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Métaphysique et Philosophie Générale Questionnement aristotélicien : Pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien ? Pourquoi l’être est tel qu’il est ? Est-ce quelque chose qui a fait cet être ou est-ce qu’il s’est fait lui-même ? Ce sont les premières causes et les premiers principes. C’est ainsi que de causes en causes, on s’achemine vers l’existence d’une cause première ou d’une première cause. Y a-t-il une cause de toutes les causes ? Si oui, qu’est-elle ? La cause première est définie par Aristote comme le premier être désiré, dont le désir fait mouvoir tout l’être vers lui. C’est le premier moteur. Il meut en étant aimé, tout ce qui est. Il y a une force attractive qui émane du premier moteur. Il y a une tension du double objet en philosophie qui est la science de l’être en tant qu’être et de l’être comme cause première. Il y a un balancement entre une science de l’être (ontologie) et une science du premier être (théologie). Par la suite, à l’époque médiévale, l’être en tant qu’être est omis pour se concentrer sur l’être premier et distingue deux types de métaphysiques : la métaphysique générale et la métaphysique spécifique. La première branche est sacrifiée et transformée. On en retient certaines choses et d’autres disparaissent. L’ontologie chez Aristote existe car la question de l’être n’a pas de réponse. Pourquoi y a-t-il de l’être et qu’est-il ? Cette question suscite la réflexion car il n’y a pas de réponse. Or, si la théologie se développe et s’hypertrophie, il y a toutes les chances qu’elle éclipse la première car la cause première va être définie comme la réponse à la question de l’être. ‘’D’où vient l’être’’ n’est plus une question, on le sait. La question est révolue. Pour Aristote, la cause première n’annulait pas l’ontologie, car le moteur premier est ce vers quoi tend toute chose, mais il demeure un être comme tous les êtres. Donc la question ontologique se pose pour lui aussi. Mais si le premier moteur est la cause de l’être, la cause de tout ce qui est par le biais de la création, l’ontologie est annihilée. La pensée aristotélicienne est bien plus riche. Le Moyen Age stoppe cette réflexion ontologique. Mais on en garde quelques éléments, quelques branches que l’on va rattacher à la théologie. Cette métaphysique spécifique va donc contenir la théologie, mais aussi quelques branches de la métaphysique générale. C’est alors une interrogation sur ce qui a été créé par Dieu (le monde et l’homme). Il y a donc une théologie, une cosmologie et une psychologie. Ce sont les trois branches de la dialectique transcendantale de Kant. C’est la métaphysique de Kant. Débat sur le début de la modernité : discours de la méthode, ou Galilée, ou première moitié du 16 e avec Copernic. Le commencement de la métaphysique moderne est situé avec Descartes. Descartes Il a imaginé un arbre de la connaissance, avec les racines conçues comme la métaphysique, le tronc conçu comme la physique, et les branches conçues comme les autres sciences, dont les trois principales sont la mécanique, la médecine et la morale. Le discours de la méthode Il est composé de six parties : une autobiographie, qui a l’allure d’un bilan, d’un jugement sur la culture de son époque, qu’il a acquise, étudiée. Il y a une condamnation de cette culture dans la mesure où elle n’apprend rien de nouveau à l’élève, selon Descartes. Elle ne lui apprend pas à penser. C’est une culture qui se fonde sur la mémoire, l’apprentissage et sur l’autorité des anciens. Ce qui est enseigné aux élèves ne vaut pas tant par sa vérité, sa démonstration et ses raisons, que par son ancienneté. Il n’y a pas d’apprentissage de capacité de raisonner et de connaitre la vérité, ni d’en découvrir de nouvelles. C’est une culture de la mémoire. On n’apprend pas à étudier la nature, on apprend ce qui a été dit sur la nature. La culture ne pousse pas à expérimenter, à découvrir de nouvelles choses en sciences et en métaphysique, elle apprend ce qui a déjà été dit. Pour Descartes donc,

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Metaphysique Et Philosophie Generale

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Métaphysique et Philosophie Générale

Questionnement aristotélicien : Pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien ? Pourquoi l’être est tel qu’il est ? Est-ce quelque chose qui a fait cet être ou est-ce qu’il s’est fait lui-même ? Ce sont les premières causes et les premiers principes. C’est ainsi que de causes en causes, on s’achemine vers l’existence d’une cause première ou d’une première cause. Y a-t-il une cause de toutes les causes ? Si oui, qu’est-elle ? La cause première est définie par Aristote comme le premier être désiré, dont le désir fait mouvoir tout l’être vers lui. C’est le premier moteur. Il meut en étant aimé, tout ce qui est. Il y a une force attractive qui émane du premier moteur. Il y a une tension du double objet en philosophie qui est la science de l’être en tant qu’être et de l’être comme cause première. Il y a un balancement entre une science de l’être (ontologie) et une science du premier être (théologie). Par la suite, à l’époque médiévale, l’être en tant qu’être est omis pour se concentrer sur l’être premier et distingue deux types de métaphysiques : la métaphysique générale et la métaphysique spécifique. La première branche est sacrifiée et transformée. On en retient certaines choses et d’autres disparaissent. L’ontologie chez Aristote existe car la question de l’être n’a pas de réponse. Pourquoi y a-t-il de l’être et qu’est-il ? Cette question suscite la réflexion car il n’y a pas de réponse. Or, si la théologie se développe et s’hypertrophie, il y a toutes les chances qu’elle éclipse la première car la cause première va être définie comme la réponse à la question de l’être. ‘’D’où vient l’être’’ n’est plus une question, on le sait. La question est révolue. Pour Aristote, la cause première n’annulait pas l’ontologie, car le moteur premier est ce vers quoi tend toute chose, mais il demeure un être comme tous les êtres. Donc la question ontologique se pose pour lui aussi. Mais si le premier moteur est la cause de l’être, la cause de tout ce qui est par le biais de la création, l’ontologie est annihilée. La pensée aristotélicienne est bien plus riche. Le Moyen Age stoppe cette réflexion ontologique. Mais on en garde quelques éléments, quelques branches que l’on va rattacher à la théologie. Cette métaphysique spécifique va donc contenir la théologie, mais aussi quelques branches de la métaphysique générale. C’est alors une interrogation sur ce qui a été créé par Dieu (le monde et l’homme). Il y a donc une théologie, une cosmologie et une psychologie. Ce sont les trois branches de la dialectique transcendantale de Kant. C’est la métaphysique de Kant. Débat sur le début de la modernité : discours de la méthode, ou Galilée, ou première moitié du 16e avec Copernic. Le commencement de la métaphysique moderne est situé avec Descartes.

DescartesIl a imaginé un arbre de la connaissance, avec les racines conçues comme la métaphysique, le tronc conçu comme la physique, et les branches conçues comme les autres sciences, dont les trois principales sont la mécanique, la médecine et la morale. Le discours de la méthodeIl est composé de six parties : une autobiographie, qui a l’allure d’un bilan, d’un jugement sur la culture de son époque, qu’il a acquise, étudiée. Il y a une condamnation de cette culture dans la mesure où elle n’apprend rien de nouveau à l’élève, selon Descartes. Elle ne lui apprend pas à penser. C’est une culture qui se fonde sur la mémoire, l’apprentissage et sur l’autorité des anciens. Ce qui est enseigné aux élèves ne vaut pas tant par sa vérité, sa démonstration et ses raisons, que par son ancienneté. Il n’y a pas d’apprentissage de capacité de raisonner et de connaitre la vérité, ni d’en découvrir de nouvelles. C’est une culture de la mémoire. On n’apprend pas à étudier la nature, on apprend ce qui a été dit sur la nature. La culture ne pousse pas à expérimenter, à découvrir de nouvelles choses en sciences et en métaphysique, elle apprend ce qui a déjà été dit. Pour Descartes donc,

cette culture ne vaut rien, il faut en découvrir une nouvelle. Il faut fermer le livre des anciens et ouvrir le livre du monde (notion biblique). Il faut le lire pour en tirer une leçon d’édification, il faut contempler la nature pour en tirer une preuve de l’existence de son créateur. Cette idée est commune aux religions monothéistes (l’ordre du monde comme preuve de l’existence de Dieu). Pour Descartes, la notion de livre du monde signifie autre chose. Il y a un détournement du sens biblique. Il utilise la terminologie religieuse pour la détourner de son sens. Par exemple, la notion de méditation : c’est d’abord une pratique religieuse, un bilan du prêtre sur sa journée, pour examiner ce qu’il a fait (de bien et de mal). Cette méditation doit aboutir à préparer le lendemain. Descartes détourne cette pratique vers une pratique rationnelle. La méditation est un moment de réflexion, non pas sur ce qui est bon ou mauvais, mais sur ce qui est vrai ou faux. Chaque méditation égrène les vérités découvertes au long de la semaine (cette pratique s’étend sur six jours). Chaque jour, une méditation a lieu pour faire état des vérités découvertes. Pour le livre du monde, il s’agit de concevoir la nature comme un livre, de lire ce livre, et d’en tirer une leçon d’édification. Toutefois, ni la lecture, ni la leçon ne sont théologiques ; elles sont purement rationnelles. Il s’agit de transformer une pratique théologique en pratique philosophique. Avec cette nouvelle lecture rationnelle, il s’agit d’explorer le monde non plus par la lumière de la foi, mais par celle de la raison : « la lumière naturelle », dit Descartes. Il y a donc deux sources de la connaissance : une source qui est la foi, et une autre qui est la raison. Le rationalisme est précisément la foi et la raison. La foi donne une méditation théologique, un livre du monde qui représente un message adressé par le créateur au fidèle ; la raison explore le monde en tant qu’il est non pas le témoignage, mais un ensemble de choses matérielles, de dispositions physiques, ordonnées, les unes avec les autres, selon des liens constants qui demeurent les mêmes (les lois de la nature). Lire le livre du monde, c’est déchiffrer les figures et les nombres dont il est constitué, dont sont constitués les phénomènes naturels. Lire le livre du monde, c’est faire de la géométrie et de l’arithmétique. Cette inspiration cartésienne remonte à Platon, et encore plus loin, aux pythagoriciens. Descartes dit, tiré d’eux, que tout corps physique a une grandeur, qui se manifeste de deux manières : tout corps est ou a une figure géométrique, ou peut y être ramené. Toute figure géométrique a une longueur, une largeur et une profondeur. Ceci est mesurable, donc toute figure peut être calculée. La meilleure manière d’appréhender la nature pour Descartes est de la ramener aux mathématiques. C’est la mathématisation de la physique. Descartes veut ainsi aller contre Aristote, qui adapte la psychologie à la nature avec les lieux naturels. Le système aristotélicien est anthropomorphique. La naissance de la physique moderne représente une rupture avec ce système qui représente la nature comme un être raisonnable, sentant. Cette rupture consiste à expliquer la nature par la nature, les phénomènes par les phénomènes. Il s’agit, pour ce faire, de concevoir les phénomènes comme des grandeurs mathématiques, ce qi permet de les apprécier de façon objective. Cela permet de calculer les objets, mais aussi les distances qui les séparent, la vitesse de leur mouvement. A partir de là, on peut calculer leurs effets, leurs actions les uns sur les autres et ramener ces effets à des formules mathématiques qui représentent les lois de la nature. Des phénomènes de même nature, ayant les mêmes grandeurs, séparés par les mêmes distances, se mouvant d’une façon similaire à des vitesses déterminées, ont et auront toujours les mêmes effets les uns sur les autres. C’est ainsi que la science devient d’abord une science descriptive, puis une science explicative (en expliquant les effets des phénomènes les uns sur les autres à partir de données calculées), puis une science de prévision, et enfin une science de pouvoir, qui permet à l’homme d’avoir un certain pouvoir sur la nature. « Savoir pour prévoir, et prévoir pour pouvoir », Auguste Comte. Cela permettrait de commander, de maitriser la nature et de l’utiliser pour le bien propre de l’homme. la conséquence pratique à laquelle

aboutit cette théorie est que l’homme va devenir maitre de la nature, en la connaissant et en prévoyant ses effets. Et la conséquence théorique et philosophique ? Elle est la réduction des corps physiques à leurs grandeurs, vitesses, relations. On ne considère alors en eux que leur superficie, leur figure. C’est ce que Descartes appelle l’étendue géométrique. Qu’est-ce qu’un corps ? Rien autre chose qu’une étendue géométrique. C’est la réduction de la matière à l’étendue géométrique. Toute la nature apparait comme un tissu d’étendue qui est tantôt en place, fixe, en repos, mobile. Par conséquent, la nature va apparaitre dans sa totalité comme un tissu d’étendue et de mouvement. Toute la nature n’est en fait que matière et mouvement. Il n’y a pas seulement la nature qui est ainsi faite. Les hommes ont produit un être, des choses (automates) qui ne sont faits que de matière et de mouvement. Ce sont des machines. La machine est à la fois un être animé et un être inanimé. Un être qui produit du mouvement, mais qui n’a pas de conscience, qui n’a pas de vie. Si la nature est un ensemble de corps liés les uns autres, avec distance et mouvement, s’ils agissent les uns sur les autres de telle façon que le mouvement de l’un produise celui des autres, la meilleure manière de caractériser la nature est de dire que la nature est une machine. C’est la naissance du mécanisme de Descartes. La nature serait comme une grande horloge, avec une grande machine qui contient d’autres machines plus petites. Tout dans la machine a été calculé à l’avance : la grandeur, la vitesse, le rapport, et l’effet qui va en résulter. La meilleure manière de connaitre la nature avec confiance et assurance, c’est de la ramener à cet état de machine : il faut voir en elle une machine naturelle, qui se distingue de la machine artificielle (qui n’est pas complexe, mais simple, car porteuse des limites de l’homme). Il n’en reste pas moins qu’elles sont aussi sûres les unes que les autres. C’est n’est pas une différence qualitative mais quantitative. De cette théorie de la nature-machine, Descartes en tire l’existence de lois. Il nous en présente trois grandes : 1. Communication du mouvement : si la nature est une machine, le problème de toute machine est celui de l’origine de son mouvement. D’où lui vient le mouvement ? Descartes conçoit la nature comme un ensemble de pièces inertes, inanimées, auxquelles Dieu communique le mouvement. La matière est inerte et tout mouvement vient de l’extérieur. Le mouvement se transmet tel quel entre les objets, c’est le principe de conservation du mouvement (ce qui est physiquement faux). Les deux autres lois sont en rapport avec l’inertie. Le principe d’inertie est énoncé en deux règles : 1. La règle du repos indéfini. 2. La règle du mouvement. 1. Un corps en repose demeure toujours en repos tant qu’un mouvement de l’extérieur ne lui est pas communiqué. 2. Dès qu’un corps reçoit un mouvement, il demeure indéfiniment en mouvement selon la ligne droite. Ces principes du mouvement déterminent toute la mécanique classique. Selon Descartes, la vie peut s’expliquer par la mécanique. Il s’agit en réalité de la négation de tout mouvement spontané. L’animal agit comme une machine. Les corps vivants sont construits de pièces (différentes selon les différents organismes) comme les machines. Et chacune de ces pièces composant le corps sont des petites machines. Si une pièce est mise en mouvement, ce mouvement va se transmettre aux autres pièces. Dans cette machine, il y a une source de ce mouvement, le moteur de la machine, qui est le cœur. Du point du vue de la disposition des parties, il y a une similitude avec la machine. Le principe philosophique qui est derrière cette manière de voir est que l’âme n’intervient en rien dans le mouvement du corps. C’est la mécanisation du vivant. Tout se meut à partir du premier mouvement, comme dans une machine. Le mouvement du cœur selon Harvey : le cœur est un muscle qui fonctionne en deux temps : un temps de contraction, la systole, et un temps de décontraction, la diastole. Blablabla…Descartes n’est pas d’accord avec lui, car cette théorie ouvre le champ à une supposition dangereuse. Cette théorie repose sur quelque chose qui n’est pas expliqué. En effet,

Harvey constate seulement et n’explique pas le mouvement du cœur. Descartes veut dépasser les phénomènes pour expliquer ce qu’il y a derrière, pour expliquer les essences (ce qui avait été abandonné avec Kant et Newton). Les essences étaient alors considérées comme n’étant pas accessibles, n’étant pas sujettes à la connaissance pour l’homme. Mais Descartes veut dépasser les phénomènes et va alors inverser le rapport, il va inverser la théorie de Harvey. Il admet que le cœur fonctionne en deux temps, et accepte aussi l’explication concernant le trajet et l’utilité des artères et des veines (sang rouge et noir), leur différence. Mais il inverse le fonctionnement cardiaque. Contrairement à Harvey, il dit que le temps de la décontraction est le temps où le cœur envoie le sang aux artères, et le temps de contraction est celui où il le reçoit. Il explique que le mouvement du cœur ne lui est pas propre, il est communiqué de l’extérieur. Il se meut non pas par une vertu interne, propre, il se meut sous l’action du sang. Dès que le cœur reçoit du sang, le sang enfle, ce qui enfle le cœur. La chaleur du cœur enfle le sang qui lui-même enfle le cœur. C’est alors que le cœur, enflé, envoie le sang aux artères car il ne peut plus le contenir. Une fois le sang envoyé, le cœur se vide et se rétracte. Le battement du cœur n’est donc pas un mouvement autonome, il vient du mouvement transmis par le sang, la circulation. C’est donc pour Descartes le sang qui meut le cœur, et non l’inverse comme le croit Harvey. Le cœur reçoit le mouvement, comme tous les corps de la nature. Descartes a fait avancer sérieusement la théorie du système nerveux. Certains disent qu’il est le premier à avoir découvert les réflexes : mouvements involontaires. Le mouvement volontaire est celui où intervient la conscience, la raison. Il est le mouvement délibéré : cette réflexion dans laquelle on compare le pour et le contre. A partir de cette réflexion, on décide si on doit accomplir l’acte ou non. La délibération comporte trois étapes : prendre acte d’un problème, mesurer le pour et le contre (c’est le propre de la délibération), et enfin la décision. Ensuite vient l’accomplissement de l’acte ou non. Depuis Aristote, on pense que l’acte volontaire est lié à la liberté. Descartes reprend la même théorie sous d’autres formes. La liberté, c’est l’acte de délibérer. Un acte libre est un acte délibéré. La plupart des actes volontaires sont des actes raisonnables. Si l’animal est une machine, il ne connait que les actes involontaires, nécessaires. Il n’est pas libre et ne délibère pas selon Descartes. L’homme se distingue parce qu’il est un être libre, dans la plupart de ses actes intervient la raison. Pour Descartes, l’homme est une machine libre. Pourquoi ? Cela semble paradoxal. Cela revient à définir l’acte libre pour Descartes, puisqu’il n’est volontaire qu’à moitié. Puisque dans chaque acte libre, il y a deux choses : la délibération (avec les trois points), mais aussi l’accomplissement de l’acte. L’aspect volontaire ne concerne que la délibération. L’accomplissement de l’acte revient à faire fonctionner la machine. Mon corps fonctionne comme le corps animal, comme une machine. La raison intervient dans la délibération. Il y a d’un côté l’aspect homme, et de l’autre l’aspect animal. Depuis Platon, on a réfléchit sur le côté de la délibération, sur la liberté, la responsabilité : c’est la morale qui est impliquée par la délibération. Il reste l’autre aspect, qui a été étudié par les physiologistes : l’acte involontaire. C’est un acte de science, qui requiert des expériences. Il s’agit d’observer la structure de la machine, d’éditer une anatomie et une physiologie. Il faut étudier le corps, à l’état vivant ou mort, pratiquer la dissection ou la vivisection pour connaitre. A partir de là, on peut comprendre leur physiologie, qui est le fonctionnement de l’anatomie. Descartes va concevoir une anatomie du système nerveux dans son rapport aux muscles et aux os. Cette physiologie conserve des concepts médiévaux, comme les esprits animaux. Il s’agit de quelque chose comme un fluide, une matière très subtile que l’on peut comparer à l’eau ou à l’air. Ce fluide parcours l’organisme, le corps vivant à l’intérieur d’un système de tuyaux. La fonction de ce système de tuyaux est de relier ces corps les uns aux autres et de

transporter le fluide. Le corps a besoin d’un instrument qui parcoure le corps (les esprits animaux), d’instruments du mouvement (les parties du corps elles-mêmes : les muscles et les os) et d’un moteur (qui va être ma cause du mouvement). Ce moteur, Descartes est l’un des premiers à le loger au niveau du cerveau. Cette question de l’emplacement de la motricité, de son origine, de sa source, distingue la physiologie moderne de la physiologie générale. Pour Aristote, le cœur est la source du mouvement, car il est le premier à apparaitre, et parce qu’il est le premier à avoir du mouvement. Il tire cette conclusion de l’observation d’œufs, qui révèlent au bout de 24h l’apparition d’un point sanguin. Il apparait comme se mouvant d’une façon régulière. Aristote en déduit que c’est le cœur qui apparait en premier. C’est pour cela qu’il fait du cœur le siège de toutes les puissances qui meuvent le corps et l’âme, comme le feront les médiévaux dans sa suite. Le cœur est donc la source du mouvement et de tout l’organisme. Cette doctrine survit jusqu’au 16e, où l’on dissocie le corps du mouvement à partir d’arguments expérimentaux, et d’expérimentations sur le cerveau. Des expériences sont faites sur les mammifères, et on s’aperçoit que les expériences durant lesquelles on effectue des lésions sur le cerveau laissent de séquelles : on observe une paralysie d’un membre. C’est là que l’on voit l’erreur d’Aristote. C’est donc le cerveau qui est le centre du mouvement. Comment, quelle partie est responsable de quoi ? On ne le saura qu’au 19e siècle. Mais on en arrive à la vérité qu’il faut dissocier le cœur du mouvement. Le cœur n’est responsable que du mouvement sanguin. Les mouvements volontaires et involontaires, du corps en général, vont être attribués au cerveau. Descartes, à l’aide de cette théorie réduit le mouvement à un mécanisme. Les deux mouvements sont mécaniques. Il a besoin de plusieurs choses pour prouver cela : le cerveau, le corps calleux (qui est une cavité qui relie les deux encéphales), la moelle épinière, les esprits animaux (que la philosophie contemporaine appelle l’afflux nerveux), les nerfs, les muscles, les os. Les nerfs selon Descartes : le nerf est un petit tuyau à l’intérieur duquel passe un fil. Cette structure comporte une enveloppe dans laquelle va arriver un tuyau, dans lequel va arriver l’esprit animal. Ce fluide abouti aux muscles, il se déverse dedans. Quelle est la fonction du petit fil dans le tuyau ? Il est comme un fil électrique, il représente un lien entre le muscle et le cerveau. Le fonctionnement de la machine : il faut d’abord distinguer la réception des stimuli de l’extérieur et la réaction à cette sensation. Le nerf est disposé de telle manière que lorsqu’un muscle est stimulé, cette sensation exercée sur le muscle va toucher le fil logé dans le nerf. Ce mouvement transmis au fil est transmis au cerveau et arrive au corps calleux. Un déséquilibre, un mouvement est produit, qui se traduit soit par une libération d’avantage d’esprits animaux, soit une diminution. Qu’est-ce qui résulte de ce déséquilibre ? Une modification du nombre d’esprits animaux, qui des traduit dans les muscles soit par un gonflement du muscle (contraction) soit par une diminution du muscle (dilatation). Cela produit un déplacement de l’os, donc un mouvement. Descartes a conçu cette structure du nerf de telle façon qu’il met à l’intérieur du nerf, en plus des esprits animaux, le petit fil qui a une fonction mécanique. C’est le mouvement involontaire, qui se fait selon la disposition des organes. Le mouvement volontaire : Descartes fait intervenir une différence anatomique. Les mouvements qui sont commandés par le cerveau, et les mouvements réflexes. Il y a donc, selon Descartes, deux centres nerveux : le mouvement involontaire dû à la moelle épinière et le mouvement volontaire qui a pour centre le cerveau. Le mouvement volontaire comporte deux volets : tout ce qui a été dit pour le mouvement involontaire, et autre chose. Il n’est pas déclenché uniquement par la disposition des esprits animaux. Descartes ajoute l’existence glande pinéale (appelée aujourd’hui hypophyse). Il croyait qu’elle était le point par où s’effectue l’action de l’âme sur le corps. L’âme est partout dans le corps,

mais exerce son action sur un point déterminé du corps, qui est la glande pinéale. Comment l’exerce-t-elle ? L’âme déplace la glande pinéale dans un sens ou dans l’autre. Cela va alors modifier la disposition des esprits animaux, et ainsi de suite… C’est cela qui permet de parler de machine libre, une intervention de l’âme sur la machine. Il n’y a aucun recours à la sensation dans le mouvement volontaire, c’est comme cela qu’il se distingue du mouvement involontaire, qui est déclenché par quelque chose d’extérieur, une sensation. C’est une cause interne, psychique, non plus extérieur. La mécanique est la mise en pratique de la méthode mathématique chez Descartes (géométrie et arithmétique). Il y a un élément décisif qui est la grandeur, la quantité chez Descartes, avec l’importance d la quantité d’esprits animaux. Il y a un rapport entre l’intensité du stimulus et l’ampleur du mouvement, c’est même une proportion. La deuxième partie du discours de la méthode suppose quatre règles : - la préoccupation de la faute. La faute est un acte moral, même religieux, pour lequel on est puni. La préoccupation est celle d’éviter la faute, de savoir comment y parvenir. La fascination de Descartes pour les mathématiques : elle est la seule science qui protège de l’erreur et de la science. En effet, il s’agit d’une science rationnelle de part en part. C’est une science que l’entendement construit en mon propre fond. C’est le domaine où la raison est maitresse. Les mathématiques se composent de deux types de vérités : les vérités simples (fondement de tout, que Descartes appelle intuitions) et les vérités composées (déductions). Une vérité simple est vraie d’elle-même, n’a pas besoin d’être démontrée (axiomes d’Euclide). Ce sont donc des évidences. La vérité s’impose par elle-même, par sa propre clarté. Une évidence est comme éclairée par la lumière du soleil. Les déductions, en revanches, sont une série de vérités, un processus, un raisonnement, une « chaine de raison ». Une déduction est un ensemble d’intuitions tirées les unes des autres de telle façon qu’elles constituent un raisonnement. On peut le voir avec la démonstration d’un théorème mathématique. Une démonstration est un ajustement De vérités simples les unes aux autres. C’est pour cela que les mathématiques sont une science exacte. Si nous arrivons à réduire toutes les formes de connaissance à ce modèle de vérité, à ce modèle mathématique, nous serons sûrs d’avoir accédé au vrai. Le vrai est synonyme de la méthode mathématique. Il y a ici une inspiration platonicienne : les mathématique sont vraies car elles n’ont pas de matière, elles ne nécessitent que l’entendement. Comment assurer la fidélité entre ce qui se passe en moi, les vérités subjectives, et les vérités objectives, qui sont les phénomènes de la nature ? Il faut réduire les corps physiques à leur forme. La matière, pour Descartes, signifie l’étendue. Un corps est une figure géométrique étendue. Le mécanisme est l’application des mathématiques à la nature. Il y a un isomorphisme entre le monde qui est hors de moi, et le monde qui est en moi. La subjectivité veut dire qu’il y a autant de choses en moi, que de choses hors de moi. Ma subjectivité est équivalente à l’objectivité. Chaque chose objective a son équivalent en moi sous forme d’idée. Il y a autant d’idées dans mon entendement que de choses hors de moi. Les idées sont en moi, elles sont des représentations, des idées subjectives qui ont leur correspondant dans le monde extérieur. Dieu a mis de la géométrie et de l’arithmétique dans la nature, mais de façon matérialisée.

La problématique de la métaphysique est double, elle porte sur l’essence et l’existence. Il s’agit de prouver l’existence des choses. Mais avant, il faut d’abord savoir ce qu’elles sont, donc déterminer leurs essences. La problématique essentielle est celle de l’existence. Pourquoi l’existence ? Les modernes sont en train de construire une nouvelle science, sans lui avoir assuré ses fondements. Si on examine le statut de la physique, on voit qu’elle porte sur l’étude des êtres naturels dans leur repos et dans leur mouvement, dans les

relations entre elles, dans leur action les uns sur les autres. Si elle se contente de cet objet, elle risque de reposer sur un néant, sur une question non résolue. A savoir si ces choses existent réellement ou non. Un physicien peut être en train de rêver lorsqu’il étudie la nature. Qu’est-ce qui nous assure que ces choses donc il mesure le mouvement existent réellement ? Il faut, avant d’étudier les faits des choses, démontrer qu’elles existent, qu’elles sont. C’est ce qui manquerait à la physique sans la métaphysique, le fondement, l’assurance de l’existence des choses sur lesquelles elle porte. Mais ce problème d’existence en pose un autre, celui de savoir d’abord l’essence des choses, ce qu’elles sont. Il s’agit, en s’interrogeant sur les essences, de redéfinir le monde, les choses, Dieu. C’est remplacer un contenu par un autre. Remplacer le contenu scolastique (philosophie de la fin du Moyen Âge, mélange d’aristotélisme et de philosophie médiévale) par la métaphysique (de Descartes). Descartes veut révolutionner les concepts, détruire les anciens pour en forger de nouveaux. Dans « le monde » non publié de Descartes, il dit au début qu’il va abandonner ce monde aux théologiens et aux philosophes, pour en construire un nouveau dans les espaces imaginaires. A ce monde que les hommes connaissent depuis Aristote, dont il a parlé dans sa totalité (il a tout expliqué, il ne reste rien à découvrir dans le monde pour les médiévaux), Descartes met un terme. Il faut réinventer le monde, stopper le monde aristotélicien. Descartes va substituer un monde au monde aristotélicien. Le monde n’est pas tellement ce qui existe en soit, que ce que les hommes ont inventé. Le monde n’est pas tant l’être que la manière dont nous concevons l’être. Il est naïf de s’interroger sur l’être en tant qu’être, puisque nous ne pouvons rien en savoir. Ce que l’on sait, c’est le concept de l’être, et non l’être en lui-même. Tout se passe au niveau de l’intelligence, de la raison. C’est ce dont on ne s’est pas aperçu depuis Platon. L’histoire de l’humanité se déroule au niveau de l’esprit platonicien, et les autres n’ont fait que répéter, modifier. Les méditations sont l’acte créateur de Descartes. S’il n’est pas un Dieu, il est un nouveau prophète, comme d’autres penseurs, qui ont révélé un nouveau monde, qui ont apporté une pierre à l’édifice. Il s’agit à chaque fois d’un nouveau message. Descartes ne va pas examiner les choses une à une, mais il va examiner les fondements. Les choses que l’on peut révoquer en doute se répartissent en classes, reposant chacune sur un principe. Trois catégories : les choses sensibles, l’existence même des choses matérielles, les vérités de la connaissance (les vérités rationnelles). Descartes sous-entend une progression dans cette classification. On va des vérités les plus simples, élémentaires, aux plus complexes. Descartes emploie une série d’arguments pour renverser ces vérités. Pour les vérités sensibles, il met en avant la critique des sens, qui est classique. Mais même si je ne vois pas les choses telles qu’elles sont, je ne peux pas nier leur existence. C’est l’exception qui permet de passe à la suite, les vérités des existences. Pour les vérités d’existence, il met en avant l’argument du rêve. Il m’arrive en dormant que je me vois dans le même lieu, vêtu ainsi, tenant la même chose, alors que je suis dans mon lit. Donc rien ne me prouve que les vérités d’existence en soient. A chaque fois, Descartes avance une exception qui lui permet ensuite de développer. Les vérités rationnelles triomphent du rêve, un carré reste un carré. Faut-il donc s’arrêter aux vérités rationnelles ? Descartes avance alors l’argument du malin génie : certes, je suis certain des vérités rationnelles, mais il se peut qu’il y ait une puissance qui me trompe et qui fasse que je me trompe lorsque je crois être certain de ces vérités rationnelles. C’est la première méditation, le premier jour, Descartes n’est sûr de rien. Deuxième jour : Pour fonder une connaissance, Descartes a alors besoin d’un point fixe, et il le cherche en lui-même. Ce point, c’est la découverte du cogito, de la subjectivité. Elle est une pièce maitresse du cartésianisme. Elle offre ce moyen de révolutionner le monde, elle facilité la révolution car elle ne se fait pas à partir du monde même, mais à partir de

moi-même. Il y a une homologie entre ce qui est en moi, et le monde. Il me suffit de travailler sur moi-même pour agir sur le monde. Pour trouver ce point fixe en moi, il faut reprendre les arguments du doute. Il faut réexaminer cette question du malin génie. Il fait que je me trompe dès que je crois connaitre le vrai. Je radicalise le doute, je le pousse jusqu’au bout : « Qu’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saura jamais faire que je ne sois rien tant que je pense être quelque chose ». Au moment où il me trompe, s’il me trompe, c’est que je suis, car il ne peut pas ne rien tromper. Il trompe quelque chose, qui es moi. Donc je suis. C’est la première vérité, posée par la radicalisation du doute. Je suis, j’existe. Mais en tant que quoi ? Que suis-je, quelle est mon essence, quelle est ma réalité ? Il s’agit de savoir ce qu’est l’homme. Descartes rejette la définition de l’animal rationnel, car d’une difficulté, j’en fais plusieurs : qu’est-ce qu’animal et raisonnable ? Cette définition repose sur deux inconnus, puisqu’on ne les a pas définis. L’homme est donc une chose pensante, qui exerce toutes les fonctions de la pensée. Mais dès que je me pose comme chose pensante, le reste de la journée est consacrée à ce qui s’oppose à cette chose pensante, à ce qui se définit par opposition. Descartes distingue les qualités secondes et les qualités premières. Les secondes disparaissent, comme le son, le gout, l’odeur. Elles peuvent disparaitre sans apporter quoi que ce soit à l’essence de la chose. Les qualités premières sont la matérialité, l’étendue, la figure. Ce sont des accidents essentiels à la chose, de premier degré. Faut-il dire de ces qualités premières qu’elles m’assurent de l’existence des choses matérielles ? Descartes fait l’expérience du morceau de cire. Il peut alors dire qu’il pense, et donc qu’il existe, et qu’il existe en pensant la chose étendue. La chose étendue est donc là pour confirmer mon existence en tant que chose pensante, mais elle va aussi me rendre plus sûr de la fausseté de la chose matérielle, étendue, puisqu’elle n’a aucune réalité e elle-même. Descartes sort de cette deuxième journée en étant sûr de sa propre existence seulement. Troisième journée : il faut poursuivre sur cette première vérité, la radicaliser pour en trouver d’autres. Je suis une substance pensante, qu’est-ce que penser ? Vouloir, ou non, réfléchir… Il y a déjà d’autres vérités cachées sous ce premier principe. Descartes suit une méthode analytique, par laquelle nous assistons nous-même à l’exercice, nous suivons la découverte du philosophe. Penser, c’est trois choses : les idées, les volontés, les jugements. Pour découvrir une autre vérité, que suivre ? Les idées : elles sont comme des images des choses, elles ne peuvent être ni vraies ni fausses, elles existent ou pas, simplement. C’est pareil pour les volontés, soit je veux, soit je ne veux pas, il n’est pas question de vérités. Qu’est-ce qu’un jugement ? C’est un lien, une relation que j’établie entre une idée que j’ai et la chose à laquelle elle se rapporte. Je suis dans le vrai lorsque l’idée que j’ai de la chose correspond à la chose telle qu’elle est. La vérité est l’adéquation entre la chose, et l’idée que j’ai de la chose. C’est ce chemin qu’il me faut poursuivre, pour connaitre le vrai et éviter le faux. Pour poursuivre ce chemin, je vais me poser la question de ces idées, que sont-elles ? Comment les obtenir ? Que représentent-elles ? Descartes divise alors les idées en trois : les idées que je fabrique moi-même (la sirène), qui sont les idées factices. Je ne peux pas poser la question de leur vérité. Il y a aussi les idées qui me viennent de l’extérieur, des sens, ce sont les idées adventices. Je ne peux rien dire de leur fausseté ou de leur vérité car je n’ai encore rien dit à propos des sens. Il y a enfin les idées qui sont nées avec moi, les idées innées. Celles-là sont celles que je trouve en moi-même, en m’analysant. La plus importante est celle d’un être suprêmement parfait. Ce n’est pas une idée factice (débat), je ne l’ai pas reçue de l’extérieur. Un effet doit avoir une cause réelle. Il doit y avoir autant de réalité dans la cause que dans l’effet, mais il peut y avoir plus de réalité dans la cause que dans l’effet. Une telle idée d’un être parfait ne peut pas venir de l’extérieur, puisque je ne connais rien de parfait. Pourtant, cette idée est en moi, elle est donc innée. Si elle est innée, cela veut

dire qu’elle a été mise en moi en dehors de ma volonté. Il doit donc y avoir une cause qui soit au moins aussi parfaite qu’elle. Une idée, en tant qu’elle est une image, représentation, comporte deux aspects. Un aspect interne (ce par quoi elle appartient à mon esprit : la réalité formelle) et un aspect externe (ce par quoi elle s’apparente à l’objet qu’elle représente : la réalité objective). S’il en est ainsi, mes idées ne se distinguent nullement les unes des autres, elles ont la même valeur en tant que réalités formelles. Ce sont toutes des images qui me représentent des objets. Mais lorsqu’il s’agit de la réalité objective, les idées se distinguent, je peux alors établir une hiérarchie. Il y a des idées dont la réalité objective est limitée, comme les accidents. Elles ont moins de réalité objective que les idées de substance. Ce sont deux catégories. Mais je peux aussi dire que les idées de substances ont des réalités objectives qui se distinguent les unes des autres. Il y a une graduation en fonction de leur importance : il y a des substances qui sont plus éminentes que d’autres. Il y a des substances qui sont plus parfaites que d’autres, et il en est ainsi jusqu’à arriver à la substance la plus parfaite. Les idées sont toutes les mêmes du point de vue objectif, mais elles s’échelonnent sur le plan objectif. Toute idée a une cause, qui est l’être parfait. Ici, nous sommes allés de l’essence à l’existence : nous avons défini Dieu comme être parfait pour en donner l’existence. Cette définition est une révolution dans la métaphysique de Dieu, car un être parfait est un être qui ne manque de rien. Ce qui est parfait, c’est ce qui est toujours le même, puisqu’il ne manque de rien. Il ne subit pas de changements. Les êtres en devenir ne sont pas parfaits, ils cherchent ce qui leur manque. Si Dieu est un être parfait, il ne peut pas changer d’un instant à l’autre. Il ne peut pas vouloir aujourd’hui ce qu’il ne voudra pas demain. Le concept de perfection engendre celui d’immutabilité. Un être parfait ne change pas, ne se meut pas. Si Dieu est à l’origine du monde, s’il a mis dans la nature les relations qui y sont entre les phénomènes, les lois, il ne peut pas les changer, il n’y a pas de temps 1 et de temps 2. Il y a une constance au niveau de son œuvre, de la nature. D’où il résulte que nous pouvons faire de la physique en toute sûreté. La perfection enferme l’arbitraire divin qui était l’argument médiéval. La nature ne connaissait pas de lois, c’est Dieu qui choisit. Descartes condamne cela, car ce n’est pas la perfection. La métaphysique réforme à la fois le concept de Dieu, et celui de la nature. La deuxième preuve : la preuve par les origines, qui est très simple : je suis ce que je suis, un être pensant, mais je ne sais pas d’où je viens. Quelle est mon origine ? Descartes examine une série de définitions, il avance l’hypothèse suivante. Je suis né de mes parents, mais alors, s’où viennent mes parents, et ainsi de suite. Je remonte jusqu’à un être qui a dû être à l’origine de tout, parfait. Troisième preuve : il y en a une simple, c’est ce que Kant appelle la preuve physico théologique. Elle insiste sur l’ordre du monde, l’harmonie qui y règne. Le monde est un ensemble de choses harmonieusement ordonnées. Si le monde est un système bien ordonné, un tel système ne peut pas venir de rien, ni du hasard. Un tel ordre ne peut provenir que d’un être parfait, sage. Pourquoi Descartes ne s’y arrête pas ? Car je ne sais rien du monde, c’est une preuve de rêveur. Nous ne sommes pas encore arrivés à la contemplation du monde. La troisième preuve de Descartes est la preuve ontologique. Un être parfait ne manque de rien, a tout. Or, l’existence est l’une de ses perfections, donc un être parfait doit exister nécessairement. Cette preuve est déduite de l’être même de Dieu. Cette preuve suscite un grand débat : est-ce que l’existence est un prédicat ? Une objection : si je prends un triangle, je peux en citer toutes les propriétés. Mais est-ce pour cela que le triangle existe ? Il faut donc distinguer les vérités de l’essence de celles de l’existence. Kant dit qu’il faut distinguer l’essence de l’existence, car l’existence n’est pas un prédicat inhérent à Dieu, il n’ajoute rien ni n’enlève rien au concept de Dieu. Cette preuve cartésienne ne tient pas.

Leibniz Michel Serre a écrit Le système de Leibniz et ses modèles mathématiques et présente son système comme un tableau à double entrée. Ses premiers écrits sont représentatifs du reste. Nous avons une question philosophique qui apparait avec Hegel, le problème du commencement. Leibniz a reproduit cette disconnexion platonicienne entre le sensible et l’intelligible. Avec Leibniz, cet écart est instauré entre le manifeste et le caché. Il y a le monde, et ce qu’il cache. Le monde n’est qu’une apparence. On voit apparaitre la notion de phénomène. Le monde est un ensemble de phénomènes. Qu’est-ce qu’un phénomène ? Ce qui apparait. Chez Leibniz, il y a la distinction entre ce qui apparait, et ce qui se dissimule. Il veut creuser derrière les phénomènes, voir ce qui se cache. L’attitude de Newton est contraire : nous ne pouvons connaitre que le phénomène, donc il faut se désintéresser de ce qu’il y a derrière. C’est le commencement de la science moderne, qui est phénoméniste. Newton refuse d’avancer des hypothèses sur ce qui se cache derrière les phénomènes. Kant construit sa philosophie sur ce point, et va montrer que derrière le phénomène, il n’y a rien. Même s’il y a quelque chose, cette chose est totalement inaccessible. Ce n’est pas la position de Leibniz, qui va construire une philosophie rationnelle autour de ce qui se cache derrière. La question de la métaphysique pour Leibniz est de savoir, dévoiler la dimension spirituelle, rationnelle, intelligible qui se cache derrière ce qui se manifeste. C’est peut-être une bonne voie de partir de la première interrogation. Ses ouvrages Système nouveau de la communication des substances, 1695, - Discours de la métaphysique, 1686, - Lettres à Arnaud. Arnaud est l’auteur des quatrièmes objections aux Méditations Métaphysiques, qui est une grande autorité religieuse. Ces lettres sont une pièce maitresse du système de Leibniz, c’est un bon commencement à sa philosophie. Leibniz réexpose beaucoup son système. Il est très simple, et Leibniz le répète en y ajoutant quelque chose à chaque fois. Considérations sur les principes de vie est un texte très important, de 1705. On trouve toute la philosophie morale de Leibniz dans Théodicée, de 1770. Il écrit en 1714, à la fin de sa vie, deux textes jumeaux : Principes de la nature et de la grâce, et Monadologie. Leibniz s’est beaucoup exprimé par articles. Il y en a un ensemble, écrit en latin, rassemblés et traduits par Shrecker sous le titre d’Opuscules choisis. Il a écrit les Nouveaux essais sur l’entendement humain, qu’il n’a pas publié suite à la mort de Locke. Il sera publié très tard, en 1764, 50 ans après la mort de Leibniz. Le système de Leibniz ne s’est pas développé de façon autonome, car le plus souvent, les écrits de Leibniz sont polémiques. Il a écrit ‘contre’. La pensée de Leibniz s’est déployée à travers les autres, contre les autres. On a donc du mal à saisir le système dans la totalité et dans son indépendance. Il est néanmoins très puissant. Au début du Système, Leibniz nous donne une autobiographie. A 17ans il se promenait dans le Rosenthal, et délibérait : devait-il ou non retenir les formes substantielles dans son système ? Dès qu’il est sorti de l’influence d’Aristote, il est tombé dans l’atomisme, dans l’épicurisme. Mais le problème qui l’a poussé à sortir de l’atomisme, c’est que les atomes sont des phénomènes, des corps inertes. Si ce sont des corps inertes, d’où leur vient le mouvement ? Leibniz va creuser ce qui se cache derrière les atomes. En réfléchissant à cette question, il se libère de l’atomisme et transforme le concept d’atome d’une réalité matérielle en une réalité spirituelle. C’est ce qui va lui donner le concept de substance simple. C’est cette notion de substance simple qui deviendra la monade. C’est un grand acte de la pensée de Leibniz. Qu’est-ce que la substance ajoute à l’atome ? Leibniz dit que la substance est un atome métaphysique. Nous avons là le commencement d’une démarche qui va se poursuivre dans la carrière de Leibniz et envahir l’être dans sa totalité. La grande obsession de Leibniz est qu’il est venu tard, il y en a eu d’autres avant lui. Il va donc passer sa carrière à lutter contre Descartes et sa division des deux substances. Leibniz est profondément marqué par

la scolastique et l’aristotélisme. Toute sa philosophie tend à les moderniser pour les opposer aux modernes. En allant trop loin, les modernes ont favorisé la matière, l’ont privilégiée au détriment de l’esprit. Pour Leibniz, le vrai représentant de Descartes est Spinoza, qui a professé le matérialisme et le déterminisme absolu. Leibniz va réformer la scolastique. Le premier objet de sa philosophie est la substance. Sa réponse aux épicuriens est de forger ce nouveau concept, qui est un atome métaphysique, spirituel. Un point mathématique est un point matériel, l’extrémité d’une surface. En lui-même, il n’est rien car il est la rencontre d’une infinité de droites qui se coupent, comme dans le centre du cercle. Il est un point d’intersection. C’est la même chose pour un atome, au sens épicurien du mot. Un atome est un point matériel, mathématique, qui est divisible à l’infini, étant donné la divisibilité de l’espace à l’infini. Il est donc une illusion, un phénomène, il ne tient pas de lui-même sa propre réalité. Mais tout cela est le fruit du cartésianisme. L’espace est le point de rencontre d’autres choses. Pour lui trouver une réalité, pour donner une réalité à ces points de l’espace, il faut les considérer comme la manifestation d’autre chose, d’une autre réalité qu’eux, une réalité spirituelle. C’est à cette réalité spirituelle que Leibniz donne le nom de substance. Chez Leibniz, la substance est un paradoxe. Elle est essentiellement simple, mais elle est aussi composée, d’une matière et d’une forme (retour d’Aristote). La substance est un être simple, mais qui est à la fois ceci et cela. L’atome est en fait un point de rencontre entre une réalité matérielle et une réalité spirituelle. Son premier attribue donné par Leibniz est son unité. Leibniz oppose la substance et ce qu’il appelle l’agrégat. Un agrégat est une multiplicité sans unité. Il n’y a qu’un rapport accidentel entre les composants. Il y a dans la substance une matière primitive et une forme. Il va dire que l’essentiel dans la substance est la forme. Il faut comprendre la forme comme chez Aristote, comme un eidos. La forme est essentielle chez Aristote car elle a un pouvoir, une energeia, une activité. Elle informe la matière, elle agit dans la matière. La forme vraie est la forme active. Ce qui fait la forme de la main n’est pas sa configuration externe, c’est son activité. Leibniz va se saisir de cette idée pour forger son concept de substance. Le premier attribut de la substance est donc son unité, le deuxième est son action. La substance est essentiellement action. C’est ce qui sort Leibniz de l’atomisme. Leibniz remet de l’esprit partout dans la nature. Là où il y a matière, il y a esprit, action, quelque chose d’analogue à l’âme. La substance a une âme, un moi. Il y a une vie spirituelle de la substance, qui sent, perçoit. Leibniz parle de petites perceptions. Partout où il y a phénomène, il y a substance. Partout où il y a substance, il y a âme. Tout est sensible, ou sentant. Tout conspire avec tout. La substance est un individu complet, caractérisé par son unité et son activité. Elle a en elle un principe d’activité, qui lui donne une certaine autonomie. Elle n’a pas besoin d’être actionnée de l’extérieur, elle porte en elle son principe d’action. Leibniz libère Dieu en faisant cela, qui n’est plus vu comme le principe d’action. Comment comprendre cette action ? Comme une action mécanique, corporelle ? Oui, mais pas seulement. Les substances ont un aspect matériel, cet aspect matériel fait ce qu’on appelle une masse. Mais ce n’est pas la seule réalité de l’être, ce n’est que l’aspect phénoménal de l’être. Il y a en chaque corps une force inhérente, qui est le principe d’action de la substance. Toutes les substances sont en action, en mouvement perpétuelle. Mais ce mouvement est parfois libéré, parfois arrêté par un obstacle. La substance a une tendance continue à l’action. C’est la dynamique qui s’ajoute à la mécanique. La dynamique est la science des forces qui déterminent le mouvement. Ce qui se manifeste est le mouvement, ce qui se cache est la raison du mouvement, cette force inhérente. L’agrégat est un agrégat de substances. Leibniz parle d’un étang de poissons. Chaque poisson est une substance (composée). L’eau représente l’espace vide entre des substances. C’est un agrégat de substances que rien n’unit. Un agrégat n’est qu’un rassemblement.

La substance composée : elle peut être comprise en rapport avec l’agrégat. Mais elle s’y oppose dans la mesure où elle est une pluralité ordonnée. Elle est une multiplicité unifiée. Si elle a une unité, elle a une action, comme la substance simple. D’où lui viennent cette unité et cette action ? Une substance composée est un ensemble de substances simples qui ont une unité qui vient de la substance dominante. Une substance composée est composée de plusieurs substances, qui sont unifiées sous la domination de l’une d’entre elles, qui leur impose un ordre, une organisation. Le modèle de l’être vivant : la substance dominant est son âme. Comment comprendre cette domination ? La forme substantielle est la forme qui ordonne les autres substances, une substance hégémonique. Elle impose un ordre, une structure aux autres substances. Le rapport entre les substances n’est pas aristotélicien. Ce n’est pas une forme qui organise une matière informe, puisque qu’il n’y a pas de matière informe pour Leibniz. Quel rapport la substance simple a-t-elle avec les autres substances ? En principe, il n’y a pas de rapport entre les substances, chaque substance n’a de rapport qu’à elle-même et à Dieu. Elle est la même, demeure la même de sa création à son annihilation. La substance n’est pas objet de mouvement, mais sujet de mouvement. Elle ne reçoit pas de mouvement mais le donne, par sa force inhérente. Chaque substance agit en elle-même et pour elle-même, elle n’a de rapport qu’à Dieu. C’est ce même rapport que Leibniz élargit sur le rapport entre les substances. Il n’y a pas d’action matérielle des substances les unes sur les autres. Le rapport entre les substances est une conséquence du rapport entre la substance simple et Dieu. Ce rapport est un rapport de représentation et d’expressions. Chaque substance représente Dieu en tant qu’elle est son œuvre. Chaque substance exprime Dieu en tant qu’elle témoigne de sa présence, de son existence, de sa grandeur, de sa puissance. Il en est ainsi pour chaque substance simple. C’est ainsi qu’il s’établit entre elles un rapport de compétition, car chacune d’elles essaie de représenter le mieux possible le créateur. Il y a donc une compétition pour la perfection. Plus une substance est parfaite, mieux elle représente Dieu et l’exprime dans ses qualités. Toute substance simple est renfermée sur elle-même. Chaque substance, en tant qu’elle représente Dieu et l’exprime, se trouve représenter et exprimer le monde entier. La substance est un miroir de l’univers. S’il n’y a pas de rapport matériel entre les substances, il y a un rapport idéel, en tant que chacune représente chacune. Chaque monade est un point de vue de Dieu sur l’univers. Il y a donc une infinité de points de vue pour envisager l’univers. Il ne faut jamais considérer une monade seule, elle n’est qu’un point de vue. Chaque individu reflète le monde. Il faut saisir ce point de vue à l’ensemble de l’univers. Le mal ou le bien ne peut pas être envisagé du point de vue de l’individu. Ce qui arrive à un individu n’est qu’un point de vue sur le monde. C’est indissociable de ce qui arrive aux autres individus, aux autres substances, à l’univers entier. Chaque substance est fermée sur elle-même car il en est ainsi comme du rapport entre la perspective et le géométral. La perspective est un point de vue, le géométral est une vue panoramique sur l’ensemble. Seul Dieu voit le géométral : tout l’univers et l’ensemble des relations entre les différentes substances. C’est ces actions des substances les unes sur les autres qui font l’ordre du monde. Chaque substance est composée de prédicats, qui s’actualisent. Chaque substance n’est pas créée seule, est agis en fonction des autres substances. Une substance est inséparable des autres. C’est pour cela que tout conspire avec tout, que tout agit sur tout.

Le rapport entre métaphysique et morale chez Leibniz La critique de Descartes revient à dire Que Descartes n’a pas été assez métaphysicien, puisqu’il sépare la métaphysique de la nature. Il fait de la métaphysique jusqu’à ce qu’il arrive à la matière. Il réduit la nature à l’étendue géométrique. C’est cette séparation que Leibniz essaie d’écarter, d’enrayer. Il réinjecte l’esprit dans la matière. La métaphysique cartésienne est insuffisante, car elle a éliminé une partie de la nature : cet esprit qui

habite la nature, les corps, les substances matérielles, dans lesquelles il y a aussi de l’esprit, une dimension métaphysique qui se manifeste par la force des corps. Descartes voit des corps inertes qui sont mis en mouvement par Dieu. Le seul rapport entre les corps est le choc, le mouvement se transmet. Un corps en repose demeure en repos tant qu’il n’a pas de communication du mouvement de l’extérieur. Une fois qu’un corps est mis en mouvement, il se meut jusqu’à ce qu’il rencontre un obstacle. La nature est donc totalement inerte. L’expérience nous montre le contraire : un corps possède une certaine initiative, un principe actif. La substance est un point métaphysique, constitué de deux principes : un principe actif et un passif : une matière primitive, première, et une entéléchie. Cette nature de la substance se réfère Aristote, avec la matière primitive et la forme. Cette matière sensible a dû être insensible à un moment donné, la matière sensible est une réalisation d’une matière première qui avait presque une existence intelligible et qui est un être de raison. C’est cette matière qui se réalise dans la matière seconde. Leibniz palme de matière évanescente, qui s’évanouie, qui est presque rien. Leibniz la réduit au principe passif. C’est ainsi que la substance se caractérise par ce principe de passivité, mais elle porte aussi en elle un principe actif. Un corps physique est un agrégat de substance. Une substance individuelle est un principe actif et passif. Un agrégat est une addition de substance. C’est de la rencontre des matières primitives de caque substance que se constitue la matière du corps que nous sentons. La réunion des substances, des matières primitives va constituer une matière seconde. Un corps physique a une substance matérielle, qui vient de l’addition des principes passifs de chaque substance. Un corps physique a aussi une forme, qui vient de la réunion des entéléchies primitives de chaque substance. Un corps physique n’est qu’un phénomène, il n’a ni matière, ni forme spécifique. Sa matière n’est que celle des substances, ainsi que sa forme. La matière est divisible à l’infini, mais est aussi actuellement divisée à l’infini, puisqu’elle n’est rien d’autre qu’un agrégat de substances infinies réunies. Un corps n’est qu’un phénomène, il n’a aucune réalité en lui. Un corps physique n’admet aucune forme car on ne peut jamais le réduire à la ligne géométrique, on ne peut le faire que par convenance, pour notre raisonnement. La ligne géométrique est une continuité, alors que le corps physique est une discontinuité absolue. Comment peut-on déduire le continu du discontinu ? Un corps physique ne se défini ni par sa forme, ni par sa matière, mais par sa force : sa capacité à agir sur les autres. Ce qui fait qu’un corps est capable de mouvement, c’est cette force interne. Dès sa création, la substance a été pourvue de tous ses prédicats. Il y a une pluralité de mondes, une infinité même, Dieu aurait pu choisir n’importe quel destin pour n’importe qui. Leibniz suggère donc qu’il y a une infinité de mondes possibles. Ce monde que nous connaissons n’est pas le seul monde possible. Dieu a conçu une infinité des mondes possibles, calculés, harmonisés d’une manière aussi parfaite que possible. Tout cela a été conçu dans l’entendement infini de Dieu. Cette infinité de mondes comporte essentiellement les mêmes substances, mais ordonnées de diverses manières selon les différents mondes. Donc chaque monde a son ordre, sa logique, sa structure. Ces ordres sont analogues les uns aux autres, avec des variantes. Une fois conçus, ces mondes compossibles sont entrés en compétition pour l’existence. Un seul doit exister. Ce combat consiste en une lutte pour la perfection, pour le meilleur des mondes possibles. C’est le meilleur de ces mondes que Dieu a fait exister. Dieu n’a pas réellement eu besoin de choisir, puisqu’il y a eu une lutte d’où le meilleur des mondes est ressorti. Meilleur ou pire n’est pas une qualité mais une quantité, la perfection se calcule, c’est une fonction algébrique contenant deux valeurs, le Bien et le Mal. Chaque monde possède une quantité de Bien et de Mal. Le principe du meilleur repose donc sur celui qui comporte le maximum de Bien et le minimum de Mal. Il faut ajouter que Bien ou Mal ne se calculent pas en fonction de chaque substance occupant ce monde, mais en fonction de l’ensemble des

substances qui composent le monde. On peut alors concevoir la Mal pour une personne, s’il y aura du Bien pour un ensemble de personnes. A l’inverse, on ne peut pas concevoir le Bien d’une personne si un ensemble de personnes souffrent. La morale est donc la suivante, sous la métaphore du tableau caché et de son sens. On peut comprendre le moindre Mal pour un plus grand Bien. On ne peut comprendre l’individu qu’en fonction des autres substances, de tout ce qui existe. Lorsqu’on revient au destin malheureux de l’individu, on voit que le destin est imposé, sans liberté, il n’y a pas de choix. Quel est alors le statut de la liberté ? Pour Leibniz, je ne tombe pas dans la fatalité, il essaie de sauver la liberté en élaborant une philosophie de la volonté. Pour Leibniz, il n’y a aucune liberté, c’est une illusion. Pour Descartes, lorsque l’homme se trouve entre deux choix, deux conduites identiques, l’homme choisit. C’est la liberté d’indifférence. Leibniz n’y crois pas, il dit qu’il n’y a pas de situations à égalité absolue entre deux forces opposées, c’est une situation imaginaire. Dans la nature, cela n’existe pas, sinon, la nature aurait été annihilée. Dans la nature, il y a toujours le mouvement, le déséquilibre. S’agissant de l’homme, Leibniz élabore une théorie de la volonté qui distingue deux formes de libertés : une volonté antécédente et une volonté conséquente. Une volonté antécédente, c’est une volonté subjective, ce que l’individu désire. La volonté conséquente est l’opposé, elle est ce qui, de la volonté antécédente, se trouve en accord avec le reste du monde, avec la notion accomplie de la substance. Si la volonté suit la notion accomplie de la substance, cela peut se réaliser. La volonté peut désirer autre chose, c’est une volonté antécédente, et cela restera une volonté. La liberté sera d’articuler ces deux volontés l’une à l’autre. La liberté est d’assumer son destin et de s’y soumettre de bon cœur. Donc Carole épluchera des oignons, sera prof de philo à Montluçon, se mariera en jeans et en espadrilles et aura 50 enfants. Elle aura une vie misérable et ne sera jamais princesse, ou reine. Mais c’est pour le Bien de l’humanité ! Malgré tout, elle reste intelligente, belle et dynamique. De plus, elle est généreuse et solidaire, pleine de vertus. Elle accepte de se sacrifier pour le salut de l’humanité. Elle est heureuse de son misérable destin de prof de philo. Si la machine libre s’accroche à son rêve de princesse, elle passera sa vie malheureuse à Montluçon. Elle sera en conflit avec ses élèves, son proviseur, ses voisins, et son misérable mari prof d’histoire. Elle passera sa vie à pleurnicher sur son rêve de princesse. Le vrai sage est celui qui se rend compte que son destin a été scellé de toute éternité et l’assume. Je l’accepte comme sacrifice de ma part, pour le Bien de l’humanité. N’est pas libre celui qui s’accroche à sa volonté antécédente et qui néglige sa volonté conséquente.

Kant Nous avons vu la place de la métaphysique chez Descartes et Leibniz. Descartes demande si un mathématicien peut être athée, et affirme que non car la métaphysique est à la base de l’arbre de la connaissance. Il faut connaitre la théorie de Dieu pour toutes les sciences. L’entendement n’a affaire qu’à lui-même. Chez Leibniz, il y a une grande importance de la métaphysique aussi pour toutes les connaissances : thèse de la substance. Elle est déjà indispensable pour faire de la physique. Ce statut de la métaphysique va être remis en cause à partir de la moitié du 18e siècle. Kant présente la métaphysique comme cette héroïne de la poésie latine, Hécube qui se lamente, abandonnée par ses prétendants. On s’aperçoit dans la seconde moitié du 18e que la métaphysique n’est pas une science. Certains vont jusqu’à dire que Kant a tué la métaphysique. Est-ce réellement le cas ? C’est ce que nous aurons à examiner. Kant décrit d’une façon détaillée cette nouvelle situation de la métaphysique. Kant a décrit la fin d’une certaine métaphysique, la métaphysique platonicienne, cartésienne, leibnizienne. Kant a décrit deux types de métaphysiques : il annonce la fin de la métaphysique classique, cette métaphysique qui se présente comme une science, comme la meilleure des sciences, comme la science des sciences. Cette

science se présente depuis l’antiquité sous deux branches : la science de l’être en tant qu’être (ontologie), et la science du plus excellent des êtres, le premier être (théologie). Au Moyen Age, la première a été appelée métaphysique générale, qui traite des êtres en tant qu’êtres, et celle qui traite de la cause ou des causes a été appelée métaphysique spéciale. Cette dernière porte sur trois objets essentiels : Dieu (la cause première), et ce qui en a résulté, c’est-à-dire l’homme et le monde. Il y a un problème dans l’ordonnancement de ces trois objets. Kant réexamine ce statut de la métaphysique, en tant qu’ontologie et en tant que théologie. Kant concentre son attention sur la métaphysique spéciale. Il suit le chemin cartésien en commençant par l’âme (psychologie rationnelle), puis le monde (cosmologie rationnelle), et Dieu (théologie rationnelle). C’est ce qui représente le contenu de la dialectique transcendantale. Avant d’y parvenir, Kant va élaborer une théorie de la connaissance divisée en deux branches, à savoir l’esthétique transcendantale et analytique transcendantale. Il y a un gouffre entre la connaissance certaine et la connaissance incertaine (métaphysique). C’est ce que certains considèrent comme une morte de la métaphysique. Mais en réalité, Kant a montré la fausseté de la métaphysique classique, qui se considère comme une science certaine. Kant annonce la naissance d’une nouvelle métaphysique, qui ne s’intéresse plus aux objets traditionnels, qui sont de faux objets : âme, monde et Dieu. Ils sont des faux objets de la connaissance et à la nouvelle métaphysique, Kant assigne un objet précis : le domaine à explorer qui est ce qui fait le rapport entre le connu et l’inconnu. Qu’est-ce que l’inconnu ? Comment passe-t-on du connu à l’inconnu ? Certains diront que cette nouvelle philosophie se développe sous la forme d’une phénoménologie. D’autres diront qu’elle se développe sous la forme d’une philosophie de la connaissance (qui deviendra plus tard l’épistémologie). Un des résultats de la critique de la raison pure est la distinction de deux domaines, en distinguant la connaissance certaine et l’incertaine. Il distingue le connaissable et le pensable. La distinction entre science et métaphysique correspond à cette distinction. Le domaine de la science est le domaine du connaissable, le domaine de la métaphysique est celui du pensable. La distinction entre connaissance et pensée : la connaissance est une activité de l’esprit qui s’adresse à des objets (il faut entendre objets sensibles, il n’y a d’objets que sensibles chez Kant le connaissable est le domaine où l’on appréhende des objets sensibles. de plus, la connaissance aboutit à propos de ces objets à des résultats positifs, elle énonce des vérités positives, qui sont les lois de la physique. Le domaine du pensable n’a pas affaire à des objets. Il a affaire à des problèmes. Un problème, pour Kant, c’est une question aporétique, à propos de laquelle la raison ne peut donner aucune solution. Pourquoi la raison se trouve dans une situation aporétique ? On ne peut donner ni de réponse positive, ni négative. C’est une question pourtant nécessaire, qui s’impose à la raison. La raison ne peut pas se dérober à elle. Kant fait ici appel à une histoire de la raison. La raison est passée d’un état de nature à un état civil, elle a une histoire. On voit à travers cette histoire quelque chose de curieux : certaines questions se sont toujours posées à l’homme lorsqu’il s’est ouvert à la pensée. Ce sont ces questions qui ont été prises en charge par la métaphysique : comme celle de l’origine du monde, c’est une question qui hante l’esprit humain, mais l’homme ne trouvera jamais la réponse. C’est comme la question de la mort, de la survie de l’âme, de la liberté ou de la métaphysique. Ce sont des questions inévitables pour la raison. Les hommes ont cru naïvement y apporter des raisons. La métaphysique représente l’une de ces réponses. On peut déterminer au moins trois types de réponses : les réponses de la mythologie, les réponses de la religion, et les réponses de la métaphysique. Celles de la religion et de la métaphysique se sont entrecroisées. Ces questions ne peuvent pas avoir de solution, puisqu’elles ne peuvent pas se poser scientifiquement. Seule la science peut donner des réponses certaines, parce qu’elle

appréhende des objets. Aucun de ces problèmes ne peut se représenter sous la forme d’un objet. Les questions restent donc insolubles, pensables. La pensée consiste en cela que la raison examine et réexamine ces questions. La pensée a même cultivé ces questions pour Kant. Ces questions représentent ce que Kant appelle une onction régulatrice de la raison, elles régulent le fonctionnement de la raison. Elles représentent un objectif éternel, permanent, que la raison pense atteindre mais qui lui échappe chaque fois. La question se repose à nouveau, sans cesse. Plusieurs idées se mêlent. Il y a, en cela, du positif et du négatif. Le positif est ce que Kant appelle de dogmatisme. La croyance que ces réponses sont vraies, la mythologie grecque, comme les autres réponses, y ont cru. L’aspect négatif est cette naïveté de la raison qui croit avoir trouvé la réponse. Positif : toutes ces réponses ont représenté un idéal de la connaissance, quelque chose qui se dessinait à l’horizon, qui apparaissait et que la raison croyait atteignable. C’est ce qui l’a toujours poussé en avant, vers plus de connaissance. C’est la fonction régulatrice de la métaphysique. Les hommes ont toujours voulu se surpasser par la raison, aller au-delà du sensible, sensible qu’ils n’ont cessé d’explorer pas là même, d’où le développement des sciences. Kant dit qu’il y a deux types de savoirs ; ceux qui progressent, qui accumulent des connaissances. Il y a aussi des savoirs qui stagnent, et la métaphysique en fait partie. C’est une science de choix. La métaphysique représente ce type de savoir où se reposent les mêmes questions, toujours. Chaque nouveau métaphysicien reprend la question à zéro et reconstruit tout. C’est pour cela qu’il n’y a pas d’histoire de l’évolution de la métaphysique, il n’y a que des querelles. Il y a donc deux domaines, celui des sciences, de la connaissance, qui progresse, et celui de la métaphysique. Qu’est-ce que signifie le mot ‘critique’ dans les trois volumes de Kant ? La critique, c’est d’abord une attitude, une position à l’égard de ce tableau des savoirs. C’est la prise de conscience, la saisie de cette idée de la relativité des savoirs, de la vérité. Critiquer, c’est énoncer les inconvénients, les tars de quelqu’un ou quelque chose. Kant ajoute quelque chose à ce contenu populaire. la critique au sens intellectuel, au sens littéraire, sera ceci et son contraire : énoncer les inconvénients et les avantages, le pour et le contre. Kant accepte cette définition. Montrer le pour et le contre sera entendu au sens où il s’agit de distinguer les domaines où une vérité est vraie, valide, et les domaines où une vérité perd sa vérité, où elle devient une idée fausse. Ce qui veut dire que le kantisme va être une sorte de topographie, de topologie, d’arpentage du domaine. Tout son propos est tenu par cette distinction entre trois grands domaines : le domaine du sensible, que Kant appelle l’esthétique transcendantale. Le deuxième domaine est celui de l’analytique transcendantale : de l’entendement, des concepts et principes. Ces deux domaines vont se joindre pour constituer le champ de la connaissance certaine, de la science. C’est le domaine du connaissable, de la vérité scientifique. Le troisième domaine est celui des problèmes, le domaine du pensable. Kant le place sous l’autorité de la raison. Quelle est la différence alors entre l’entendement et la raison ? La raison à affaire à des Idées, au sens platonicien du terme. Ces idées sont l’âme, le monde, Dieu. La métaphysique a cru que le troisième domaine était aussi un domaine de la connaissance, et c’est ce que Kant veut combattre. Le premier domaine, celui du connaissable, est le domaine des phénomènes, tandis que le domaine du pensable est le domaine des noumènes. Les phénomènes portent sur les objets, tandis que dans le domaine du pensable, on est dépourvu des phénomènes et des objets. La raison n’a affaire qu’à elle-même, c’est pourquoi elle tombe dans un conflit avec elle-même. Partons du champ des phénomènes. Lorsqu’il y a un conflit entre deux parties, c’est l’expérience qui tranche. L’esprit humain a cette faculté d’affirmer le pour et le contre à propos d’un même sujet. C’est une donnée transcendantale. Transcendantal veut dire naturel chez Kant. Lorsqu’il s’agit des phénomènes, c’est l’expérience qui tranche. La raison ne peut pas tomber en conflit avec elle-même car un

critère extérieur décide de la vérité d’une affirmation et de la fausseté de son contraire. Plusieurs approches ont été mises en œuvre pour connaitre la vérité, ce sont des critères mis en place par la science. Lorsqu’il s’agit des idées, la raison se trouve en tête à tête avec elle-même et tombe alors dans un conflit. L’histoire de la métaphysique est l’histoire de ce drame, de cette raison affirmant indéfiniment le pour et le contre. Il y a les idéalistes d’un côté et les matérialistes de l’autre, et personne ne peut prouver ses propres affirmations de façon certaine. Différence entre raison et entendement : Kant synthétise ces deux choses sous le nom d’esprit. L’entendement est l’esprit humain appliqué à la connaissance, à l’appréhension des phénomènes. La raison est l’esprit humain en tant qu’il est appliqué au champ des noumènes. L’entendement fonctionne en alliance avec la sensibilité. De la sensibilité viennent les sensations, de l’entendement viennent les formes de la connaissance. Il y a donc le contenu, et la forme. L’à priori désigne l’ensemble des dispositifs intellectuels dont l’entendement est pourvu de façon naturel. Il n’utilise pas le terme ‘inné’, car il engage la métaphysique. L’à priori renvoie à une structure de l’esprit, pas à une origine quelconque. Le transcendantal, c’est le naturel, les conditions telles qu’elles nous sont données. Elles sont un commencement absolu au-delà duquel on ne peut pas aller. L’esprit humain porte en lui-même ce qui lui permet d’accueillir les sensations, l’expérience. Ces pouvoirs accueillent un contenu auquel ils donnent des formes. C’est à partir de là qu’on construit le phénomène. Un objet est construit par l’esprit, l’esprit construit les phénomènes. L’homme, avec son entendement, est donc responsable de l’existence de la nature. Les noumènes sont les choses en soi. L’homme ne sait pas la chose en soi, il sait le phénomène qu’il construit. Le phénomène dépend autant de moi, que de la nature, peut-être davantage de moi que de la nature. Je ne peux pas connaitre les choses en soi. Nous opérons des synthèses entre des sensations et des concepts. Le phénomène = sensation + concept. Un corps physique est un ensemble de sensations auxquelles j’applique une forme, comme la forme sphérique.

Le commencement : l’Esthétique transcendantale Kant se propose de concilier les frères ennemis : les rationalistes (idéalistes) et les empiristes (matérialistes). Les idéalistes (Descartes, Platon, Leibniz) : toute notre connaissance est dans notre entendement les sens ne nous sont pas utiles, ils sont même nuisibles. Nous avons tout ce qui est nécessaire dans l’entendement pour connaitre. Les empiristes disent le contraire, toute notre connaissance vient de nos sens, y compris l’entendement lui-même, qui ne serait qu’un produit de l’expérience. Nous n’avons aucune connaissance avant l’expérience. La direction est contre les idées innées. Kant va concilier ces deux traditions, d’une façon critique : il montre pour les uns et les autres, ce en quoi ils ont raison et ce en quoi ils ont tort. Les rationalistes ont raison de dire que notre connaissance est donnée à priori. Mais ils ont tort de généraliser cette affirmation en disant que toute notre connaissance vient de l’entendement. Ils ont tort de réduire la connaissance à l’entendement et de rejeter les sens. Les empiristes ont raison de dire que notre connaissance commence avec les sens, mais ils ont tort de dire qu’elle se réduit au sensible. La philosophie critique ce qui est positif chez les uns et les autres, et rejette ce qu’elle considère comme faux chez les uns et les autres. L’esthétique transcendantale donne raison aux empiristes. Rien n’est dans l’entendement qui n’ait été d’abord dans les sens. Mais il est d’accord avec les idéalistes, car il exclut de cela l’entendement lui-même. Il y a une partie sensible qui relève des sens et une partie intellectuelle, qui relève de l’entendement. En ce qui concerne cette partie qui concerne les sens, Kant concilie aussi les deux parties : Kant a sa propre théorie de la sensibilité : la sensibilité est déjà composée de deux choses : elle est composée d’un contenu et d’une forme(s). Le contenu, ce sont les sensations, le divers sensible. C’est aussi ce que Kant appelle la matière, le

contenu empirique. Il est reçu par la sensibilité à travers des formes. Ces formes sont de deux sortes : l’espace et le temps. Toute sensation m’est donnée dans un espace et un temps donnés. Donc dès le commencement, le domaine de la connaissance reçoit ses frontières, l’espace et le temps. Tout ce que je peux connaitre se situe dans l’espace et le temps, ce sont les limites transcendantales de ma connaissance. Contrairement à ce que pensent les empiristes, la sensibilité n’est pas empirique. Elle ne se donne pas à moi d’une façon chaotique, désordonnée. Elle est d’emblée ordonnée. C’est une première synthèse au niveau de l’esthétique. De plus, cela veut dire que la sensibilité n’est pas une réceptivité passive, contrairement à ce que pensent les empiristes. Il y a une activité dans la sensibilité. Elle recueille des sensations et les ordonne. Elle reçoit et organise. Elle est donc à la fois active et passive. Troisièmement, les moyens par lesquels la sensibilité organise les sensations ne viennent pas des sensations elles-mêmes. Elles ne sont pas le produit de l’expérience. Elles sont données à priori dans la sensibilité. Ce sont les formes à priori de la sensibilité, l’espace et le temps, qui ne dérivent pas de l’expérience. Ce sont des formes transcendantales qui permettent cet accueil des sensations et leur organisation. C’est l’aspect par où l’esthétique donne tort et raison aux empiristes. En ce qui concerne les idéalistes : cette théorie nous débarrasse des faux problèmes métaphysiques, ceux de l’existence du monde extérieur. N’existe que ce que je perçois. Je ne peux pas mettre en cause les sensations données de l’extérieur. Le monde existe parce que je le perçois. Je ne sais pas ce qu’il est en lui-même. Je sais ce qu’il est à travers les perceptions que j’en reçois. La chose en soi est inaccessible, donc la problématique est divisée en deux. Si on se coupe du monde, on ne peut pas le connaitre. On ne peut donc connaitre que par les sensations. Il faut retenir l’aspect transcendantal, subjectif des deux formes de la sensibilité, l’espace et e temps. Ils ne sont pas des choses objectives, mais plutôt subjectives. La difficulté est de concevoir que l’espace et le temps sont en nous, et pas hors de nous. Comment le concevoir ? Nous n’avons affaire qu’à des sensations, ce que les phénomènes produisent en nous. Notre appréhension des objets est subjective. C’est nous qui mettons de l’ordre, notre sensibilité n’est pas passive, n’est pas uniquement réceptive, elle est active. Kant parle d’une première synthèse qui s’effectue au niveau de la sensibilité : un ordre est établi dans nos sensations. Cet ordre qu’établie notre sensibilité dans les sensations est de deux formes : le premier est celui de la présence des objets autour du monde. C’est ce qu’on peut appeler l’ordre de la présence, l’ordre de ce qui se présente en même temps. C’est l’ordre de la simultanéité. C’est cet ordre qui constitue ce que nous appelons l’espace. C’est la présence simultanée d’une série de sensations. L’espace est ma manière d’ordonner les sensations qui se présentent à moi ensemble, qui sont liées les unes aux autres dans la présence. Il y a une autre manière d’ordonner les sensations, c’est de les mettre les unes après les autres, c’est les choses qui se suivent. Cet ordre est celui de la succession. Le temps est l’ordre de la succession des sensations. Certaines sensations se présentent en même temps, liées les unes aux autres, et certaines se présentent dans la succession, les unes après les autres. Le temps et l’espace sont donc en moi, on pourrait même dire que c’est moi qui les produis. Si je ne peux pas maitriser le temps, c’est parce que cet ordre est en fait à la fois subjectif et objectif. Il dépend à moitié de moi, et à moitié des sensations que je reçois. Le kantisme n’est pas un subjectivisme absolu, il est une conciliation entre la subjectivité et l’objectivité. Je n’ai affaire qu’à mes sensations, mais ces sensations ne dépendent pas de moi. Je ne suis pas le maitre de mes sensations, elles s’imposent à moi par quelque chose qui est hors de moi. Ma fonction subjective, la synthèse consiste en l’ordonnance des sensations, selon la simultanéité et la succession. En croyant que l’espace est extérieur à moi, objectif, qui s’impose à moi, on a cru qu’on pouvait accéder aux choses elles-mêmes, aux choses en soi. C’est en cela qu’a consisté le

dogmatisme. On a cru que l’esprit allait chercher les choses logées dans un absolu objectif, qui serait l’espace et le temps. En réalité, il n’en est rien, l’espace et le temps sont en moi et consistent en cette faculté d’ordonner selon la simultanéité et la succession. C’est l’un des fondements du phénoménisme. Nous n’avons accès qu’aux phénomènes, pas aux choses en soi. Car seuls les phénomènes se donnent à nous à travers nos sensations et à travers l’espace et le temps.

Contenu de la Critique de la Raison Pure Elle se compose de deux grandes parties : la théorie des éléments, et la théorie de la méthode. La première branche va l’emporter sur tout l’ouvrage. La théorie des éléments comporte deux branches, une plus petite, l’esthétique transcendantale, et la logique transcendantale. La logique transcendantale comporte deux grandes branches : l’analytique transcendantale et la dialectique transcendantale. L’analytique transcendantale se compose de deux branches : les concepts de l’entendement et les principes de l’entendement. Les concepts sont composés de deux éléments : les jugements transcendantaux et les catégories de l’entendement. Les principes de l’entendement se composent de deux parties : principes mathématiques et principes dynamiques. La dialectique transcendantale comporte trois parties : les paralogismes de la psychologie, les antinomies de la raison pure, et l’idéal de la raison pure. Chacun de ces chapitres se divise. Les paralogismes sont au nombre de quatre : les paralogismes de la substantialité (l’âme est une substance), de la subjectivité (de la simplicité, l’âme est quelque chose de simple), de l’identité (ou de la personnalité, l’identité du moi, je reste toujours le même), et de l’idéalité (je suis autre chose que mon corps, il y a quelque chose qui existe autre que les réalités corporelles). Les antinomies sont aussi au nombre de 4 : l’origine et la fin du monde (le monde a-t-il une origine et une fin ? La raison est capable de démontrer la thèse et l’antithèse avec la même rigueur), la divisibilité ou l’indivisibilité de la matière (pareil, thèse et antithèse démontrables avec la même rigueur), la liberté et la détermination, causalité et liberté (sommes-nous libres ou y a-t-il toujours une cause déterminante de nos actions ? c’est là que la métaphysique vaut comme fondement de la morale), la nécessité et la contingence (y a-t-il quelque cause nécessaire au commencement de l’être, y a-t-il un commencement nécessaire au fondement de l’être ou n’y a-t-il rien de nécessaire ? L’idéal de la raison pure est divisé aussi : la preuve physicothéologique, la preuve cosmologique (à partir d’un élément, d’un être quelconque), la preuve ontologique (procède à partir de la perfection : un être parfait ne peut pas ne pas exister, car il manquerait de quelque chose : l’existence est-elle une perfection ? Débat). La théorie de la méthode comporte quelques chapitres, comme un commentaire : discipline de la raison pure, le monde de la raison pure, de l’architectonique de la raison pure, l’histoire de la raison pure.

La logique transcendantale C’est la faculté de connaitre par l’entendement. Elle consiste dans l’organisation des sensations. Elle organise la matière fournie par l’esthétique transcendantale, le contenu empirique. Cette faculté est donnée à priori au sujet, elle est inhérente au sujet. Kant l’oppose à la logique formelle, ordinaire, celle qui vient d’Aristote. La différence consiste en ce que la logique formelle ne s’intéresse qu’aux formes des concepts, tandis que la logique transcendantale s’intéresse aux formes mais aussi au contenu des concepts. Ce pouvoir qui est le sien lui provient de son lien transcendantal avec l’esthétique. Les concepts de l’entendement sont naturellement, transcendentalement liés à l’esthétique. C’est ce qui les différencie des concepts de la raison. Les concepts de la raison n’ont aucun contenu esthétique, sensible. L’analytique est étroitement liée à l’esthétique. Elle représente le domaine où l’entendement organise la sensibilité, où l’entendement

organise les sensations, le dives sensible. Où l’entendement est lié à l’intuition (la sensibilité, la réception des sensations et leur organisation selon l’espace et le temps : travail de l’esthétique transcendantale). L’entendement est lié à l’intuition, il ne peut pas fonctionner sans elle. Un corps physique est à la fois un concept et une intuition : un contenu sensible auquel je donne un concept que l’organise, sous le nom de corps. Dès que je conçois le concept de corps, j’y conçois des prédicats sensibles. Un corps doit nécessairement avoir une étendue, une surface, un poids, une couleur, … Cela est donné d’une façon à priori. Le concept de corps est inséparable de ses prédicats, il en est ainsi transcendentalement. Ceci par opposition aux concepts de la raison qui n’ont aucun contenu intuitif. Disons que l’entendement est lié à la sensibilité, tandis que la dialectique est le domaine où l’entendement est coupé de la sensibilité sous forme de raison, coupé de l’expérience, qui prétend connaitre des choses sans existence sensible. Kant fait remarquer qu’à l’exception de cette différence (lien à la sensibilité), l’esprit humain demeure le même, utilise les mêmes instruments, mes mêmes raisonnements, les mêmes lanières d’ajuster les concepts. Ces instruments sont de deux sortes : les concepts et les principes. La différence : il s’agit de deux instances à priori transcendantales qui permettent à l’entendement d’organiser le contenu reçu de la sensibilité. Cette organisation lui permet de construire les objets de l’expérience. Un objet est la synthèse d’un concept et d’un contenu intuitif. Nos objets sont des objets construits, comme l’expérience. Les concepts et les principes servent à construire les objets de l’expérience, mais aussi à ordonner le rapport. Nous construisons les objets en mariant un concept et un contenu intuitif, et nous instituons des relations entre les objets (de permanence, de changement, de mouvement, de causation, …). Ces lois de la physique ne sont pas dans la nature, elles ne sont pas données par les sens. C’est nous-mêmes qui les instituons dans la nature. Pourquoi disons-nous qu’elles sont vraies ? Elles sont vérifiées dans l’expérience : confrontation entre subjectivité et objectivité. Ces concepts et relations sont des données subjectives, à priori. L’entendement les impose à la ‘nature’, mais en contrepartie, la nature les admet, les accepte. L’expérience les vérifie. Il y a un dialogue permanent dans la connaissance scientifique, entre objectivité et subjectivité. L’entendement impose ses lois à la nature, qui s’y soumet. Il y a un va et vient entre la subjectivité et l’objectivité, entre ce qui est à priori et ce qui est à postériori. Quelque chose est hors de nous, que nous ne connaissons pas, que nous appelons chose en soi, que nous sommes incapables d’appréhender mais qui est là, avec lequel nous dialoguons à travers les phénomènes. Le concept nous sert à construire un objet de l’expérience, et le principe nous sert à établir des relations entre ces objets construits. On pensait avant que l’entendement se réglait sur la nature, mais avec la philosophie critique, c’est la nature qui s’ordonne sur le sujet. L’expérience permet de vérifier, d’accepter ou de refuser ces choses qui sont proposées à la nature. Conclusion : la métaphysique a toujours revendiqué depuis Platon, comme son privilège la connaissance rationnelle, en tant qu’elle est opposée à l’erreur des sens, à la connaissance sensible. Ce privilège se convertit, se transforme en handicap. Un handicap qui a empêché la métaphysique d’aboutir à des vérités reconnues. C’est cela qui l’a maintenue dans ce combat, dans ce système où les thèses se réfutent les unes les autres.

L’espace et le temps n’existent pas en eux-mêmes, ils sont des formes de notre subjectivité, de notre intuition. Ce sont des formes nécessaires par lesquelles doit passer notre appréhension des choses, notre perception des choses. Cette nécessité est une certaine spontanéité avec laquelle les choses se donnent à notre intuition et qui est la preuve de leur existence hors de moi. Le sujet est une sorte de machine transcendantale orientée vers le monde et qui ne peut pas ne pas recevoir des sensations, des éléments extérieurs. Le sujet est ainsi fait qu’il reçoit spontanément. Il est perméable, c’est

incontournables, inévitables. Les sensations nous pénètrent, c’est la condition transcendantale du sujet. L’esthétique transcendantale est donc déjà une réfutation de l’idéalisme, une preuve de l’existence du monde en tant qu’il est hors de moi. C’est parce qu’il en est ainsi, parce que le monde m’est donné à travers les sensations, qu’il m’est donné la possibilité de formuler des jugements synthétiques à priori. Qu’est-ce qu’un jugement synthétique à priori ? Kant distingue trois formes de jugement : les jugements analytiques : c’est un jugement dont le prédicat est contenu dans le concept du sujet : le prédicat n’apporte rien au sujet, comme ‘tous les triangles ont trois côtés’. Ce sont les définitions. Le prédicat est inhérent au sujet, c’est une tautologie. Le jugement synthétique à postériori : ce sont les jugements empiriques, où le prédicat n’est pas contenu dans le sujet, le prédicat apporte quelque chose de nouveau au sujet, une nouvelle détermination. Mais le lien entre le sujet et le prédicat est assuré, vérifié, légitimé par l’expérience : ‘l’eau boue à 100°C’. On établit cela par expérience. ‘La chaleur fait fondre la glace’. Il n’est pas contenu le fait de bouillir dans l’eau, et le fait de faire fondre la glace n’est pas contenu dans le concept de chaleur. Il y a donc une synthèse d’un prédicat et du sujet, vérifié par l’expérience. Il y a ensuite les jugements synthétiques à priori, une grande découverte de Kant : c’est un jugement où le prédicat n’est pas contenu dans le sujet. Le prédicat apporte une nouvelle détermination au sujet. Seulement, le lien entre les deux n’est pas assuré par l’expérience, mais il est donné à priori. Ce qui légitime ce lien à priori, qui le rend possible, c’est le rapport spontané, nécessaire, entre l’entendement et l’intuition. C’est l’intuition qui assure le lien entre le sujet et le prédicat. L’intuition joue à l’égard de l’entendement, dans ces jugements synthétiques à priori, le rôle que joue l’expérience empirique dans les jugements synthétiques à postériori. L’intuition est une sorte de d’expérience à priori, ce qui est un grand paradoxe. C’est une expérience innée, transcendantale. C’est elle qui permet d’établir l’expérience empirique. L’entendement y trouve une catégorie d’objets. C’est ce qui fait la différence entre les principes. Dans les principes dynamiques, l’entendement a besoin de l’expérience empirique, alors que ce n’est pas le cas dans les principes mathématiques, qui ne requièrent que l’expérience à priori, l’intuition. Pour Kant, les vérités mathématiques font partie de ces jugements synthétiques à priori : 2+2=4 n’est pas contenu dans le sujet 2. Kant recourt donc à l’intuition, il dessine, écrit. L’intuition vient au secours de l’entendement pour lui permettre de construire une figure, de raisonner sur la figure construite. Le géomètre opère comme le physicien. Il opère une certaine expérience. Cependant, cette expérience est logée dans l’intuition, en moi-même, je n’ai pas besoin de sortir de moi-même, d’avoir recours au monde extérieur. Je n’ai pas besoin de sensations. Ce qui alors la part entre vérité et erreur, c’est ce rapport spontané entre le concept et le contenu intuitif. Pour démontrer un principe mathématique, l’entendement a besoin de s’appuyer sur ses concepts, et sur ses principes à priori. Il faut que le concept de triangle ait un contenu intuitif. En raisonnant sur le triangle, il faut que le concept soit en lien avec le contenu intuitif. Sinon, il y a disjonction et fausseté. La vérité mathématique est liée à la justesse des concepts, à leur vérité, et à la démarche démonstrative : les relations établies entre le concept et le contenu intuitif.

L’analytique Les concepts : un concept est une catégorie à priori de l’entendement. Il y a 12 concepts en tout. Alors la question est : comment se fait-il qu’une catégorie subjective, à priori, peut porter sur une réalité objective ? C’est la même question à propos des principes. Comment une relation établie à priori, subjective, peut gouverner une relation objective, les phénomènes dans leurs relations ? Au niveau de l’expérience, de l’empirisme, rien n’établit une telle nécessité. Une telle nécessité n’a aucun fondement dans l’expérience. Nos concepts peuvent n’avoir aucun fondement objectif. Kant trouve la solution dans

l’intuition. Les concepts sont à priori, donc subjectifs, mais ils s’appuient sur l’intuition, sur le contenu empirique. Il y a deux manières pour les concepts de rencontrer les objets, ou c’est l’objet qui rend possible le concept, ou c’est le concept qui rend possible l’objet. La première manière a été défendue par l’empirisme, par Locke, par Hume. C’est l’expérience qui rend possible les concepts, il n’y a aucune relation nécessaire entre les objets. Tout est fondé sur l’habitude. Cette manière de voir est dangereuse, car elle ruine les fondements de la science. La science n’est qu’un ensemble de conventions, elle ne peut rien établir de vrai au sens de nécessaire. C’est la deuxième manière qu’il faut donc explorer : voir si ce sont les concepts qui rendent possible les objets. Les concepts seraient à priori, placés avant les sensations, avant l’intuition, avant l’expérience. Comment le concevoir ? Tout d’abord, Kant souligne que les concepts ne produisent pas des objets quant à l’existence. Les concepts ne font pas exister les objets de l’expérience, ils ne donnent par leur existence aux objets de l’existence. Sinon, on tombe dans le subjectivisme idéaliste. Néanmoins, les concepts déterminent la connaissance de tout objet possible, ils sont déterminants par rapport à la connaissance de tout objet possible. Il faut passer par le concept d’expérience pour comprendre cela. Qu’est-ce que l’expérience et comment permet-elle aux concepts de déterminer les objets ? L’expérience est une opération complexe où se mêlent intuition et concept. Cette opération comporte deux niveaux, que Kant appelle synthèses, donc deux formes de synthèses. La première est assurée par l’intuition, à travers ses formes à priori, à travers l’espace et le temps. La seconde forme de synthèse est opérée par l’entendement au moyen des concepts. Si l’intuition assure l’unité des sensations, en réunissant et en organisant les sensations visuelles, auditives, tactiles, etc., les concepts assurent les conditions à priori des objets de l’expérience. Si l’intuition emploie pour cela ses formes à priori, l’espace et le temps, l’entendement y emploie les siennes, ses formes à priori, les catégories qui se regroupent sous 4 classes : qualité, quantité, relation et modalité (ce que tout objet doit avoir). L’entendement opère de la même manière que l’intuition, qui réunit les sensations sous ses formes à priori (temps et espace déterminés). L’entendement place les objets selon ces catégories. Les concepts de l’entendement sont en relation avec l’intuition. Tout concept qui ne serait pas en rapport avec l’intuition serait un concept vide. Un concept comporte deux formes qu’il s’agit de distinguer soigneusement : une forme logique (une image mentale, comme une sirène). Cette forme peut être pleine, comme elle peut être vide. Elle peut avoir un contenu intuitif, comme le concept de corps, mais elle peut ne pas avoir de contenu intuitif, comme le concept de sirène, qui est une forme vide. La deuxième forme est la forme transcendantale du concept : le rapport du concept à un objet possible : comme la substance. La forme transcendantale est aussi le pouvoir de penser d’un concept. C’est une sorte de dynamique, de pouvoir, de puissance, qui porte le concept à penser quelque chose. Qui porte l’entendement vers des objets possibles. On dira que les concepts entendus au sens kantien n’ont rien d’empirique. Ils ne dérivent pas de l’expérience, ils sont donnés à priori dans l’entendement. Mais en tant que concepts transcendantaux, ou ayant une forme transcendantale, ils représentent les conditions à priori de toute expérience possible. Les conditions à priori qui nous permettent d’appréhender des objets de l’expérience. Les concepts sans intuitions sont vides. Les intuitions sans concepts sont aveugles. Nous pouvons vider un concept de son contenu empirique, il restera quelque chose qui rend possible l’expérience, l’appréhension de l’objet. Nous pouvons éliminer toutes les déterminations d’un corps physique. Prendre la notion de corps et en éliminer ce qui le qualifie. Mais il restera toujours quelque chose, qu’un corps est nécessairement une étendue, une extension, une dimension. C’est cette forme qui définit le concept à priori de corps. Si je conçois un corps, même sans en avoir rencontré, je ne peux pas ne pas le concevoir comme une étendue. L’étendue relève de

l’intuition qui perçoit, mesure. Il y a une proximité transcendantale entre le concept d’entendement et sa forme intuitive. La forme transcendantale du concept lui permet immédiatement d’avoir un contenu, elle est indissociable du contenu. La forme transcendantale lie le concept à l’intuition. C’est elle qui rend possible l’expérience. Il y a des concepts vides qui n’ont pas de contenu, comme les concepts de la métaphysique. Le décalage n’est pas entre concept et intuition, comme on l’a souvent cru, la ligne de démarcation passe à l’intérieur même des concepts, elle sépare les concepts les uns des autres. Il y a les concepts de l’entendement et les concepts de la raison. Les concepts intimement liés à un contenu intuitif, et les concepts de la raison, sans contenu intuitif. Néanmoins, dans ce rapport entre concept et intuition, nous devons distinguer la sphère de l’entendement, et la sphère de l’intuition. Le concept vu en lui-même est un pouvoir de peser les objets en général. Tandis que l’intuition est la faculté de penser tel ou tel corps physique. L’entendement pense le corps en général, l’intuition lui apporte un contenu précis, déterminé : un corps singulier situé dans un espace donné et dans un temps donné. Un concept de l’entendement est un pouvoir de penser un objet possible en général. D’où vient ce pouvoir ? Il vient en quelque sorte du pouvoir transcendantale du cogito. Le cogito est autre chose que ce que Descartes a pensé. Pour Kant, bien que Descartes ait pris soin de consacrer une méditation pour réfuter la connaissance sensible, au moment où il a trouvé le cogito, il lui a donné un contenu sensible. Pour Kant, le cogito appelle, nécessite une nouvelle réflexion métaphysique. La critique du cogito cartésien permet d’établir la notion de cogito transcendantal : il est ce ‘je’ qui accompagne mes représentations. Ce ‘je’ est un pouvoir de se représenter, un pouvoir de représentation. Il est un pouvoir de synthèse, d’effectuer des synthèses. Ces synthèses sont effectuées par l’entendement. Le cogito est cette faculté qui permet à l’entendement d’organiser les contenus intuitifs, au moyen de ses concepts et de ses principes. Il est ce pouvoir que donne le sujet à l’entendement d’effectuer des synthèses par ses concepts entre les intuitions, les sensations que l’on reçoit. La synthèse de l’entendement est cette unité qui se reflète, qui apparait. Je ne suis rien que cette unité, qui me fait agir, et qui me permet d’unir à mon tour.

Connaissable : science : sensible (esthétique) et logique : analytique (concepts et principes) et dialectique. La dialectique ramène à ce qui est pensable. Le pensable relève du domaine des idées. L’idée est un concept de la raison, qui n’a pas de contenu intuitif. Il ne peut pas y avoir de réponse, on peut démontrer à la fois le pour et le contre. C’est le domaine de la dialectique. Kant pose la question du rapport entre la connaissance et l’intuition, un élément sensible et un élément intelligible. Pour les lier, Kant invente le concept de schème. Un schème est une entité qui s’inscrit entre les deux réalités hétérogènes et qui essaie de leur assurer une homogénéité. C’est une réalité mixte entre entendement intuition. Par exemple, le concept de triangle est différent de toutes les autres figures. C’est donc une sorte de représentation spécifique qui se distingue des autres représentations. D’autre part, l’image tracée au tableau du triangle est toujours singulière, est toujours un triangle particulier. Nous avons affaire à une distinction entre le concept en général et sa représentation sensible, particulière. Le schème du triangle sera le procédé par lequel je me représente dans mon imagination l’image du triangle. L’image que je me représente par mon imagination est le schème du triangle. Car elle s’intercale, elle est un intermédiaire entre le concept du triangle que je peux définir comme une figure à trois côtés et trois angles, et l’intuition qui me donne toujours un triangle particulier. Entre le concept et l’intuition apparait le schème, qui est l’image que j’ai du triangle dans mon imagination. Donc la connaissance se constitue de trois facultés : l’entendement qui est le lieu des concepts, l’intuition qui leur donne un contenu sensible et l’imagination qui offre

des représentations schématiques qui ont pour fonction de lier un concept à une intuition parce qu’elles sont des réalités doubles : d’un côté elles tendent vers l’intelligible, vers l’entendement, et de l’autre, elles tendent vers le sensible. C’est ce qui me permet de passerd ‘un niveau à un autre. Avec le schème, je peux passer de la définition mentale du concept à sa réalisation dans le sensible. Le schème est une règle qui permet l’articulation du concept aux intuitions. C’est une condition nécessaire. Dans le cas du triangle, la règle c’est trois côtés et trois angles. La règle donne la définition, le schème st la concrétisation de cette définition du concept dans une structure. La structure répond à cette condition, à cette règle. Tout ce qui suit cette règle est identifié comme tel ou tel concept. Cette règle me permet de concrétiser le concept dans le sensible. Si l’on tient compte de cette fonction, il en résulte que chacune des trois fonctions évoquées, l’entendement, l’imagination et l’intuition, assurent une certaine synthèse, nécessaire à son niveau. Il y a la synthèse par l’intuition au moyen de ses formes à priori, de l’espace et du temps. Une synthèse au niveau de l’entendement par le concept, et une synthèse au niveau de l’imagination avec le schème. Ces trois synthèses définissent une hiérarchie : les intuitions d’abord, puis les schèmes, et les concepts qui intègrent le tout. La première agit sur les sensations, qu’elle classe en fonction du temps et de l’espace. La deuxième synthèse, celle de l’imagination, se présente comme un pouvoir de reproduction des représentations intuitives. Cela veut dire que l’imagination permet de dupliquer, de réitérer une sensation en l’absence de sa source, de son objet. Elle la reproduit selon la succession, selon le temps. La troisième, celle de l’entendement, consiste en ceci qu’elle reconnait les affections ressenties, le contenu intuitif, en tant que ce contenu est reproductible par l’imagination indéfiniment. L’entendement arrête cette reproduction, la fixe en lui donnant une unité. Le triangle, c’est cela. Le nombre 5, par exemple, est reconnu par l’entendement à travers ses unités, comme l’unité de la ligne à travers la succession de ses points. Le travail de l’entendement n’est pas la connaissance. L’entendement ne fait que reconnaitre. Cela veut dire que l’entendement vient à la fin, la connaissance commence dans l’intuition, se reproduit dans l’imagination et la synthèse de l’entendement n’advient qu’à la fin. Cela veut aussi dire que l’entendement n’ajoute rien au contenu du concept, il ne fait qu’appliquer une forme sur un contenu, il ne fait qu’informer une matière. L’instance opératrice derrière ces trois fonctions est le cogito transcendantal qui les assure. Kant l’appelle conscience et le caractérise par son unité. Le cogito transcendantal est une conscience une, qui réunit en une représentation le divers perçu successivement et ensuite le reproduit. Le ‘je pense’ doit accompagner toutes mes représentations. C’est donc ce ‘je pense’ qui est responsable de l’unification de mes représentations. Il n’y a pas de connaissance sans cette unité. Le concept est le moyen de cette unification, puisqu’il construit les objets de la connaissance en leur assurant cette unité. Un objet ne doit être conçu que comme quelque chose en général. L’objet est une unité constituée, formelle, qui provient du ‘je’, de la conscience, et qui est appliquée au contenu transcendantal du concept. Il n’y a d’objet que pour un sujet, c’est le sujet qui construit son objet. Il le construit en y mettant sa propre unité. La conscience projette sa propre unité sur le sensible pour en faire un objet. Ce qui caractérise cette unité, c’est qu’elle est donnée après coup, elle est ce qui rend possible l’expérience, les objets, les phénomènes. Il faut établir une distinction entre objet et chose en soi. La science n’a de rapport qu’avec ses propres objets. Elle est consciente de l’écart ontologique entre l’objet et la chose en soi. C’est l’erreur des dogmatiques, ils ont cru qu’on pouvait accéder à des essences. En accédant à des phénomènes, on pourrait accéder aux essences. Mais ce n’est pas le cas, car les essences ne se situent pas dans l’espace et le temps, qui sont les limites de mon expérience, les formes de la connaissance. Je ne peux rien connaitre qui ne soit dans l’espace et le temps. Nous n’avons affaire qu’aux objets, qu’aux phénomènes. C’est

la naissance du phénoménisme. A partir de Kant, nous enterrons les essences, la chose en soi. Celle-ci va entièrement fonder l’action, la pratique, la morale. La chose en soi joue déjà un rôle dans la connaissance, Pour Kant, le concept est une règle qui ordonne le divers sensible de l’intuition. Le concept de corps, qui rend possible la connaissance des phénomènes, n’est qu’une règle, selon laquelle tout phénomène extérieur doit avoir une forme, une étendue. Ce sont les propriétés physiques d’un corps. Le concept n’est qu’une reconnaissance, je connais le corps dans l’ensemble des propriétés qui me sont présentées par l’intuition. Il faut retenir l’unité du cogito, qui garantit toute unité. En contrepartie, il y a une diversité des sensations. Le cogito ne peut pas se poser dans sa solitude, il prend conscience de lui-même en se confrontant à la diversité du sensible. Sans objet, je ne suis rien. Il n’y a d’objet que pour un sujet, mais aussi, il n’y a de sujet que pour un objet. Le sujet est en perpétuelle perception, il est sans cesse assai par des sensations. L’entendement n’accède pas aux choses en soi, mais il en trouve en lui-même les formes, en tant que ces formes s’appliquent, portent sur ce qui nous provient des choses, des intuitions de la sensibilité et des schèmes. Les concepts sont les formes des phénomènes, des choses extérieures, des formes vides, disponibles. Ils représentent le dispositif transcendantal qui représente le pouvoir transcendantal de connaitre, d’unir le divers sensible à travers l’imagination. !Nous allons maintenant nous intéresser aux principes. Les concepts permettent de construire des objets, les principes permettent de construire les relations entre les objets. Les principes permettent à l’entendement d’appréhender les rapports entre les objets, car tout rapport entre objets st de la nature sujet/prédicat. D’où ce constat que les principes posent d’emblée un problème de logique et exige de distinguer la logique formelle et la logique transcendantale. La logique formelle s’occupe de la forme des jugements, la logique transcendantale s’occupe du contenu. C’est pour cela que la première ne porte que sur des jugements analytiques. La logique transcendantale porte sur les jugements synthétiques, qui peuvent être à postériori, empiriques, ou à priori. La logique transcendantale compare la forme et le contenu, elle distingue les concepts en comparant et en distinguant leur contenu. Elle compare les concepts à travers leur contenu et les classe selon le sens interne, dans le temps, selon la série du temps. Correspond à la forme interne de l’intuition, le temps. Le sens interne s’oppose au sens externe, qui est l’espace. Comment opère l’entendement dans les jugements synthétiques ? Il classe les concepts selon le sens interne, non pas en tant que formes vides comme le fait la logique formelle, mais en tant qu’ayant un contenu intuitif. L’entendement ne peut organiser les concepts, les classer qu’en prenant en compte leur contenu intuitif, en passant donc par l’intuition, par l’expérience. C’est la différence entre la fonction de la logique formelle et transcendantale. Le travail de l’entendement, qui a consisté jusque-là à construire des objets, ne peut lier ces objets (contenu + concept), ne peut distinguer les éléments transcendentalement unis. C’est l’entendement qui rend possible l’expérience, à travers la distinction entre les concepts et à travers le lien entre entendement et intuition et à travers ce lien établi entre objets et concepts. L’expérience est le mélange entre l’intuition et l’entendement. Elle est de deux sortes, théorique et empirique. Elle a affaire à des objets. Comme l’objet lui-même, elle comporte deux branches : expérience théorique, en générale, et expérience empirique. Cette expérience théorique est un ajout de Kant. Nous connaissons l’expérience empirique, avec des objets empiriques, des instruments, des expérimentations. Une expérience théorique, en général, est celle qui a affaire à des objets en général, comme le

triangle en général. Cette expérience semble reposer essentiellement sur l’imagination en tant qu’elle intervient entre l’intuition et l’entendement. Le concept, le schème et l’intuition représentent ce que Kant appelle condition de l’expérience en général, ou expérience possible. Les exemples se réfèrent aux mathématiques, à la géométrie, l’appréhension du triangle et ses propriétés, ou l’arithmétique, les opérations que nous accomplissons à partir des nombres. C’est un peu ce que Galilée appelle une expérience mentale : le fait de se représenter un objet dans l’entendement à travers l’imagination et au moyen de l’intuition. Une expérience en général repose sur l’intuition. En revanche, une expérience empirique repose sur des sensations à postériori, des sensations empiriques, effectives. En fonction de cette distinction, Kant distingue deux types de principes. Le premier type comporte des principes mathématiques, le second type comporte des principes dynamiques. Kant les distingue ainsi : les maths se rapportent uniquement à l’intuition de l’objet en général. Les autres se rapportent à la fois à l’intuition, mais aussi à l’existence de l’objet dans l’existence empirique. Les uns vont être appelés constitutifs, ou déterminant (ils constituent leurs objets). Les autres sont appelés régulateurs, ils ne peuvent qu’ordonner les objets qui ont une existence empirique en dehors de l’esprit. Il y a 4 principes, dont les deux premiers sont mathématiques et les deux autres dynamiques. Les deux premiers portent sur des quantités ou qualités, les deux autres portent sur des relations ou la modalité de l’existence des objets. Les deux premiers seront appelés axiomes de l’intuition et anticipation de la perception. Les deux derniers vont être appelés analogies de l’expérience et postulats de la pensée empirique en général. - Les principes mathématiques : ces principes sont constitutifs de leurs objets, ils les déterminent entièrement. Les axiomes de l’intuition : une intuition est une saisie sensible. Dans l’appréhension des objets, l’intuition pose comme axiome, comme vérité première, que tous les phénomènes sont perçus à travers les formes à priori, l’espace et le temps. Tous les phénomènes ont une extension, une étendue (espace) et une durée (temps). Donc tout phénomène est divisible, c’est la divisibilité de la matière à l’infini. Aussi, tout phénomène est reproductible, il admet l’addition. Tout phénomène est une grandeur, une quantité. Tous les phénomènes sont une grandeur extensible, étendue. Les phénomènes sont des grandeurs, mais ces grandeurs ne sont pas hors de moi. Ces phénomènes sont en moi, c’est moi qui produit la grandeur, la quantité, c’est le concept qui met la quantité sur les intuitions qu’il reçoit. Les anticipations de la perception : elles s’appuient sur la forme interne de la perception, sur le temps. C’est l’appréhension des phénomènes à partir du sens interne, le temps. Les phénomènes sont toujours considérés comme des grandeurs, mais cette grandeur n’est plus liée à l’étendue, mais plutôt à l’intensité, à une échelle graduée, comportant des degrés successifs. C’est la grandeur intensive. Le principe est le suivant : tous les phénomènes ont une grandeur intensive, ils sont gradués, ordonnés par degré. C’est ainsi que la perception peut anticiper à partir d’un degré b, un degré c, etc. C’est la succession des perceptions dans le temps, en tant qu’elle va de bas en haut, de l’inférieur au supérieur. Dans la torture, ce qui effraie, ce n’est pas la douleur de l’instant b, mais c’est la douleur qui sera ressentie à l’instant c, à l’instant d, etc. la sensation va en s’accentuant, chaque degré s’ajoute au précédent. Tout consiste dans l’addition, dans le temps et dans l’espace avec ces deux principes mathématiques. - Les principes dynamiques : ils ne sont pas constitutifs de leurs objets, ils se contentent de les ordonner, de les organiser. Les objets existent ors de l’entendement. Ce sont les analogies de l’expérience. Analogie : ce qui est analogue ou ce qui est commun aux phénomènes. Ce qui est partagé par les phénomènes, c’est ceci qu’il se donne à notre expérience dans le temps, à notre sens interne. De l’autre, qu’ils détiennent des relations

les uns avec les autres, dans l’espace. Tous les phénomènes se situent dans le temps et l’espace, c’est l’analogie de l’expérience. Tous les phénomènes existent, sont donnés selon des règles à priori qui déterminent le rapport dans un temps donné. Kant s’intéresse d’abord à cet aspect. Pour le démontrer, Kant rappelle les deux formes de l’expérience : l’une empirique, qui consiste dans l’assemblage, la liaison de sensations dans un temps mesurable, empirique. L’autre est appelée expérience en général, car elle se déroule dans un temps général. Elle est toujours la même, elle est une, et elle permet à l’entendement d’y introduire ses concepts, d’y opérer une synthèse par concepts. Contrairement à la première, elle opère des liaisons nécessaires, et pas accidentelles, entre des perceptions qu’elle organise en objets. Il s’agit ici d’une expérience presque à priori, ce qui parait être un paradoxe. Mais cette expérience se déroule dans un temps non empirique, dans le schème du temps, dans la structure du temps, donc ce n’est pas un paradoxe. En dépit de cette différence, tous les phénomènes se donnent à l’expérience dans le temps. Mais qu’est-ce que le temps ? Il se présente sous les chapitres des catégories de la relation. Sous cette modalité de la relation, il se présente sous trois formes. 1. La durée, la permanence du même. 2. La succession, ou le changement des états. 3. La simultanéité, ou la présence de la pluralité, plusieurs choses à la fois. Ce sont les trois formes sous lesquelles le temps se donne à nous. Or, ces trois formes à priori représentent les trois règles qui ordonnent l’existence des phénomènes dans le temps, et que l’on peut présenter ainsi : 1. L’unité du même dans la durée. 2. L’unité du même à travers le changement, la succession des états. 3. L’unité de la multiplicité dans le temps, dans l’existence commune. Alors, le principe général qui ordonne les phénomènes à travers ces différentes formes est le rapport à l’unité, le rapport à l’un. Or, nous savons déjà que la véritable unité réside au niveau de la conscience, du sujet. C’est cette unité transcendantale, en nous, donnée naturellement dans le sujet, qui est utilisée par l’entendement comme règle générale pour ordonner les phénomènes dans le temps. Cette règle, cette unité ne porte pas sur le contenu intuitif des phénomènes, mais uniquement sur le rapport à la temporalité, à fin de déterminer leur existence et les formes qu’elle prend. C’est pourquoi ces principes ne sont pas constitutifs, puisqu’ils n’offrent pas un contenu aux phénomènes, mais il se contente de les régler dans leur relation au temps. ils ne font que régler les phénomènes dans leur existence par rapport au temps. L’existence doit provenir de l’extérieur. Kant laisse dans l’ombre le statut de l’intuition de ces phénomènes, dans la mesure où elle peut être à priori comme à postériori. Elle peut être à priori lorsqu’il s’agit de l’expérience en générale, et à postériori lorsqu’il s’agit de l’expérience empirique. Voyons comment les trois forment opèrent dans l’organisation des phénomènes : - La principe de la permanence : derrière le changement des états, il y a toujours un objet qui demeure le même. C’est la permanence de la substance. Derrière tout changement, nous appréhendons la chose qui change et demeure la même.il n’y a de changement que par rapport à quelque chose qui ne change pas. Qu’est-ce qui demeure le même ? C’est le temps, puisque tout changement se fait dans le temps. Le temps ne peut être perçu en lui-même, alors nous y substituons quelque chose qui lui ressemble, qui est la substance. La substance est déclarée permanente perce qu’elle est la condition de toute synthèse, de toute unité. Elle est conçue comme une unité permanente, qui admet les changements, les intègre en tant que forme de son existence dans le temps. La substance est conçue comme une unité, mais derrière, c’est le temps qui demeure le même. Mais parce qu’il est insaisissable en lui-même, on lui substitue quelque chose qui le remplace de manière concrète, une réalité ontologique qui est censée rester la même malgré les changements. Cette réalité n’est que le reflet de l’unité du temps. Le concept de substance doit être alors rejeté s’il désigne un objet ou une chose en soi, à laquelle la métaphysique classique

croyait avoir accès. Il est en revanche à retenir s’il désigne ou signifie cette permanence, cette unité permanente qui est l’analogue de la permanence du temps. Il faut en retenir ce principe de permanence, puisque la permanence est une condition absolument nécessaire à l’existence des phénomènes, en tant qu’ils représentent des objets d’une expérience possible. Autrement dit, la permanence est le mode par lequel l’entendement appréhende tout phénomène possible. Tout phénomène est perçu à priori par l’entendement dans la permanence. - Le principe de production : Tout ce qui arrive suppose quelque chose à quoi il succède selon une règle. Tout ce qui arrive suppose une cause. C’est le principe de causalité. Il réduit le principe de causalité à la succession : le principe de succession nie l’efficacité de la cause. Rien ne nous montre quelque chose comme une production d’un phénomène par un autre. Kant a donc corrigé su formulation et a parlé de production, et donc de production de certains phénomènes par d’autres. Kant explique le décalage entre sujet et objet, entre la cause et son effet. Il souligne l’écart entre notre appréhension des choses et leur existence réelle. Nous appréhendons par l’intuition les phénomènes, qui nous offre des représentations dans le temps selon la succession. Mais l’intuition est incapable de décider si cette succession est nécessaire ou accidentelle. C’est donc l’entendement qui établit, à l’aide de l’imagination, la nécessité de l’ordre des intuitions. Ce qui précède doit être premier et ce qui suit doit être dernier. L’entendement établit cet ordre de succession dans les phénomènes au moyen du concept de la causalité, qui est une règle qu’on peut énoncer ainsi : la cause détermine son effet dans le temps, comme sa conséquence. Le concept de cause, ou de causalité, établit une synthèse entre les perceptions données dans l’expérience et les ordonne selon la règle de la succession dans le temps. D’où vient cette règle ? Est-elle à priori ou est-elle le produit de l’expérience. Kant illustre sa réponse par un exemple : la perception de deux choses différentes. La perception d’une maison, par exemple, nous sommes libres de l’appréhender selon un sens arbitraire : de bas en haut, haut en bas, etc. l’entendement manque ici de catégories pour ordonner les intuitions de la perception, de la sensibilité. L’entendement n’a pas de catégories pour ordonner les perceptions de l’intuition. Il y a là une sorte de liberté de la perception, qui échappe à l’entendement. Les synthèses de l’intuition échappent à l’ordonnancement de l’entendement. En revanche, lorsque nous percevons la descente d’un bateau sur la seine. Ici, les moments de cette descente sont nécessairement ordonnés selon le temps. Les moments s’imposent à ma perception, et l’entendement ajoute une synthèse, ordonne. Les sensations sont déjà ordonnées dans l’intuition, qui effectue déjà une première synthèse en percevant les moments de la descente. L’entendement y ajoute la structure, la règle de la succession. Il peut affirmer ainsi que le bateau ne peut pas avoir été à un certain point avant d’être passé par d’autres. La causalité est donc la succession des phénomènes dans le temps, en tant que le précédant produit le suivant. Kant a un mal fou à faire assumer à l’entendement deux choses : la production des phénomènes et l’objectivité du phénomène. Kant veut les démontrer mais n’y parvient pas, car il privilégie la succession dans la causation. Le principe de production reste encore inopératoire. Il est supposé sans être démontré. Kant distingue l’être et le devenir. Dans l’être, l’intuition est libre dans la perception. Dans le devenir, il y a un ordre nécessaire, imposé par l’ordre naturel des choses et par l’ordre de l’entendement, qui établit une relation de nécessité. Il faut que je dérive la succession subjective de l’appréhension de la succession objective des phénomènes. Car la première est tout à fait indéterminée, arbitraire, tandis que la seconde comporte un ordre, une règle, sui est celle de la succession nécessaire. Donc dans le premier cas, je n’ai affaire qu’à une succession de perceptions subjectives. Dans le second cas, j’ai affaire à une succession objective, qui s’impose à moi. Cette nécessité nous provient en réalité de l’expérience. Il s’agit d’une

expérience qui établit un accord entre l’exigence de l’entendement et celle de la nature, des phénomènes. L’exigence de quelque chose qui doit arriver, qui doit succéder nécessairement à quelque chose qui précède. J’ai déjà construit le phénomène avant son arrivée, dans une expérience générale, dans toute expérience possible. Avant de percevoir la descente du bateau, je sais d’avance que toute chose étant dans un lieu B a dû être d’abord dans un lieu A. Ainsi, je peux remonter la série comme je peux le descendre. - Le principe de la communauté : c’est un principe newtonien, l’égalité de l’action et de la réaction. Tout corps agissant sur un autre en subit une réaction réciproque et égale. L’attraction est une double action. L’intuition et l’imagination ne représentent jamais deux perceptions à la fois. Nous percevons, nous imaginons toujours une seule chose à fois. Qu’est-ce que la simultanéité alors ? La simultanéité doit être pensée comme une sorte de succession, mais une succession réciproque. Je perçois une chose, A, puis B, puis à nouveau A, etc. la simultanéité est une perception réversible. L’entendement doit donc avoir un concept qui lui permette de concevoir cela, de donner à la simultanéité un fondement objectif. Ce concept est celui de la communauté d’action : deux substances agissant l’une sur l’autre de façon réciproque. Kant émet quelques remarques importantes : la dépendance entre les corps, les substances : ce principe se réduit donc au précédent, à la causalité. Tantôt l’une est conçue comme cause et l’autre comme effet, tantôt c’est l’inverse. La communauté d’action est une double causation. D’où il apparait qu’il y a un ordre dans les trois analogies. Chacun des suivant suppose le précédent, donc la troisième analogie repose sur la seconde. Et la deuxième analogie repose sur la première. De plus, ce principe de communauté est celui qui nous permet de penser notre rapport au monde. Nous sommes une substance agissant sur d’autres, et qui avons subi les actions des autres. Donc nous avons un rapport au monde qui se tient sous ce principe de la communauté. Cela va contre le cogito cartésien. Je ne peux exister qu’en rapport avec les choses. Postulat de la pensée empirique en général : Kant présente la manière par laquelle il comprend l’empirisme. L’empirisme croit pouvoir réduire la logique à la physique, l’entendement à l’expérience empirique. Nous venons de voir le contraire. C’est la logique transcendantale qui rend possible l’expérience. Il s’agit ici de montrer que toute expérience, en générale ou empirique, exige comme condition de possibilité l’appareil transcendantal de la connaissance : intuition, entendement et imagination. C’est l’entendement qui rend possible l’expérience, non le contraire. Kant distingue trois modes d’expérience, trois types de condition d’expérience : condition formelle, condition matérielle, condition générale. Les conditions formelles définissent ce qui est possible. Les conditions matérielles de l’expérience définissent ce qui est réel. Les conditions générales définissent ce qui est nécessaire. Kant définit ces concepts à partir d’une figure géométrique, qui est la figure comprise entre deux droites parallèles. Voilà le concept d’un objet possible, un objet concevable logiquement, formellement. Rien ne s’oppose à la possibilité d’une telle figure. C’est ce que Kant appelle les conditions formelles de l’expérience, les conditions dans lesquelles l’expérience d’un objet est logiquement possible, sans être réelle. En effet, la figure n’est pas réalisable, mais reste possible. Car les conditions de l’espace l’interdisent. D’où l’on peut voir qu’un objet est réel lorsque son existence est permise. Non seulement par les conditions formelles de l’expérience, mais aussi par ses conditions matérielles (réalités objectives) : un triangle est un objet réel, car l’espace nous permet de le construire. La différence consiste en ceci que dans le premier cas, l’objet est envisagé dans sa propre possibilité : il est considéré comme objet isolé, il n’a aucun rapport au reste du monde. En revanche, dans le second cas, l’objet réel l’est lorsqu’il est possible, envisagé dans son rapport aux autres objets. Lorsque les conditions matérielles de l’existence le permettent. Il faut donc qu’il puisse exister dans

l’espace et le temps. Un objet est nécessaire lorsqu’il est exigé par l’ordre des choses matérielles. Ces objets nécessaires apparaissent en particulier avant tout avec le principe de causalité. C’est la nécessité de l’effet par rapport à la cause. L’effet ne peut pas ne pas exister lorsque sa cause est présente.

Ni l’âme, ni Dieu, ni le monde ne sont des objets de la connaissance, ils ne sont pas donnés comme les objets d’une expérience possible.

Lorsqu’il s’agit de raisonner sur le monde, il y a 4 antinomies. La première a rapport à la quantité (unité, totalité, pluralité). La raison a recours au schéma de la série, donc au schéma du temps. Il s’agit du commencement ou non dans le temps. Si le monde a une origine dans le temps, ou non, s’il a toujours existé. Il s’agit de remonter à partir de l’état présent à un état qu’il l’a précédé, jusqu’à l’infini. Cette série doit-elle s’arrêter quelque part, à un commencement, ou doit-elle aller à l’infini. C’est ce à quoi revient la logique de chaque position. Le même schéma est appliqué à l’espace. Il s’agit de savoir si le monde a une fin, ou non, s’il a une limite dans l’espace ou non. Ceux qui défendent la finitude du temps imposent une limite à la série. Ceux qui défendent l’infinité du monde vont pousser la limite jusqu’à l’infini. Il s’agit toujours du modèle de la chaine, dans les deux cas. Dans les deux cas, la série se construit par des additions ou soustractions. Cette première antinomie concerne donc la limite et l’origine du monde. Nous n’avons aucune expérience possible de ces questions, donc la raison entre en conflit avec elle-même, elle peut affirmer les deux thèses. La deuxième antinomie attrait au groupe de catégories de la quantité (réalité, imitation), qui prend la forme d’un problème métaphysique : la matière et sa divisibilité ou son indivisibilité à l’infini. La troisième antinomie se rapporte aux catégories de la relation (inhérence, communauté, causalité). Il s’agit de savoir s’il y a toujours une cause à ce qui existe et à ce qui se fait, ou si aucune cause ne peut être posée à la série des faits, à la relation cause/effet. La causalité suppose toujours une cause à un effet, c’est le principe de raison suffisante : rien ne se produit sans cause. Il n’y a aucune cause absolue à la série des faits. Toute cause pouvant être supposée comme absolue ou posée au commencement de la série peut être assimilée à un effet supposant à son tour une autre cause, et ainsi à l’infini. Aristote croit en la cause absolue, le premier moteur. C’est l’antithèse. La quatrième antinomie rejoint les catégories de la modalité (possibilité, réalité, nécessité). Ici, Kant a un problème. Cette catégorie de la modalité est difficile à réduire à la série, elle n’épouse pas son modèle. Il s’agit de la possibilité, de la réalité ou de la nécessité d’une chose ou non. Il s’agit d’une chose isolée, qui échappe à la structure de la série. Cependant, si nous prenons un phénomène quelconque, réel ou possible, la question qui se pose à son égard est celle de sa contingence ou de sa nécessité. Une telle question suppose sue l’on ne fait rien autre chose qu’en le considérant comme inconditionné, comme un effet, dont la raison va chercher la condition ou la cause. Savoir s’il est nécessaire ou contingent, c’est savoir s’il a une cause ou pas, nous nous retrouvons donc dans la troisième antinomie. Certains vont donc croire à la causalité à l’infini, d’autres en la cause absolue, d’autres pensent que la nature a sa propre causalité. Cela pose la question de la liberté et de la fatalité. Telles sont les quatre antinomies de la raison pure. Dans les quatre antinomies, la tension a été portée sur la structure de la série. Or, dans ces quatre formes de série, nous avons une régression vers le commencement. On a affaire à une régression vers le commencement, vers l’inconditionné. La différence : les uns posent ce commencement comme endogène, et les autres comme exogènes à la série. Les uns l’intègrent à la série et font donc la série infinie, les autres le posent comme une cause extérieure à la série. Ce qui caractérise l’antinomie, c’est l’inclusion ou l’exclusion du premier terme, de la première condition à

la série. Il s’agit d’intégrer ou non la condition à la série dans toutes les antinomies. C’est ainsi que dans chaque cas, il s’agit d’un élément intérieur ou extérieur. Toutes les thèses placent la condition hors de la série et en font une condition hétérogène à la série. C’est ainsi qu’ils affirment un premier commencement, un commencement du monde, un élément simple au fond de la matière, une cause libre au commencement des phénomènes du monde, non nécessité, et un être nécessaire pour la série des êtres contingent. Kant a développé l’antinomie jusqu’à sa dernière forme, la plus parfaite : il suffit de trouver la solution d’une seule antinomie pour que tout son système soit ruiné. Car le conflit de la raison résulte de la nature des concepts qui sont mis en jeu, employés, et qui sont des concepts transcendantaux, des concepts sans contenu intuitif. Le développement de l’un signifie la réfutation de l’autre. Ce conflit est donc irrémédiablement insoluble. Que faut-il en déduire ? Faut-il rejeter la métaphysique ? Kant se met plutôt à lui dresser une apologie, en parlant de sa dignité, sa majesté, la noblesse des questions, auxquelles le mathématicien donnerait volontiers toute sa science. La cosmologie, contrairement à la psychologie et à la théologie, porte sur les phénomènes. Elle semble chercher à rapporter ces phénomènes à l’unité, au concept de monde. D’où son importance pour la connaissance des phénomènes, puisque le concept de monde se présente comme un principe régulateur, un concept qui sollicite plus de savoir, de connaissance. Lorsque l’on arrive à comprendre que les concepts de la raison n’ont pas de contenu intuitif, on peut les réduire à des sophismes, dont on ne peut affirmer ni la vérité, ni la fausseté. Le monde est donc un concept vide de l’ordre du cercle carré, donc qui est absurde, qui n’a aucun sens, qui ne peut pas avoir de contenu intuitif. Dire que le monde est fini ou infini est donc absurde, puisque le monde en soi n’existe pas pour moi, de même que la divisibilité de la matière ou non. En effet, ce ne sont pas des phénomènes. Il en est de même pour la causalité et la liberté, la contingence et la nécessité. Il s’agit dans tous ces cas d’une opposition dialectique. Puisqu’il s’agit d’une totalité absolue dont nous avons l’idée, mais dont nous n’avons pas le contenu. Que peut-on tirer de cette dialectique ? Trois choses : une preuve contre le dogmatisme qui affirme l’existence des choses en soi, du monde en soi. La leçon de la critique est qu’il faut se dessaisir des dogmes de la raison. Il s’agit de concepts vides, d’idées de la raison, que la raison doit désormais traiter non pas comme des vérités ou des faussetés à démontrer, mais plutôt comme des problèmes à penser. Deuxième chose : il s’agit, dans tous ces concepts, de la dialectique. Ils représentent des principes régulateurs. Tous ces concepts désignent des totalités, et toute totalité est une règle de la raison qui dirige l’entendement dans ses investigations de la connaissance et le pousse toujours à aller plus loin dans l’exploration des phénomènes. La métaphysique est la reine, à condition de ne pas la prendre pour une science. troisième chose : il faut tirer la raison de ce drame dans lequel elle tombe en conflit avec elle-même il faut donc présenter une solution à ces antinomies, qui se fait sur le fond des résultats que l’on vient d’acquérir : a) légitimité du problème, car légitimité de la série ; b) légitimité de la progression dans la série ; c) distinction à l’intérieur de cette série entre ses concepts empiriques qui se rapportent aux phénomènes, et ses concepts transcendantaux, qui se rapportent aux noumènes. Pour résoudre le conflit, il faut faire la parte entre ce qui revient à la raison et ce qui revient à l’entendement ; d) faire la part aux deux. Le problème est vraiment de distinguer et de faire sa part à chacun. On peut résument l’histoire de la métaphysique dans ce conflit, de façon à ce que chaque fois, la raison donne à l’entendement un objet qui est soit trop long, soit trop court : soit un concept que le dépasse, comme le commencement absolu, soit un concept qui ne le satisfait pas. Première antinomie : le commencement du monde et sa limite : cette antinomie se résout de la manière suivante : puisque la grandeur du monde m’échappe, qu’elle ne m’est pas donnée dans l’intuition, le monde n’a pour moi ni de limites dans le temps, ni de limites

dans l’espace. La régression ou la progression dans la série des phénomènes peut aller à l’indéfini. Autant la thèse et l’antithèse dont satisfaites ainsi. Au niveau de ma matière, l’antinomie peut être résolue par la distinction que l’on peut établir dans sa divisibilité. Il s’agit de distinguer deux propositions : un tout et divisible à l’infini ; un tout se compose d’une infinité de parties. Elles semblent vouloir dire la même chose mais il y a une différence notable. La première vaut pour des grandeurs continues, tout ce qui est de nature homogène et continue. Toutes les parties sont les mêmes, et peuvent donc être divisées à l’infini. En revanche, la deuxième proposition désigne autre chose : des grandeurs hétérogènes, dont les parties ne sont pas identiques, homogènes. L’entendement a raison d’affirmer la première proposition, et la raison a raison d’affirmer la seconde. La solution est de trouver un domaine où la divisibilité peut aller à l’infini, et un domaine où la divisibilité doit avoir des limites. C’est le domaine du vivant. Troisième et quatrième antinomies, les antinomies dynamiques. Il s’agit ici d’autre chose, nous avons affaire à des séries hétérogènes, qui posent le problème de la condition. Il faut savoir si cette cause première est de la même espèce que la série ou d’une espèce différente. Ici, on peut donner satisfaction à l’entendement et à la raison, si nous distinguons les séries homogènes des séries hétérogènes. Dans un cas, nous donnons libre cours à l’entendement dans le champ des phénomènes. Dans l’autre, nous donnons satisfaction à la raison en concernant toujours une condition exceptionnelle. La solution consiste à admettre également causalité et liberté. Mais en tant que l’une régit le domaine des phénomènes, et en tant que l’autre régit celui des noumènes. Il s’agit de concevoir une liberté transcendantale qui est nécessaire pour fonder la liberté pratique. La différence revient à ceci : la première, la liberté transcendantale, est un concept qui pose la possibilité pour le sujet d’agir par sa propre causalité, par l’autonomie de sa volonté. La volonté doit être en nous autonome de toute cause qui lui est extérieure. L’opposition entre science et morale : plus je me rapproche du sensible, plus je me rapproche du vrai, plus je me limite dans le champ de l’expérience possible au réel, plus je connais avec vérité. Plus je m’éloigne des concepts, plus je quitte la sphère de l’expérience, plus je m’expose à la l’erreur, à la fausseté. Or, la structure de la morale est à l’opposé. Plus je me rapproche du sensible, plus je deviens esclave, plus je me rapproche de l’acte immoral. Plus je m’éloigne du sensible, plus je me libère, plus je suis un homme moral. Il y a donc une opposition radicale entre science et morale. Voilà comment se résout la troisième antinomie.