molinari, une approche de la démocratie économique
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8/3/2019 Molinari, Une approche de la dmocratie conomique
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MOLINARI : UNE APPROCHE DE LADMOCRATIE CONOMIQUE
Par Jean-Michel POUGHON
Universit de Strasbourg
Gustave de MOLINARI ( 1819-1912 ) fut l'une des figures
marquantes du libralisme conomique de son temps; Ses
thories, originales plus d'un titre, lui valurent une certaine
renomme et firent de lui un ultra libral, un " anarcho capitaliste,
"dirions nous aujourd'hui.(1)
Thoricien conomique, directeur du "Journal des conomistes",
chef de file du courant libral, auteur prolixe, polmiste
redoutable, il n'est pourtant pas mentionn dans l'immense biographie de Michaud, ni dans les
diffrentes biographies nationales.
Seule, la Grande Encyclopdie nous apprend que cet conomiste belge, n Lige, tait le fils
d'un Marchal d'Empire, devenu mdecin homopathe. Journaliste d'opposition en France,Gustave de MOLINARI regagne la Belgique aprs le coup d'tat du deux dcembre. Il occupe
la chaire d'conomie Politique au Muse de l'Industrie Bruxelles. En 1874, il est lu
correspondant de l'Acadmie des Sciences Morales et Politiques. En 1881, il succde Joseph
Garnier la direction du Journal des conomistes, fonction qu'il occupera jusqu'en 1911. Auteur
prolixe nous l'avons dit, il crivit un grand nombre d'oeuvres (2).
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1819 -1912, ces dates qui bornent la vie de Gustave de MOLINARI , presque un sicle,
marquent galement la naissance du libralisme conomique, son triomphe, puis sa contestation.
Cette dernire devait engendrer un interventionnisme tatique contre lequel lutta farouchement
notre auteur. Il le combattit au nom, prcisment, de la dmocratie. Mais s'il demeure certes
attach la conception devenue traditionnelle de la dmocratie, fonde sur des valeurs
essentiellement politiques, il l'envisage sous un autre angle, davantage conomique. C'est en ce
sens que l'on peut parler chez MOLINARI de dmocratie conomique.
Que faut il entendre par cette expression ? MOLINARI nous l'explique dans l'un de sesouvrages, au titre d'ailleurs significatif, " Comment rsoudre la question sociale?": L'intervention
gouvernementale, dans toutes les industries o elle s'exerce, a le dfaut capital de subordonner le
consommateur au producteur. Tandis que dans les industries de concurrence, les producteurs sont
obligs d'adapter leurs produits aux besoins des consommateurs, l'tat leur impose les siens, et les
contraint les accepter comme tels. Ce sont ses propres convenances qu'il consulte, et non les
leurs." (3) En d'autres termes, de mme que l'Individu est libre d'agir, par son vote, sur le "march
politique", il convient que, de mme, il puisse agir pleinement, par ses dsirs, sur le march
conomique. Sa libert d'action suppose naturellement l'effacement d'un tat omnipotent qui doit
se cantonner dans un rle traditionnel singulirement rduit.
Rien de nouveau au premier abord. Nous retrouvons l les thmes libraux classiques de l'tat
Gendarme. Cependant, MOLINARI se diffrencie de ce classicisme en allant jusqu'au bout du
raisonnement libral, ce qui d'ailleurs le discrdita chez les libraux eux mmes. Il est vrai que ses
analyses ont parfois de quoi surprendre comme nous allons le voir en examinant comment il
envisage conomiquement la dmocratie politique (I),ce qui le conduit considrer ltat comme un
obstacle la dmocratie conomique(II).
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I. Une lecture conomique de la dmocratie politique: La contestation de l'omnipotence
de l'tat.
En libral orthodoxe, MOLINARI prend pour cible l'tat, dont les interventions sont juges
excessives. Mais la dfinition qu'il donne de l'tat s'loigne de la dfinition constitutionnelle
classique pour privilgier une approche conomique. L'tat, depuis ses origines, n'est qu'un
producteur de services, destin satisfaire les besoins de ses sujets, les consommateurs : " C'est
une entreprise d'exploitation agricole et industrielle " (4) dont les seuls profits, les impts perus,
dpendent de la capacit des dirigeants de l'entreprise, les hommes politiques, la gouverner.
Cependant, avec le temps, cette entreprise est devenue monopolistique, ltat intervenant dans
toutes les branches de la production, et ce, au dtriment des activits et crations individuelles. Il
convient donc de rtablir un quilibre et d'obtenir de l'tat qu'il abandonne certaines fonctions .
Un tel rajustement s'avre ncessaire dans la mesure o la multiplicit des fonctions tatiques
confine une dispersion devenue nuisible au groupe social. MOLINARI va donc s'attacher
dlimiter strictement le champ d'action de ltat, ce qui le conduit reconsidrer son rle dans
des interventions devenues traditionnelles au fil des temps., Les fonctions rgaliennes. Toute la
logique de ses raisonnements en ce domaine se trouve concentre en une phrase qui droule, de
manire cocasse mais percutante, ce qui va devenir notre fil d'Ariane: " Parce que le Code de tous
les tats civiliss oblige les parents nourrir leurs enfants, sensuit-il que ltat doive se faire
boulanger ?" (5) En d'autres termes, tout besoin doit il tre l'objet d'une fonction tatique ? Sont
ainsi viss le contrle de la pense (A), la scurit (B). Molinari, dans le cadre d'une dmocratie la
plus large possible, proposera le libre choix de leur tat par les populations (C).
A. Le contrle de la pense.
1.La critique de la subvention tatique envers la religion.
MOLINARI critique l'tat qui subventionne et contrle la religion et prne un libralisme religieux
excluant toute intervention tatique.
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En critiquant l'tat qui subventionne la religion, MOLINARI vise implicitement le systme franais
du Concordat qui instaure une vritable "glise d'tat ". En effet, en change de cette subvention,
ltat limite le droit et la libert d'association du clerg, son droit de proprit; Il contrle par
ailleurs les glises en nommant les hauts fonctionnaires ecclsiastiques. Bref, selon MOLINARI , " il
asservit la religion sous prtexte de la protger." (6) En outre, cette subvention tatique n'est rien
d'autre qu'un impt prlev sur des contribuables, dont une partie n'use pas des services des
cultes.
Une vritable dmocratie conduit refuser ce contrle tatique sur la religion, et instaurer unvritable libralisme en ce domaine. Mais MOLINARI n'tayera pas son libralisme religieux sur les
fondements politiques tels que la libert de conscience ou la libert d'expression. Il raisonnera
conomiquement, au risque de choquer. La religion constitue un besoin, spirituel certes, mais dont
les consquences doivent tre analyses comme celles de tout besoin conomique. S'il existe
vritablement un besoin religieux, ceux qui l'prouvent n'hsiteront pas fournir eux mmes toutes
les rtributions et contributions ncessaires sa satisfaction. Si ce besoin est inexistant, MOLINARI
s'interroge: " Est ce en imposant aux populations l'obligation de pourvoir aux frais du culte qu'on le
fera natre ? "(7)
Enfin, MOLINARI pousse l'extrme le raisonnement libral: toute subvention tatique empche la
concurrence religieuse et, de ce fait, on assiste une baisse de la qualit des services religieux: "
La culture religieuse ne va t'elle pas en s'abaissant et se corrompant dans tous les pays o l'tat
protge et subventionne les cultes, tandis qu'elle s'lve dans ceux o il les abandonne eux
mmes ?" (8)
Ainsi, la vritable dmocratie implique le refus d'intervention de l'tat dans le domaine religieux.
Mais, allant plus loin, toute vritable dmocratie conduit soumettre la religion, domaine par
excellence du spirituel, aux contraintes et rgles du march conomique. Concurrence, satisfaction
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des besoins de consommateurs religieux, telle est la conclusion logique laquelle aboutit
MOLINARI . Il critiquait, peut tre justement, le systme du Concordat. Aurait il reconnu ce qu'il
prnait dans les "tlvanglistes " des tats unis ?
La mme logique conduit MOLINARI critiquer l'intervention tatique dans l'enseignement.
2.La critique de l'intervention tatique dans l'Enseignement.
MOLINARI critique videmment l'intervention tatique dans l'enseignement, intervention qu'il
qualifie de " catastrophe ". En effet, toute intervention de l'tat en ce domaine ne laisse gure de
choix ceux qu'il appelle les " consommateurs de l'enseignement ". (9) L'tat leur impose sespropres normes, telles que l'apprentissage des langues mortes au dtriment des langues vivantes,
la surcharge des programmes et un enseignement primaire nationaliste. Par ailleurs, des
enseignants mal pays et des locaux vtustes permettent l'tat de concurrencer, peu de frais,
et donc de manire dloyale, un enseignement priv soumis.
Certes, l'enseignement constitue un besoin ncessaire. Mais faut il en dduire que l'tat doit se
faire enseignant ? Et MOLINARI de reprendre sa logique habituelle, et de fonder la libert de
l'enseignement non sur des critres politiques traditionnels, mais sur des considrations purement
conomiques.
L'enseignement constituant un besoin, quand bien mme n'en serait il pas tenu compte par l'tat
ou les communes, se serait naturellement cre une industrie de l'enseignement. Cette industrie, au
lieu d'imposer ses propres normes d'ducation, saurait davantage se plier aux dsirs des
consommateurs et crer des institutions d'ducation en harmonie avec les besoins des
usagers.(10) Elle serait, par exemple, plus mme, de s'adapter l'volution du march que
constitue la formation professionnelle : " (11) Dgage du fatras officiel des programmes,
l'instruction ncessaire pour former un avocat, un mdecin, un professeur, exigerait moins de
temps, partant reviendrait meilleur march." Par ailleurs, outre le fait que les filires de formation
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offertes au libre choix de chacun seraient plus nombreuses, les plus dmunis financirement, mais
capables intellectuellement, bnficieraient de bourses leur permettant ainsi un gal accs au
savoir.
L'intervention tatique en ce domaine semble ainsi, encore une fois, superflue. Elle nuit mme
l'tablissement d'une vritable dmocratie.
3.La critique des subventions tatiques envers les spectacles.
Cette critique de MOLINARI concerne principalement les subventions tatiques envers les thtres.Le raisonnement repose sur les mmes fondements conomiques.
Les contribuables, qui ne peuvent ou ne veulent pas frquenter les salles subventionnes, payent
en fait une partie du prix des places de spectateurs qui ne sont en gnral que des privilgis du
monde politique et administratif., un public qui jouit ainsi d'entres de faveur. Et MOLINARI de se
demander, dmocratiquement, si ces subventions " ne sont pas autre chose qu'un des nombreux
modes d'exploitation du grand nombre par le petit ?"(12)
Or, l'industrie thtrale est une industrie semblable aux autres, qui doit rpondre un besoin
exprim par des consommateurs. Que ceux qui le ressentent le paient. La subvention tatique,
nuisible dans ce domaine comme dans celui de la religion, ne cre pas le besoin, mais impose,
dans tous les sens du terme... Au contraire, la suppression de toute subvention conduit instaurer
la concurrence, et, partant, une production thtrale qui ne peut que correspondre au choix des
consommateurs.
Enfin, cette manire de reconsidrer l'industrie thtrale permet de rsoudre le problme politique
du trouble l'ordre public que causerait une pice heurtant la sensibilit ou les valeurs des
spectateurs. Au lieu que ltat, se substituant aux consommateurs que sont les spectateurs,
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interdise, au nom de ses propres critres, ce sont ces derniers qui, s'ils le dsirent, saisiraient les
tribunaux .(13).
Ainsi, que ce soit la religion, l'enseignement, le spectacle, le contrle de l'tat est cart. Ces
domaines, envisags conomiquement, sont rgis par les lois du march, c'est dire par les dsirs
et les choix des consommateurs ou usagers. Le besoin conomique librement exprim et satisfait
constitue pour MOLINARI le pralable indispensable la dmocratie . Encore faut- il que le
citoyen sache reconnatre le bien fond de ses dsirs, .et que leur ralisation ne nuise pas la
socit. Il convient donc d'duquer en ce sens les individus.
4.L'ducation du consommateur politique.
Le rve d'une vritable dmocratie, tant politique quconomique, nempche cependant pas
MOLINARI de rester quelque peu raliste en voquant le risque inhrent tout rgime
dmocratique.. L'Individu est certes devenu libre de se gouverner lui-mme, conomiquement.
Mais est-il vraiment capable d'assumer cette libert ? Il apparat, pour MOLINARI , que la matrise
morale de l'Individu n'a pas aussi vite progress que sa domination sur la nature.il en rsulte que
l'Individu ne possde plus assez conscience de ses devoirs, ce qu'il se doit lui-mme comme ce
qu'il doit autrui.
On pourrait penser que l'analyse des devoirs de chacun ne serait que la reprise, actualise, des
devoirs du les numrait la Constitution de l 'An III. Fidle lui mme, MOLINARI en entreprend
l'analyse l'aide d'une grille de lecture qui repose principalement sur conomie politique.
Il semble que pour MOLINARI , chacun d'entre nous soit considr comme un potentiel d'actes
dont les consquences peuvent tre bnfiques ou nuisibles lui-mme, et donc, par voie de
consquence, la socit en son entier
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.En agissant correctement envers lui mme ou envers autrui, chacun cre une plus value dont les
autres peuvent profiter. Au contraire, en agissant de manire incorrecte, on retire aux autres ce qui
aurait pu leur tre utile. Ainsi, l'exercice des devoirs de chacun se traduit il plus particulirement en
recourant l'ide de consommation.Il convient ainsi de distinguer la consommation utile, lorsque
chacun remplit ses obligations envers lui-mme et envers ses concitoyens, de la consommation
nuisible, celle qui dtruit le capital personnel, par l'intemprance, la prodigalit ou la ngligence
dans l'ducation des enfants. Or, de tout temps, des lois poussaient favoriser cette
consommation utile, comme les lois somptuaires qui rglementaient le port des vtements, ou les
rglements des corporations ou des manufactures qui autorisaient se sparer d'un individu donton savait qu'il tait joueur ou buveur.(14)
Naturellement, les rgles de la dmocratie politique interdisent de recourir de telles contraintes
(15).Il convient au contraire de faire appel au sens de la responsabilit de chacun, et de substituer
la rgle impose une rgle volontaire. Cependant, il existe une catgorie de consommateurs dont
la force morale est insuffisante et dont les actes sont trop souvent nuisibles. L'Etat doit alors
intervenir pour les protger contre eux-mmes.Il doit les prendre sous sa tutelles prmunir contre
la pauvret qui les menace, eux, et, par leur entremise, la socit (16) . L'tat doit leur apprendre
consommer de manire utile et les duquer dans le cadre d'une dmocratie conomique.Quant
aux autres, ceux qui ont dj bnfici de cette ducation, si leur attitude devient nuisible, l'opinion
publique leur infligera une sanction morale et sociale, sorte de " peine dmocratique" (18) Ds
lors, la proposition de Molinari devient paradoxale. En effet, notre auteur ne cesse de vilipender
l'tat, qu'il veut considrer au mme titre qu'une entreprise prive, comme devant tre soumis la
loi de la concurrence et courir ainsi le risque de voir fuir ses sujets. Mais par ailleurs, il lui impose
le devoir d'duquer, d'apprendre aux plus dmunis les valeurs de la dmocratie conomique. Au
risque de caricaturer sa pense, nous pourrions presque suggrer que MOLINARI demande l'tat
d'apprendre aux citoyens se passer de l'tat... Il est vrai que par ailleurs, MOLINARI prcise que
cette tche devrait tre confie des entreprises prives.
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B. La critique du monopole tatique de la Scurit.
Il tait logique que MOLINARI critique le monopole tatique de la Scurit dans la mesure o
cette fonction fut toujours considre comme l'apanage du pouvoir politique. Quand bien mme
n'existerait il qu'une fonction assume par l'tat, ce serait d'assurer chacun une protection. Cette
conception sculaire du rle de l'tat fut reprise par les rvolutionnaires qui faisaient de la Scurit
l'un des Droits de l'Homme. Les Libraux eux mmes qui qualifiaient l'tat de Gendarme,
reconnaissaient l'tat ce rle. C'est pourquoi MOLINARI , en remettant en cause ce qui tait
devenu une mission traditionnelle de l'tat, rencontrera une opposition dans le courantconomique libral.
Pour MOLINARI , le monopole de l'exercice de la Scurit, qu'il repose sur le droit divin, comme
sous l'Ancien Rgime, ou sur une dlgation du peuple comme depuis la Rvolution, ne peut tre
accept que s'il rencontre l'adhsion des citoyens. Ces derniers ne le remettent en question que
s'ils n'y trouvent plus leur intrt. Une telle contestation dcoule d'ailleurs logiquement du contrat
fictif pass entre l'tat et les citoyens . Ces derniers cesseraient d'obir s'ils ne pouvaient changer
ce qui leur est impos et ne lessatisfait plus. Or, que constatons nous ?: L'tat, qui dtient le
monopole de l'exercice de la Scurit, ne remplit pas de manire satisfaisante son office. Dans son
ouvrage "Comment rsoudre la question sociale ?", MOLINARI s'en prend violemment l'institution
judiciaire qu'il qualifie de " service le plus arrir qui soit "..." La Justice est lente, incertaine,
coteuse, la police insuffisante et vexatoire, les pnalits tantt excessives et tantt faibles, et le
systme pnitentiaire plus propre dvelopper la criminalit qu' la restreindre. " (18) L'intrt
mme de la dmocratie implique que le problme de la Scurit soit l'objet d'une nouvelle
approche.
MOLINARI avait dj abord la question dans un article publi dans le Journal des Economistes,
en 1849. L'originalit de ses opinions obligera la direction du journal publier l'article, prcd
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d'une prface dans laquelle elle mettait des rserves importantes sur les conclusions de l'auteur.
(19)
MOLINARI y abordait le problme de la Scurit sous l'angle conomique. Elle constitue un besoin
fondamental pour tout individu qui veut protger ses biens. Les gouvernements, en assurant
l'ordre, deviennent des producteurs de Scurit, tandis que les citoyens doivent tre qualifis de
consommateurs de Scurit. Si l'on continue de raisonner conomiquement, la Scurit n'est rien
d'autre qu'un bien immatriel dont la production doit obir aux rgles conomiques, notamment
celle de la libre concurrence.Or, l'intrt bien compris de chacun le conduit se procurer laScurit au prix le plus bas possible. Il en rsulte donc que la concurrence doit jouer entre les
producteurs de Scurit. Ainsi, pour assurer leur protection, les citoyens devraient pouvoir
s'adresser au gouvernement de leur choix. Une autre solution ce problme consisterait recourir
aux services d'entreprises prives, productrices de Scurit. Elles entreraient en concurrence, sur
diffrents points du territoire, se substituant au monopole tatique, et seraient soumises au choix
des consommateurs. (20)
La Scurit, fonction rgalienne par excellence, assure par des entreprises prives, on comprend
les rticences de la Direction du Journal des conomistes...
MOLINARI voluera peu sur ce problme. Certes, dans son Cours d'conomie Politique (1863), il
en reviendra l'ide traditionnelle du monopole tatique de l'exercice de la Scurit. Il justifie
cette concession : la socit industrielle produisant davantage de richesses qui attirent les
convoitises, il convient que la production de Scurit s'accroisse. La gestion de cette augmentation
de la Scurit peut certes tre confie l'tat, mais condition qu'il renonce intervenir dans les
autres domaines qui ne sont pas de son ressort, pour ne se consacrer qu' son unique mission de
protection. (21)
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Mais dans son " Esquisse de l'organisation politique et conomique de la socit future "(1899), il
soutiendra que, devant l'chec manifeste de la Scurit tatique, " on peut prvoir que la Nation
contractera de prfrence par l'entremise de dlgus, avec la Compagnie qui offrira les
conditions les plus avantageuses, et les garanties les plus sres pour la fourniture de cet article de
consommation naturellement collective. (22)
C.Le libre choix de leur tat par les populations.
La mise en concurrence des diverses institutions tatiques concerne naturellement le domaine
conomique. Mais MOLINARI ne craint pas d'en largir la porte et d'en prner l'application dansle domaine politique.
Lorsqu'il analyse l'tat, MOLINARI , nous l'avons vu, ne cesse de s'lever contre son omnipotence.
Il reprend l les critiques classiques depuis longtemps avances par la doctrine librale,
notamment l'arbitraire des impts ou l'intervention dans le domaine industriel. Mais sa critique
repose davantage sur un fondement quelque peu diffrent de celui des libraux classiques. Ces
derniers reprochaient principalement l'tat d'intervenir dans des domaines hors de sa
comptence. MOLINARI reproche l'tat non seulement de sortir de son domaine, mais surtout
de dnier aux membres du groupe social le droit de s'opposer ses interventions, en sanctionnant
par exemple tout "consommateur" qui voudrait se soustraire aux services imposs par l'tat. (23)
L'tat exerce ainsi une vritable " tutelle sociale" sur les membres de la communaut, sans que
ceux ci puissent s'y drober. Et MOLINARI d'approuver Jean-Baptiste SAY qui qualifiait l'Etat d'"
ulcre politique".(24)
Contre ce qu'il considre comme un attentat la libert des populations disposer d'elles mmes,
MOLINARI brandit l'arme "libertaire": toute soumission l'tat n'est lgitime que si elle est
librement consentie. Il convient en consquence de laisser aux populations le libre choix de leur
tat.
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Une telle proposition ne peut manquer de choquer, tant elle va l'encontre de certitudes
constitutionnelles sculaires. MOLINARI tente de la justifier en faisant appel au concept
conomique de libre concurrence.
Dans l'Ancien Rgime, l'tat possdait le droit de disposer des populations, les rattachant son
gure se soucier du consentement des intresss. La Rvolution Franaise modifia peu le principe,
puisque, si le consentement des populations est exig pour leur rattachement, il ne l'est pas si elles
souhaitent rompre leurs liens avec l'tat. C'est pourquoi l'tat peut imposer ses directives au nomd'une Nation " indivisible"..(25).
Il faut rompre avec cette manire d'envisager l'tat comme unique et omnipotent. Il convient de le
placer en situation de concurrence. Toute population doit pouvoir disposer de ce que MOLINARI
qualifie de droit de scession, fondement de toute concurrence entre tats : " Le droit de
Scission (Sic), qui se fraye aujourd'hui un chemin travers le monde, aura pour consquence
ncessaire la libert de gouvernement. Le jour o ce droit sera reconnu et appliqu dans toute son
tendue naturelle, la concurrence politique servira de complment la concurrence agricole,
industrielle et commerciale. " (26)
La loi, l'origine conomique, de la concurrence s'tend au politique en autorisant aux populations
le libre choix de leur citoyennet .Elle gnre ainsi une dmocratie politique sans frein.
Ainsi, pour MOLINARI , l'tat se rvle t'il comme une institution superflue, sinon inutile, dans la
mesure o ses fonctions considres comme traditionnelles pourraient tre exerces plus
avantageusement pour la communaut par des institutions prives dpendant du verdict des
consommateurs de services que sont les citoyens. La rvision du rle de l'Etat, tel est donc le
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pralable indispensable toute rflexion sur ladmocratie politique. Il en est de mme pour la
dmocratie conomique .
II. Le refus d'un tat, obstacle la dmocratie conomique.
Selon MOLINARI , on ne peut parler de vritable dmocratie politique s'il n'existe pas une
dmocratie conomique ou industrielle. Nous entendons par cette expression la libert
d'entreprendre et de crer, libert laquelle l'tat ne doit pas s'opposer. Il convient donc, et ce
sera le sens du combat de MOLINARI , que l'tat renonce contrler les crations d'entreprises etassure la transparence du march du travail. En d'autres termes, l'tat doit cesser de constituer un
obstacle la dmocratie industrielle (A). Par ailleurs, l'tat doit abandonner l'une de ses fonctions
rgaliennes sculaires, l'mission de monnaie(B)
A. L'Etat, obstacle la dmocratie industrielle.
1. L'Association, forme de dmocratie industrielle, favorise la vie dmocratique
MOLINARI se range l sous la bannire des libraux et participe pleinement leur combat contre
l'interventionnisme conomique de l'tat. Mais son angle d'attaque sera celui de la dmocratie, au
sens large du terme, celle qui permet chacun de participer la vie politique comme la vie
conomique de la Nation. Ainsi, dans le Journal des Economistes, il rdigera un vibrant plaidoyer
en faveur de la libert des associations, dont il analysera la constitution en usant des termes de la
dmocratie politique, tablissant ainsi un parallle entre les deux concepts.(27)
Dans un long historique sur l'Association, MOLINARI regrettera la mfiance que suscitait sous
l'Ancien Rgime, tant auprs de l'tat que dans la population cette institution conomique. Les
instances politiques y craignaient un tat dans l'tat, d'o des formes trs strictes de contrles
pour leur constitution et leur direction, comme le dmontrent les ordonnances de Colbert. Par
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ailleurs, l'opinion publique assimilait toute structure associative au monopole corporatif,
l'affermage des impts ou une industrie protge par des privilges. Ainsi, sous l'Ancien Rgime,
toute forme associative tait elle dconsidre.
Les rvolutionnaires ragirent donc logiquement lorsqu'ils supprimrent les corporations et firent
table rase des privilges pour laisser la place l'individualisme le plus parfait., par l'entremise du
dcret d'Allarde et de la loi Le Chapelier. Par ailleurs, l'association conomique demeura toujours
suspecte, dans la mesure o l'obtention de la libert politique primait la libert d'association
industrielle, cette dernire demeurant sans cesse contrle par l'tat.
Les consquences de cette mise l'cart, de cette mfiance de toute association industrielle
aboutirent un paradoxe. En effet, alors que les techniques de production n'ont cess de
progresser pas de gant, les structures de production sont demeures inchanges, contrles
qu'elles sont, ds leur cration, par l'tat. Il en rsulte une inadaptation par rapport aux exigences
industrielles, inadaptation qui contraint l'tat devenir lui mme industriel, par exemple en
intervenant dans l'industrie des chemins de fer.
L'Angleterre cessa la premire ce contrle et instaura un vritable libralisme qui impliquait la libre
cration d'entreprises. La crainte d'une concurrence devant la prolifration d'entreprises prives
comptitives contraignit la France suivre le mouvement. Le trait de libre change en 1860 avec
l'Angleterre, les lois de 1863 puis de 1867 largissant puis accordant totalement la libert de
cration des socits anonymes, balisrent cette marche de la France vers le libralisme. Mais la
mentalit franaise demeure mfiante l'gard des structures conomiques librales. Ce sont ces
doutes que MOLINARI veut lever.
Il voit dans la forme associative, et plus particulirement dans la socit anonyme, l'expression la
plus parfaite de la dmocratie conomique. En effet, non seulement toute sujtion tatique a
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disparu, mais encore il n'existe plus aucun frein la libert de cration de chacun. Et MOLINARI
d'illustrer par des exemples prcis l'axiome qu'il vient de poser: la libert d'association permet
chacun d'panouir et de raliser son potentiel cratif.
Ainsi, un inventeur est-il rarement la fois crateur et gestionnaire. De plus, il ne dispose
gnralement pas de l'argent ncessaire pour exploiter son invention.D'o l'intrt de la socit
anonyme qui lui permet d'accder au march des capitaux.(28)
De mme, la constitution du capital d'une entreprise s'adresse t'elle au public le plus large, puisqu'ilpeut y tre souscrit par tranche de 500 francs. Une telle dmarche s'inspire naturellement des
principes de la dmocratie, puisqu'elle permet aux petites gens de participer la vie conomique
et tend carter la primaut des gros capitaux.(29)
Enfin, l'organisation et la direction de la socit anonyme relvent de la mme ferveur
dmocratique. L'entreprise appartient certes aux actionnaires, qui peuvent la gouverner leur
guise. Mais, tout comme dans la vie politique, le gouvernement direct se rvle peu pratique.On lui
prfre le gouvernement par dlgation, le Conseil d'Administration et une Direction, qui grent,
sous le contrle de mandataires.
Et MOLINARI d'insister sur les avantages de cette forme d'institution conomique. Il continue de
l'analyser dans l'optique de la dmocratie, puisqu'il va comparer les organes de direction d'une
entreprise aux institutions politiques dmocratiques, ces dernires tenait lieu de rfrence.(30)
Tout d'abord, dans une telle association conomique, il existe une sparation des fonctions, des
pouvoirs mme, entre les actionnaires, qui reprsentent le capital, et la Direction, qui reprsente
l'intelligence pratique, celle qui met en oeuvre le capital.Les entreprises, ces acteurs conomiques
dont l'importance va grandissant, deviennent ainsi accessibles ceux qui possdent l'argent, mais
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sont dmunis de l'intelligence des affaires, mais galement ceux qui possdent l'intelligence, mais
sont dpourvus des capitaux. Le capital intellectuel, uni au capital matriel sont donc l'origine de
l'mergence de la dmocratie industrielle.
Quant aux actionnaires, qui possdent certes la souverainet, mais sont ignorants du monde des
affaires, ils dlguent leurs droits ceux qui en sont familiers, les praticiens. Ils ne conservent que
les droits de modifier la constitution de l'entreprise, de choisir et de contrler la direction. On
croirait une parodie de Montesquieu: les actionnaires n'entendent rien aux affaires, mais
possdent le bon sens pour dsigner leurs dirigeants...Telle est donc l'Entreprise, fonde sur lelibre choix de la direction par les actionnaires et sur la libert d'agir des gouvernants(31). Telle
devrait tre...
Car la ralit industrielle n'obit pas cet idal de dmocratie industrielle. Et MOLINARI de
comparer une ralit industrielle pervertissant les principes fondateurs dmocratiques, une ralit
politique qui ne reflte gure l'idal dmocratique. La libert lectorale des actionnaires se trouve,
par exemple, limite, puisqu'il est exig un minimum ou un maximum d'actions pour qu'elle puisse
s'exercer. MOLINARI qualifie cette limitation du droit des actionnaires de cens lectoral au sein de
l'Entreprise.De mme, l'accs la direction de l'Entreprise suppose de la part des postulants la
possession d'un minimum d'actions, ce que MOLINARI qualifie de cens d'ligibilit. Il conclut,
amer, qu'une partie du capital demeure entre les mains des gouvernants, tandis que le cens
lectoral rduit le nombre des actionnaires influents. Ne peut il en rsulter un mauvais
gouvernement de l'Entreprise, gouvernement qui peut se perptuer par ce qu'il faut bien appeler
une corruption lectorale. ?(32)
Le remde rside dans ce droit considrable que possdent les actionnaires de se faire aider par
des mandataires possdant des connaissances industrielles dont eux mmes sont dpourvus. Ces
mandataires contrlent la gestion de l'Entreprise, mais ne peuvent y parvenir que s'il existe une
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transparence des comptes et des rsultats. De l la ncessit d'une publicit des rsultats de toute
Entreprise, publicit indispensable l'essor de toute dmocratie industrielle. (33)
Cependant, malgr ces rserves, MOLINARI demeure confiant dans l'avenir des structures
associatives. Il rfute ainsi l'objection souvent avance que la concentration des capitaux entre les
mains d'entreprises puissantes accrotrait la distance entre le capital et le travail. Prenant l'exemple
de l'Angleterre, plus avance que nous en ce domaine, il soutient que cette forme d'entreprise, la
socit anonyme, dcentralise la proprit industrielle, la rendant accessible la multitude . Au
contraire, la restriction la cration d'entreprises renforce la concentration des capitaux. (34) A laconception politique des rvolutionnaires souhaitant une nation de petit propritaires, MOLINARI
substitue le souhait d'une Nation de petits actionnaires, participant la vie industrielle par leur
actions sur les marchs conomiques.
2. La dmocratisation du march du travail.
La mme logique de libralisation s'applique au march du travail.Contrairement certains
libraux partisans d'une libert individuelle totale, MOLINARI protestera vigoureusement contre les
interdictions des coalitions d'ouvriers. Il y voit un obstacle une vritable libert du travail, dans la
mesure o les rapports de forces avec les employeurs penchent en faveur de ces derniers et
empchent une libre discussion des conditions de travail. L'interdiction des coalitions s'oppose
l'instauration d'une vritable dmocratie conomique et interdit l'ouvrier d'agir efficacement sur le
march du travail.
De nouveau, MOLINARI procde l'analyse conomique d'une institution juridique, le contrat de
travail, et s'loigne, aussi bien des socialistes qui souhaitaient un contrle de l'tat en ce domaine
que des libraux qui en repoussaient l'intervention.
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MOLINARI s'interroge ainsi sur le rapport qui existe entre un ouvrier et son travail. Qu'est ce qu'un
ouvrier sinon un individu qui se trouve en tat d'offrir une prestation qui possde une certaine
valeur, un bien conomique, " un marchand de travail" ? (35) Dpassant l'analyse marxiste qui s'en
tenait aux rapports qui existent entre l'employeur et l'employ, et l'exploitation de la valeur
travail, MOLINARI transpose le problme de la prestation offerte sur le plan plus large du march.
L'ouvrier reste le premier intress connatre les dbouchs potentiels du travail qu'il offre, sa
valeur sur le march conomique. Il lui est indispensable de connatre ces donnes, sous peine de
rester dpendant d'un employeur qui hsitera certainement les lui communiquer. Il convient donc
qu'existe une vritable transparence de l'offre et de la demande de travail, une vritable publicitqui permette un jeu de la loi de l'offre et de la demande.(36) Or, une institution conomique
remplit ces conditions. Ce sont les Bourses du Travail, qui constituent un vritable thermomtre de
la valeur des prestations offertes et demandes. Et MOLINARI insistera sur la ncessit de
dvelopper ces institutions.(37)
B. L'mission de monnaie;
MOLINARI va s'insurger contre cette fonction rgalienne par excellence. L'mission de monnaie
s'accompagnait, sous l'Ancien Rgime, de la manipulation et de la falsification de l'talon
montaire, l'or, ce qui interdisait l'tablissement d'un systme montaire conomique et sr.Par
ailleurs, encore actuellement, ce monopole d'mission engendre des frais, assums par le
contribuable, tout en crant une monnaie incertaine, fonde sur les variations de l'or, unique talon.
Imaginons au contraire la suppression du monopole tatique d'mission de la monnaie. Imaginons
que des entreprises prives ou des banques crent elles mmes des monnaies de papier, de mtal.
Tout d'abord, et ce n'est pas ngligeable, la concurrence limitera les frais de fabrication. Mais
allons plus loin. Refusons le monopole de l'or comme rfrence montaire: " Ilfaut substutuer cet
talon simple un talon compos d'un ensemble de produits. " (38) Quelles seraient les
consquences d'une telle substitution ? Toutes les monnaies, mme celles des pays voisins seraient
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mises dans tous les pays; le public choisirait ou refuserait telle ou telle monnaie selon qu'elle
reposerait et serait ou non garantie par des valeurs suffisantes. Inluctablement, devant cette
diversit, un temps gnante, les Banques de circulation seraient amenes fixer leur monnaie sur
l'talon le plus gnralement apprci, talon qui pourrait tre une monnaie trangre de rfrence.
Nous entrerions ds lors dans une vritable dmocratie montaire, puisque les monnaies " lues "
dpendraient du choix des "consommateurs ", choix guid par des critres de concurrence et de
scurit conomique.(39)
La fonction montaire actuelle de l'tat semble donc superflue, tout comme semble dpasse,toujours selon le critre de la dmocratie conomique, sa volont de s'immiscer dans la vie
industrielle et ainsi de diriger l'activit conomique au dtriment de ses fonctions propres.
Que conclure devant un auteur dont on ne peut nier l'originalit?
L'erreur consisterait, notre sens, voir dans l'antitatisme virulent de MOLINARI un anarchisme
o seule primerait. la libert individuelle .La recherche de l'harmonie sociale conserve toute sa
valeur et l' importance accorde l'ducation des citoyens suffit le montrer.
Il semble que l'on assiste de la part de MOLINARI un vibrant plaidoyer pour la dmocratie.
Simplement, la manire dont il envisage ce concept sort des voies traditionnelles et en
consquence, choque parfois. Il surprend, dans la mesure o il associe dmocratie politique et
dmocratie conomique, une vritable socit dmocratique reposant sur les deux concepts. A la
libert politique du citoyen correspond la libert conomique du consommateur, l'un et l'autre
devant pouvoir agir efficacement sur le march politique comme sur le march
conomique.Certes, il peut paratre choquant, nous l'avons relev, de considrer uniquement sous
l'angle conomique toutes les activits ou besoins individuels, surtout lorsqu'il est question de
religion. Mais l'important rside moins dans ces exagrations que dans la volont de faire cesser
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une contradiction fondamentale entre la proclamation des liberts et leurs restrictions par une
institution qui outrepasse, selon MOLINARI, ses fonctions, . MOLINARI semble percevoir que la
socit devient trop complexe pour tre rgie d'une manire monolithique .
Il lui prfre lemarch,rencontre des souverainets individuelles do jaillit,par voie de
consquence,lintrt gnral.La rencontre des volonts individuelles scrte, comme lemontrera
Hayek, un ordre spontan,que linstitution tatique est incapable de susciter.La souverainet
individuelle devient ainsi le fondement dune socit dans laquelle lindividu se substitue lEtat,
dont laction est juge moins efficace.Lindividu devient ainsi meilleur juge delintrt gnral (39).
Mais il nen demeure pas moins que sa vision de la socit provoque de nombreuses questions,
questions dautant plus intressantes que certaines des propositions de Molinari concernent nos
problmes actuels (40). Tout dabord, nexiste til pas une forte contradiction entre le
cosmopolitisme auqel il aspire et lEtat Nation, partie intgrante de notre culture politique ?Par
ailleurs, dans loptique de Molinari, qui incarnerait lintrt gnral ?Faudrait il, au risque de verser
dans un matrialisme outrancier, identifier lintrt gnral au bien-tre conomique? Certes,
lducation dmocratique,sur laquelleMolinari insiste tellement, contribuerait prserver dun tel
risque. Mais on mesure la fragilit dune telle barrire devant la menace permanente du rgne de la
loi du plus fort.Cette socit que souhaite Molinari,dans laquelle les pouvoirs de lEtat se
rduiraient, telle une peau de chagrin, ne tracerait elle pas pour beaucoup la route de la servitude
?
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NOTES
(1). Cf.LEconomie politique en France au 19me sicle, sous la direction de Y. BRETON et
M. LUFTALLA, p.3 note 1. et P.LEMIEUX, lanarcho-capitalisme P.U.F., p.5.
(2) Les soires de la rue Saint -.Lazare. Entretiens sur les lois conomiques et dfense de la
proprit (Paris Guillaumin 1849 )
De la production de scurit,Journal des Economistes 1849 (JE 1849)
Esquisse de lorganisation politique et conomique de la socit future (Paris 1899)
Comment se rsoudra la question sociale
Cours dEconomiePolitique,2med. Paris Guillaumin,t.1.Questions dEconomie Politique et deDroit Public Paris Guillaumin 1861.
Les Bourses du Travail.Paris 1893
3. Commentse rsoudra...op.cit. p.329
4. Esquisse de lorganisation...op.cit.p.58
5. Parce que le Code de tous les Etats civiliss oblige les parents nourrir leurs enfants,sensuit-
il que lEtat doive se faire boulanger ?Comment se rsoudra ...op.cit. p.331
6. ibid. p.335
7. ibid. p.335
8.ibid. p.336
9. ibid.p. 330 et suiv.
10. ibid.p.331 : Linstruction est un besoin,tout besoin suscite lademande du produitou du
service proprelesatisfaire,et la demande dtermine loffre de ce produit ou de ce service,aussitt
quelle devient assez intense pour en rembourser les frais.
11. ibid.p.331.
12. ibid.p.336.
13. ibid.p.335.
14. Cours dEconomie Politique,op.cit.t.2, p.473 et suiv.
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15. Comment se rsoudra..op.cit. pp. 478-479: Lobservation et lexprience dmontrent quil
nest pas vrai, commelaffirment les individualistes, que tous les hommes soient capablesde se
gouverner; quil nest pas vrai, non plus, comme laffirment les socialistes,que tous les hommes
soient incapables de se gouverner. D o la conclusion quil faut les laisser pleinement libres, soit
de pratiquer leself gouvernment,soit de ne point le pratiquer.
16. ibid. p.477: Si cette multitude incapabledu self-government tait libre dese placer sous la
tutelle qui lui est encore ncessaire, il y aapparence quelle ny manquerait point; quelle
changerait delle mme sa condition misrable et prcaire contre une tutelle qui se rsoudrait
pour elle en une assurance libre contre le pauprisme.17. Comment se rsoudra...op. cit. p.478
18. ibid. p.338
19. JE,1849,p.277: Bien que cet article puisse paratre empreint dutopie dans ses conclusions,
nous croyons, nanmoins,devoir le publier...Tant de gens exagrent la nature et les attributions du
gouvernement, quilest devenu utilede formuler strictement la circonscription hors de laquelle
lintervention de lautorit cesse dtre tutlaire pour devenir anarchique et tyrannique.
20. JE 1849,p.279: Sil est une vrit bien tablie en conomie politique, cest celle-ci: Quen
toutes choses,pour toutes les denres servant pourvoir ses besoins matriels ou
immatriels, le consommateur est intress ce que le travail et lchange demeurent
libres, car la libert du travail et de lchange ont pour rsultat ncessaire et permanent un
maximum dabaissement dans le prix.
et celle-ci: Que lintrt du consommateur dune denre quelconque doit toujours
prvaloir sur lintrt du producteur.
Or, en suivant ces principes, on aboutit cette conclusion rigoureuse: Que la production de la
scurit doit, dans lintrt des consommateurs de cette denre immatrielle, demeurer
soumise laoi de la libre concurrence.
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Do ilrsulte: Quaucun gouvernement ne devrait avoir ledroit dempcher un autre
gouvernement de stablir concuremment avec lui, ou dobliger les consommateurs de
scurit de sadresser exclusivement lui pour cette denre.
21. Cours dEconomie Politique,op. cit., p.483: Produire de la scurit, telle est, en rsum,
lafonction essentielle des gouvernements.
22.op.cit. p.83
23. Comment se rsoudra... op. cit. p.402. Molinari dcrit ainsi les gouvernements: Arms du
pouvoir irrsistible que leur confre une souverainet sans limite, ..., protgs contre une
concurrence sous sa forme nouvelle par la persistance dun rgime de sujtion , qui punitcomme un acte de haute trahison toute tentative de sparation des consommateurs de leurs
services,investis ainsi dun monopole qui met leur merci, en dpit de toutes les garanties
constitutionnelles ou autres, les liberts ncessaires de lIndividu, libert du Travail, de lEchange,
de lAssociation..., et qui subordonne le droit de proprit de chacun deleur sujet leur droit
souverain de taxer, de rglementer, et de s approprier mme telle branche dindustrie quils
jugent particulirement propres augmenter leurs ressources et combler leurs dficit...
24. Cours dEconomie Politique,op.cit., p.530.
25. Esquisse de lorganisation...op.cit.,p.62.
26. Cours dEconomie Politique,op.cit. p.532.
27. JE,1867.
28. ibid. p. 163
29. ibid. p.166 et suiv. Cf plus particulirement pp. 173-174: ... Sous le rgime de la production
individualise, le capital industriel et commercial ntant gure recueilli que dans les rgions
suprieures et moyenes de la socit, les bnfices de la production sont le monopole de
laristocratie et de la bourgeoisie; sous lergime dela production par voie dassociation, les
capitaux den treprise tant demands en coupures accessibles aux petites bourses et toujours
ralisables en cas de ncessit, lesclasses infrieures, leur tour, peuvent contribuer la
constitution du capital industriel et commercial, et participer ses bnfces. Lemonopole des gros
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capitaux disparat;le champ fcond de la production est ouvert lpargne de louvrier comme
celle de lentrepreneur dindustrie et du riche propritaire.
30.ibid. p.174 et suiv.
31. ibid.p.176: En rsum, ce quon pourrait appeler lorganisation naturelle ou utile des
entreprises par voie dassociation a pour base la libert de choisir chez les actionnaires, et la
libert dagirchez le personnel gouvernant.
32. ibid. p.176 et suiv.
33. ibid.p.178.
34. JE,1868,p.21: Si lassociation avait, ds le dbut de la grande industrie, appel les pluspetits capitaux commeles plus grands participer loeuvre et aux profits de la production
agrandie; si elle avait rpandu, comme elle le fait aujourdhui en Angleterre par millions et dizaines
de millions les parts de la proprit industrielle, de manire les faire descendre jusque dans les
couches les plus basses de la scit, comment lide dun antagonisme entre la classe capitaliste et
la classe ouvrire aurait-elle pu surgir ? Cest labsence ou linsuffisance de lassociation, entrave
dans son essor par une lgislation protectrice de lindividualisme, qui a suscit cet antagonisme,
cest lassociation devenue libre, et stendant peu peu dans sa sphre naturelle, qui le fera
disparatre.
35. Questions dconomie politique et de Droit Public,op. cit. p.183: Louvrier est un marchand
de travail...Il est intress connatre les dbouchs qui existent pour sa denre et de savoir quelle
est la situation des diffrents marchs du travail.
36. Les Bourses du Travail,op.cit. p.133: Si les prix du travail dans les diffrentes contres du
globe taient partout parfaitement connus des ouvriers, les salaires seraient donc rgulariss, en ce
sens que la mmequantit de travail finirait par se payer partout peu prs au mme taux.
37. ibid. p.137: De tous points donc, la publicit du travail serait avantageuse aux travailleurs. Il
ne nous reste plus qu chercher le moyen de ltablir.Ce moyen serait fort simple. Cest la
pressequi publie le bulletin de la Bourse et les annonces industrielles: ce serait la presse qui
publierait le bulletin du Travail. Nous proposons,en consquance, tous les corrps dtat de la
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ville deParis, de publier gratuitement chaque semaine le bulletin des engagements douvriers avec
lindication du taux des salaires de ltat de loffre et de lademande.... Nous inviterons nos
confrres des dpartements publier le bulletin de Travaildeleurs localits respectives...Chaque
semaine, tous les travailleurs de France pourront avoir de la sorte sous les yeux le tableau de la
situation du travail dans lesdiffrentes parties du pays.
38. Comment se rsoudra...op.cit. p. 321
39. ibid. p. 325: A mesure que les relations internationales se multiplieront, et que la diversit
des monnaies deviendra plus gnante et plus onreuse, les Banques de circulation seront amenes
fixer leurs monnaies sur ltalon le plus gnralement demand.40. Esquisse de lorganisation...op.cit.p.95: La souverainet individuelle, voil donc quelle est,
en dernire analyse, la base des institutions politiques de la socit future. La souverainet
nappartient plus une socit propritaire dun territoire et dune population esclave ou sujette,
ou une sorte dentit idale, hritire de ltablissement politique de sa devancire et investie,
comme elle, dun droit illimit sur la vie, la libert et la proprit individuelle. Elle appartient
lindividu lui-mme. Il nest plus un sujet,il est son matre, son propre souverain, et il est libre de
travailler, dchanger les produits de son travail...
((41) Cf. notamment Murray N. ROTHBARD, An Austrian perspectiveon the historic
ofeconomic Thouhght, Volume II, d.Edward Elgar, 1995, qui consacre dimportants
dveloppements notre auteur. Dans le mme ordre dides, on pourra se reporter la chronique
du Professeur Mouly Scurit Sociale et concurrence: une rforme constitutionnellement
possible (Recueil Dalloz Sirey 1996, Chronique pp24 28)