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yy' ÉMILE MOLINIER UN DÉPARTEMENT 1) U MUSÉE DU LOUVRE D E P U I s QUINZE ANS LA SCULPTURE ET LES OBJETS D ' ART DU MOYEN—AGE DE' LA RENAISSANCE E'l' I)ESTEMPS MODERNES PARIS - 188 Droits de traduction et de reproduction réservés. Document Il II il il il Ili illil I Ili I il III il 0000005619054

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ÉMILE MOLINIER

UN DÉPARTEMENT

1) U

MUSÉE DU LOUVRED E P U I s

QUINZE ANS

LA SCULPTURE ET LES OBJETS D ' ART DU MOYEN—AGE

DE' LA RENAISSANCE

E'l' I)ESTEMPS MODERNES

PARIS - 188

Droits de traduction et de reproduction réservés.

Document

Il II il il il Ili illil I Ili I il III il0000005619054

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UN DÉPARTEMENT

DU

MUSÉE DU LOUVRE

N Allemagne et en Angleterre

1la plupart des musées ont Cou-turne de publier périodiquementla liste de leurs récentes acqui-sitions ; c'est une fort bonne

4) habitude qui permet ail public etaux étrangers de se rendre compte en un moment del'accroissement des musées; j'oserais môme dire que Cettefaçon. de procéder présente encore un autre avantageelle entretient dans le personnel de ces établissementsune certaine émulation et l'empêché de s'endormir sur sesconquètes passées. Chez nous il n'existe rien de pareilune revue artistique ou môme un journal quotidienenregistre de temps en temps une acquisition, tantôtl'approuvant, tantôt la blàmant, souvent même en défi .

-gure tout à fait la nature ou l'importance, toujours,en tout cas, d'une façon officieuse. On publie bien, il

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2 UN DEPARTEMENT

est vrai, de temps en temps, dans le Journal o/Jicicl,des listes, (l'une périodicité très irrégulière, qui parais-sent avoir pour but de justifier auprès du Parlement

les crédits lui demande; mais ces listes sont bienlaconiques et n'ont d'ailleurs qu'une 1)UbliCité bienrestreinte'. Quel est, en effet, l'amateur d'art ou mêmele simple mortel qui lise quotidiennement l'Officiel?Toutes les tentatives faites jusqu'ici pour doter nosmusées nationaux d'un annuaire , tel quc ceux quepublient les musées de Berlin ou de Vienne, ont échouédevant des difficultés, très mesquines, en vérité, carelles se résolvent en une question d'argent, mais trèsréelles au fond. Il s'ensuit que le public n'est que trèsimparfaitement renseigné sur l'accroissement de nosmusées et bien souvent fait entendre des récriminationsqui, si elles se prolongeaient, pourraient tourner audétriment des musées eux-mêmes et occasionner destroubles très sérieux et très regrettables dans le budgetqui leur est déjà si parcimonieusement accordé.

Je voudrais ici montrer par un simple exposé,presque par une énumération d'inventaire, ce qu'undépartement du Louvre, l'un des plus récemment créés,

n'y a pas vingt ans, il était encore rattaché enpartie au département des antiquités grecques etromaines, - a pu acquérir soit par voie «achat, soit

1. On a itl1ien i q, poli r les années 1855-LLIfl Rapport deM. h comte de NiCuLL'crkerkc sur la situation des Musées. Paris, i 8iii,Ce rarport Contient la liste de tOUS les dons et acquisitions CfltrS au LOU\ re1endant cette période.

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DU MUSEE DU LOUVRE 3

par voie de donation, depuis quinze années. Je croisquun exposé (le cette nature est propre à faire tomberl)[Cfl des préventions, à dissiper bien des erreurs et àmontrer que si des ressources égales étaient mises à ladisposition de nos musées, ceux-ci ne seraient certai-nement point dépassés par aucun musée étranger,quel qu'il soit; avec les ressources modestes dont ilsdisposent (162,000 francs par an, y compris le Muséede Saint-Germain, et des allocations extraordinaires,que l'on ne demande pas toutes les années), ils se sonttrouvés en état de tenir tête à plus d'un établissementmieux doté et ont pu conquérir des oeuvres d'artardemment convoitées.

Le Louvre, en sa qualité de Musée national,plusieurs moyens de s'enrichir : par donations, - etelles ont toujours été et deviennent de jour en jourplus nombreuses et plus importantes; - par acquisi-tions; enfin, en faisant rentrer au bercail (les oeuvresd'art qui en ont autrefois été distraites pour orner lesrésidences royales ou impériales et qui sont aujourd'huisans emploi. Cc moyen d'acquisition est, comme bienon pense, le moins coûteux, mais il finira par s'épuiser.C'est ainsi que le Musée du Louvre a pi s'enrichir,au moment même de la guerre de 1870, (l'un grandnombre (le meubles précieux, de gemmes montées enorfèvrerie, provenant soit (le Saint-Cloud, soit desTuileries; des niagniliques fontes du Primatice prove-nant des jardins des Tuileries ou de Fontainebleau,

ri

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4 UN DÉPARTEMENT

et mème doeuvres d'art plus originales, telles que laMadone de Fontainebleau, œuvre fondue au XVIC siècled'après une sculpture italienne du XVC siècle. Onpourrit encore recourir pendant quelque temps à ccmoyen : les résidences ne sont pas encore dépouilléescomplètement de chcfs-d'œuvre méconnus ou sansemploi et réservent encore l)ltiS «une surprise auxfuturs conservateurs du Louvre. Il n'y a pas d'ailleursque les résidences qui puissent fournir tin appointimportant à nos collections; le jour où l'on voudracréer au Louvre une galerie de tapisseries, qui y faitcomplètement défaut, il suffira de puiser dans leGarde-Meuble national pour constituer une admirablecollection.

Le département du Moyen-Age et (le la Renais-sance, constitué successivement par l'ancien Gardc-Meuble de la Couronne, les saisies révolutionnaires,les acquisitions I)urand, Révoil et Campana, la donationSauvageot, des achats faits en grande partie sousl'administration éclairée du marquis (le Laborle, paraitn'avoir repris son activité que vers 1873. Durant cetteannée, on n ' a à enregistrer que trois cadeaux : uneVénus couchée, statuette en albâtre, léguée parM. Forget; un jlioine, sculpture française - duXIVC siècle, donnée par M. le baron Alphonse deRothschild; enfin une statue en marbre de Ranicy,Sapho, donnée par M" Rame; niais on fait uneacquisition importante, celle de la statue (le Blanche

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DU MUSÉE DU LOUVRE 5

de Champagne, femme de Jean I, duc de Bretagne;

ccst une oeuvre composée de plaques de cuivre clouéessur une âme dc bois dont les analogues sont main-tenant, en France, de la plus grande rareté. En 1874,le département est définitivement constitué et se signaleen achetant tin beau groupe en marbre, du commen-cement du xvIe siècle, la Vierge d'Olivet. Un Hercule

et une copie du Gladiateur Borghèse, par NicolasCoustou, donnés par M. le vicomte de Frédy; uneSibylle, marbre italien du XIVC siècle, offert par M. E.Bonnalïé, sont promptement suivis, en 1875, d'unedouble acquisition, celle de la Porte de Crémone etde dix-huit bronzes ou cires de Barye. A chaque joursuffit sa peine; on ne pouvait demander plus pourune année. Critiquée par les uns, louée par les autres,la Porte de Crémone n'en reste pas moins un monu-ment très important qu'il faudrait acquérir s'il n'étaitpas acquis. De Fépoquc où elle est entrée dans lasalle de Micliel-Ange date pour le Musée de la Re-naissance une ère nouvelle. Elle est parvenue à animerla salle et à lui donner cette fière tournure qui frappetous les étrangers, même les moins Suspects de par-tialité. Peu à peu il s'y est répandu ce parfum duxve siècle italien dont les bronzes si généreusementOfferts en 1876 par M. Bis (le la Salle devaient encoredévelopper l'âpre et vivifiante saveur.

Pendant que la porte du palais Stanga s'élevaitau Louvre, le Musée s'enrichissait, sans bourse délier,

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6 UN DÉPARTEMENT

dœuvrcs gracieuses ducs à un autre art plus maniéré,plus affété, mais dont les adorateurs du XVe siècle,môme les ilus exclu'-,ifs, ne peuvent méconnaître lecharrue; 011 enlevait du domaine de la Mairnaisonmorcelé et mis en vente, des statues en marbre deFrérnin, de Flamen, de Barrois, de Bertrand, descopies en bronze de l'antique, des colonnes rostralesprovenant du château de Richelieu, d'admirables vasesde marbre, enfin l'Amour, par i'assaert, exposé au-jourd'hui dans l'une des salles de la sculpture moderne.Les autres statues ont malheureusement subi plus d'uneinjure; mais plusieurs cependant vaudraient la peined ' être restaurées pour être mises sous les yeux dupublic.

L'année de l'Exposition de 1878 a été très bonnepoir le département : en même temps que M. F. Spitzerdonnait un fragment de frise en marbre du travail leplus délicat, sculpté 1a1' Antonio I ombardi , on ac-quérait l'une des dernières épaves du palais Strozzisi complètement dépouillé de sa série d'ancêtres parle Musée de Berlin, le buste en marbre de PhilippeStrozzi, sculpté par Benedetto (la Maiano. Quel dom-mage qu'on «ait pu y joindre la terre cuite repré-sentant le même personnage et surtout la MariettaStrozzi qui se trouvent maintenant à Berlin C'était làune occasion unique de commencer une série (le cesmerveilleux bustes du XVC siècle florentin que l'onadmire tant aujourd'hui et qu'il y a cinquante ans à

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DU MUSÉE DU LOUVRE 7

peine on pouvait avoir pour un morceau de pain. Acette époque, nous n'avons rien acheté ou presque rienen fait de sculpture de la Renaissance; mais on dépen-sait 30,000 francs pour faire mouler la cheminée deBruges, cette abominable verrue dont le Louvre nepeut pas arriver à se débarrasser, pat-ce que personnen'en veut - le transport coûterait trop cher; mais onconstituait le Musée de Versailles et l'on commandaitforce bustes de chevaliers casqués et la visière baisséepour représenter les personnages illustres dont onn'avait pas de portrait authentique. Nous sommesloin, Dieu merci, de ces aberrations; je les recom-mande aux méditations des journalistes quotidiens quiont le malheur de faire trop souvent de la politiqueà propos d'art et qui s'indignent volontiers et nepeuvent supporter avec la môme philosophie Facqui-sition successive de plusieurs Vierges du xve siècle etl'achat de statues antiques de Vénus ou d'empereursromains. Petit-être puiseraient-ils clatis la connaissancedu passé de nos musées un peu d'indulgence pour leprésent.

LAnzozir, de Falconet, donné par M. Rougevinune Téte d'ange en marbre, attribuée au Puct, donnéepar M. H. Barbet de Jouv; les bustes de l)iderot, deFranklin, de Washington, par Houdon, légus parM. Walferdin; un buste de Mirabeau également parHoudon, entrèrent successivement du Musée en 187-C)et 188o; mais les acquisitions capitales cic cette der-

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8 UN DÉPARTEMENT

nière année ont été d'abord un Buste de saint Jean,pal- Mino da Fiesole, acquis de la succession de M. His(le la Salle, puis une grandeVierge, en terre cuitepeinte et dorée, et une autre Vierge en marbre, por-tant les armoiries de la famille Piccolomini, attribuéeà Lorenzo di Mariano.

Tous ceux qui fréquentent le Louvre connaissentcette sculpture polychrome, qui rappelle à la fois lesuperbe bas-relief sculpté au tympan de l'une (lesportes du Dôme de Sienne et les Vierges de Dona-tello. A quelle école faut-il rattacher cc morceau?L'intensité d'expression des personnages, la conceptionphilosophique du sujet ont permis de le rapprocherde certains bas-reliefs de Michel-Ange; on a fait lion-fleur à la patrie de Giacomo della Quercia de cetteoeuvre d'un artiste inconnu, mais à coup sôr grandentre les 1)lt1s grands ; d'autres ont voulu y voir uneoeuvre de l'école de Donatello et c'est de cc côté quesemble pencher la balance, cal- on a pu depuis quel-ques années grouper autour (le la iMadone du Louvred'autres bas-reliefs, inférieurs sans doute, mais enfantéspar ce courant artistique qui u créé l'école de Padoue.Jusqu'ici la terre cuite du Louvre est unique, et plusd'un conservateur des musées étrangers regrette aniè-rement de n'avoir pas eu l'honneur de l'acquérir. Sonentrée au Louvre mettait à côté des sculptures demarbre, qui presque toujours ont perdu la peinturequi les animait autrefois, une note polychrome qui

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DU MUSÉE DU LOUVRE

constituait à la fois un plaisir pour les yeux et unenseignement très précieux.

Il est à remarquer que presque toujours, quandle Musée du Louvre a acquis une oeuvre importante,immédiatement les dons lui arrivent de tous côtés;est-cc le hasard? Je ne sais. Au lendemain de l'acqui-sition de la Porte de Crcinone, le regretté His de laSalle donnait une admirable collection de bronzes; aulendemain de l'acquisition de la Madone en terre cuite,le Musée recevait, coup sur coup, un bas-relief trèsintéressant de l'école vicentine, le Christ mort soutenupar des anges, que lui offrait Charles Timbal ; desbustes de Rude, J. L. Dax'id et Madame Cabet, donnéspar M" Fab3r, et enfin une très importante collectionde sculptures en bronze, en cire, en terre cuite ouen bois, que lui léguait un de ses plus signalésbienfaiteurs, le sculpteur Gatteaux. Beaucoup de cesobjets mériteraient une description détaillée; ils ontété pendant longtemps exposés dans une salle spéciale,et c'était justice; les bronzes notamment sont venustout à fait à point pour renforcer la série dcs bronzesdu xve siècle, assez rares parmi les objets provenantde l'ancien Garde-Meuble. En mème temps que cesdonations entraient au Louvre, on achetait un des plusprécieux débris de ce fameux chtteau de Montai, simalheureusement tombé entre les mains de barbares.Les magasins de Saint-Denis, qui pendant tant d'an-nées avaient caché si jalousement tant de précieux

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UN DÉPARTEMENT

débris du Musée des Monuments français, venaientenfin, à la suite de longues et difficiles négociations,d'ouvrir leurs portes, et bien que le Louvre n'eiit paseu à faire le premier son choix parmi tant de monu-ments, il put cependant y découvrir plus de cent vingtmorceaux de sculpture, la plupart fort précieux pourl'histoire de notre art national, parmi lesquels setrouvaient des bas-reliefs de Germain Pilon et deSarrazin. C'est avec ces fragments et les statues duMoyen-Age que possède déjà le Musée, oii elles onttoujours été reléguées dans un vestibule, qu'il fa:draconstituer le noyau de cc Musée du Moyen-Age français,dont l'absence est une véritable honte pour notrepays. ln y joignant des statues retirées du Musée deVersailles, oi des moulages les ont remplacées, onaura enfin deux ou trois salles remplies de monumentsfrançais, dont quelques-uns sont de purs chefs-d'oeuvre.

L'année 1882 est encore une bonne annéeM. Albert Goupil donne une Vicr'c italienne enmarbre du XIVe siècle; M. Fouquiau, un grand bas-relief décoratif attribué à Sarrazin et provenant del'hôtel d'Effiat; la Pierre tombale de Jean de Cromois,abbé de Saint-Jacques de Liège (-- i55), fournit unspécimen exquis de l'art flamand influencé par l'Italie;enfin l'acquisition (le la collection Timbal fait entrerau Louvre vingt-huit morceaux (le sculpture italienneou française, quelques-uns dc premier ordre, commeles deux Vierges (le Mino da Fiesole, ou le profil

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DU MUSÉE DU LOUVRE il

clEmpereur romain, sous lequel il ne serait peut-êtrepas trop hardi de mettre le nom de Donatello. Jen'insisterai pas sur cette acquisition, qui a été exposéedans son ensemble et dont k catalogue a d'ailleurs

été publié.Le beau buste en bronze de M. Beauvois, par

Carpeaux, a été donné en 1883, tandis que l'on ache-tait une porte espagnole de la fin du m7e siècle,provenant de Valence; tin médaillon en marbre,représentant Ludovic le More, et quatre statues, éga-lement en marbre, de l'école (Te Pise, représentant lesVertus cardinales. Ces statues ne sont pas des chefs-«oeuvre assurément; mais c ' est tin art qui doit êtrereprésenté au Louvre, ne serait-cc que pour montrercombien la sculpture italienne du Moyen-Age est

inférieure à notre sculpture française. Les beaux spé-cimens en sont fort rares, en dehors de l'Italie, et,faute de trouver des figures aussi gracieuses que lesMadones de Nino Pisano, on doit se contenter demorceaux de second ordre.

L'Enfant à la cage, par Pigalle, offert au Muséedu Louvre en 1884, par M. Costantini, est une oeuvredes plus délicates, digne (le n'importe quel musée. D'unaspect moins agréable sans doute, mais extrêmementpuissant, est le buste (le la mère du sculpteur Dumont,

donné par M 1 veuve Dumont. Je n'aurai garde d'ou-blier le buste de François Arago, par David d'Angers,offert par sa nièce, M' Laugier. A ces dons il faut

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12 LN DEPARTEMENT

joindre deux acquisitions Un Génie ailé, sculpture enpierre, de l'école de Donatello, et un grand bas-reliefen bronze représentant une bataille, ramené de Fontai-nebleau, oeuvre italo-françaisc du milieu du XVIC siècle,dont l'origine et la destination primitive sont encoreinconnues.

Tout le monde a admiré et peut admirer encoreaujourd'hui dans la salle qui lui est consacrée la valeurdu legs fait par le regretté baron Davillier. Bien quela sculpture ne ft pas l'objet des principales préoccu-pations de cet amateur érudit, il avait cependant réuniun certain nombre de très belles pièces de marbre, depierre ou dc bois qui, lorsqu'elles seront placées dansles salles de sculpture de la Renaissance, verront encores'augmenter leur valeur et leur importance.

Le Louvre cherchait depuis longtemps à conquérirune sculpture de Donatello de quelque mérite, sans ypouvoir parvenir, car les oeuvres de ce maître sont deplus en plus rares, et le prix qu'on en demande n'estguère en rapport avec le budget dont disposent lesmusées nationaux, quand il a reçu le buste en marbrede Saint .Jean que lui léguait Albert Goupil ; ce busteest venu à point pour combler une véritable lacune etreprésente, avec tous les caractères de la plus incon-testable authenticité, l'un des nombreux côtés du talentdu maître.

Me voilà parvenu, au moins en ce qui touche lasculpture, au terme de cette fastidieuse énumération.

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DU MUSÉE DU LOUVRE 13

On mc permettra toutefois de signaler un buste dc.1. A. Gabriel , par J. B. Lemoyne, acquis l'an dernier,et d'indiquer encore trois oeuvres, toutes trois égale-ment intéressantes bien qu'à des titres divers, qui sontentrées récemment au Louvre. Le Musée de Berlin

acquis depuis peu le marbre de la Madone sculptéepar Donatello pour la famille Pazzi; ce n'est pas àproprement parler une oeuvre agréable dans soncnSernl)lC - je ferai toutefois une exception pour latête de la Vierge, qui est admirable mais c'est uneoeuvre certainement importante. Le Louvre en possèdedepuis peu un stuc qui a sur le marbre l'avantaged'être beaucoup plus intact et surtout d'être recouvertde sa peinture originale qui fait beaucoup mieux juger

de la pensée du makre. [ne Vierge I'ortant l'Enfant

Jésus, bas-relief en stuc, peint et doré, est une oeuvreincontestable de Jacopo Sansovino, et nous montre unsingulier mélange des derniers reflets de l'école deDonatello et de la manie de faire grand, et en même

temps un peu maniéré, empruntée à Michel Ange. Enfin

un buste en marbre, 'provenant de Naples et quireproduit probablement les traits de Ferdinand IId'Aragon, nous fournit un heureux exemple de cettesculpture italienne, pleine d'allure, mais de faire unpeu rude, qui a pénétré en France par Naples avecPaganino de Modène, l'auteur du fameux Mortorio de

Monte Oliveto.Il me reste à (lire un mot des Objets d'art; je

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14 UN DEPARTEMENT

serai bref, car leur simple énumération demanderaitde longues pages; mais on pourra cependant voir parcc simple exposé que les acquisitions ont été assezimportantes; quant aux dons, ils sont extrêmementnombreux et, à eux seuls, suffiraient à constituer unvéritable Musée.

En 1871, on acquiert un certain nombre de car-reaux de faïence persane de la plus belle qualité, des-tinés à former l'amorce dunc série de céramquc orien-tale qui, bien que peu nombreuse encore aujourd'hui,n'en compte pas moins quelques pièces fort rares; onacquiert aussi deux petits émaux cloisonnés sur cuivre,d'une haute valeur archéologique, dont le monde desémailleurs s'est déjà occupé. Je ne vois rien à signalerCO 1872, et l'année 1873 est encore extrêmementpauvre; à noter cependant des grès et des étains léguéspar M. Lanté et des médailles données par M. GustaveDreyfus, à qui le Louvre doit en partie l'origine (leSon humble collection de plaquettes; de 1873 à 1885,cet amateur n'a pas donné au Musée moins de quatre-vingt-six médailles ou plaquettes de la Renaissance ita-lienne, En 1874, la donation Lenoir fait entrer auLouvre trois cent quatre-vingt-une boites, tabatières,miniatures ou bijoux, constituant une série (les plusPrécieuses pour l'histoire (le l'art du XVIIIe siècle. l)e1875 à 1878, on reçoit successivement, de M. E. Bon-nafTé, des carreaux de faïence française; de MM. Ch.Ephrussi et Benjamin Fillon , des plaquettes; dc

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Du MUSÉE DU LOUVRE

M. ()udinot, un superbe vitrail du XVI e siècle, repré-

sentant la Vierge; on achète cinq pièces de faïence dePerse à la vente Séchan, et un superbe vase en faïencede Deruta à la vente Castellani. L'année 1879 estencore féconde en dons de toutes sortes des couteaux

du XyIle siècle et un coffret d'or orné d'émaux de Saxe,légués par le vicomte de Saint-Albin ; un coffret italien,dont la peinture rappelle les tableaux de Pisanello, offertpar M Charles Stein; la belle marche en faïence, pro-venant de la chapelle du château de la Bâtie, donnéepar MM. Beurdcley; des fragments de Palissy, P-nant (les fouilles de la cour des Tuileries.

Quelques beaux émaux faisaient partie du legsGatteaux, reçu en i88i. En 1882, sont entrés auLouvre pat- voie «acquisition : un émail provenantde la vente Benjamin Fillon, cinquante-neuf pièces«ivoire ou de bronze, faisant partie de la collectionTiml)al, et enfin les quatre belles gaines en faïencede Rouen, représentant les Saisons, acquises à Lon-dres, à la vente Hamilton. En 1884, M. Sorhin-Dorignydonne une quarantaine de carreaux de faïence dePerse, admirablement décorés, et l'on achète aux deuxventes Castellani six pièces de faïence italienne ettrois Baisers de paix en orfèvrerie, dont Fun est unetrès belle pièce florentine du XVC siècle, sur laquelleon pourra peut-ôtre quelque jour mettre le nom d'un

orfèvre é1èbre.Une très curieuse figurine de terre de pipe, repré-

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IN DÉPARTEMENT

sentant Sainte Barbe, donnée par M. l-lavard ; uneburette en cristal de roche, montée en vermeil, donnéepal- le colonel Daugny; une charmante broca en por-celaine des Médicis, une figure équestre de Louis XIII,de la suite de Palissy, et enfin la collection Davillier,comprenant près de quatre cents pièces, rien que pourles objets d'art, voilà le bilan de l'année i885. Sansdoute ic Louvre ne reçoit pas tous les ans des collec-tions semblables, mais ne ferait-il tin pareil héritageque tous les dix ou quinze ans, il est probable quepeu de musées étrangers pourraient Soutenir la con-currence. Car, il ne faut pas l'oublier, Paris est lacapitale des amateurs, et d'une catégorie d'amateurstout à fait particulière les amateurs qui donnent.J'ai tout lieu de croire que la race n'en est pas prèsde séteindre. Du moins, est-ce un peu avec leurcomplicité que le Louvre pouvait, encore tout derniè-rement, à la vente de la collection Ch. Stem, acquérirà des pi-ix des plus modestes quelques pièces quiauraient fait le bonheur de plusieurs d'entre eux. Jen'ai pas qualité pour les en remercier ici autrementqu'en mon nom personnel.

Voilà en résumé le tableau d'un département duMusée du Louvre pendant quinze ans. Ce n'est pointmon rôle «y introduire un mot de blâme, ni determiner par un panégyrique. Au lecteur de juger si,étant donné les ressources dont on dispose, le résultatn'est pas supérieur à ce que l'on pouvait attendre.

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Dli MISÉI: DU LOUVRE

Pour moi, je le crois. Et je crois aussi que, dèsaujourd'hui, l'on a entre les mains les principauxéléments d'une refonte complète des salles contenantles objets d'art, beaucoup trop étroites maintenant etdont l'arrangement est d'ailleurs bien mesquin, etaussi des salles de sculpture de la Renaissance et du

Moyen-Age.

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Paris. - Inip. de l'Art. E. Muard et J. Augry, .rue de la Victoire.