menget (1976) adresse et référence dans la société txicao

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ADRESSE ET RÉFÉRENCE LA CLASSIFICATION SOCIALE TXICÂO PAR PATRICK MENGET INTRODUCTION. propoS'Dm d'examiner certaines propriétés structurales du système txicao, et ses implications éventuelles quant à l'ana- des structures sociales des sociétés de la forêt tropicale ou Notre perspective est double, et tente d'aborder les problèmes occupent à partir d'un point de vue non pas nouveau, mais simple- habituel. En premier lieu, nous avons choisi d'aborder la c1assi- sociale (et non « la parenté ll) d'une société à partir de ses pratiques et sociales, plutôt que d'apporter ou d'importer les catégories maintenant classiques qui nous paraissent inadéquates. Il ne s'agit nier la valeur au moins descriptive et typologique des notions d'unifi- de structures échangistes, de ( familles » de nomenclature .. . mais seule- constater qu'elles ne nous ont pas fourni beaucoup d'éclaircissements sociétés sud-américaines. Les travau:x récents en théorie de la parenté cette impression d'échec relatif) qui soulignent la valeur régionale, que générale, des grandes hypothèses proposées depuis trente ans. Nous donc le problème à sa source, c'est-à· dire dans l'usage qui est fait classificatoires, en mettant pour le temps de l'analyse les références pol'Dgi'qu,,, entre parenthèses. Si l'entreprise est menée à terme, nous obtien- un modèle d'une classification, c'est-à-dire d'une réalité d'ordre idéolo- C'est alors qu'on pourra confronter ce modèle aux autres pratiques sociales r.éalités institutionnelles. s'interroge en second lieu sur les raisons de ce détour par l'idéolo- peut avancer, en première approximation, un argument empirique. institutionneUes, les groupes sociaux, leurs liaisons et leur disposi .. d'abord connus dans les termes indigènes, donc dans un système IMlélzories qu'il s'agit d'apprendre. Or, nous avons souvent trop rapidement de catégories à partir d'une perception éduquée, et peut- éduquée par notre connaissance d'autres systèmes sociaux. Dans le nous OCCupe, l'éducation de l'ethnographe est minime: s'agissant de dits bilatéraux ou cogna tiques, il y a fort peu de généralisations dans ' ..... a... '·e ethnologique, et donc un risque asse>; faible. Mai. il est un argu-

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Article Actes du 42e Congrès Internatinal des américanistes

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Page 1: Menget (1976) Adresse Et Référence Dans La Société Txicao

ADRESSE ET RÉFÉRENCE LA CLASSIFICATION SOCIALE TXICÂO

PAR PATRICK MENGET

INTRODUCTION.

propoS'Dm d'examiner certaines propriétés structurales du système txicao, et ses implications éventuelles quant à l'ana-

des structures sociales des sociétés de la forêt tropicale ou Notre perspective est double, et tente d'aborder les problèmes

occupent à partir d'un point de vue non pas nouveau, mais simple-habituel. En premier lieu, nous avons choisi d'aborder la c1assi-

sociale (et non « la parenté ll) d'une société à partir de ses pratiques et sociales, plutôt que d'apporter ou d'importer les catégories

maintenant classiques qui nous paraissent inadéquates. Il ne s'agit nier la valeur au moins descriptive et typologique des notions d'unifi-de structures échangistes, de ( familles » de nomenclature .. . mais seule-

constater qu'elles ne nous ont pas fourni beaucoup d'éclaircissements sociétés sud-américaines. Les travau:x récents en théorie de la parenté

cette impression d'échec relatif) qui soulignent la valeur régionale, que générale, des grandes hypothèses proposées depuis trente ans. Nous

donc le problème à sa source, c'est-à· dire dans l'usage qui est fait classificatoires, en mettant pour le temps de l'analyse les références

pol'Dgi'qu,,, entre parenthèses. Si l'entreprise est menée à terme, nous obtien-un modèle d'une classification, c'est-à-dire d'une réalité d'ordre idéolo-C'est alors qu'on pourra confronter ce modèle aux autres pratiques sociales r.éalités institutionnelles.

s'interroge en second lieu sur les raisons de ce détour par l'idéolo-peut avancer, en première approximation, un argument empirique.

institutionneUes, les groupes sociaux, leurs liaisons et leur disposi .. d'abord connus dans les termes indigènes, donc dans un système

IMlélzories qu'il s'agit d'apprendre. Or, nous avons souvent trop rapidement de catégories à partir d'une perception éduquée, et peut-

éduquée par notre connaissance d'autres systèmes sociaux. Dans le nous OCCupe, l'éducation de l'ethnographe est minime: s'agissant de dits bilatéraux ou cogna tiques, il y a fort peu de généralisations dans

' ..... a ... '·e ethnologique, et donc un risque asse>; faible. Mai. il est un argu-

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ment plus sérieux, et sans doute moins banal. Autant la variété des formes institutionnelles, conçues selon les notions classiques de l'anthropologie sociale déroute l'observateur des sociétés de la forêt, malgré d'évidentes écologiques, économiques et politiques, autant la récurrence de certains thèmes idéologiques, qu'ils soient interprétatifs, descriptifs ou mythiques frappe le comparatiste. La couvade, par exemple, apparalt remarquablement uniforme dans cette région du monde, mais que dire de l'échange restreint, du système dravidien, de l'uni filiation en ligne maternelle ou paternelle? On est donc assez naturellement conduit à se demander s'il ne serait pas intéressant, et fécond, d'aborder le problème comparatif à partir de structures idéologiques; il est clair qu'il ne s'agit que d'un détour, l'objectif final demeurant la décou. verte de principes généraux d'explication, qui vaudraient pour cet ensemble de sociétés de même origine lointaine.

Les Txicâo, qui étaient au nombre de 75 personnes en 1975, dans le Parc Indigène du Xingu, à proximité immédiate du Poste d'aSSIstance « Leo· nardo Villas Boas ». C'est un groupe de langue caribe, originaire de la région de l'embouchure du Xingu, et qui est parvenu dans le bassin du Haut Xingu autour du début du siècle. Après avoir maintenu des relations hostiles (raz·

captures d'enfants) avec les peuples « traditionnels » du Haut Xingu, ils furent pacifiés par les frères Villas Boas en 1965-67 et intégrés à la Réserve du Xingu en 1967. Ils pratiquent l'agriculture sur bri'tlis, la chasse et la pêche, et leurs techniques agricoles les assimilent plus aux populations amaz.oniennes qu'aux « autochtones» du Haut Xingu (bière de maïs; presse à manioc dite tipiti .. . ). Les Txicao constituent un groupe linguistiquement qui apparalt aujourd'hui isolé 1 dans la famille linguistique caribe, e: qUI P?ssède quelques traits communs quant à. l'organisation sociale avec les trIbus «

nos J) 2. Ils ne possèdent ni groupe de filiation, ni division hi- ou muiti-partie de leur société ni schéma directeur fixe dans l'organisation spatiale du village. Le principe de filiation est cognatique, et la parentèle ma,dm?m coïncide avec la communauté ethnique. Il existe trois niveaux d'organISatIon repérables dans la pratique sociale; celui de la communauté txicao, linguistique et ethnique, degré maximum d'extension de la parentèle,. qw réside généralement dans un seul village 3, et dont la solidarité est .. ment fondée sur la croyance à une commune origine, et cimentée l'IdéologIe et la pratique de la guerre; celui de la maison, vaste constructIOn. de xinguano (sans doute imité), qui peut loger de 15 à 100 qUI cont.'ent des familles alliées par le mariage plutôt que des groupes de germams, et qUI est le lieu d'un certain nombre d'activités coopératives, principalement les féminins de préparation de la nourriture végétale; enfin celui du foyer, dans une maison et délimité par les hamacs des membres d'une famille à laquelle sont agrégés les germains non mariés de l'un ou de L'articulation de ces trois niveaux, société, maisonnée, famIlle, n a de rigide j il est arrivé que le village soit constitué d'une seule maison (en .perloé • 1) '1 . . d'h' tre dISpos es de revers à la guerre, par exemp e ; 1 en eXIste aUJour Ul qua ' . li à peu près symétriquement autour d'une petite case centrale, à l.a er pour les travaux masculins, lieu de réunion et vestibule pour l'actIVlte nielle, mais, à la différence de la « maison des flo.tes J xinguano, aeeeS8l e eu

LA CLASSIFICATION SOCIALE TXICAo 325

général aux A l'intérieur de la maison, c'est la règle de résidence matri-looale ou qui ordonne les relations de voisinage, et donc qui gou-lIerne en partIe la composition d'une maisonnée. Cependant, bien d'autres fac-teurs en jeu, convenances personnelles, querelles, relations d'adoption, ,tc: .. , empêchent la conséquence logique de l'application de cette règle, qUI seraIt des groupes de sœurs stables. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est qu'il txiste une tendance chez les Txicao à la stabilité résidentielle des femmes, de mère en fille ; cela aurait autrefois suffi à qualifier les Txicao de « matrili-néaires )), il est clair qu'il n' y a pas ici d'unifiliation, ni même une perma-nence de c( lIgnes locales)) de femmes comme dans de nombreuses société Gê. Ces entre. f?mmes, d'ordre dyadique, ne constituent pas le principe orgamsateur des umtes familiales. II n'y a pas, de toute façon , d'unités familiales 1: ll! ni d.ans le système des mariages (unités « échangistes lI), ni dans la deslgnatlOu, Dl dans les statuts relatifs des individus ou des familles. Le trait dominant de l'organisation familiale est donc une très grande mobilité des familles, à l'intérieur des maisons et d'une maison à l'autre sur le cercle du village, mais aussi quant à leur cOlnposition interne. Les relations d'adop-tion, les multiples (simultanés et successifs), les mariages temporaires ou secondaIres (avec des captives), les stages matrilocaux avant le mariage ... , lous ces facteurs redistribuent sans cesse les membres des familles. Dans le temps comme, dans l'espace, les familles txicao sont labiles, et ce n'est pas principale-ment 1 effet des c( malheurs » démographiques et microbiens du contact depuis 15 j ]a apportée par une réduction de moitié est réelle, mais 105 mformatIOns généalogiques et les souvenirs des Txicao concordent sur ce

qu'il.en fut toujours ainsi. Le principe dominant d'organisation sociale (et economlque, comme nous le montrons par ailleurs) apparaît donc être une

de mais il ne suffit pas à définir les groupes réels de la société tXlcao, selon les événements entre la famille (minimum) et la com-

(maxImum). Il est d'ailleurs significatif de cette fluidité que les Txicâo ft 8Ien.t aucune catégorie désignant la (e maisonnée » (seulement un terme pour la maIson, et des expressions relatives de la forme « X chez Y )J, ou « la paren-tèle Y, maison ») , ni la famille nucléaire, ni même le groupe entier, 'l!'e 1 on deSlgne SOIt par le nous exclusif (ëimna), soit comme « la parentèle de Kaotavo » (l'un des héros-démiurges de la mythologie), soit enfin par l'ethno-nyme·, qui a SOUvent pour synonyme le terme (c humain )J.

plan des catégories générales de la classification sociale, il existe donc . x termes importants, ou plus précisément deux couples de termes. Le pre-

(homme, humain, txicao) s'oppose à urot (étranger, ennemi),

r second ,banonpun (terme 'possédé « sa parentèle ») a pour contraire dans usag t . • ' • d'If'" XIeao sa négation, ibanonpunpebla (<< son non· parent »). Il n'est pas

lD erent de souligner ici que tenpano et ibanonpun sont des termes de même (pana) et que cette racine produit encore en Txicao un verbe signifiant

Irreerp' M' . • J rocreer li. aIS alors que le premIer couple de termes (tenpanolurot)

les Txicao du reste de l'humanité, et s'appuie donc sur l'idéologie et la de la guerre, ]e second insiste sur la qualité d' une relation qui définit

10 • co ectivité idéale, d'extension variable. lbanonpun désigne donc à la fois parenté, dans son sens le plus général, et la parentèle, dont le contexte lin-

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guistique précise l'extension. Les Txicâo définissent ce lien très général de parent' cotprne une association humaine fondée sur des actes de procréation, qui ne 50 ;

pas nécessairement des actes déjà accomplis mais peuvent être au futur. Ain: avoir un ancêtre commun suffit à définir une relation atpanonpunpe (litt. ({ une relation réciproque de parenté »), mais envisager une alliance de mariag permet aussi de désigner ses alliés par le même terme. Le lien de parenté

par le père ou la mère d'un individu, sans privilège de l'un ou de l'autre.

Dans ces conditions, quelle peut être la signification du terme négatif {( non· parent » ? En effet, si c' est la notion de procréation qui est essentielle à la défi· nition de la parenté, y compris une procréation à venir, peut-il y avoir des non· parents ! dehors l'altérité « homme »1 « ennemI ll, Il peut eXIster un cntere restrIctif d applIcatIOn du terme « ibanon. pun ). Tous les actes de procréation ne sont pas socialement validés (ce qui est une autre façon de dire que les Txicao distinguent entre une union légitime et des unions non-légitimes), même s'ils entraînent toujours des relations de parenté entre enfants illégitimes, et entre enfants et parents adultérins j les termes désignant concubin et concubine (amto ; yo) ne sont pas des termes de parenté, mais les amies et amis de cœur peuvent être des parents. En d'autres termes, toutes les relations sexuelles ne sont pas des relations de parenté, bien que toutes les relations de parenté soient fondées sur des unions sexuelles et que toutes les relations sexuelles « productives}) entraînent des relations' de parenté à la génération suivante. Un exemple concret illustre ces conceptions quasi tautologiques: un Txicao dira d'une femme Txicao, avec laquelle il ne se conn ait pas de relation généalogique proche « ubanonpunpebla », ce n'est pas ma parente, mais il pourra ajouter dans le même énoncé qu'elle est du même coup épousable et qu'elle devient ainsi une parente ... C'est donc relativement à des femmes plus proches dans la parentèle qu'on dira d'une femme qu'elle est non-parente, en rappelant que ce n'est pas le critère de la possibilité du mariage qui fonde la distinction, puisque les femmes « proches )) comprennent des épousables et des non·épousables. Il peut exister d'autres critères d'oppo-sition entre « parents» et « non-parents », en particulier celui de la nomination. Un individu reçoit un nom dans sa parentèle bilatérale, et -c'est un nom de 58

parentèle bilatérale (de la génération + 1, + 2 ou + 3) ; il opposera donc sa « parentèle de nomination» à d'autres parentèles de nomination, dans les· quelles il n'a en principe ni éponyme ni nominateur. En principe, caf cer· tains noms sont en communs à plusieurs parentèles idéales, l'adoption est fré-quente, et chaque décès dans un groupe bilatéral de parents entraîne une renomination, qui est souvent le fait d'un nominateur parent certes, mais pas nécessairement proche parent .. . On peut résumer ces emplois complexes en montrant les extensions principales du terme ibanonpun : 1) X. banonpun (la parentèle de X), peut être l'ensemble idéal des Txicao

(si X est un ancêtre significatif), nous avons affaire à une parentèle maxi-mum, du type « ancestor-centered ll, mais cela peut être aussi la parentèle d' un personnage vivant, constructeur de -maison par exemple, auquel il s'agit d 'une parentèle « médiane }), du point de vue des générations.

2) ubanonpun (ma parentèle), peut aussi, mais rarement, être l'ensemble d ..

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Tx.i?ao ; le plus souvent, cela désigne les parents vivants (consanguins et alhes) pour lesquels Ego peut tracer des liens généalogiques praisemblables ; en tout cas, le terme n'exclut pas les morts, ni ne distingue clairement les générations.

3) Y_banonpun, où Y, est un conJOlnt, désigne alors généralement des consan-guins de mon conjoint; mais le terme ne s'oppose nullement à un terme désignant« les alliés», qui n' existe point, et les ter:.;nes de conjoint eux-mêmes sont des termes de parenté, donc Y appartient à ma parentèle ... Deux .remarques ,permettent d.e préciser catégorie générale de parenté;

la premlère es.t qu elle ne comme lnstrument de repérage objectif (i. e. communIcable à un tIers) qu'à condition de définir un individu-membre particulier défini par des éléments de statut extérieur à la parenté. Ainsi à la différence des systèmes possédant des groupes de filiation nommés, où ego quelconque peut être (conceptuellement) repéré par une relation simple d 'appar-

au, (X est membre de A), dans un système cognatique un ego dOIt être par une relatIOn plus complexe, où la catégorie ne désigne un groupe reperable que par rapport à un pôle, ou catégorie polaire (X est membre de la parentèle de Z, dans lequel Z est un point focal intéressant ancêtre rem ar-

éminente.) ., En second lieu, et dans le c'ontexte général du dIscours geneaiogique, les TXlCao ne procèdent pas habituellement de manière descriptive, sous la forme « A est le fils du frère de la mère de ... ) mais spécifient la parenté il l' aide d'une métaphore de la distance, et non ou degré. C'est une conception peu généalogique, qui oppose deux expressions verbales : amtemR

kuno, signifiant littéral.ement « la sangle (porte-bébé) est aj'ustée »

lache ». Amtet est le nom du hen de coton tissé avec lequel on porte les bebes sur la hanche, et amto, on ra vu, désigne une liaison 5. Un lien distendu figure donc un parent distant généalogiquement. Nous allons examiner tenant comment s'organisent les catégories spécifiques de parenté à l'intérieur de la « parenté)) (i banonpun).

Il est une .conve.ntion admise, et contestable à bien des égards, que la termInologIe de reference est un meilleur indice de la structure d'un système deparenté (relationship system) que la terminologie d'adresse. L'exa-men des raIsons de ce privilège éclaire bien sa nature contingente. La nomen-

de référence est en général plus complète et plus nombreuse que celle de 1 adresse, et elle s'exprime ou peut s'exprimer dans des formes impersonnelles par rapport au locuteur, alors que les termes vocatifs sont strictement liés au contexte relation. A ce titre, puisque la terminologie de réfé-

est soum!se à des restrictions contextuelles d'usage, on considère qu elle exhIbe un meIlleur schéma conceptuel, qu'elle est un guide plus sûr

s e reseau es re atlOns SOCIales. On fait donc correspondre, par hypothèse dan 1 , dl' , la structure d'un ensemble de catégories à la structure d 'un système de relations' à de la nomenclature de référence. Il en découle que les termes

à certaine particularités isolées, soit vraiment trop générales pour s'y. arrête .(la, relation de dialogue), soit vraiment trop spécifiques pour

Il pmss.e les Integrer dans un tableau structural (le lévirat, l'évitement de alhés, etc ... ) Au mieux donc, on peut trouver entre traits terminolo-

giques (de l'adresse) et traits sociologiques des correspondances partielles, qui

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conmment (ou devraient conmmer ... ) la correspondance systématique, globale entre référence et comportements sociaux. Il est vrai que, bien souvent, la pra-tique ethnologique confirme ces raisons. La terminologie d'adresse est SOUvent indistincte de celle de référence, simple variation morphologique sur cette der-nière j il n'y a pas touj'ours ,un système isolable de termes vocatifs. En français par exemple, il n'est pas du tout sûr que la fonction vocative soit réalisée un système cohérent de terines. Nous avons des usages et niveaux de langue spéciaux, ainsi la série du langage enfantin papa, maman, tonton, tata, mémé pépé) ... incomplète quant aux relations, et caractérisée par des et des groupements phonétiques propres à cette phase de l'apprentissage lin-guistique 6 ; de même, la série fiston, fifille, frérot ... appartient au registre familier, se forme par diminutifs et redoublements à connotation affective (sur la base des lexèmes de référence d'ailleurs) , mais n' est pas exclusivement vocative. En dehors de ces termes spéciaux, peu nombreux par rapport aux termes de référence, on utilise dans la fonction vocative les noms propres, les termes de réIérence, précédés ou non de pronoms personnels (selon le degré de familiarité), ou bien une combinaison d'un terme de référence et d'un nom propre (oncle Adolphe). Il serait donc abusif de dire qu'en français il existe un système de termes ; tout ce qu'on peut analyser, ce sont des procédés qui concour· rent à réaliser une fonction. Mais il suffirait que nous rencontrions quelque part un système d'adresse cohérent pour que les raisons traditionnelles du privilège de la terminologie de référence comme indicateur sociologique soient invali-dées, puisqu'elles ne sont fondées qu'en fait. On peut mentionner au passage, pour en faire justice, la suggestion récente de Leach (1971, p. 75) que le postu-lat d'un système terminologique est quelque peu abusif:

1 have expressed sceptici!lffi about the usuai anthropologieal assumption that the words employed in kinship terms in any natural language constitute a readily distin-guishable closed set. (P. 76, souligné par moi.)

Cette attitude provocatrice s'appuie sur l'usage de désignations alternatives pour un même parent, familières par exemple. Ce faisant, Leach confond allè-grement deux niveaux de l'analyse des faits de terminologie, celui du ou dea systèmes classificatoires, et celui de l'usage socio-linguistique des termes. La simple constatation empirique d'un usage alternatn présuppose en effet l'exis-tence d' un ensemble, ou de plusieurs ensembles de termes. Par la suite, Leach revient d'ailleurs à la notion qu'il révoque en doute en construisant le modèle systématique de l'emploi de termes d'adresse et de référence en différentes lan-gues. Il nous semble toutefois que la partie positive de sa contribution, l' des propriétés extra-significatives (semantic colour) des termes de parenté,. partie sur la tbèse de Jakobson (1960) aurait reçu une meilleure valIdatiOn, el gagné en rigueur, s'il distinguait plus nettement entre termes vocatifs et de référence. En particulier, les conditions de l'énonciation des termes de permettent de prévoir une plus grande charge (( affective » (ou expressl:e, ou évocatrice) dans le rapport personnel que dans le récit ou le discours à l'Imper-sonnel, mais aussi l'expression proprement sémantique (significative) d'une struc-ture idéologique pOUl' peu que nous ayons un système de l'adresse. Dans le ro" de la classification txicao, nous considérons les termes de référence et les termeS

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d'adresse comme deux modalités distinctes et complémentaires de la classifica· lion, parce que l'ensemble des conditions d'emploi permet de les distinguer.

Les Txicao se servent de leurs 25 termes de référence (tableau 1) chaque fois qu'il s'agit d'expliciter une relation, de préciser une obligation ou une valeur liée à celle·ci, et d'éclaircir l'origine ou le fondement d'une relation. Dans l'usage linguistique, ces termes sont possédés (ils n'ont en fait pas de forme libre dans la langue txicâo, à la différence d'autres substantifs) et on y associe l'utilisation des noms propres, ou des surnoms, de préférence aux teknonymes. Les formes pronominales (à la suite de Benveniste, 1966, nous admettons qu'il est éclairant d'associer fonctionnellement l'usage des noms propres et celui des pro-noms) qu'on emploie avec ces termes de référence et ces noms propres impliquent toutes aU moins une triade d'acteurs: _ soit le duel 7, qui implique deux personnes, soit la paire (locuteur·interlo·

auteur) et l'objet de référence. Par exemple ugume, notre père à nous deux; _ soit des formes plurielles, à l'exception de la !orme exclusive 7, qui assimile

l'objet au locuteur, et réalise ainsi une dyade collective éimna imu, notre père (qui n'est pas le tien ou le vôtre) ;

_ soit des formes impersonnelles indiquant deux personnes entre elles distinctes du locuteur qui énonce; « atpanonpunpebla ukpomelitpun ugumep " litt. « de notre père notre parrain d'initiation ne peut être parent )} ; (atpanonpunpebla est le négatif prohibitif de la forme réciproque de ibanon-pun).

Les 16 termes d'adresse en revanche (tableau II), dont tous n'ont pas une référence généalogique (de même que certains des termes de référence ... ) sont l'expression privilégiée du rapport dyadique entre deux personnes, dans les fonctions évidentes d 'appel et d'invocation, à l'exclusion de l'emploi des termes de référence. On remarque que deux termes seulement sur seize sont formés .. partir des radicaux de termes référentiels,

tumpiramlu, qui contient iramlu (grand-père); - ubenu, forme vocative de uben (petit enfant, etc.) .

Nous avions bien affaire à deux ensembles de termes distincts, et les Txicâo associent à l'emploi de ces catégories d'adresse l'usage préférentiel du tekno· nyme, plus rarement du surnom. Le teknonyme est en txicao de la forme • père, mère de X», c'est-à-dire accouple un nom propre d'enfant à un terme de référence, mais il est largement classificatoire puisqu'il suffit d'avoir un ger-main de même sexe ayant des enfants (si l'on n'en a point soi-même) pour le voir appliquer par extension le teknonyme. L'utilisation du nom propre en adresse est extrêmement rare, y compris pour les enfants qui n'ont pas, par définition, de teknonymes. On se sert pour eux d' un surnom affectueux ou d'un sobriquet, mais surtout du terme vocatif approprié. Enfin, dans le t}-pe de rapport social où s'emploient les termes vocatifs, il n'y a pas de marque pronominale possessive, et les pronoms utilisés librement sont ou bien ceux de. deux premières personnes , qui mettent en jeu la paire (locuteur, auditeur) ou bIen l'exclusif de la première personne du pluriel, qui implique quant à lui

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la paire (locuteur individuel collectif) et qui est marqué par la sui référence (Benvemste, op. ctt.). On resume sur le tableau SUIvant l'opposition des deux situations :

Noms Termes de relation Pronoms

Énoncé

RAPPORT MÉDIATISÉ

Nom propre (ou surnom) Référence impliquent une Triade

d'acteurs Récit, discours

RAPPORT IMMÉDIAT

Teknonyme (ou surnom) Adresse impliquent une Paire

d'acteurs Interpellation, citation

L'analyse de la terminologie de référence (tableau 1, ci-après) révèle un certain nombre de propriétés intéressantes.

1. lramlu

2. lnut 3. llnu

- 4. Ye 5. Awon 6. lben

7. Ahutpun

8. Ebae

9. lbaruln 10. Eblinta

1. - LA NOMENCLATURE DE RÉFÉRENCE.

FF,MF,FFB,MFB (f. p.) : FZH FM, MM, FMZ, MMZ, FZ, FZD F, FB, MZH, FZ5 M, MZ, FBW MB, MMB 5S, DD, SD, DS (h.p.): WBD (f. p.) : BS. BD, BSS, BSD ... MBD, MMBD ... MBS (h. p.) WF, WM, WMF, WMM, WFZ (f. p.) HF, HM, HMF, HMM, HFZ, HZ, HZD SW (f. p.) BW, MBW DH (h. p.) WZH (f. p.) HBW

Homme parlant seulement

11. Ilu 12. lmana 13. lnarut 14. lmun 15. Eméin 16. Emuye 17. !bam 18. Ebaymun 19. Yaramlu 20. Ebeéan

OB, O(FBS), O(MZS), MB, MMB ..• YB, Y(FBS), Y(MZS), ZS, ZDS ... Z, ZD, ZDD, FBD, MZD ... S. BS, FBS, MZSS, ZSS ... MBS, MMBS D, BD, FBSD, MZSD, ZSD .. , MBD D W, WZ, BW, MBW, MMBW, ZSW, ZDSW, FDZ, MD ZH, FZH, ZDH, DHF WB, WBS, WMB, SWF ZS, ZDS ... (archaïque) ZD, ZD D ... (archaïque)

LA CLASSIFICATION SOCIALE TXICAo

Femme parlant seulement

'1. lbaru 22. Ebit 23. Ebin 24. lmlen 25. Emleyum

OZ, O(FBD), O(MZD) YZ, Y(FBD), Y(MZD) B, MB, MMB ... FBS, MZS S. D, FBDD, MZDD, ZS, ZD H, HB, ZH, HZS, HZDS, HMB, HMMB, FZS, MBS

i) Tous les termes sont à la forme dite « 3. personne ». 2) b. p. : homme parlant.

f. p. : femme parlant.

331

On a d'abord des termes qui font apparemment double emploi pour une même classe de positions généalogiques, comme la série (awon, ebecan et yaramlu) qui reCOuvre en partie la série (ilu, imana, inarut). En d'autres termes, il y aurait une désignation de l'oncle utérin (et grand-oncle utérin) spécifique, et une autre plus « générale» puisqu'elle englobe également le frère aîné (ilu), et de même pour les termes réciproques . On peut éliminer les deux termes (ebeéan, yaramlu), parce qu'ils sont clairement des archaïsmes, rencontrés seulement dans des récits littéraires (i. e. mythiques) et glosés à grand-peine par quelques informa-teUllS cultivés. Le problème de l'alternative subsiste néanmoins, il correspond en fait à doux aspects différents d'une même relation, puisque les Txicâo (homme ou femme parlant) emploient awon de préférence à ilu (frère aîné, h. p.) ou ,hin femme parlant) chaque fois qu'il est question d'alliance matrimoniale avec le fils (fille) d'un awon, et les autres termes dans les autres cas, qui impli-quent, comme on le verra, la possibilité d'une forme alterne de mariage. Nous retrouvons le problème à propos des terminologies alternes pour les cousins croisés, que nous examinerons plus loin.

On passera rapidement sur des caractéristiques du système qui sont assez courantes, comme la fusion des germains de même sexe et l'équivalence des demi-germains aux germains ;

imu = F, FB, MZH ye = M, MZ, FBW et leurs réciproques

Ceci entraîne l'assimilation catégorique des cousins parallèles aux germains. Ce qui est moins fréquent, est la présence conjointe de traits • obliques» qu'on rattache d'habitude à deux types de nomenclatures « oppo-• Il, Grow et Omaha; nous avons en effet, du côté Crow ; 1) InUl = MM, FM, FZ ; iramlu = FZH (f. p.), et la réciproque

f. p. iben = enfants d'enfants, BS, BD h. p. iben = WBD

2) h. p. ilu = OB, MB, MMB ... et la réciproque imana = YB, ZS, ZDS .. .

f. p. ebin = B, MB, MMB .. . et h. p. ;naru! = Z, ZD, ZDD .. . !nfin, pour les enfants des catégories précédentes, la possibilité: Imu = FZS

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332 SOCIAL TIME AND .SPACE IN LOWLAND SOUTH AMERICA

inut = FZD, et leurs réciproques (f."'p .) iben = MBS, MBD (h.'p.) imun = MBS (h. p.) emi'.in = MBD

Rappelons que ces désignations de cous,i,ns et sont seulement possibles dans un certain contexte, et qu Il en eXIste un autre Jeu.

Du côté Omaha, il n'y a qu'une « équation» intéressante (et complexe) : ibam = ZH, FZH, et sa réciproque ebaymun = WB, WBS

Elle semble mettre en position équivalente sœur du père et sœur d'ego, en situation d'alliance. Il est bien évident que cela ne nous avance guère de définir ce système comme d'allure Crow et Omaha à la fois , puisque ces types sont traditionnellement conçu comme des images inverses. TI est int éressant de noter en revanche la dissymétrie entre la terminologie du point de vue d'un ego féminin et celle du point de vue d'un ego masculin, comme le montre le dia .. gramme suivant:

EGO !IASCULIN EGO FÉMININ

rA 6J, - 6 lt\j'_ ?;T

lM" INV' lMU lN;' l E:'N

lMUN El< VI IMLiW IBfN

b IBEN mw

IBEN

Tout se passe, pour employer une simplification commode,. comme si, pour un homme il y avait assimilation de deux générations succeSSIves (F = FZS 1 OB = MB'; S = MBS; D = MBD) et pour une femme, assimilation de deux générations alternes, donc un « écart» supérieur d'une génération (BS, BD, =:= MBS, MBD = Ch S, Ch D) . Il est notable que la seule règle qui semble .regll les groupes sociaux soit, comme on l'a vu, la tendance à la permanenc; tielle de l 'unité mère-fille. Nous avons donc des équivalences inter-genératloD-nelles de « puissance» différente pour les hommes et pour les femmes, du côÙ de la structure des catégories, et une dominance très nette, vu l'isolement l'el.-tif de l'équation deforme Omaha, des catégories qui assimilent entre elles dei! générations de femmes, qu'il est difficile de ne pas mettre en rapport avec 1. seul élément de permanence qui nous est donné dans la structure l'unité résidentielle mère-fille. La terminologie affine, nous y avons faIt

. . N l "1 ' . t pas de caur pose un problème partlCuher. on sell ement parce qu 1 n e XIS e gorie générale de l'affinité, mais parce que nous avons deux emleyum) dont tous les emplois sont réciproques, qui paraissent el.a_ ment une prescription matrimoniale au niveau purement termmologIqu. Comment interpréter autrement:

LA CLASSIFiCATION SOCIALE TXiCAo 338

t) l'équivalence W = MBD = MBW etc ... H = FZS = HZS etc •. .

'1 l'étymologie explicite (explicitable en tout cas) fournie par les Txicao eux-JDêJlles de ces deux termes :

emuye < emun·ye, mère de son fils (h. p.) emleyum < emlen-yum', père de son fils (f. p.)

Le problème vient de ce que, dans la catégorie d'épousable figure des types de parents incompatibles : comment puis-je épouser la femme de mon oncle uUrin et sa fille? Si j'épouse la première, sa fille est ma fille puisqu'il est mon frire aîné ... Nous sommes en présence ici d'une catégorie disjonctive, c'est .. dire d'un terme qui, s'il reçoit l'acception a) ne peut recevoir l'acception b). Autrement dit, deux formes principales d'alliance doivent être possibles pour que ce système de catégories soit cohérent. On pourrait objecter que la pres .. cription impliquée dans l'acception emuye = W = MBW est une fiction classi-&catoire, étant donné qu'il ne peut s'agir que d'un mariage secondaire. Ouvrons ... parenthèse sociologique pour affirmer que les Txicao pratiquent la polyan-cIrie fraternelle et que cette prescription a, sociologiquement, un contenu réel, " qu'à leurs yeux le « partage» d'une épouse est bien une union légitime pour ... deux partenaires, ou plutôt pour les trois. Le système des catégories exhibe pc deux aspects alternes de l'alliance, soit du point de vue d'un homme!

ASPECT ASPECT II emuye eméin imun ilu

W MBW D = MBD S = MBS OB = MB

W = MBD

awon : MB (= OB)

.... dans ces deux aspects, fonctionne comme un opérateur (ou vec-terminologique, puisqu'elle permet de passer des catégories décrites ci-des-

catégories à contenu principalement affinaI, c'est-A-dire : (aspect 1) MBS imun --+ ebaymun

FZS imu --+ ibam MB awon --+ ahutpun MBW emuye --+ ahutpun

quelques différences signalées précédemment, ces opérations sont valables du point de vue d'un ego féminin. Soulignons enfin que la catégorie emuye

décrite explicitement comme faisant partie de la parentèle ibanonpun, et des femmes « trop )) distantes ne sont pas catégorisées comme emuye, mais

épousables. Elles le deviennent alors ... Inversement, des femmes lMl!Otisé,es comme inarut, normalement non épousables, peuvent

emuye si elles sont suffisamment « distantes )), comme une MZDDD .. nn'. Cette possibilité terminologique alternative d'un mariage intragé ..

et d'un mariage dit oblique existe également dans d'autres groupes caribe, comme les Trio.

Outre, si l'on regroupe tous ces termes en faisant figurer les réciproques

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SOCIAL TIME AND SPACE IN LOWLAND SOUTH AMERICA

face à face, on découvre alors une propriété du système qui demande une e cation. En effet, la liste ci-dessus oppose des couples de termes dont les sont réciproques, et ce qui apparait commun à chaque côté, c'est la de l'âge statutaire. lOII

iramlu ibm inut ye, imu imun, eméin (h. p.)

imlen (f. p.) ilu (h. p.) imana (h. p.) ibaru (f. p.) ebit (f. p.) ebin (f. p.) inarut (h. p.) ibam ebaymun ahutpun .bae (femme) - ibarum (homme)

Les seuls termes qui n'entrent pas dans cette dichotomie sont: - emuye, emleyum conJoints; - awon qui n'a plus de réciproque, mais possédait les termes archaïques (h. p.)

ebeéan et yaramlu comme tels; - eblinta., terme qui n'est pas d'ailleurs un terme de parent4 . mais un terme désignant le riraI qui s'applique ici à une relation qui échappe

à la prescription terminologique (et sociale) de mariage (en effet, mon \'IZB est quelqu'un qui a épousé mon épouse classificatoire, WZ).

Or, les denotata des termes de la colonne de gauche sont, indépendamlll8llt des différences de génération, de statut plus âgé, Senior par rapport 11 ceu de la colonne de droite. Il apparait donc qu'une dimension importante de cetta nomenclature est l'opposition entre un aspect Senior et un aspect Junior, rou. nous ne savons pas ce que cela veut dire. Rien d'évident dans la structure d. groupe, ni dans le système des mariages ne semble correspondre à ceci. Pu ailleurs, à l'exception de la notion d'opérateur terminologique, nous BVO" jusqu'à maintenant surtout analysé ce système en terme négatifs: l'oppositioa allié-consanguin n'est pas pertinente, les générations sont confondues à l'excep-tian d'un noyau central (ye =F imlen; imu =F imun), la terminologie emplo»'o par une femme ne coïncide pas avec celIe qu'utilise un homme. L'examen de la nomenclature d'adresse va nous permettre d'élucider le problème.

La nomenclature d'adresse se compose de seiz.e termes dont deux seU-lement, on l'a vu, sont dérivés des termes de référence; on a indiqué ci·april (tableau Il) les termes de références correspondant aux denotata des termtl vocatifs.

II. - LA NOMENCLATURE D'ADRESSE.

1. Tumpiramlu!

2. Tumpira! lme tumpila! 3. Pupa!

FF, MF, FFB, MFB; (f. p.) FZII (iramlu)

FM, MM, FMZ, MMZ, FZ, F,zD (inail F, FB, MZH, FZS (imu)

LA CLASSIFICATION SOCIALE TXICAo 335

• h. p. WF, WMF (ahutpun) • f. p. HF, HMF (ahutpun) • h. p. ZH, FZH, DHF (ibam) M, MZ, FBW (ye) • f. p. : HM, HZ (ahutphun) S, DH • h. p. : BS, FBSS, MZSS, ZSS

MBS, MMBS (imun) • h. p. : WB, WBS, SWF (ebaymun) • f. p. : ZS, FBDS, MZDS (imlen) D, SW • h. p. : BD, FBSD, MZSD, ZSD ...

MBD (emiiin) • f. p. : ZD, FBDD, MZDD (imlen) • f. p. : BW, MBW (ebae)

7. Ubenu! Taumpe! (Pubi) Ubenu! SS, SD, DS, DD • f. p. : BS, BD, BSS, BDS ... MBD,

MMBD, MBS • h.p. : WBD h. p. : OB, YB, FBS, MZS, MB,

MMB ... ZS, ZDS (ilu + imana) h. p. : Z, ZD, ZDD, FBD, MZD ...

(inarut) h. p. : W, WZ, BW, MBW, MMBW,

ZSW, ZDSW, FZD, MBD (emuye) f. p. : OZ, YZ, FBD, MZD, B, MB,

MMB ... FBS, MZS (ibaru + ebit + ebin)

f. p. : H, HB, ZH, HZS, HZDS, HMB, HMMB, FZS, MBS (emleyum)

h. p. : WB, WBS, WMB, SWF (ebay· mun)

h. p. : ZH, ZDH, DHF (ibam) f. p. : HZ, HZD (ahutpun) f. p. : BW, SW, MBW (ebae) h. p. : (f. p. ?) MB, MMB (archaïque)

(awon) (surtout h. p.) compagnon! compa-

gnons! à toute personne ayant reçu le même

jeu de noms personnels.

Les termes de référence correspondants figurent à la suite des denolata entre parenthèses.

2) h. p. homme parlant. f. p. : femme parlant.

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336 SOCIAL T1ME AND SPACE IN LOWLAND SOUTH AMERICA

Les emplois concurrents de plusieurs termes pour une même relation retiennent d'abord l'attention. Ainsi, entre plus précisément entre frère d femme et mari de sœur, on emploie des termes spécifiques, kamutu-imu et mais aussi des termes par ailleurs dénotés comme (père) et (fils), pupa et taumpe: on s'adresse donc au mari de sa sœur comme à son père, et au frère de sa femm 1

comme à son fils . Cette désignation appelle deux remarques, d'abord que imu, le terme le plus spécifique, est de la forme teknonymique, bien que (kamutu) ne soit apparemment ni un nom propre, ni un terme de référence connu des Txicao j ceci est compatible avec l 'usage txicao qui entre hommes (mais aussi entre hommes et femmes) veut qu'on s'interpelle par son teknonyrne ou par le terme d'adresse adéquat. Par ailleurs, on pourrait dire que la relation entre beaux-frères (donneurs/preneurs de femmes) est terminologiqucment marquée comme inégale, que ceci peut être mis en parallèle avec l'emploi des termes d'allure Crow (aspect alliance) pour les cousins croisés, et devrait logiquement trouver son corrélat dans les relations sociales. Mais nous nous sommes donnés comme règle de ne procéder à ces corrélations qu'à partir de la structure de l'ensemble j il faut donc procéder de manière à découvrir des dimensions du système vocatif dans son ensemble. II n'y a pas de parallélisme strict entre terminologie d'adresse et de référence, du point de vue du sexe du locuteur, puisque la relation d'alliance entre femmes (donneuses/preneuses d'hommes) est désignée, comme celle entre hommes, soit par des termes spécifiques (kamutu-ye, kuipu), soit par l'opposition ime/pubi (mère/fille). Nous avons ici deux images « sexuelles » superposables, à la différence du système de référence.

Si l'on examine maintenant les termes d ' adresse qui s'appliquent à des tions réciproques, il est frappant de constater que, pour certaines relatioIlA, on emploie le même terme, pour d'autres, des termes différents:

Même sexe

Sexe différent

TERME DIFFÉRENT

pupa/taumpe ime/pubi K_ imu/kule kaipu/k_ ye ime, pupa/ubenu

pupa/pubi ime/taumpe ime tumpila/ubenu pupa tumpiramlu/ubenu

MÊME TERME

aU pay

pay

Pour un terme seuJement, nous sommes dans l'ignorance de l'usage réciproque. Tauki est glosé comme « très respectueux », s'appliquant à Ja relation (MB/ZS), mais nous ne l'avons rencontré que dans le contexte de mythiques, et il pourrait s'agir d'un terme archaïque. On a donc des pour lesquelles l'inégalité « statutaire », ce que nous avons appelé la drflerence Junior/Senior, est marquée par des termes d ' adresse différents, et P:Q lesquels ene est comme neutralisée par l'emploi du même terme (self-reClpro. .

LA CLASSIFICATION SOCIALE TXICAo 337

[,'équivalence (pupa/taumpe) F/S = ZH/WB = MBS/FZS = WF/DH (et une ,érie féminine analogue) s'oppose donc, dans les générations centrales (+ i, 0, _1) à l'équivalence (ali) OB/YB = MB/ZS (il n'y a pas d'analogue féminin "riet)-

De même, lorsqu'il y a sexe différent du locuteur et de la personne qu'il désigne, DOus avons l'équivalence:

(pay) B/Z = HfW = MB/ZD = MBD/FZS f . p_ b. p_

dans ce cas, Ja série féminine ajoute une relation de même sexe: (pay) OZ/YZ = B/Z

qui s'oppose à l'équivalence (pupa/pubi) (ime tumpila/ubenu)

F/D MM/DS

avec la restriction signalée supra, p. 332.

MBD/FSZ FZD/MBS

La terminologie d'adresse, par l'opposition entre « termes riciproques » (i. e. vocatif et « termes non-réciproques)) nous renvoie donc à la structure du système de référence, où nous avons vu que l'opposition Senior/Junior faisait problème_ Si on applique cette opposition, découverte dans les générations centrales, confondues d 'ailleurs, mais distinctes dOl générations extrêmes (+ 2, - 2 : ime tumpila, pupa tumpiramlu/ubenu), au tableau des termes de référence et de leurs réciproques, on obtient une ture plus simple que nous schématisons ainsi, pour un Ego masculin :

PÈRE/FILS

mari de sœur/frère d'épouse preneur de femme/donneur de femme

mire/fils pire/fille

FRÈRE + / FRÈRE -

frère de mère/ fils de sœur (frères ou frère de mère et

fils de sœur) frère/sœur frère de mère/fille de sœur

La relation d'alliance revêt donc bien les deux aspects ou options décrits plu, haut, puisque dans un cas elle est homologue, formellement à la relation père-fils, et dans l'autre elle est la continuation de la relation de similarité entre frères, ou frères classificatoires, oncle et neveu utérins . Les faits dt nomination, que nous ne pouvons traiter ici, confirment cette opposition

nt.rale du système terminologique entre relation parentale et relation fra-rnelle, puisque le nom du fil s d'un homme est toujours nécessairement

du sien, alors qu'un frère de mère peut donner son nom à son neveu utérin, qu un frère peut prendre, ou plutôt recevoir le nom d'un de ses frères morts,

qu'enfin il est fréquent qu'on utilise le même surnom pour l'oncle maternel le neveu utérin. L'opposition fondamentale de la terminologie txicao est :e productive, puisque par exemple des hommes qui n'ont pas une atlon de parenté bien précise, ou qui sont étrangers, et dont les enfants se

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338 SOCIAL TlME AND SPACE IN LOWLAND SOUTH AMERICA

marient, s'appellent d'emblée «père)) (pour le père de l'homme, donc le pren d'épouse) et « fils)) pour l'autre. Les deux aspects de la terminologie référenti:;;: s'ordonnent donc grâce à l'analyse des termes vocatifs.

Si l'on s'interroge maintenant sur la structure des relations sociales vécu on constate que la relation d'alliance localisée constitue l'armature de la plup: des foyers, et qu'elle organise (les flux de prestations orientés entre bealUto

frères; l'inégalité terminologique correspond donc à des transferts substantiela, à un mouvement constant de biens et de services entre beaux·frères. Au contraire, les relations entre neveu et oncle utérins sont des relations de partage, de Parti-cipation, qui donnent l'impression d'une proximité, affective autant que ph,.. sique, telle que rien ne paraît circuler. La relation père-fils, qui est aussi lUIt relation orientée et à ce sens unique, puisqu'un père nourrit son fils jusqul, ce qu'il se marie, et est ensuite nourri par son gendre, est en partie le !nod. de la relation entre beaux-frères; c'est une relation idéalement déséquilibrit qui s'oppose à la relation idéalement équilibrée entre frères, le plus souvent dissociés en fait, et oncle maternel et neveu utérin, qui sont associés aussi 80"," vent qu'ils le peuvent. Nous vérifions a.insi, de manière très fragmentaire, que la structure idéologique de la terminologie des relations txicao, essentiellemeat dualiste, ne correspond ni à. une grande bi-partition du groupe, ni à un "YI-tème échangiste de type bilatéral et symétrique, mais à l'opposition fondamentale de deux types de relations, de deux formes de mariage (dont l'un, le marïap polyandrique, est nécessairement limité dans le temps et plus précaire que l'autre) dont la combinaison est à la fois une perpétuelle source de tension. " le moteur même du cycle de reproduction sociale.

NOTES

1. Les plus proches parents, au point de vue linguistique, des Txicâo sont des groupea cil bas-Xingu qui ont aujourd'hui disparu, à. l'exception probable d'un ou deux villages Ana repérés, mais non contactés, pat: la F UNAI en 1971-72 près d'Altamira.

2. Les étudiants de la région du Haut-Xingu ont adopté ce qualificatif d'origine gaïse pour désigner les différentes tribus de l'ensemble poly-ethnique et (ICJD. kuru, Kamayura, Waura, Kalapalo, etc .. . ) . .

3. Les Txicao insistent sur le fait que la coïncidence entre un lieu unique de .. l'ensemble du groupe n'est pas nécessaire, mais le produit de circonstances historiques. dans un passé relativement récent, lorsque les Txicâo étaient plus nombreux (de 150 l personnes) , il a pu exister deux villages.

4. T:eiccW n'est pas l'ethnonyme aborigène, mais une désignation d'origine étrangère. "" être brésilienne (Chico"""""+ Chicào), par le biais d 'une tribu hostile intermédiaire. L'ethno= propre est lkpeng, qui ne s'emploie guère devant des non-Txicâo, mais en contexte ou lorsqu'on insiste sur la propriét é d'une coutume.. . .

5. L 'affinité linguistique amtet, amto est explicitement perçue par les de --que le lien avec les verbes yamci « je couvre un toit » (en liant des bottes de pruUe) , .. j'ai une érection n, et yamket (( je déflore ll .

6. Nous laissons de côté ici la question, soulevée par R . Jakobson (1960) de l' lt." du mode de formation de ces termes, en particulier de la paire (papa/marna) . En cause l'argument de Jakobson n'apparaît vraiment certain que pour ceS terIneS i U • d'adresse, la relation entre leur réalité phonétique et phonologique et celle des teJ'IDII râférence demeurant un problème obscur. .

7. Il:r a ici une difficulté: pourquoi la forme possessive dueUe ne peut-elle être IUI ..... _ tiell.? (et renvoyer ainsi à une situation dyadique) . Nous pensons qu'il n'y a en tXI

LA CLASSIFICATION SOCIALE TXICAo 339

soi.q;u'à!a forme dite (de l'auditeur) qui, sous une allure plurielle (nous .tOI a. nous adressons), renvoie à. une situation dyadique {locuteur audi-

mérltera.It une plus _grande linguistique. ' est une varIante archalque de lmu, encore utilisée en composition.

RÉFÉRENCES

_ ,,'<!STE Émile. Problèmes de linguistique générale. Paris, Gallimard, 1966. « Why« II and I( papa» ?)J In B. Kaplan and S. Wapner (eds.),

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