mercredi 2 mai 2018 radiographie de 43 lignes sncfpresse.actuca.com/fichiers/2018_05/194004_le monde...
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0123MERCREDI 2 MAI 2018 économie & entreprise | 3
Rail : une France à deux vitesses« Le Monde » s’est penché sur les temps de trajet en train entre deux villes et leur évolution dans le temps. Constat : la priorité à la construction de nouvelles lignes a fait prendre un retard néfaste à la régénération du réseau
Il y a comme une ironie dans la cartede France que nous publions ici. Detoutes les destinations que nousavons étudiées statistiquement afind’évaluer, sur la durée, le service pu-blic ferroviaire en France, une seule
ligne affiche un temps de trajet qui s’est ral-longé aujourd’hui par rapport à… 1963. Etc’est Paris-Amiens, soit la liaison entre la capitale et la ville de naissance et de jeu-nesse d’Emmanuel Macron.
Nul ne sait si ce constat aura influencé leschoix du président de la République de faire mener par son gouvernement une réforme majeure de la SNCF et du système ferroviaire français. Il est en tout cas certain que le pre-mier ministre, Edouard Philippe, dans sa pré-sentation du « nouveau pacte ferroviaire », le 26 février, avançait l’argument de la piètrequalité de service pour justifier son action.
« Les Français, qu’ils prennent ou non letrain, payent de plus en plus cher pour un ser-vice public qui marche de moins en moins bien », expliquait M. Philippe, clouant au pi-lori des lignes où « la vitesse frôle parfois le surplace en jouant avec les nerfs des usa-gers ». Un agacement qui n’est peut-être pas étranger au fait que l’on met aujourd’huivingt minutes de plus qu’en 1973 pour allerde Paris au Havre, la ville dont Edouard Phi-lippe fut le maire de 2010 à 2017.
Ces propos avaient vexé les salariés de laSNCF, jusqu’aux plus hauts cadres, et proba-blement joué leur rôle d’aiguillon dans lamobilisation des cheminots contre la ré-forme. Mais ces critiques étaient-elles, ou non, dénuées de fondement ? Qu’en est-ilréellement de cette qualité de service et deson évolution dans le temps ?
Pour répondre à cette interrogation, nous
avons choisi de nous pencher en détail, en quatre pages de carte et d’infographies, sur les temps de trajet des trains entre deux vil-les et leur évolution dans le temps. Pour ce faire, nous sommes allés chercher dans laplate-forme de données ouvertes de laSNCF. La compagnie nationale fournit ces statistiques année par année sur les 43 principales lignes françaises, TGV et trains classiques (appelés Intercités). L’his-torique des données remonte jusqu’à 1963pour la plupart des liaisons.
L’EFFET TGV JOUE MASSIVEMENT
On notera bien qu’il s’agit des meilleurs temps de trajet théoriques, c’est-à-dire ins-crits dans le tableau officiel des horaires, quenous avons étudiés ici, et non des temps de trajet réels, qui incluraient donc les retards. Malheureusement, cette dernière statisti-que n’est pas fournie par la SNCF. Mais l’ana-lyse des simples horaires permet tout de même d’embrasser dans une perspective de long terme l’amélioration ou la dégradation du service public ferroviaire.
Alors, que nous disent ces chiffres ? Toutd’abord, une bonne nouvelle. Depuis cin-quante-cinq ans, pour la totalité des lignesétudiées (à l’exception, on l’a vu, de Paris-Amiens), les temps de trajet se sont amélio-
rés. Et souvent fortement. Par rapport à 1963,on met ainsi quatre heures de moins pour aller de Paris à Brest ou Montpellier en train,trois heures de moins pour rallier Marseille depuis Bordeaux, deux heures de moinspour faire Paris-Saint-Etienne, une heure de moins pour rejoindre Paris depuis Lille.
Evidemment, l’effet TGV joue massive-ment. Son effet de rupture est visible sur les graphiques des lignes TGV. Mais il se réper-cute aussi en creux en dessinant une France ferroviaire à deux vitesses, celle des trajets à 300 kilomètres/heure et celle des bons vieux trains Intercités. D’un point de vuegéographique, deux espaces moins bien lo-tis en matière de vitesse ferroviaire appa-raissent : le centre français – de la Loire au sud du Massif central – et une large frange nord-ouest bordant la Manche, grosso modo de Boulogne à Cherbourg, ayant peut-être le « défaut » d’être trop proche de Paris.
Mais il y a plus étonnant. Et préoccupant.On constate, depuis la double décennie1990-2000-2010, un allongement des temps de trajet sur la majorité des lignes, y comprissur les lignes à grande vitesse. Un accroisse-ment masqué par les spectaculaires gains récents réalisés sur Paris-Bordeaux ou Paris-Rennes. Mais le constat est sans appel : pour les deux tiers des lignes étudiées, le temps
de trajet, en 2017, est moins bon qu’il y a cinq, dix ou quinze ans. Etrange paradoxe :au moment où la France étoffait par desefforts d’investissement considérables (et une nouvelle hausse de la dette de la SNCF)son réseau à grande vitesse, la majorité destrains des grandes lignes se sont mis àdevenir plus lents.
Ce décrochage a des causes diverses. Onconnaît la critique de fond adressée à la poli-tique du tout-TGV, relancée par le Grenelle de l’environnement il y a dix ans. La priorité donnée à la construction de nouvelles lignesa fait prendre un retard dramatique à la ré-génération du réseau existant. Cela expliqueune grande partie des ralentissements pour raisons de sécurité instaurés sur les voies ferrées du pays.
« L’Etat est depuis longtemps dans une logi-que de repli en matière ferroviaire, explique Yves Crozet, professeur à l’université Lyon-II et spécialiste de l’économie des transports. La France est passée d’un réseau de 40 000 ki-lomètres dans les années 1950 à 30 000 aujourd’hui. Dans ce contexte, le seul avenir aété le TGV. Il y avait une stratégie pour la grande vitesse, une stratégie pour les TER, mais pas de réflexion entre les deux. Les Inter-cités, en particulier, ont pâti de ce manque. »
Du côté des usagers, on critique vertementce ralentissement continu de la circulationen train, vécu comme une dérive, voire comme un laxisme de la part de la SNCF. Jean Lenoir, vice-président de la Fédérationnationale des associations d’usagers des transports, s’en indigne : « Allonger les tempsde trajet revient à institutionnaliser des re-tards chroniques que personne ne se donneles moyens de vraiment combattre. » p
éric béziat
ON OBSERVEUN ALLONGEMENT
DES TEMPS DE TRAJET
SUR LA MAJORITÉ DES LIGNES, Y COMPRIS
SUR LES LIGNES À GRANDE VITESSE
Lille
Rouen
Caen
Le Havre
Cherbourg
Q U I M P E R
B R E S T
Boulogne-sur-Mer
Amiens
S T R A S B O U R GNancy
Metz
D I J O N
Mulhouse
Reims
Le Mans
A N G E R S
Tours
Limoges
P O I T I E R S
Clermont-Ferrand
Saint-Etienne
B A Y O N N E
L A R O C H E L L E
N A R B O N N E
Arras
Orléans
Montpellier
GrenobleGrenoble
Lyon
Marseille
B O R D E A U X
N A N T E S
R E N N E S
T O U L O U S ENice
PARIS
A M I N SE
R O U NE
L Y O N
N I C E
C A E N
T O U SR
B O U OL G N E - S U - M RER
C H E BR O U R G
L E AH V R E
O R AÉL N S
L I GOM E SC L E MR O N T - F E R A DNR
S A I TN - É T I E N EN
M O N PT E L L I E R
M A R ES I L L E
G R E ON B L E
M U L OH U S E
L E AM N S
R E SMI
M E ZT
N A YCN
A R SAR
L I ELL
D E S G A I N S D E T E M P S S U R L E S T R A J E T S D E P U I S 1 9 6 3 *. . .Meilleurs temps au départ de Paris (TGV et Intercités)
INFOGRAPHIE LE MONDE
. . . M A I S D E S P E R T E S D E T E M P S R É C E N T E S
Entre 50 et 60 %
Comparaison de temps non disponible
sur les autres lignes
Entre 25 et 49 %
Gare de plus de 1 million de voyageurs annuels
en 2016, hors réseau Transilien
(cercles proportionnels de 1 à 6 millions de voyageurs)
Moins de 25 %
Ligne à grande vitesse
Temps de trajet actuel supérieur à celui de 1963
Perte de temps supérieure ou égale à 10 %
Evolution du temps de trajet entre le meilleur temps observé
depuis 1963 et le temps de trajet en 2017
*1985 pour Le Mans, Tours, Lille, Arras et Angers
Moins de 10 %
Moyenne du nombre
de trains circulant
par jour en 2013
(hors TER et trains de nuit)
150
250
90
40
20
10
X X X
X X X
▶▶▶
4 | économie & entreprise MERCREDI 2 MAI 2018
0123
Infographies : Sylvie Gittus-Pourrias et Audrey Lagadec
années
Durée du trajet
Entre 50 et 60 %
Entre 25 et 49 %
Evolution du temps de trajet sur 43 lignes de train en France
Gain de temps sur les trajets entre 1963 et 2017
Nombre de minutes perdues en 2017 depuis le meilleur temps observé entre 1963 et 2017
xx minTemps gagné entre 1963 et 2017
heures
PARIS - CAEN
50
1963 1996 2017
1 h 502 h 24 1 h 44
34 min
0,15
54 min
PARIS - CHERBOURG
1963 20171996
3 h 56 2 h 42 3 h 02
0,14
PARIS - BOULOGNE
1963 20172000
1 h 562 h422 h 08
34 min
0,15
PARIS - CLERMONT-FERRAND
50 min
1963 20172008
4 h 00
3 h 102 h 59
0,15
PARIS - ROUEN
14 min
1963 1972 2017
1 h 22 1 h 081 h 03
0,17
PARIS - BAYONNE
2 h 32
1963 2017
6 h 27
3 h 55
0,16
PARIS - LA ROCHELLE
1 h 45
1963 2017
4 h 28
2 h 43
0,19
PARIS - MULHOUSE
1 h 44
1963 20172013
4 h 24
2 h 40
2 h 38
0,19
LYON - NANTES
2 h 53
1963 20172005
7 h 17
4 h 10
4 h 24
0,17
LYON - STRASBOURG
1963 20172015
5 h 41
3 h 09
3 h 19
2 h 22
0,19
4 h 30
PARIS - NARBONNE
1963 2017
8 h47
4 h 17
0,13
3 h 10
PARIS - GRENOBLE
1963 2002 2017
6 h 11
3 h 012 h 53
0,17
PARIS - REIMS
1963 20172007
1 h310 h 46
0 h45
45 min
0,26
2 h 03
PARIS - NANTES
1963 2017
3 h 59
1 h 56
0,22
2 h 03
PARIS - LYON
1963 2005 2017
1 h 571 h 53
4 h 00
0,19
Meilleur temps observéentre 1963 et 2017
185
PARIS - RENNES
2 h 01
1963 2017
3 h 26
1 h 25
0,28
PARIS - STRASBOURG
2 h 25
1963 2017
1 h 46
4 h 11
0,21
PARIS - MARSEILLE
4 h 05
+ 5 min
1963 20172001
7 h 10
3 h 3 h 05
(2001-2017)
+ 4 min
(2005-2017)
+ 2 min
(2013-2017)
+ 8 min
(2004-2016)
+ 5 min
(1972-2017)
+ 6 min
(1996-2017)
+ 8 min
(2002-2017)+ 1 min
(2007-2017)
+ 10 min
(2015-2017)
+ 38 min
(1995-2017)
+ 20 min
(1996-2017)+ 12 min
(2000-2016)
+ 11 min
(2008-2017)
+ 14 min
(2005-2017)
0,13
PARIS - BORDEAUX
2 h 39
1963 2017
4 h 43
2 h 04
0,17
PARIS - QUIMPER
4 h 28
1963 2017
8 h 00
3 h 32
0,17
BORDEAUX - MARSEILLE
3 h 02
1963 1995 2017
8 h 55
5 h 535 h 15
0,16
LYON - BORDEAUX
2 h 24
1963 20162004
8 h 37
6 h 05
6 h 13
0,10
L ’ E F F E T T G V D : E S G A I N S C O N S I D É R A B L E S S U R L E S S SG R A N D E D I S T A N C E
L E S L I G EN S N I T E CR I T É S D É L A I S S É E S
Il fallait 3 h 26 pour e�ectuer
un Paris-Rennes en 1963 contre 1 h
25 en 2017, soit un gain de 2 h 01.
Moins de 25 %
Temps de trajet actuel supérieur à celui de 1963
Radiographie de 43 lignes SNCFLes voyageurs longue distance bénéficient de l’effet TGV, mais pâtissent de l’état des liaisons intercités
0123MERCREDI 2 MAI 2018 économie & entreprise | 5
Nouveau tronçon de ligne à grande vistesse (LGV) mis en service
Prix du billet plein tarif 2de classe, en euros au kilomètre0,10 0,28
prix
BORDEAUX - LILLE
1998 2017
5 h 014 h 31
30 min
0,16
PARIS - ORLÉANS
1963 20171985
1 h 12 0 h 54 1 h 05
7 min
0,18
PARIS - LE HAVRE
18 min
1963 1972 2017
2 h 222 h 04 1 h 45
0,15
PARIS - LIMOGES
1963 20172001
3 h 17 2 h 46 3 h 02
15 min + 2 min
0,15
LYON - ROUEN
1986 2006 2017
3 h 463 h 49 3 h 38
0 h 03
0,13
PARIS - AMIENS
1963 20171973
1 h 05 1 h 070 h 59
0,18
4 h 46
PARIS - NICE
1963 2006 2017
5 h 33
10 h 19
5 h 25
0,12
1 h 18
PARIS - NANCY
1963 2013 2017
2 h 49
1 h 31
1 h 28
0,22
PARIS - LE MANS
1985 2017
1 h 37
1992
0 h 530 h 54
43 min
0,28
PARIS - ARRAS
37 min
1985 1993 2017
1 h 260 h 49
0 h 48
0,25
2 h 02
PARIS - SAINT-ÉTIENNE
1963 20172001
4 h 52
2 h 502 h 41
0,18
1963 20172007
2 h 57
1 h 241 h 23
PARIS - METZ
1 h 33
0,22
+ 8 min
(2006-2017)
+ 8 min
(1973-2017)
+ 9 min
(2002-2017)
+ 8 min
(2006-2017)
+ 3 min
(2013-2017)
+ 1 min
(1992-2017)+ 1 min
(1993-2017)
+ 9 min
(2001-2017)
+ 19 min
(1972-2017)
+ 11 min
(1985-2017)
+ 16 min
(2001-2017)
+ 15 min
(1998-2017)
+ 5 min
(2002-2017)
+ 3 min
(1996-2017)
+ 1 min
(2007-2017)
PARIS - MONTPELLIER
4 h 02
1963 20172002
7 h 21
3 h 193 h 14
0,14
PARIS - BREST
4 h 02
1963 2017
7 h 27
3 h 25
0,16
PARIS - LILLE1963 1996 2017
1 h 01
2 h 100 h 58
1 h 09
0,27
PARIS - POITIERS
1 h 28
1963 2017
1 h 18
2 h 46
0,23
PARIS - DIJON
53 min
1963 2017
2 h 241 h 31
0,21
PARIS - ANGERS
49 min
1985 2017
2 h 13 1 h 24
0,24
LYON - LILLE
1 h 48
1985 2002 2017
2 h 57
4 h 45
2 h 48
0,15
PARIS - TOULOUSE
2 h 40
1963 2017
4 h 17
6 h 57
0,14
PARIS - TOURS
1985 20171998
1 h 431 h 100 h 55
33 min
0,28
D E S G A I SN M N I O É R S P A D E S A L L O N G E M E N T S R É C E N T SR
Les données présentées ici sont issues
de la plate-forme de données ouvertes
de la SNCF (data.sncf.com). Les meilleurs
temps de parcours observés annuellement
sont mis à disposition pour seulement
43 lignes du réseau, principalement
entre 1963 et 2017, à l’exception de 5 lignes
à partir de 1985, 1 à partir de 1986
et 1 à partir de 1998. Les tarifs (prix d’appel,
plein tarif 2de et 1re classe)
et les distances moyennes de gare à gare
pour chacune de ces lignes proviennent
également des données ouvertes de la SNCF.
▶▶▶
6 | économie & entreprise MERCREDI 2 MAI 2018
0123
Saturation des métropoles, travaux… Les causes du surplaceIl arrive que les temps de parcours s’allongent, pour diverses raisons, qui vont de la nécessité d’aménagements à l’évolution des trains
Mettons deux chif-fres en parallèle.Le premier : depuis1993 et la mise en
service de cinq lignes à grande vitesse majeures (Paris-Lille, Lyon-Marseille, Paris-Strasbourg, Tours-Bordeaux, Le Mans-Rennes), les gains de temps de parcours cumu-lés pour leurs utilisateurs avoisi-nent les sept heures. Le second : sur la même période, les meilleurstemps de parcours sur 29 des 43 principales grandes lignes se sont rallongés de plus de quatre heures si on les additionne tous.
Voilà qui entache quelque peu lebilan ferroviaire de la France, pré-sentée comme la championne de la grande vitesse. Mais pourquoi diable la SNCF a-t-elle procédé à ces « détentes de temps de par-cours » pour reprendre son lan-gage pittoresque ?
Pour comprendre cette méca-nique du ralentissement ho-raire, rien de tel qu’un exemple concret. Prenons Paris-Cher-bourg, 370 kilomètres d’une voie qui dessert Caen, Carentan et Va-lognes et qui a vu son meilleur temps de parcours augmenté de vingt minutes en vingt ans. En 1996, il fallait deux heures etquarante-deux minutes pour
relier la capitale de la France auchef-lieu de la Manche, aujour-d’hui on a dépassé la barre sym-bolique des trois heures…
L’approche des grandes villes Lasaturation ferroviaire des métro-poles est la raison majeure de ces allongements de temps de par-cours. L’augmentation de la circu-lation des trains de banlieue et autres RER à l’approche des gares parisiennes conduit à un embou-teillage. La cause profonde en est la démographie : la population urbaine et périurbaine augmente,pour des voies ferrées qui restent les mêmes. A Paris-Saint-Lazare,le terminus des Paris-Cherbourg, une rame entre ou sort toutes les vingt-sept secondes. Or, la tran-chée ferroviaire reste la même qu’au temps de Claude Monet.
Toujours dans notre exemple, lefait de passer en plusieurs décen-nies de deux à six trains de ban-lieue entre Paris et Mantes-la-Jo-lie (à une cinquantaine de kilomè-tres de la capitale) a eu des effets négatifs sur les temps de parcoursles plus rapides. Les trains Interci-tés comme le Paris-Cherbourg,qui sont par nature des trains al-lant vite, doivent s’insérer dans un trafic de trains plus lents à
arrêts fréquents. Les ingénieurs du ferroviaire appellent cela « la domestication des sillons ». Tous les trains alignent leur vitesse sur le plus traînard.
L’engorgement des nœuds fer-roviaires autour des grandes villes ne concerne pas la seule ré-gion parisienne. Le problème est criant autour de Lyon, dans les métropoles du Sud-Ouest et sur tout le littoral méditerranéen. La perte de trente-huit minutes entre Bordeaux et Marseille doit beaucoup aux embouteilla-ges ferroviaires à Toulouse, Montpellier, Nîmes et aux abords de la cité phocéenne.
Les travaux La deuxième grandecause des ralentissements de cir-culation, ce sont les travaux. Le
besoin global de régénération du réseau ferroviaire français – qui a trente ans d’âge en moyenne,mais souvent davantage, en parti-culier en région parisienne – est connu. Il nécessite un effort co-lossal d’environ 3,5 milliards d’euros d’investissement par an.
Les travaux de renouvellementou liés à des grands projets ajou-tent des minutes supplémentai-res, la vitesse étant limitée à 100, 60, voire 40 km/h sur les zones detravaux en question. Pour repren-dre le fil rouge du Paris-Cher-bourg, les travaux du prolonge-ment ouest du RER E entre Pariset Mantes-la-Jolie impliquent un allongement de deux à trois minutes. Ces chantiers, connus deux à trois ans à l’avance, sont intégrés aux plans de circulation et entraînent logiquement une « détente » horaire.
Compte tenu de l’ampleur deschantiers des dix prochaines années, de nouveaux allonge-ments sont à envisager dans les années à venir. « Entre 2017 et2020, 114 millions d’euros detravaux sont prévus pour Paris-Cherbourg, explique Eric Succab,directeur pour des trains Inter-cités de Normandie. On pré-voit en particulier, vers Evreux, des
renouvellements de rail et ballast et une réfection de tunnel. »
Le nombre d’arrêts en gare Lesélus locaux ne sont pas les derniers à réclamer des arrêts en gare, qui intercalent quelques minutes de délai par-ci, par-là. Sur Paris-Cherbourg, la plupart des trains font cinq arrêts inter-médiaires alors que les « boli-des » du passé faisaient trois ar-rêts au maximum et parfoismême un seul.
Autre exemple avec le Paris-Amiens (seule ligne étudiée icidont le temps de parcours estmoins bon aujourd’hui qu’en 1963) : un arrêt a été ajouté à Lon-gueau, dans la banlieue de lacapitale picarde, afin de ne pas concentrer tous les rabattements sur la seule gare du centre-ville.« Il suffit de constater la saturationdu parking de Longueau pour ex-pliquer l’utilité de cet arrêt qui, ef-fectivement, coûte trois minutesenviron », souligne la SNCF.
L’évolution des trains Dernierélément important, la moderni-sation des trains peut parfoisjouer contre l’amélioration dutemps de parcours. Sur Paris-Cherbourg, dans les années 1970,
la ligne voyait passer les turbo-trains, rapides et légers. Mais leur propulsion par turbines à gaz était coûteuse en énergie et leur capacité de transport trop faiblepar rapport aux besoins. Les ra-mes classiques qui les ont rem-placés, capables d’emporter da-vantage de voyageurs, étaient aussi plus lourdes, donc plus lon-gues à faire freiner.
L’électrification, au milieu desannées 1990, accompagnée d’un relèvement de la vitesse maxi-male à 200 km/h sur moins de cent kilomètres a amélioré cette situation. Mais finalement, les problèmes de saturation après Mantes ont eu raison de cette bonification, d’autant plus que des difficultés se sont sura-joutées, liées cette fois à la puis-sance du réseau électrique face àl’augmentation du nombre de trains à faire rouler.
Il y a toutefois une lueur d’es-poir pour Paris-Cherbourg. En2020, elle bénéficiera, comme toutes les lignes normandes, desnouvelles rames automotricesOmneo aux qualités d’accéléra-tion accrues. La SNCF compte aussi dessus pour inverser la ten-dance du rallongement. p
éric béziat
POUR FAIRE PARIS-CHERBOURG, IL FALLAIT
DEUX HEURES ET QUARANTE-DEUX MINUTES
EN 1996. AUJOURD’HUI, IL FAUT PLUS
DE TROIS HEURES
0 50 100 150 200 250 300
Paris-Reims
Paris-Tours
Paris-Le Mans
Lyon-Rouen
Paris-Nice
Lyon-Bordeaux
COMMENT EST COMPOSÉ LE PRIX DU BILLET
Paris-Strasbourg
Paris-Bordeaux
Paris-Marseille
Paris-Rennes
Paris-Lyon
Paris-Poitiers
Paris-Lille
Paris-Montpellier
Paris-Arras*
Paris-Le Mans*
Paris-Nancy
Paris-Mulhouse
Paris-Reims
Paris-Angers*
Paris-Grenoble
Paris-Dijon
Paris-Nantes
Paris-Saint-Etienne
Paris-Narbonne
Bordeaux-Lille**
Paris-Tours*
Paris-Bayonne
Lyon-Rouen***
Paris-Nice
Paris-Toulouse
Paris-Brest
Paris-La Rochelle
Paris-Quimper
Lyon-Bordeaux (2016)
Lyon-Nantes
Lyon-Strasbourg
Paris-Clermont-Ferrand
Paris-Limoges
Paris-Caen
Paris-Cherbourg
Paris-Boulogne
Paris-Rouen
Paris-Amiens
Paris-Orléans
Bordeaux-Marseille
Paris-Le Havre
Lyon-Lille*
Paris-Metz
En 2017, 14 lignes seulement font le meilleur temps
de parcours de leur histoire
Des prix de trajet allant du simple au triple
DISTANCE MOYENNE PARCOURUE PAR HEURE, EN KILOMÈTRETARIF MOYEN AU KILOMÈTRE, EN EUROS, EN 2017
POUR LES TROIS LIGNES LES PLUS CHÈRES ET LES TROIS LIGNES LES MOINS CHÈRES
80 % des circulations de trains de voyageurs concentrées sur 27 % du réseau ferré
RÉPARTITION DES VOYAGEURS PAR TYPES DE TRAINS EN 2016, EN POURCENTAGE
LE TER LE TGVLES TRAINS INTERCITÉS
En 1963 En 2017 Meilleure distance moyenne parcourue par heure entre 1963 et 2017
0,02
0,02
0,03
0,14
0,17
0,18
0,10
0,12
0,13
0,28
0,28
0,26
0,07
0,06
0,09
0,38
0,38
0,35
Prix d’appel en 2de classe Plein tarif en 2de classe
PéagesServices aux clients(distribution, services à bord, services en gare...)
Maintenance Impôts dont TVA
Plein tarif en 1re classe
31 % 29 %
14 %
de sièges disponiblespar jour
1,7 million
circulations par jour en moyenne
des circulations quotidiennesde trains de voyageurs*
5 600
villes desservies
2 348
50 %
temps de parcours moyen par ligne
59 mintemps de parcours moyen par ligne
2 h 46
sièges disponiblespar jour
436 000
circulations par jour en moyenne
800
des circulations quotidiennesde trains de voyageurs*
6 %des circulations quotidiennesde trains de voyageurs*
2 %
villes desservies
225
temps de parcours moyen par ligne
2 h 52
villes desservies
340
sièges disponiblespar jour
149 000
circulations par jour en moyenne
280
Sources : SNCF, ARAFER, LE MONDE
* sur le réseau ferré national.
Près de 40 % des circulations quotidiennes sont réalisées par les Transilien. * 1985 **1998 ***1986
Transilien
70,1TER
17,7TGV
7,4Intercité
3,1Autre
1,7
26 %