 3

1997 3 18 3 4

1998 0 14 5 4

1999 2 20 10 6

2000 3 17 3 9

2001 2 13 5 11

Total 31 (7%) 309 (60%) 88 (17%) 85 (16%)

Journalistes locaux ou correspondants étrangers ?Années Journalistes Correspondants

locaux étrangers

1992 54 9

1993 52 12

1994 118 16

1995 58 6

1996 36 0

1997 27 1

1998 22 1

1999 29 9

2000 29 3

2001 23 8Total 448 (soit 86%) 65 (soit 14%)

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Olivier F. Clarke

Directeur généralThe Gleaner, Kingston Jamaica

Président du Jury du Prixmondial 2002 pour la liberté

de la presseUNESCO/Guillermo Cano

CHAPITRE 6:Vue d’ensemble

Définition du terrorisme

Il n’y a pas une définition du terrorisme ou même de terroriste qui serait universelle.Le Département de la Défense américaine définit le terrorisme comme suit :l’utilisation calculée d’utiliser la violence ou la menace de violence pour graver la peur dans lesesprits, en vue de contraindre ou d’intimider des gouvernements ou des sociétés dans la poursuited’objectifs qui sont généralement politiques, religieux ou idéologiques. D’autres définitionsdu terrorisme englobent la violence commise contre des innocents. Il faut que leterroriste - quand ce n’est pas une nation - et l’acte terroriste captent l’attentiondu public ou soient symboliques pour obtenir la couverture médiatique qui leurpermettra d’amplifier la peur.

Les organisations internationales cherchent à s’assurer que leur définition duterrorisme n’englobera pas l’action menée par un gouvernement contre ses proprescitoyens, peu importe si de telles actions terrorisent ou non ceux qui en sontvictimes. Les terroristes considèrent généralement que les élections sont un moyeninefficace pour changer une politique de gouvernement. Alors, ils font despressions en ayant recours à la violence pour parvenir à un changement politique.Si les terroristes obtiennent ce qu’ils veulent, ils sont alors élevés au rang de“combattants de la liberté”.

Le terrorisme n’est pas un nouveau phénomène. Les révolutions russe, françaiseet chinoise avaient, toutes les trois, été provoquées par des groupes de citoyensayant décidé de changer la politique de leur gouvernement respectif en utilisant laviolence. On pourrait considérer la Boston Tea Party de 1773 comme un acteterroriste, et qualifier la rébellion des esclaves en 1800, dans les Caraïbes, deterrorisme. Mais, ces événements sont, aujourd’hui, observés sous un tout autreéclairage.

La Faction Armée rouge (la bande à Baader) avait tué 31 personnes, posé 25bombes et en général terrorisé, dans les années 70 et 80, l’ancienne Allemagne del’Ouest. Les objectifs de cette bande étaient de s’attaquer à l’”impérialismeaméricain”. Les Brigades rouges italiennes étaient inspirées par des idéauxcommunistes et se sont battues pour soutenir une révolution ouvrière. La lutte enIreland du Nord, qui a duré trois décennies, a produit un autre exemple classiquecelui de comment des différences religieuses entretenues par le réalignement desfrontières - un fait qui touche un nombre relativement restreint de gens et qui sedéroule dans un espace géographique minuscule - peuvent continuer à créer unfoyer de violence et cela sur une certaine période. Une autre situation similaire estcelle du conflit israélo-palestinien qui a produit le HAMAS, l’OLP et les représaillessouvent excessives des israéliens. Depuis les croisades, il a toujours été difficile detrouver des solutions rationnelles aux conflits de longue date entre des adversairesqui croient bénéficier de l’appui du Dieu qu’ils vénèrent.

Les terroristes ont besoin des médias

Les actes terroristes visent à faire peur au plus grand nombre. Un acte terroriste,dont on ne parle pas, peut être extrêmement violent mais ne provoquera pas depeur généralisée et par là-même sera considéré comme un échec par les groupesterroristes. Ainsi, les terroristes sont obligés de provoquer un incident quinécessitera une couverture médiatique. Attaquer les athlètes olympiques en 1972,faire exploser le vol 800 du TWA, kidnapper le commando américain de l’OTAN,détruire le World Trade Center, tuer des journalistes en Colombie, au Mexique ouen Espagne (ETA), détruire des missions diplomatiques américaines, activitésd’Abou Sayaf, répandre des gaz biologiques mortels dans le métro sont toutesdes actions qui exigent une couverture médiatique mondiale.

I. Remarquesgénérales

surle terrorismeet les médias

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Ainsi, le terroriste a besoin des médias. Les médias ont àrendre compte d’incidents qui ont une importance et unintérêt public et cela particulièrement quand l’acteterroriste est exceptionnel, inattendu et politiquementefficace. Cela a été le cas lors de la destruction du WorldTrade Center. Les Etats-Unis n’ont jamais été attaqués,sur leur propre territoire, par une force étrangèredepuis leur indépendance des britanniques. Pour lesAméricains, le concept de sécurité intérieure s’estdésintégré avec la destruction du World Trade Center.

L’acte terroriste créé alors une voie qui lui est propre.Les agressés cherchent à diaboliser et à isolerl’agresseur dans l’esprit du public. Ce qui permet auxélecteurs du pays cible de se rassembler derrière leursdirigeants et de soutenir des mesures qui, en tempsnormal, auraient été considérées comme des atteintes,graves et inacceptables, aux droits civils. Un acteterroriste peut faire l’objet d’une couverturemédiatique sur plusieurs mois. Ainsi, il est couvert.Ensuite, viennent les négociations d’otages quisouvent s’éternisent. Il faut du temps avant que laréponse publique, à ces actes, ne fasse son temps.

Les actes de terrorisme répétés peuvent conduire àde graves restrictions des droits civiques. Droits quin’ont été obtenus qu’au bout de plusieurs années delutte. Les médias sont obligés de couvrir le débat oùles priorités que sont la sécurité, les libertésindividuelles et la protection de la vie privées’opposent et s’entrechoquent. Souvent, les médiassubissent des pressions pour ne pas traiter certainesquestions. Il a été demandé, par exemple, aux médiasaméricains de ne pas diffuser les vidéos d’OussamaBen Laden assis devant une grotte en Afghanistan.Al-Jazira, basée au Qatar a également subi despressions pour ne pas diffuser ses interviewsexclusives avec les terroristes.

On considère, aujourd’hui, que le terrorisme intérieurest mieux combattu par le renseignement et la sur-veillance. La réponse allemande à la bande à Baader-Meinhof a été d’augmenter les écoutes téléphoniques,d’interdire l’appartenance à des groupes terroristesprédéterminés, d’encourager les négociations pourl’abandon des chefs d’accusation afin de récupérer desinformateurs, de mobiliser des équipes spéciales depolice anti-terroristes et d’autoriser les témoignagesanonymes en cours de justice. En Colombie, il a fallupermettre aux juges de siéger en demeurant anonymes.

La lutte que mènent les Etats-Unis, depuis les récentesactions terroristes sur leur territoire, contre leterrorisme va au-delà de la tentative d’éliminer lesterroristes et cherche à punir les Etats qui abritent lesterroristes. “L’Axe du mal” semble inclure sept Etatsque les Etats-Unis ont désignés comme finançant leterrorisme : Cuba, l’Iran, l’Irak, la Libye, la Corée duNord, le Soudan et la Syrie. Cet “Axe” est un nouveaudéveloppement dans la lutte contre le terrorisme. Unélément préoccupant pour certains membres de lacoalition.

Les terroristes ont besoin des médias pour propagerla peur qu’ils cherchent à créer. En même temps, lesterroristes représentent l’intolérance et ne sont paspour l’ouverture. Les terroristes craignent les nouvelles idées,les nouvelles religions et voient le monde moderne comme unemenace et non pas comme une occasion. C’est le rôle desmédias de créer un monde plus ouvert. Le terroristequi, à court terme, manipule les médias finira par enêtre effrayé, étant donné qu’ils cherchent à mieux in-former le public sur l’étroitesse de l’ambitionterroriste.

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La recrudescence d’organisations rebelles qui pratiquent le terrorisme signifie,à mon avis, que l’intimidation violente des populations civiles est probablementinévitable après la guerre froide. Les principaux acteurs de la guerre froidetenaient à ce que les conflits ne débordent pas en une guerre totale internationale.Ainsi, ils avaient acheté la confiance de ceux qui étaient impliqués dans lesconflits locaux et s’étaient efforcés de circonscrire les actions des Etats ougroupes satellites, dont la violence servait les intérêts de l’une ou de l’autrepuissance, faisant en sorte que les guerres régionales ou les soulèvements nedébordent pas.

La fin de la confrontation entre les superpuissances semblait, tout d’abord,signifier que les grandes puissances n’avaient plus les mêmes raisons pourchercher à contenir, à tout prix, les conflits régionaux. Il est clair que c’étaitcette analyse qui s’exprimait dans le manque d’enthousiasme, de l’administrationBush, à s’impliquer dans les conflits régionaux. Le 11 septembre a changé toutcela.

Mais, laisser les acteurs locaux gérer des conflits, qui se situent en dessous duseuil conduisant aux guerres mondiales, crée de nouveaux défis pour lacouverture médiatique et de nouveaux dangers pour les journalistes concernés.On a, en grande partie, parlé ici comme si les dangers venaient exclusivementdes acteurs non étatiques qu’on appelle généralement les terroristes. Ce faisant,on a omis de parler de la vilaine réalité où se sont les gouvernements qui, cesdernières années, ont été à l’origine du plus grand danger auquel les journalistesont été confrontés et il est fort probable que cela ne cessera pas d’être le cas.

Les gouvernements s’empressent d’accuser les journalistes d’irresponsabilité.Mais, n’importe quelle irresponsabilité journalistique qui peut se concevoir nepeut être comparée avec l’irresponsabilité gouvernementale qui a une portée etdes conséquences bien plus dramatiques. Je fais non seulement allusion àl’Allemagne nazie et à la Russie stalinienne. Prenons la Serbie, la Russie post-communiste en Tchétchénie, l’Irak gazant des villages kurdes, la Syrieexterminant pratiquement toute la population d’une de ses villes, les massacresde Pol Pot au Cambodge, les famines provoquées par le gouvernement éthiopien,la guerre du gouvernement au Nord contre le Sud Soudan et ainsi de suite...

Ces exemples étaient tous des formes de terrorisme avec une caractéristiquecommune. Contrairement aux assertions qui ont, si souvent, été faites ici, selonlesquelles le terrorisme a besoin de publicité et cherche une sorte de complicitéobjective de la part de la presse ; tous les exemples qui ont été donnés avaientété publiquement niés. Ils ont essayé de cacher leurs actions terroristes et lapresse a dû mener une enquête approfondie pour les exposer. Ainsi, les formesles plus meurtrières du terrorisme prospèrent, en général, dans le secret et nonau grand jour. Il faut, évidemment, faire une distinction entre les Etats quisponsorisent le terrorisme et les acteurs non étatiques. Même les guérilleros quifont, ce que les anarchistes du XIXe siècle appellent une “propagande par lesactes”, signifiant généralement des assassinats, sont, la plupart du temps,secrètement manipulés par des acteurs étatiques qui cherchent à cacher leurparticipation que la presse doit essayer d’exposer au grand jour.

A l’avenir, les journalistes, dont le travail a toujours été dangereux, devrontrévéler, également les choses que les Etats cherchent à cacher. La présence dejournalistes libres et indépendants est souvent une garantie contre le terrorismefinancé par les Etats. C’est pour cette raison que les Etats emprisonnent tantde journalistes dans des pays tels que la Turquie, la Chine et l’Ethiopie. Lesjournalistes en question avaient défié la notion philosophique classique, selon

CHAPITRE 6:Vue d’ensemble

II. L’Impartialitéest

la meilleuredéfense

Ronald Koven

Représentant européen,Comité mondial

pour la liberté de la presse

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laquelle si un arbre tombait dans la forêt et quepersonne n’entendrait le bruit, on considérait que lebruit devait être inaudible. Les journalistes vont dansles forêts pour voir des arbres au sol et ils déduisentqu’il y avait vraiment du bruit. Une des formes debruit qu’on a du mal à entendre se sont les reven-dications de groupes mécontents et dont les voix sontétouffées par des gouvernements non démocratiques.On peut dire que certains groupes terroristes,d’aujourd’hui, sont nés de la frustration de ne pouvoirfaire entendre leur voix de façon démocratique.

Et les efforts jamais déçus des gouvernements àétouffer de telles voix peuvent expliquer l’étonnementréel du public américain, après le 11 septembre. Laquestion Pourquoi nous haïssent-ils? était sincère. Ilsignoraient tout simplement qu’il y avait des groupesen colère, dont les revendications avaient été étoufféespar des gouvernements et auxquels une presse“responsable” n’avait pas payé suffisamment atten-tion. Ce qui se passe au sud des Philippines est difficileà comprendre pour ceux qui n’y habitent pas. C’estun cas spécial, mais toute situation violente dansn’importe quel pays est un cas spécial, qui a besoin debeaucoup d’explications et décourager la presse d’enparler pose un réel problème à la presse elle-même, àla société nationale et à la communauté internationale.Il faudrait éviter de légiférer sur ce qui est du domainedu comportement “responsable” en se fondant surdes cas spéciaux. N’oublions pas la maxime juridique:des cas difficiles aboutissent à l’adoption de lois non conformes.

En confinant la presse au reportage factuel, commenous l’avons entendu suggéré ici, n’est pas non plusune bonne solution. Aux Etats-Unis, la CommissionHutchins sur la presse a conclu, en 1947, que leproblème principal avec la presse américaine del’époque a été qu’elle ne disait pas la vérité sur les faits. End’autres termes, il n’y avait pas suffisammentd’analyses et une mise en contexte dans ses reportages.Depuis ce temps là, on a pu constater dans la pressede qualité, à travers le monde, une améliorationconsidérable. Toute tentative gouvernementale, derevenir en arrière, nuit à la compréhension du publicet par là-même met en péril sa propre sécurité. Endéfinitif, la meilleure sécurité pour la presse est la re-connaissance du grand public que nous cherchons,dans nos reportages, à être le plus équitable possibleet si les publics, les gouvernements et les groupes derebelles ressentent que cela est bien le cas, alors nous

pourrons faire notre travail. Les acteurs, les partiesen conflit, pourraient ne pas toujours apprécier nosreportages, mais seront forcés de les respecter et notresécurité ne sera que plus grande.

Les problèmes commencent généralement pour lapresse quand une des parties impliquées dans leconflit, habituellement un gouvernement, nous men-ace ou nous courtise de joindre son camp. La partieou les parties adverses considèrent alors la pressecomme un adversaire qu’il est temps de prendre pourcible. La meilleure défense pour la presse est qu’on setienne à nos principes d’impartialité dans nosreportages et de ne permettre à personne de nousassigner d’autres rôles, d’autres missions ou obliga-tions, aussi ronflants soient-ils: au nom de la paix,l’harmonie, la résolution des conflits, le déve-loppement et autres choses de ce genre. Nousjournalistes devons résister à toutes les tentatives, d’oùqu’elles viennent, d’amis ou d’ennemis, pour nousenrôler à soutenir leur cause, ouvertement ousecrètement. Notre meilleure défense - avec lesprocédures de sécurité de bon sens - est d’essayer dedire les choses telles qu’elles sont.

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Médias et terrorisme : études de cas

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ETUDE DE CAS 1

Le 11 septembre: Conséquences pour la libertéd’information en Afrique du SudRaymond Louw,Rédacteur et éditeur du Rapport sur l’Afrique du Sud

M. Jean-Paul Marthoz a déjà décrit comment les canaux de la communicationofficielle, aux Etats-Unis, ont été resserrés, par exemple, pourquoi il y a des re-strictions sur la couverture médiatique de la guerre en Afghanistan, ainsi que latentative, peu judicieuse, des Américains d’introduire un mécanisme pour falsi-fier les nouvelles en érigeant la désinformation comme moyen pour combattre leterrorisme. Nous, en Afrique du Sud, sommes confrontés à des changementsidentiques, pas aussi flagrants, mais en résonance avec ce qui se passe aux Etats-Unis La grande ouverture, qui a caractérisé la société sud africaine, aprèsl’instauration d’un gouvernement démocratique, est peu à peu remise en cause,au moment même où les dirigeants prennent conscience de la difficulté degouverner, particulièrement, après le genre de gouvernement autocratique quenous avons dû subir par le passé, et également de l’énorme embarras causé pardes révélations, de la presse, sur l’incompétence et la mauvaise gestion.

Mais cette réticence croissante s’est accélérée depuis le 11 septembre, et avec elle- inspirée sans aucun doute par la peu judicieuse suggestion américaine de contrôleret de falsifier l’information - une indifférence flagrante pour les faits, une approchesimpliste de la vérité et la négation pure et simple de ce qui avait affirmé et celamalgré l’enregistrement vidéo ou la diffusion télévisée, quand ce n’est pas lemensonge. On est tous conscients que les hommes politiques ont tendance à êtreéconome avec la vérité, mais en Afrique du Sud, certains politiciens l’ont, toutsimplement, réduite en miettes.

Cependant, je vais décrire, brièvement, un aspect de la situation en Afrique duSud qui servira de toile de fond au débat sur le thème qui nous intéresse: c’estcelui du crime et de la sécurité. L’Afrique du Sud a un taux de criminalité élevéque viennent renforcer la brutalité et la facilité avec lesquelles les voleurs et autrescriminels tuent parfois sans raisons. Le tout entrelardé de campagnes contre laterreur, de bombes et parfois des coups de feu tirés de voitures en marche. Pen-dant des années la police paraissait perdre la bataille, mais aujourd’hui elle sembleavoir réussi à stabiliser la situation. Seulement, c’est ce climat même qui semblefavoriser la répression administrative : les propositions de lois des hommespolitiques, les actions arbitraires, aux méthodes musclées, des autorités de la sécuritéet de la police en sont le reflet.

Quand les gens vivent derrière des barrières électriques, avec l’alarme anti-volbranchée la nuit, les chiens lâchés dans le jardin et une “réponse armée” que sontles compagnies de sécurité qui patrouillent leur riche banlieue, il est très difficilede leur faire comprendre les valeurs de liberté d’expression et de liberté de lapresse. Cela est encore plus difficile pour un gouvernement qui continue à sedébattre pour se défaire de son autoritarisme hérité de lutte de libération ou “guerredu bush” et qui est fortement influencé par les préoccupations, qui sont cellesdes forces de sécurité.

Ainsi, dans cet environnement, les lois répressives telles que Terrorism Bill et Inter-ception and Monitoring Law ont une genèse toute trouvée. Cela peut sembler étrangeque nos dirigeants actuels après avoir exprimé leur indignation à l’encontre deslois draconiennes appliquées par le précédent gouvernement de l’apartheid, pourcontenir leur insurrection, soient, à peine huit ans après, décidés à introduire des

CHAPITRE 7

Etudesde cas en

Afriqueet dans

les paysarabes

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lois aussi restrictives et tout cela, bien sûr, au nom dela défense de la démocratie.

Le Terrorism Bill a des mécanismes épouvantables, telsque la détention sans procès qui, bien sûr, peut êtreutilisée pour entraver sérieusement la libertéd’expression. On trouve d’autres dispositionsrestrictives, mais je ne vais pas en parler, car la loi estdans les mains de nos commissions juridiques quirevoient les lois controversées avant qu’elles ne soientsoumises au Parlement et ils ont décrété que certainesparties de cette loi enfreignent la Constitution. Je croissavoir que ce projet de loi est en train d’être réécrit etil nous faut attendre pour voir le résultat. Toutefois, ily a aussi la Interception and Monitoring Law qui sembleavoir subi l’influence d’instruments juridiquessimilaires, en cours d’application, dans des pays telsque la Grande Bretagne, par exemple. Les objectifsde la loi sont très explicites:

1. Contrôler les interceptions et surveiller certainescommunications (principalement sur Internet, mais,de nos jours, cela peut s’appliquer à n’importe quellepersonne qui écrit) ;

2. Surveiller les communications dans les cas de crimessérieux ou si la sécurité et l’intérêt national sontmenacés;

3. Intercepter les articles ou le courrier envoyé par laposte ;

4. Interdire la fourniture de certains services de com-munication qui ne peuvent être contrôlés ;

5. Maintenir un contrôle sur les surveillances, destélécommunications, qui ont été autorisées.

On trouve également une disposition concernant“l’information concernant un appel [précis]” que lefournisseur de services doit fournir aux autorités. Celacomprend le nom de l’utilisateur, la destination et ladurée de la communication. Le fournisseur de serv-ices est tenu d’investir l’argent nécessaire pour acheterl’équipement qui lui permettra de donner cette infor-mation. La mise sur écoutes est normalementautorisée par un juge, mais dans certainescirconstances un adjoint au préfet ou un comman-dant de l’armée peut l’ordonner.

Enfin, ces lois avançaient de façon laborieuse, ensuivant le processus habituel, quand il y eut lesévénements du 11 septembre qui ont durci la posi-tion de l’opinion publique envers le terrorisme et ontfait remonter la cote de popularité des ministresconcernés. Alors, le processus s’est accéléré. Heu-

reusement, qu’on dispose d’un instrument juridiquepour tenir le gouvernement et la Cour cons-titutionnelle et protéger la constitution. Mais, l’autreprojet de loi est passé au travers des mailles du filet etcela malgré une vigilance que les organisationsbruyantes de la société civile sont venues renforcer.Organisations telles que le Freedom of ExpressionInstitute et bien d’autres.

Apparemment, les intrusions dans la vie privée nesemblent pas avoir le même effet dissuasif quel’emprisonnement sans procès. Cela vient, peut-être,du fait que les médias considèrent que la vie privée,particulièrement celle des dirigeants politiques etautres responsables de la société civile, n’est pas unterritoire interdit. Il est vrai que l’opposition, à ceprojet de loi, à été très faible parmi le grand public.Le 11 septembre et la mise en place, à l’étranger, delois similaires semblent produire de l’effet. Ainsi, laloi va vraisemblablement passer. Cependant, pourdonner un exemple concret sur comment legouvernement, ou devrais-je plutôt dire, la présidencea été envahie par une paranoïa sécuritaire. Je vais vousparler des tentatives qui ont été faites pour mettre enplace un Presidential Press Corps créé ostensiblementsur le modèle américain.

Aux Etats-Unis, les journalistes postulent pour fairepartie du White House Press Corps, environ 1600personnes posent leur candidature, remplissent unquestionnaire, pas trop inquisiteur, et enfin reçoiventleur habilitation. On soupçonne parfois les servicesde sécurité de mener une enquête sur le journalistecandidat, mais, ils ne lui poseront plus de questions.En Afrique du Sud, c’est différent. Après le question-naire, les agents des services secrets interrogent lesjournalistes sur leur vie sexuelle et s’ils sont mariés illeur est demandé s’ils ont des relations extra-conjugales hétéro- et homo-sexuelles. De même qu’onleur demande s’ils ont été soignés par un psychiatreet s’ils ont fait de la prison. Ils doivent égalementfournir des copies de leurs relevés bancaires, accepterde subir un test avec le détecteur de mensonges.

Le gouvernement n’a nullement été décontenancéd’être pris en flagrant délit de mensonge quand il adéclaré, que pour la procédure, il s’était inspiré dusystème américain. Il a également menti sur les ques-tions portant sur la sexualité des candidats qui, selonlui, étaient une partie essentielle de la procédure. Alorsqu’un de ses ministres affirme qu’elles n’ont jamaisfait partie de la procédure et l’impute à l’excès de zèled’un agent et d’un autre un haut fonctionnairedépartemental. Cela illustre bien mon propos.

Et enfin, malgré le 11-septembre, il y a quand-même

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une victoire; Depuis des années, le ministère public autilisé tous les moyens légaux, et même illégaux, pouressayer d’obtenir que les journalistes, présents lors dumeurtre spectaculaire d’un chef de gang, en 1996, àCape Town, livrent leurs vidéo cassettes, photos ouviennent témoigner au procès des meurtriersprésumés, tous membres de Pagad (People AgainstGangsterism and Drugs), un groupe d’autodéfensequ’on soupçonnait être devenu un groupe de gang-sters. Le ministère public avait assigné un photographeà comparaître pour dire ce qu’il avait vu. Ce dernierrefusa au motif qu’on portait atteinte à ses droitsconstitutionnels de la liberté d’informer et égalementpour avoir fait l’objet, à plusieurs reprises, de men-aces de mort. Les cinquante policiers qui avaientassisté à la tuerie refusèrent de témoigner. Le refusd’obtempérer de notre collègue est une victoire pourles médias.

Mais, avant de vous quitter, j’aimerais évoquer uneautre controverse, qui prend de l’ampleur et qui estcelle de l’intérêt national contre l’intérêt public. Legouvernement veut que les journalistes s’occupent del’intérêt national, mais il oublie que de nombreuxjournaux de l’opposition, durant l’apartheid, avaientfait exactement le contraire. Si ces journaux s’étaientoccupés de l’intérêt national ils auraient propagél’apartheid. Au lieu de cela, ils s’étaient occupés del’intérêt public en s’opposant à la politiqueépouvantable de l’apartheid.

ETUDE DE CAS IITerrorisme et médias au ZimbabweGeoffrey NyarotaRédacteur en chef du The Daily NewsZimbabwe

Au moment où le gouvernement des Etats-Unis etses alliés ont, après les attaques du 11 septembre,intensifié leurs mesures répressives contre leterrorisme, le gouvernement du Zimbabwe a lancé sapropre guerre contre le terrorisme. Les cibles de cesattaques lancées par les autorités, à Harare, étaient,cependant, des terroristes d’une tout autre nature. Lesterroristes auxquels le gouvernement de M. RobertMugabe faisait référence en des termes incongrus,étaient des journalistes qui travaillaient pour un petitjournal du pays, un journal privé, indépendant, maisdont la vitalité ne cesse d’augmenter et la popularitéde grandir.

Les membres, et en particulier, les hauts responsablesdu principal parti politique d’opposition, le Movementfor Democratic Change (MDC) figurent également sur laliste, dressée par le gouvernement, de l’espèceparticulière de terroristes du Zimbabwe,. Le chef du

parti, M. Morgan Tsvangirai, a perdu une élection enmars 2002 contre le Président Mugabe dans un scrutincontroversé, apparemment plein d’irrégularités. M.Mugabe a ouvertement été accusé d’avoir gagné pardes moyens frauduleux.

Plus de 100 sympathisants du MDC ont été tués parles militants et les agents du Parti au pouvoir, le ZanuPF, et le gouvernement. Un grand nombre de gensont été arrêtés. Le MDC a été accusé avant l’électionprésidentielle de 2002, et ses membres ont étéemprisonnés par le gouvernement de M. Mugabe,inculpés de meurtre et de terrorisme après la mort demilitants du parti Zanu PF. Parmi ceux qui ont essuyéle plus fort de la soi-disant attaque du gouvernementcontre le terrorisme, on trouve également les membresde la petite communauté blanche, exploitantsindustriels qui, depuis l’année 2000, ont été les victimesd’un programme haineux d’expropriation de terre etde redistribution, qui a provoqué la mort de plus dedouze personnes et le déplacement ou l’arrestation,sur des accusations fallacieuses, de plusieurs autrespersonnes. Bien qu’aucun journaliste n’ait encore faitle sacrifice suprême, il y eut des menaces de mort etles journalistes, de trois hebdomadaires du Zimba-bwe et d’un quotidien privé, ont été arrêtés.

Le ministre de l’Information, Jonathan Moyo, un desprincipaux assistants de Mugabe, a accusé la petitecommunauté blanche du pays, de 4000 exploitantsindustriels, d’être de connivence avec les journalistespour commettre ce qu’il appelle “le terrorismeéconomique”. Moyo a fait cette accusation lors del’arrestation et de la comparution devant les tribunauxd’un vieux fermier et de vingt de ses ouvriers pouravoir, lui, John Bibby le fermier, durant les accrochagesavec les sympathisants du parti au pouvoir quirazziaient sa ferme, provoqué la mort de deuxmembres du commando. Prenant fait et cause pourle gouvernement, le quotidien pro-gouvernemental,The Chronicle affirme, dans son éditorial, que la brutalitépolitique actuelle, soutenue par l’étranger qui a relevésa laide tête, devrait être écrasée. On voudraitrecommander vivement au gouvernement d’utiliserle dispositif de sécurité de l’Etat pour s’occuper deces actes de terrorisme avant qu’ils ne deviennentincontrôlables.

Comme s’il répondait directement, le présidentMugabe, juste après sa réélection en mars, a signé leAccess to Information and Protection of Privacy Bill, projetde loi controversé et draconien qui cherche à réduireau silence les journalistes zimbabwéens en rendantobligatoire l’obtention d’une licence, en procédant àdes poursuites judiciaires et en condamnant à degrosses pénalités ceux dont les écrits sont jugés

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perturbateurs. De même, qu’il a été interdit auxjournalistes étrangers de travailler dans le pays et auxétrangers d’avoir des intérêts dans les médiaszimbabwéens.

Le gouvernement utilisera la loi pour que les terroristes du MDCet leurs partisans médiatiques rendent des comptes sans peur etsans faveur, écrit Moyo, plein d’enthousiasme, dans un autrejournal appartenant au gouvernement, The Sunday Mail.Aucun terroriste ni aucun de leur promoteur ne trouvera latranquillité au Zimbabwe. On n’utilisera pas les médias, que cesoit sur le plan local ou sur le plan international comme couverturedu terrorisme.

Malgré les affirmations du ministre selon lesquelles legouvernement appliquera la nouvelle loi sans crainte etsans faveur, il y a suffisamment de preuves qui disent lecontraire. Depuis son adoption, en mars 2002, Access toInformation and Protection of Privacy Bill a été utilisée defaçon sélective pour harceler les journalistes travaillantpour la presse indépendante du pays. De toute manière,ils semblent avoir été la cible principale de la nouvelle loi.

J’ai obtenu une distinction pour le moins douteuse, celled’être le premier journaliste zimbabwéen qui ait jamaisgoûté à la colère du gouvernement, sous les dispositionsde cette loi odieuse et répressive qui cherchait à bâillonnerl’information donnée au public du Zimbabwe et nuire àsa qualité. J’ai été arrêté, le 15 avril 2002, et inculpé pourviolation de la loi Access to Information Act. Mon arrestationa eu lieu après la publication, dans The Daily News d’unedéclaration selon laquelle il y avait une contradiction en-tre les chiffres des résultats des élections, diffusés en di-rect par le responsable du registre électoral du Zimba-bwe et les chiffres exacts.

Tout a commencé avec une cassette contenantl’enregistrement en direct. Iden Wtherell, le rédacteur enchef de l’hebdomadaire privé, The Zimbabwe Independentet son principal reporter, Dumisani Muleya ont égalementété arrêtés. Après la publication, dans leur journal, d’unarticle établissant un rapport entre la Première dame duZimbabwe, Mme Grace Mugabe, et un conflit opposantune entreprise appartenant à des blancs et un employéqui serait son frère.

Pour les journalistes arrêtés par le gouvernement du Zim-babwe, ce qu’il y a de plus pénible que l’arrestation, c’estla condamnation systématique, normalement injustifiéeémanant des médias dont l’Etat est propriétaire. L’articledu Daily News a été décrit comme un mensonge grotesque etdélibéré compatible avec les déclarations précédentes faites par (...) lejournal patronné par les Britanniques (...) derrière la campagne dedésinformation faite au nom du MDC. The Daily News n’estpas patronné par les Britanniques.

L’observateur international des médias Reporters sansfrontières (RSF) n’a pas été épargné, à cette occasion,par la colère ou par la langue acérée du gouvernementdu Zimbabwe. Le ministre de l’Information Moyo a lancéune cinglante attaque au vitriol à RSF, qu’il accusait depromouvoir l’anarchie au Zimbabwe. RSF avait écrit àMoyo exprimant sa préoccupation au sujet de l’arrestationde trois journalistes. Moyo a décrit l’appel comme riend’autre qu’une voix, sans honte, partisane de l’Europe impériale,qui ne mérite qu’un profond mépris.

Si on se tient à la stricte définition du terrorisme, il estévident que les journalistes du Zimbabwe ne sont, enaucune façon, engagés dans des activités terroristescomme le prétend le gouvernement. Il serait plus vraid’affirmer que ce sont les journalistes indépendants duZimbabwe, la communauté des exploitants industrielset les dirigeants du principal parti d’opposition qui sontdevenus les victimes d’actes de terrorismes commis àl’initiative du gouvernement au moment où le Zimba-bwe sombrait dans l’état de non droit et de l’anarchie quirègne dans le pays depuis la campagne des électionsparlementaires, qui a eu lieu en juin 2000.

Durant cette même période, en avril 2000, les bureauxde The Daily News ont fait l’objet d’une attaque à la bombe; l’imprimerie a subi le même sort en janvier 2001, ce quia totalement détruit le matériel de presse typographiquedu journal ; des journalistes ont été arrêtés et, en demultiples occasions, ont fait l’objet de harcèlement qu’ontégalement subi les vendeurs de journaux ; j’ai reçu deuxmenaces de mort ; il y a eu saisie et destruction de milliersd’exemplaires du journal ainsi que son interdiction danscertains zones, en particulier, rurales : bastions du partiau pouvoir.

Dans leur effort infatigable d’informer le public, lesmédias du Zimbabwe pourraient, d’une certaine manière,être considérés comme coupables de promouvoir desactes de terrorisme dans le pays, en particulier, quand ils’agit de l’invasion illégale des exploitations industrielles,appartenant aux Blancs, par les soi-disant ancienscombattants. Des critiques, certaines au sein des médias,indiquent que si les médias avaient fait moins de publicitéà ceux qui envahissaient les fermes et qui sont aussitôtdevenus des célébrités, en particulier, dans les cercles duparti au pouvoir et parmi les paysans sans terre, dans lesparties rurales, il n’y aurait pas eu autant d’invasions deterres comme cela est le cas aujourd’hui, avec desconséquences plutôt désastreuses pour la sécuritéalimentaire et l’économie générale du Zimbabwe.

Au moment où les “anciens combattants” - certainsd’entre eux sont trop jeunes et ne peuvent avoir participéà la guerre de libération du Zimbabwe du colonialisme -sont entrés dans les exploitations industrielles pour

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expulser les fermiers et ont envahi les entreprises dusecteur privé. Certaines ont immédiatement fermé et leursentrepreneurs ont pris d’assaut le cabinet des juges de laCourt Suprême qui avaient cherché à les expulser. Unefoule de journalistes locaux et internationaux étaitprésente. Les responsables de ces atrocités se sont vusexhibés comme des héros sur les écrans de la télévisiond’Etat. Ils ont vu leur photo, l’arme brandie en l’air, quiornait la première page des journaux. Cette adorationexcessive et cette adulation, par les médias de l’Etat, dejeunes hommes, dont l’impunité équivalait à une protec-tion de l’Etat, qui se déplaçaient en commettant des actesillégaux et en causant des ravages ont dû inciter d’autresactes de terrorisme. Remarquez que ce problème doitêtre abordé dans le cadre de la nécessité qu’ont les médiasdu Zimbabwe, en particulier, la presse privée, d’informerle public sur toutes les questions qui ont un intérêt etune importance pour lui.

ETUDE DE CAS IIIETUDE DE CAS IIIETUDE DE CAS IIIETUDE DE CAS IIIETUDE DE CAS III

Après le 11 septembre:Après le 11 septembre:Après le 11 septembre:Après le 11 septembre:Après le 11 septembre:PPPPPoint de vue arabeoint de vue arabeoint de vue arabeoint de vue arabeoint de vue arabeNedal MansourDirecteur de la rédaction, Al-HadathPrésident du Centre for Defending the Freedom ofJournalists,Amman, Jordanie

J’aimerais commencer par dire que j’aurais préféré quecet événement se tienne dans un pays arabe, vousauriez ainsi pu voir de près comment le public, là-bas,interprète le mot terrorisme, qui, depuis le 11septembre 2001, est constamment utilisé à travers lemonde. J’espère que vous m’excuserez de m’adresserà vous en arabe. C’est la langue qui exprime le mieuxla profonde frustration qui habite le Monde arabe,que notre langue et la couleur de notre peau suffisent,à elles seules, à nous faire suspecter et accuser deterrorisme. J’espère que la langue arabe sera considéréecomme une langue officielle dans des conférencestelles que celle-ci, afin de parvenir au “Dialogue descivilisations”.

Je suis ici en tant qu’Arabe. L’écharpe que je porteautour du cou est celle que portent habituellementles gens qui se défendent et qui défendent leur terre.Elle est différente de celle que portent les terroristes.Parlons franchement et arrêtons de tourner autourdu pot et d’ignorer le fouet américain qui claque au-dessus de nos têtes et nous pousse, ainsi que le mondeentier, vers une destination qui est sienne et qui cor-respond à sa propre vision.

On devrait commencer par d’abord se poser les ques-tions suivantes. Qu’est-ce que c’est le terrorisme ? Et

qui est terroriste ? Encore une fois, avant d’essayerd’y répondre, laissez-moi vous rappeler que, en tantqu’Arabe, je suis contre l’effusion de sang. Je crois àla vie, non à la mort et à la destruction. Alors, c’estquoi le terrorisme ? Est-ce que résister à l’occupationc’est du terrorisme ? Est-ce que jeter une pierre contredes tanks armés, c’est du terrorisme ? Est-ce que de-mander et revendiquer la sécurité, l’indépendance etla liberté, c’est du terrorisme? Est-ce que rejeterl’injustice et la tyrannie, c’est du terrorisme ? Et plusimportant encore, est-ce que le terrorisme d’Etat n’estpas aussi du terrorisme ?

Ce qui pour nous, dans le monde arabe, estproblématique c’est cette confusion obscure des con-cepts et le deux poids deux mesures, quand il s’agit detraiter avec nous. Pensez-vous qu’un jour viendra oùles Arabes seront disposés à condamner les attaquesmartyres ? Si vous pensez que cela se fera avant la finde l’occupation israélienne, avant le retrait desterritoires palestiniens et la création d’un Etatpalestinien indépendant, alors vous vous trompez. Demême que, si vous pensez que les médias arabes vontparler de ces attaques martyres comme des attaquesterroristes, vous vous trompez également. Il est im-portant de savoir qu’il est impossible de demander aupeuple et aux médias arabes de ne pas prendre partidans le conflit. Cela est devenu quasi impossible, aprèsles massacres de Sharon au camp de réfugiés à Jenine,en Cisjordanie.

On devrait regarder la scène attentivement et ne pasêtre sélectif. Vous ne devriez perdre de vue les médiasisraéliens et même certains soi-disant prestigieuxorganismes de médias américains, quand ils parlentdu conflit israélo-palestinien. Ils considèrent lesassassinats de leaders palestiniens comme desopérations préventives ; et jeter une pierre contre unchar une violence commise par les deux camps. Ilsjustifient le massacre de palestiniens comme destentatives pour détruire les terroristes.

Une fois encore, le vrai problème est de natureconceptuelle, et tant qu’on ne sera pas d’accord surce point, débats et arguments se poursuivront àl’infini, seront transmis aux médias qui, dans unesociété, sont ceux annoncent la nature du conflit. Parailleurs, les gouvernements arabes ainsi que les médiasont condamné ce qui s’est passé le 11 septembre,tandis que de nombreuses cellules de réflexion et depersonnalités politiques ont publiquement dénoncéla mort de civils innocents lors des attaques aux Etats-Unis. Mais le public, dans le Monde arabe, a toujoursressenti de l’amertume et de la frustration envers lapolitique et les positions américaines, et d’une certainefaçon, il y avait même un espoir que ces événements

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conduiraient, peut-être, les Etats-Unis à repenser leurpolitique et à utiliser leur pouvoir pour identifier lesracines et les causes du terrorisme.

En outre, des mois après les attaques du 11 septembre,les médias dans le Monde arabe ont traitéprincipalement des nombreux problèmes qui sont àl’origine du terrorisme, y compris l’occupation,l’absence de développement économique, la propa-gation de la pauvreté, du chômage et de la famine.L’absence de normes de droit et de justice.

En fait, ce qui s’est passé, c’est que personne n’a étéattentif à ces problèmes quand l’administrationaméricaine et ses alliés sont partis en guerre contre leterrorisme. Ce qui a conduit à tuer un grand nombrede gens innocents et à le justifier en disant qu’ils sontà la recherche de terroristes. Durant cette campagnecontre le terrorisme, de nombreux pays à travers lemonde ont saisi cette opportunité pour réduire laliberté des médias. Cela nous a ramené à des annéesen arrière quand on a réalisé que la campagne contrele terrorisme était également une guerre contre laliberté de la presse, la liberté d’expression et les libertésindividuelles.

Par exemple, dans mon pays la Jordanie, legouvernement a pris la campagne contre le terrorismecomme une opportunité pour promulguer denouvelles lois du Code pénal qui punissent sévèrementla presse. Selon l’Article 150 de ce Code pénal, leterrorisme et les médias sont liés. En utilisant cetteloi, le gouvernement peut aujourd’hui obliger desjournalistes accusés de comparaître devant lestribunaux de la sûreté de l’Etat, qui disposent, pour lapremière fois, d’un pouvoir légal d’interdire desjournaux de façon temporaire et même définitive.

Il ne faudrait pas oublier que les milliards de dollarsqui ont été dépensés dans la guerre contre leterrorisme auraient pu être consacrés audéveloppement durable et ainsi éradiquer les racinesde la violence et de la haine. C’est une tâche que lesmissiles de croisière ne peuvent accomplir. En outre,on devrait également faire attention que les médiasne soient pas les premiers à payer, de leur liberté, leprix de cette guerre.

Quant à la couverture du terrorisme, l’expérienceafghane mérite d’être étudiée. Alors quel’administration américaine a pu rallier à sa cause sespropres médias, et dans l’ensemble, même les médiasoccidentaux, les progrès dans le domaine de la com-munication montraient que les Etats-Unis n’allaientplus pouvoir garder l’avantage. Et c’est là où Al-Jazira,la chaîne satellite, a fait sentir sa présence et mêmelaissé CNN à la traîne. Il était également intéressantde voir ceux qu’on accusait de terrorisme, les membresd’Al-Qaida, inventer les outils d’un nouveau média,qui leur a permis d’exprimer leurs opinions, en utilisantdes cassettes vidéo sur lesquelles figurait OussamaBen Laden, qu’ils ont envoyées à Al-Jazira.

Il est indéniable que couvrir les points névralgiquesdans les régions du monde a placé ceux qui travaillentpour les organismes de médias dans une positiondangereuse. Cela a été le cas lors des atrocités etbrutalités commises par les troupes et les autoritésisraéliennes à l’encontre de journalistes et de camera-men à qui ils avaient interdit l’accès au camp de réfugiésde Jenine, aux premiers jours qui ont suivi l’événement,afin de les empêcher d’informer sur les crimes deguerre israéliens qui avaient eu lieu à cet endroit. Lesmédias devraient prendre le processus dans sa globalitéet ne pas demeurer à la surface du problème duterrorisme qu’il s’agit d’explorer en profondeur pourcomprendre de quoi il retourne et voir ainsi s’il faitpartie d’une religion ou même d’une langue. Lesmédias devraient mûrement réfléchir avant de lancerleurs accusations, et il faudrait peut-être du tempsavant de pouvoir répondre pourquoi des jeunes,garçons et filles, choisissent de mourir plutôt que devivre. C’est probablement un message que le mondedevrait entendre. Est-il possible que quand toutes lesfenêtres de l’espoir demeurent fermées la vie et lamort finissent par prendre le même sens.

Il y a un vers de Ibrahim Nassarallah, un poètejordanien qui décrit les sentiments d’un commandoqui a choisi de mourir. Le vers est le suivant : Je n’aimepas la Mort... Mais c’est l’escalier que je vais monterpour accéder à la VIE.

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CHAPITRE 8Asie et le Pacifique

ETUDE DE CAS IETUDE DE CAS IETUDE DE CAS IETUDE DE CAS IETUDE DE CAS II. Terrorisme et journalistes en AfghanistanFaheem Dashty,Rédacteur en chef, Kabul WeeklyKaboul, Afghanistan

Le terrorisme et le journalisme n’ont rien en commun, mais les journalistes et lesprincipes qu’ils défendent font souvent l’objet d’attaques terroristes. Le terrorismea toujours été une menace pour les défenseurs de la liberté et les opposants à latyrannie en Afghanistan. En septembre 2001, le commandant Ahmed ShahMassoud, chef de la résistance nationale afghane, d’abord contre les communisteset ensuite contre les architectes de la terreur mondiale, a été tué par deux terroristesarabes se faisant passer pour des journalistes.

J’ai passé neuf jours avec ces hommes dans une maison, à Khawaja Bahawodin,au Nord-Est de l’Afghanistan. Pourtant, jusqu’au moment où les tueurs-kamikazesavaient fait exploser leurs bombes cachées, tuant le commandant Massoud et meblessant, ni moi ni personne avions imaginé qu’ils n’étaient pas ce qu’ilsprétendaient être. Personne n’avait pensé qu’ils utiliseraient les libertés dujournaliste pour frapper en tant que terroristes.

Cependant, n’oublions pas que les journalistes ont un rôle décisif à jouer dansl’avenir de l’Afghanistan. C’est la raison pour laquelle j’ai continué à travaillerdans le journalisme. Je peux continuer à travailler en visant les objectifs queMassoud s’est donnés: l’unité nationale, la démocratie et les droits humains pourtous, en particulier ceux de la femme, contre les menaces terroristes et défendrel’intégrité de la nation. Je le fais en dépit de mon expérience et du chocpsychologique que j’ai subi en étant présent au meurtre de mon chef. Et même siles blessures qui m’ont été infligées ce jour-là rendent difficile le fait même detravailler, j’ai procédé, l’année dernière, avec la coopération d’amis parisiens, aurelancement du journal Kabul Weekly, qui a longtemps été interdit.

Le Kabul Weekly a été imprimé pour la première fois, entre les années 1993 et1996, durant des années terribles de la guerre à l’intérieur et à l’extérieur de laville. Il a pourtant été largement diffusé à travers le pays et même souvent àl’étranger. Il a finalement été interdit, en 1996, par le gouvernement, après laparution d’articles controversés sur l’ambassade afghane à New Delhi. Le journala, enfin, revu le jour, au début du mois de janvier 2002. Il a été composé parcertains membres de l’ancienne équipe du journal et par des journalistes,fraîchement arrivés et avec une vision nouvelle. Jeudi dernier, nous avons publié,à 400 exemplaires, le treizième numéro du nouveau journal, avec des reportagesrédigés dans les deux langues nationales du pays et deux langues internationales.

Le Kabul Weekly a été le premier journal indépendant à sortir après la chute desTalibans. Depuis, nous avons été rejoint par beaucoup d’autres publications etselon les indications du Ministère de l’Information et de la culture, il existe,aujourd’hui, quatre-vingt-sept publications indépendantes dans le pays. Il estindéniable que si l’on veut aller de l’avant, en tant que gouvernement du peuple,nous avons besoin de la liberté de la presse. Mais, aujourd’hui, en Afghanistan, lapresse indépendante est confrontée aux problèmes suivants : manque dejournalistes professionnels expérimentés, raison pour laquelle on ne trouve pasencore de grandes publications en Afghanistan, manque de matériel, de fonds etde garanties d’indépendance économique.

Dans les situations normales une publication indépendante peut couvrir ses fraispar le biais de la publicité et des copies de ses tirages. Seulement, 23 ans de guerre

Etudes de cas en Asieet dans

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ont considérablement réduit le nombre de ses lecteurs.Très peu de gens savent lire aujourd’hui et parmi ceuxqui savent, peu d’entre eux ont les moyens d’acheterun journal. Les journaux doivent être vendus à bonprix et produit à partir de maigres recettes. Dans lespays développés, une source utile de revenus pour unjournal est celle de ses pages d’offres d’emplois.Pourtant, bien qu’il y ait des postes vacants en Af-ghanistan, il n’y en pas suffisamment et la plupartd’entre eux sont si peu rentables qu’ils ne justifientpas le coût d’une publicité. L’Afghanistan a,cependant, grand besoin de médias indépendants,professionnels, bien équipés et financièrementautonomes. Le terrorisme a des racines plus profondesen Afghanistan qu’ailleurs et ce n’est que récemmentqu’il a perdu de son emprise sur le pays. Ayant ditcela, il peut encore resserrer son étreinte.

Il nous faut ouvrir des fenêtres dans l’esprit des gens.Le terrorisme est entré en Afghanistan en endossantle masque du journalisme. Il y a trop d’Afghans quine savent toujours pas faire la différence entre le mes-sage religieux et celui du terrorisme. Il nous fautdifférencier les messages et défaire les masques.

Toutes les organisations de médias en Afghanistan,en particulier la presse indépendante, ont besoin desoutien. C’est pourquoi nous recherchons l’assistancede la communauté internationale. On ne demande pasun engagement financier à long-terme. Nous pensonsque, dans trois ans, la presse indépendante peutdevenir autonome dans trois ans. En attendant, nouscontinuerons à opposer un front de défense auterrorisme et à protéger tout ce qu’il cherche àatteindre et à détruire.

ETUDE DE CAS IILa Sécurité des journalistes est-elleassurée au Timor Leste?Hugo Fernandes,Président adjoint de la Timor Larosa’e JournalistsAssociation (TLJA),Rédacteur en chef de Talitakum Weekly,Dili, Timor-Oriental

L’histoire, de plus de 24 ans, du mouvementd’indépendance Timor Leste a commencé le 16octobre 1975, avec la mort de six journalistes dontcinq étaient Australiens et un Nouveau-Zélandais.Roger East, un journaliste australien, a été tué le jourde l’invasion, le 7 décembre 1975. Kamal Bamadah,un militant de Nouvelle Zélande a été tué le 12novembre 1991 et un certain nombre de journalistesont été blessés en raison de la violence militaireindonésienne.

Lors de la tenue du référendum le 30 août 1999, troisjournalistes avaient subi le même sort. BedinhoGuetrre, un journaliste de la radio Matebian, a été tuéd’une balle, par la police indonésienne, alors qu’ilsuivait la campagne de pro-indépendance qui s’esttenue le 25 août 1999. Sanders Thoenes, un journalistenéerlandais a été assassiné par les militairesindonésiens le 21 septembre 1999 et Agus Maulyawan,un journaliste indonésien, qui travaillait pour la pressejaponaise, a été tué le 25 septembre 1999, à Lospalos,par la milice SAKA. Cela n’inclus pas les journalistesqui ont reçu des menaces et des mauvais traitementsde la part de l’appareil militaire indonésien.

L’information ci-dessus représente l’histoire del’implication/participation/rôle des journalistes et depériode où leur sécurité a commencé à être menacéeau Timor Leste. Malgré la victoire au référendum etles deux années de présence des agents des NationsUnis, dans le Timor Leste, la sécurité des journalistesest toujours menacée. Les journalistes ont été menacéset soumis à des actes de violence. La Timor Larosa’eJournalists Association (TLJA) a enregistré, ces deuxdernières années, un certain nombres d’attaques, depassages à tabac, de déplacements forcés et dedestructions de locaux et de matériel appartenant auxjournalistes.

Durant les 24 années, les menaces émanaient desmilitaires et du gouvernement indonésiens. Toutefois,au Timor Leste indépendant, les menaces et la vio-lence que les journalistes subissent aujourd’huiviennent des civils, plutôt que des militaires ou de lapolice. Plusieurs cas enregistrés par la TLJA, entrejanvier 2001 et avril 2002, montrent ceux qui menacentla sécurité des journalistes et ceux qui sont à l’origined’actions violentes, y compris les attaques physiqueset les évacuations forcées de journalistes et de cam-eramen de la télévision Timor Lorosa’e pendant qu’ilscouvraient l’accueil des étudiants. Un cas toujours enjustice concernant l’évacuation forcée de journalistesde la pièce du Conseil national avec pour résultat ladestruction des appareils photos et des caméscopes.Des menaces ont été lancées par le dirigeant del’organisation de masse CPD-RDTL, qu’il mettrait lefeu à l’hebdomadaire Lian Maubere Weekly pour avoirécrit que le CPD-RDTL collaborait avec les militairesindonésiens. Le garde de Xanana Gusmao a fait de lavoiture officielle du gouvernement une utilisationpersonnelle. Le groupe CPD-RDTL a attaqué et casséles portes et fenêtres de la station de radio TimorKmanek. L’appareil photo d’un journaliste japonais aété détruit par un garde du corps de Sergio Vieirra deMello, Représentant spécial du Secrétaire général(RSSG) des Nations unies. Takhesi a gagné le procèscontre le RSSG dans un tribunal de Dili. Le même

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journaliste, Takhesi, a été emprisonné durant onzejours sur de fausses accusations, émanant de plusieursmembres du personnel de Xanana Gusmao, selonlesquelles il y aurait eu des tentatives d’assassinat.

D’autres menaces sont venues de Armando da Silva,président du Parti libéral qui est actuellement membrede l’Assemblée législative. Armando da Silva a menacéque les membres du FITUN, une organisation dejeunes, clandestine durant l’occupation indonésienne,attaqueraient le Talitakum weekly, magasine d’actualitéspour avoir écrit que Armando da Silva était impliquédans un certain nombre d’opérations militaires qui,en 1991, ont conduit à la mort de plusieurs membresdu FALINTIL.

Les enquêtes effectuées par Talitakum prouvent quele FITUN avait, lui-même, officiellement licenciéArmando da Silva de la direction de son organisa-tion, parce qu’il collaborait avec KOPASSUS, lesForces spéciales indonésiennes. Les dernières actionsde violence à l’encontre de journalistes ont eu lieu le12 avril 2002, lors d’un débat qui regroupait lescandidats à la présidence du Timor Leste. Un étudiant,qui n’avait pas de place dans la pièce où se déroulaientles débats, avait frappé un journaliste de la radio Untaetet avait détruit son magnétophone.

Les raisons derrière les menaces et lesLes raisons derrière les menaces et lesLes raisons derrière les menaces et lesLes raisons derrière les menaces et lesLes raisons derrière les menaces et lesattaques contre les journalistesattaques contre les journalistesattaques contre les journalistesattaques contre les journalistesattaques contre les journalistes

Les cas de violences et de menaces contre lesjournalistes, mentionnés ci-dessus, pourraient êtreclassés par catégorie, selon l’origine des menaces : lesresponsables de mouvements et leurs partisans, lesbureaucrates au sein du nouveau gouvernement, leschefs de partis politiques, les dirigeants d’organisationscollectives et les étudiants.

Dans le cas du responsable de mouvement, XananaGusmao, les attaques perpétrées par ses gardes ducorps et ses partisans semblent provenir du fait qu’ilsont besoin de protéger la réputation d’un dirigeantqui a été vénéré pendant 24 ans. Ces actions sontgénéralement perpétrées à son insu. La volonté deprotéger, à tout prix, la réputation de Xanama Gusmaofait que ses gardes du corps et ses partisans agissentde façon irrationnelle, au risque de ternir sa réputationaux yeux des journalistes locaux.

Les menaces et les actes de violence des responsablesde diverses organisations collectives ou de partispolitiques cherchent à empêcher que les erreurscommises durant les 24 années de lutte ne soientrévélées. Les partisans de ces responsables sont lesmasses qui, du point de vue idéologique, ont du mal à

comprendre. Et pourtant, ce sont ces mêmes gensqui sont prêts à réagir quand le discours politique serévèle être inacceptable. Les journalistes qui révèlentles faits, concernant ces responsables, reçoiventsouvent le soutien des masses qui veulent la justice etles révélations, sur un certain nombre de nouveaubureaucrates, sont demandées par les masses quin’apprécient guère le rattachement politique decertaines personnes à l’ère indonésienne.

Un certain nombre de menaces et d’actes de violencesubis par les journalistes sont essentiellement dus à lavolonté de faire triompher des politiques mauvaises,telles qu’elles sont conçues par les bureaucrates dugouvernement, les chefs de partis politiques, lesresponsables d’organisations de masse et demouvements. Ces responsables peuvent aisémentmobiliser les masses et obtenir leurs soutiens. Ilssavent merveilleusement manipuler les masses d’unerégion comme le Timor Leste, qui émerge d’un conflit.Un aspect de la mentalité des masses que les leaderset les hommes politiques manipulent à merveille estcelui de la vengeance, qui entretient un lien avec ladestruction généralisée du paysage socio-économiquede l’après référendum par les milices des militairesindonésiens. Toutefois, aucun journaliste n’a encoreété tué à la suite d’un acte de violence au Timor Leste.Certes, des journalistes ont été menacés et rien ne dit,qu’à l’avenir, les journalistes, au Timor Leste, neseraient pas victimes de violence.

Ce qui est problématique dans la mentalité des massesaprès-guerre est de trouver une nouvelle identité, lebouleversement est réel. D’un autre côté, la grandemajorité de la population n’a jamais cessé de vénérerles anciens leaders. Le faible niveau d’éducation, dansle Timor Leste, ne permet pas, au grand nombre, decomprendre ce que la liberté de la presse veut dire.

Après avoir étudié ces cas, comment faire pour as-surer la sécurité des journalistes du Timor Leste ?Dans la Constitution du Timor Leste, on trouve deuxarticles, Article 40 et l’Article 41 qui garantissent laliberté d’expression, la liberté d’information et laliberté de la presse. Malheureusement, ces deux arti-cles ont des défauts. Dans l’Article 40, concernant laliberté d’expression et la liberté d’information, le pre-mier point indique clairement que tout le monde a droità la liberté d’expression et à la liberté de chercher et de répandrel’information. Le second point ajoute que l’exercice de cesdroits ne peut être entravé par des formes de censure.Cependant, le point 3 indique que l’exercice de ces droitset de ces libertés est régulé par la loi fondée sur le respect de laconstitution et des valeurs individuelles. Le point 3 de cetarticle est le plus inquiétant pour ceux qui utilisent ledroit d’expression et le droit d’informer et de recueillir

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l’information. Ce troisième point offre augouvernement la possibilité de concevoir de nouvelleslois sur la presse qui protègeront la politique et les intérêtsdu gouvernement.

L’article 41 traite spécifiquement, et en six points, de laliberté de la presse et de la communication sociale. Il n’ya rien à dire sur les cinq premiers points, en revanche, lepoint 6 pose des limites aux activités des stations de ra-dio et de télévision. Il indique la nécessité d’une licencepour la radio et la télévision. Une fois encore ce point neprécise pas le genre de licence qu’il faut pour obtenir lafréquence. Faut-il une licence pour la mise en route ouune licence pour l’obtention de la fréquence ? En outre,il n’est pas fait mention de l’institution responsable de ladélivrance des licences et ces mots “fondée sur la loi”sont les plus inquiétants.

Alors, quelle est la situation réelle des médias et desjournalistes dans le Timor Leste ? Toutes les organisa-tions de médias dépendent toujours de l’assistance desdonateurs. Il n’y pas encore d’organisation de média, dansla presse écrite ou dans la radiotélédiffusion, qui soitfinancièrement indépendante. Cette situation signifie quela sécurité des journalistes qui devrait être traitée par lesorganismes de publications ne l’est pas. La croissancedans le secteur privé, au Timor Leste, n’a pas attiré lesentrepreneurs au grand capital à investir leur argent dansl’industrie des médias.

On peut évaluer les caractéristiques du futurgouvernement à la lumière des deux Articlesconstitutionnels mentionnés ci-dessus. Ces deuxdernières années, les diverses politiques du gouvernementtransitoire ont été critiquées par les médias. Mais, lesbureaucrates du Timor Leste disent que la situationdemeure encore tolérable et comme les Nations unies,ils pensent que les politiques adoptées dernièrement nesont pas de leur ressort. En conséquence, si les mass-médias critiquent la politique publique, le gouvernementrépond qu’il examinera la situation après le 20 mai.

En dehors de la capacité réduite de la Constitution àgarantir la sécurité des journalistes, on trouve un autreélément susceptible de se révéler être une menace pourla sécurité des journalistes et qui est celui de la mentalitébureaucratique du Nouvel ordre indonésien qui estidentique à celle des bureaucrates du Timor Leste, connuspour leur capacité à défendre leur politique quoi qu’iladvienne. Cela signifie qu’ils refusent que leur politiquesubisse des critiques.

Que peut-on faire dans ces conditions et comment peut-on garantir la sécurité des journalistes pendant leur tra-vail ? Durant ces deux dernières années et cela va êtreprobablement le cas durant les cinq années qui suivent,

le seul élément qu’on puisse utiliser comme protectionest celui de la carte de journaliste. C’est la seule garantieque les organismes d’édition ont accordé aux journalistes.Ces derniers se retrouvent à devoir éviter de traiter lesquestions portant sur les minorités, de crainte d’êtreconsidérés comme les ennemis de la communautédominante (tel que faire des reportages sur le retour desémigrés d’Indonésie, la réconciliation ou même critiquerla politique du gouvernement envers les musulmans. Ilsdoivent également éviter d’écrire des histoires à sensa-tion que le peuple aura du mal à comprendre.

En regardant ces situations, que peut faire l’Associationde journalistes Timor Larosa’e ? On espère que lesjournalistes adopteront le code déontologique sur lequelexiste un accord mutuel. Pour les événements spécifiquestels que les élections, la TLJA travaille avec le IEC afinde concevoir un code déontologique pour la couverturede la campagne et le jour du vote. La TLJA peut défendreles journalistes en butte à des problèmes avec d’autresparties ; continuera à faire campagne pour la liberté de lapresse afin d’amener le public à une prise de conscience.Il lui arrive souvent de pratiquer l’autocensure, même sicela est contraire parfois à l’instinct des journalistes. Ellepeut établir des relations cordiales avec les responsablespolitiques au pouvoir ou dans l’opposition, et offrir unemeilleure formation aux journalistes sur la façon decouvrir et présenter les événements au public.

ETUDE DE CAS IIILa Sécurité des journalistesdans le PacifiqueJustin KiliPina Radio Group,Iles du Pacifique

Je commencerai ma courte présentation en disant que lemot terrorisme n’est pas un mot que l’habitant moyendes Iles du Pacifique utiliserait pour raconter une histoire,le soir, autour d’un feu de camp ou dans un autre lieu derencontre. Les Etats des Iles du Pacifique, avec l’espoird’encourager le tourisme après les événements du 11septembre 2001, ont cru et tenu à promouvoir lePacifique Sud comme le Pacifique sûr et sans danger.Mais cela ne veut pas dire pour autant que les journalistesdu Pacifique sont en sécurité et ne souffriront pas desimpacts du terrorisme et de son cortège de risques.

Les éléments du terrorisme existent dans la région. Leshabitants des Iles du Pacifique les appellent coups d’Etatet mutineries dans le cas au Fidji ; des soulèvementsethniques dans le cas des Iles Salomon et Bougainville, àPapuasie Nouvelle Guinée ; ou bien, on les appelle desprotestations estudiantines, comme celle qui a démarréà l’université de PNG et a abouti à une manifestation derue sanglante en juin 2001, à Port Moresbu. Le troisième

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élément du terrorisme du Pacifique est celui de la cor-ruption dans les corridors du pouvoir, dans le servicepublic et à la direction du monde des affaires. Ilsreprésentent tous un danger pour le journaliste enexercice.

Les journalistes du Pacifique Sud ont eu leur part deharcèlement et de menaces de la part de criminels. Moncollègue régional du Samoa Observer, l’éditeur Savea SanoMalifa, a continué à imprimer la vérité malgré la pressionpolitique externe qui mettait en grand danger la surviedu journal et sa carrière. L’éditeur du Solomon Star etpropriétaire du PAOA FM à Honiara, John Lamani, aégalement était victime du harcèlement politique. Sesdeux entreprises médiatiques avaient été menacées defermeture imminente, à moins qu’il ne fasse des excuseset verse une large somme d’argent pour dédommager leresponsable politique qui aurait été diffamé. Et cela parceque le Solomon Star a imprimé ce qu’il pensait être la vérité.Ces deux éditeurs ont, tous deux, été nommé lauréats àun certain nombre de prix de la Liberté d’expressiondécernés par de nombreuses organisations d’informationdans le monde, y compris la Pacific Islands News Associa-tion (PINA).

Il existe de nombreuses histoires sur la sécurité ou plutôtsur l’insécurité des journalistes du Pacifique. Lesjournalistes ont risqué leur vie pour informer, en direct,à partir de zones militaires, sans aucun matériel de pro-tection, lors des coups d’Etat et des mutineries aux IlesFidji. Les journalistes de Honiara ont esquivé des ballespendant qu’ils essayaient de faire leur reportage sur lesaccrochages ethniques qui ont provoqué la chute dugouvernement.

J’aimerais me concentrer sur l’expérience de PapouasieNouvelle Guinée, en prenant par exemple, la crise deBougainville. C’était une protestation de propriétairesterriens qui ont réussi à ce que l’on ferme la deuxièmemine de cuivre, à ciel ouvert, du monde, la BougainvilleCopper. Les responsables de ce soulèvement ethniqueont adopté le nom de Bougainville Revolution Army (BRA)et,bien qu’ils soient à leur dixième année de soulèvement,ils ne reconnaissent et ne respectent toujours pas lesjournalistes des médias locaux qu’ils accusent d’être desespions pro-gouvernementaux, travaillant avec les forcesdu gouvernement. Toutefois, ils n’ont aucun problèmeavec le personnel des médias étrangers qui étaient entrésà Bougainville par les Iles Salomon, et qui les ontinterviewés pour des publications étrangères. De même,la tournure que prennent les événements, aujourd’hui,met plus en danger la vie des journalistes, étant donnéque certains d’entre eux se rendent dans les jungles etdans les montagnes pour faire des interviews exclusivesavec les chefs rebelles et pour filmer les rebelles dansleur élément qu’est la jungle.

Vous comprenez que dans cette situation nos journalistesse retrouvaient pris entre deux feux, avec d’un côté lesBRA et de l’autre les forces gouvernementales. Le dan-ger était permanent pour les journalistes faisant desreportages dans les jungles de Bougainville. Mais, au fildu temps, les médias ont su développer une relationunique, d’un côté, avec les rebelles, et de l’autre, avec lesforces gouvernementales, en présentant les points de vuesdes deux bords. Inutile de dire, qu’il y avait des morts etdes blessés dans les deux camps. Mais, nous n’avonsperdu aucun journaliste.

Il y a également les agressions et le harcèlement, bienqu’insignifiants, ils sont néanmoins dangereux, car lesjournalistes ont leur matériel détruit, lors des manifesta-tions de protestations ou des rassemblements politiques,de plus en plus truffées d’agitateurs professionnels quidétruisent tout sur leur passage sous prétexte que ceuxqui manifestent représentent la majorité silencieuse. Ledanger encouru par les reporters ayant assuré lacouverture de la semaine d’impasse dans laquelle s’étaientretrouvés le gouvernement et les étudiants au mois dejuin, l’année dernière, est toujours présent dans les esprits,car à la suite de la protestation, il y eut des morts et desblessés.

Un autre incident, provoqué par le pouvoir et qu’onpourrait qualifier de terrorisme, s’est déroulé lors de laconférence de presse du Premier ministre, où un politiciena montré du doigt un caméraman de la télévision et acrié en se dirigeant vers le journaliste : le voilà, attrapez-le.Cela a été enregistré et diffusé sur une chaîne nationale.L’incident a été, apparemment, provoqué par un report-age télévisé diffusé la veille, qui critiquait les transactionsfinancières, plutôt douteuses, du gouvernement en placeet cela aurait déplu. Le politicien qui a ouvertementmenacé le journaliste de la télévision a été nomméministre de l’Intérieur.

Nous, en Papouasie Nouvelle Guinée (PNG), craignonsque les incidents tels que les agressions, le harcèlementet la destruction de biens se multiplient à l’encontre denos journalistes, particulièrement après que le Conseildes médias ait déclaré une guerre totale contre la cor-ruption, au moment où le pays se rassemble pour desélections nationales qui se tiennent en juin. Nous avonscherché et obtenu le soutien de tous les citoyensconcernés, les églises, les ONG, les chambres de com-merce et divers conseils pour recentrer la campagne quia, en réalité, détourné l’attention du public quant auxmédias et à leurs salariés et, par là-même, a minimisé ledanger, que nous, en PNG, appelons le remboursement.Les journalistes qui suivent la campagne des candidatsou d’autres partis politiques courent le risque d’êtreattaqués ou insultés par les sympathisants d’un autrecandidat ou d’un parti rival, simplement parce qu’ils

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informent sur les opinions du camp adverse. LeConseil des médias de Papouasie Nouvelle Guinéeest très attentif au nombre d’armes très puissantes,qui sont, aujourd’hui, aux mains de certains candidatsou de leurs sympathisants. Elles auraient étéintroduites dans le pays ou volées de l’arsenal del’armée ou de la police spécialement pour la tournéeélectorale. Le danger qui guette nos journalistes dansleur mission sera réel, dans certaines parties du pays,durant les élections nationales prochaines.

Un autre danger, unique celui-là, auquel les journalistesde Papouasie Nouvelle Guinée risquent de se retrouverconfronter est celui de la culture et des traditions. Ilsne peuvent exposer les torts et les péchés d’un“wantok”, un citoyen bien en vue et membre de leurtribu étant donné que la loi traditionnelle ou tribaledécrète qu’ils doivent respect à leurs aînés et qu’ils nedoivent jamais, au grand jamais, parler contre eux, decrainte des retombées qui pourraient affecter leurfamille proche ou lointaine.

Alors, comment faisons-nous pour traiter ce problème? Le Media Council of PNG travaille étroitement avecla Pacific Islands News Association (PINA) pour trouverdes réponses. Par exemple, PINA et le Council Mediaof PNG dirigent un atelier régional, à Madang, pourla formation des formateurs dans le Reportage entemps de crise, un programme que nous avons missur pied, l’année dernière, après avoir identifié lesmultiples dangers auxquels sont confrontés lesjournalistes des Iles du Pacifique. Cela englobe lesexpériences des trois coups d’Etat des Iles Fidji, leconflit ethnique et le coup d’Etat des Iles Salomon, laguerre de sécession de Bougainville, le conflitfrontalier entre la Papouasie Nouvelle Guinée et lesIles Salomon, et le conflit ininterrompu du peuple dela Papouasie de l’Ouest. Avec le soutien de l’UNESCO,nous sommes en train de composer un manuel sur lereportage de paix, dans lequel nous donnons desexemples sur comment les médias, dans ces pays duPacifique, ont encouragé la réconciliation et la paixlors de ces conflits et ont franchi une étapesupplémentaire pour en faire un Pacifique sûr et sansdanger, pour que nos journalistes puissent faire leurtravail.

ETUDE DE CAS IVLes Médias en danger:court aperçu de l’Asie du Sud-EstChavarong LimpattaamapaneePrésident par intérim, South East Asian Press Alliance

L’Asie du Sud-Est est, en termes de développementsocial, économique et politique, une des régions lesplus dynamiques du monde. La chute de Suharto en

Indonésie, Estrada évincé, son opposante au Philip-pines, la réforme politique en Thaïlande sont tous desévénements, qui ont eu un impact sur lesrevendications de liberté d’expression en Malaisie etsur le développement de la presse au Cambodge. Il ya également la presse nouvellement indépendante dansle nouvel Etat du Timor-Oriental. Toutefois, lesmédias dans la région de l’Asie du Sud-Est ne sontpas totalement en sécurité, en particulier, dans lessociétés plus ouvertes comme celles de l’Indonésie,des Philippines et de la Thaïlande, et cela en raisondu fait que les organisations de médias sont toujoursaccusées dès qu’il s’agit de troubles politiques,économiques et sociaux. Les menaces sur la libertédes médias dans l’Asie du Sud-Est ne se résumentpas à des atteintes physiques. Elles prennentdifférentes formes : pression publicitaire, clôture dejournaux, contrôle du propriétaire et corruption dejournalistes. Les menaces ne viennent pas seulementdes gouvernements mais également des grandesentreprises, et, en Indonésie, il y a la menace de laviolence collective.

Les menaces à l’encontreLes menaces à l’encontreLes menaces à l’encontreLes menaces à l’encontreLes menaces à l’encontredes médias dans la régiondes médias dans la régiondes médias dans la régiondes médias dans la régiondes médias dans la région

Après la chute du Suharto en 1998, les médias, enIndonésie, sont devenus libres du jour au lendemain.Depuis, plus de 200 nouveaux journaux et magazinesont été créés. Une nouvelle loi sur la presse a été votéeen 1999, dans laquelle il est indiqué que l’Indonésieest confrontée à une nouvelle menace venue desgroupes de pression sociale. Des groupes de militantsislamiques se sont attaqués aux locaux des journauxet des stations de télévision, parce qu’ils étaientmécontents de leurs reportages. Les journalistes sontconfrontés à des menaces émanant, non seulement,du gouvernement mais également de groupesincontrôlés.

Les Philippines

Les Philippines possèdent une des presses les pluslibres en Asie, mais comptent plus de victimes.Environ 35 journalistes philippins ont été tués, depuisla restauration de la démocratie en 1986. De nombreuxjournalistes philippins, en particulier, dans les prov-inces, font l’objet de menaces et de harcèlements dansleur travail. L’ancien président Joseph Estrada avaitessayé de museler la presse en interdisant la parutiond’un journal qui désapprouvait sa politique et avaitlancé une campagne de boycott publicitaire contre unquotidien influent dont les articles critiquaient saprésidence. Il a également utilisé le journalisme“emballage”en distribuant de l’argent pour obtenir unebonne couverture médiatique.

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La Malaisie

Les médias en Malaisie subissent, de mille manières,le contrôle sévère du parti au pouvoir, avec uneréglementation excessive sur la presse et un contrôledu propriétaire. En mai 2000, un mouvementextraordinaire s’est développé, quand environ 1000journalistes malaisiens, sans distinction de race ou dereligion, ont signé une pétition qu’ils ont envoyée auministre de l’Intérieur, lui demandant de changer leslois sur la presse. Cela a coïncidé avec la venue denouveaux médias en Malaisie, avec comme précurseurMalaysiakini.com. Depuis, divers groupes dejournalistes travaillant dans les médias nouveaux etconventionnels essayent de créer un environnementmédiatique plus libre. Toutefois, le gouvernement n’adonné aucun signe quant aux exigences desjournalistes. Comme la plupart des médias, en Malaisie,appartiennent à des compagnies qui sont proches dela coalition au pouvoir, le gouvernement malaisien apu, par ce biais là, exercer son contrôle sur les médias.En début d’année, les principaux journalistes etéditeurs du journal le Sun avaient été licenciés pouravoir publié une histoire qui avait déplu au Premierministre, Mahatir Mohammad.

Cambodge

Les médias au Cambodge sont considérés plus libresque leurs voisins du Laos et du Vietnam, mais, la loisur la presse, au Cambodge, a une faille qui permet augouvernement d’introduire un sous-décret limité pourcontrôler la presse. L’interférence politique sévittoujours et c’est un des problèmes, qui rend la pressecambodgienne vulnérable aux menaces.

Thaďlande

Selon un sondage mené par Freedom House en 2002,les médias thaïlandais sont considérés commetotalement libres. Mais depuis l’arrivée au pouvoir,en 2001, après une victoire écrasante, du Premierministre, Thaksin Sinnawattra, les médias subissentune pression, car après seulement quelques mois aupouvoir, le nouveau gouvernement s’est mis àcontrôler de façon étroite la radiotélédiffusion qui esttoujours propriété de l’Etat. Plusieurs émissionsradiophoniques et télévisées ont été retirées pour avoirdiffusé des points de vue différents de ceux dugouvernement qu’on accuse d’utiliser le pouvoir de lapublicité pour mettre la pression sur la presse écrite,appartenant entièrement à des propriétaires privés,afin qu’elle soit mieux disposée à son égard. La situa-tion a empiré quand la Anti-Money Laundering Agency aprocédé à une enquête sur les transactions bancairesdes journalistes, en particulier, ceux de la presse écrite,

qui ont été les plus critiques envers le gouvernement.Démarche qui a été condamnée par les universitaires,la société civile et les associations médiatiques commeétant une atteinte aux principes des droits humains,inscrits dans la constitution. Jusque-là, le gou-vernement Thaksin n’a pas tenu compte desrevendications des professionnels des médias pourqu’il introduise une politique qui garantisse qu’aucuneémission de radio ou de télévision ne serait interdite,sans raisons valables, et sans une enquête quirespectent une certaine procédure.

Conclusion

Si on considère tous les incidents cités ci-dessuscomme autant de menaces contre les médias, on peutsimplement conclure que les médias dans les pays del’Asie du Sud-Est sont en danger. De plus, après le11-septembre, certains pays de la région ont introduitde nouvelles lois et de nouvelles mesures pour muselerles médias et limiter les libertés civiques. Tout cela estfait au nom de la lutte contre le terrorisme.

Par conséquent, chaque fois que les médias sontmenacés, la liberté de la presse l’est également. Etquand cela sera le cas, les oreilles, les yeux et la bouchedes citoyens se fermeront et ce sera la fin de ladémocratie. Et

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CHAPITRE 9Europe

ETUDE DE CAS I

Mourir juste parce que l’on est journaliste au Pays BasqueCarmen Gurruchaga Basurto El Mundo, Espagne

Au Pays basque, en ce moment, le fait d’être journaliste et surtout de défendrela liberté d’expression peut vous coûter la vie. Pour expliquer comment nousen sommes arrivés là, je retracerai brièvement l’histoire des relations entre l’ETAet les médias. Dans cette région d’Espagne sévit depuis 40 ans une organisationterroriste appelée ETA qui, au fil de diverses transformations ces quinze ouvingt dernières années, est devenue un mouvement totalitaire. Quiconque nepartage pas intégralement les idées de la direction de ce groupe armé devientd’emblée un ennemi et, partant, la cible de ses attentats.

Depuis plus de 40 ans qu’elle existe, l’ETA n’a pas toujours visé les journalistesdans ses attentats. Cela s’explique en partie du fait que, durant de nombreusesannées, une majorité des médias basques et espagnols considérait quel’organisation armée était un groupe révolutionnaire qui combattait la dictaturefranquiste. Ainsi, le général Francisco Franco et le “franquisme” étaient dans lecamp des “méchants” tandis que l’ETA et ses actions contre la dictature quigouvernait l’Espagne appartenaient au camp opposé.

Le problème se pose à la mort de Franco en 1975, lorsque l’Espagne devientune démocratie sous forme de monarchie parlementaire. L’ETA ne tient pascompte de la nouvelle situation et continue à commettre des assassinats, àpratiquer des enlèvements et à exercer des chantages, avec une nouvelle excuse: elle reconnaît que Franco a disparu et qu’une amnistie a libéré tous lesprisonniers membres de son organisation, mais elle considère que la situationn’a pas changé pour autant du point de vue des Basques (l’ETA a monopoliséle vocable “basque”) puisque, quel que soit le gouvernement en Espagne,démocrate ou fasciste, il ne reconnaîtra jamais le droit historique du peuplebasque à être une nation indépendante de l’Espagne. En d’autres termes,l’organisation terroriste affirme qu’elle lutte, sous l’actuel régime démocratique,pour obtenir l’indépendance du Pays basque. Certains militants historiques nepartagent pas cette nouvelle stratégie et abandonnent l’organisation. D’autresau contraire restent, ce qui explique que l’ETA qui renaît en 1977 est beaucoupplus radicale qu’auparavant. Pourtant, presque personne ne s’en rend compte àce moment-là et il faudra plusieurs années pour que certains des secteurs sociauxqui l’ont appuyée sous la dictature commencent à la considérer comme uneorganisation terroriste : la gauche, une partie de la société, l’Eglise, la France etles médias.

Pour dissuader les journalistes de traiter l’ETA comme une organisationterroriste, un commando assassine en juin 1978 le journaliste de Bilbao JoséMaría Portell. Deux ans plus tard, c’est le directeur du plus gros quotidien deNavarre, José Javier Uranga, qui est victime d’une tentative d’assassinat, dont ilréchappe malgré dix blessures par balle. Dans chaque cas, la bande terroristepublie un communiqué pour justifier l’attentat et se justifier aux yeux de lasociété, ce qu’elle s’efforcera de faire tout au long de son existence. Cettelégitimation est fondamentale pour une organisation terroriste qui poursuitdes objectifs politiques et qui fonde son existence sur le soutien social. A cetteépoque, une part importante de la population pense que les victimes des attentatsde l’organisation terroriste avaient sans doute quelque chose à se reprocher.Ces deux actes sélectifs impriment dans le subconscient des journalistes la crainte

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d’être assassinés par l’ETA. C’est ce qui explique que,durant les nombreuses années o? les médias nefiguraient pas parmi les cibles de l’ETA, les journalisteséprouvaient à l’égard des terroristes une crainterévérencielle.

Au cours de ces premières années de démocratie, lasociété espagnole, la société basque et les journalistesqui en font partie, n’arrivaient pas à se convaincreque l’Espagne avait rejoint les rangs des démocratiesoccidentales. C’est pourquoi ils n’arrivaient pas àappeler les choses par leur nom et avaient recours àdes euphémismes pour écrire ou parler de tout ce quitouchait à l’organisation terroriste. Par exemple, plutôtque d’employer le terme assassinat, ils préféraient lemot mort. Ils qualifiaient les membres de l’ETA de“militants” et non de “terroristes” ; pour euxl’organisation n’était pas”terroriste” mais “armée”, ilsdonnaient au chantage visant à obtenir de l’argent deschefs d’entreprise le nom d’”impôt révolutionnaire”,etc. Dans ces circonstances, l’ETA se voyait confortéedans l’idée que les médias servaient sa propagande. Siun journaliste s’écartait du droit chemin et critiquaitouvertement les actes terroristes, il se trouvait toujoursun dirigeant d’Herri Batasuna (l’organe politique del’ETA) pour l’interpeller et lui faire comprendre que,à son sens, il avait dépassé les limites sur tel ou telpoint d’information. Sinon, Egin, organe de commu-nication appartenant à la branche politique de l’ETAet pourtant vendu comme quotidien commercial,servait de support pour critiquer le journaliste qui avaitosé appeler les choses par leur nom. Commençait alorsune campagne de dénigrement, o? on l’accusait d’êtreà la solde du Ministère de l’intérieur espagnol, d’être“espagnoliste” (partisan de l’Espagne et ennemi duPays basque) et, de surcroît, de manquer d’objectivité,le pire reproche qu’on puisse faire à un journaliste.Ce n’était que mensonges mais l’objectif escomptéétait atteint : les partisans de l’ETA, les lecteurs d’Egin,croyaient ce qu’on disait de l’informateur incriminéet les journalistes qui n’osaient pas manifester leurdésaccord s’attribuaient ainsi une étiquetted’objectivité et de professionnalisme face à l’accuséqui, bien souvent, se sentant seul, finissait par se taire.A force de prétextes, on avait imposé l’autocensure.

Cela se passait dans les années 80. Certains journalistescommençaient à avoir moins peur de l’ETA, voyantqu’aucun des documents des terroristes saisis par lesforces de sécurité ne les mentionnait en tant que ciblesde l’organisation. Mais il y a une explication à cela :les médias servaient l’ETA car ils informaient lescitoyens de ses actions, et c’est précisément ce quecherchent les terroristes. Selon les définitionscommunément admises, le terrorisme est en effet lerecours à la violence dans le but de répandre la peur,

de susciter la terreur au-delà de la victime directe, etde l’étendre aux secteurs de la société auxquels celle-ci appartient, voire à l’ensemble de la population. C’estainsi que, pendant très longtemps, les médias ont relayéle message de terreur de l’ETA, même si la plupartdes informations étaient rédigées dans des termes quicondamnaient les terroristes. Selon Schmid et deGraaf, “les terroristes se soucient peu de savoir si lesinformations les concernant donnent d’eux une im-age positive ou négative, seule leur importe la quantité.L’abondance d’informations ne peut que leur être utile,le silence ne peut que les desservir”. L’autre message,de nature politique, que l’ETA a intérêt à livrer à sonpublic tel qu’elle le formule, est transmis par sespropres moyens de communication, par le biais depublications secondaires, par l’Internet, etc.

En dépit de cette division, qui convient à l’ETA et àtout son réseau politico-social, il se trouve desjournalistes qui n’appliquent pas l’autocensure et quise risquent à transgresser les normes établies.Pratiquant un journalisme d’investigation, ils publientce qu’ils découvrent sur l’organisation terroriste etclandestine, ainsi que sur les autres organisations quifont partie de sa mouvance.

A leur encontre, les terroristes tentent tout d’aborddes intimidations telles que celles évoquées plus hautmais, voyant qu’elles perdent de leur efficacité, ilssongent à passer à la vitesse supérieure. L’ETA a déjàradicalisé sa stratégie en 1995, quand elle entame cequ’elle qualifie par euphémisme de “socialisation dela souffrance”. Il s’agit de toucher par des actionsviolentes des secteurs sociaux de plus en plus larges.Ainsi, l’ETA ajoute à sa liste de cibles les représentantspolitiques des partis non nationalistes, les professeursd’université, les juges. Les terroristes estiment qu’enaugmentant le nombre de personnes qui se sententvisées, ils exerceront une pression d’autant plus fortesur le gouvernement pour le forcer, à terme, à négocieravec l’organisation dans les conditions souhaitées parcelle-ci. Dans cette stratégie, il est fondamental decontrôler les médias.

C’est dans ce contexte qu’on découvre l’existence d’undocument expliquant pourquoi il convient de s’enprendre aux médias et aux journalistes. Quand, en1996, ce document est publié, on affirme, au sein dela mouvance favorable à l’ETA, qu’il ne s’agit qued’une contribution au débat stratégique. Lesjournalistes y croient, ou veulent y croire, mais le faitest que, dès lors, l’agressivité et la pression de la sphèreterroriste envers les médias et ses représentantss’intensifient. L’ETA dispose d’un groupe de jeunesqui pratiquent la violence de rue (“kale borroka” enbasque). Ce groupe a été le premier à se livrer à des

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actions contre des journalistes et des médias : cock-tails Molotov lancés contre les locaux des journaux,vitrines brisées, etc.

J’ai le triste honneur d’être la première journaliste àavoir subi un attentat, qui a été par la suite revendiquéet justifié par le fait d’avoir”écrit dans un journalespagnol”. Les faits remontent au 22 décembre 1997et je suis, depuis cette date, accompagnée en perma-nence de deux gardes du corps. L’année précédente,de jeunes apprentis terroristes avaient lancé des cock-tails Molotov contre mo nbureau à Saint-Sébastien etcrevé les roues de ma voiture. Les 21 membres de ladirection d’Herri Batasuna s’étaient rassemblés devantmon domicile, et ce même parti avait à plusieurs re-prises appelé à manifester contre moi et organisé desmarches du centre de Saint-Sébastien jusqu’au siègede mon journal. Si je raconte tout cela, c’est pourdonner une idée de la pression que peuvent subir lesjournalistes qui s’efforcent d’exercer librement leurprofession au Pays basque et que les terroristesconsidèrent comme non nationalistes. Cette pression,José Luis López de la Calle, un confrère qui travaillaitdans le même journal que moi, l’a subie avant d’êtreassassiné en mai 2000 devant chez lui. Toute sa vie,José Luis avait lutté contre le totalitarisme. Il a étéemprisonné sous le franquisme et, 40 ans plus tard, ilest assassiné par l’ETA. Actuellement, en Espagne,ce sont plus d’une centaine de professionnels desmédias qui sont obligés d’exercer leur métier sousescorte, tandis que les autres vérifient tous les jours siune bombe n’a pas été placée sous leur véhicule,modifient constamment leur trajet, leurs horaires,évitent de dire o? ils vont, etc.

Il est clair, maintenant plus que jamais, que l’ETA abesoin de légitimer ses actions vis-à-vis du secteursocial basque qui continue aujourd’hui à l’appuyer etqui représente un peu moins de 10 % de la sociétébasque. Environ 150.000 personnes votent pourl’organe politique de l’ETA. L’organisation terroristebasque justifie ses actions à l’encontre des médias enprétendant que ceux-ci font partie de “la branchemédiatique de l’Etat, qui est en prise directe avec lespouvoirs économiques et politiques de l’Espagne”.Elle compare les journalistes aux porte-parole d’unearmée quand elle affirme que “personne ne dirait quece type de travail relève de l’exercice du droit àl’information, ni qu’ils doivent rester en marge duconflit”. Elle utilise à cette fin ses propres médias :elle a son journal, ses stations de radio, ses sites surInternet, ses revues, ses maisons d’édition, etc. Tousces organes de communication qualifient les ciblesde l’ETA d’”ennemis du peuple basque et de la causenationaliste, et de collaborateurs du Ministère del’intérieur espagnol”. L’ETA monopolise ainsi le terme

“basque”, comme si les victimes de ses attentats étaientmoins basques que ses partisans du simple fait qu’ellesne partagent pas ses idées et, en particulier, qu’ellessont opposées aux méthodes qu’elle utilise (assassinat,chantage et contrainte) pour atteindre ses objectifspolitiques. En tout cas, c’est ce que pensent lespersonnes à qui s’adresse son message simpliste, etc’est la seule chose qui importe à l’ETA.

En effet, même si cela peut sembler paradoxal, l’autremessage, celui de la terreur, continue à être transmispar les médias qui sont la cible de ses actions car,indépendamment de l’action terroriste, ou bienjustement à cause d’elle, les journalistes et les médiascontinuent à se sentir obligés d’informer en vertu dudroit qu’ont les citoyens à l’information et de leurpropre droit à défendre la liberté d’expression. Je tiensà souligner qu’en dépit des circonstances pénibles danslesquelles nous, les journalistes qui écrivons sur desthèmes politiques, touchant notamment aunationalisme basque et àla violence, sommes obligésd’exercer notre profession nous sommes liés parl’engagement formel de défendre, quoi qu’il arrive, laliberté au Pays basque et, plus concrètement, la libertéd’expression. Vous n’êtes pas sans savoir que le Paysbasque manque actuellement de liberté. Une fractionimportante de la société civile, appartenant au mondedes affaires, au milieu universitaire ou à la sphèrejudiciaire vit sous protection policière. Il en va demême pour de nombreux membres des partis nonnationalistes (parti populaire et parti socialiste), quisont des partis d’opposition au gouvernement régionalbasque.

Au cours de ces dernières années, une vingtaine deleurs élus ont été assassinés. Ces deux partis politiques,qui sont majoritaires en Espagne, auront du mal àcompléter leurs listes électorales au Pays basque lorsdes élections municipales en 2003. Dans certainesmunicipalités, au Pays basque, près de la moitié desélus au conseil municipal ont démissionné par peurd’être assassinés. La situation est vraiment très difficileet, comme nous venons de le voir, pas seulement pourles journalistes.

L’ETA s’attache à saper les piliers de l’Etat de droiten s’attaquant aux pouvoirs législatif, exécutif etjudiciaire et à ce qu’il est convenu d’appeler lequatrième pouvoir : les médias. L’ETA s’apparenteau nazisme quand elle assassine des journalistes, maiségalement quand elle brûle des librairies, comme ellel’a fait récemment à Saint-Sébastien au motif qu’il yavait dans les vitrines des livres qui n’étaient pas deson go?t ou parce que les propriétaires de la librairieavaient participé à une manifestation contre lesterroristes et en faveur de la démocratie et de la paix.

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ETUDE DE CAS IILa guerre, le terrorisme et lesjournalistes - L’expérience TchétchéneAnna PolitkovskaiaNovaya Gazeta, Fédération de Russie

La deuxième guerre de Tchétchénie dure depuis déjàdeux ans et demi. En mai 2002, elle en est à son 31emois. Officiellement, il s’agit d’une “opérationantiterroriste”, au même titre que la guerre américaineen Afghanistan.

Comment les journalistes travaillent-ils en Tchétchénie? Alors que les illusions se sont depuis bien longtempstoutes dissipées et qu’il est désormais clair que ce quise passe là-bas n’a rien d’une “lutte contre leterrorisme”, ce que l’on constate c’est, d’une part, avecla bénédiction des autorités suprêmes de l’Etat, uneanarchie militaire totale qui se traduit, chez les hommesdes troupes fédérales, par des méthodes tout à faitinacceptables telles que le pillage systématique desvilles et villages, les massacres de populations civiles,les exécutions sommaires, le commerce d’esclaves etde cadavres et, d’autre part, le nombre croissant deceux qui souhaitent venger la mort ou la disparitionde leurs proches, c’est-à-dire, en fait, un recrutementde nouveaux partisans de la résistance et une repro-duction du terrorisme.

Dès le début de la deuxième guerre de Tchétchénie,l’administration du Président Poutine a publié une in-struction sur le travail de tous les médias. Il est apparutout de suite que cette instruction contredisait lalégislation russe en vigueur, mais l’administrationprésidentielle n’a fait aucune concession. Toutjournaliste devait, d’abord, être accrédité auprès desservices du premier adjoint du Président PoutineSergeï Iastr jembski, chargé de la “composanteidéologique” des “opérations antiterroristes”.Deuxièmement, une fois accrédité, le journaliste devaitse rendre au quartier général des forces fédérales deTchétchénie (dans une localité nommée “Khankala”,aux environs de Grozny) et là, à Khankala, se faireenregistrer auprès du service de presse de l’armée,pour ensuite rester sur cette base militaire, c’est-à-dire se mettre à la disposition pleine et entière du serv-ice de presse de l’armée. Les journalistes se sonttrouvés pris au piège. C’était les militaires quiimposaient les conditions de travail. Il était interdit,sous peine de perdre son accréditation, de rencontrerla population civile, de visiter sans escorte des villeset villages, voire simplement de quitter le périmètrede la base militaire sans être accompagné de soldats,lesquels ne souhaitaient d’ailleurs pas en sortir, c’est-à-dire risquer leur vie, “rien que pour permettre à desjournalistes de travailler”.

Dès lors, les seules informations dont les journalistesqui travaillaient en Tchétchénie pouvaient disposerétaient les communiqués de presse militaires, o? il yavait, premièrement, beaucoup plus d’idéologie qued’informations et, deuxièmement, trop d’informationsouvertement mensongères qu’il était d’ailleurs interditde vérifier à d’autres sources.

La majorité des publications et journalistes de Russie,peu soucieux de courir des risques (l’administrationprésidentielle ne cessait d’intimider les médias ré-calcitrants), ont accepté ces conditions de travail, etla presse écrite, la radio et la télévision ont déversédes flots de purs mensonges sur la guerre enTchétchénie. Les échecs militaires, l’incapacité et lepeu d’empressement des services spéciaux à retrouveret capturer les véritables terroristes passaient pour desvictoires militaires et pour des opérations couronnéesde succès. Les morts civils étaient présentés commedes rebelles. Les populations victimes de tirs et debombardements étaient invariablement “complicesdes rebelles” et les mesures sévères employées à leurégard semblaient donc absolument justifiées. Lesjournalistes dociles qui ne travaillaient qu’avec desmilitaires étaient abondamment récompensés par leMinistère de la défense et le Président du pays, alorsque les journalistes plus rétifs qui cherchaient àtravailler selon les règles de leur profession (dont lapremière est de collecter le maximum d’informationssur un événement) étaient constamment insultés etrabaissés en public.

Deux ans et demi après, on peut dire que le “lavagede cerveau” en vue de donner une “juste image” de laguerre en Tchétchénie a été, pour l’Etat, une réussitetotale. Le nombre de citoyens russes convaincus quece qui se passe en Tchétchénie est “une lutteauthentique contre le terrorisme”, qui de surcroîtignorent la vérité et ne souhaitent pas la connaître etqui, de ce fait, soutiennent les “opérationsantiterroristes” reste très élevé (de 30 à 45 % despersonnes interrogées). Quant aux Tchétchènes, lesmédias sous la coupe du pouvoir et des militaires onteffectivement réussi à en faire une nation de banditscollectivement responsable des agissements decertains de ses représentants.

La situation des journalistes et représentants desmédias qui ne se sont pas soumis aux règles fixéespar l’administration du Président et de l’état-major etqui se déplacent en toute indépendance d’une ville oud’un village tchétchène à l’autre pour rassembler lemaximum possible d’informations sur ce qui se passeen Tchétchénie reste très difficile.

La “Novaïa Gazeta” fait partie de ces publications. Pen-

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dant toute la guerre, nous avons choisi de souteniractivement ceux qui en souffrent le plus, à savoir lapopulation civile. Cette politique a valu à notre jour-nal des attaques incessantes de la part de l’admi-nistration du Président; les menaces de mort pub-liquement et régulièrement proférées par les militairesà l’attention de ceux qui continuaient d’enquêter etd’écrire sur les crimes de l’armée en Tchétchénie, ainsiqu’à protester dans les colonnes du journal contre lesméthodes de guerre et l’arbitraire des militaires, sontdevenues une “tradition”.

Ces menaces se sont particulièrement aggravées àpartir de l’automne 2001, quand après les événementsdu “11 septembre” de New York, le Président Poutinea en fait reçu des dirigeants des principaux Etatsoccidentaux le feu vert pour agir à sa guise en Tché-tchénie.

Il est dorénavant devenu pratiquement impossible àun journaliste indépendant de franchir un poste decontrôle en Tchétchénie, même s’il est muni de toutesles autorisations nécessaires. Les militaires l’insultent,menacent de l’abattre, font mine de les passer par lesarmes, ne cessent de le mettre en état d’arrestation etde détention ; le journaliste est donc amené à travailleren quelque sorte comme un espion en territoireennemi, l’essentiel étant de savoir rassemblerdiscrètement des informations et de disparaître àtemps sans attirer l’attention.

Aujourd’hui en Tchétchénie, la guerre est extrêmementconfuse, le terrorisme se confond avec l’antiterrorismeet, dans les faits, c’est un terrorisme d’Etat quis’oppose à l’autre terrorisme. Quant au journaliste quisouhaite être objectif, on l’assimile à un “ennemi dela Russie”, qu’il convient d’exterminer. On est bien làen présence d’une crise de civilisation des plus graves.

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Médias et terrorisme: situation de la recherche

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107 CHAPITRE 10

Introduction

Durant ces quelques dernières années, les actes de violence et de terrorisme onteu lieu avec une telle régularité qu’ils ont fini par capter l’attention des médias etont fait l’objet d’une large couverture médiatique. Comme la plupart des conti-nents, l’Afrique n’a pas été immunisée ou épargnée par la nature explosive de laviolence et des actes terroristes qui sont devenu le pain quotidien des médias etle sujet principal des actualités. Dans les actes de violence et de terrorisme ontrouve l’enlèvement des ressortissants étrangers, les conflits ethnico-politiques,et la violence promue par l’état. Souvent, la plupart de ces incidents serventd’introduction et font la une du journal télévisé et des journaux du soir. Pour lemeilleur comme pour le pire, le contexte et la façon dont les nouvelles sur laviolence et le terrorisme sont présentées, ont une influence certaine sur la per-ception régionale et mondiale de l’Afrique, soit comme allié pour ceux qui sontaux premiers rangs dans la guerre contre le terrorisme, soit comme une nationennemie qui sert de sanctuaire aux terroristes et à leurs agents. C’est ce qu’onappelle, aujourd’hui, “la doctrine Bush”. Il n’y a aucune distinction entre lesterroristes et ceux qui les abritent.

La perception d’une nation comme alliée ou collaborant avec les terroristes sem-ble influencer les impératifs de politique étrangère, vu que la plupart des “ennemis”ou “Etats voyous” sont sévèrement punis et que ceux qui soutiennent les efforts,sous la direction des Etats-Unis, pour combattre le terrorisme sont récompensés.Il importe, par conséquent, à la plupart des pays africains, de voir comment lesmédias couvrent les incidents terroristes sur leur territoire et comment leur rôledans la guerre contre le terrorisme est présenté à l’opinion mondiale.

Le montage de la couverture médiatique sur la violence et le terrorisme, la per-ception qui en résultera et la relation de dépendance inégale qui existe entrel’Occident et les pays africains peut leur conférer un statut qui les isolera dumonde et même incitera à une action militaire. Par conséquent, la soi-disantguerre contre le terrorisme a obligé les dirigeants, de la plupart des pays africains,à se présenter comme partisans de l’effort conduit par les Etats-Unis pourdébarrasser le monde du terrorisme.

Dans cette recherche, on s’intéresse à la façon dont les médias couvrent les actesde violence et de terrorisme, en Afrique, ainsi qu’à fournir une documentationpour l’analyse de telles couvertures par des spécialistes. Nous espérons, en mêmetemps, examiner l’objectif principal de chaque étude et les questions de recherchesabordées ainsi que leur cadre conceptuel et théorique. Toutes ces études ont étéexaminées afin de voir l’étendue, s’il y en a, de leur apport au savoir et à lacompréhension de la violence et du terrorisme en Afrique. Pour préparer le ter-rain à cette recherche, il est important d’examiner les problèmes de définitionsassociés au discours sur le terrorisme, afin d’aider les lecteurs à comprendre leconcept tel qu’il est utilisé dans cette discussion.

Comprendre le terrorisme en tant que concept

Alors que le consensus sur la définition a échappé à la plupart des étudiants duterrorisme, il n’y a eu aucune réticence de leur part pour comprendre le terrorisme.Un tel effort a été fait par Laqueur (1987), qui, dans son livre The Age of Terrorisme,se débat avec la complexité du terme “terrorisme” et de l’étiquette “terroriste” encherchant leur origine et le sens qu’ils ont pris au fil des ans jusqu’à l’usagecontemporain. De son point vue, le terrorisme a changé de nature durant le siècledernier et ces changements accentuent les problèmes de définition quand il s’agitde ce mot en question.

Médias,Violence

etTerrorismeen Afrique

Andy O. Alali

Department of communicationsState University, California

Bakersfield, Etats-Unis

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Comprendre le terrorisme signifie essayer de le définir.Une des tentatives les plus sérieuses a été celle de PaulWilkinson (1974) qui a donné une définition complèteavec la classification des types de terrorisme. Toutd’abord, Wilkinson fait une distinction entre les quatretypes de terrorisme (criminel, psychique, guerrier etpolitique) avant de définir le terrorisme politiquecomme l’utilisation systématique de la violence ou la menacede violence afin d’atteindre des objectifs politiques. Il va plusloin et distingue dans le terrorisme politique troisgrands types : révolutionnaire, sub-révolutionnaire et répressif.Selon Wilkinson, le premier type, le ter rorismerévolutionnaire, est l’utilisation systématique de la vio-lence avec pour unique objectif d’obtenir unchangement radical dans l’ordre politique.

Le second type, le terrorisme sub-révolutionnaire estl’utilisation de la violence terroriste pour provoquerun changement dans la politique publique sanschanger l’ordre politique.

Le troisième type, le terrorisme répressif impliquel’utilisation de la violence pour réprimer ou empêchercertains individus ou groupes d’individus d’avoir uncomportement que l’Etat trouve indésirable. Tandisque les deux premiers types de terrorismes sont utiliséspar des individus et des acteurs non-étatiques contredes Etats cibles, le dernier est utilisé par des Etatspour maintenir le statu quo qui peut avantager ceuxqui appartiennent à une certaine classe, à un certaingroupe ethnique ou racial ou à une certaine foireligieuse. Les Etats qui pratiquent ce genre deterrorisme justifient habituellement leurs actionsrépressives comme étant dans l’intérêt de la sécuriténationale même si le but principal de leurs actions estcelui de maintenir la sécurité du régime. L’Irak est unbon exemple d’une nation où se pratique ce genreterrorisme et, jusqu’à un certain point, l’Afrique duSud avant Mandela correspond à cette catégorie.

Dans sa contribution pour notre compréhension duterrorisme, Andrew Pierre (1984) traite principalementdu terrorisme international. Bien qu’il concède qu’ilest difficile de donner une définition universellementacceptable, selon lui se sont des actes de violence àl’extérieure des frontières nationales ou avec des répercussionsinternationales évidentes (p.85). Il poursuit en énumérantles facteurs qui motivent les terroristes internationaux.Selon Andrew Pierre :

1. Le terroriste vise à un but politique qu’il considèreêtre d’une valeur transcendante ;

2. le terroriste recherche, pour sa cause, l’attentionet la publicité ;

3. le terroriste vise à éroder le soutien accordé audirigeant politique en place ou de miner l’autorité del’Etat en détruisant la normalité, en créant l’incertitude,en polarisant un pays, en encourageant la discordesur le plan économique et généralement enaffaiblissant le lien social ;

4. le terroriste commet des actes qui peuvent être à lamesure de sa profonde frustration où il n’y a aucunmoyen de réparer les griefs ;

5. le terroriste peut chercher à libérer ses collèguesdétenus dans des prisons étrangères ;

6. et enfin, le terroriste peut désirer obtenir de l’argentpour acheter des armes et financer son organisation(pp.86-87).

Méthode de recherche

L’objectif de ce rapport présenté ici est une recher-che basée sur des documents est celui d’identifier legenre d’études de recherches et de publicationsspécialisées sur les médias, la violence et le terrorismeen Afrique, durant la période de janvier 1998 àdécembre 2001. Pour rassembler l’information pourle rapport, je me suis beaucoup servi des moteurs derecherche de bibliothèques électroniques pour iden-tifier les documents d’experts sur les médias, la vio-lence et le terrorisme en Afrique entre 1998 et 2001.J’ai également consulté, pour les études de cas, desanalyses qualitatives et quantitatives qui donnent desperspectives quant à la couverture médiatique de laviolence et du terrorisme en Afrique. Une analysedétaillée des contenus des documents disponibles aété menée et ce qu’il en est ressorti est alarmant :même si l’Afrique a fait l’objet de plus de 160 attaquesterroristes, avec 5.331 de blessés et plus de 485 mortsdurant la période étudiée (le département d’Etataméricain, 2001; 2000; 1999; 1998); il y avait unepénurie de documents spécialisés sur la couverturemédiatique de la violence et du terrorisme en Afrique.Le manque de recherches publiées dans ce domaineest alarmant parce qu’on s’attendrait à ce que le tauxélevé de violence et de terrorisme sur le continentafricain justifierait les efforts sérieux de la partd’experts pour déterminer comment sont formulésles reportages des médias. Par conséquent, les con-clusions de ce rapport sont basées sur une analyse del’auteur que sur des ouvrages de recherches.

Analyse globale et évaluation critique

Cette analyse couvre l’étendue de la menace terroriste,si tant est qu’il y en ait en Afrique ; les schémas deviolence et le terrorisme en Afrique et la façon dont

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les médias présentent le contexte de la violence et duterrorisme en Afrique.

La Menace terroriste en Afrique

Il est indubitable que le terrorisme est un nouveaudéfi mondial. Les attaques terroristes font des victimeset ébranlent les fondations économiques et militairesdes pays, comme cela fut le cas lors des actionsterroristes du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis. Leprogramme anti-terroriste des Etats-Unis a placé lespays africains sous le feu des projecteurs,particulièrement le Soudan et la Somalie, pour leursliens présumés avec Oussama Ben Laden. Avec cettetoile de fond, nous posons la question : Y a-t-il unemenace terroriste en Afrique ? Nous parlerons de cettequestion dans les paragraphes suivants.

Deux incidents récents ont donné aux gens les raisonsde penser qu’il y a une menace terroriste sur l’Afrique.D’abord, il y a le terrorisme du 11 septembre, quandles tours jumelles du World Trade Center ont étéréduites en cendre et des parties du Pentagonedétruites. Ensuite, c’est les bombes qui, en 1998, ontexplosé aux ambassades américaines à Nairobi, auKenya et à Dar-es-Salaam, en Tanzanie. Ces deux in-cidents ont permis d’attirer l’attention sur l’Afriqueau moment où les célébrations publiques quiaffichaient un fort sentiment anti-Occidental - enparticulier, anti-Américain - au Nigéria, au Soudan eten Somalie ont été diffusées dans le monde entier etle fait que Oussama Ben Laden, qui est associé à cesincidents, n’est pas étranger à l’Afrique. Ce n’est unsecret pour personne qu’il a trouvé refuge au Soudanentre 1991 et 1996. Il a été condamné, avec ses agents,pour les bombes qui ont explosé, en 1998, aux deuxambassades américaines à Nairobi et à Dar-es-Salaam.

On considère, du moins dans la plupart des paysoccidentaux, qu’il y a une menace de terroriste enAfrique, parce que un tiers de ses 700 millions decitoyens sont musulmans, dont certains sont, sem-ble-t-il, associés à Al-Qaida d’Oussama Ben Laden etque ses agents auraient cherché refuge en Somalie etqu’ils l’avaient fait en concert avec al-Itihaad al-Islami,une organisation somalienne qui se consacre à lacréation d’un Etat islamiste radicale en Somalie. Mêmesi l’organisation dirige ses propres écoles et fournitun service habituellement associé au gouvernement,elle a également été accusée de mener des opérationsterroristes dans l’Ethiopie voisine. En fait, Al-Itihaadal-Islami a été mentionnée, par le président GeorgeBush, le 23 septembre 2001, dans le décret de loi pourle gèle des avoirs et l’interdiction de transactions avecles terroristes.

Il est important de noter que les rapports sur l’histoireet les discussions sur le terrorisme radical islamisteremontent à la Révolution iranienne de 1979 et à laprise de l’ambassade américaine à Téhéran ennovembre de cette année-là (Boroumand etBoroumand, 2002). Depuis, Boroumand etBoroumand (2002) fait remarquer que sa présence estmondiale et son influence se fait sentir, pas seulement, dans lespays du croissant islamique qui va du Maroc au Nigeria, àl’ouest, et de la Malaisie à Mindanao, à l’est, mais égalementdans de nombreux autres coins d’Europe, de l’Inde, de l’ancienneUnion soviétique, des Amériques et même dans certaines par-ties de la Chine de l’Ouest.” (p.6).

Il est clair que l’Afrique est une pièce importante dansla guerre totale contre le terrorisme. La menaceterroriste est un défi sérieux et complexe dans la Cornede l’Afrique à cause des liens qu’entretient Ben Ladenavec le Soudan et la Somalie. Il a vécu au Soudan de1991 jusqu’au début de 1996, et son organisation AlQaida jouit d’un certain degré de popularité et desoutien dans la société nord-soudanaise. Les liens avecla Somalie est qu’elle est le lieu où vivent les vétéransdes moudjahiddins opérant sous la couverture d’al-Itihaad. Dans son rapport sur la course à la puissanceet la force, sur le continent africain, de la Somalie etdu Soudan, Morisson (2002) conclut que le Soudan etla Somalie demeurent des refuges potentiels crédibles d’Al-Qaida(p.194), et par là-même menacent sérieusement laguerre contre le terrorisme.

La présence de cellules d’Al-Qaida dans certains payssont autant de preuves qu’il existe des liens entrel’Afrique et le terrorisme. Par exemple, les cellulesd’Al-Qaida existent à Cape Town et à Durban, enAfrique du Sud, au Soudan et en Somalie. Il sembleraitqu’à Cape Town, les cellules ont établi une affiliationavec deux mouvements, People Against Gangsterism andDrug (Pagad) et Qibla. Pagad a été accusée, en 1998, delancer une campagne de bombes et d’agressionsterroristes contre les intérêts américains et contred’autres cibles à Cape Town. Les deux mouvements,Pagad et Qibla, figurent sur la liste officielle, des Etats-Unis, des organisations terroristes.

Enfin, le fait que des groupes de terreur tels que Al-Qaida et Hizbullah soient liés au trafic illicite de diamantdans l’ouest de l’Afrique indique que la menaceterroriste en Afrique est réelle. En novembre 2001, leWashington Post a rapporté que, avec les fonds en prov-enance de ce trafic et de la revente de diamants achetésà des mouvements de rebelles, ils sont capables definancer certaines de leurs opérations ainsi que fairedes pauvres leurs victimes pour qu’ils mettent àexécution leurs attaques. L’argument, ici et maintenant,est qu’il y a une menace terroriste en Afrique. Si cela

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est le cas, quels sont les schémas de la violence et duterrorisme en Afrique? La question est étudiée dansla section qui suit.

Les schémas de la violence et duterrorisme en Afrique

Entre 1998 et 2001, l’Afrique a subi une vague deviolence et d’actes terroristes, qui ont résulté dans lamort de centaines de gens et d’un nombre incalcula-ble de blessés. La plupart de la violence en Afrique ades dimensions ethniques et/ou religieuses, tandis quele terrorisme est par nature souvent politique.Pourtant, même si le terrorisme est une forme de vio-lence politique, aucun groupe ne se définit commeterroriste ; ils se définissent souvent comme descombattants de la liberté. Un exemple typique est celuide Inkatha Freedom Party (IFP) du milieu des années70, une organisation dirigée par Mangosuthu Buthelezi; Pagad et Qibla en Afrique du Sud, et al-Itihaad enSomalie.

Le terrorisme, tel que nous le connaissons, ne se limitepas à des petits groupes. Les Etats sont égalementprédateurs et auteurs de violence. Un bon exempleest celui des actes de violence perpétrés à l’encontredes Noirs, par le gouvernement sud-africain, àl’époque de l’apartheid. De tels actes se répètent dansles pays africains où la dictature est la norme, commedans le cas du Nigéria sous le pouvoir du feu GénéralSani Abacha. Dans la plupart des cas, la violence liéeà l’Etat est un moyen de contrôler les relationshumaines à l’intérieur des frontières d’un pays.Concrètement, on peut répartir les schémas de vio-lence et de terrorisme en Afrique en trois catégories:

L’enlèvement des ressortissantsétrangers

La plupart des rapports sur la violence et le terrorismeen Afrique soulignent les pertes subies par lesressortissants étrangers. Par exemple, rien qu’entre1998 et 2001, les données du département d’Etat amé-ricain indiquent qu’un nombre de ressortissantsoccidentaux, en particulier des Français, desAutrichiens, des Italiens, des Portugais, des Amé-ricains, des Allemands, des Belges, des Norvégiens etdes Suisses avaient été enlevés en Af-rique. Il n’estpas rare que des ressortissants étrangers se fassentenlever en Afrique à cause de l’exploration perpétuelle,par les Européens, du continent africain sans qu’ilstiennent compte de la situation économique etécologique des habitants. Vous trouverez ci-dessous,les récents incidents en Afrique:

1. quatre Français ont été enlevés, en février 1998,

par l’Union des Forces démocratiques (UFD) au Parc na-tional Manda, dans la Préfecture Moyen-Chari, Tchad;

2. des Autrichiens ont été enlevés, en février 1998,par le Front de Libération nationale de l’Ogaden (FLNO) ;

3. six Français et deux Italiens ont été enlevés, dans larégion du Tibetsi au Tchad, par le Front National pourle renouveau du Tchad (FNTR) ;

4. deux citoyens portugais ont été enlevés à Cabinda,par le Front de Libération de l’enclave Cabinda-Forces arméesde Cabinda (FLEC-FAC) ;

5. l’enlèvement, dont il a largement été question dansla presse, des neuf employés de la Croix Rouge àl’aéroport de Muqdisho, Somalie. Parmi les otages ily avait un Américain, un Allemand, un Belge, unFrançais, un Norvégien, deux Suisses et un Somalien.

Guerres civiles ou dissensions internes

Une grande partie de la violence qu’on voit en Afriqueest liée aux guerres civiles et aux dissensions internesqui continuent d’assiéger le continent. Il est évidentque les médias ont fait rejouer les diverses guerresqui se sont passé en Afrique, en particulier, en An-gola, au Libéria, au Mozambique, au Rwanda, enSomalie et au Sierra Leone. De tels reportagesmontrent, par ailleurs, certaines activités des rebelleset des luttes militaires, comme celles qui ont eu lieuau Sénégal et en Guinée-Bissau.

Conflits ethnico-politiques

L’image de l’Afrique véhiculée par les médias aégalement été conçue dans une perspective ethnico-politique, ce qui montre comment des actes émanantdes groupes dominants conduisent les groupesminoritaires vers la sécession et renforcent lesmouvements dont l’objectif est l’autonomie. Les luttesde l’Armée de libération du Peuple soudanais (ALPS), lecas du Biafra au Nigéria, la Casamance au Sénégal, etles Hutus et les Tutsis au Burundi et le Rwanda sontdes exemples typiques de conflits ethnico-politiquesqui ont été rejoués dans les médias occidentaux.

Le cadrage médiatique du contexte deviolence et du terrorisme en Afrique

L’analyse des nouvelles sur l’Afrique indique que lesmédias dépendent souvent des autoritésgouvernementales pour monter la plupart de leursreportages et montrer la violence et le terrorisme enAfrique. Les médias ont tendance à dépendre des ver-sions officielles, venant souvent de pays éloignés du

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lieu où l’incident s’est passé. Une telle dépendanceest ce que Mark Fishman (1980, P. 143) décrit commele principe d’affinité bureaucratique qui fait que les médiasdépendent et sont souvent attirés par les sourcesofficielles comme un moyen de désaltérer leur soifde nouvelles. Pourtant, à cause de l’échec des médiasde faire des reportages convenables ou de couvrirl’Afrique de façon appropriée, les actes de violence etde terrorisme dans la région ne sont pas signalés, àmoins qu’ils ne fassent des victimes américaines oueuropéennes ou qu’ils n’affectent les Occidentaux ouleurs intérêts.

Bien que l’Afrique ne soit pas toujours présente dansles médias, les images qui lui sont associées ontsouvent comme contexte un continent en difficulté,assiégé par la violence. Les quelques reportages surl’Afrique ont pour objectif de rappeler au public quele continent a eu plus que sa part des diversesviolences, qui vont des conflits aux racines historiquesjusqu’aux actions de dictateurs qui se comportent demauvaise manière.

La représentation de l’instabilité des Etats africainscomme un produit de dictateurs au comportementnéfaste est souvent assimilée au tribalisme“antémoderne” et que la seule solution demeurel’institution d’élections démocratiques et la construc-tion d’un Etat-nation basé sur l’expérience et le modèleoccidentaux. Malheureusement, ces rapports ne fontni partie des histoires ethniques/tribales ou nationales,qui peuvent fournir des explications à la violencepublique dont la région est imprégnée, ni n’intègrentl’interprétation des gens quant à l’origine de la vio-lence, des conditions et des circonstances quiconduisent à de tels actes.

Richard A. Giggs (1995) indique que la constructionde cette image de violence en Afrique vise à absoudrel’Occident des dommages structurels imposés par le colonialisme.La liste, de ces dommages structurels, qu’il proposecomprend : (i) les frontières irrationnelles quicontribuent à l’instabilité endémique ; (ii)l’infrastructure orientée vers l’exportation quimarginalise l’Afrique dans le système économiquemondiale ; (iii) l’hégémonie culturelle occidentale quia affaibli les traditions africaines ; et (iv) les systèmesbureaucratiques de gouvernement qui ont concentréle pouvoir politique et ont favorisé certains groupesethniques au détriment des autres groupes.

Cette perspective concorde avec ce que les Africainsdisent depuis longtemps - que les médias occidentauxinsistent plus sur le négatif au lieu de confronter lesfacteurs qui ont précipité la situation présente dans larégion.

Suggestions pour des étudescomplémentaires

La pénurie de recherches, sur comment la violence etle terrorisme en Afrique sont repassés aux actualités,est particulièrement surprenante, en raison de cetappétit insatiable de vouloir décrire au monde l’Afriquedans ce qu’elle a de pire. Il est également intéressantde voir que les Africanistes, spécialistes en communi-cation ont fait peu d’analyses ou de recherchessérieuses sur la couverture médiatique de la violenceet du terrorisme sur le continent. Il est évident que larecherche dans ce domaine et la qualité des conclu-sions qui résulteraient d’une telle entreprise offriraientaux spécialistes et aux autres partis, gouvernementauxet non-gouvernementaux, intéressés par le thème, desfaits significatifs pour réfléchir comment est présentéel’Afrique, les influences rivales qui déterminent unetelle couverture, de prédire les couvertures qui serontconsacrées à la région et les perceptions du rôle del’Afrique dans la violence et le terrorisme.

Il est indubitable que le manque d’effort dans la re-cherche sur les médias, la violence et le terrorisme enAfrique a créé un vide dans la documentationspécialisée contemporaine. En tant que chercheurs,nous avons une obligation, envers la communautéuniversitaire, de proposer des mesures normatives etde recommander des démarches qui peuvent remédierà cette pénurie documentaire. Tout d’abord il fautprescrire des thèmes qui guideraient la rechercher fu-ture dans le domaine. Par conséquent, je recommandeque les chercheurs intéressés par les médias, la vio-lence et le terrorisme en Afrique de concentrer leurtravail sur quatre thèmes généraux : (i) les facteurscontribuant à la violence et au terrorisme en Afrique; (ii) les acteurs et les victimes de violence et deterrorisme ; (iii) les représentations des médias, de laviolence et du terrorisme en Afrique ; et enfin (iv) lesperceptions créées par la couverture médiatique. Uneexplication succincte de chacun des thèmes estprésentée ici.

Facteurs contribuant ŕ la violence et auterrorisme en Afrique

Le premier thème à approfondir requiert que leschercheurs établissent les causes premières et lesfacteurs qui contribuent à la violence et au terrorismeen Afrique. Ici, la recherche devrait se concentrer surun nombre de questions, y compris la structure et lanature des conflits et les facteurs perpétuant lesconflits, l’étude de ces questions fourniraient, àd’autres chercheurs, des réponses quant au “pourquoi”,“qui” et “quoi”, questions qui sont souvent absentesde la plupart des discours de cette nature. Par exemple,

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nous avons besoin de connaître l’étendue, si tant estqu’il en ait, de l’impact que les divisions de classesethniques et de religions ont sur les conflits, la vio-lence et le terrorisme en Afrique.

Cela ne fait aucun doute que, bien que l’ethnicité oula religion ne soit pas la seule cause de conflits, lesproblèmes de l’Afrique sont souvent attribués à sesmyriades d’identités ethniques et à la religion, enparticulier, dans le contexte de l’Islam - une des reli-gions prédominantes sur le continent. Dans son ana-lyse du conflit ougandais, Mark Léopold (1999) aobservé que les actualités sur la soi-disant ‘guerre dans lenord’ est aussi trompeur que certains reportages internationaux,qui élaborent souvent plus sur les idéologies ethniques que surles vrais problèmes. On peut arguer que la concentra-tion sur l’ethnicité semble être un acte délibéré visantà exonérer l’Occident de sa culpabilité pour la vio-lence et le conflit qui ont lieu en Afrique. Nous avonsbesoin d’examiner sérieusement ces problèmes ennous posons les questions suivantes : Est-il possibleque les étiquettes religieuses et ethniques influencentla partialité et les interprétations des nouvelles sur laviolence en Afrique ? Est-il possible que certainsconflits éclatent sans qu’il y ait aucune dimensionethnique ou religieuse ? Pourquoi cela arrive-t-il ? Est-il possible que les dirigeants officiels et non officielsmanipulent ces concepts pour provoquer des conflitset de la violence ?

En outre, nous devons prendre en considération lesconditions économiques et les atteintes aux droitshumains qui peuvent conduire à la violence et auterrorisme en Afrique. Souvent, les conditionséconomiques que les gens subissent en Afrique sontle résultat de la démission institutionnelle etgouvernementale de leurs responsabilités etl’annulation des accords. Est-il possible que cesfacteurs déclenchent la violence et le terrorisme ? Ilest également important d’examiner comment lesintérêts occidentaux influent sur la violence et leterrorisme en Afrique. A l’intérieur de ces lignes derecherches, il est nécessaire de déterminer si lesfacteurs qui alimentent ces conditions dans un payspeuvent servir ou non comme menace à la violenceet au terrorisme dans d’autres pays africains.

Les auteurs et les victimes de violence etdu terrorisme

Le second thème suggéré pour une rechercheapprofondie traite du besoin d’identifier le “qui”auquel il a déjà été fait allusion dans la discussion. Parexemple, nous avons besoin de répondre à des ques-tions telles que : Qui sont les auteurs de la violence etdu terrorisme ? Qui sont les acteurs principaux de la

violence et du terrorisme qui ont lieu en Afrique ?Qu’en est-il des acteurs extra-régionaux - les gens del’extérieur - qui influencent et cherchent à améliorerou à exploiter les conditions dans la région en conflit? Qui sont les victimes ? Accorde-t-on la même im-portance aux victimes africaines et occidentales ? Cesactes de violence visent-ils seulement les intérêtsoccidentaux ou est-ce que les intérêts africains le sontégalement ? Quel est la proportion de victimes, de laviolence et du terrorisme, africaines par rapport auxvictimes occidentales ? Nous pensons, ici, que la re-cherche qui répondra à ces questions enrichiraénormément notre compréhension du contexte et desvictimes de la violence et du terrorisme en Afrique.

Les représentations qu’ont les médias dela violence et du terrorisme en Afrique

La troisième série de questions qui ont été suggéréespour une recherche approfondie concerne lesreprésentations qu’ont les médias de la violence et duterrorisme venant de l’Afrique. Les médias, enparticulier, ceux qui n’appartiennent pas au continentafricain, ont été accusés de présenter leursinterprétations de la violence et du terrorisme d’unpoint de vue occidental. La violence et le terrorismesont souvent inclus dans le concept “gagnants etperdants” ou considérés comme des actes perpétréscontre les intérêts occidentaux venant de gens quidevraient être reconnaissants pour les effortshumanitaires, déployés par les Occidentaux, dans leurspays respectifs. Ce faisant, les actes de violence et deterrorisme sont abordés sous un angle qui donne dusens et de la crédibilité au point de vue occidental,sans examiner de façon adéquate ou donner desinterprétations réalistes des actions et des motivationsdes auteurs de la violence et du terrorisme. Cela nesignifie aucunement qu’il faut donner refuge à ceuxqui commettent des actes violents et illégaux, nousavons plutôt besoin de donner une image pluscomplète de ce qui s’est réellement passé, pourquoicela s’est passé, et comment procéder pour aborderles problèmes et étudier les facteurs qui ont précipitéces actes de violence et de terrorisme.

La plupart des experts, en particulier ceux qui étudientla représentation qu’ont les médias de l’Afrique,seraient d’accord pour dire qu’il y a des contradic-tions entre les médias nationaux et étrangers parlantde l’Afrique, en particulier, quand il s’agit de la vio-lence et du terrorisme. Nous pensons que ces contra-dictions existent, car le contexte des actualités et laconstruction des opinions sont définis, quand il s’agitde l’Afrique, selon les différents critères ethniques.Ici, le but journalistique justifie les moyens etl’importance qu’il y a à être précis et impartial se

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retrouve quelque peu oubliée. Par conséquent, touterecherche dans ce domaine doit se concentrer sur unesérie de questions qui donnent au public et auxdécideurs une image du contexte de la visionmédiatique et de son impact éventuel sur la société.La recherche sur la représentation qu’ont les médiasde la violence et du terrorisme en Afrique, devraitréfléchir à certaines des questions suivantes : Quellessont les sources, gouvernementales et non-gouvernementales, qui sont à l’origine de l’imageprésentée dans les médias ? Nous avons besoin dedéterminer ce que les sources disent au sujet de laviolence et du terrorisme et comment les médias lesinterprètent ? Quelle est la langue que les journalistesutilisent pour décrire la violence et le terrorisme enAfrique ? Quels sont les thèmes et problèmes générauxqui font ou ne font pas, l’objet d’une couverturemédiatique ? Les médias rendent-ils compte desréactions des Africains aux attaques de violence et deterrorisme ? Les journalistes locaux sont-ils employéspour fournir les informations aux agences de presseinternationales ? Les journalistes sont-ils loin du lieuet de l’événement qu’ils couvrent ? Comment de telsarrangements affectent le contenu des nouvelles ? Ilest évident que l’objectif, ici, est celui de déterminersi la couverture médiatique consacrée à l’Afrique estresponsable ou trompeuse.

L’évaluation de la couverture médiatique ne serait pascomplète sans l’analyse des référents symboliquesutilisés dans la représentation de l’Afrique au monde.Par exemple, les chercheurs devraient essayerd’identifier les connotations et les référentssymboliques de la langue utilisée dans le discours surla violence et le terrorisme en Afrique. Utilise-t-onles mêmes termes pour parler de la violence et duterrorisme en Afrique et ailleurs ?

Enfin, les chercheurs contribueraient largement à ladocumentation spécialisée si les études devaient ex-aminer les points de vue énoncés. Par exemple, onconstate une différence dans le contenu des nouvellessi les points de vue énoncés sont ceux des journalistes,du gouvernement, des victimes ou de ceux quicommettent les actes de violence et de terrorisme. Ilserait utile de déterminer les points de vue des médiasinternationaux par rapport aux médias nationaux etrégionaux, en particulier, comment chacun d’eux classela violence et le terrorisme. Nous devons identifierles types de discours qui contraignent ou promeuventla violence et le terrorisme et comment les forces dumarché influent sur la couverture médiatiqueconsacrée à ces problèmes. Nous pensons qu’un pro-gramme de recherche qui traite principalement de cesproblèmes donnerait une image du rôle des médias -d’Etat ou indépendants - et comment ils font rejouer,

pour le monde, la violence et le terrorisme qui sedéroulent en Afrique.

Perceptions créées par la couverturemédiatique

Le dernier thème important est la recherche quialimente les perceptions créées par la reconstitutionmédiatique de la violence et du terrorisme en Afrique.On doit répondre à la question qui est de savoir com-ment la communauté internationale perçoit l’Afrique ? Lespays africains sont-ils perçus comme des nations quisont servent de sanctuaires aux terroristes ? Leursleaders sont-ils perçus comme des individus quicondamnent ou qui soutiennent la violence et leterrorisme ? Quelle est la contribution de l’Afriqueau terrorisme ? Quel est le niveau d’engagement desgouvernements africains dans la coopération pour lalutte contre le terrorisme ?

Remarques finales

La globalisation de la violence et du terrorismeapparaît comme un défi à la construction des Etatsnations en Afrique. Et, pendant que la campagne anti-terroriste menée par les Etats-Unis a mis l’Afriquesous le feu des projecteurs, la préoccupation américaineavec Al Qaida déplace l’attention de beaucoup d’autrespréoccupations en Afrique (Morrison, 2002, p.196).

Il est indubitable que l’explosion de bombes dans lesambassades américaines dans la région et les incidentsdu 11 septembre ont renforcé la coopération entrecertains gouvernements africains et les Etats-Unis. Ilconvient de noter la coopération entre les Etats-Uniset le Kenya, la Tanzanie, l’Afrique du Sud et le Nigéria.Tous ces pays ont pris l’engagement de travailler avecles Etats-Unis :

1. pour supprimer la menace terroriste en Afrique ets’assurer que les pays africains ne servent pas de baseaux terroristes ;

2. pour empêcher que les développements dans lesrégions où se trouvent les “Etats voyous” ne menacentla paix régionale et la stabilité ;

3. surmonter les défis de pouvoirs installés dans ladurée que les terroristes exploitent pour établir leursbases dans les pays africains.

Les médias ont la responsabilité d’expliquer la vio-lence et de placer les conflits dans les contextes quiconduisent à de tels actes : la violence et les conflitssont, dans le paysage politique africain, invariablementmêlés aux épreuves de force.

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CHAPITRE 11

Basyouni Ibrahim Hamada

Department de CommunicationUniversité des Emirats Arabes-Unis

Introduction

En ce début du 21ème siècle, le terrorisme a fini par être considéré par les autoritésgouvernementales comme le problème le plus important auquel le monde setrouve confronté. Après le 11 septembre 2001, il a également attiré l’attentiondes médias, de l’opinion publique et des spécialistes en Sciences humaines. Enréponse à cet événement terroriste, la communauté internationale a vu s’organiserun très grand nombre de conférences, de séminaires, de sites et de publicationssur le terrorisme mondial. Bien que ces activités aient traité du terrorisme dans toute sacomplexité, il reste à s’accorder sur ce qu’est le terrorisme. La définition du terrorisme a uneincidence sur les choix des mots, à savoir si les auteurs d’actes de violence sont catalogués ou noncomme “criminels, “terroristes” ou “combattants de liberté (Eke et Alali, 1991, P. 3). Plusimportant encore est la relation complexe qui existe entre les médias, la violenceet le terrorisme. Il reste encore aux spécialistes en communication à poser uncadre théorique afin de mieux comprendre la relation, complexe et dynamique,entre les médias et le terrorisme et les options de politique médiatique pour lacouverture du terrorisme.

A cet égard, le monde arabe a évidemment occupé une place spéciale dans ledébat international sur le terrorisme. Un grand nombre d’incidents les plus violentset les plus dramatiques ont été perpétré, ces dernières décennies, soit au Moyen-Orient soit ailleurs par des groupes impliqués dans les conflits nationaux ouinter-étatiques dans la région. Certains groupes palestiniens ainsi que d’autresdans le monde arabe sont définis, par leurs adversaires, comme des organisationsterroristes. Ainsi, tout acte de résistance légitime pour libérer leurs territoires,occupés par Israël, devient, par définition, du terrorisme. Cependant, d’autres,particulièrement ceux qui sympathisent avec leur juste cause, les considèrentcomme des combattants de la liberté (Shiva, 2001). Avant le 11 septembre, lesmédias occidentaux ont réussi à créer et à perpétuer l’impression que le terrorismeest enraciné chez les Musulmans et les peuples arabo-musulmans. Par conséquent,la coopération nationale, régionale et internationale contre le terrorisme estdemeurée, pour de nombreux pays arabes, tout au long des années 90 et du débutdu troisième millénaire, l’élément principal sur le plan local ainsi qu’en politiqueétrangère.

Il n’est pas inutile de commencer ce rapport en rappelant trois faits :

1. Les attaques terroristes contre les pays occidentaux ont capté l’attention desmédias et de l’opinion publique internationale ainsi que celle des Nations-unieset des organismes internationaux. Toutefois, les attaques terroristes visant descivils appartenant à d’autres nations, moins puissantes, en particulier, dans lesterritoires occupés palestiniens, n’ont pas suscité le même intérêt international(Shukri, 1991) ;

2. le terrorisme et la violence sont des questions des plus sensibles dans le mondearabe. Ils sont liés à l’instabilité politique et sociale des pays arabes, àl’environnement économique, à l’occupation israélienne des territoires arabes enPalestine, en Syrie et au Liban ainsi qu’à l’interférence des Etats-Unis dans lesaffaires locales de la région ; et,

3. il existe un écart significatif entre l’importance du terrorisme dans le mondearabe et la pénurie de travaux d’experts sur le sujet en général et dans le domainede la communication en particulier.

Ce rapport révèle que dans le monde arabe peu d’études ont tenté de décrire lacouverture médiatique sur la violence et le terrorisme et aucune n’a tenté d’étudier

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le terrorisme. L’importance de ce rapport découle dufait que dans la majorité des actes violents etterroristes, l’élément le plus important en communication,sur les actes terroristes, n’est pas celui des actes en soi, mais dela signification donnée à ces actes par les médias, les autorités etla population. Ce qui est dit à propos des actes et la façon dontils sont inter prétés jouent un plus grand rôle dans ladétermination de l’impact et de la portée que ne le fait leterrorisme seul. (Robert, 1993, P.19).

Méthodes de recherche

Le but de ce rapport est celui de présenter unesynthèse globale et une évaluation critique des étudeset publications sur les médias, la violence et leterrorisme dans le monde arabe, sur une période dequatre ans, de janvier 1998 à décembre 2001. Lesétudes de recherches appropriées ainsi que des publi-cations d’experts sur le thème et la période, de janvier1998 à décembre 2001, ont été rassemblées et ont faitl’objet d’un compte-rendu. Bien que ce rapport soitconsacré à rendre compte des études arabes qui ontété publiées durant cette période, nous avonségalement fait une étude critique d’autres travauxd’expert, pour leur pertinence, publiés soit avant 1998soit en 2002. Ainsi que des publications arabes encommunication, les plus pertinentes sur le sujet,publiées en 2002. On a utilisé dans ce rapport troistypes de données. D’abord, on a rassemblé et analyséune documentation sur le terrorisme, rédigée enanglais.

Le deuxième type de données concerne la documen-tation sur la violence et le troisième se compose dequelques articles de recherche et de publications quitraitent des médias, de la violence et du terrorisme.Les sources, pour ce travail d’expert, ont été lesjournaux en référence, les livres, les interventions, lesbases de données en provenance de bibliothèques, dedocuments trouvés sur le web. Ce rapport part del’hypothèse que, pendant que le monde arabe estprésenté comme un environnement qui produit de laviolence et du terrorisme, les experts arabes en com-munication n’ont toujours pas participé à une recher-che qui examinerait sérieusement les implications dela violence et du terrorisme. Cette situation résulte dufait de ne pas avoir cherché à traiter certaines ques-tions épineuses quant à la distorsion de l’image dumonde arabe en Occident et de la coordination desefforts engagés contre le terrorisme.

Recherche politique arabe sur la violenceet le terrorisme

Pour une meilleure compréhension de la documenta-tion média-terrorisme dans le monde arabe, il est im-

portant d’examiner de manière critique la positionpolitique des autorités arabes ainsi que certainesrecherches politiques sur le terrorisme. Ibrahim (1999)considère que le concept de violence politiquecomprend différents types de comportements et depratiques qui impliquent l’utilisation effective ou lamenace d’utiliser un pouvoir pour porter préjudiceou faire du mal à des personnes ou endommager desbiens publics et privés afin d’atteindre des objectifspolitiques, sociaux et économiques. Ces actionspeuvent être individuelles ou collectives, déclarées ousecrètes, organisées ou anarchiques. Elles peuvent êtreune violence officielle pratiquée par un gouvernementcontre ses citoyens, et qui se manifeste par des ac-tions telles que : la détention, l’emprisonnement, lamort ou une violence populaire des citoyens contrele régime en place, des actions telles que les émeutes,la rébellion, l’assassinat, les coups d’Etat et lesrévolutions.

Malgré la crédibilité de ce concept et son applicationà différentes formes de violence politique et d’actesde terrorisme, il ne couvre pas les formes de violencepolitique internationale organisée et encouragée parun Etat contre un autre Etat et sa population. Endéfinitif, le concept tend à être réservé à la violencepolitique nationale, et, par conséquent, n’explique pasles racines de la violence internationale arabe qui, dansune large mesure, représente les symptômes defacteurs extérieurs tels que la violence politique d’Israëlcontre les Palestiniens et l’absence voulue d’une jus-tice pleine et entière dans le règlement de la questiondu Moyen-Orient. Question qui fait durer l’hostilitéentre le Monde arabo-musulman et l’Occident.

Particulièrement significative, pour cette discussion,a été la position islamique officielle, envers leterrorisme et la violence, telle que reflétée dans laConférence au sommet islamique qui s’est tenue à Ca-sablanca, en décembre 1994. La Conférence a proposéun code de conduite comprenant les points suivants :(i) déclarer que l’Islam condamne toute forme deterrorisme impliquant l’assassinat de gens innocentscomme cela a été interdit par Dieu, (ii) de condamner,avec la plus grande fermeté, les auteurs de ces crimesgraves qui sont commis avec l’allégation d’appliquerl’Islam ou toute autre justification, (iii) de confirmerque la lutte des peuples, sous contrôle colonial ouétranger ou sous l’occupation, pour l’obtention de leurdroit à l’autodétermination ne constitue pas un acteterroriste. L’Islam condamne toute personne fanatiqueou extrémiste et prêche la modération et la tolérancedes uns envers les autres et envers les non-musulmans.Dans le Coran, la seule guerre admise est celle del’auto-défense. Les Musulmans ne déclarent pas leshostilités (Taher, 1997, p.67).

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Médias, violence et terrorisme: Y a-t-il une relation ?

Avec la fréquence des incidents terroristes, l’intérêtdes experts en communication à travers le monde s’estintensifié, excepté dans le monde arabe, pour tenterde comprendre les relations des médias avec leterrorisme. Cela est en partie attribué au fait quebeaucoup ont fini par voir le terrorisme comme uneforme de communication. Ainsi, il est nécessaired’examiner les conséquences de cette communication.Cela se fait tout d’abord en examinant la manière dontles médias parlent des actes terroristes. Terroristes etchercheurs s’intéressent tout particulièrement àdéterminer les étiquettes qui sont perçuespositivement et à quel moment elles doivent êtreutilisées. (Simmons, 1991). L’intérêt des experts encommunication, dans l’examen des implications de lacommunication du terrorisme, se fonde sur la notionqu’on peut mieux comprendre le terrorisme en leconsidérant comme une stratégie de communicationviolente. La nature de l’acte terroriste, son atrocité, lelieu où il se commet et l’identité de ses victimes serventde générateur à la puissance de son message. Pourque la violence devienne terroriste il faut des témoins.(Robert, 1993).

Alors que personne ne semble contester l’impact dela couverture médiatique sur les auditeurs, cela est loind’être le cas quand il s’agit de l’impact qu’elles peuventavoir sur les “terroristes”. Dans ce domaine, on trouve,au moins, deux grandes écoles de pensée. Les parti-sans de la première école prétendent que la couverturemédiatique d’événements terroristes a un effetcontagieux. Parler du terrorisme augmenteraprobablement les activités terroristes et sans commu-nication il ne peut y avoir du terrorisme. (Eke et Alali,1991). Les effets des médias, selon la première écolepeuvent être classés sous des rubriques telles queinterférence, contagion et prise de conscience.L’interférence peut signifier une participation àl’événement, par exemple, un journaliste jouant le rôled’intermédiaire entre les terroristes et la police, ouexerçant une pression indirecte sur les autorités afinde mettre fin à la violence ou à la menace. Le secondtype est l’effet de contagion qui fait que le terrorismese répand, parfois par d’autres moyens, mais plussouvent à travers les médias. Le troisième type estcelui de la prise de conscience. Il semblerait que leconcept diffusion des médias soutienne l’idée selonlaquelle la couverture médiatique permet une plusgrande prise de conscience du terrorisme par le pub-lic. On trouve également ceux qui admettent la théoriede diffusion générale comme ayant un rôle importantdans la propagation du terrorisme. Dans ce cas, ondoit faire l’hypothèse selon laquelle les médias peuvent

jouer un rôle dans la prise de conscience du proces-sus d’adoption du terrorisme, avec seulement uneinfime partie dans l’évaluation, l’acceptation etl’adoption de la diffusion des techniques terroristes.(Simmons, 1991).

La seconde principale école de pensée soutient qu’iln’y a pas de preuves tangibles selon lesquelles lapublicité, par les médias, aurait une l’influencesignificative sur la fréquence des actes terroristes.Quand on analyse la documentation sur le terrorisme,on trouve qu’elle ne contient aucune preuve crédibleque les médias jouent un rôle important dans ledéclenchement et la diffusion des actes terroristes.Au fur et à mesure qu’on examine la documentationen question, il devient clair que pas une seule étude,qui se fonde sur des méthodes de recherche propresaux Sciences sociales, n’a établi une relation de causeà effet entre la couverture médiatique et la propaga-tion du terrorisme. Pourtant, les autorités publiques,les experts, les éditeurs, les journalistes et leschroniqueurs associent continuellement les deuxéléments ensemble et présentent la relation qui les liecomme quelque chose qui a été prouvée. (Simmons,1991). Quelques auteurs, d’horizons divers, refusentde rendre les médias responsables. Ils soutiennent,au contraire, que les médias sont victimes duterrorisme. Ils indiquent qu’éradiquer le terrorismeest une question judiciaire et éthique et non pasmédiatique. (Barnhurst, 19991). Il y a encore une au-tre école de pensée, qui affirme que la couverturemédiatique peut en fait réduire la possibilité d’actionviolente à venir de la part de ceux qui s’engagent dansla violence terroriste, en supprimant le besoin qu’ontles groupes et les individus à recourir à la violencepour capter l’attention médiatique et faire la une.

Analyse globale et Evaluation critique

Comme il a été affirmé plus tôt il existe un écart entreles deux phénomènes : (i) la prolifération et l’intensitédes actes de terrorisme et de violence ces récentesdécennies avec une insistance internationale que lemonde arabe est la source de ce phénomène et de cesdégâts, et (ii) la rareté du nombre d’études de recher-che consacrées à la compréhension de la complexitédes incidents de terrorisme d’un point de vue arabe.Cet écart représente la première caractéristique desmédias arabes et de la documentation sur le terrorisme.La seconde est que, récemment, les universitaires ontaccordé une attention limitée à une recherche qui aété entreprise par certains experts en communicationdans la Région arabe. La documentation arabe traiteprincipalement de la question portant sur commentles médias parlent des actes de violence et deterrorisme et comment les médias occidentauxreprésentent le monde arabe.

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L’Aqsa Intifada a attiré l’attention de chercheurs aussibien Arabes qu’Américains. Dans sa recherche surEgyptian Newspaper Coverage of Palestinian Intifada, ElTarabishi (2002) a analysé trois principaux journauxégyptiens sur la période allant de septembre 2000 àmai 2001. Le contenu de l’analyse traite principalementdes variables dans les nouvelles, les reportagesd’investigation, les éditoriaux, les interviews, lesdessins humoristiques et les articles entre autres, enplus des sources utilisées dans les articles, les acteursdes événements ainsi que les types de problèmes. ElTarabishi conclut en disant que les trois journaux, AlAhram, Al Wafad et Al Osboua , insistentparticulièrement sur le développement des attaquesagressives et terroristes de l’armée israélienne contreles civiles palestiniens dans les territoires occupés.Daniel (1997) a trouvé que plusieurs cadres,étroitement liés, étaient utilisés pour présenter leconflit israélo-palestinien dans les médias, y compriscelui de la guerre froide, celui du terroriste, du juifcomme victime historique, et enfin le cadredichotomique du bien et du mal. En tant que symbolesdu conflit israélo-palestinien, le flot constant d’imagesnégatives influe sur l’opinion publique américaine etpar conséquent sur la politique étrangère des Etats-Unis (Daniel, 1997).

Recherches sur l’Image arabe:l’Image trompeuse du terroriste

L’image stéréotypée que les médias occidentauxdonnent des Arabes a eu des effets dangereux quiont justifié des actes offensifs contre les Arabes, ycompris l’agression militaire, et en incitant l’opinioninternationale à croire à toutes les allégations - qu’ellessoient vraies ou fausses - contre les Arabes. Cela aégalement une incidence sur les points de vue qu’ontles médias américains et autres médias européens surles Arabes, sans qu’il y ait une tentative de leur part àdemeurer neutres, critiques et indépendants. (Baek,2002). Pollock et Artz (1997) ont trouvé que le soutienpublic pour l’offensive américaine dans le Golfepersique a été encouragé par l’emploi que font lesmédias d’images anti-Arabes culturellement admises.Cette déclaration se fonde sur une étude des titres,des photos, des légendes et des dessins portant sur laguerre du Golfe et plus spécifiquement sur des dessinséditoriaux publiés dans le Chicago Tribune, Chicago Sun-Times, Los Angeles Times, le New York Times, et Newslet-ter du mois d’août 1990 à décembre de la même année.Une analyse rhétorique des images qui dominent dansces médias vient conforter la déclaration faiteprécédemment. En premier lieu, les médias ont réduitune situation géopolitique complexe aux motivationsde Saddam Hussein. En second lieu, pour diaboliserSaddam Hussein, les médias n’ont fait que récupérer

les stéréotypes standards anti-Arabes de la culturepopulaire et l’image symbolique des médias aconditionné le public américain pour l’agressionmilitaire qui devait suivre. Kamalipour (1997) parvientà la même conclusion dans sa recherche sur les im-ages médiatiques des Arabes, des Musulmans et duMoyen-Orient aux Etats-Unis. Il a trouvé que les actesde violence et de terrorisme tels que l’explosion duTWA, la bombe à Oklahoma City, celle des jeuxolympiques de 1996, les explosions dans lesambassades fournissent de nombreuses leçons quantà la relation qui existe entre les médias et les actes deviolence et de terrorisme. Ces leçons englobent ladépendance des médias envers le gouvernement etvice-versa ; les techniques de propagande visant àmanipuler l’opinion publique, à renforcer et àmondialiser des stéréotypes arabes en fabriquant eten altérant la perception du public ; les portraits queles médias dressent des gens, des lieux et desévénements deviennent des perceptions et les per-ceptions deviennent à leur tour des réalités. Cesstéréotypes ou mentalités servent ensuite de base auxinteractions humaines.

Dans son étude sur l’image de l’Arabe dans l’espritdes fabricants d’images occidentaux, Hamada (2001)a constaté une certaine prépondérance de l’imagenégative de l’Arabe parmi les fabricants d’imagesoccidentaux, c’est-à-dire les professionnels des médias.Par exemple, 85,7% disent que les Arabes sontfondamentalistes, 78% perçoivent les Arabes commedes anti-Occidentaux, et 69% ont déclaré que lesArabes sont agressifs. Quant aux valeurs, 97% desfabricants d’images occidentaux considèrent, lesrésultats le montrent, que le fondamentalisme est laprincipale valeur que les Arabes promeuvent, 54%disent que la violence est la valeur de base des Arabes,tandis que 40% considèrent le terrorisme comme unevaleur que les Arabes défendent. Ce qui est plus im-portant, ce sont les conséquences négatives de l’imagede l’Arabe. Il a été demandé aux fabricants d’imagesoccidentaux : quelles sont, selon vous, lesconséquences négatives de l’image déformée del’Arabe ? La majorité, 87%, ont répondu que l’imagedéformée de l’Arabe justifie toute agression armée et81% ont dit que cela peut mobiliser l’opinion publiqueinternationale contre les Arabes. Un peu plus que destrois quarts des journalistes européens interrogés ontparlé de la menace qui pesait sur la sécurité des Arabeset de leur isolement à cause des conséquencesnégatives d’une image partielle et partiale.

Salah El-Dein (2002) a, dans son étude, cherché à ex-aminer la complexité sous-jacente dans la relationentre les médias égyptiens et les connaissances et at-titudes de l’opinion publique. Sa recherche révèle qu’il

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existe une corrélation positive entre l’exposition in-tensive aux actualités et (i) les connaissances del’audience sur le terrorisme en général et le 11septembre 2001 en particulier ; (ii) les attitudes enversle terrorisme en général et le 11 septembre enparticulier ; (iii) et l’évaluation favorable de la per-formance des autorités égyptiennes en ce qui concernele terrorisme.

Abd El-Ghaffar (20002) a trouvé que les étudiantségyptiens prenaient CNN comme seule sourced’information sur le 11 septembre, tandis que latélévision Al-Jazira était la principale source régionalequant à ces événements, suivie de la télévision et de lapresse nationale égyptiennes comme sources majeuresd’information en Egypte. Iseed (2001) indique queles médias occidentaux ont cherché sciemment à por-ter préjudice et à déformer les valeurs et la civilisationde l’Islam et cela de façon systématique. Cet impactnégatif perdurera jusqu’à ce que les médias arabesdéveloppent un plan stratégique capable d’aborder desquestions arabes selon l’héritage culturel islamique.Gallal (2002) indique, dans sa recherche sur les ques-tions arabes et islamiques dans les médias arabes, quesi l’on veut comprendre comment les médiasoccidentaux traitent des questions arabes et islamiques,il est nécessaire d’étudier comment les médias arabesparlent de ces mêmes questions. Il pense qu’il existeun lien fort entre la couverture médiatique arabe etoccidentale quand il s’agit de traiter des questionsarabes et islamiques. L’auteur, qui utilise la théorie ducadrage des nouvelles comme une structure théorique,conclut que le conflit israélo-palestinien est leproblème le plus important dans tous les médiasarabes (imprimés ou électroniques). Il note, parailleurs, que, bien que les journaux et les chaînes detélévision arabes ne partagent pas les mêmes valeursquand il s’agit de l’information, l’attitude générale desmédias arabes envers le conflit israélo-palestinien etles principales questions qui ont été débattues, estidentique.

Siddiqi (2002) aborde quatre questions : (i) Quelle aété l’envergure de la couverture médiatique que lesjournaux sélectionnés ont accordé au problème duterrorisme., (ii) comment chaque journal a-t-il traitédes événements du 11 septembre 2001 ; (iii) Jusqu’àquel point les journaux approuvent ou désapprouventla cause du terrorisme et s’il faut le combattre ; et (iv)quelles sont les sources principales, nationales etinternationales, dont dépendent les journaux ? Lesjournaux sélectionnés sont les suivants : The New YorkTimes, The Times de Londres, The China Daily, SaudiGazette, The Strait Times de Singapour, le Friday Reportdu Pakistan, et le Dawat, un journal indien. Le tempsconsacré à cette étude a porté sur une période de tr-

ois mois, de septembre à décembre 2001. Siddiqi arévélé deux découvertes importantes : (i) alors queThe Times, The Strait Times, Saudi Gazette et The ChinaDaily ne sont pas totalement d’accord avec les posi-tions prises par The New York Times sur la questiondes causes du terrorisme et des efforts investis pourle contrer, le Dawat et le Friday Report sont en totaldésaccord, de même (iii) qu’il y a des différencessignificatives, dans les différentes cultures, quant à lafaçon de définir et de comprendre le terrorisme. AuxEtats-Unis, toute action émanant d’un groupe ou d’unindividu qui menacerait l’hégémonie américaine estconsidérée comme du terrorisme, tandis que dansd’autres cultures, particulièrement au Moyen-Orientet en Asie, l’accent semble plus porter sur unedéfinition plus large du terrorisme.

Amer et El Metwally (2002) se concentrent sur com-ment la presse d’opposition en Egypte présente laposition des Etats-Unis et de l’Egypte concernant le11 septembre 2001. Deux hypothèses ont été testées:(i) la couverture médiatique de la crise contribue àdonner une image hâtive et déformée des raisons dela crise, de ses causes et de ses conséquences, et (ii)l’image des Arabes, telle qu’elle est présentée dans lapresse d’opposition, est positive avec la capacité degérer la crise et ses conséquences, alors que l’imagedes Etats-Unis est négative. Ils ont trouvé que lesmédias ignorent le contexte social et historique desactes terroristes et se concentrent sur les événementsen soi. En d’autres termes, la presse isole les inci-dents de l’environnement qui les produit avec lescauses et l’impact potentiel. L’étude soutient fortementla première hypothèse, alors que la seconde nebénéficie pas du même soutien.

Choix politiques sur la couverturemédiatique du terrorisme

Comme tout le monde pense que la couverturemédiatique du terrorisme a des effets contagieux, iln’est pas surprenant qu’on vienne à penser que lesmédias ont un rôle important à jouer dans les effortsinvestis pour combattre le terrorisme. Le débat sur larelation entre les médias et le terrorisme soulève denombreuses questions y compris : quelle forme devraitprendre le rôle des médias ? Et qui déciderait de lapolitique médiatique ? (Eke et Alali, 1991). Les actesterroristes à travers le monde ont abouti, dans denombreux pays, à des interdictions et des restrictionssur l’information, et cela va de la suppressiontemporaire des libertés à une censure pure et simplede la presse. La plupart des controverses relatives à lacouverture médiatique du terrorisme tournent autourde qui devrait contrôler l’information et dans quelbut. Néanmoins, on ne peut considérer de telles

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suppressions comme justifiées. Interdire des infor-mations, peu importe les raisons, bonnes oumauvaises, violent le principe fondamental quigouverne une presse libre dans un pays libre (Gerbner,1988).

Il a été établi que le rôle des médias dans la formationde l’opinion publique en préparation de n’importe queltype de conflit : guerres, actes violents et terroristes,crises, etc... pose problème. Lors de sa rencontre enoctobre 2001, le Secrétaire d’Etat, Colin Powell, auraitdemandé à l’Emir du Qatar de contrôler la télévisionsatellite Al-Jazira, en parlant spécifiquement de larediffusion, par la chaîne, de l’interview d’OussamaBen Laden, de 1998, et en l’accusant d’accueillir desinvités anti-Américains, qui désignent la politiqueétrangère des Etats-Unis comme responsable desattaques du 11 septembre. (Al Mizari, 2002). Israël arefusé l’accès à des journalistes et à des professionnelsdes médias pour qu’ils ne couvrent pas ses massacresde Palestiniens.

Une mesure qui a été appliquée maintes fois durant laseconde Intifada. De surcroît, le bâtiment de latélévision palestinienne a été détruit par les frappesaériennes de l’armée israélienne qui a justifié cet acteen disant que la télévision palestinienne encourageaitet soutenait les terroristes potentiels. Dans le mondearabe, les actes terroristes épisodiques donnentl’occasion aux gouvernements arabes de justifier lemaintien en place de restrictions sur l’information,dans le but de protéger les intérêts de la sécuriténationale ainsi que de combattre le terrorisme.

Toutefois, il semble que les analyses sur comment lesmédias devraient ou ne devraient pas répondre auterrorisme continueront aussi longtemps que de tellesactivités auront lieu, et il fort possible que nous neparviendrons jamais à trouver des réponsessatisfaisantes. Anderson (1993) pense que la pressedoit accomplir son devoir qui est celui d’exposer etde présenter l’information objectivement, et, de cettefaçon, servir le bien public. La censure par les autoritésgouvernementales serait une erreur grave, et les soi-disant directives générales sont trop souvent vaguesou inadaptées à des événements particuliers pour êtreutiles dans ce genre de situations.

Quelles sont les choix politiques majeures, pour unesociété démocratique, en ce qui concerne la façon dontles médias répondent au terrorisme ? D’abord, il y ala politique du laissez-faire qui suppose que rien despécifique ne devrait être fait quant à la couverturemédiatique sur le terrorisme. La seconde option estcelle d’une certaine forme de censure médiatique oude règlement statutaire. La troisième qui remporte les

suffrages des organisations de professionnels desmédias et qui consiste en une certaine retenue, afind’éviter les dangers de la manipulation et del’exploitation par les groupes terroristes (Wilkinson,1997). Pour plusieurs raisons, il est certainementdifficile de refuser aux médias de découvrir la véritéquant à la violation des lois internationales sousprétexte d’allégations mensongères.

Les formes d’injustices mondiales ainsi que les actesde terrorisme de l’occupant colonial doivent être lefondement et la substance de toute presse libre, dansune société libre et démocratique. Les professionnelsdes médias doivent traiter de ces questions de façonplus exhaustive, afin de faire prendre conscience auxgens des effets dangereux de ces formes de terrorisme.Par ailleurs, traiter des actes de terrorisme perpétréspar des individus ou des groupes d’individus dépenddu sentiment que le journaliste a de sa responsabilitésociale et de sa capacité à se remettre en question.

Suggestions pour des étudescomplémentaires

Si la documentation sur les médias et le terrorismeparvient à certaines conclusions générales sur com-ment les médias présentent la violence et le terrorismeet sur comment les médias occidentaux, en particulier,participent à la mobilisation de l’opinion publiqueinternationale contre les Arabes et les musulmans,l’approche n’est cependant pas exhaustive et ne permetpas de comprendre la relation qui existe entre lesmédias et le terrorisme. Les problèmes de violence etde terrorisme ont une sensibilité culturelle etidéologique, car, comme il existe de nombreux pointsde vue qui définissent et interprètent ces phénomènes,il y a différents médias et différents individus quiopteront pour des positions et des attitudesdifférentes.

En tenant compte de cela, je suggère que la recherchearabe future sur la violence et le terrorisme traite desquestions telles que: (i) comment et pourquoi lesterroristes utilisent les médias; (ii) comment les médiasarabes caractérisent les actes et les auteurs de violencepolitique et de terrorisme; (iii) quel est l’impact de lacouverture médiatique, sur la violence et le terrorisme,sur l’opinion publique; (iv) comment les adversaireset les sympathisants des terroristes utilisent Internetpour manipuler le public; (v) quel est l’impact de lacouverture médiatique sur la gestion de la crise et surla prise de décisions; (vi) quelle est la crédibilité dessources locales et internationales des actualités diffu-sées au peuple arabe en période de terrorisme; et (vii)comment les médias américains, israéliens et ara-besprésentent la violence du conflit israélo-palestinien.

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Conclusion

Ce rapport a examiné et évalué la documentation arabeexistante sur les médias, la violence et le terrorisme eta présenté une synthèse globale et une estimation cri-tique des études de recherches. Il a montré la pénuriede travaux d’expert, sérieux, dans le domaine desmédias et du terrorisme dans la Région arabe. Il aégalement attiré l’attention sur le manque de projetssérieux, de recherche universitaire, à partir desquels lesexperts arabes en communication vont devoir travaillerpour contribuer la compréhension des problèmes les plusessentiels auxquels est confronté le système international.

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123 CHAPITRE 12

Annabelle Srebernyet Prasun Sonwalker

Centre forMass Communication Research

University of LeicesterAngleterre

Introduction

Ce rapport présente une vue d’ensemble et une évaluation critique de la recher-che, en Europe, sur les médias la violence et le terrorisme. La dimensioneuropéenne englobe à nos yeux, non seulement, les travaux sur la violence politiqueen Europe, mais également le travail effectué par des experts européens dans ledomaine. Nous n’avons pas intégré la quantité considérable de recherches rela-tive aux médias et à la violence domestique, ou la violence dans la culture populaire,bien que de tels matériaux aient été inclus dans les bibliographies initiales del’UNESCO (particulièrement Gebner, 1988). Ces questions font référence à despolitiques différentes de celles qu’on trouve utilisées ici.

Alors que les débats théoriques sur la relation entre médias et terrorisme faisaientrage dans les années 70-80 (Alexander, 1976 ; Schmid, 1981), question qui a étéréexaminée dans des travaux plus récents (Alali et Eke, 1991 ; Paletz & Schmid,1992 ; Weimann et Winn, 1994), est loin d’être le sujet central dans les étudeseuropéennes sur les médias. Et, quoiqu’une partie substantielle du travail traitedes causes du conflit politique et de la nature de la violence politique, lesconsidérations spécifiques du rôle des médias dans les conflits ont suscité peud’intérêt dans la recherche en Europe, sauf quand il s’agit des Balkans et de lacrise du Kosovo.

Méthodes de recherche

La période dont il est question est celle qui va de janvier 1998 à décembre 2001,période de quatre années durant laquelle les ouvrages ont été présentés ou publiés.L’UNESCO a indiqué que cette période a, principalement, été choisie pour des raisonspragmatiques, mais également pour coïncider avec la montée de la violence politique et le terrorismedans les différentes parties du monde. Cependant, ce n’est pas une image très exactepour l’Europe. La “vision synoptique de l’Europe” de Patterns of Global Terrorism,publiée par le département d’Etat des Etats-Unis, concernant les années 98-2001(Voir www.state.gov/www/global/terrorism/1998Report/europe.html) indiqueque pour 1998, le nombre d’incidents terroristes a, en fait, baissé en Europe. Lesraisons à cela sont en grande partie dues à une vigilance plus grande des forces de sécurité etla reconnaissance par certains groupes terroristes que les controverses d’ordre ethniques et politiquesqui se prolongent devraient faire l’objet de négociations. Le rapport identifie les principauxincidents de terrorisme : le terrorisme en Espagne est entièrement attribué à l’ETA (lePays Basque et sa liberté). En Turquie, la plupart des incidents ont été attribués au PKK(Parti des travailleurs du Kurdistan). En Grèce, différents groupes anarchistes et terroristesont continué à opérer avec une quasi impunité. L’acte terroriste le plus meurtrier a eu lieu àOmagh, en Ireland du Nord, quand une faction dissidente de l’IRA (l’Armée RépublicaineIrlandaise) a fait exploser une voiture piégée, dont la bombe pesait environ 226 kilos et qui atué 29 personnes, y compris des enfants.

De même, qu’en 1999, en Europe, il y a eu très peu de victimes et d’incidents liésau terrorisme. En 2000, l’Europe de l’Ouest, plus que tout autre région du monde,a assisté à une baisse, la plus importante, dans le nombre d’incidents liés auterrorisme international. Plusieurs pays européens ont décidé de renforcer et decodifier les lois anti-terroristes, et de nombreux pays ont signé The InternationalConvention for the Suppression of Terrorist Financing, présentée pour signature le 10janvier 2000. Après les attaques terroristes du 11 septembre, les nationseuropéennes ont répondu en offrant une assistance immédiate pour gérer la criseet construire une coalition internationale contre le terrorisme, en procédant àdes arrestations de personnes liées à Al-Qaida, en Belgique, en Bosnie, en France,en Allemagne, en Italie et au Royaume Uni (www.state.gov/s/ct/rls/pgtrpt/2001/html/10240.htm).

Médias,violence

etterrorismeen Europe

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Ainsi, deux points sont clairs. D’abord, les incidentsdus au terrorisme ont, en fait, baissé en Europe durantla période de l’étude menée par l’UNESCO. Cela setrouve reflété dans la nature discursive et aléatoire dela production universitaire. En second lieu, la pro-duction universitaire de cette période en question étaitdominée par la dynamique médiatique de la crise duKosovo. Cela reflète à la fois la position centrale desBalkans en tant que crise politique majeure durant lapériode, mais également la longueur habituelle de larecherche universitaire et le cycle de publication, quipresque garantissent qu’aucune réponse hâtive,concernant les événements, ne puisse être publiée.Tandis que le 11 septembre a clairement été undéclencheur qui a ravivé l’intérêt sur ce thème, dansla recherche, qui pour la plupart n’a pas encore atteintle domaine public. Selon nous, une quantitéconsidérable d’études pertinentes seront publiées dansun ou deux ans, mais on ne peut les inclure ici.

Le courrier et Internet signifient que la conduite d’unetelle recherche bibliographique a certains avantagessur les travaux entrepris plus tôt. Les recherchesbibliographiques sur Internet sont plus rapides, lesactivités de recherches plus transparentes, lespersonnes et les organisations sont plus faciles àlocaliser qu’avant. Nous avons envoyé des demandessur de nombreux serveurs dans des disciplinesdifférentes (science politique, relations internationales,communications et études de communications). Noussommes entrés en contact direct avec des personnesconnues pour travailler dans ce domaine et avec des“think tanks” (groupes de réflexions), des institutsde recherches et des départements d’universités.

Nous avons utilisé différentes banques de données, ycompris BIDS/IBSS, INGENTA et d’autres. Il y a,sans aucun doute, une tendance qui favorise lesmatériaux en langue anglaise, un penchant qui est peut-être inhérent à la structure du Net et à ses outils. Alorsqu’on a pu avoir pleinement accès à une grandequantité de données, certaines ont été extraitesélectroniquement et sommes dépendants des résumésdu contenu de la recherche, écrits par les auteurs, etqui souvent n’informent pas sur la démarche. Nosrecherches ont donné environ 100 documents,principalement en langue anglaise. Nous avonségalement trouvé quelques références en français, enallemand, en serbe, en grec, en norvégien et enespagnol. On n’avait cependant pas accès aux textescomplets, à la traduction ou aux résumés en anglais.Ces éléments n’ont pu être inclus. La barrière de lalangue, le manque de coordination dans la rechercheet le manque de sites clés, à travers l’Europe, consacrésà la recherche en communication sont, tout à fait,manifestes.

Synthèse et évaluation critiqueSynthèse et évaluation critiqueSynthèse et évaluation critiqueSynthèse et évaluation critiqueSynthèse et évaluation critique

Découvertes générales

La recherche que nous avons pu identifier a été rédigéeprincipalement en anglais et a été menée dans unnombre limité de pays. Nous n’avons presque pastrouvé d’ouvrages en Italie, et peu en Scandinavie ouen Europe de l’Est. La recherche n’est pasnécessairement déclenchée par des circonstances deviolence locale, et ne traite pas forcément de la localitéet de la violence en question. Elle peut se faire parintérêt pour une étude théorique ou pour une étudecomparative de la dynamique des médias.

En général, il y a pénurie de projets qui sont fait dansla durée. Cela est, peut-être, dû au manque de fonds.Il y a peu de recherches consacrées à la couverturemédiatique et la violence politique qui se font dans ladurée, bien que la recherche des schémas de réactionspolitiques et médiatiques soit extrêmementimportante. Il semble qu’aucune des grandes organi-sations, y compris l’Union européenne et l’UNESCO,n’a financé des travaux dans ce domaine.

La plupart du travail de recherche a été consacré à lapresse dans divers pays. Pourtant, différentschercheurs examinent différents journaux, ce quimène, une fois encore, à des contenus aléatoires et aumanque de suivi qui, sans cela, auraient permis auxrecherches de s’imbriquer et aux questions de s’affiner.Il n’y avait presque pas de recherches sur la télévision,bien que tout le monde lui reconnaisse un rôle majeurdans la formation de l’opinion et que le public préfèrede loin ce moyen d’information. Cela est égalementle cas en ce qui concerne la radio, qui retrouve sa place,en temps de crise, et qu’on peut utiliser en TSF quandl’électricité fait défaut.

Certaines crises nous prennent au dépourvu et il est, parconséquent, souvent difficile de mener à bien, etsuffisamment vite, un projet de recherche. La rechercheuniversitaire n’est pas connue pour conclure de façonhâtive. Ainsi, très peu de pays ont quelque chose quiressemblerait à des archives des actualités télévisées,comme celles de la Vanderbilt News Archives, aux Etats-Unis, d’où l’on peut extraire des données relatives auxactualités télévisées.

La démarche qui suscite le plus d’intérêt, dans le domainede le recherche, est celle qui privilégie la rhétorique etl’analyse du discours et la plupart des études effectuéesportaient sur le contenu. Il existe peu d’études consacréesà l’interface ou le point de rencontre, politique-médias,et encore moins à celle de militaire-médias, bien que lesdeux soient le point d’ancrage à partir duquel on peut

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explorer les questions qui font l’ordre du jour, l’originedes cadres discursifs et les questions liées à lapropagande et au contrôle. Les recherches contenantdes interviews de journalistes, d’hommes politiques,des porte-parole gouvernementaux ou des militairesn’ont pratiquement pas été utilisés et on n’a pas tropcherché à trianguler. En dépit de l’utilisation, largementrépandue, de la méthode comparative, on ne trouvepas d’étude comparative consacrée à la couverturemédiatique européenne et américaine qui aurait permisd’explorer pleinement le potentiel de “l’effet CNN”.

Assiste-t-on à la naissance d’une hégémonie mondialeorchestrée par les Etats-Unis, relayée par les chaînesde télévisions américaines et ensuite par les médiaseuropéens ou à celle d’un consensus politiqueeuropéen plus modulé contre la politique étrangèreaméricaine ? Questions qui semblent importantesquand il s’agit de faire l’analyse des médias dans cedomaine. Comme cela a déjà été indiqué, il estsurprenant que la plus grande partie du travail de larecherche européenne, durant la période impartie, n’aittraité des médias et de la violence politique que dansles Balkans et le Kosovo. Le reste de la recherche ades objectifs et des orientations si différents, mêmeen matière de terrorisme, qu’il est difficile de trouvercomment les parties pourraient s’imbriquer pourformer un ensemble cohérent de rechercheuniversitaire.

Les médias et la violence politique dansles Balkans

La principale découverte, bien que non universelle,qui ressort de l’ensemble de cette étude, est que lesmédias européens se sont pliés, sans la moindre gêne,à la ligne du gouvernement de l’OTAN et se sontjoints à la propagande de guerre. D’un autre côté, desétudes comparatives détaillées suggèrent quedifférents systèmes de médias européens ont parlédu Kosovo de façon différente, reflétant à la fois lasphère publique fragmentée de l’Union européenne,mais également la manière qu’ont une rhétoriqueminutieuse et une analyse du discours à produire ladifférence. L’analyse du point de rencontre entre mass-médias et nouvelles technologies suggère que dans leconflit du Kosovo, le Web a réduit la couverturemédiatique à être considérée comme de la propagande,en opposition à la perception de la “bonne guerre”durant la crise du Golfe.

Relations entre gouvernement etmédias

Peut-être que le domaine spécifique de recherche leplus significatif s’est focalisé sur les relations

gouvernement-médias dans les différentes régions.Hammond et Herman (2000) ont analysé le rôle par-tisan et propagandiste des médias occidentaux dansla reproduction du point de vue des autorités. Hryatinet Trampuz (2000) traitent de la manière dont lesmédias serbes ont nationalisé, mobilisé et introduitl’émotion dans la sphère publique en utilisant le“journalisme patriotique”, pendant que les autoritésserbes oeuvraient à la propagation du nationalismeserbe et mettaient en oeuvre, dans les années 90, lanouvelle loi sur les médias. Période durant laquelleles abus contre les médias ont démarré. Certainsanalystes se sont concentrés sur comment lesnouvelles technologies de l’information avaientchangé, de façon générale, la forme de la guerre.Livingstone et.al. (2000) analysent les changementssubis par l’Institution militaire et par les Affairesétrangères et créés par le nouvel environnement decommunication mondiale en temps réel.

L’effet CNN: Couverture médiatique etIntervention humanitaire

Un argument populaire, sinon bien fondé, a été émisaprès la crise du Kosovo selon lequel la couverturemédiatique de la souffrance pourrait inciter les soi-disant “humanitaires”, les gouvernementsoccidentaux, à intervenir. Robinson (2000a, 2000b) acherché à retrouver les interventions qui ont étéprovoquées par les médias, en examinant les réponsesque la politique américaine a données aux criseshumanitaires en Somalie, en Bosnie et au Kosovo etil indique qu’il y a une certaine consistance dans lesdéclarations selon lesquelles la couverture médiatiquepeut déclencher le déploiement d’une intervention de la puis-sance aérienne durant les crises humanitaires mais pas celuides troupes au sol. Dans un autre article, Robinson(2000c) propose un modèle d’interaction politique-média comme un outil indispensable pour vérifier ladéclaration selon laquelle la couverture médiatiqueconduit à une intervention lors des crises humanitaires.Il est indiqué que l’influence des médias se produitlorsque la politique est incertaine et que la couverturemédiatique est plutôt critique avec de l’empathie pourceux qui souffrent.

Thussu (2000) examine la façon dont CNN a présentéles bombardements de la Yougoslavie par l’OTAN :comme une “intervention humanitaire”. C’est une desquelques études qui prennent le rôle de la télévisionau sérieux. Hammond (2000a) examine la couverturemédiatique britannique et repère une relation étroiteentre les médias et les militaires. Un journalismeaccessoire qui aide à justifier l’intervention militaireoccidentale comme une intervention humanitaire.Keeble (2000) indique que le gouvernement et les

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médias, tous deux, cachent les horreurs de la “guerrehumanitaire”. On assiste à une forte critique quant aurôle des médias américains devenus le porte-voix del’OTAN. Allen et Seaton (1999) ont de bonnes raisonsde penser que les mythes et les mensonges ont étédélibérément mis en place par les Etats-Unis,conjointement avec les médias, afin que l’action au nomde l’humanitaire obscurcisse l’objectif américain qui estcelui de l’hégémonie planétaire. Phillips (1999) soutientque les principaux médias américains ont sciemmentdiffusé, au public américain, des informations fausses ettendancieuses émanant de l’armée américaine et del’OTAN, avec le gouvernement américain mettant surpied le groupe International Public Information pourorchestrer l’environnement médiatique.

Recherche comparative

La méthode comparative est assez prisée dans les analy-ses médiatiques consacrées à la couverture des crisespolitiques. Cependant, les chercheurs ont choisi diversesautres crises avec lesquelles comparer le Kosovo.Robinson (2000c) a étudié la Somalie, la Bosnie et leKosovo. Ceux qui ont collaboré au livre de Allen et Seaton(1999) ont étudié les représentations qu’ont les médiasde la guerre en Grèce, en Irak, en ex-Yougoslavie, auLibéria, au Zimbabwe, au Rwanda et au Kenya. Kuusisto(1999) a comparé la rhétorique politique occidentaleutilisée contre Saddam Hussein dans la guerre du Golfeavec celle utilisée dans le conflit bosniaque. Keeble (2000)a également comparé le conflit irakien, de 1991, à la crisedu Kosovo, de 1999, en examinant le développementd’un Etat secret en Grande Bretagne, et le rôle des médiasexploré au travers des liens institutionnels et personnelsentre les journalistes et les services de la sûreté.

Une seconde forme de comparaison est celle concernant’examen de la représentation donnée à un momentparticulier et cela au travers d’un certain nombre dedifférents médias. Kuusito (1999) a comparé la rhétoriquepolitique des responsables politiques américains,britanniques et français, tandis que Grundmann, Smithet Wright (2000) ont examiné les discours portant sur laguerre dans les Balkans dans la presse de l’establishmenten France, en Grande Bretagne et en Allemagne. DansHammond et Heerman (2000), divers collaborateursanalysent la façon dont la guerre a été couverte aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Allemagne, en Grèce, enRussie et en France. Nohrstedt et. al. (2000) examinentles discours de la presse en Grèce, en Norvège, en Suèdeet Grande Bretagne et la façon dont les circonstancesspécifiques locales et nationales fonctionnent dans uncontexte de globalisation et de domination d’une super-puissance. De telles comparaisons supposent une logiquepragmatique qui tient compte aussi bien de la disponibilitédes collègues chercheurs que des arguments analytiques

quant au choix de ceux qui procéderont à l’étude com-parative. Savarese (2000) examine, dans dix journauxeuropéens, “l’infosuasion”, la structure narrative et lalogique médiatique. L’ouvrage de Nacos et.al. (2000) estl’un des rares volumes qui font une comparaison, surune longue période, de l’opinion publique en relationavec la politique étrangère aussi bien américainequ’européenne.

Une troisième forme de comparaison consiste à explorerles différences entre plusieurs chaînes de médias àl’intérieur d’un pays. Eilders et Luter (2000) ont examinéle discours, sur la guerre du Kosovo, des éditoriaux decinq principaux journaux allemands. Discours qui sup-pose une très forte adhésion de la presse allemande à lapremière action militaire de l’Allemagne, depuis laDeuxième guerre mondiale. Vincent (2000) examine neufdifférents journaux américains et leurs couverturesmédiatiques de Milosevic et des Serbes et a trouvé qu’ilsétaient en total accord.

Examen de la couverture télévisuelle

On ne trouve pas énormément de travaux de recherchesconsacrés à la télévision, malgré qu’elle soit le médium leplus populaire pour la diffusion de l’informationinternationale et celle qui est la plus intéressée par unordre du jour composé d’événements violents“visuellement palpitants”. La plupart des pays n’onttoujours pas d’archives des actualités télévisées, ainsi ilfaut un chercheur très enthousiaste pour enregistrer lesprogrammes télévisés, en temps réel, pour une éventuelleanalyse de recherche. Thussu (2000) examine lesnouvelles télévisées de la couverture médiatique de CNN,indiquant qu’elle a reproduit l’ordre du jour des Etats-Unis pour une audience mondiale afin de former uneopinion publique qui soutiendrait la guerre. Cependant,récemment, et en dehors de la période délimitée pourcette étude, McLaughlin (2002) a examiné un échantillonde bulletins d’informations britanniques et américainsen relation avec les campagnes de l’OTAN en Serbie etau Kosovo et il conclut que la présentation des informa-tions émanant de l’OTAN étaient souvent traitées avecle scepticisme professionnel approprié. Cela estremarquable d’autant qu’il est un des quelques critiquesde médias à dire qu’ils ne se sont pas pliés à l’OTAN.Analyse rhétorique et analyse dudiscours

Les analyses rhétoriques et du discours utilisé dans lacouverture médiatique étaient les méthodes de recher-che utilisées les plus populaires. Penalva et Mateo (2000)ont procédé à une analyse sémiotique de la couverturemédiatique, de l’intervention de l’OTAN au Kosovo, duquotidien espagnol El Pais, qui a révélé la tendance

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des médias à exposer les événements dans une struc-ture narrative dans laquelle les acteurs sontprédéterminés. Scott (1999) examine les argumentsavancés quant à l’intervention de l’OTAN au Kosovopar des cosmopolites et leurs critiques, tels qu’ils sontprésentés dans la presse de qualité en Allemagne, avecquelques différences quant au débat en GrandeBretagne. Goodwin et Hills (2001 examine lesréponses de l’OTAN au bombardement del’ambassade de Chine, à Belgrade, telles qu’elles ontété reportées dans la presse, en langue anglaise, deHong Kong. Cela portait principalement sur les per-ceptions que la Chine a des nations occidentales etréciproquement et sur les contradictions entrel’interdépendance économique actuelle de Chine etde l’Occident et son désir d’indépendance politique.

L’écran médiatique et l’horreur

Un genre d’analyse qu’on trouve tout au long de cedocument est celui du pouvoir de l’image visuelle dela violence. Le terrorisme ou la prise d’otages peuventfournir des images dramatiques qui attirent une audi-ence médiatique considérable. Doubt (2000) voit laBosnie comme un écran médiatique mondial pour unconte moral effrayant. Hryatin et Trampuz (2000)regardent le film “Wag the Dog”, et débattent du rôledes médias non seulement dans la façon d’en parlermais également dans la préparation de la guerre.Scanlon (2001) a examiné deux incidents qui ont captél’attention des médias : Waco, Texas et ledétournement d’un avion d’Air France et ont montrécomment la surenchère de la couverture médiatiqueavait soulevé des questions sur les réponses efficacesà apporter et sur le leadership politique. Haynes (1999)a examiné un récent docudrame sur la Faction del’Armée rouge et a suggéré que les journaux et le filmservent de forum pour débattre des questions difficilesque soulève la violence politique.

Histoire et mémoire

Les médias jouent le rôle de gardiens de la mémoirepublique, mais dont les souvenirs et le récit historiquesont souvent contestés. Huyssen (2000) travaille surles discours de la mémoire, en particulier, sur les récitsde l’Holocauste que sont venus alimenter les politiquesgénocidaires au Rwanda, en Bosnie et au Kosovo, enexaminant les médias comme des transmetteurs demémoire et de leur influence éventuelle sur la per-ception et la temporalité. L’essai de compte rendu delivres de Hammond (2000b) examine la productioninstantanée journalistique de l’histoire et son manquede perspective dans la situation où il s’agit de couvrirla guerre et le conflit.

La campagne de l’OTAN au Kosovo a déclenché undébat sur la “virtualisation” du conflit par le biais desnouvelles technologies qui donnent une expériencedéréalisée et lointaine. Carruthers (2001) remet enquestion l’ampleur qu’a pris le conflit dans un âge detechnologie virtuelle et de motivations “vertueuses”.Whine (2001) met en contraste l’Islam et letotalitarisme, et indique que les deux mobilisent lesmasses pour combattre une menace extérieure et lesdeux s’appuient sur une communication de masse etsur l’élimination de toute dissidence pour ques’épanouisse leur idéologie de monopole.

Parole traumatisée

Certains travaux dans ce domaine naissent d’unepréoccupation psychologique pour les effets sur lasanté mentale. Slone (2000) a procédé à une expérienceportant sur la couverture médiatique de situations oùil est question de menace nationale et d’anxiété. On amontré à un groupe expérimental des courts extraitsde nouvelles télévisées sur le terrorisme, et au groupetémoin des extraits qui n’avaient aucun rapport avecla sécurité nationale. Les résultats ont confirmé l’effetinducteur d’anxiété de la situation expérimentale,suggérant la nécessité d’un travail plus approfondi surla couverture médiatique de la violence politique etdes processus psychologiques. Hobart (2000) a étudiécomment le commun des mortels, au Bali, voit le rôledes mass médias qui maintiennent l’ordre politiqueexistant et qui, avant les émeutes qui ont conduit à lachute du régime Soharto, ont suggéré que le nouvelordre social et politique ne pouvait émerger qu’à lasuite d’une violence apocalyptique. Un travail plusrécent par Skirrow et. al. (2002) a traité l’influence desévénements médiatiques sur le contenu hallucinatoiredes patients, d’une unité de soins intensifs, et ontdécouvert que durant la guerre au Kosovo, les pa-tients, particulièrement les vieilles personnes, avaientde fortes chances d’avoir des expérienceshallucinatoires avec des thèmes liés à la guerre ou auxmilitaires.

Média et terrorisme

Un nombre restreint de documents, entrant dans cettepériode de recherche, ont spécifiquement traité duterrorisme, bien qu’il existe, à notre sens, une quantitéconsidérable de recherches et de textes que le 11septembre a suscités et qui sont en cours, comme celaa été indiqué lors des présentations des conférences àtravers 2001-2 et seront bientôt publiés.

Kaminaris (2000) examine le lien entre gouvernement,médias et terroristes en Grèce, en indiquant que le

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terrorisme est peu répandu là-bas, mais que la cri-tique s’est amplifiée de façon considérable contre legouvernement grec quant à sa relation avec lesterroristes. Silke (2001) et Merari (1999) indiquent,tous deux, que les événements terroristes ont dominéla une des médias et le dernier d’ajouter que leterrorisme n’a pas changé fondamentalement depuisde nombreuses années et que, fidèle à sescaractéristiques inhérentes celles d’un moyen de lutte,pour le meilleur et pour le pire, et que le terrorismene peut pas changer de façon significative (proposécrits avant le 11 septembre). Gordon (2001) indiqueque le système de communication des experts relatifà la recherche sur le terrorisme est à la fois ouvert àl’information en provenance du gouvernement et desmédias, mais fermé à l’information qui se déverse versla presse populaire. Un système d’information plusfermé pourrait aider le système de communicationdes experts à se renforcer et à devenir une disciplinede recherche universitaire autonome.

Les implications éthiques de la formulation politiqueà la télévision (Iyengar, 1991) et plus particulièrementde la couverture médiatique de la violence a généréune documentation théorique considérable (Tester,1994 ; Boltanski, 1999 ; Moeller, 1999 ; Cohen, 2001).Cela a soulevé de profondes questions, à la fois, surles processus de production des nouvelles et desréponses de l’audience. Cette question s’inscrit,comme un thème implicite, à travers la plupart desouvrages cités ici.

Violence politique et le Web

Il est étonnant que peu d’ouvrages aient été publiés,durant cette période, sur la fonction et l’utilisation duweb en des temps de crise politique. Une fois encore,il semble que les travaux de l’après-11 septembreauront, par nécessité, à observer attentivement le rôledu web en tant que source mondiale de nouvelles.Hall (2000) étudie le Kosovo comme “la premièreguerre du web” et la manière dont la guerre del’information a été livrée sur le Net, entre l’OTAN etla Serbie, a arbitré la vraie guerre de façon nouvelleen s’adressant à des lecteurs à la fois en Serbie et àtravers le monde. Purcelle et Kodras (2001) examinentles efforts que fait la Slovénie pour créer une nouvelleimage d’elle-même via Internet, en essayant de sedissocier du nom de Balkans et de persuader l’Unioneuropéenne et l’OTAN de leur hâte à l’adhésion.Bieber (2000) a indiqué que pendant qu’Internetsoulageait la pénurie d’informations en Yougoslavie,il a également aidé les médias indépendants à atteindreun groupe d’utilisateurs. Tiryakian (2001) propose uneanalyse structurelle et fonctionnelle de la dynamiquedu conflit ethnique et de la responsabilité des Etats

démocratiques à intervenir pour atténuer de telsconflits. La modernité de la “guerre virtuelle”intensifie également la responsabilité des médias, enparticulier la télévision.

Avec un objectif plus général, Watts (2001) indiquequ’Internet a aidé à la fois la croissance commercialeet politique de la culture skinhead et d’autresgroupuscules de l’extrême droite, en fournissant unmoyen de soutien et de croissance. Grillet (2001)étudie l’utilisation que font les terroristes et desextrémistes d’Internet, pour un nouveau type deguerre qui est celui de l’information et indique queles gouvernements vont devoir trouver le juste milieuentre la liberté d’expression et la sécurité nationale.

Herde (2000) traite principalement des aspects de laguerre de l’information de la seconde campagne russo-tchétchène de 1999, y compris l’exploitation qu’ontfait les tchétchènes d’Internet et des critiques de lapresse interne russe à l’encontre de la guerre,fournissant un leitmotiv de la transformationsystémique de la Russie. Watts (2001) montre que lescrimes racistes sont en augmentation en Allemagnedepuis l’unification, tandis qu’un tiers des incidentsviolents sont les actes de groupes de jeunes nonaffiliés, à caractère non officiel et non pas de groupesidéologiquement identifiables comme cela a été le casprécédemment. Il suggère que la xénophobiecontemporaine est liée à des éléments agressifs de laculture jeune, mais également à des réseauxidéologiques internationaux soutenus par Internet.

Suggestions pour une recherchecomplémentaire

Il apparaît que les débats sur la relation entre les médiaset le terrorisme, si violents dans les années 70 et 80,avaient cessé de figurer à l’ordre du jour de la recher-che universitaire jusqu’aux événements tragiques du11 septembre 2001, qui ont réintroduit, avec force, leterrorisme à l’ordre du jour de la politique publique.En examinant attentivement la documentationuniversitaire on a trouvé peu d’ouvrages qui ont étudiéde près les définitions du terrorisme, la relation entrela violence symbolique et les médias ou la couverturemédiatique des actes terroristes. On anticipe une rafalede nouveaux ouvrages, traitant principalement ouréinterprétant ces questions, d’être actuellement enimpression, mais qui n’entrent pas dans les attribu-tions de cette étude.

Il semble que le travail universitaire n’est pasimmédiatement réactif aux événements extérieurscomme cette étude le laisse sous-entendre. La recher-che demande du temps pour trouver des fonds, pour

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l’organiser et pour l’entreprendre et le cycle de publi-cation ralentit, encore plus, l’arrivée de l’ouvrage dansle domaine public, et, par conséquent retarde tout im-pact potentiel sur les prises de décisions ou sur la for-mation d’une opinion publique. Le travail universitairecherche plutôt à affiner les constructions théoriques,à vérifier les hypothèses, et à procéder à un travailcomparatif. En fait, la plupart des travaux découvertsici sont des thèses de doctorat individuelles, quidonnent une idée des difficultés que peuventrencontrer les groupes d’universitaires pour organ-iser un travail aussi intensif sans avoir le temps et lesfonds nécessaires. Les difficultés multiples pourl’entreprise d’un travail de recherche, dans un domaineaussi contemporain que critique, nécessitent que lesprincipales institutions identifient les priorités etaccordent leur financement à une telle recherche. Unrôle qui pourrait incomber à l’UNESCO et au Conseilde l’Europe.

On trouve quelques études, faites sur une longuepériode, qui cherchent à vérifier si la couverture d’unconflit particulier change au fil du temps à l’intérieurdu système médiatique, selon les changements de di-rection ou de propriétaire et de l’objectif des médias.Tandis qu’il y a une pléthore d’études comparatives,chacune compare des choses différentes : différentspays, différents médias, différents périodes. Il n’y a,cependant pas, d’analyse sur les avantages et lesinconvénients de l’analyse comparative : si on n’estpas en train de comparer ce qui est comparable (etcomment peut-on le définir ?) alors quelle est l’utilitéde l’analyse comparative? L’impact éventuel de lacouverture médiatique nécessite une meilleure recher-che. Il existe une réalité anecdotique, celle des élitespolitiques et diplomatiques se dépêchant pour regarderCNN, afin de comprendre les événements mondiaux.Il est nécessaire qu’il y ait plus de recherches surl’interface, ou le point de contact, élite-média et surles effets de la couverture traditionnelle sur la prisede décision. C’est-à-dire que, tout en essayant decomprendre pourquoi les élites politiques essaientd’influencer et de structurer la couverture médiatique- par exemple, le Pentagone contrôlant l’obtentiondes accréditations de presse durant la guerre du Golfe; ou le rôle des briefings de l’OTAN - il est égalementessentiel de comprendre comment ces élites sont,elles-mêmes, influencées par les productionsmédiatiques. L’accès aux sources est difficile, maispeut-être il faudrait faire plus d’analyses portant surles sources secondaires, telles que les mémoires, lesautobiographies, etc.. ainsi que sur des documentsgouvernementaux. Et comme les documents classéssecrets suivent un lent processus avant d’entrer dansle domaine public, cela implique une approchehistorique dans ce domaine de recherche.

Les nouveaux domaines de recherche incluraient uneanalyse de la couverture médiatique et du rôle desforces pour le maintien de la paix, à la fois en Europeet au-delà, telles les forces européennes déployées auSierra Leone et en Afghanistan. Cela engloberait lebrouillage des frontières entre l’activité militaire etpolitique et les relations entre les troupes en questionet les gens du pays, parmi lesquels ils se retrouventplacés. Nous n’avons trouvé aucune recherche de cetype.

Il semble que c’est un moment important pour élargirle domaine de recherche, et reconnaître les différentstypes de violences avec les différents schémas causalset les différents effets. Il est à peine possible dereconnaître la violence domestique dans la sphèreprivée, violence qui provient des privations, de ladrogue et de l’exclusion sociale, et plus ouvertementdes formes politiques de violence par des proto-na-tions et des groupes schismatiques. Pendant que cesformes de violences ne peuvent simplement pas êtrecomprimées ensemble, elles ne peuvent pas non plusêtre strictement séparées. Hill (2001) est un desquelques analystes qui essaie de faire une telle relecturedes débats. Il examine les étapes clés dansl’amplification des risques de violence médiatique surle plan moral et physique, en étudiant le rôle desmédias, des hommes politiques et des groupes de mili-tants contre la violence. Ces groupes cherchent àcontrôler la circulation de l’information portant surdes exemples de stigmatisations de la culture populaireet des audiences médiatiques, en essayant de créer unenvironnement moral et culturel “plus sûr”.

Il nous faut une meilleure définition de ce qui constitueune violence politique, étant donné que ces formesont des ramifications politiques sous une forme ousous une autre. Ball-Rokeach (2001) a écrit sur lanécessité d’analyser les forces politiquesopérationnelles en étudiant les effets médiatiques etla violence arbitrée et en particulier, créer des com-missions et rédiger des rapports de commission. Celapourrait être le début d’une nouvelle réflexion et d’unerecomposition du champ fragmenté de la violence etdes médias qui entreraient dans la révision de la façondont on comprend le “politique”.

Un examen plus sophistiqué de l’emboîtement desdifférentes formes de violence conduirait à seconcentrer sur la nature du conflit et de sa couverturemédiatique, c’est-à-dire sur le genre auquel ilappartient, masculin ou féminin. Cela pourrait nonseulement inclure la nature du conflit politique etl’impact différentiel de la violence politique sur leshommes, les femmes et les enfants. De même, qu’onpourrait également examiner la nature de la couverture

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médiatique, en explorant si les femmes journalistes etles rédactrices en chef se concentrent sur d’autreshistoires ou choisissent des angles de vue différentset qu’elles apportent, à leur récit, un tout autreéclairage. En outre, la violence politique dans les“théâtres de guerre” a souvent des conséquencesprofondes sur les relations dans les “théâtresdomestiques”. Problèmes qui commencent à peined’être reconnus comme tels, encore moins de fairel’objet de recherche.

Malgré une prise de conscience croissante de la na-ture, c’est-à-dire la catégorie de genre, féminin oumasculin, du conflit politique et de la couverture quilui est consacrée, très peu d’ouvrages ont effleuré cettequestion. Un travail récent comme celui de Del Zotto(2002) indique que les expériences de guerre desfemmes étaient tout à fait déformées dans les médiastraditionnels. Utilisant le modèle d’analyse de contenuspour les médias de 21 nations, elle indique qu’il y a euun “blackout” quant aux expériences de guerre desfemmes et une déformation de ces mêmesexpériences, qui pour la plupart portent, en elles, desquestions cruciales qui auraient permis au public demieux comprendre la guerre. De même, dansl’interview de Playdon (2002) avec Eve-Ann Prentice,il y a eu discussion sur le fait qu’être femme l’a aidée àobtenir un emploi comme journaliste.

Quelques remarques en conclusion

Une restriction majeure à cette étude a été celle del’étroitesse du terrain linguistique dans les bases dedonnées universitaires. Alors que les nombreusesbases de données que nous avons consultéescontenaient des matériaux dans une langue autrequ’anglaise, il n’en demeure pas moins que c’est unequantité infime par rapport à la totalité des références.Nous sommes pleinement conscients de laprépondérance de la langue anglaise dans cette étudeet des difficultés d’essayer d’y remédier dans le courtterme. En effet, il y a probablement une forte tendanceà utiliser la langue anglaise dans la rechercheuniversitaire dans son ensemble. Si ce domaine derecherche est celui de la politique et de la significationpolitique, comme nous pensons cela être le cas, alorsun centre, peut-être au sein d’une université, pourraitêtre créé et servir comme centre d’archives ou de clear-ing house pour la collection, les annotations et lescontrôles en cours dans ce domaine de recherche. Deplus, un travail sérieux nécessite du temps et un soutienfinancier. Ce sont des fonctions que l’UNESCO et leConseil de l’Europe pourraient endosser. D’ailleurs,étant donné que cette recherche a été entreprise pardes chercheurs résidant à l’extérieur de l’Europe, ilspourraient aussi bien faire des recommandations

similaires pour leur région du monde où un centred’archives, avec une documentation internationaletraitant de ce thème, serait le bienvenu.

Etant donné la quantité de langues européennes danslesquelles s’effectue la recherche, il est nécessaired’assembler les données sur un site central. A cet effet,un site interactif sur le web pourrait être créé danslequel les chercheurs des différents pays européensferaient entrer les données qui deviendraientdisponibles pour ceux qui travaillent dans le domaine.Une telle initiative pourrait être assumée par une or-ganisation qui est à la pointe, telle que l’UNESCO oule Conseil de l’Europe dont les capacités, dans ledomaine de la traduction, pourraient être exploitéesen vu de disséminer le plus largement possible, et êtreutile à la politique générale et à la recherche. Uneconférence qui regrouperait des chercheurs, travaillantdans ce domaine, pourrait aider à synthétiser la re-cherche à travers l’Europe et indiquer les disjonctionsentre les divers théâtres de conflit.

Au moment où nous écrivons ceci, en octobre 2002,à la suite de nouvelles violences terroristes contre lestouristes au Bali, s’impose une nouvelle question derecherche qui est celle de la relation entre l’expériencedu risque et le rôle des médias amplifiant la peur dupublic. Il y a une tension entre le droit de savoir dupublic, le besoin d’être prévenu quant aux éventuelsactes terroristes, et la possible montée de l’anxiété quegénèrent des déclarations, partout identiques, antici-pant des actes terroristes. L’objectif de cette analysene concerne pas la couverture médiatique d’actes deterreur en eux-mêmes, mais l’interface médias-politique, quand la sécurité publique repose sur unsavoir peu fiable sur les possibles événements futurs.C’est, sans aucun doute, le cas des événements du 11septembre 2001, qui ont remis ces questions à l’ordredu jour de la recherche sur les médias et la violencepolitique, notamment sur la différence d’approche,entre les Etats-Unis et l’Europe. Ce rapportsynoptique n’est une petite contribution à cette re-prise du débat.

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133 CHAPITRE 13

Jorge Bonilla Vélez etCamilo Tamayo Gomez

Ecole de langues etde communication

Pontificia Universidad JaverianaBogota, Colombie

Introduction

L’objectif de ce rapport est de fournir un résumé et une analyse critique des étudesuniversitaires et des publications sur les médias, la violence et le terrorisme en AmériqueLatine, entre 1998 et 2001. Il y avait deux considérations méthodologiques dans lasélection et le compte rendu des textes qui sont présentés dans ce rapport. D’abord,différentes sources de référence dans la région, ont été consultées et l’information aété récoltée dans les centres de recherches spécialisés dans la communication. La RedIberoamericana de Revistas de Comunicacion a été consultée, ainsi que les annales des sym-posiums nationaux et régionaux organisés par la Federacion Latinoamericana de Facultadesy Escuelas de Communicacion (FELAFACS), l’Asociacion Latinoamericana de Investigadores dela Comunicacion (ALAIC), et les différentes associations nationales de communication.

En second lieu, la sélection des ouvrages se fondait sur des critères académiques. Larecherche était limitée aux études et aux publications qui contenaient : une approcheconceptuelle au thème, même brève, une méthodologie explicative, une bibliographieet autres caractéristiques d’ouvrages académiques. L’échantillon comprenait des rapportscomplets et des rapports partiels sur des projets de recherches et des essais théoriquesétayés d’un savoir empirique, tous extraits, entre autres sources de référence, des annalesdes congrès nationaux et internationaux, des livres, des revues universitaires, et despages du web des centres de recherches en communication. Nous espérons que cerapport sera utile aux personnes et aux institutions concernées par la productionmédiatique, l’éducation, la recherche, et la conception de politiques relatives aux médiaset à la violence en Amérique Latine.

Analyse globale et évaluation critique

Couverture médiatique: Conflit armé et violence politique

La série d’ouvrages que nous avons analysés traitaient principalement de la couverturemédiatique des conflits armés et autres formes de violence politique, y compris, maispas seulement, le terrorisme. Ces études se répartissent en trois rubriques : narrationsmédiatiques qui conçoivent les actualités relatives à la guerre et à la paix ; la situationdes journalistes dans des contextes politiquement violents ; et les interactions publiquesentre journalistes, hommes politiques et groupes armés. Il y a un total de 28 études etpublications. La moitié d’entre elles sont des études universitaires qui, bien que fondéessur des données empiriques, ne visent pas à produire une connaissance expérimentale.L’autre moitié comprend les rapports de recherche qui combinent l’analyse des contenusavec des méthodes sémiotiques qui caractérisent les analyses culturelles et celles dudiscours.

Nouvelles sur la paix et la guerre

La Colombie est l’un des pays où existent quantité d’ouvrages sur ce thème. Il n’est pasinutile de noter qu’on ne trouve, dans aucun des ouvrages analysés, le concept deterrorisme dans le sens de confrontation interne, à l’intérieur de ce pays. Au contraire,tous les articles visent à étudier la confrontation armée sur la base de motivationspolitiques et de causes sociales et culturelles. Ainsi, la discussion n’aborde pas s’il faudraitdes informations sur la guerre, ou si les médias sont utilisés comme outil de propagandepour exagérer les actions et les discours des groupes armés illégaux. Dans cette optique,il y a des ouvrages tels que ceux de Rey (1998), Baron (2001) et Garcia et Romeroapportent des éléments intéressants pour analyser la nature des représentationsjournalistiques du conflit armé. En se fondant sur leurs travaux, on peut voir que lafascination qu’exercent “les événements de guerre” sur l’ordre du jour des médias estdue au fait que ces événements sont associés à l’information de valeur refuge quifavorise le drame, la tragédie, la nouveauté, l’antagonisme et l’héroïsme. De tels récits

Médias,violence etterrorisme

en AmériqueLatine

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détournent constamment des “événements de paix”,car ces derniers n’entretiennent pas de liens avec ledramatique, l’inhabituel ou le choquant.

Il a été souligné que ce genre de visibilité médiatique estproportionnelle à la dégradation du conflit armé (Lopez,2000). Parallèlement à l’escalade et à la dégradation duconflit, l’ordre du jour informationnel gonflel’information valeur refuge en y ajoutant le drame,l’incertitude et le divertissement (Abello, 2001), et la réalitéest pétrie de fiction (Correa, 2001).

Cela se fait au niveau des sujets d’actualités qui nonseulement (re)présentent l’affrontement guerrier de façonsimpliste et dénuée de perspective historique ou decontexte politique (Baron et Valencia, 2001), maiségalement qui banalise l’horreur, renforce l’intolérance(UNDP, 1999), enferme la société dans un rôle de victimepassive, et réduit le journalisme à la représentationhégémonique des points de vue “officiels” (Garcia etPereira, 2000).

Pour certains auteurs, le défi de la couverture médiatiqueest celui de rendre les visages visibles et les voix audiblesde la majorité de la population qui lutte tous les jourspour résoudre les conflits, dans le calme et de manièrecréative, sans recourir à la violence. (Flores et Crawford,2001). Par conséquent, un des aspects sur lequel il faudraittravailler avec les journalistes est celui du cadre politiqueet de l’expérience professionnelle qui fondent leur vi-sion de la réalité. Cela donnerait lieu à d’autres critères àl’information où la paix - la paix culturelle - devient uneaffaire d’intérêt public. Pour y arriver, il faudraitdévelopper les discussions politiques, renforcerl’utilisation du bon sens par le public et reconstruire lessujets d’actualités pour accroître la réconciliation (Rey,2000).

Ceux qui étudient d’autres conflits, qu’ils soient internescomme ceux qui ont lieu au Salvador, au Nicaragua, auGuatémala et au Pérou ou qu’ils soient des conflits defrontières comme celui qui existe entre le Pérou etl’Equateur, reconnaissent que les sociétés en guerre ouavec des niveaux préoccupants de violence politiqueseront toujours confrontées aux restrictions surl’information. Plusieurs raisons à cela : la censure officielle(Cortes, 1999); la persécution des médias libres etindépendants (Herrera, 1998); le manque d’autonomieen ce qui concerne le pouvoir politique (Smeets, 1999) ;la soumission des médias aux politiques anti-subversivesqui empêchent d’informer de façon plus complète et nepermettent pas l’exercice démocratique de la critique.(Acevedo, 2001); et la fièvre guerrière qui gagne les médiaset renforce les vieux mythes qui conduisent stéréotyperl’”ennemi” et à simplifier les causes réelles de la lutte(Reyes, 1999).

Informer en plein conflit:le rôle des journalistes

Une autre préoccupation, commune à tous les travauxanalysés, pointe vers deux directions : les garantiesnécessaires pour travailler en tant que journalistes, et laformation professionnelle indispensable pour travaillerdans des situations de violence généralisée. Albarran(1999) indique que les journalistes courent un grand ris-que quand ils travaillent dans des situations de violence,vu qu’ils font habituellement l’objet de pressions de lapart de l’Etat, des groupes armés illégaux, et même de lapart des propriétaires de médias qui cherchent à lesempêcher de parler de problèmes qu’ils préfèrent laisserdans l’ombre, loin du regard du public.

En ce qui concerne cette situation, certaines étudessuggèrent que les menaces contre les journalistes sont lerésultat de la polarisation, de l’ignorance et de la naïvetéde leur couverture médiatique. D’autres étudessoutiennent la thèse selon laquelle une faible formationprofessionnelle est à l’origine des risques inutiles quinuisent, non seulement, à l’individu mais à la professionen général ; les journalistes deviennent victimes des “feuxcroisés” des acteurs de violence (Guerrero, 2001). Ainsi,il est mentionné qu’il incombe aux journalistes d’êtremieux préparés à comprendre les causes, les intérêts,l’évolution et la logique des conflits, de la guerre et de laviolence.

En quoi consisterait la tâche ? Trois aspects de base de laculture de l’information devraient être renforcés : (i) laformation des journalistes pour couvrir la paix, les droitshumains et la coexistence démocratique dans la mesureoù ils sont des processus sociaux à long-terme (Beltran,1988) ; (ii) la spécialisation des journalistes dans lacouverture médiatique de la guerre, afin de savoirdistinguer entre la propagande et l’information, et derévoquer en doute, de façon intelligente, les sourcesd’informations officielles et irrégulières (Abello, 2001 ;Guerrero, 2001) ; et (iii) l’hypothèse des médias quant àleur responsabilité sociale. Le but, pour le journalismedevrait être celui de devenir un forum démocratique pourl’expression et le débat public, où seront représentés lespoints de vue des secteurs qui cherchent à s’exprimer, àdélibérer ou à défendre l’expression publique (Acevedo,2001).

Sphère publique, information,Sphère publique, information,Sphère publique, information,Sphère publique, information,Sphère publique, information,violence et pouvoirviolence et pouvoirviolence et pouvoirviolence et pouvoirviolence et pouvoir

Un troisième problème, préoccupant, qu’on peut identi-fier dans certains travaux, est basé sur la reconnaissanceque les médias sont des “arènes centrales”, pour lacompétition et l’exposition du pouvoir symbolique, etoù les antagonismes sociaux et politiques luttent pour

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accéder à la sphère publique. On indique, dans certainstextes faisant partie de la série, que dans la violencepolitique, la guerre et les conflits, les acteurs viennentavec leur force contre l’ennemi et avec leur cadred’interprétation symbolique et idéologique pour agir ensociété, vu que ces processus signifient, non seulement,la mort et la destruction mais également la construction.

En examinant une des hypothèses les plus populairessur le rôle des médias dans la violence politique, Peralta(1998) propose d’aller au-delà de l’idée que les médiassont des caisses de résonances pour les acteurs violents.L’auteur indique que les médias, bien plus quedéclencheurs de violence politique, sont immergés dansun système complexe d’interactions et de représentationssymboliques qui impliquent, également, le discoursuniversitaire, l’Etat et les agents de la violence. Aprèsavoir comparé le rôle national et international de la presseen ce qui concerne la violence terroriste perpétrée par leSentier lumineux au Pérou (1980-1994), Peralta (2000)indique que la presse passait de la “spectacularisation”médiatique de la violence, à la conformité au discoursofficiel, et à l’alliance avec le discours universitaire.

Bonilla (2001) et Medina & Garcia (2001) avancent lemême argument. Ils indiquent que la sphère publique,qui inclus les médias, est un espace, en permanence, pleinde tension et contesté. Espace dans lequel les journalisteset les médias établissent des relations de coopération, deconsensus, de censure, d’inégalité, de rupture,d’opposition et /ou d’autonomie avec les autres “agentsde communication” - groupes ou institutions. Cesderniers luttent, à leur tour, pour devenir visibles ouinvisibles, selon les cas, dans les sphères publiques, ainsique pour contrôler et gérer la communication commeune ressource stratégique d’importance vitale pour lagestion militaire et politique, et pour la structurationsymbolique des conflits.

A travers l’analyse du modèle de communication del’EZLN (acronyme espagnol pour l’Armée de libérationnationale zapatiste), et en particulier, de la discussion dusous-commandant “Marcos”, Karam (2001) suggère quela sphère publique devrait être comprise comme unespace permanent de tension, étant donné sa significa-tion sociale. Selon cette analyse, le charisme politique de“Marcos” se fonde sur son habilité à mélanger le dramesymbolique indigène et populaire mexicain avec de latechnologie de réseau. La force de son message n’est pasdans les contenus inductifs et objectifs de la penséeoccidentale, mais plutôt dans l’expression narrative ca-pable de maintenir l’espoir en vie.

Sierra (1998) fait également référence à cette tension dansson analyse du conflit armé mexicain. L’auteur argumentecontre l’idée répandue selon laquelle le conflit dans les

Chiapas serait une “guerre de communication” sans cen-sure, et qu’il serait le résultat de la forme postmodernede confrontation basée sur l’utilisation généralisée del’Internet et sur la position centrale des médias. Selonl’auteur, bien que l’EZLN ait été capable de se positionnerdans la sphère publique internationale au travers d’undiscours basé sur la dignité et les symboles restructurés,le mythe, selon lequel les Chiapas seraient un conflit quiutilise le symbolique et le technologique, empêched’analyser la désinformation, la propagande et la cen-sure. Se sont les méthodes que le gouvernement mexicainet les organismes de pouvoir ont appris dans les manuelsmodernes de la contre-insurrection et qu’ils utilisentaujourd’hui.

Dans le même genre, mais sur un plan moins idéologique,Rey (1998) compare la qualité de la sphère publique etles récits médiatiques aussi bien dans les guerresinternationales que dans les conflits locaux. En se basantsur l’analyse de la sphère publique créée par les conflitslocaux, l’auteur indique qu’il y a des facteurs de visibilitépublique, plus grands, où se combinent l’information etle récit, le drame et la technique, le savoir ordinaire etcelui de l’expert. En contraste, “les guerres de télévisions”d’aujourd’hui réduisent la visibilité du public au traversd’une gestion virtuelle et technologique de la confronta-tion qui empêche que soient montrées l’horreur, la de-struction et la mort.

Les trois études qui font référence à l’attaque terroriste,du 11 septembre, au Etats-Unis méritent d’êtrementionnées : Chaves (2001), Levario (2001) et Pacheco(2001). Les trois analysent la couverture médiatique desévénements, dans les médias mexicains, en se focalisantsur trois aspects principaux de l’information : il n’y avaitaucune obsession pour des images d’horreur, bien quela recherche du sensationnel ait été évidente ; lesexplications mythiques et religieuses des événementsétaient courantes avec un sentiment anti-Américain quine permettait pas d’avoir une analyse rationnelle de lasituation.

Remarques finales

Le terrorisme ne semble pas être un thème particulierpour la recherche, avec cet intérêt que portent lesuniversitaires à la violence dans les médias. Les auteursdes études n’ont pas cherché à analyser le terrorisme, nile rôle des médias en ce qui concerne le terrorisme et sesagents. Ils se sont plutôt concentrés sur l’analyse de lacouverture médiatique et sur la façon dont les médiasmettent en scène la violence en abordant trois thèmesprincipaux : les conflits armés, la violence politique et laviolence criminelle. Les médias - dans les pays où lesconflits armés et la violence politique généralisée, présentsou passés - ont été analysés, à la lumière de leur relation

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complexe avec la sphère publique, et du rôle desjournalistes qui risquent leur autonomie, leurindépendance et leur sécurité personnelle. Une atten-tion particulière a été accordée à la qualité de la visibilitépublique de la violence, de la guerre, de la paix, et del’information “valeur refuge” qui se cache derrière laprésentation de l’horreur, la mort ou la tragédie, maiségalement de la vie, de l’espoir et de la période de l’aprèsconflit.

Dans les pays où il n’y a pas de conflits armés, la vio-lence n’est plus présentée comme une “violencerévolutionnaire” mais plutôt comme une “violencemoléculaire” associée au manque de sécurité, au scandaleet au crime. Dans ces cas, les chercheurs étaient plusintéressés par l’analyse des conséquences, que par l’analyseles contenus violents, des productions médiatiques dansla construction de l’ordre social bâti sur le renforcementde la peur des “autres” et sur les exigences de sécurité.

Dans les deux cas, l’attention devrait être accordée auxétudes comparatives sur les médias, la violence et leterrorisme dans les différents pays d’Amérique Latine.Cela permettrait de faire une comparaison entre lesthèmes qui donnent le ton et imposent l’ordre du jour etle débat public relatif aux conflits armés, à la violence,au terrorisme, au crime et châtiment, et la façon dont onles évalue et utilise politiquement et socialement dans lesdifférents scénarios culturels, contextes démographiques,ordres sociaux, et communication médiatique enAmérique Latine. En termes de portée théorique et delimite de chacune des études, on peut émettre des obser-vations sous deux rapports : D’abord, il faudrait indiquerque la démarche adoptée dans la moitié des articles estplutôt celle de traiter de la relation médias et violencesous des perspectives théoriques différentes. Cependant,leur objectif n’est pas celui de produire un savoirempirique, même s’il se fonde sur des données qui lesont, mais plutôt sur la construction de cadres explicatifspour les études à venir. La communauté de chercheursde l’Amérique Latine est invitée à créer un savoir quidonne des preuves empiriques en effectuant des étudessérieuses et systématiques, et pas seulement des étudesthéoriques qui pourraient être considérées comme depures spéculations. Cette suggestion vient du fait quecertains textes ont nécessité une discussion politique etun débat éthique sur les médias, la violence et le terrorismequi, au lieu de preuves empiriques sur le thème, sebasaient sur des positions pré-établies.

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CHAPITRE 14

David L. Paletzet Jill Rickershauser

Department of Political ScienceDuke University

Etats-Unis

Introduction et méthodes de recherches

Ce chapitre présente un rapport sur la recherche publiée en Amérique du Nord sur lesmédias, la violence politique et le terrorisme, dans une période de quatre années, de1998 à 2002. Nous avons commencé par procéder à une recherche complète, utilisantles mots clés “terrorisme”, “médias”, “violence politique”, “presse écrite”, “télévision”,et “actualités” pour identifier tous les éléments qui pourraient se révéler pertinents.Pour les livres, les mémoires de maîtrise ou les thèses de doctorat, nous avons appliquénos mots clés au WorldCat, un catalogue de bibliothèque où figurent les possessionsde centaines de bibliothèques y compris la bibliothèque du Congrès. Cette recherchea produit plus de 300 éléments, y compris des travaux avec des bibliographies commeceux d’Alexandre (2002), Kushner (2002), et Taylor & Horgan (2000). Nous avonséliminé de nombreux livres qui visaient le grand public et ceux dont la recherche étaitmanifestement dénuée d’originalité. Nous avons également exclu de nombreux livresqui, au premier abord paraissaient pertinents, mais qui, après examen minutieux, n’ontpas tenu leurs promesses, ainsi que ceux qui, même avec un semblant de recherche,avaient à peine mentionné les médias. Après avoir examiné le reste des études, quiavaient de la consistance et un certain niveau d’expertise, nous avons pu identifierseulement douze livres contenant des informations pertinentes. Certains de ces livresétaient des collections éditées (par exemple Kushner, 2002), desquels nous avonsextrait les parties publiées entre 1998 et 2002.

Pour les articles, nous avons utilisé plusieurs banques de données, y compris JSTORet Expanded Academic Index et des revues de science politique, d’économie et desociologie. Le résultat de cette recherche a donné plusieurs centaines d’articles, donton a dû se défaire du plus grand nombre, car ils ne traitaient pas des médias ou enparlaient très brièvement. Nous avons également examiné tous les numéros, publiésdurant la période de recherche, des deux principaux journaux : Terrorism and PoliticalViolence et Studies in Conflict & Terrorism, d’où on a pu tirer quelques articlessupplémentaires. On s’est focalisé sur la recherche, ainsi les rapports destinés auxagences de gouvernements, les séries de déclarations et de documents dénués de touterecherche, tels que les volumes compilés par Alexander et Swetnam (1999), nerépondaient pas aux critères de recherche exigés. On a examiné de près les étudesdes”think tank” (groupes de réflexion) sur le terrorisme et la violence, par exemple celui dela Rand Corporation, mais n’avons trouvé que peu d’informations relatives aux médias.

Une fois le travail de recherche et de sélection documentaire achevés, il nous restaitapproximativement 100 éléments à étudier plus en détail. En les ré-examinant, nousavons trouvé que beaucoup d’entre eux ne faisaient qu’allusion aux médias à l’instarde l’étude de Kushner sur le terrorisme contemporain où les médias ne sont abordésque sur quelques pages consacrées au cyberespace (Kushner, 1998, pp. 74-78), et lechapitre de David Wilcox (dans Alexander, 2002) sur la lutte contre le terrorisme auxEtats-Unis qui contient, en tout, une page sur les médias. Même un livre sur le terrorismeet la Constitution américaine n’y a fait référence qu’en parlant des effets que produirontles restrictions imposées par les lois anti-terroristes sur les médias (Cole et Dempsey,2002).

Analyse globale et évaluation critique

Dans ce rapport, nous discuterons des recherches pertinentes qui nous restent, répartiesdans trois catégories principales avec les sous-catégories qui conviennent. Dans lescatégories, on trouve les contenus, les effets et les technologies d’information et decommunication, à tel point que chaque étude traitera de chacun des sujets. Nousparlerons des objectifs, des questions de recherche, des théories et concepts, desméthodes, des découvertes, des conclusions et des contributions dans le domaine dusavoir et de la connaissance.

Médias,violence

etterrorisme

en Amériquedu Nord

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Contenus

Cotter (1999) a étudié l’impact du rock and roll du pouvoirblanc sur la propagation de la sous-culture néo-nazi. Il acherché les raisons de la permanence de cette sous-cul-ture, de la diffusion, de l’attraction, et de la violenceskinhead. Les principales méthodes de recherches ontété celles de l’analyse des contenus des albums de disques(paroles et music) et des chiffres de ventes qui permettentde mesurer la popularité. L’auteur conclut que la sous-culture skinhead s’est répandue dans plus de 30 pays etqu’il y a plus de 100 groupes de musique du pouvoirblanc. Les thèmes musicaux incluent le fait d’êtreskinhead, la haine pour les autres groupes, l’antisémitisme,les thèses du complot, les incitations à la violence et laguerre entre les races. Cotter conclut que la musiquepourrait aboutir à la création d’organisations skinheadspolitiquement plus efficaces avec une violence à plusgrande échelle.

Yamamoto (1999) traite des lettres de menace envoyéesaux médias. Il compare la couverture médiatique et letraitement que les journaux japonais ont fait du messageenvoyé par un jeune meurtrier et la façon dont lesjournaux américains ont répondu à l’exigence deUnabomber qui demandait qu’on publie son manifeste.Il utilise la théorie, de Robert Merton, sur les schémasd’objectifs culturels et de normes institutionnelles, enorientant sa recherche autour de concepts de déontologieet de responsabilité. La méthode de recherche est cellede l’analyse, à partir d’archives, des raisons et des choixdécisionnels des rédactions de journaux. Il conclut, qu’auxEtats-Unis, raisons et décisions se fondent sur l’intérêtet le mérite de la nouvelle, ainsi que sur les soucis desécurité publique. Bien que l’accent ait été mis sur cettedernière priorité. Il recommande que les médias revoientleur façon d’utiliser les messages de ceux qui utilisent des moyensillégitimes pour capter l’attention des médias (1998, p. 128).

Anderson (1998) se concentre sur le terrorisme iranienparrainé par les médias. Il recherche des corrélations entrele terrorisme anti-Américain et les communications desautorités iraniennes. Sa théorie et ses concepts découlentde la discussion, d’Alex Schmid et Janny de Graaf, surles diverses causes possibles du terrorisme, par exemple,le choix anthropologique et stratégique. Tous deux ontutilisé pour expliquer le terrorisme iranien. Andersonteste un modèle différent qu’il a adopté de BruceHoffman de RAND et dans lequel des factions ennemies,en Iran, utilisent leur vision du terrorisme pour jouer, autravers des médias, les querelles de politique intérieure.L’idée est que la communication politique sponsoriséepar l’Etat, sous forme de menaces ou d’exigences dirigées,en fin de compte à l’encontre d’un public commencebien avant qu’une action terroriste ait pu avoir lieu.

La méthode de recherche sonde les communications del’Etat iranien en utilisant des techniques de codagescatégoriels pour déterminer s’il existe des associationssignificatives entre les catégories de déclarations et lesévénements terroristes. La principale découverte a étéque pour 1% d’augmentation dans les conflits de fac-tions, on comptait, dix mois plus tard, 1,22%d’augmentation dans l’activité anti-terroriste. Andersonconclut que le terrorisme iranien n’est pasanthropologique, mais provient de calculs délibérés decertains individus ou groupes d’individus associés à laRépublique islamique. Cette recherche est plusscientifique que la plupart des autres. Elle se fonde surdes modèles théoriques et teste différentes théories.

Dans son livre de 1998, Annamarie Oliverio étudieprincipalement la façon dont sont décrits les actesterroristes. Elle veut savoir si les descriptions diffèrentet, si c’est le cas, comment et pourquoi ? Ainsi, elle com-pare les présentations faites par les médias et par l’Etatitaliens et américains de la prise du paquebot italien, deluxe, l’Achille Lauro et de la mort d’un de ses passagersaméricains ; du détournement, en 1985, du vol 847 duTWA, en provenance d’Athènes et en direction de Rome,qui a occasionné la mort d’un Américain; et, brièvement,de l’explosion d’Oklahoma City; des activitésd’Unabomber et d’autres incidents. Son approcheconceptuelle est que le terrorisme est définitionnel : cequi fait le terrorisme, c’est le pouvoir de le définir. Laméthode de recherche est celle de l’interprétation textuellede magazines, de journaux, de rapports de gouvernementet d’écrits universitaires dans les deux pays. Oliveriotrouve qu’il dépend des intérêts géopolitiques de chaqueEtat, l’Italie et les Etats-Unis, pour qu’une action soitdéfinie comme du terrorisme. Elle conclut en disant quele concept de terrorisme est utilisé par les autoritésaméricaines pour des objectifs étatistes : pour orchestrerles crises et l’agitation sociale. Ce livre contribue à laconnaissance en nous rappelant qu’il est important desavoir si les événements sont définis ou construits commedu terrorisme et les bénéfices que les autorités peuventen tirer, particulièrement quand leur définition estlargement acceptée et répandue par les médias.

Le sujet de la thèse de doctorat de Hirschberg (1998)porte sur l’attentat d’Oklahoma City et sur celui qui aperpétré cet acte, Timothy McVeigh. Elle s’interroge surcomment l’hégémonie médiatique, la rhétoriqueprésidentielle, les groupes de victimes-survivantes, lamilice et ceux qui croient aux thèses du complotinterprètent ces événements. Les théories et les conceptssont pris de Baudrillard et de Foucault. La méthode derecherche est celle de l’analyse pointilliste du contenu.Les principales découvertes sont celles de l’hégémoniedes médias nationaux convergent pour définirl’événement en tant que symbole national : ceci montre à

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quel point la prolifération et de l’hyperproduction d’images spécifiquessont devenues cruciales pour la reproduction effective de l’idéologie(p.4). La recherche contribue à la connaissance enmontrant que les événements pourraient être décrits dediverses manières, mais qu’une seule prédomine dansles médias.

Sur un thème assez identique, Justin Boyd (1998) montre,dans son analyse du contenu descriptif de la couverturede CNN, que dès l’explosion et durant les deux jours quiont suivi, les médias avec la télévision en première posi-tion ont présenté l’événement comme étant,vraisemblablement, l’acte de terroristes du Moyen Ori-ent. Il attribue cela à l’importance de l’événement et à larude compétition qui est d’informer immédiatement sansattendre de confirmation, le journalisme de meute, lebesoin que ressent le personnel du journal télévisé pourdes histoires courtes et simples, en y ajoutant les procédésdu divertissement, ils en font des mini-drames.

Les effets

Killebrew (1998) considère les attaques terroristes commedes “événements décisifs” qui peuvent influencer l’ordredu jour de l’élite médiatique ou des responsablesgouvernementaux. Il demande qui donne le ton : lesmédias ou le gouvernement ? Comment les événementsdécisifs sont-ils introduits à l’ordre du jour ? Ou font-ilsl’objet de conditions qui ne ressemblent en rien à cellesqui entrent dans le choix d’un ordre du jour ? Lesévénements importants de 1992, de l’attaque au mortierde la résidence du Premier ministre britannique, 10Downing Street, par l’IRA et l’explosion au World TradeCenter en 1993. La recherche est faite d’analyses ducontenu de la couverture médiatique des événementsdans deux journaux américains et deux britanniques luspar l’élite des deux pays, ainsi que des discours de politiquegénérale des autorités gouvernementales compétentes.Bien que ces événements importants aient reçu une largecouverture médiatique et fait l’objet de commentairesde la part des responsables politiques, on ne trouvaitnulle part, après l’attaque du World Trade Center, leseffets d’un ordre du jour qui se prépare. Il y en avait enGrande-Bretagne, mais de façon légère, lors de lacouverture médiatique de l’attaque à la voiture piégée.

Dans les deux cas, la couverture médiatique a plussouligné sur leur nature politique plutôt que criminelle.Killbrew recommande le développement de meilleursmodèles pour fixer l’ordre du jour et que les études fu-tures devraient inclure les effets sur l’opinion publique.

La thèse de doctorat (2000) de James David Ballard traiteprincipalement de l’explosion du bâtiment fédérald’Oklahoma City, en 1995. Evénement qui sert d’étudede cas pour l’examen des trois théories de sociologie

politique : l’entreprise libérale, l’Etat autonome, l’Etatcentralisé. La méthode est celle de l’analyse du contenudes débats de politique pré-existante, de la couverturemédiatique de l’explosion et du débat qui a conduit àl’adoption de l’Antiterrorism and Effective Death Penalty Act,de 1996. Ballard note le peu de soutien pour les deuxpremières théories. Il conclut que la théorie de l’Etat centraliséa été la plus explicative des événements avant et après l’explosion àOklahoma City (p. iii). En analysant les relations de prisesde décisions en sociologie politique sur un acte deterrorisme politique et des processus d’élaboration deprincipes et des politiques, cette recherche contribuegrandement à la connaissance. Les recherches futuresdevraient aller au-delà des témoignages disponibles aupublic pour inclure les discours des hommes politiquesqui contrôlent les séances et qui font l’objet d’un intérêtmédiatique prolongé. Plus important encore estd’appliquer ce même genre d’étude à la destruction desimmeubles du World Trade Center, le 11 septembre 2001.

Hall (2001) travaille sur les sources de la politiqueaméricaine en ce qui concerne le terrorisme et les armeschimiques et biologiques, en examinant le rôle des médiasdans la propagation de la panique. Il étudie en particulierles romans et trouve qu’ils exagèrent le danger de façonridicule. Il les appelle “l’industrie de la menace” (p. 45).L’essai contribue au savoir et à la compréhension enmettant en garde contre une politique publique qui pareà des dangers peu vraisemblables. L’auteur conclut etrecommande qu’au lieu de dépenser un nombre incalculable demillions sur des antibiotiques et des vaccins qui pourraient nejamais servir, j’aimerais voir le gouvernement dépenser cet argentsur la découverte de meilleurs vaccins pour combattre des maladiesordinaires et les réformes du côté économique qui paralyse ledéveloppement de médicaments et leur distribution dans les pays envoie de développement. (p.45)

Information et technologiesde la communication

L’introduction de Ronfeldt (1999) à un numéro spécialde Studies in Conflict and Terrorism et l’article analytique deréférence écrit par John Arquilla dans le même numéro(Arquilla & Ronfeldt, 1999) résument et expliquent leurrecherche sur la relation entre révolution de l’informationet conflit. Ils traitent principalement de ce qu’ils appellentle “netwar” menée par des terroristes transnationaux,des ethno-nationalistes, des criminels et même desdéfenseurs sociaux radicalisés. Ces groupes utilisentInternet et autres services de communication pour lecontrôle et le commandement interne, la coordination,le recrutement, pour se faire connaître et pourcommuniquer avec un public cible. Les auteurs trouventque “netwar” tournera vraisemblablement autour de campagnesde propagandes, guerre psychologique, et diplomatie stratégique...”(p. 203). Ils concluent que pour contrer le netwar peut exiger

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des approches inter-agences très efficaces, qui par leur natureimpliquent des structures de réseaux (Arquilla & Ronfeldt, 1999,p. 200).

Toujours dans la même veine et dans le même numérode revue, Whine (1999) étudie l’utilisation de technolo-gies de l’information et de la communication par lesislamistes et l’extrême droite. Il cite des responsables etdes personnes faisant partie de ces mouvements et donnedes exemples de leurs activités, telles que l’informationenvoyée sur des sites sur Internet. Il trouve l’utilisationdes technologies de l’information et de la communica-tion bon marché et permet d’avoir des communicationsanonymes et clandestines. Il est également amplificateurde force au travers de l’extension de pouvoir et permetainsi aux extrémistes d’atteindre leur public cible et d’autres, enparticulier les jeunes et les gens instruits, quand les médias et d’autresmoyens de communications leur sont refusés. (p. 237) Whineconclut que les mouvements qu’il a étudié utilisaient lesTIC pour la communication et étaient décidés, en 1999,à étendre ce moyen pour commander et contrôler.

Dans un autre article, Whine (1999b) étudie les terroristesislamiques opérant sur Internet. Il pose trois questionsde recherches : Que font les groupes terroristes surInternet ? Où sont-ils ? Comment les chercheurs peuvent-ils utiliser Internet pour apprendre davantage sur lesgroupes terroristes ? Il utilise le concept de “netwar”conçu par Arquilla & Ronfeldt. Sa recherche consiste àcollecter des données sur des sites internet et de parcourirles rapports des services secrets et les compte-rendussur ces mêmes rapports. Il trouve que les groupes utilisentInternet pour les communications internes, nécessitantsouvent des mots de passe donnés seulement auxmembres ou à des sympathisants très proches ; et pourla propagande externe des sites se faisant appeler ou seprésentant comme des agences de presse. Il conclutqu’Internet profite aux groupes islamistes, mais facilitepour les chercheurs la collecte d’informations. Ilrecommande un contrôle rigoureux des sites et de ceuxqui s’y connectent.

Valeri & Knights (2000) traitent de ce qu’ils appellent“guerre de l’information offensive”, des activités avecdes objectifs politiques et stratégiques qui visentl’intégrité, la validité et la confidentialité des données àl’intérieur des systèmes d’information connectés àInternet. Leur article ne se base pas sur des référencesconceptuelles ou théoriques et n’utilise pas de méthodede recherche. Il table sur l’assertion. Ils déclarent queparce que l’infrastructure nationale la plus importanteest bien protégée et qu’il est difficile de s’y introduire, lesterroristes viseront vraisemblablement les sites e-com-merce, créant ainsi la méfiance et des répercussionsnégatives pour Internet. Ils recommandent la coopérationentre le commerce et le gouvernement pour assurer que

e-commerce utilise le genre de logiciel et de matériel quiprotège contre les intrusions terroristes.

Damphouse & Smith (1998) posent la question à savoircomment Internet a changé, pour les terroristes, lesformes de communications. Leur travail estprincipalement empirique, sans trop de référencethéorique ou conceptuelle. Durant les années 95-96, ilsavaient cherché sur Yahoo les supposés groupesterroristes. Naturellement, les organisations ne seprésentent pas en tant que terroristes, ainsi pour lestrouver les auteurs ont utilisé des mots clés tels qu’aryenet ont suivi les liens d’une page à l’autre. Ils ont trouvéqu’Internet permet à ces groupes d’avoir un large accès,à bon marché, aux sympathisants et aux nouveauxmembres potentiels, pour entreprendre des attaquescontre les éléments qui suscitent leur colère par le biaisde graffiti virtuel et, plus communément, pour demanderdes fonds du grand public. Plus important encore, lesgroupes utilisent Internet pour commettre des actesterroristes tels que dégrader les pages d’accueil, accéderaux processus de communication gouvernementale, etde menacer de les détériorer ou tout simplement de passerà l’acte.

Damphouse & Smith concluent que les révolutionnairespolitiques utilisent Internet de manière créative au traversde leur site web, apparemment sans leader. Cette étudeméthodologique des pages du web apporte et améliorela recherche qui est moins systématique et plus pointilliste,bien que les auteurs ne fassent pas de recommandationsexplicites pour les travaux futurs.

Post et.al. (2000) s’intéressent au terrorisme del’information. Leur recherche pose la question et lesproblèmes les incitent à définir le terme, en établissantdes critères qui permettent de savoir quand un événementpeut être qualifié comme étant l’acte de terroristes, et endéterminant qui est susceptible d’utiliser, comme tactique,le terrorisme de l’information. Pour cela ils étudient lesdéfinitions, les typologies des groupes et la psychologiedu comportement du groupe. Leur approcheconceptuelle et théorique développe la définition de“netwar” de Arquilla & Ronfeldt et des travaux d’avant1998, effectués par d’autres experts sur le terrorisme del’information. Leur recherche utilise la presse écrite,d’autres publications et des théories psychologiques etmontre, de façon convaincante, leur connaissance del’outil internet. Après avoir fourni plusieurs exemples deterrorisme de l’information, Post et.al. concluent en disantqu’il existe une menace grandissante de terrorisme del’information et que seul le coût trop élevé empêche sondéveloppement pour un temps, car les facteurs prohibitifsvont vraisemblablement baisser avec le temps.

Dans un résumé qu’il a fait de sa recherche précédente,

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Stevens (1998) avertit également des dommages que lesterroristes peuvent infliger, par le biais d’Internet, auxinstitutions américaines, en particulier, le gouvernement,les militaires, le commerce et les médias électroniques.Selon Stevens, il est vraisemblable qu’il y ait, également,du terrorisme cyber-biotechnologique. Pour contrer cesdangers, il recommande la prévention et que les médiasn’accordent pas une attention immédiate et illimitée au terrorismeet aux terroristes (p. 207).

En revanche, Smith (2001) indique que les mass-médias,dans leur crédulité, ont souvent accordé une importanceexcessive et crédibilisent les déclarations grandiloquentesdes soi-disant terroristes électroniques qui vont utiliserleur ordinateur pour faire des ravages tels que téléchargerles secrets nucléaires américains.

Suggestions pour des étudescomplémentaires

Dans une étude détaillée de la documentationuniversitaire sur le terrorisme et les médias, Paletz &Boiney(1992) ont trouvé que la plupart des documentstraitaient principalement d’une question : La couverturemédiatique est-elle une aide et un encouragement ou aucontraire est-elle une entrave et une forme de dissuasionpour le terrorisme en général et les causes terroristes enparticulier. Les publications étaient classées par catégorie,telle que les stratégies et les tactiques terroristes etpourquoi et comment les terroristes utilisent-ils les médias; les accusations à l’encontre des médias considéréscomme pro-terroristes ou, plus rarement, des anti-terroristes ; et les prescriptions telles que la coopérationvolontaire entre les médias et le gouvernement ou lescontrôles formels sur la couverture médiatique duterrorisme.

Au cours de notre recherche documentaire et de l’étudeque nous en avons faite pour rédiger ce rapport, nousn’avons nullement trouvé une étude. Peut-être que, parle passé, on a tellement écrit sur cette démarche et qu’onl’a tellement répété que les chercheurs n’ont rien denouveau à ajouter, laissant cela aux vulgarisateurs et auxpolémistes. Nous déconseillons, pour la recherche fu-ture, de suivre cette piste. Il ne fait aucun doute, à nosyeux, que la recherche future sur les médias, la violencepolitique et le terrorisme devrait être empirique, produiredes données originales et, en un mot, devenir scientifique.Nous suggérons, brièvement, cinq démarches pouratteindre cet objectif.

Tout d’abord, les chercheurs devraient utiliser et par là-même vérifier la validité des éléments de certaines, il fauten convenir qu’il y en a peu, théories qui existent sur lesmédias, la violence politique et le terrorisme. Un exemplepour illustrer cette théorie est le modèle de conflit

politique dont parle Gadi Wolfsfeld (1997).Deuxièmement, la recherche y gagnerait en étant cumu-lative et en essayant de reproduire et de développer lesdécouvertes antérieures, y compris celles qu’on trouvedans plusieurs des études examinées dans ce rapport.

Troisièmement, certaines études que nous avons étudiéesmontrent l’intérêt qu’il y a à comparer la couverture d’unmême événement dans les divers médias et dansdifférents pays. Le travail de comparaison des couverturesmédiatiques permet de montrer, par exemple, si lesgouvernements insufflent leur définition du terrorismeaux médias ; il révèle également les similitudes et lesdifférences dans les définitions du terrorisme et dans lesdescriptions des organisations terroristes et de leursactivités.

Quatrièmement, comme certaines des études que nousavons examinées le montrent également, la rechercheest plus féconde quand elle est liée aux concepts de com-munication politique. Pour analyser les contenusmédiatiques, un des concepts est le cadrage, un autre estl’indexation : l’idée selon laquelle la couverture médiatiqued’un événement représente habituellement les points devue exprimés, lors d’une discussion gouvernementale surl’événement en question. Les concepts de communica-tion politique sont utiles pour la recherche des effetsque peut avoir la couverture médiatique de la violencepolitique et du terrorisme. Dans les études que nousavons examinées ici, on trouve les concepts à l’originedes ordres du jour et de la politique générale. Mais, ontrouve quantité d’autres possibilités. Les effets sur lepublic, par exemple, peuvent utiliser des concepts telsque socialisation politique, apprêt, informationincomplète, utilisation de la troisième personne, opinionpublique et participation politique.

Cinquièmement, on recommande la recherche qui uti-lise l’information émanant des gouvernements, maiségalement des terroristes. Assurément, les agencesgouvernementales aux Etats-Unis, telles que le FederalBureau of Investigation (FBI) et le Central Intelligence Agency(CIA) ne dévoilent pas leurs méthodes anti-terroristeset leurs activités demeurent secrètes, ils classent secretsdes documents, et ne livrent l’information que quand ilsy voient un intérêt. Pourtant, les gouvernementsannoncent bien leurs tactiques et leurs stratégies pourcombattre le terrorisme. En outre, dans des démocratiestelles que les Etats-Unis, avec une presse libre et parfoisagressive, les gouvernements ont du mal à garderl’information longtemps secrète. Cela est particulièrementle cas après une action terroriste. Regardez ce qui s’estpassé après les attaques du 11 septembre, les enquêtes,la couverture médiatique et les révélations qui ont misau grand jour les insuffisances des services secretsaméricains.

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Assurément, les organisations terroristes n’accordent passouvent des interviews franches aux journalistesoccidentaux. Mais, ils font bien des déclarations publiqueset envoient des cassettes vidéo et audio pour exprimerleur idéologie, en justifiant leurs tactiques et enrevendiquant leurs actions. Comme cela a été le cas avecOussama Ben Laden et Al Qaida, ils permettent l’accèsoccasionnel à des médias bienveillants, tels que Al-Jazira.Robin Gerrits (1992) a montré que l’on peut obtenirune quantité considérable d’informations des mémoiresdes terroristes.

Conclusions

Certaines des études que nous avons étudiées soulèventdes questions de recherches sérieuses, utilisent des con-cepts de grande portée, appliquent des méthodesappropriées, proposent des découvertes convaincantes,bien que parfois prévisibles, aboutissent à des conclu-sions claires et contribuent au savoir et à la connaissance.

Cependant, pour la période entre 98-02, on constate unecertaine pénurie dans la recherche. De plus, comme nousl’avons déjà indiqué dans nos suggestions concernantles travaux de recherche futurs, la recherche actuelle nese fonde pas sur des théories existantes, elle est peusouvent cumulative et n’utilise pas les concepts de com-munication politique.

Quelques articles dans Terrorism and Political Violencedéplorent le manque de qualité de la recherche. PourAndrew Silke (2001) les chercheurs travaillant sur leterrorisme tolèrent la confusion conceptuelle et n’ontpas avancé de prédictions ni donné de résultats explicatifssignificatifs. Seulement environ 20% des articles fournissentde connaissances nouvelles et substantielles, inexistantes auparavantdans le domaine. (p.8). Il trouve que la plupart de la recher-che sur le terrorisme est principalement basée sur desdonnées tirées de livres, de revues, des médias (ou de bases de donnéesprovenant des médias) ou d’autres publications (p.5). Mais cematériel peut être partiel et inexact.

Pour Avishag Gordon (2001, également 1999) les étudessur le terrorisme n’ont pas abouti à une disciplineuniversitaire. Au lieu d’avoir des données et des docu-ments qui viendraient du monde universitaire pour allervers le gouvernement et les médias, c’est plutôt l’inversequi se passe. Il donne une explication selon laquelle lanature problématique de la définition du terrorisme (...), l’étendueet le manque de coordination dans la documentation sur le terrorisme(...), trop peu de chercheurs dans le domaine et peu d’engagement deleur part, sur le long terme, dans cette discipline (p. 116). Gordondéclare que le domaine est en train d’acquérirgraduellement les caractéristiques d’une discipline établie.Nous, nous sommes moins optimistes : d’un côté, noussommes consternés par le peu de recherches sur les

médias, le terrorisme et la violence, faites par desuniversitaires confirmés, de l’autre nous sommesencouragés par la prédominance, dans les études quenous avons examinées dans ce rapport, de jeuneschercheurs. Les travaux sont, pour la plupart, desmaîtrises ou des thèses de doctorat. S’ils poursuivent leurtravail, une communauté d’experts dans le domainedeviendra alors possible.

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145PPPPPARTIE IVARTIE IVARTIE IVARTIE IVARTIE IV

Appendices

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Annexe 1:

Résolution sur le terrorisme et les médiasAdopté par les participants à la Conférence sur le terrorisme et les médias,

tenue à Manille (Philippines) le 1er et le 2 mai 2002

< Rappelant le rôle fondamental que jouent les médiasdans l’exercice par le public de son droit de savoir,notamment pour ce qui est des questions relatives auterrorisme,

< Condamnant les meurtres, les attaques, les menaces etles harcèlements dont sont victimes les journalistesqui rendent compte du terrorisme et des conflits,

< Préoccupés par les restrictions auxquelles un nombrecroissant d’Etats soumettent le droit à la libertéd’expression et le droit à la liberté d’information depuisles événements du 11 septembre,

< Convaincus qu’un débat public ouvert et la libre circu-lation de l’information sont indispensables pourrésoudre de façon durable le problème du terrorisme,

< Se félicitant de l’adoption de la Charte pour la sécuritédes journalistes en zones de conflit ou de tension parles organisations concernées, à Paris, le 8 mars 2002,et du Code professionnel visant à garantir la sécuritédans l’exercice du journalisme, à Montréal, en 1992,

< Notant le message conjoint adressé à l’occasion de laJournée mondiale de la liberté de la presse (3 mai 2002)par Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies,Mary Robinson, haut commissaire aux droits del’homme, et Koïchiro Matsuura, directeur général del’UNESCO, qui ont reconnu l’importance de la libertéde la presse et de la liberté d’expression dans la luttecontre le terrorisme,

Décident ce qui suit :Toute stratégie visant à faire face à la menace duterrorisme doit favoriser un plus grand respect de laliberté d’expression et de la liberté des médias au lieu desoumettre ces droits fondamentaux à des restrictions;

Droit de rendre compte du terrorisme

Les médias ont à la fois le droit et le devoir de rendrescrupuleusement compte du terrorisme en raison du droitde savoir qu’a le public et de favoriser un débat ouvert,en connaissance de cause, sur le terrorisme;

Toutes les parties à des conflits devraient respecter ledroit qu’ont les journalistes d’enquêter sur ces conflits et

d’en rendre compte en toute liberté et d’avoir accès autantque possible aux zones de conflit ;

La menace du terrorisme ne devrait pas servir d’excusepour soumettre à des restrictions le droit à la libertéd’expression et à la liberté des médias ou à la libertéd’information et en particulier les droits suivants:

< le droit à l’autonomie rédactionnelle;< le droit de protéger le secret des sources d’information;< le droit d’accès à l’information détenue par les

organismes publics;< le droit à la liberté de mouvement; et< le droit à la confidentialité des communications.

Les agences de presse, les associations de journalistes etd’éditeurs et de radiodiffuseurs, les établissementsuniversitaires et les autres organismes de la société civiledevraient prendre des mesures en vue d’accroître lacapacité des médias de rendre compte avecprofessionnalisme du terrorisme et de promouvoir latolérance, en particulier en proposant une formation eten offrant des occasions d’examiner les aspects éthiquesde l’information sur le terrorisme;

Sécurité des journalistes

Les Etats jouissant de la paix ainsi que toutes les partiesà des conflits devraient prendre des mesures efficacespour faire en sorte qu’eux-mêmes, les forces militaires,les combattants ainsi que les services secrets et derenseignements et autres agents participant à la luttecontre le terrorisme comprennent et respectent les droitsqu’ont les journalistes en leur qualité de civils en vertudes Conventions de Genève et de leurs Protocolesadditionnels ainsi que leur droit à la liberté d’expression;

Les Etats devraient consacrer des ressources et attacherune importance suffisantes à la prévention des attaquesdont les journalistes sont victimes, aux enquêtes rela-tives à ces attaques lorsqu’elles se produisent et à lapoursuite immédiate des responsables en justice;

Les Etats jouissant de la paix ainsi que toutes les partiesà des conflits ne devraient jamais autoriser leurs agentsou leurs combattants à se faire passer pour desjournalistes ou à chercher à utiliser des journalistescomme agents;

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Les agences de presse, les associations de journalistes etd’éditeurs et de radiodiffuseurs et les autres organismesde la société civile devraient prendre des mesures en vuede favoriser la sécurité des journalistes qui rendentcompte des conflits et du terrorisme, en particulier enleur proposant une formation, en élaborant des direc-tives en matière de sécurité et en leur fournissant unmatériel approprié ; et

L’industrie des médias et la communauté internationaledevraient envisager de créer un fonds pour aider lesentreprises de médias et les journalistes indépendantsdont les ressources sont insuffisantes à accéder à uneformation et à du matériel de sécurité.

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Annexe 2:

Cérémonie officielle et remise duPrix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano,

3 mai 2002Manille, les Philippines

Remarques deMme Ana Maria Busquets de Cano,Présidente de la Fondation Guillermo Cano

Nous sommes rassemblés, une fois encore, pour attribuerle Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano, à une personne qui a été choisie, parun jury international, parmi de nombreux candidats quiméritaient cette honneur. En cette occasion, c’est Manillequi nous accueille aimablement, afin de discuter desaffaires qui nous concernent. Le terrorisme étant à l’ordredu jour, j’aimerais évoquer quelques mots, écrits parGuillermo Cano, en 1980, et qui sont toujours d’actualité.

Chaque nouvel acte terroriste qui a lieu, ici ou dansn’importe quel autre endroit du monde, reçoitimmédiatement la qualification que la victime d’un telacte veut lui donner. Si l’acte a lieu dans un pays auxtendances gauchissantes, immédiatement, l’auteur ou lesauteurs, ainsi que ceux qui les ont inspirés, sont qualifiésde fascistes de droite. Si au contraire, l’acte a lieu dans unpays dirigé par un gouvernement de droite, le terrorismedevient une provocation de fascistes de gauche. Si leterrorisme atteint un gouvernement du centre, la gaucheet la droite fasciste seront toutes deux tenues pourresponsables. La gauche, la droite et le centre agissenttous de la même façon.

Quand on essaie de confronter ou de mettre un termeau terrorisme, on se retrouve tous pris dans une sorte deboule de neige qui fait qu’on nous rend de plus en plusgrand jusqu’à ce qu’il devienne un monstre gigantesqueet, en raison de son apparence même, il devientinattaquable et indestructible par les moyensconventionnels.Comme n’importe quel acte terroriste, il y a le terrorismesanglant perpétré au nom de la religion, peu importelaquelle. Archevêques, evêques, prêtres et croyants sontassassinés. Le terrorisme qu’il soit de gauche, de droiteou du centre, qu’il soit communiste, anarchiste, fasciste,démocratique ou anti-démocratique, avec ou sans liberté,il symbolise notre ère.

Et toute réponse qu’on lui opposera engendrera unenouvelle sauvagerie et une nouvelle chaîne de cruautésdans laquelle les sentiments humains, la fraternité, l’égalité,l’affection réciproque, seront perdus à jamais.

En raison du fait que le terrorisme soit une conséquence,il doit avoir plusieurs causes. Et aussi longtemps qu’ellesse maintiendront, on assistera, ici comme ailleurs, auterrorisme qui justifiera ses crimes exécrables. Il estabsolument nécessaire d’avoir la force et l’intelligence, lavraie, de commencer dès aujourd’hui - car cela n’a pasété fait hier et il sera trop tard de le faire demain - àextirper les causes, les mauvaises herbes où qu’elles soient.

La suppression demandée par Guillermo Cano estdevenue un engagement pour que le violent cessed’agresser les journalistes de tous les pays et de toutes lesrégions. Tous les ans, nous réitérons les mêmes plainteset dénonçons les mêmes abus perpétrés contre desjournalistes. Ce besoin constant de répéter nosrécriminations me fait penser qu’on ne nous entend pas,que peut-être certains gouvernements ne trouvent aucunintérêt à nous écouter, ou qu’on ne revendique passuffisament fort, ou que peut-être on se plaint et ensuiteon abandonne les causes qui nous ont mobilisés. Lesfois où il nous est arrivé d’insister, nous étions parvenusà ce que soient libérés ceux qui, par le passé, avaient reçule Prix.

Outre la joie que nous ressentons, aujourd’hui, endécernant le Prix à un journaliste aussi accompli que M.Nyarota, je veux rendre hommage à ces journalistescolombiens qui ont été assassinés durant cette année età ceux qui survivraient aux attaques des différents groupesviolents. A ceux qui sont morts pour avoir dénoncé lesfraudes ou révélé des affaires sur certains hommespolitiques. A ceux qui sont morts pour avoir parlé desdommages causés par des troupes de guerilleros. A ceuxqui ont été tués pour avoir dénoncé des groupesd’extrême droite, et enfin à ceux qui ont osé dénoncerceux qui faisaient du trafic de drogue.

Tous les ans on se resouvient du combat qu’a menéGuillermo Cano. En dépit de cela, le pays où le rédacteuren chef du journal El Espectador a été assassiné est toujoursvictime de la violence la plus cruelle commise par lesmêmes gens, ceux qui ont commis des meurtres durantla période tragique du narco-terrorisme et ceux qui ne

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trouvent aucune objection à profiter de l’argent saleobtenu par le trafic, arguant qu’ils le font pour le bien dupeuple. C’est pourquoi, il est difficile, entre les uns et lesautres, d’être un journaliste en Colombie. L’annéedernière, selon la Fondation Antonio Narino, à Cartagenade Indias, la triste réalité est que la moyenne annuelled’actes meurtriers qui se commettent est passé de sept àonze. C’est le nombre de journalistes assassinés, cesderniers mois, dans différentes régions de notre pays.

La mort de tant de Colombiens m’incite à prendrel’engagement pour lutter contre les causes du terrorisme,en offrant, avec votre solidarité, un soutien sans faille àceux qui osent dénoncer et critiquer les actes de gensviolents. Quand une communauté se retrouve, et dans lecas qui est le nôtre, se sont des personnes travaillant dansles médias, il est plus facile d’affronter les attaques, carnous sommes si nombreux et que les terroristes nesauront pas comment nous faire taire.

Je pense qu’il y a, à la fois, un manque de solidarité etd’action dans tous les médias. Si on pouvait compterdessus, elles nous donneraient une meilleure défense. Ilfaudrait également que vous, journalistes du mondeentier, soyez plus alertes pour défendre la libertéd’expression et de dénoncer, avec une détermination plusgrande, les pays qui, sans être directement responsablesde la violence, collaborent avec ceux qui la commettent.

Il est vrai que la Colombie produit de la cocaïne qui estcultivée sur nos belles montagnes et qui, pour cette raisonmême, sont en train d’être dévastées. Toutefois, d’autresveillent à compléter le travail de nos paysans des Andes.

Les journalistes - originaires de pays qui ne produisentpas la cocaïne, mais fabriquent des armes et, qui, sans lemoindre remords, les vendent à des gens violents quituent leurs semblables dans d’autres parties du globe -devraient dénoncer cet état de fait.Les journalistes - originaires de pays qui ne produisentpas la cocaïne, mais tirent profit en gardant l’argent desgens violents qui tuent leurs semblables dans d’autresparties du globe - devraient dénoncer cet état de fait.

Les journalistes - originaires de pays qui ne produisentpas la cocaïne, mais créent des agents chimiques aveclesquels est fabriquée la drogue qui endommage l’espritdes jeunes - devraient dénoncer cet état de fait.

Les journalistes - originaires de pays qui ne produisentpas la cocaïne, mais qui l’achètent et la consomment sanschercher à retrouver les gens qui tirent profit du trafic -devraient dénoncer cet état de fait.

Nous, la famille de Cano, avons perdu Guillermo quidénonçait les trafiquants de drogue et les terroristes, ensoulignant les risques qu’ils faisaient courir à la libertéd’expression. Nous avons également perdu la revue.

Toutefois, la Fondation Guillermo Cano continuera àfaire tous les efforts nécessaires pour garder ces idéauxet la conviction qu’un pays n’est libre que quand sonpeuple est libre de s’exprimer, en demeurant en vie. Pourcela, nous avons également besoin de votre coopération.

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Allocution de M. Koïchiro MatsuuraDirecteur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture(UNESCO)à l’occasion de la célébration de la Journée mondialede la liberté de la presse et de la remise du Prix mondialde la liberté de la presseUNESCO-Guillermo Cano 2002Manille, le 3 mai 2002

Madame la Présidente de la République des Philippines,Monsieur le Président Ramos,Mesdames et Messieurs les professionnels de l’information,Chers invités,Mesdames et Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi d’être présent iciaujourd’hui pour célébrer la Journée mondiale de la libertéde la presse 2002. Il s’agit sur le calendrier mondial d’unedate capitale pour la démocratie et je vous suisextrêmement reconnaissant, Madame la Présidente,d’accueillir cette manifestation en 2002.

Permettez-moi tout d’abord de rendre un hommageparticulier à votre habileté dans la conduite des affairesde votre pays. Non seulement la démocratie est en debonnes mains aux Philippines, mais elle est florissante.L’un des indicateurs de la santé d’un pays est la placequ’il accorde aux moyens d’information. Avec unequarantaine de quotidiens, plus de 500 stations de radio,en modulation d’amplitude comme en modulation defréquence, et plus de 130 stations de télédiffusion, lesPhilippines font preuve d’une remarquable vigueurdémocratique. Et, Madame la Présidente, votre pays n’estjamais à court de nouvelles ni d’opinions ! Bien que cesoit ma première visite officielle aux Philippines en maqualité de Directeur général de l’UNESCO, je ne suispas étranger à votre pays. Je me suis en effet déjà renduplus d’une dizaine de fois dans votre bel archipel alorsque j’exerçais des fonctions diplomatiques. Je suis trèsheureux de m’y trouver à nouveau et de profiter une foisencore de la chaleureuse hospitalité du peuple philippin.

Mesdames et Messieurs,

Depuis 1992, la Journée mondiale de la liberté de la presseest célébrée le 3 mai : c’est le jour où nous commémoronsle droit à la liberté d’expression, proclamé à l’Article 19de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’Acteconstitutif de l’UNESCO garantit “la libre circulation desidées, par le mot et par l’image” comme base même de lacoopération internationale. Tous les peuples, sans dis-tinction de culture, de religion, d’ethnie ou autre, devraientjouir de la liberté d’expression, qui est l’un des droits de

l’homme les plus fondamentaux et l’un des piliers de ladémocratie. Dans la société d’aujourd’hui, la libertéd’expression est vide de sens si elle n’inclut pas la libertéde la presse, laquelle repose sur l’existence de moyensd’information pluralistes et indépendants. La Journéemondiale de la liberté de la presse est là pour soulignerces droits fondamentaux de l’homme et pour appelerl’attention du public sur le fait que, dans de nombreuxpays du monde, la liberté de la presse est loin d’être uneréalité.

J’aimerais rappeler à tous la situation de M. U Win Tin,lauréat du Prix mondial de la liberté de la presse 2001,qui n’avait pas été en mesure de se joindre à nous àWindhoek pour célébrer la Journée mondiale, puisqu’ilétait alors dans une prison-hôpital où il se trouve encoreà ce jour. J’aimerais lancer un appel aux autorités duMyanmar afin qu’elles permettent sa libération. M. UWin Tin est en effet incarcéré depuis 1989 et a célébrérécemment son 72e anniversaire en détention. La sim-ple humanité et la plus élémentaire justice exigent rienmoins que sa libération immédiate.

L’objectif qui est le nôtre, de contribuer à la paix et à lasécurité en favorisant la collaboration entre les nationspar l’éducation, la science, la culture et la communica-tion, est particulièrement approprié aux problèmesmondiaux actuels et aux épineux défis qui nous attendent.Il faut le recentrer pour faire face à de nouvelles réalités,surtout après les terribles événements du 11 septembre2001. La mission qui incombe à l’UNESCO depromouvoir le dialogue interculturel et la compréhensionmutuelle est plus essentielle que jamais dans le contexteinternational actuel.

Qu’il n’y ait aucun doute là-dessus: le terrorismetransnational est une menace pour nos libertés et nosdroits fondamentaux. La communauté internationale, ycompris les représentants de la société civile, comme lesONG internationales et régionales ici présentesaujourd’hui, devraient conjuguer leurs efforts pour luttercontre le terrorisme. En présentant un front uni, lacommunauté internationale peut accroître sa puissanceface aux menaces du terrorisme.

Dans l’exercice de leur profession, un certain nombrede journalistes se trouvent chaque jour en grave dangerou dans des situations où leur sécurité est sérieusementen péril. Les droits et libertés des journalistes doiventêtre pleinement protégés et respectés. C’est absolumentindispensable, dans leur propre intérêt, et très importantaussi pour nous tous. Lorsqu’un journaliste est kidnappé,menacé ou attaqué, ce sont nos propres droits et libertésqui sont remis en question.

L’une des conséquences les plus inquiétantes du

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terrorisme est qu’il risque de pousser certains pays à im-poser des formes de contrôle et de réglementation quirestreignent l’exercice de la démocratie, de la libertéd’expression ainsi que la liberté, l’indépendance et lepluralisme des médias. Il faut donc veiller à ce que lespouvoirs publics ne limitent pas indûment la libertéd’expression et la liberté de la presse.

Au cours de la conférence de ces deux derniers jours, denombreuses questions importantes sur le thème “Leterrorisme et les médias” ont été débattues. Il ne fautcertes pas négliger l’existence de dangers et d’inquiétudesbien réels, mais il ne faut pas laisser ces préoccupationsnous réduire au silence. Dans ce contexte, j’ai pris bonnenote de la Résolution sur le terrorisme et les médias, quicomporte de nombreux points importants.

Le terrorisme est l’ennemi de la liberté de la presse. Sonobjectif constant est l’intimidation. Exercer activementnos droits et libertés fondamentaux est notre meilleuredéfense contre la peur. Tel est le message de la Journéemondiale de la liberté de la presse.

Depuis 1997, la célébration annuelle de la Journéemondiale de la liberté de la presse s’articule autour duPrix mondial de la liberté de la presse UNESCO-Guillermo Cano. C’est pour l’UNESCO un moyend’exprimer son vigoureux et constant engagement enfaveur de la liberté de parole et sa solidarité avec ceux quisubissent la répression et sont persécutés dans l’exercicede leur profession de journalistes.

La remise, chaque année, du Prix mondial de la libertéde la presse contribue en outre à faire mieux comprendreau public la fragilité et la valeur de la liberté d’expressionet de la presse. Le Prix mondial de la liberté de la presseUNESCO-Guillermo Cano est décerné en l’honneurdu journaliste colombien et rédacteur en chef GuillermoCano dont le meurtre est devenu un symbole de labrutalité contre les journalistes. Il y a quelques instants,nous avons écouté avec la plus grande attention les pa-roles prononcées par sa veuve, Mme Ana Maria Busquetsde Cano, dont nous saluons la présence ici aujourd’hui.Permettez-moi également de saluer sa petite-fille qui l’aaccompagnée à Manille.

Le Prix mondial de la liberté de la presse rend hommageaux journalistes qui se sont distingués en défendant leursconvictions et les idéaux d’une presse libre. Il estencourageant de voir que dans le monde entier, tantd’entre vous restent prêts à prendre de tels risquespersonnels pour défendre ces idéaux.

Mesdames et Messieurs,

Conformément aux recommandations du jury constitué

d’éminents professionnels de l’information du mondeentier, j’ai l’honneur de décerner cette année ce prix à M.Geoffrey Nyarota, du Zimbabwe. Comme vous le savezpeut-être, il consiste en un chèque de 25.000 dollars desEtats-Unis, dont la moitié est offerte par la FondationCano.

Le courage de M. Nyarota et sa persistance à dénoncerla corruption et les activités criminelles de certains hautsresponsables gouvernementaux de son pays en dépit desmenaces de mort qui pesaient contre lui et des deuxattaques à la bombe dont son journal a fait l’objet sontun exemple pour les journalistes du monde entier. Il aété harcelé, menacé, arrêté et placé en détention.

Quatre procès en diffamation contre lui sont en cours. Iln’a toutefois jamais cessé de dénoncer la mauvaisegouvernance, le crime et la corruption. The Daily News,journal qu’il a fondé en 1999, a toujours paru, sans lamoindre interruption, et est désormais le quotidien leplus vendu au Zimbabwe.

C’est avec beaucoup d’émotion que je félicite, au nomde l’UNESCO et au mien, le lauréat qui reçoit aujourd’huicette importante distinction. Monsieur Nyarota, votrecourage et votre persévérance sont un exemple pour noustous, acceptez, je vous prie, mes compliments les plussincères.

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Discours deSon ExcellenceMme Gloria Macapagal-Arroyo’sPrésidente de la République du Philippines

Dr Garcia, merci infiniment,

Tout d’abord, j’aimerais saluer l’ancien Président FidelV. Ramos, ici présent, non seulement en tant qu’ancienPrésident des Philippines, mais également parce qu’ilappartient à la famille des lauréats de l’UNESCO. On sesouvient de lui et en le félicite une fois encore, d’avoirreçu le Prix de la paix UNESCO. Félicitations, M. lePrésident.

Le Directeur général Matsuura, Madame de Cano, M.Nyarota, notre Lauréat pour cette année, Excellences ducorps diplomatique, Mme Soliven et Mme Elizalde, lesjournalistes et les délégués de de la Journée mondiale dela liberté de la presse de l’UNESCO, de la Conférenceinternationale sur les médias et le terrorisme. Lescommissionnaires et les membres du bureau de la Com-mission nationale des Philippines pour l’UNESCO, lesinvités éminents, Mesdames et Messieurs :

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion d’être parmice groupe éminent. Je me réjouis du fait que nous soyonstous ici pour célébrer le Journée mondiale de la libertéde la presse aux Philippines. Les Philippines sont honorésd’avoir été choisis par l’UNESCO pour accueillir lacélébration de cette année. Et comme M. Matsuura etM. Nyarota l’ont indiqué, notre pays a gagné la réputationd’être un des refuges, qui sont peu nombreux, pour laliberté de la presse dans le monde aujourd’hui. En toutehumilité, je revendique, cependant, au nom de notre paysque, concernant la liberté de la presse, c’est une réputationbien méritée.

Nous célébrons aujourd’hui le bon journalisme, quisignifie que nous célébrons l’exercice responsable de laliberté de la presse. Nous célébrons les désaccords deprincipe, le débat éclairé, la controverse productive. Nouscélébrons la lumière qui traverse les événements et quise reflète dans le firmament de la vérité.

De leur propre aveu, les médias manifestent, aujourd’hui,aux Philippines, un intérêt croissant pour la mise enexergue des bonnes nouvelles. Cela semble aller àl’encontre du reportage traditionnel qui traite de la partiela moins glorieuse de la journée. Aux Philippines, noussommes non seulement connus pour notre presse libre,mais également pour notre presse licencieuse. Mais, enparlant au nom du gouvernement, nous, aux Philippines,préférons plutôt avoir une presse licencieuse qu’unepresse bridée, c’est notre politique. Néanmoins, Je suisheureuse de savoir qu’il y a des réformateurs au sein de

la presse et j’espère que cette célébration de la Journéemondiale de la liberté de la presse inspirera lesréformateurs pour démontrer que la liberté de la pressepeut également signifier annoncer les bonnes nouvelles.En tant que fonctionnaire, et par conséquent, faisantl’objet d’articles de presse, j’apprécie énormément lesbonnes nouvelles. Les bonnes nouvelles sur l’héroïsmepersonnel, tel que les héros que nous honorons, en fait,aujourd’hui, les valeurs, la valeur humaine et les triomphesde la communauté. Parfois, nous avons tendance à passerces choses sous silence, même si elles sont l’essence mêmede la nation.

Je ne vois aucune raison, par exemple, pourquoi la libertéde la presse ne serait pas également synonyme d’unebonne histoire provinciale à la une, ou d’un reportagesur le métro auquel on accorderait une place de choix. Jepense que la liberté de la presse signifie que la presse estsuffisamment libre pour reconnaître le mérite d’un maired’une petite ville, qui a aidé les militaires et la police àretrouver un otage, qui était aux mains des terroristes,ou celui d’un entrepreneur qui a construit, dans sa villenatale, un abri principal de 15.000 pesos, pour les victimesde catastrophes. La liberté de la presse devrait égalementrimer avec reconnaissance que l’on doit aux gens, parceque les gens méritent d’avoir un moment de répit.

Bien sûr, la liberté de la presse devrait signifier laisser lesmédias démonter les boiseries irrégulières. Dieu sait qu’ily a beaucoup de fonctionnaires, dont la performance etbien faible et beaucoup de programmes sans intérêt, maisla liberté de la presse devrait signifier permettre au com-bat de se concentrer sur les problèmes, la politique et lesprincipes.

Nos sociétés ont besoin d’être épargnées des attaquespersonnelles afin que les problèmes apparaissent en pleinelumière. La liberté de la presse signifie aller au coeur d’unepolitique controversée. La liberté de la presse signifie[faire son métier] avec ferveur et avec une attentionscrupuleuse à la chronologie et au détail. En effet, quandon procède ainsi, comme nos lauréats nous l’ontdémontré, la liberté de la presse [devient alors] une despierres angulaires de la politique.

Dans la presse mondiale, Mindanao est devenue, pourles médias, le centre de la guerre totale contre leterrorisme, en particulier, depuis la participation desforces américaines dans les exercices d’entraînement. Jepense que cette attention est ce qu’elle devrait être, parceque nous devons vaincre le terrorisme non seulementpar la force, mais également par l’instruction.

Il y a une raison encore plus profonde quant au devoirde la presse à s’impliquer totalement dans la lutte contrela terreur. On reconnaît que le terrorisme, par delà ses

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victimes immédiates, vise à atteindre une certaine audi-ence. Le terrorisme opère dans la grande arène dudiscours et de la sensibilisation du public, modelant unpaysage psychologique qui est le sien. Le terrorismeengendre la peur et le doute dans l’efficacité des institu-tions, la suspicion, la haine de l’autorité et, par dessustout, pose des bases irrationnelles génératrices de conflits.

Nous avons, très tôt, tenu compte de la bataille quelivraient les Philippines contre le terrorisme. Enseptembre, l’année dernière, j’ai établi un programme,en 14 points, contre le terrorisme, et voilà ce que j’avaisdit au sujet de la presse : Les mass-médias jouent un rôleprimordial dans la stratégie d’ensemble pour vaincre le terrorisme.Je cherche le soutien des médias dans la mise en oeuvre de nospolitiques et programmes, pour qu’ils éclairent le public sur leraisonnement qui sous-tend nos actions, en développant un consen-sus et une critique constructive et en privant les terroristes des bénéficesqu’ils pourraient tirer de la publicité et d’une couverture médiatiquequi les glorifierait et de la publicité. Et, plus particulièrement, endemeurant calmes, sobres, prudents et solidaires au sein de notresociété. Nous devons amener les médias dans le circuit de l’actioncollective et de l’information.

Je vais nommer quelques secteurs où une action com-mune entre le gouvernement et la presse est indiquée.

D’abord, informer le public de l’ampleur de la menaceterroriste, en particulier, concernant la relation entrel’action physique et psychique et la nature transnationaledu terrorisme. Le public doit se rendre compte de l’intérêtcommun qu’on trouve dans les alliances telles queBalikatan et notre accord trilatéral avec l’Indonésie et laMalaisie, pour contrôler les mouvements des terroristesle long de nos frontières maritimes communes.

En second lieu, concentrer la coopération du publicavec les autorités de l’exécutif, du législatif et du judiciaireen répondant aux menaces terroristes par des pro-grammes opérationnels, programmes de justice pénaleet des mesures législatives. Par exemple, nous avonsmaintenant un projet de loi anti-terroriste, en instanceau Congrès, que je considère urgent.

En troisième lieu, renforcer les institutions locales et lasociété civile pour soutenir la vigilance des citoyensordinaires, dans les rues et à la campagne. C’est ce quifait la différence dans la guerre contre le terrorisme.

En quatrième lieu, éclairer le public quant aux problèmesconstitutionnels que cela implique, parce que la guerrecontre le terrorisme requiert des mesures fortes, tellesque le pouvoir du commandant en chef de faire appel àl’armée pour réprimer la violence. La nature et l’ampleurde ces mesures doivent être claires dans l’esprit du pub-lic, afin de modérer sa perception, selon laquelle les

garanties constitutionnelles, telles que la Déclaration desdroits seraient en train d’être malmenée ou mise au plac-ard pour des impératifs martiaux.

En cinquième lieu, renforcer un dialogueintercommunautaire plus large, afin de promouvoir lasolidarité chrétienne et musulmane. Les terroristesaimeraient provoquer une guerre de religions. Nousdevons, au contraire, prendre toutes les opportunités pourforger une compréhension religieuse, l’oecuménisme etla solidarité.

En sixième lieu, accorder un meilleur soutien et uneconfiance aux organismes responsables de la mise enapplication de la loi. Nous avons besoin d’une vigilancestricte en ce qui concerne les mouvements des personnessuspectées, des armes, des explosifs, des matièrespremières, des matières toxiques et biologiques. Nousavons déjà mis en place une loi contre la blanchimentd’argent qui permet de vérifier les questionnaires et decontrôler les transferts d’argent sale.

En septième lieu, coordonner les préparatifs et l’actionpublique dans l’éventualité d’une attaque terroristecatastrophique aussi lointaine soit-elle.

En huitième lieu, améliorer la vigilance publique enprotégeant les infrastructures les plus importantes, ycompris les centrales électriques, les centrales de trans-missions, les installations de distribution, les entrepôtsde gaz et de pétrole, les principales usines publiques, lesinstallations essentielles de communication, les bâtimentsaussi bien privés que publics, et les installations des cen-tres névralgiques du commerce et de l’industrie.

Et enfin, faire avancer la campagne anti-pauvreté, en seconcentrant sur ce qui constitue aux yeux du public lesracines du fanatisme et de la violence irrationnelle.

Je fais toujours remarquer que la pauvreté et le terrorismesont contigus et il est nécessaire de voir le terrorismesous un angle plus large. La pauvreté est une forme deterrorisme lent, un terrorisme qui, tous les jours, tuelentement et condamne ses victimes à une vie de peineet de misère.

Cela ne veut pas dire que la pauvreté soit la cause duterrorisme. Oussama Ben Laden n’est pas un hommepauvre. C’est le mal et non pas la pauvreté qui est lacause du terrorisme. Mais la pauvreté avec le sentimentd’impuissance qu’elle engendre crée un terrain fertile surlequel le terrorisme peut aisément propager son idéologiediabolique. Ainsi, s’il nous faut vaincre le terrorisme, ilfaut également vaincre la pauvreté avec la même ferveuret la même résolution.

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Les Philippines n’avaient pas besoin de se joindre à laguerre contre le terrorisme. Ils étaient déjà engagés danscette guerre, dans la partie sud-ouest de nos îles. LesPhilippines n’auraient pas pu faire autrement que derenouveler leur engagement, après le 11 septembre, dansla lutte contre le terrorisme sur un terrain plus vaste.

C’est un combat entre la tolérance et la bigoterie, entre laraison et le fanatisme, entre la loi et l’anarchie, entre lajustice et le meurtre qui se prétend juste.

Le fait que les bandits d’Abu Sayyaf, qui, autrefois,parcouraient librement tout le sud-est des Philippines,aient atterri, après leur dernier combat, à Basilan, la prov-ince dont l’index de développement est le plus bas dansnotre pays, nous rappelle à quel point la sécurité nationaleet la sécurité économique sont intimement liées.

Dans ce contexte, je me réjouis de l’appel du présidentGeorge Bush pour un nouveau contrat pour ledéveloppement, défini par une plus grande responsabilitédes nations aussi bien riches que pauvres. Cet appel faitécho à l’initiative que j’ai proposée pour former une coa-lition mondiale contre la pauvreté, semblable à celleformée contre le terrorisme. Les nations développéesdoivent reconnaître leur devoir d’ouvrir leurs marchés,de transférer des ressources et de réformer les institu-tions internationales. Tout cela aidera à gagner la guerrecontre la pauvreté.

J’espère qu’on va pouvoir bientôt éradiquer le fléau duterrorisme, et, encore mieux, obtenir des résultats tangi-bles dans notre guerre contre la pauvreté et que les médiastrouverons notre lutte permanente digne d’unecouverture médiatique.

Merci de m’avoir invitée pour célébrer la Journéemondiale de la presse avec vous. Je voudrais souhaiter labienvenue à tous les journalistes qui ont pris part à laConférence internationale sur les médias et le terrorisme.Je crois comprendre que votre conférence a été un succèset que vous êtes parvenus à de bons accords. Vous avezconvenu à ce que les journalistes aient le droit d’informersur le terrorisme et le droit d’en être protégé. J’espèrevraiment, que tous ceux qui ont participé, qu’ils soientdes médias, du gouvernement ou de la société civileoeuvreront ensemble et dans leur domaine pour menerà bien et s’assurer que ces résolutions soient mises enoeuvre.

Je voudrais également féliciter le récipiendaire, de cetteannée, du Prix UNESCO/Guillermo pour la libertémondiale de la presse, M. Geoffrey Nyarota, rédacteuren chef du Zimbabwe Daily News. Il nous a raconté unpeu son histoire et pendant qu’il disait comment, dansl’exercice de ses fonctions, il a été l’objet, ainsi que son

journal et ses collègues, d’attaques terroristes. Je supposeque nos journalistes ici doivent remercier leur étoile devivre dans un pays où la presse est très libre.

Je voudrais également rendre hommage à l’homme qui adonné son nom à ce Prix, Guillermo Cano, un martyrdu terrorisme perpétré par une association de malfaiteursqui essaient de répandre, à travers le monde, le mal qu’estla drogue. Cela est du terrorisme politique et il y aégalement le terrorisme criminel. Peu importe quicommet le terrorisme, puisque c’est l’acte qui, en lui-même, constitue le terrorisme. On se souviendra de lui.A chaque fois que les prix sont décernés, on doit toujoursse souvenir de lui et le remercier d’avoir donné sa viepour la cause du journalisme.

Nous pensons également à Daniel Pearl, car nous avonstous assisté à son martyre à la télévision. Non pas quenous ayons vu comment il a été martyrisé, mais noussavons tous comment il a disparu et nous savons touscomment il a refait surface, parce que la presse libre a étélà pour informer. Nous lui rendons hommage commenous le faisons pour Guillermo Cano.

Sur cette note, je voudrais remercier tous les journalistesprésents aujourd’hui, et tous les diplomates. Remerciertous les représentants des différents pays qui croient à laliberté de la presse, qui croient à la guerre contre leterrorisme. Je vous remercie pour le partenariat ferventet durable contre le terrorisme et la pauvreté et en faveurde la liberté mondiale de la presse.

Félicitations et merci.

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