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8/13/2019 Mugler Archimède répliquant à Aristote http://slidepdf.com/reader/full/mugler-archimede-repliquant-a-aristote 1/24 Charles Mugler  Archimède répliquant à Aristote In: Revue des Études Grecques, tome 64, fascicule 299-301, Janvier-juin 1951. pp. 59-81. Citer ce document / Cite this document : Mugler Charles. Archimède répliquant à Aristote. In: Revue des Études Grecques, tome 64, fascicule 299-301, Janvier-juin 1951. pp. 59-81. doi : 10.3406/reg.1951.3216 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1951_num_64_299_3216

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Charles Mugler

 Archimède répliquant à AristoteIn: Revue des Études Grecques, tome 64, fascicule 299-301, Janvier-juin 1951. pp. 59-81.

Citer ce document / Cite this document :

Mugler Charles. Archimède répliquant à Aristote. In: Revue des Études Grecques, tome 64, fascicule 299-301, Janvier-juin

1951. pp. 59-81.

doi : 10.3406/reg.1951.3216

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ARGHIMEDE RÉPLIQUANT A ARISTOTE

Un des traits caractéristiques des arts'et des lettres chez les

Grecs est la permanence des thèmes, la reprise, par des sculpteurs, des peintres et des auteurs, de sujets ayant déjà ététraités par des hommes de la même génération ou d'une géné

ration antérieure. On a expliqué cette particularité de l'espritgrec, surtout dans la tragédie où elle est frappante, par lasagesse d'une civilisation cherchant la gloire moins dans l invention de thèmes nouveaux, qui ne formeraient que le cadrede l'inspiration, que dans la qualité de cette inspiration etdans l'intensité de la vie nouvelle dont le génie de l'artistedevait savoir ranimer des formes déjà anciennes, et l'on a comparé sous ce rapport les Grecs aux Français de l'époqueclassique.

Mais la permanence des sujets caractérise chez les Grecs nonseulement les arts et la littérature ; nous la rencontrons mêmedans un domaine de l'activité intellectuelle qui, vu de la pers

pective des civilisations modernes, semble prêter très peu,par sa nature, à la répétition des thèmes, dans la sciencegrecque. On ne saurait diet, certes, comme une particularitéexclusive des sciences grecques, la vie tenace de thèmes scientifiques tels que les tentatives de quadrature ou de mesure dupérimètre du cercle auxquelles se rattachent successivement,

pendant plusieurs siècles, les noms d'Antiphon le sophiste, deBryson, d'flippias d'Élis, d'Archimède, d'Apollonius, de Pergeet d'autres géomètres. L'intérêt prolongé pour l'évaluationd'une figure qui est le carrefour de tant de développements de

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^0 CH. MUGLER

géométrie élémentaire et de mathématiques approfondies résidedans la nature du problème, et nous voyons qu'on continue à

lui chercher des solutions dans les temps modernes jusqu'aumoment où, au seuil de l'époque contemporaine de l'histoire desmathématiques, en 1882, Lindemann arrive à démontrer, avecla transcendance du nombre π, l'impossibilité du problèmemillénaire. L'acharnement, au contraire, avec lequel des générations de géomètres grecs se sont efforcés pour trouver une

solution aux problèmes de la trisection de l'angle et de la duplication du cube, qui sont^ au point de vue des mathématiquesmodernes, des nœuds quelconques parmi l'infinité de nœuds du

réseau des relations géométriques, n'a pas d'analogue dansles temps nouveaux. Aussi les raisons invoquées pour expliquer la permanence des thèmes en lettres ne suffisent-elles

plus ici. Ces noyaux de la pensée géométrique des Grecs nedoivent qu'en partie leur existence à l'ambition des chercheursd'exercer leur sagacité sur des questrons déjà citées parautrui, dans l'espoir de dépasser, par la qualité de l inven

tiont l'élégance de la forme, les solutions antérieures. Ilssont l'expression d'une tendance économique de la pensée

scientifique en partie innée aux Grecs, en partie conditionnéepar la rareté des livres et l'importance de l'enseignement oral,favorable à la formation de problèmes types. Dans les sciencesphysiques des Grecs il faut ajouter à ces raisons la rareté des

instruments qu'une technique (1) peu évoluée avait permis deréaliser, pour comprendre la ténacité avec laquelle les mêmes

dispositifs, en très petit nombre, reviennent dans les expériences et les explications des théoriciens de la nature les pluséloignés les uns des autres par l'âge et par la doctrine. Car

nous voyons que la même clepsydre, par laquelle déjà l'ancienAnaximène, d'après le témoignage d'Aristôte (2), avait cherché-à rendre intelligible le flottement de la terre sur un océan

(1) Gp. H. Dirls, Antike ΓβοΛηίΑ», Leipzig, 1924;(2) De Coelo 294 b 20.

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ARCH1MÈDE RÉPLIQUANT A ARISTOTE 6t

d'air, sert encore d'exemple à Empédocle (1) pour expliquer le-

phénomène de la respiration et qu'Anaxagore (2) a recours aumême instrument pour démontrer l'existence de l'air atmosphérique et la consistance de cette substance. D'une manière

semblable l'expérience de l'outre gonflée, après avoir servi demétaphore à Épicharme (3), revient dans les idées d'Anaxa-gore (4) et d'autres penseurs (5), et il en est de même d'uncertain nombre de représentations, empruntées à la vie quo*tidienne et aux techniques de l'époque, par lesquelles les physiciens grecs cherchaient à rendre compte de l'action des forces

de la nature.La répétition d'un ^pareil thème dans la littérature scienti

fique es Grecs prend une importance particulière, lorsquel'auteur qui le reprend a recours à ce procédé dans une intention olémique et entend rectifier une erreur de jugement oud'interprétation, commise à une époque antérieure, à l occasion es mêmes exemples et des mêmes représentations qui

avaient servi au prédécesseur fautif.Or l'œuvre d'Aristote, d'une part (6), et les récits d'une expé

rience d'Archimède, d'autre part, légués à la postérité parPlutarque (7) et par Proclus le Diadoque (8), font appel, dansles deux cas à propos de la recherche d'une des lois fondamentalesu mouvement d'un corps matériel sous l'action d'une

force, à une représentation physique si identique, qu'il fautvoir dans l'expérience d'Archimède une démonstration adhominem, inventée à la fin expresse de réfuter l'erreur duStagirite. Quelques remarques préalables sur la place de la-polémique en général dans l'œuvre et la pensée d'Archimède

(f) Fragment 100, vers 9.(2) Aristt. Phys. 213 a 27 ; Probl. 914 b 9.(3) Diels, Vorsokr. 13 Β iO.(4) Aristt. Phys. 213 a 26.(5) Chez Zenon, d'après Philon le Juif, Quod omnis probus liber sit. 11 faut

admettre avec Diels, Vorsokr. 19 Â 18, qu'il s'agit du Stoïcien et non de l'Éléate-.(6) Phys. VII, 230 a 17-19.(7) Marcellus 14.(8) Proclus, In Eucï. Ed. Friedlein, Leipzig 1873, p. 63.

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•62 CH. ML'GLEK

sont cependant indispensables pour pouvoir juger de la portée

•critique de l'expérience particulière décrite par Plutarque etProclus.On a observé (1) qu'en général Jes penseurs grecs ne men

tionnent expressément les savants du passé que s'ils né sont

.pas d'accord avec eux, et qu'ils passent sous silence les travaux des penseurs antérieurs à eux dont ils acceptent lesrésultats. Archimède cependant semble faire une exception à

celte règle. Il cite fréquemment les noms de géomètres qu'ilconsidère comme ses prédécesseurs dans la recherche mathé

matique, en rappelant, par exemple, les mérites d'Eudoxe deCnide pour l'étude des volumes (2) de la pyramide et du cône,en citant (3) les « Éléments des coniques » d'Euclide, en examinant (4), et c'est là sa citation la plus importante pour l his

toire des sciences, les valeurs proposées pour les dimensionsde l'univers par trois astronomes du passé, par Eudoxe, par«on père Phidias (5) et, enfin, par Aristarque de Samos qu'ilnous présente à cette occasion comme un des précurseurs deCopernic et de l'hypothèse héliocentrique. Il ne nomme, en

revanche, jamais l'auteur d'une théorie du passé à laquelle il«st obligé de substituer- ses vues nouvelles II s'agit là, certes,d'une générosité relevant de la personnalité du grand savant,

bien en accord avec certains traits de sa biographie. Mais cette.générosité lui était facilitée par le caractère particulier de lascience à laquelle il consacrait sa vie, par le privilège de lacertitude apodictique de ses résultats, qui imposait la véritémathématique sans discussion.

(1) Gp. entre autres H.Diels

dansla

préfaceà la

4« éditiondes

Vorsokr.,pp. vu sq.  

(2) Dans la lettre à Dosithéos qui précède le traité de la Sphère et du Cylindreet dans l'Introduction du traité de la Méthode.

(3) Dans le traité des Conoïdes et des Sphéroïdes.(4) Dans VArénaire.(5) La famille d'Archimède est un exemple typique, comme au xvn* et au

xviii* siècle celle des Bernouilli à Bâle, d'hérédité du génie mathématique. Lepère d'Archimède se serait surtout occupé, d'après son fils, Arénaire 9, Ed. Hei-berg II, p. 250, des diamètres du soleil et de la lune et des distances de cesastres à la te we.

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AKCHIMÈDB RÉPLIQUANT A ARISTOTB 63

Souvent, pourtant, les conceptions d'Archimède, surtout

dans le domaine de la mécanique qui devient sous sa main une'science exacte, sont radicalement opposées à ce que des chercheurs des époques antérieures avaient enseigné sur le mêmesujet. Or Aristote étant, parmi les penseurs avant Archimède,celui qui s'était occupé de la façon la plus méthodique deslois du mouvement en général et de certains problèmes de

mécanique en particulier, c'est avec les textes du Stagirite quele grand Syracusain se trouve le plus souvent en contradiction.e commentateur Eutocius attire notre attention sur

quelques unes de ces vérités anti-aristotéliciennes de la nouvelle mécanique d'Archimède. Ainsi le commentaire au pre

mier livre du traité De l'équilibre des figures planes commencepar faire ressortir les différences entre la théorie archimé-déenne du poids des corps graves et celle d*Aristote etdePto-lémée d'Alexandrie qui s'inspire d'Aristote. Mais le plus sou

vent cette source nous abandonne à son tour, et seule l histoire critique des idées scientifiques nous révèle la pointe anti-

péripatéticienne dans tel théorème ou principe du géomètre.

Le célèbre postulat, par lequel Archimède s'assure une baselogique solide pour ses recherches sur les volumes de la sphère

et du cylindre est, ainsi, conçu en des termes tels que, sansque le nom d'Aristote soit prononcé, on y aperçoit une intention à l'égard du Stagirite et de son école. Eudoxe de Cnideavait, en effet, déjà pris la précaution axiomatique énoncéeplus tard par Archimède, lorsque, du vivant encore d'Aristote,il créa la méthode géométrique appelée méthode d'exhaustion.Il semble donc qu'Archimède aurait pu se contenter de se

référer, comme nous l'avons vu faire dans les cas où il utilise,les travaux de ses prédécesseurs, à Eudoxe, ou de reproduireson postulat dans les termes dans lesquels il avait été formulé

par son premier inventeur. Mais entre temps, sans doute à la

suite de discussions remontant à l'époque (1) où Eudoxe et

(1) Je rappelle qu'Eudoxe vient à Athènes en 367 et qu'Aristote entre dansl'Académie pendant le séjour d'Eudoxe dans cette ville. Cp. P. Tannery, Histoirede Γ Astronomie grecque, p. 296; W. Jaegkr, Aristoteles, Berlin 1923, pp. 15 sq.

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64 CH. MUGLER

Aristote se sont rencontrés dans l'Académie, Aristote, qui

s'inspirera plus tard des hypothèses astronomiques du géomètre de Cnide, a attaqué Eudoxe sur le bien-fondé de son

postulat. Ce postulat, dont le texte nous a été conservé, del'avis des historiens de la géométrie (1), sous la forme delàdéfinition 4 du 5e livre des Éléments d'Eqclide, avait demandéqu'on réservât « la qualification de grandeurs ayant entre ellesun rapport à des grandeurs telles que, multipliées (se. unnombre suffisant de fois), elles puissent se dépasser mutuellement2) ». Bien que l infini n'eût pas été prononcé dans cette

réserve géométrique, elle impliquait cette propriété, caractéristique pour la géométrie euclidienne, qu'il fût possible dedépasser une grandeur géométrique, quelque grande qu'ellefût, par des additions successives à elle-même, d'une grandeur finie du même g'enre. Mais ce postulat était en contradiction flagrante avec les idées que se faisait Aristote sur l'infini.

Ces idées s'étaient déjà heurtées contre la conception de lagrandeur physique qu'Anaxagore avait développée à propos de

sa théorie delà matière (3). Mais là critique d'Ànaxagore, au

premier livre de la Physique d'Aristote, s'était bornée à desarguments d'ordre morphologique et avait manqué de précision. Au troisième livre de la Physiquex au contraire, Aris

tote traite la question de l'infini dans toute sa généralité, et ils'y adresse surtout aux géomètres qui prétentlaient l'infinité del'espace. Il leur dit qu'il est impossible de réaliser l'infiniactuel, qu'on ne saurait dépasser toutes limiles dans la grandeur (4) et que, même en puissance, des opérations répétées

(1) Cp. entre autres Th. Heath, A Bislot-y of Greek Mathematics, Oxford 1921^I, p. 384. L'auteur de ce livre a bien mis en lumière le rapport entre le postulatd'Archiinède et la théorie aristotélicienne de l'infini géométrique.

(2) Αόγον Ιχεινπρος άλληλα μεγέθη λίγετ*·., α δύ/αται πολλαπλασιαζόμενα αλλήλων, ύικρέχειν.

(3) Cp. le fragment i.(4) Οδ μεντοι υπερβάλει παντός ioisuivou jieyéôouç. 206 b 18. Pour qu'il n'y ait pas

de doute sur là pensée d'Aristote, Simplicius, dans son commentaire à cetendroit, précise qu'il y a, en effet, entre la subdivision indéfinie et l'additionindéfinie cette différence fondamentale que la première permet d'assigner unegrandeur plus petite à toute grandeur, quelque petite qu'elletsoit, alors qu'il est

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ARCHIMÈDE RÉPLIQUANT A ARISTOTE 65

d'addition ne sauraient aboutir à dépasser toute grandeuj* (1). Il

est vrai que ces considérations ne valent, dans la pensée d'Aris-tote, que pour les grandeurs physiques et ne s'appliquent pas audomaine des nombres. Mais Aristote considère les formes de lagéométrie, le plan, la ligne droite, comme relevant de la naturephysique, contrairement à Platon, et dès lors ses interdictionsconcernent les mathématiciens, auxquels il conseille d'ailleurs,en se servant d'une formule très moderne (2), d'éviter la difficulté en substituant à l'usage de droites illimitées celui de

droites aussi grandes qu'ils voudront. Or, cette limitation du

pouvoir des opérations additionnelles, qui était d'ailleurs d ictée à Aristote par la logique d'un système comportant un uni

vers fini, en dehors duquel il n'y eût même pas d'espacevide (3), ruinait les fondements de la géométrie euclidienne,qui comportait l'infinitude de certains éléments (4). Il fallait

donc en présence de la notoriété dont jouissait Aristote dès

l'époque d'Archimède, remettre les choses en ordre, si on voulait faire appel, dans l'investigation mathématique, à Γαπειρόνgéométrique, comme Archimède entendait le faire, dans ses

recherches de surfaces et de volumes, par des procédés anticipantceux du calcul intégral. Archimède a procédé à cette

mise au point en postulant de nouveau, après tëudoxe etEuclide, l'efficacité des additions successives niée par Aristote,

en ayant soin, dans l'énoncé de ce postulat, de souligner l opération mathématique qu'il entendait ainsi réhabiliter (5) parl'emploi de termes analogues à ceux d'Aristote.

impossible, par la seconde de ces opérations, de dépasser toute grandeur donnée :επί μέν του κατά διαίρεσιν παντός του ληφθέντος μεγέθους έ'στιν 2λαττον μέγεθος

λαβείν, επί δέ τοΰ κατά πρόσθεσιν ου παντός μεγέθους εστί τι μείζον λαβείν. 498, Τ sq.(1)  Ωστε δε παντός υπέρβαλλε ιν κατά τ*,ν πρόσθεσιν, ουδέ δυνάμει οίον τεειναι206 b 20.

(2) Άλλα μόνον slvat δ ση ν àv β ούλων τα ι τήν πεπερασμένην. 201 b 30.(3) Cp. De Coelo, 271 b 26 sq et passim.(4) Cp. notamment la définition 23 et le postulat 5 du livre I des Éléments, où

le terme άπειρον est employé à propos des droites parallèles. Aristote connaîtdéjà la notion de parallélisme et s'en sert avec prudence, mais il ne se rend pascompte de la contradiction entre cette notion et la conception d'un espace fini.

(5) .....ύπερέχειν τοιοϋτω, δ συντιθέμενον αυτό έαυτω δυνατόν εστίν ύπερέχειν κτλ. DeKEG. LXIV, 1931., n· 2S» J-30|. 5

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Nous# voyons ainsi qu'Archimède, pour réfuter les erreurs du

Stagirite en matière de mathématiques, adopte deux attitudesdifférentes, suivant la gravité du cas. S'agit-il d'une inexactitudeccidentelle, contenue dans une notation passagèred'Aristote, Archimède passe outre. ïl note la vérité géométrique sans donner à son texte l'aspect d'une rectification en

forme, et il faut dans ce cas l'érudition patiente des commentateurs pour s'apercevoir des divergences de vue. Aristote

«'étend-il, au contraire, longuement et peut-être dans uneintention polémique, sur une conception qu'Archimède juge

insoutenable au point de vue mathématique, en la rattachantpar de nombreux arguments à ses vues philosophiques génér

ales, le grand géomètre insiste de son côté, et dans ce cas lavérité mathématique se trouve rétablie par lui avec vigueuren des termes auxquels la répétition sobre de la notion attaquée par Aristote donne une certaine énergie.

Or, les deux textes de Plutarque et de Proclus, cités aucommencement de cette étude, ne sont rien d'autre que le récit

d'une remise à sa place d'Aristote, tout aussi chevaleresque,

mais non moins énergique, au fond, que celle dont nousvenons de faire l'analyse dans l'œuvre même d'Archimède. La

seule différence entre le passage d'Archimède cité et les récitsde Plutarque et de Proclus est que dans ces derniers Archimède répond au Stagirite, au lieu de lui donner une répliquepurement théorique, par la réalisation effective d'une expérience que celui-ci avait déclarée impossible. Ces deux textes

et la page d'Aristote à laquelle ils répondent font appel à lamême représentation d'un homme s'appliquant à tirer à lui seul

sphaera, et cyl. I, postulat 5. 11 est vrai que ce traité, ainsi que celui' De lamesure du cercle ne nous a pas été transmis dans le texte original d'Archimède,mais dans une version de l'antiquité tardive, où le dorien du grand Syracusainavait fait place au grec commun. Cette traduction a fait perdre à ces écrits unebonne partie de leur pittoresque, mais il n'y a aucune raison d'admettre qu'elleait touché à l'expression de la pensée d'Archiuiôde. Ces érudits du vi* siècle denotre ère, comme le montrent les exemples de Simplicius et d'Eutocius, étaientparticulièrement respectueux de tout ce qui concerne la forme donnée par lesgéomètres aux fondements de leui science.

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ARCHIMÈDE RÉPLIQUANT A ARISTOTE 67

un bateau, avec des nuances d'application d'un auteur à l'autre

dont nous aurons à parler, et ce trait commun fait en mêmetemps de cette controverse posthume une des illustrations les;plus curieuses de cette prédilection, évoquée plus haut, del'antiquité pour la répétition de thèmes scientifiques déjà-consacrés.  

Quelle est l affirmation aristotélicienne à laquelle Archi-

mède va répondre par l'expérience décrite par Plutarque etProclus? A la fin du 7e livre de la Physique (1), Aristote, chez-qui le mouvement, céleste et sublunaire, et les origines du

mouvement occupent le centre de la préoccupation philosophique, développe les lois du mouvement d'un corps solide et■constitue ainsi ce qu'on pourrait appeler sa dynamique terrestre. es lois (2), qui ont été désastreuses pour l'évolution ultérieure de la pensée scientifique de l'Occident jusqu'à Galilée,sont d'une importance extrême pour la connaissance des idéesque le Stagirite se faisait d'une force de la nature. En rempla

çanta notation séparée du temps et de l'espace, chez Axistote,par celle de leur rapport qui seul intervient dans l'exposé

■d'Aristote et qui donne une mesure de la vitesse du corps enmouvement, nous pouvons les énoncer de la manière quevoici : soit A la force qui imprime le mouvement, το κινοΰν, Β

· · Γce qui reçoit le mouvement, το κινού^ενον, V = — la vitesse du

Δ

mobile. Si, A restant constant, la résistance se réduit à saΒ ·

moitié—, la vitesse redouble. Mais si force et masse se réduisent2

h la fois à leurs moitiés, la vitesse reste constanle. La vitesse

(1) 250 a 1-8.(2) Elles ont été résumées par H. Carteron dans une note à celte page d'Aris-.

«tote dans son édition de la Physique, Belles-Lettres, Paris 19^1, II. p. 88 et danssa thèse La notion de force dans le système d'Aristote, Paris 1923, pp. il sq. etpassim Carteron garde dans son exposé les quatre grandeurs avec lesquelles•opère Aristote. Cp. aussi, sur cette page de la Physique, P. Duhem, Le Système•du monde, Paris 1913, I, pp. 192 sq. et 0. Hamemn, Le système d'Aristote, Paris1920, p. 323.

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68 cm. mugler

reste donc la même aussi longtemps qite les deux grandeurs·A : 

A et Β ont le même rapport. Si le quotient — change, la vitesse-Bchange dans la même proportion. Sans entrer ici dans une-analyse détaillée des notious de κινούν et de κινούμενον chez

Aristote, remarquons que les désignations de A par force et deΒ par résistance ne sont qu1 approchées et ne répondent pas-exactement à ce qu'on se représente sous ces noms en mécanique moderne. La différence fondamentale entre la physique

péripatéticienne et la nôtre depuis Galilée et Descartes est que

chez Aristote tant le κενουν que le κινούρενον, dans notre cas laforce A et la résistance B, sont liés à la substance et localisésdans des corps, tandis que dans la pensée moderne la causedu mouvement et.de tout devenir en général a été déplacée dusein des corps en dehors de ces derniers." Ces précautions terminologiqu s prises, l'expression fondamentale de la dynamiquearistotélicienne est la suivante : la vitesse d'un mobile est unefonction linéaire (1) du rapport de la force à la résistance,.

V = λ. -.

ΒCette loi n'est cependant valable — et c'est cet endroit précis-

de la théorie d'Aristote qui heurtera Archimède — que tantque le rapport de la force A à la résistance Β ne descend pasen dessous d'une certaine valeur marquant la limite inférieure·

de l'efficacité de la forcer en dessous, par conséquent, d'uncertain « quantum », pour employer une expression indiquantdès maintenant l'analogie de cette conception aristotélicienne-

avéc certains aspects de la physique récente. Car il peut arriver^

dit Aristote (2), que la force ne mette en mouvement absolu-

(1) G. Milhacd, Éludes sur la pensée scientifique chez les Grecs et les Modernes^Paris 1906, pp. 112 sq., pense qu'il ne faut pas attacher trop d'importance, aucaractère linéaire de cette fonction, parce qu'Aristote, qui ne possédait que des-notions élémentaire» de mathématiques, voulait dire, en substance, que la vitesse?

est une fonction croissante du rapport -. ^Β

(2) 250 a 10 sq.

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ARCHiMÈDE RÉPLIQUANT A AR1ST0TE 69

tnent rien, et on ne saurait induire de ce que la force (située

au dessus de ce seuil d'efficacité) communique au mobile telle•vitesse, que la moitié de cette force (cette moitié pouvant tombermaintenant en dessous de ce seuil) lui communique une vitesse'moitié de la précédente ni même aucune vitesse du tout. La

vitesse est, en d'autres termes, une fonction discontinue du

rapport — de la force à la résistance, et dès lors la force AB

-elle-même est discontinue.Cette représentation discontinue de îa force, qui ne serait

pas sans affinités avec l'idée d'une structure granulaire del'énergie qui est une des bases de la physique contemporaine,si elle ne reposait, comme nous le verrons bientôt, sur l interprétation inexacte d'une observation à l'échelle humaine, estd'autant plus surprenante chez Aristote que quelques pages

avant (1) le développement qui nous occupe, au 6e livre de laPhysique, le penseur postule avec énergie la continuité de

toutes les autres représentations de la dynamique, de l'espace,du temps, de la vitesse, ce qui a d'ailleurs valu à l'histoire de

la pensée grecque des renseignements inappréciables, parcequ'uniques dans toute la littérature grecque, sur les antilogiesparticulières consacrées par Zenon d'Élée à ces représentat

ionsristote combat ces antilogies précisément parce qu'il yvoyait avant tout une attaque contre l'hypothèse du continu (2).Dans notre passage, le Stagirite essaie donc d'introduire enphysique macroscopique, à l'échelle humaine, une quantification'une donnée physique qu'il rejette à l'échelle microscopique. ussi le caractère paradoxal de la thèse développée ici

-a-t-il souvent dérouté exégètes et traducteurs de ce passage.Le texte d'Aristote, en particulier de 2S0 a 13 το vJtAwry à 250 a

(1)231 a 21 sq.; 239 b 9 sq.(2) La critique contemporaine des arguments de Zenon, notamment celle de

V. Brochard, de Bertrand Russel, de Th. Heath et de L. de Broglie, voit dans cesarguments du disciple de Parménide une tentative, d'une sagaeité prodigieuse,«pour démontrer que le mouvement est impensable à la fois dans l'hypothèse du•continu et dans celle -de la structure «tomioue de l'espace «t du temps.

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70 CH. MUGLER

15 ώς το Α προς το Ε, n'est, ainsi, satisfaisant dans aucune édi

tion. Il convient donc de nous arrêter un moment sur ce texte.Aristote, pour bien préciser que, dans le cas où le rapport

de la force à la résistance tombe en dessous du seuil d'efficacité,,la vitesse ne diminue pas proportionnellement à la diminution

de ce rapport, ni même dans une proportion plus forte, veut

dire que, A diminuant de moitié, la force ainsi réduite n'aurapas (nécessairement) pour effet que Β parcourra maintenantdans le même temps Δ que Β a mis à parcourir le segment Γsous l'action de la force entière A, ni même en un temps mul-

Aiple de Δ, une partie de Γ qui soit à Γ comme — est à A. LaÂ

logique exige absolument « en un temps multiple de Δ » et

« comme — est à A », puisqu'une vitesse ne se ralentit que par

l'augmentation du temps qu'un mobile met à parcourir unsegment ou en diminuant l'espace parcouru en un temps donné.Faire parcourir à Β dans le temps Δ la partie du chemin Γcorrespondant à la diminution de A de sa moitié, c'est-à-dire

Γ *un segment -, revient à diminuer la vitesse de Β conformément

à la loi générale de la dynamique aristotélicienne, proportionnellement à la diminution de la force. Lui faire parcourir cettemoitié du chemin en un temps plus long que Δ, par exemple

en un temps multiple de Δ, reviendrait à réduire la vitesse deΒ dans une proportion plus forte que ne le prévoit la loi générale, valable au-dessus du seuil d efficacité. Aristote précisequ'il n'entend admettre même pas cette possibilité d'une dimi

nution considérable de la vitesse, mais que l'arrêt tout courtest la vraie solution. Or nos textes, tels qu'ils ont été établispar J. Bekker, G. Prantl et leurs successeurs, disent à deux,endroits exactement le contraire de ce qu'exigerait le raiso

nnement d'Aristote. Adoptons le texte de Bekker, en y insérant,devant τηξ Γ 250 a 14, le ^«.conjecturé par Prantl d'après leLaurentianus 8724, en ponctuant de manière à dégager ούδ' εν-

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AKCH1MÈDE KÉPLIQUANT A ARISTOTE 71

τινι,τοΰ Δ comme une apposition à εν τφ χρόνω εφ' φ Δ, et ensupprimant, enfin, d'après le Laurentianus 877 la particule

disjunctive η entre Γ et άνάλογον. De cette manière, nous sup

primons le manque de symétrie, introduit par la ponctuationde Bekker suivie par Carteron, qui consiste à caractériser lemouvement de Β une première fois par le temps seul, τήν ταΒ ου *·.νήσ·ει εν τφ χρόνω εφ' φ Δ, une seconde fois par le tempset par l'espace, ουδ' εν τινι του Δ τΐ της Γ, une troisième fois parl'espace seul, ή άνάλογον προς τήν δλην τήν Γ ως το Α προς τό Ε,en même temps que nous réduisons, par la suppression de ή,le nombre des hypothèses rejetées par Aristote aux deux querequiert la logique du raisonnement, à savoir que Β ne parcourra

le chemin τ της Γ άνάλογον προς τήν δλην τήν Γ ώς το Α προς το Βni dans le temps exprimé par εντφ χρόνω εφ' φ Δ, ntdans l'in-valle exprimé par ούδ' εν τινι του Δ. Nous aurons alors un texte

où les défectuosités sont réduites au minimum : το ημι^υ τοϋ Ατο εφ1 φ Ε τήν τό Β ου κινήσει εν τω' νρόνω εφ' φ Δ, ουδ' εν τινι τουΔ, τι της Γ άνάλογον προς τήν δλην τήν Γ ώς το Α προς το Ε. IIsubsiste les deux ditlicultés suivantes : i) On s'attend à cetteaffirm alion d'Aristote que la moitié de la force A, soit E, nemouvra pas le corps B, dans le temps Δ, d'une partie de Γ quiest à Γ comme Ε est à A. Or le texte dit « comme A est â Ε »tce qui reviendrait à doubler la vitesse de Β sous l'action d'uneforce réduite de moitié. 2) En ce qui concerne l'appositionούδ'εν τινι τοΰ Δ, la logique exige qu'Aristote, qui veut excluremême l'hypothèse d'un ralentissement de Β en dessous de lavaleur que la loi générale du mouvement assignerait à sa

V Γvitesse, à savoir en dessous de =» — dise « ni même en un

2 2Δtemps multiple de Δ », ce qui serait, en grec de l'époque (1),ύδ' εν τινι πολλαπλασίω τοΰ Δ. Or le texte dit « ni même en un

temps qui serait une partie de Δ », puisque le génitif avec tuseul est régulièrement un génitif partitif. Aussi Prantl et Car-

(1) Cp, Euclide, Éléments, V, Définition 2.

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ARCH1MÈDE RÉPLIQUANT A ARISTOTE 73

proportionnelle au rapport de la force à la résistance, n'a pasété reconnue par l'antiquité. Aucun des penseurs grecs quiont cherché après le Stagirite à pénétrer dans les secrets du

mouvement, même pas Archimède, pour les raisons que nousverrons, n'est arrivé à dégager la notion fondamentale qui«st la clef de l'explication des phénomènes dynamiques, lanotion. d'inertie (1). Aristote en frôle parfois de près la décou

verte (2), sans jamais y arriver, et quand Galilée, au seuil destemps modernes, établira une théorie rigoureuse des lois du

mouvement fondée sur l'expérience, il aura à lutter contrel'autorité d'Aristote. Il ne faut cependant pas accuser exclus

ivement Aristote de l'échec de l'antiquité dans ce chapitre dela physique. Il Faut éviter de tomber, après des siècles d'orthodoxie ristotélicienne et de foi aveugle dans la supériorité

d'Aristote sur tous les autres représentants du génie grec,dans l'excès contraire de le rendre responsable de toutes les

imperfections de la pensée de son époque. Il est probable, aucontraire, que d-autres physiciens, parmi ses contemporains etdéjà avant lui, ont formulé sur le mouvement des lois trèssemblables à la sienne, et que celle-ci a pu s'imposer parce

qu'elle exprimait une vue généralement répandue dans les milieux savants. Archytas de Tarente lui aussi faisait abstractionde la masse du projectile quand, dans le premier fragment (3),il en présente la portée comme une fonction exclusive de la

(1) Sur les raisons profondes de l'échec des Grecs en matière de dynamiquecp. P. Coudbrc, Les étapes de l'astronomie, Paris, 1945, pp. 71 sq.

(2) Quand il dit, par exemple, à la page 215 a du quatrième livre de la Physique, qu'il n'y a pas de raison pour qu'un corps en mouvement (dans le vide)s'arrête quelque part : Ετι ουδείς αν ϊγο·. ειπείν δια τί κινηθεν υτήσεταί που.

L'idée de la persistance d'un corps, soumis à aucune force, dans son état demouvement constitue un pas vers_le principe d'inertie. Mais ce principe ne seraréellement découvert que le jour où on reconnaîtra, avec Galilée, que cet étatde mouvement d'un corps soustrait à toute force est celui d'un mouvement rec-tiligne et uniforme. Aristote se barre le chemin vers la vérité par sa distinctionartificielle entre des mouvements naturels et des mouvements forcés, par lanégation du vide et par un choix peu heureux d'exemples de mouvements qu'ilcroit simples alors qu'ils sont très complexes.

(3) Cp. Diels, Vorsokr*. p. 333.

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74 CH. MDGLER

force de lancement en ajoutant une remarque où apparaît

comme le rapport de la force à la résistance, puisque le mi

lieu résistant, l'air, y est dit céder mieux aux projectiles lan

cés avec force qu'à ceux qui ne seraient lancés que faiblement.Mais si l'antiquité a accepté sans protester la loi générale de

là dynamique d'Aristote, celle qui serait valable pour les va-

Aleurs de — situées au-dessus du seuil d efficacité, il n'en est

Βpas de même du corollaire par lequel le Stagirite cherche àlimiter l'efficacité d'une force s'exerçant contre une résistance. ·

Archimède, que ses dispositions géniales pour l'analyse m athématique ses aptitudes pour l'observation et ses dons

d'expérimentateur auraient qualifié comme aucun autre desgrands géomètres grecs après Aristote à faire le pas décisif

pour créer la dynamique du corps solide, a laissé subsister,certes, lui aussi, la théorie aristotélicienne du mouvement,parce que la mort violente qu'on connaît l'a arraché à ses travaux avant qu'il n'ait pu dégager de ses recherches sur lesconditions d'équilibre la notion clef d'inertie. Mais il a le trèsgrand mérite scientifique d'avoir relevé au moins le défi àl'observation exacte et au. sentiment de là continuité physique

que représente la seconde partie de cette page d'Aristote quenous venons d'examiner, celte affirmation de l'indivisibilité dela force au delà d'une certaine limite inférieure et de l existence dun seuil d efficacité.

Pour relever ce défi, le grand géomètre se sert, — en se

conformant pour le style de sa critique à la fois à cet usagegénéral «le l'antiquité de reprendre les thèmes du passé et à sarègle personnelle de rectifier l'erreur d'un de ses devanciers enformulant la vérité mathématique ou physique dans les termesde ce dernier sans prononcer son nom, — de la représentation

même qu'Aristote invoque comme une preuve expérimentale àl'appui de son affirmation, à savoir de l'exemple d'un vaisseauqui est bien mu par plusieurs haleurs, mais qu'un seul hommene saurait faire bouger, même pas avec une vitesse excessive-

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ARCHIMÈDE RÉPLIQUANT A ARISTOTE 7&

ment petite, c'est-à-dire d'une quantité d'espace minime en untemps très long. Aristote ajoute en effet au passage cité cette

remarque que si la force pouvait se diviser au delà d'une certaine limite, il arriverait, et Aristote sous-entend ici que l expérience prouve le contraire, qu'un seul homme continuât à

mouvoir un vaisseau déplacé habituellement par une équipede η haleurs. La loi générale de la dynamique ferait prévoir

ici un déplacement du vaisseau, en un temps donné, qui seraitla nième partie du déplacement effectué (1) dans le même

temps par les η haleurs, et c'est cette éventualité physiquequ'Aristote exclut expressément, en citant, comme un casanalogue dans un autre domaine de la nature, un célèbreexemple imaginé par Zenon d'Élée — d'après Simplicius, dansune controverse avec Protagoras — contre, la thèse de la plu

ralité, l'exemple du tas de mil qui produit, en tombant, unbruit dans lequel on ne saurait non plus isoler le bruit partiel

produit par chaque grain.L'exemple d'Aristote est emprunté à la vie quotidienne d'un·

grand centre de commerce maritime, et P. Duhem (2) nous adécrit d'une manière très pittoresque la scène précise du Pirée

qui peut avoir inspiré Aristote. Mais Archimède connaissaitlui aussi le spectacle otfert par un port de mer en aclivité.

Quel meilleur procédé, dès lors, pour réfuter Aristote, que deréaliser effectivement, devant témoins, à l'aide d'un vaisseau,

(1) Ce passage a, lui aussi, causé des difficultés aux interprètes. On a préféré,autrefois, en quelque sorte, traduire inexactement le texte pour ne. pas avoir àprêter à Aristote la monstruosité physique qu'il avance ici. Ainsi Prantl, dansson édition commentée de 1854, traduit το μή*ος δ πάντες έκίνησαν par « la grandeur qu'ils mettaient en mouvement ensemble, « die Grosse, welche sie zusam-men in Bewegung setzten », en méconnaissant à la fois la fonction syntaxiquede δ et le sens, très technique, de μτ,χος, qui ne signifie jamais, à partir de Platon, la grandeur en général, par exemple ici la mesure de la résistance opposéeà l'effort des haleurs, mais l'étendue à une dimension, le segment de droite,alors que la grandeur en général s'exprime par μέγεθος. Si on adoptait l'interprétation ainsi obtenue par Prantl, force et résistance se trouveraient réduitesen proportion, et il n'y aurait pas de raison pour nier dans ce cas la validité dela loi générale de la dynamique lorsque la force se réduit à l'effort d'un seulhomme.

(2) Op. laud., p. 195.

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76 CH\ MUGLER

réel mis à la disposition du grand géomètre, l'expérience déclaréempossible par le Stagirite? L'occasion de cette mise enscène scientifique fut fournie un jour à Archimède par son

royal parent et ami Hiéron II de Syracuse. La plus ancienne•des deux sources auxquelles nous devons la connaissance denet épisode de la vie — et il faut ajouter de l'œuvre — d Ar

chimède, Plutarque, raconte au chapitre 44 de la Vie deMarceline que, ayant un jour un entretien avec Hiéron sur lethéorème de mécanique rationnelle qu'il venait d'établir, sui

vant lequel il est possible de déplacer un poids donné,quelque grand qu'il soit, au moyen d'une force donnée,quelque petite qu'elle soit (1), il se fit fort, dans une confiance,en la puissance persuasive de sa démonstration, qualifiée dejuvénile par Plutarque, de déplacer la terre où nous sommes,s'il avait une autre terre à sa disposition où s'appuyer.

Le théorème en question, quoique contenu en germe dans

les propositions 6 et 7 du traité De ΐ équilibre des figures planesqui nous a été conservé, suivant lesquelles deux grandeurs,commensurables ou incommensurables, sont en équilibre à des

distances réciproquement proportionnelles (2), ou, en d'autrestermes, quand les produits de la « grandeur » parsa distance aupoint de suspension sont égaux, ne figure tel quel dans aucundes traités encore existants d'Archimède. Il appartient sans

doute à une des œuvres perdues telles que le traité Des levierscité par Pappus d'Alexandrie au 8e livre de son recueil, où ildécrit précisément les machines destinées à résoudre le pro-

(1) Plutarque énonce le théorème dans la terminologie sobre des géomètres, oùl'opposition entre la grandeur du poids à déplacer et l'exiguïté de la forcen'est marquée que par la répétition du terme technique δοθείς : τ?ί δοθείση δυνάμει ο δοθέν βάρος χιντ,σαι. Pappus, en qualifiant dans la proposition 10 du8* livre de sa collection la solution de ce problème de Άρχιμήδους εδρημα,l'énonce dans les mêmes termes que Plutarque; il ne saurait cependant s'agird'un emprunt à Plutarque dont il n'y a pas de traces dans Pappus. Il est trèsprobable que nous avons à voir dans ces quelques inojs une citation d'une des-œuvres perdues d'Archimède.

(2) 11 est à remarquer que l'auteur du traité des Problèmes mécaniques qui a-été inséré dans l'œuvre d'Aristote, mais qui est postérieur au Stagirite, connaîtdéjà ce principe, cp. 850 b 1 sq.

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ARCH1MÈDE RÉPLIQUANT A ARISTOTE 7T

blême que s'était posé Archimède. Quant à la parole par

laquelle Archimède défie le roi, et. tout l'univers, de lui trouverune tâche qui ne fût à la portée de ses méthodes mécaniques, et où éclate une foi dans le pouvoir de la sciencetoute nouvelle dans l'histoire de la pensée, elle a été rendue

par Plutarque d'une manière assez abstraite, en style indirect.Mais elle nous a été transmise en style direct, transcrite en

grec commun, par Pappus (1) et, avec toute sa saveur dorienne,par Simplicius (2) : δός {Jioi πα βώ και κινώ ταν γάν. Cette dernière forme joint au trait d'authenticité du dialecte natal d'Ar-

chimède une note très personnelle de brièveté géniale et d outrance volontaire avec, cependant, comme pour atténuer lepathétique de ce défi, une trace de jargon du métier qui n'estpas sans analogie avec cet usage discret de mois techniquesdans la conversation qui caractérise les mathématiciens con

temporains

C'est pour faire voir au roi l'application pratique demandéede l'étonnant théorème de mécanique, dont Archimède avaitannoncé la portée en des termes si énergiques, que le grand

savant procède maintenant, dans le récit de Plutarque, à laréalisation de l'expérience d'Aristote, en assumant lui-même,pour plus de pittoresque, le rôle du haleur dont le Stagirite-avait prématurément condamné les efforts à l'inefficacité. Ilaurait pu avoir recours, pour convaincre fliéron, à biend'autres procédés pour faire exécuter un travail énorme à uneforce réduite. Les occasions n'en manquaient pas sur leschantiers du roi, que les auteurs qui nous renseignent sur lui,

Polybe, Athénée, Justin, présentent comme un grand cons

tructeur de palais et de bâtiments publics. Il aurait pu, entreautres, élever à lui seul à une grande hauteur un de ces monolithes, utilisés par l'architecture des anciens, qui font l'éton-nement des archéologues. Mais il aurait manqué à cette éxpé-

(1) δό; [Αόι ποϋ στώ χάί χινώ τήν γΐ,ν. Coll. Ed. F. Hultsch, Berlin, 1878, HI,,p. 1060.

(2) Sim.pl. Phys. Ed. Diels 1110, 4.

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78 ÇH. MUGLER

rience-là, quelque décisive qu'elle eût paru aux yeux du roi,

la pertinence particulière que le grand géomètre entendait lui•donner à l'égard d'Aristote, et, partant, une grande partie dupiquant que l'expérience choisie réellement par lui a pourl'histoire des sciences. Il fit donc charger un grand navire de

la marine marchande privée du roi, qui venait d'être tiré à

sec par les efforts réunis d'un grand nombre d'ouvriers, de sa«cargaison habituelle et y embarqua un équipage important.Ayant ensuite fait attacher le navire aux cordages extrêmes

d'une de ces machines servant, à l'instar du levier, à faire

«exécuter des travaux considérables par des forces faibles enfaisant agir ces dernières sur un long parcours, il s'assit lui-même à quelque distance du navire et commença de mettre^n action, sans la moindre peine, mais « paisiblement », suivant l'expression de Plutarque, le câble à l'autre extrémité du

dispositif, ce qui eut pour effet, à la stupeur du roi, de faire• avancer sans le moindre heurt ni accroc la masse, énorme par

rapporta la force musculaire de ce savant peu entraîné pour

<;e genre d'effort, du navire. Hiéron II avait donc là la démonst

rationde grand style qu'il avait demandée, et du même coupAristote se trouvait réfuté.

Mais quel était l'appareil dont se servit Archimède à

•cette occasion ? Plutarque le désigne par le terme πολύσπαστον,hautement technique et très rare dans les textes conservés de

la littérature grecque, puisque, à part notre passage de Plu

tarque, nous ne le rencontrons que dans les extraits desœuvres de mécanique de Héron d'Alexandrie figurant dansla Collection de Pappus et dans le texte de Pappus lui-

même quand il parle de Héron. Ce terme désigne, commel'indique l'étymologie, une machine composée de plusieurspoulies sur lesquelles glisse une corde à l'extrémité de laquelles'applique la force destinée à fournir le travail de traction, engénéral un homme ou plusieurs. Le dispositif et sou fonctio

nnement sont décrits par Héron dans les extraits mentionnés

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ARCHIMÈDE KÉPLIQUANT A AR1ST0TE 79

ci-dessus, au 8e livre cTe la collection de Pappus (4) auquel

nous renvoyons le lecteur. Il est très probable, bien qu aucun e nos textes ne l'affirme expressément, qu'Archimède a,sinon inventé de toutes pièces le πολύσπαστον, la moufle à plu

sieurs poulies, du moins amélioré la machine, en augmentantnotamment le nombre des poulies et en renforçant ainsi sapuissance, et il est sûr qu'il a été le premier à se servir de cetappareil avec une pleine conscience des lois physiques qui y

entraient en jeu.A cette description par Plutarque de la grande démonstrat

 on'Archimède, le texte de Proclus le Diadoque, qui n'ad'ailleurs retenu de cet épisode de la vie d'Archimède quele rëcit de l'expérience de traction elle-même, sans rien nous

dire des raisons théoriques de cette démonstration (2) et de laconversation préalable du roi avec Archimède, apporte les pré

cisions que voici. Le navire servant à l'expérience était un

trois mâts, τριάρμενος, destiné par Hiéron II au roi Ptoléméed'Egypte, et la mise en mouvement du vaisseau par la forced'un seul homme y apparaît comme un exploit d'autant plus

prodigieux, que les efforts réunis de toute la population deSyracuse (3) n'avaient pas réussi à le déplacer. L'appareiltracteur y est activé, en plus, par le roi lui-même, et ce détail

pittoresque ne manque pas de probabilité psychologique,puisque Hiéron, voyant opérer le grand savant d'une manièresi invraisemblable, aura certainement voulu « essayer le truc»à son tour.

Le nom d'Aristote fut-il prononcé au cours du commentairedont Archimède n'aura pas manqué d'accompagner l'expé-

(1) Cp. Pappus, Coll., Ed. F. Hultsch, Berlin, 1878, 111, pp. 1118-1122.(2) Le contexte prête peu à une analyse détaillée, par Proclus, de l'épisode,

puisqu'il ne figure pas, comme chez Plutarque, dans une œuvre biographique,mais, à titre d'exemple, dans le catalogue des champs d'application de la géométrie dressé par Proclus dans le second prologue à son commentaire àEuclide.

(3) πάντων γαρ 3μα Συρακούσιων έλχΰσαι ττ,ν ναΰν ού δυναμένων. Plutarque, lui, neparle que d'une forte équipe d'hommes. L'expérience revêt donc chez Proclus lecaractère d'une fête de la cité.

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80 CH. MUGLER

rience? Archimède aura adopté là aussi, pendant cette verifica

tionxpérimentale d'un de ses théorèmes de mécanique rationnelle, la ligne de conduite que nous lui voyons suivre dans sestraités à l'égard des erreurs de ses devanciers. Il aura renoncé àsouligner Lui-même la pointe polémique dans la démonstration,dans la confiance que l'intention anti-aristotélicienne s'expri-

mant dans le choix d'un navire et d'un haleur ne resterait pas cachée sinon aux témoins immédiats de la scène, du moins à· la postérité, qui pourrait à loisir comparer sa théorie à lui du mouvement à celle d'Aristote. Hiéron, de son côté, n'était guère,

malgré la grande culture que lui prêtent les auteurs et endépit de la notoriété d'Aristote, assez versé dans le détail del'œuvre du Stagirite, pour qu'on puisse admettre qu'il ait

reconnu spontanément l'argument ad hominem pontenu dansl'expérience qu'il voyait réaliser. Si, d'ailleurs, la sourcelocale où Plutarque a puisé les données relatives à Archimèdeavait fait la moindre mention de la différence de vues entre

Aristote et le grand géomètre à cette occasion, Plutarque,peu favorable (1) à la personnalité et à la pensée du Sta

girite, l'aurait insérée à son tour dans son récit.Cette expérience dans le port de Syracuse, en présencedu roi et de la cour, — à laquelle nous ne pouvons, faute

de renseignements chronologiques exacts sur les traités d Archimède, assigner d'autre date précise que le terminus antegnem marqué par la mort du roi Hiéron II en 215, —

s'insère donc de la manière la plus authenlique dans l'œuvred'Archimède comme une démonstration expérimentale d'un

des théorèmes fondamentaux découverts par le grand géo

mètre, et en même temps comme une critique discrète àl'adresse d'Aristote. Elle est intéressante pour l'histoire de lapensée à un double point de vue. Elle fait apparaître, d'abord,.

Archimède, — qui y inaugure un procédé d'enseignement,devant grand public, devenu courant aujourd'hui dans nos

(1) Cp. Plutarque, Quaest. Conv. 704 F De virt. mor. 448 A et passim.

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AKCHIMÈDE RÉPLIQUANT A ARISTOTK 81

amphithéâlres et nos terrains d'expériences, mais inconnu

aux anciens, — sous un aspect singulièrement moderne. Sansrien enlever de son caractère ésotérique à l'investigation

scientifique elle-même, pour laquelle il réserve au contrairedes méthodes si délicates qu'il restera seul de toute l'antiquitéà savoir les manier, il rend les résultats de cette investigationaccessibles aux profanes, et crée ainsi, par le recours auxgrands moyens par lequel il réalise cette fin pédagogique, unnouveau genre de rapport entre le savant et le public. Ildécouvre, pour la mécanique, cette voie vers la science acces

sible aux rois, cette βασιλική ατραπός, dont Eucïide (-1), sollicité par le roi Ptolémée, avait nié l'existence pour la géométrieure. Sous ce rapport, le réoit de cette expérience rejoint

les autres traits, bien connus, concourant à faire d'Àrchimèdeun type de savant si nouveau : entre autres ses distractions,plaisantes (2) à première vue comme celles d'Henri Poincaré,mais témoignant, comme pour ce savant moderne, d'unesubordination de la personnalité à une idée allant jusqu'ausacrifice et, dans le cas d'Archimède, jusqu'à la mort, et mont

rant le grand Syracusain déjà à mille lieues, quoiqu'il ensoit encore presque contemporain, de l'âge où l'homme avaitété la mesure de toutes choses. Elle nous rend témoins, ensecond lieu, en un point précis de la physique où les vuesanthropocentriques d'Aristote, qui, lui, est encore un fils decet âge, l'avaient conduit à faire violence aux lois de lanature, d'une des oppositions les plus caractéristiques de lascience de l'antiquité et de celle des temps modernes. Cetteopposition éclatera avec vigueur au xvn* siècle, à l'époque de

Galilée etde Descartes, mais elle a

étéanticipée par

lacon

troverse que nous venons d'analyser.Gh. Mcgler.

(1) Cp. Pfoclus in Eucl. Ed. Friedlein, p. 68.(2) Cp. Plutarque, Marcellus Π; Vitruve, De archit. IX, 1, 9, 10.

RBO, LXIV, 1931, »· J99-301.