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> Filigrane > Musique et globalisation Numéros de la revue / Musique et globalisation « Des critères d'authenticité dans les musiques métissées et de leur validation : » Amine Beyhom Résumé Les « rencontres musicales » sont considérées comme un des résultats « normaux » de la globalisation ; un des corollaires de cette assertion est une attitude (répandue de nos jours et trouvant son origine dans les musiques exotisantes occidentales) dans laquelle le créateur musical se sent le droit de puiser libéralement dans les différentes musiques du monde, comme au sein d'un catalogue d'offre culturelle, pour améliorer son offre personnelle, ou tout simplement améliorer ses chances d'être entendu sur la scène musicale mondiale ou locale. Les « métissages » qui en résultent sont divers, et diversement appréciés par le public, les musiciens et les musicologues. L'auteur tente dans cet article d'analyser la dynamique couplée modernité v/s tradition et globalisation v/s identité sur des exemples précis issus des musiques récentes ou contemporaines du Proche-Orient, avec le Liban, pays à la pointe des syncrétismes dans la région, comme exemple phare. Une étude particulière de la « seconde augmentée », correspondant dans les théories modernes du maqâm à l'intervalle du tétracorde h?ijâz (ou h?ijâz-kâr), permet de mieux situer la problématique globale abordée dans l'article. La conclusion qui ressort de ces analyses est que la première dynamique (modernité v/s tradition) est faussée par la deuxième (globalisation v/s identité), et que le produit de ces « échanges » culturels reflète la réalité de la situation politique au cours des deux derniers siècles : la globalisation résulte en une perte quasi totale de l'identité culturelle locale, et la modernisation (confondue avec « évolution » par la majorité des acteurs culturels) est devenue, pour les pays arabes (sinon pour tous les autres), synonyme d'« occidentalisation ». Plutôt que de rester sur un constat négatif, l'auteur tente, en dernière partie d'article, de définir, sur l'exemple des musiques arabes, une série de critères pouvant servir à « authentifier » un produit musical issu de telles « rencontres », en insistant sur la nécessité préalable d'un retour aux sources originelles de ces musiques pour les Arabes eux-mêmes, tout comme pour d'autres acteurs de la scène musicale « mondialisée ». Abstract 'Musical encounters' are considered as one of the 'normal' results of globalisation. One of the corollaries of this assertion is an attitude (widespread today, whose origin lies in Western music's quest for the exotic), whereby the musical creator feels entitled to draw on the different world musical traditions, like catalogues of cultural offerings, in order to enhance his or her own personal offering, or simply to enhance the chances of being heard in a local or global music scene. Different kinds of 'métissage' result, which are differently appreciated by audiences, musicians, and musicologists. In this article, the author undertakes an analysis of the dynamic pairs modernism vs. tradition and globalisation vs. identity, using new music examples taken from the Near East, particularly from Lebanon, a spearhead of syncretism in the region. Particular examination of the augmented second, corresponding in modern theories of maqâm to the tetrachord interval h?ijâz (or h?ijâz-kâr), permits a better localisation of the global problem approached in this article. The conclusion that emerges from these analyses is that the first dynamic pair (modernism vs. tradition) is distorted by the second dynamic pair (globalisation vs. identity), and that the products of these cultural exchanges reflect the reality of the political situation of the last two centuries. Globalisation results in almost total loss of local cultural identity, and for Arab countries (if not for all others) modernisation (confused with 'evolution' by most cultural players) has become synonymous with 'Westernisation'. Rather than dwell on a negative statement, in the last part of the article the author attempts to define a series of criteria that could serve to 'authenticate' a musical product resulting from such 'encounters', taking Arabic music as an example. He thereby maintains as a pre-condition the necessity for Arabs to return to their original musical sources; the same applies to other players on the 'globalised' musical scene. Introduction

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  • > Filigrane > Musique et globalisation

    Numros de la revue / Musique et globalisation

    Des critres d'authenticit dans les musiquesmtisses et de leur validation :

    Amine BeyhomRsum

    Les rencontres musicales sont considres comme un des rsultats normaux de la globalisation ;un des corollaires de cette assertion est une attitude (rpandue de nos jours et trouvant son origine dansles musiques exotisantes occidentales) dans laquelle le crateur musical se sent le droit de puiserlibralement dans les diffrentes musiques du monde, comme au sein d'un catalogue d'offre culturelle,pour amliorer son offre personnelle, ou tout simplement amliorer ses chances d'tre entendu sur lascne musicale mondiale ou locale. Les mtissages qui en rsultent sont divers, et diversementapprcis par le public, les musiciens et les musicologues.L'auteur tente dans cet article d'analyser la dynamique couple modernit v/s tradition et globalisation v/sidentit sur des exemples prcis issus des musiques rcentes ou contemporaines du Proche-Orient, avec leLiban, pays la pointe des syncrtismes dans la rgion, comme exemple phare. Une tude particulire dela seconde augmente , correspondant dans les thories modernes du maqm l'intervalle duttracorde h?ijz (ou h?ijz-kr), permet de mieux situer la problmatique globale aborde dans l'article.La conclusion qui ressort de ces analyses est que la premire dynamique (modernit v/s tradition) estfausse par la deuxime (globalisation v/s identit), et que le produit de ces changes culturels refltela ralit de la situation politique au cours des deux derniers sicles : la globalisation rsulte en une pertequasi totale de l'identit culturelle locale, et la modernisation (confondue avec volution par lamajorit des acteurs culturels) est devenue, pour les pays arabes (sinon pour tous les autres), synonymed' occidentalisation .Plutt que de rester sur un constat ngatif, l'auteur tente, en dernire partie d'article, de dfinir, surl'exemple des musiques arabes, une srie de critres pouvant servir authentifier un produit musicalissu de telles rencontres , en insistant sur la ncessit pralable d'un retour aux sources originelles deces musiques pour les Arabes eux-mmes, tout comme pour d'autres acteurs de la scne musicale mondialise .

    Abstract

    'Musical encounters' are considered as one of the 'normal' results of globalisation. One of the corollariesof this assertion is an attitude (widespread today, whose origin lies in Western music's quest for theexotic), whereby the musical creator feels entitled to draw on the different world musical traditions, likecatalogues of cultural offerings, in order to enhance his or her own personal offering, or simply toenhance the chances of being heard in a local or global music scene. Different kinds of 'mtissage' result,which are differently appreciated by audiences, musicians, and musicologists.In this article, the author undertakes an analysis of the dynamic pairs modernism vs. tradition andglobalisation vs. identity, using new music examples taken from the Near East, particularly fromLebanon, a spearhead of syncretism in the region. Particular examination of the augmented second,corresponding in modern theories of maqm to the tetrachord interval h?ijz (or h?ijz-kr), permits abetter localisation of the global problem approached in this article. The conclusion that emerges fromthese analyses is that the first dynamic pair (modernism vs. tradition) is distorted by the second dynamicpair (globalisation vs. identity), and that the products of these cultural exchanges reflect the reality of thepolitical situation of the last two centuries. Globalisation results in almost total loss of local culturalidentity, and for Arab countries (if not for all others) modernisation (confused with 'evolution' by mostcultural players) has become synonymous with 'Westernisation'.Rather than dwell on a negative statement, in the last part of the article the author attempts to define aseries of criteria that could serve to 'authenticate' a musical product resulting from such 'encounters',taking Arabic music as an example. He thereby maintains as a pre-condition the necessity for Arabs toreturn to their original musical sources; the same applies to other players on the 'globalised' musicalscene.

    Introduction

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    Les fusions ou mtissages sont devenus pratique courante depuis la vague de la world music. Les rencontres musicales (dnomination pudique utilise par les intervenants culturels conscients de ladprciation de termes tels musiques du monde ) ont nanmoins dbut bien avant le xxe sicle et lesyncrtisme musical, notamment mditerranen, notamment au sein de l'empire arabe, est une donneconstante de la musique : nous sommes tous le produit d'un syncrtisme quelconque, culturellement etsocialement, tout comme l'est aujourd'hui notre production culturelle, tout comme elle l'a t tout au longde l'histoire.

    Il serait de ce fait tout fait normal que le crateur musical aujourd'hui se sente le droit de puiser dans lesdiffrentes musiques du monde, comme au sein d'un catalogue d'offre culturelle, pour amliorer son offrepersonnelle, ou tout simplement amliorer ses chances d'tre entendu, vu que les rencontres entremusiques (et musiciens) sont devenues la mode.

    L'appropriation musicale peut cependant aboutir des consquences rdhibitoires, parfois diffrentesselon qu'elle se fait dans le sens de la musique dominante vers les musiques traditionnelles (qu'elles soientpopulaires ou savantes peu importe), ou l'inverse ; ces consquences deviennent plus subtiles si lesemprunts se font horizontalement, c'est--dire entre musiques traditionnelles ou d'aires gographiquescomportant une dominante de musique traditionnelle.

    Cet article traite des deux premires appropriations (qui correspondent parfois des expropriations)musicales, principalement sur l'exemple du Proche-Orient et du Liban qui, par sa relation particulireavec l'Occident et son mtissage culturel continu et acclr pendant les deux derniers sicles, constitueun laboratoire de choix pour ces pratiques. Les critres d'authenticit des emprunts musicaux serontgalement abords, ainsi que, plus brivement, la relation la modernit et les critres d'innovation travers les fusions musicales.

    Mise en situationRappelons le contexte occidental (rcent) (1) de l'appropriation de musiques de cultures parfoislimitrophes, souvent antagonistes : des turqueries de Mozart (L'Enlvement au srail) la worldmusic d'aujourd'hui, en passant par l' hispanisme , l'exotisme en gnral et les expriences du jazz modal et de la musique contemporaine, le regard occidental a souvent t dcontenanc, curieux,ngatif et/ou critique par rapport ces musiques extrieures , et a suivi, notamment en France,l'volution de la politique extrieure (2). La diversit des regards, du refus effar par Berlioz des musiqueschinoise et indienne (3) l'adoption pure et simple par les compositeurs de formes intgres leurmusique (la polonaise, la polka, la habanera, etc.), traduit une diversit ? qu'il faut a priori considrercomme saine ? des attitudes par rapport des cultures trangres . Ce panel d'attitudes diffrentes n'apas rellement volu ce jour, au discours politiquement correct de la majorit des musiciensoccidentaux s'opposant, quand la rencontre est physique , les ractions de certains autres (les mmes,parfois ?) (4).

    La relation occidentale la musique exogne est complexe, mais s'effectue gnralement d'un point devue ethnocentrique : Jean-Pierre Bartoli, dans un article consacr au Dsert de Flicien David, dcritdiffrents procds compositionnels qui deviendront comme les signes conventionnels pour voquer lespays orientaux. Il n'est alors mme plus besoin de s'assurer de l'exactitude de cette vocation ; elle estdsormais perue comme authentique (5). Ces procds (6), soit :

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    1) La transcription d'une mlodie originale harmonise de manire tonale. Cette transcription estapproximative, tant donn les diffrences d'intervalles entre notre systme musical et les chellesarabes. Le compositeur se contente ici d'adapter.

    2) L'insertion de schmas rythmiques ou mlodiques typiquement orientaux ? ou reconnus tels ? citsd'une faon arbitraire. Dans ce cas, le compositeur assemble des matriaux sonores reconnus exotiquesdans une trame tout fait occidentale.

    3) L'vocation des musiques orientales d'aprs une perception globale de celles-ci. Le compositeur, aprsavoir interprt occidentalement la musique arabe, modifie les inflexions musicales naturelles notrepays selon les genres, les structures ou, plus simplement, l'allure gnrale de l'art voqu (7),

    sont pourtant tous dnaturants par rapport la musique originale , et sont en contradiction avec lescommentaires ultrieurs de cet auteur qui conclut notamment que David peut tre considr comme lefondateur d'une nouvelle cole d'exotisme, en introduisant une volont de reconstitution exacte de l'artmusical voqu (8). Bartoli justifie cette contradiction apparente en prcisant qu'en usant de cesprocds [David] s'efforce de dgager la posie de cet art musical et de montrer ses analogies avec lentre (9).

    Nous voici donc au tournant de la dmarche exotisante , pour passer la dmarche intellectuelle qui vaaboutir ce que l'on appelle, de nos jours, le mtissage : du moment que l'emprunt, ou la rfrence une musique, ne cherche pas accentuer les diffrences entre les deux cultures musicales ni tourner endrision la musique de peuples qui inquitaient encore (10) (11), la dmarche du compositeur est validemalgr les procds peu ou prou appropris utiliss dans ce but (12).

    Cette bienveillance, pousse son extrme, correspond une justification des moyens par le but, et posela question essentielle : est-ce que les bonnes intentions affiches par un compositeur (ou tout autreacteur du domaine culturel) suffisent justifier les actions envisages ou accomplies, qu'elles soientcompositionnelles ou de soutien aux cultures en question ? En d'autres termes, est-ce que les dclarationsd'intention, par des musiciens ou des musicologues, sur la valeur esthtique, culturelle ou tout simplementartistique d'une musique trangre suffisent pour la prservation des caractristiques essentielles de cettedernire en cas d'emprunt, ou est-ce la caution apporte par les autochtones qui devrait tre le critreprdominant ?

    Le corollaire de cette dernire interrogation est la question suivante : est-ce que les intresss eux-mmessont capables, culturellement, socialement et politiquement, d'appliquer des critres d'authenticitvalables pour les emprunts effectus leur insu, ou encore pour les mtissages auxquels ils se prtentvolontiers (quand ils ne les ont pas initis) ?

    Pour illustrer la pertinence de cette dernire question, essayons d'analyser un critre qui est devenu, selonla formulation de Bartoli, un signe conventionnel (par excellence) pour voquer les pays orientaux : la(fameuse) seconde augmente .

    L'exemple de la seconde augmente Danile Pistone souligne, dans un article sur les Conditions historiques de l'exotisme franais (13), que

    l'imitation [en musique] se doit d'tre comprhensible ; pour cela, il faut que l'auditeur puisse lareconnatre ? ft-ce dans sa nouveaut ? comme diffrente de la musique de son pays, de faon que lasensation de dpaysement soit relle : de l le succs [...] de la seconde augmente, si caractristiquedans la bacchanale de Samson et Dalila chez Saint-Sans .

    L'auteur rajoute (14) qu'

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    [i]l est cependant noter que Flicien David n'en avait pas fait un lment stylistique dans son Dsert(1844), alors qu'elle est bien prsente dans la civilisation islamique, ne serait-ce qu' travers l'appel dumatin (15).

    Il semblerait donc, toujours selon le mme auteur, que ce critre n'ait pas t d'emble adopt par lescompositeurs en tant que signature caractristique de l'Orient, notamment (peut-tre) cause de sonappartenance tsigane (16). Toujours est-il que la carrire de la seconde augmente caractristique dela musique orientale s'est poursuivie depuis avec le succs qu'on lui connat, au point de devenir lasignature principale de l'Orient (et, surtout, du dsert) dans, par exemple, les superproductionshollywoodiennes, notamment pour Lawrence d'Arabie (de David Lean, 1962) (17) : le thme principalde ce film est une variation sur l'chelle du mode ?ij?z-K?r (18) de la musique arabe qui, dans lesnotations arabes modernes , est considr comme compos de deux ttracordes ?ij?z successifs sparspar un intervalle de disjonction de valeur un ton soit, sur do (degr de repos traditionnel ) : do, rb, mi,fa, sol, lab, si, do (19). Cette chelle (comportant deux secondes augmentes ) est devenue tellementinsparable des vocations des pays orientaux que le compositeur (20) de la musique du film Astrix etOblix. Mission Cloptre (21) se devait de l'inclure (22) dans le gnrique de dbut. Parmi d'autresexemples, moins rcents, de films franais voquant l' Orient par l'utilisation de secondes augmentes(dans cet exemple dans le cadre d'une quinte de type nakr?z, soit l'quivalent d'un ton suivi d'unttracorde ?ij?z moderne ), la (trs exotisante) squence d'ouverture de french Cancan [Jean Renoir,1954], avec une (improbable) danseuse du ventre se dhanchant aux accents d'une clarinette et d'une fltejoues par des musiciens pseudo nord-africains (23).

    Cette identification de la seconde augmente avec les Arabes rserve nanmoins quelquessurprises aux musicologues s'intressant cet intervalle particulier, dont l'une en particulier est que cetteseconde augmente semi-tonale ne semble pas exister dans la musique arabe traditionnelle duMachreq, du moins jusqu' son utilisation par les compositeurs occidentaux et sa rintroduction, tempre et modifie, dans les schmas de la musique arabe par les Arabes eux-mmes. En effet,l'intervalle central du genre ?ij?z qui, dans les thories modernes du maq?m, est dcrit comme valant unton et demi (avec deux demi-tons en bordure pour complter la quarte juste) fait son apparition thoriqueau xive sicle chez Sh?r?z? (24), sous la forme (en rapports de longueur de corde) 12/11 ? 7/6 ? 22/21, soitl'quivalent d'une succession d'intervalles valant respectivement 151, 267 et 81 cents (arrondis au centprs). En multiples approximatifs du quart de ton, cette suite quivaudrait 3, 5 et 2 quarts de ton ensuccession, ou 352 en notation RS utilise en systmatique modale (25). La seconde augmente est icirduite 5/4 de ton, videmment incompatible avec le systme tonal, et d'autant plus dans un systmetempr en demi-tons (quasiment) gaux. La structuration en 3, 5 et 2 quarts de ton successifs (dont lesintervalles correspondent, dans la nomenclature des thoriciens occidentaux du maq?m, une secondeneutre , une seconde augmente neutre et un demi-ton) se retrouve de nos jours dans le dastg?-tsah?r-g? de la tradition iranienne, mais galement dans les traits thoriques du xve-xviie (sousune forme implicite) et du xixe sicles (explicite). Quant la pratique, Abou Mrad prcise que :

    [l]'analyse musicomtrique des documents sonores de musique savante gyptienne du dbut du XXesicle confirme ces tendances, mme si les secondes neutres s'y avrent tre plus resserres que 12/11 etque les secondes lgrement augmentes y sont plus larges que [7/6] (26).

    Le Congrs du Caire de 1932, qui allait entriner de facto l'adoption d'une grille de 24 quarts de tonsgaux pour l'chelle gnrale de la musique arabe (27), allait de mme entriner une volution du genre?ij?z vers la forme moderne que nous lui connaissons (262), qui correspond parfaitement l'utilisation dela seconde augmente (centrale) dans les musiques occidentales orientalisantes, mais galement l'utilisation actuelle du genre ?ij?z tel qu'il est enseign dans les conservatoires des pays arabes, telpoint que, pendant une rptition dans le cadre du suivi artistique de la formation La Famille du Oud (28)

    , et en raction une remarque que je faisais aux musiciens sur la possibilit de l'utilisation d'unintervalle central plus nuanc pour le genre ?ij?z, l'un des musiciens, soliste bien connu au Liban, arpliqu, un peu excd par mes arguments, qu' il n'y [avait] qu'un seul intervalle [central] de ?ij?z, celuidu piano . La justification fournie par les tenants de cette attitude est qu'il est ncessaire de temprer certains modes arabes (sous-entendre en liminer les intervalles comportant des multiples impairs duquart de ton) pour maintenir une cohrence rendue ncessaire par l'introduction du piano en musiquearabe (29) ; la cause essentielle de ce retournement de situation, de cette volution , rsideprobablement dans le dsir de musiciens arabes de se rapprocher le plus possible des schmas de lamusique classique occidentale, notamment par l'utilisation d'intervalles de l'chelle diatonique (et sesaltrations habituelles) quand cela tait possible, de manire inclure le piano (30) dans le panel desinstruments de la musique arabe. Cette approche tait dj clairement affiche au Congrs du Caire de1932 pour lequel al-Shawan signale par exemple que :

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    La Commission des Instruments s'est attache principalement apprcier l'utilisation des instrumentsoccidentaux dans l'excution de la musique arabe. Ses membres ont t diviss sur cette question : d'unepart, les protectionnistes, pour la plupart savants europens, [...] arguant du fait que, puisque lesinstruments de musique expriment des styles spcifiques, l'utilisation d'instruments trangers dansl'excution de la musique arabe serait inapproprie ; d'autre part, les modernistes, pour la plupartsavants et musiciens gyptiens, pour qui les instruments europens fournissaient une source nouvelled'inspiration. [...] Si les deux groupes tombrent d'accord sur l'adoption du violon qui avait depuis lorsremplac la rabbba dans les ensembles de musique gyptienne, l'utilisation du piano (31), du violoncelleet de la contrebasse fut sujette controverses. Le piano, alors populaire dans la bonne socitgyptienne, fut considr par tous comme impropre l'excution de la musique arabe, tandis que certainsmembres recommandaient d'tudier les possibilits de construire un piano reproduisant les intervallesarabes (32),

    et que,

    pour nombre de savants et musiciens gyptiens, le changement tait une tape oblige sans laquelle lasurvie de la musique arabe eut t menace. Dans ce cadre, la musique europenne fournissait unferment, un modle adopter, soit librement, soit, pour les plus attentifs la tradition, slectivement.Durant les annes 30, plusieurs genres de musique europenne s'taient si fortement enracins dans lefait musical gyptien qu'aucun jugement sur l'avenir de la musique arabe n'et pu tre formul qui ne laprt pas en considration (33).

    On peut galement supposer que l'admiration d'une partie (consquente) des musiciens arabes de l'poquepour cette musique occidentale classique (34) a trs probablement d influencer cette volution del'intervalle central du genre ?ij?z, influence accrue de nos jours puisqu'il suffit, titre d'exemple, deregarder la tlvision Al Manar pour s'en convaincre : le piano est omniprsent dans la musique diffuse,de mme que les arrangements harmoniques, notamment pour l'accompagnement d'hymnes et dechants patriotiques, et principalement sous la forme de claviers-arrangeurs (parfois quarts de ton).La mode des claviers-arrangeurs orientaux a en fait boulevers la donne un point tel que, de nosjours, mme les groupes folkloriques utilisent ces instruments pour compenser qui le manque d'un joueurde mijwiz (clarinette double en roseau de la musique arabe), qui d'autre d'un joueur de rab?ba, etc.Souvent d'ailleurs, des enregistrements de studio de musique folklorique sont effectus avec un seulinstrument traditionnel, l'accompagnement, fortement harmonis , tant effectu surclaviers-arrangeurs et l'aide de squenceurs (35).

    Par ailleurs, le mode ?ij?z-K?r, not 262[4]262 (36) par la majorit des thoriciens contemporains (37) (partir de 1932), est dcrit l'poque de la Nah?a (renaissance arabe des annes 1798-1918) par K?milAl-Khula? (38) comme correspondant 253[4]253 (39), soit deux ttracordes ?ij?z-k?r runis par unintervalle de disjonction (40). Cette configuration dcoule naturellement de l'chelle intervalles zalzaliens (41) du maq?m R?st (mode principal de la musique arabe), dont les degrs principaux sont do, r, midb, fa, sol, la sidb, do (42) (en considrant que l'approximation en multiples de quart de ton estsuffisante pour une description qualitative de cette musique) ; l'chelle du mode ?ij?z-K?r est note,traditionnellement, sur le degr R?st, quivalent au do de la notation occidentale ; pour intgrer unintervalle central lgrement augment au sein du premier ttracorde do-fa, une seule altration estsuffisante, en l'occurrence l'abaissement du 2e degr de l'chelle, soit le r qui devient rb (figure 1, lignedu haut) ; le mme principe est appliqu au ttracorde suprieur avec maintien du sidb et altration du laen lab (figure 1, ligne du bas).

    Cette procdure, qui vise altrer le moins possible de degrs de l'chelle gnrale (principe d'conomiede moyens), est galement applicable pour le mode ?ij?z, notamment pour le premier ttracorde sur r(degr de dpart traditionnel de l'chelle du mode ?ij?z en musique arabe), soit l'altration d'un degrunique au sein du ttracorde r-sol, le fa tant hauss fa#, avec pour rsultat un ttracorde ?ij?zquivalent r-midb-fa#-sol.

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    Figure 1. Transition de l'chelle du mode R?st vers l'chelle du mode ?ij?z-K?r tel que dfinie parKhula'?.

    On pourra certes formuler une objection quand l'utilisation de ces intervalles en musiques arabesactuelles, et considrer cette mutation du genre ?ij?z vers le chromatisme demi-tonal strict comme unevolution normale (43) ; il n'en reste pas moins que cette volution n'est apparue que suite l'invasion de la musique arabe par les schmas, notamment orientalisants, de la musique europenne desXIXe-XXe sicles (44). Une autre objection pourrait concerner le ?ij?z des thories turques de la musique :s'il est vrai que, dans certaines de ces thories, les intervalles thoriques successifs de ce genre seraientquivalents un apotom 2187/2048 ? seconde augmente 32/27 ? limma 256/243 (soit les quivalents encents 114 ? 294 et 90 cents) (45), la pratique musicale dment par contre ces intervalles thoriques pourleur substituer des intervalles effectifs se rapprochant, notamment pour l'intervalle central, du 5/4 de tonapproximatif des thories et pratiques anciennes (46). Cette pratique a t par ailleurs confirme l'auteurpar le musicien et musicologue Kudsi Erguner (47), nommment l'utilisation en musique turquetraditionnelle, de prfrence et selon l'enseignement des matres, d'une seconde lgrement augmente dont il me fit la dmonstration ( 242 c., figure. 2-gauche), ainsi que d'une seconde augmente exagre( 323 c., figure. 2 ? centre), viter dans la pratique musicale.

    Dans le relev frquence/temps de la version complte de ce ttracorde (seconde augmente 232 c.,segments S7 S13 sur la figure 2-droite), nous remarquons galement la fluctuation des degrs (enl'occurrence le degr midb ? en notation relative n III ? tableau 1, et le fa#) et celle, relative, de laseconde augmente (237 c. et 232 c., contre 242 c. dans l'exemple situ gauche sur la figure) ; endescente, les deux degrs se rapprochent de la tonique, mais l'intervalle central reste pratiquementinchang (48).

    Figure 2. Nuances du genre ?ij?z ? Kudsi Erguner (49).

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    Tableau 1. Nuances du genre ?ij?z ? Kudsi Erguner.

    Qu'en est-il donc de la seconde augmente l'occidentale, suppose tre caractristique de la musiquearabe et passe dans la thorie contemporaine de cette musique ; probablement un premier exemple de rencontres a-culturantes du ct arabe ? (50)

    Rappel sur les instruments et sur certainesparticularits techniques de la musique arabeLa musique arabe, traditionnellement monodique et htrophonique en modes (pseudo temprs ou) nontemprs, a des caractristiques d'excution (pour la partie mlodique) qui ncessitent des instruments demusique divisions multi-continues (51) tels le '?d, la kamansha, la jawza, le rab?b etc. seuls capablesd'excuter des lignes mlodiques, non soumises un temprament fixe, simultanes ou se succdantlinairement sans changer d'accordage.

    Les autres instruments de musique arabe mlodique (52) ont une limitation drastique : soit il faut parfoischanger l'accordage (par exemple le san??r ou le q?n?n ? avec notamment pour le dernier l'utilisation declefs battantes pour modifier les hauteurs) en changeant de modes, ceci sans possibilit de crer desvariations intonationnelles (fluctuations de degrs, prfrence pour des positions de degrs selon le mode,la rgion, la culture, etc.) (53) l'excution, soit il fallait (il faut toujours) changer d'instrument, commepar exemple pour le N?y (54) ; seule la voix humaine (en musique arabe traditionnelle) a une souplessecomparable celle des instruments divisions continues pour l'excution des modes (55).

    En ajoutant ce qui prcde que :1.

    Les intonations (placement effectif des degrs de l'chelle du mode par rapport l'chelle thorise,fluctuations de ces degrs dans le cours du jeu, tolrances dans l'excution, htrophonie del'accordage et de la reproduction des degrs de l'chelle (56) dans le cas normal de prsence deplusieurs instruments ? y compris la voix) pour un mme maq?m sont diffrentes selonl'instrumentiste (ou le chanteur), le type d'instrument utilis, la rgion ou le pays (57), ou mme selonl'inspiration du musicien pendant la performance (58).

    2.Une modulation (changement de mode) peut entraner un changement de l'accordage utilis, demme pour une transposition (59).

    3.Et que, par consquent, l'htrophonie multiforme (ou multiple) de la musique arabe, caractrisepar :

    1.Des dcalages temporels entre les performances des musiciens (entre eux) et du chanteur.

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    2.Des diffrences d'accordage entre diffrents instruments.

    3.Des variations intonationnelles et des fluctuations des degrs en cours de jeu.

    4.La diversit des tempraments (positionnements lgrement diffrents, mais nanmoinsperceptibles, des degrs de l'chelle) utiliss par des musiciens appartenant une mme formationmusicale.

    5.Des modulations entranant des modifications des hauteurs absolues et relatives, et par l mme unenouvelle htrophonie des intonations (60) (accordages, variations intonationnelles et tempraments modifis selon l'instrument et la pratique de chaque musicien).

    6.L'utilisation frquente de la diaphonie bourdon ou ostinato mlodico-rythmique (61).

    7.La technique de jeu consistant en une utilisation libre par chaque musicien, dans certains passages,d'lments scalaires appartenant l'chelle du maq?m perform, sous forme de variations dans laformulation du phras mlodique (62)

    est une caractristique majeure de la musique arabe traditionnelle (63), on se rend compte trs rapidementque le problme du temprament, surtout gal, peut tre rdhibitoire dans toute tentative de rencontre .

    Les problmes pratiques qui se posent souvent (hormis la question de l'htrophonie) sont ceux de lacompatibilit des instruments avec l'utilisation d'une musique dont les degrs peuvent s'tendre l'ensemble continu des hauteurs, mesurables ou non ; en effet, et indpendamment de la questionessentielle de l'htrophonie multiple vocalo-instrumentale, une suite de transpositions-modulations,procds pour le moins courants en musique, peuvent amener (thoriquement) une extension des hauteursabsolues des degrs du premier temprament utilis toutes les hauteurs intermdiaires, mesurablesou non. Il est vrai que les compositions en musique arabe classique ont en pratique un nombre limitde modulations (prvues), et que la majorit de ces compositions tend cadencer dans le mode dedbut ; ceci n'empche qu'une composition en musique arabe moderne , de surcrot dans uneperspective polyphonique (voir infra dans le texte), peut trs bien avoir une volution linaire diffrente.Une transposition de do vers S?k? (midb), par exemple, va d-temprer toute l'chelle utilise, surtoutsi le S?k? n'est pas tempr gal (situ 3/4 de ton exact au dessus du r). Une suite de transpositionsde ce genre peut amener parcourir de plus en plus de degrs intermdiaires (et non identifis dans lesthories contemporaines, sinon anciennes) de l'chelle, d'o l'impossibilit d'un temprament unique.

    partir de ce raisonnement, il est possible de conclure que l'intgration de la seconde augmente dansla musique arabe n'est, en dfinitive, qu'un des symptmes de l'invasion culturelle de cette dernire par lamusique occidentale aux deux derniers sicles, la question essentielle pour la premire ayant t, tout aulong du sicle dernier, celle de l' harmonisation , passage oblig (64) pour les compositeursautochtones forms en Occident ou dans les conservatoires des pays arabes.

    En effet, et dpassant les craintes d'un Muhammad Al-Mann?bi Al-Sann?si dclarant en 1959 (65) que :

    lorsque l'auteur [Erlanger ? voir note de bas de page] crivait le cinquime tome de son ouvrage, l'artdont il s'tait attach classifier les lments, codifier les rgles et prciser les formes tait un artmenac de dclin. Il ne pensait cependant pas que ce dclin allait bientt survenir et aboutir aussitt une disparition quasi spontane. Durant les annes [...] qui suivirent la mort d'[Erlanger] (survenue enoctobre 1932) on a vu, en effet, surgir dans le monde musical arabe ? notamment au Caire, la mtropoledes arts modernes ? des artistes d'un type nouveau, ayant dlibrment rompu avec la tradition classiquepour satisfaire le got des gnrations nouvelles dsireuses d'un nouvel art qui s'alignerait sur la normed'une musique populaire internationale que le disque phonographique et la radio ont fait introduire danstous les foyers. [...] Cette tendance n'a cependant pas trop boulevers l'ancien systme mlodique dont lesmodes les plus caractristiques ? aprs avoir t dlaisss un moment pour les modes majeur et mineurde la musique occidentale ? ont t par la suite adapts la nouvelle musique dont ils se sont peu prsaccommods. Dans le domaine de la rythmique, le changement a t radical. [...] Quant aux formesclassiques de composition, elles ont t purement et simplement abandonnes, sans retour ; mais cellesqui les ont remplaces sont encore trs diverses et trop changeantes pour donner l'impression d'unsystme stable et bien dfini ,nous nous rendons compte que cette analyse est aujourd'hui largement dpasse par la ralit, notammenten ce qui concerne la prservation de l'ancien systme mlodique ; le dsir de polyphonisation ,

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    d' harmonisation ( comparer avec le dsir d'harmonisation de la musique arabe par des compositeursoccidentaux) et d' amlioration de la musique arabe chez les compositeurs de mme appartenance(dclare ou non), a en effet initi une mutation qui semble aujourd'hui quasi irrversible, perceptible djdans les enregistrements 78 tours de l'aprs Premire Guerre Mondiale (66). Cette harmonisation a trige en vrai programme par les politiques culturelles de ces pays et peut tre rsume par le pland'action de Toufic Succar (67), compositeur libanais form en France et qui proposait dj en 1954 lesdmarches suivantes :

    Pour les compositeurs :1. Employer largement les rgles de l'harmonie occidentale adaptes notre musique.2. Ne pas se laisser arrter par la question des formes musicales qui n'est pas urgente. Utiliser au besoinles formes occidentales : suite, sonate, etc.3. Employer les instruments orientaux.

    Pour les Instrumentistes :Acqurir une technique analogue la technique occidentale.

    Pour les thoriciens :Codifier les rgles de notre musique et fixer ses gammes.

    Pour les gouvernements arabes :1. Fortifier les branches orientales dans nos conservatoires o les tudes doivent tre rationnelles, et neplus sparer par une cloison tanche l'enseignement des deux branches occidentale et orientale.2. S'occuper de la fabrication d'un piano arabe indispensable des expriences futures (68).Ce plan d'action a t appliqu avec succs, dans tous ses dtails, rsultant notamment en des mthodesd'instruments de musique arabe imposant une technique et une pratique occidentales (modes majeur etmineur exclusivement les 3 premires annes (69)) et prconisant l'galisation des intervalles utiliss (70),ainsi que des manuels ou crits thoriques de musique arabe bass sur les thories occidentales (71),sans oublier l'enseignement obligatoire du solfge et des thories de la musique occidentale les premiresannes pour les tudiants de musique orientale (souvent contre l'avis des enseignants, d'ailleurs). Cettevolution est parallle celles constates dans d'autres pays arabes (ou de la zone du maq?m), notammenten gypte, et comparable celle impose par Atturk en Turquie (72), et a abouti dans la pratique (73) uneperte quasi dfinitive de l'htrophonie multiple de la musique arabe ainsi qu' une galisationgnralise, au Machreq, des intervalles utiliss sur la base de multiples exacts du quart de ton (74).

    Musiques contemporaines Dpassant les proccupations des compositeurs classiques (75), plusieurs compositeurs arabes (oud'origine arabe) ont tent d'utiliser pour leurs oeuvres le langage musical emprunt la musiquecontemporaine occidentale (76). part les travaux pionniers de Soliman Gamil (77), une nouvellegnration de compositeurs, forme en Occident, tente actuellement un retour aux sources intelligent :dans une intervention dans le cadre du colloque Maqm et cration , organis par la Fondation del'Abbaye de Royaumont en octobre 2005, le compositeur franco-libanais Zad Moultaka (78) abordaitd'ailleurs de front la question de l'volution en musique en basant son expos (79) sur des extraits desthories de Darwin et de Lamarck, et en revendiquant le droit de bousculer les traditions tablies endclarant (notamment) que :

    [c]oncernant l'attitude vis--vis de la tradition il est difficile d'identifier ce qui relve du rapport unesorte de loi sacre indiscutable et ce qui relve de la notion d'habitude, laquelle n'est pas sans relationavec une forme de paresse mentale ou de confort existentiel. Dans ces deux cas, le danger d'touffementest imminent (80).

    Moultaka, comme tant d'autres compositeurs (arabes ou d'origine arabe) forms en Occident, s'taitauparavant heurt de front aux ralits de la situation de la musique arabe, des diffrences detemprament, des relations et incomprhensions entre musiciens de cultures diffrentes (81), desincohrences des thories et des descriptions (si peu) autochtones, de la standardisation de l'improvisation

    (82), etc. Ces complications ne favorisent videmment pas une synthse musicale permettant aux compositeurs de s'exprimer dans un langage musical suppos moderne et universel ; car la position de ce compositeur correspond bien celle d'un moderniste face au poids de la tradition, mais cette attitude, lgitime, est complique par le fait que cette tradition est elle-mme, de nos jours, dilue dans un magma tonalisant et harmonisant qui a rsult en ce que nous appelons de nos jours la musique arabe classique . Elle est galement biaise par le fait que la rfrence de la modernit reste toujours, pour ces compositeurs, inspire par la dmarche des musiciens occidentaux, et que la musique occidentale, sous ses diffrents aspects, reste le vecteur principal de leurs oeuvres.

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    Dans ce cadre Moultaka, comme tant d'autres avant lui, a d rsoudre le problme essentiel del'intgration des intervalles zalzaliens dans le cadre d'une musique compose essentiellement avec, etpour, le piano occidental. Une des solutions prconises par le compositeur dans ses adaptations des muwashsha??t (forme de la musique arabe classique), consiste en une coexistence de deux tempraments(au moins), celui du piano et celui exprim travers le jeu du '?d, en mode ?ab? (dont l'chelle principaleutilise les degrs ascendants r, midb, fa, solb, la, sib, do, rb) (83) dans le muwashsha? A'taytuh? M?Sa'ala. Pour le jeu du piano, Moultaka transforme l'chelle de ce maq?m en une des variantes du maq?m ?ab?-Zamzam? (chelle quivalente celle ? normalise pour le passage d'octave ? du ?ab? mais avec unmib au lieu du midb) et cre une zone d'instabilit lui permettant de faire coexister les demi-tonsquasi-exacts du piano et les 3/4 de ton approximatifs de la voix ou du '?d. Le dialogue entre piano et '?ddans la dernire partie en est un exemple frappant. Paradoxalement, en risquant la superposition (mib et midb dans notre exemple), le compositeur cre un frottement qui rappelle quelque peu l'htrphoniemultiple de la musique arabe (84).

    Ce type de procds se retrouve d'ailleurs, un niveau presque caricatural, dans les rencontres du type world music (85), ou travers une musique considre comme plus noble par les musiciens arabesde formation acadmique, le jazz. Ce dernier intgre une caractristique importante, commune avec lamusique arabe, qui est l'improvisation (86), et a t, notamment depuis la Suite d'Ellington (87), un desvecteurs privilgis des rencontres musicales arabo-(africano)-occidentales (88). L'acte fondateur (etprcurseur) de cette mouvance aura t constitu (89), en dfinitive et dans le sens Orient vers Occident,avec les enregistrements d'Ahmad Abdul-Malik, '?diste et contrebassiste d'origine soudanaise, NewYork, la fin des annes 1950 (90). La formule d'Abdul-Malik, originale pour l'poque, consistait fairejouer ensemble un takht sharq? (91) et un combo de jazz (92), dans lesquels il tenait alternativement le rlede '?diste et de contrebassiste, avec de grands (et moins grands) solistes de jazz de l'poque tels JohnnyGriffin au saxophone tnor, Al Harewood la batterie, le trompettiste Lee Morgan et le saxophonistetnor Benny Golson, ainsi que Curtis Fuller (trombone) et Jerome Richardson (flte). Abdul-Malik estvraisemblablement le premier avoir offert une rencontre aussi audacieuse de ces deux musiques (93).Mais le jazz a toujours t, entre autres pour des raisons sociales, ouvert aux musiques du monde , etcette ouverture sur l' Orient (entre autres) a fait que le rpertoire jazz/musiques extra-europennes est nettement plus tendu que celui de la musique europenne comparable. Citons, en particulier, Bluesfor the Orient de Yusuf Lateef (94), Blue Rondo la Turk de Dave Brubeck (95) et Badia de WeatherReport (96) parmi des tentatives innombrables de rapprochement de ces musiques dans le cadre gnral du jazz modal lanc par John Coltrane et quelques autres grands musiciens du jazz dans les annes 1960 (97)

    .

    Les motivations de ces musiciens (et de beaucoup d'autres) sont assez varies, et peuvent (arbitrairement)tre subdivises en trois cheminements principaux :

    1.Le dsir d'ouverture sur d'autres cultures, une relle volont de comprhension ou de rechercheidentitaire, travers un processus social qui s'exprime naturellement en musique.

    2.Un intrt purement musical pour ces musiques extra-europennes, doubl parfois d'un dsir deconnaissance.

    3.La recherche d'un certain exotisme musical qui n'est pas sans rappeler les emprunts turcs de lamusique classique.

    Dans le cas d'un intrt rel pour les musiques rencontres , la dimension sociale de cette dmarchenous parait claire : le dsir initial est double, d'un ct de l'Occident vers l'Orient, dans un dsir deconnaissance, de l'autre de l'Orient vers l'Occident, dans la volont d'chapper la marginalisation et derecouvrir une identit culturelle.

    Toujours est-il que, dans toutes ces tentatives ou emprunts, les caractristiques essentielles de la musiquearabe ne sont pas prserves, cause surtout et avant tout de difficults techniques devenues quasirdhibitoires avec la gnralisation des claviers-arrangeurs, mettant le piano la porte de tous lesmusiciens. En effet, et mme en cas de possibilit de changement du temprament pour un instrument quiest la base tempr gal, et en posant comme acquis que les musiciens l'origine de ces tentativesdsirent se rapprocher au plus prs de la musique arabe et de ses intervalles zalzaliens, le changementrsulte toujours en un nouveau temprament qui, de facto, va s'carter de l'htrophonievocalo-instrumentale originelle (98). Les tentatives de formations autochtones de jazz (99) se sont heurtesaux mmes cueils, soit ceux du temprament et de l'htrophonie, mais galement au manquequasi-gnralis de culture musicale arabe chez ces mmes musiciens gnralement forms aux

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    techniques occidentales de composition (100) ; en effet, la seule rfrence disponible, en l'absence d'unenseignement traditionnel de cette musique, est le recours aux manuels et/ou aux enregistrementsexistants. Dans les (rares) cas o les musiciens autochtones ont eu accs un enseignement traditionnel (101)

    , les bauches de mtissages sont restes limites (102) cause des problmes techniques citsprcdemment, ainsi que du manque de maturit artistique chez la majorit des musiciensaccompagnateurs.

    Rajoutons cela le grand (et ternel) problme (dans les deux sens Orient-Occident et Occident-Orient, etcomme toujours en cas de mode ), la rcupration du phnomne par les Majors , et l'imposition defait d'un plus petit (bas) dnominateur commun qui aboutit une musique standardise qui trouve sonaboutissement dans la world music , et qui ignore videmment (encore plus) les caractristiquesessentielles des musiques victimes des emprunts (103). Cette dernire, quand elle ne se contente pas defaire appel aux instruments de musique arabe uniquement comme coloration exotique, applique souventune recette connue de la plupart des musiciens arabes (104) qui consiste en la superposition d'unechelle pentatonique anhmitonique sur r (soit r, fa, sol, la, do, r en degrs ascendants) avec l'chelledu mode Bay?t de la musique arabe (galement sur r) et dont les degrs de l'chelle sont les mmes, enrajoutant le midb et le sidb (ou simplement bmol pour ce dernier) (105).

    Critres d' authenticit pour des rencontres musicales...Tout comme le regard de l'Occident sur la musique arabe a influenc les musiciens des pays o elle estpratique, tout autant le regard de ces derniers en direction de la musique occidentale a modifi les traitscaractristiques de la musique arabe, la faisant muter vers un ersatz hybride ne constituant plus qu'unecaricature de la musique traditionnelle originale. En effet, des caractristiques du syncrtisme musicaloriginel mditerranen, soit (comme l'crit Nidaa Abou Mrad (106)), la monodie, la modalit, l'intonation zalzalienne, la prpondrance rythmique verbale, la potique modlisatrice traditionnelle, l'improvisationet l'esthsique musicale du sens transcendant (107), peu de traits survivent dans les traditions musicalesdes pays arabes aujourd'hui...

    Le domaine de la monodie s'est rduit en peau de chagrin, circonscrit quasiment exclusivement lacantillation coranique et certains chants d'glise rsistant encore l'harmonisation outrance durpertoire, la modalit emprunte les schmas de la musique tonale, les intonations zalzaliennesdisparaissent au profit du temprament gal, l'improvisation ne survit que sous forme de clichs dans lesaspects les plus caricaturaux du taqs?m instrumental, la rythmique cyclique est prpondrante, et, surtout,l'htrphonie multiple vocalo-instrumentale a quasiment disparu du rpertoire.

    Que reste-t-il donc rencontrer dans cette musique arabe, dj transforme en profondeur et secoulant de plus en plus dans les schmas de la musique globale , elle-mme issue de la tonalitclassique occidentale ?

    En considrant les caractristiques essentielles de cette musique, envisager une approche neutre , quipourrait s'imposer aux emprunteurs tout comme aux prteurs , revient proposer, avant tout, unretour aux sources de cette musique et une r-exploration du modle initial, la rfrence l'authenticitne pouvant se faire que par rapport au moule originel (108). La seule voie d' authenticit semble biendonc tre ce retour aux sources pour les musiciens arabes (en essayant de dpoussirer leurs musiques desemprunts faits l'Occident), et l'accs ces mmes sources pour les emprunteurs et autresdemandeurs de rencontres venus du monde occidental (109).

    L'auteur, lui-mme acteur de la scne musicale des rencontres Occident-Orient, fait ici uneproposition ( risque) de caractrisation des critres qui devraient tre retenus pour ces rencontres soit, enreprenant les caractristiques dfinies par Abou Mrad, garder, en ce qui concerne le niveau purementanalytique (indpendamment du processus cratif ou reproductif) :

    1.La modalit,

    2.L'intonation zalzalienne,

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    3.La prpondrance rythmique verbale (qui influence le phras musical),

    et y rajouter l'htrophonie multiple vocalo-instrumentale, indispensable selon nous pour compenser uneperte ventuelle de l'exploration mlodique suite une polyphonisation ? chemin quasi invitable pour lamajorit des mtissages ? de la musique arabe ; l'inclusion de l'improvisation, qui ncessite pour le moinsune matrise technique de l'instrument (ncessaire la reproduction des intervalles zalzaliens) ainsi qu'uneassimilation suffisante du modle originel, serait videmment un plus apprciable.

    Il va sans dire, cependant (et nous insistons l-dessus), que la seule voie, toujours selon nous, pour desrencontres authentiques serait que, pour le moins, les musiciens autochtones sachent performer (etenseigner) eux-mmes et au pralable leur musique originelle, et non pas un ersatz accultur.

    Plus gnralement dans le domaine de la musique arabe, la question primordiale serait de dterminerpourquoi l'Occident et sa musique sont devenus, par un raccourci tonnant, synonymes de modernit (110)pour les musiciens et les socits arabes (111) ? En quoi est-ce que se conformer un modle existantdepuis des centaines d'annes, de surcrot exogne, pourrait-il donc bien symboliser un dsir dechangement dj enclench depuis le XVIIIe sicle ? Que reste-t-il donc de cette musique (arabe) moderniser ? Que reste-t-il lui emprunter ? Que reste-t-il lui donner ?

    Autant de questions poses, parfois implicitement, tout au long de cet article, et bien peu de rponses,hlas...

    1. Pour les syncrtismes originels des musiques de la Mditerrane, se reporter l'article de Nidaa AbouMrad, Compatibilit des systmes et syncrtismes musicaux : une mise en perspective historique de lamondialisation musicale de la Mditerrane jusqu'en 1932 , article publi dans ce mme numro de Filigrane, pp. 93-120.

    2. Cf. Danile Pistone, Les conditions historiques de l'exotisme musical franais , in RevueInternationale de Musique Franaise, L'exotisme musical franais , n 6, Genve, Slatkine, 1981,p. 12 :

    Focalisant notre examen sur le XIXe sicle, nous observerons aussi que la succession des diffrentsexotismes est bien lie aux vnements politiques : l'Orient connat un rgime de faveur depuisl'expdition d'gypte (1789), les vocations du Maghreb l'emportent aprs la prise d'Alger (1830),chasses par l'approche de l'Extrme-Orient lorsque, le Japon s'tant ouvert la France sous le SecondEmpire, sa puissance s'affirme la fin du sicle .

    3. Cf. Hector Berlioz, Les soires de l'orchestre, 2e d., Paris, Michel Lvy, 1862, pp. 278-279, [cit dansAndr Shaeffner, Origine des instruments de musique. Introduction ethnologique l'histoire de lamusique instrumentale, Paris, ditions de l'EHESS, 1994, p. 13 et p. 309], opposer l'attitude intressede Debussy et d'autres compositeurs (cf. Andr Shaeffner, ibid., et Philippe Albra, Les leons del'exotisme , in Cahiers de musiques traditionnelle, nouveaux enjeux , n 9, Genve, Ateliersd'Ethnomusicologie, 1996).

    4. titre d'exemple, pendant une des premires rptitions d' An?sh?d , composition (polyphonique,sinon harmonise) de Zad Moultaka pour orchestre cordes (pour l'occasion franais) et choeur arabe au Liban en juillet 2000, le premier violon, ragissant un passage complexe en 11/8, arrta la rptitiond'autorit et dclara hautement au compositeur : vous devriez crire de la Musique, Monsieur . Cette incomprhension se dissipa ? partiellement ? avec les rptitions. Comparons la raction d'unemusicienne (galement franaise), par ailleurs une habitue des rencontres musicales , uneadaptation en jazz arabo-funk de la Gnossienne n 1 de Satie qui suscita sa rprobation ainsi quel'interrogation : mais pourquoi faites-vous a avec la musique occidentale ? Faites-le avec Votre musique (exprience personnelle de l'auteur). Satie parat par ailleurs attirer les compositeurs dans lazone du maq?m, l'exemple d'un enregistrement rcent de musiques de ce compositeur en version turque [cf. Ensemble Sarband, Satie en Orient, Collection Doumtak, Nocturne, 2005].

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    5. Jean-Pierre Bartoli, La musique franaise et l'Orient : propos du Dsert de Flicien David , in Revue Internationale de Musique Franaise, L'exotisme musical franais , n 6, op. cit., p. 33 (La miseen italiques est de nous).

    6. Qui relvent surtout de l'adaptation du rythme et de l'harmonisation de la mlodie. Les autres procdspeuvent concerner le timbre (exotisme des instruments), le phras mlodique ou encore la polyphonieextra-europenne.

    7. Ibid., p. 36. L'auteur soulve par ailleurs le problme clef de l' harmonisation de la musique arabe(p. 35).

    8. Ibid., p. 38.

    9. Idem.

    10. Qui inquitent toujours d'ailleurs (ou nouveau)...

    11. Bartoli, op. cit., p. 38.

    12. Remarquons ici que certains compositeurs utilisent subtilement le rapprochement entre culturespour reproduire une image dformante et rductrice des Orientaux ; ceci est particulirementdcelable dans des musiques de films, par exemple Peter Jackson, The Lord of the Rings. The Return ofthe King, 2003 (musique par Howard Shore) (cf. analyse de certains aspect de la musique de ce film dansAmine Beyhom, L'interaction de la musique et de l'image : l'exemple de la trilogie du Seigneur desAnneaux , in Regards n 7, Beyrouth, Publications de l'USJ, janvier 2005).

    13. Op. cit., p. 18.

    14. Ibid., note n 14.

    15. L'utilisation d'une seconde augmente dans l'appel [ la prire] du matin ne semble tre niimpose, ni limite au matin ; l'auteur, parmi les appels la prire des cinq muezzins (ou l'enregistrementde leurs voix) qu'il a l'occasion d'entendre tous les jours (et les nuits), a pu clairement discerner des secondes augmentes d'autres moments de la journe, tout autant qu'il n'en a pas ncessairemententendu pour l'appel [ la prire] du matin ; Bernard Mauguin, dans L'appel la prire dansl'Islam , in Jacques Porte (d.), Encyclopdie des musiques sacres, Paris, Labergerie, 1968,pp. 404-409, prcise d'ailleurs (p. 405) que l'utilisation des maqam-s dans l'appel la prire est assezlibre. Il n'est pas possible d'en dresser un tableau exact , et que le mode ?ij?z.(cf. infra dans le corps detexte de l'article) est notamment et effectivement utilis dans ce cadre en Syrie et en Jordanie pour l'appel la prire.

    16. Danile Pistone, idem.

    17. Partition originale signe par Maurice Jarre.

    18. La convention adopte dans cet article pour les noms de modes et degrs de la musique arabe est lasuivante : un nom de genre sera crit en minuscules, un nom de degr en majuscules, et un nom de mode (maq?m) sera crit avec une majuscule initiale ; ceci donne, par exemple, un genre s?k? dbutant sur ledegr S?k? et constituant le premier genre de la combinaison de polycordes rsultant en l'chelleprincipale du maq?m S?k?. Par ailleurs, le mode ?ij?z-K?r semble tre, pour les traditions musicalesarabes, d'origine ottomane, et est frquemment utilis en alternance avec le mode Kurd (et appel dans cecas ?ij?z-K?r-Kurd), ce dernier correspondant un mode de mi, galement sur degr de repos do.L'utilisation de ce mode est aisment dcelable dans la musique flamenca, par exemple Ins Bacn, Y a lapuerta llaman, 8e morceau dans flamenco vivo ? Soledad Sonora, B6873 ? AD 100, dans lequel lachanteuse alterne les genres selon la succession schmatique (note de repos ramene de do# do en

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    notation absolue des hauteurs) :

    1) genre 'ajam ( majeur ) sur do

    2) genre 'ajam, annonce de genre ?ij?z

    3) mode ?ij?z-K?r (jusqu' lab, sensible si)

    4) genre ?ij?z (amorce haute) et modulation en genre 'ajam (ttracorde du bas)

    5) genre 'ajam

    6) mode ?ij?z-K?r (jusqu' lab)

    7) genre ?ij?z (amorce haute sur sol) et modulation en genre 'ajam (bas)

    8) mode ?ij?z-K?r (jusqu' lab)

    9) mode ?ij?z-K?r, modulations en genre 'ajam et en genre kurd (ou genre de dpart du mode de mi,quivalent approximatif d'une succession de un demi-ton et de deux intervalles valant un ton ? ttracordedu bas)

    10) fin en genre 'ajam sur do.

    19. La note de repos pour la musique de Jarre est ici le sib.

    20. En l'occurrence Philippe Chany.

    21. Par Alain Chabat, 2002.

    22. Sur note de repos rb.

    23. Mais l'chelle du mode ?ij?z-K?r semble avoir remport la prfrence des compositeurs occidentaux,au point qu'elle est utilise de nos jours sans rfrence ncessaire ou explicite une quelconque arabit , comme par exemple dans le gnrique du film Pulp Fiction, de Quentin Tarentino (1993).

    24. Pour toutes les prcisions historiques sur les nuances du genre ?ij?z jusqu' l'poque de la Nah?a, sereporter Nidaa Abou Mrad, chelles mlodiques et identit culturelle en Orient arabe , inJean-Jacques Nattiez (d.), Musiques. Une encyclopdie musicale pour le XXIe sicle, Musiques etcultures , vol. 3, Arles, Actes Sud, 2005, pp. 788-789.

    25. Cf. Amine Beyhom, Systmatique modale : gnration et classement d'chelles modales in Musurgia XI/4, Paris, 2004 : cette notation intervallique est utilise notamment par les thoriciens arabescontemporains ; un genre ?ij?z constitu de 3 intervalles successifs (ascendants) de 3, 5, et 2 quarts de tonsera not 352.

    26. Abou Mrad, ibid., p. 789.

    27. Cf. Scott Marcus, Arab music theory in the modern period, thse de doctorat reproduite par procdde fac-simil par UMI Dissertation Services, Ann Arbor, 1995, p. 825.

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    28. Au Liban le 27 septembre 2002.

    29. Il est tentant ici de faire la comparaison avec ce qu'crivait Maurice Collangettes au sujet de laperception musicale entre Orient et Occident : Si nous n'aimons pas la musique orientale, les Orientauxnous rendent notre antipathie avec usure (Maurice Collangettes, tudes sur la musique arabe , in Journal Asiatique, srie X, t. 3, 1904, p. 366). Les choses ont bien chang depuis, notamment pourCollangettes ( l'poque enseignant l'Universit St-Joseph, Beyrouth) qui fut le prsident de la Commission de l'chelle musicale pendant le Congrs du Caire (cf. Recueil des Travaux du Congrsde Musique Arabe qui s'est tenu au Caire en 1932 (Hg. 1350), Le Caire, Imprimerie Nationale Boulac,1934, p. 39 et p. 42, et notes infra).

    30. Ainsi que d'autres instruments temprs sur une base semi-tonale, comme la guitare par exemple.

    31. Cette volution remonte au dbut du sicle dernier, plusieurs pianos quarts de ton ayant tmis au point partir des annes 20, notamment au Liban [Bchir Odeimi, Al?t m?s?qiya mu'addala liIstikhd?m?t At-Ta'l?f wafq At-Taqaniya Al-Gharbiya 'Ind Al-M?s?qiy?n Al 'Arab [Instruments demusique modifis en vue de la composition selon les (rgles) techniques occidentales chez les musiciensarabes], in Shehrazade Quassem-Hassan (d.), Dir?s?t fil M?s?q? Al 'Arabiya ? M?s?q? (A)l Mad?na,Al Mu'assasa Al 'Arabiya lid-Dir?s?t wan-Nashr, Beyrouth, 1991 : l'auteur dcrit notamment (p. 120) leprototype de piano occidental-oriental de mile 'Ary?n, expos au Caire en dcembre 1922].

    32. Salwa al-Shawan Castelo-Branco, Mutations dans la musique gyptienne. Une question majeure auCongrs de Musique arabe , in Musique Arabe. Le Congrs du Caire de 1932, Le Caire, CEDEJ, 1992,p. 45.

    33. Ibid., p. 46.

    34. Sur la relation des musiciens (et musicologues) arabes avec (et leur admiration pour) lescompositeurs occidentaux, notons cette lettre de Alexandre Chalfoun, grand connaisseur de la musiquearabe, rdacteur en chef de la revue Raw?at Al-Bal?bil ainsi que directeur de l'Institut de Musiquegyptien de l'poque, au directeur du Conservatoire National de Musique et de Dclamation de Paris :

    Monsieur le Directeur [...]. J'ai l'honneur de vous faire savoir que j'ai appris rcemment que le grandcompositeur Franais [sic], feu Camille Saint-Sans avait, quelques annes avant sa mort, prsent, auConservatoire National de Musique et de Dclamation Paris, un rapport sur la situation de l'art musicalen gypte, dans lequel il conclut qu'il n'a pu rencontrer, en gypte, un musicien capable de le renseignersur la musique gyptienne.

    Je regrette, aujourd'hui, d'tre oblig, aprs la mort du grand compositeur franais, de dclarer hautementque le dfunt n'a certainement pas fait des recherches minutieuses cet gard, et qu'il s'tait content deconsulter quelques artistes non autoriss et que si le respect dfunt avait fait part de son dsir par la voiede la Presse gyptienne, Il aurait, sans nul doute, russi se mettre en rapport avec des musiciens plusautoriss et mme de faire valoir leur capacit et en mme temps de fournir des renseignementsbeaucoup plus exacts et plus conformes la ralit. Dans tous les cas, j'ai crit cette lettre pouss par ledevoir de montrer la vrit au grand jour et par le dsir d'avoir l'honneur d'tre la disposition de laScience et de l'Art Franais pour tous renseignements dsirs au sujet de l'Art Musical gyptien.Veuillez... (in Raw?at Al-Bal?bil n 10, 2e anne, 1er juillet 1922, p. 148. Voir galement la relation l'harmonie occidentale dans la suite de l'article).

    35. Cf. Ashraf Abu Lel, Dabke from Palestine, Ramallah, New Sound, 2000.

    36. Soit deux ttracordes ?ij?z modernes (composs d'un intervalle central de valeur un ton et demi etde deux intervalles en bordure valant un demi-ton) joints par un intervalle de disjonction valant un ton.

    37. Cf. Amine Beyhom, Systmatique modale, thse de doctorat en trois volumes, Universit ParisIV-Sorbonne, non publie, Paris, 2003, Vol III, p. 34.

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    38. Khula'? est, chronologiquement, le deuxime auteur important de la priode de la Nah?a en gypte,le premier tant Mu?ammad Shih?budd?n (xixe sicle).

    39. Ibid., p. 19 et p. 46, et Mu?ammad K?mil Khula'? (Al ~), Kit?bu-l-M?s?q? Ash-Sharq?, MaktabatAd-D?r Al 'Arabiya lil Kit?b, Le Caire, 1904 (rdition 1993), p. 42. Les parenthses carres [ ] encadrent ici l'intervalle de disjonction, suivant en cela la thorie classique du tark?b ( assemblage modal) en musique arabe.

    40. Cette description s'carte lgrement (pour les degrs de l'chelle) de celle d'un autre auteur, toutaussi important et libanais, de la priode de la Nah?a [M?kh?'?l M?sh?qa, Ar-Ris?l? Ash-Shah?biya fi?-?in?'a Al M?s?q?ya, comment par Isis Fat?all?, D?r Al Fikr Al 'Arab?, Le Caire, 1996 (manuscrit datantdu xixe sicle), p. 62], mais les intervalles centraux du premier ttracorde sont dcrits dans les deux cascomme valant 5/4 de ton.

    41. Les intervalles zalzaliens [de Man??r Zalzal, '?diste de la seconde moiti du VIIIe sicle, qui auraitt le premier placer une ligature (plusieurs crits anciens font supposer que ces ligatures taient de simples marques sur la touche du '?d ; Cf. Rodolphe d'Erlanger, La musique arabe, Paris,Librairie orientaliste Paul Geuthner, Tome III : ?afiyu-d-D?n Al-Urmaw?, (1938), p. 111 : Les ligaturessont des marques faites sur le manche des instruments cordes ) matrialisant des intervalles sortant ducadre diatonique (cf. Nidaa Abou Mrad, chelles mlodiques... , in op. cit. p. 772) et correspondantaux secondes neutres , de valeur approximativement gale trois quarts de ton, contenues dans lettracorde de base de la musique arabe ; ce dernier est dclin sous les trois formes T ? J1 ? J2 (ton, 1e seconde neutre mujannab, 2e seconde neutre , avec J1 lgrement diffrent de J2), J1 ? T? J2, et J1 ?J2 ? T ; l'indice bas pour les secondes neutres ne les identifie pas (comme ayant une valeur fixe), maissert les diffrencier comme ayant des valeurs ingales (pour viter une rfrence la valeur uniforme de de ton qui leur est attribue dans les thories contemporaines du maq?m), variables selon le mode, largion et le musicien. Par extension, l'adjectif zalzalien s'applique tous les intervalles sortant du cadresemi-tonal strict, notamment la seconde lgrement augmente (de valeur approximative 5/4 de ton)du ttracorde ?ij?z, ou tout intervalle correspondant approximativement un multiple impair du quartde ton (tierces, quartes, quintes etc. neutres ou lgrement augmentes ou diminues ) que l'onretrouve dans la littrature spcialise].

    42. midb, sidb, fadd, ladd, etc. : mi demi-bmol, si..., fa demi-dise,... etc.

    43. Encore que certains musiciens arabes performent toujours de nos jours le genre ?ij?z en dehors ducadre semi-tonal strict (cf. article sous presse Amine Beyhom, Mesures d'intervalles, mthodologie etpratique sur des exemples de musiques traditionnelles , in Revue des Traditions Musicales des MondesMditerranen et Arabe (RTMMAM) n 1, Baabda-Liban, publications de l'Universit Antonine, 2007.

    44. Et aurait t probablement intgre suite l'introduction du piano dans les bonnes socits arabesainsi qu' l'expansion des conservatoires l'occidentale . La fascination que peuvent prouver lesArabes (du moins les Proche-Orientaux) pour le piano pourrait d'ailleurs tre rsume par l'exclamationd'un luthier libanais (qui me faisait la dmonstration d'un '?d de sa fabrication dont il taitparticulirement fier) : coutes-moi a, il (r)sonne comme un piano ! .

    45. Cf. Nidaa Abou Mrad, chelles mlodiques et identit culturelle en Orient arabe , op. cit., p. 789.

    46. Cf. Karl Signell, MAKAM ? modal practice in Turkish art music, Seattle, Asian Music publications,1977, 151+49 p., R/New York, Da Capo Press, 1986. L'auteur reproduit (p. 157) dans son ouvrage desmesures d'intervalle central du ttracorde?ij?z, la moyenne se situant 272 cents ; Signell prcisenanmoins que ces mesures ont t effectues pour un seul interprte, et doivent tre gnralises. Parailleurs, les thories modernes , reprises par le mme auteur (p. 32), quantifient cet intervalle 12commas de Holder, ce qui correspondrait effectivement 272 cents (12 x 22,64 c.). Notons galement icil'existence d'autres variantes comportant un intervalle central lgrement augment ; ces variantes (etleurs descriptions dans la littrature ? historique ? spcialise) pourraient rsulter de l'application duschma de transition explicit supra pour le passage du R?st au ?ij?z-K?r, partir des diffrents aspectsdu ttracorde zalzalien de base (cf. note n 41) : cette problmatique dpasse nanmoins le cadre de cetarticle, et nous n'en avons retenu que l'aspect neutre de l'intervalle central du genre ?ij?z, aux fins dedmonstration.

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    47. Lors d'une interview enregistre en date du 17 mars 2005 : Erguner y prcise que la pratique del'intervalle central resserr du ttracorde ?ij?z est courante dans la zone du maq?m, et qu'il avaitnotamment effectu lui-mme des enregistrements de musiciens au nord du Pakistan dans lesquels cetintervalle est comparable ceux pratiqus en musique turque.

    48. Cette fluctuation semble tre d'ailleurs une constante de la musique arabe, puisque d'autres relevs,effectus chez diffrents musiciens avec des instruments continus ou semi continus (permettantl'excution d'intervalles non temprs, par exemple le violon, le '?d, le trombone, etc.), dmontrent quecette fluctuation n'est pas accidentelle, mais souvent voulue (et matrise) [cf. Amine Beyhom, Unetude compare sur les intervalles des musiques orientales , Actes du colloque Maqm et cration ,Fondation Royaumont, Octobre 2005, disponible viahttp://www.royaumont.com/fondation_abbaye/fileadmin/user_upload/dossier_PDF/programmes_musicaux/COLLOQUE_MAQAM_ET_CREATION_OCTOBRE_2005.pdf., pp. 18-24 (consult le 19novembre 2006)].

    49. Mesures effectues avec le logiciel Praat, selon une mthodologie mise au point par l'auteur, sur unextrait de l'enregistrement d'origine, entre 2'55'' et 3'01''.

    50. Il faut relever ici l'incroyable amnsie collective des Arabes, notamment des rdacteurs demanuels de musique, quant cet intervalle central du ttracorde ?ij?z ou ?ij?z-k?r : les bons musiciens n'ignorent pas ces particularits et nuances (essentielles, dans une musique ou tout est nuance ), puisque l'auteur a pu assister, en novembre 2003 et au Conservatoire National Suprieur deMusique au Liban ( partir de ce point CNSM), un atelier du '?diste bien connu Simon Shaheen, danslequel ce dernier essayait de convaincre les participants de performer le genre ?ij?z de manire plus souple : la dmonstration qu'il fit du ?ij?z acadmique , puis de celui prconis par lui, consistait,pour le dernier, en un rapetissement de l'intervalle central et un lger agrandissement des intervalles debordure (constatation effectue simultanment de visu ? le placement des doigts sur la touche, et l'coute), ce qui nous ramne la pratique musicale prconise par Kudsi Erguner.

    51. Les instruments tels le violon et les diffrents instruments d'un orchestre cordes occidental, ainsique tout instrument capable d'mettre des lignes mlodiques simultanes en temprament libre (lesintervalles utiliss sont uniquement fonction de la volont du musicien et/ou du compositeur, ainsi qued'ventuelles restrictions organologiques mineures par rapport l'excution globale de la musique). Lesinstruments mono-continus , dans cette classification, concerneraient par exemple des instrumentscomme le trombone coulisse, la rab?ba monocorde, etc.

    52. Notons l'utilisation, en musique arabe contemporaine, parmi de nombreux autres instrumentsoccidentaux modifis pour pouvoir reproduire, plus ou moins fidlement, les intervalles zalzaliens, latrompette de Nassim Maalouf [A. Hachlef (d.), Improvisations orientales ? Nassim Maalouf ? TrompetteArabe quart de ton, Artistes Arabes Associs 116, 1994, France, CD] ; Ce musicien a fait des mules,notamment en la personne de Sacha Bourguignon, trompettiste franais ayant compos plusieurs picesen polyphonie zalzalienne (communications pers. en l'an 2000) ? d'autres musiciens, occidentaux ou nonoccidentaux, utilisent des techniques spciales pour essayer d'approcher les intervalles zalzaliens, surtoutsur des instruments vent.

    53. Notons toutefois que certaines techniques de jeu permettent, mme sur ce genre d'instruments, desvariations ponctuelles dans les intervalles utiliss, notamment pour le q?n?n : dans ce dernier cas,l'instrumentiste peut modifier ponctuellement les hauteurs par pression de l'ongle (ou de la pointe) dupouce sur les cordes (pour en raccourcir la longueur vibrante).

    54. Flte en roseau de la tradition arabe : le musicien transporte gnralement avec lui un ensembled'instruments accords selon divers degrs ( toniques ) de l'chelle.

    55. Certaines techniques de variations d'intervalles et de hauteur, dcelables par exemple dans lesenregistrements de trs grands musiciens de la Nah?a tel le violoniste Sami Shawa, semblentdifficilement reproductibles par la voix humaine ; de fait, il existe pour la voix un problme de point derfrence : si les intervalles peuvent tre (approximativement, en pratique) mesurs et quantifis sur lemanche d'un violon ou d'un '?d, il est impossible de le faire pour la voix humaine sans instruments demesure modernes ( moins d'avoir une oreille absolue ? et continue ? ce qui semble problmatique et

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    non transmissible). Il en dcoule assez naturellement que l'apprentissage vocal du maq?m est trsfrquemment effectu, en musique d'art arabe, avec l'aide d'un instrument (mlodique) de musiquetraditionnelle, gnralement le '?d (une des exceptions concerne l'apprentissage de la cantillation duCoran).

    56. Comparer avec l'htrophonie dite monodique caractrise par :

    1. la nature linaire du mouvement mlodique,

    la variabilit constante des concordances verticales . [Margarita Engovatova, Plurivocalittraditionnelle de l'Ouest de la Russie , in Simha Arom et Christian Meyer (d.), les polyphoniespopulaires russes, Paris, Craphis, 1993, p. 29]

    57. De mme pour le frettage quand il existe.

    58. Ces diffrences intonationnelles, constates par l'auteur sur des enregistrements de musiques orientales contemporaines (Beyhom, op. cit.) ont t par ailleurs (partiellement) dcrites par IskandarShalf?n dans Raw?at Al-Bal?bil n 1, Le Caire, 1922, p. 53, comme suit :

    Nous avons dj remarqu que l'chelle musicale contient de nombreux tons [degrs] qui ne peuventtre rduits des n?m ou des t?k [altrations abaissant ou haussant le degr de l'chelle], qui sont les seulsadmis [par la thorie], et que nous utilisons pourtant dans nos mlodies, augmentant ainsi la prcision denotre musique, l'enrichissant et l'embellissant, mais sans prter attention ces degrs ni chercher lesdfinir, ce qui permettrait d'lever notre science et d'en prciser les fondations [...]. Nous devons prouver la communaut musicale orientale, et l'occidentale en particulier, qu'il existe des sons qui ne sont ni parda, ni 'araba [degrs et altrations de base de l'chelle heptatonique du maq?m R?st], n?m ou t?k [altrations en "quart de ton"], ni dise ni bmol (cit par Frdric Lagrange, Musiciens et potes en gypte au temps de la Nah?a, thse de doctorat prsente et soutenue publiquement sous la direction. deJamel Eddine Bencheikh, Paris, Paris 8-Sorbonne, 1994, p. 476).

    59. Notons que le concept de modulation (intiq?l), en musique arabe, intgre le concept de transposition (ta?w?r).

    60. L'htrophonie multiple arabe peut galement tre prsente comme un ensemble d'htrophoniesintonationnelles, temporelles et formulaires.

    61. L'auteur intgre cette caractristique sous la dnomination gnrale htrophonie multiforme (oumultiple) pour viter de rentrer dans une polmique sur une polyphonie quelconque en musiquearabe, qu'elle soit limite , primitive , ou tout autre descripteur dprciatif qu'on voudraitventuellement accoler ce terme.

    62. comparer avec l'htrophonie variantes (Margarita Engovatova, op. cit., p. 28 et p. 30).

    63. part l'htrophonie de temps (retards ou anticipations sur le temps, diffrences de positionnementtemporel des notes par chaque musicien), cette dfinition de l' htrophonie multiple de la musiquearabe intgre les diffrences de tempraments (souvent implicites) et d'accordage entre les instruments du takht sharq?, formation traditionnelle comportant gnralement un '?d, un q?n?n, parfois un violoniste(ou un joueur de jawza), un percussionniste (daff), et entre ces derniers et la voix du chanteur : cettehtrophonie vocalo-instrumentale est une caractristique (esthtique) essentielle de la musique arabe,notamment en Irak, en passe d'radication complte de nos jours ; le lecteur peut retrouver des exemplesdans les enregistrements anciens, mais galement dans ceux (disponibles dans le commerce) du chanteurirakien Y?suf 'Umar (continus, dans ce cas), avec l'ensemble Tshalgh? Baghd?d? (variante rgionale du takht sharq? comportant gnralement un '?d, un sant?r, une jawza et un percussionniste).

    64. Surtout depuis les expriences de Carillo, Haba et Wyschnegradsky [ce dernier ayant notammentthoris l' harmonisation en quarts de ton (cf. Ivan Wyschnegradsky, Manuel d'harmonie quarts de

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    ton, Paris, Max Eschig, 1980)] ainsi que, plus rcemment, Jean-tienne Marie.

    65. Dans l'introduction au sixime tome du livre du baron d'Erlanger sur la musique arabe (Rodolphed'Erlanger, La musique arabe en 6 tomes, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, Tome VI : Essaide codification des rgles usuelles de la musique arabe moderne. Systme rythmique ? Formes decomposition , 1959, prface, p. VIII).

    66. Par exemple Sayid Darw?sh, Il Ba?r Biyi??aq, inVictor Sa??b, Athar Al-Gharb fil M?s?q? Al'Arabiya, coll. Iqra'Wasma', Dar Al ?amr?', Beyrouth, 1999 (Livre + 4 cassettes audio) ? la date et le nomde l'diteur sont tirs du mme auteur, As-Sab'a Al Kib?r fil-M?s?q? Al 'Arabiya Al Mu'??ira, D?r Al'?lm lil Mal?y?n, Beyrouth, 1987, p. 300 ; ceci est galement un des premiers enregistrements de musiquearabe avec piano en accompagnement, et un exemple de placage de temprament ingal sur untemprament gal en demi-tons.

    67. lve au Liban de Bertrand Robillard ? comm. personnelle l'auteur du 14 octobre 2000, dont [versla fin des annes 1940] le bon sens autant que le savoir-faire taient dvous cette tche d'unernovation musicale libanaise, partir du fonds naturel oriental, mais en utilisant au besoin desdisciplines occidentales [...] , [Marc-Henri Mainguy, La musique au Liban, Les ditions Dar An-nahar,1969, Beyrouth, p. 83]) et futur directeur du CNSM.

    68. [P]lan d'action pour l'avenir [qui] intresse les musiciens, les gouvernements arabes et le public ,in Toufic Succar, Les confrences du Cnacle, Culture et interfrences, 8e anne, Problmes de lamusique arabe , n 6, 21 janvier 1954, pp. 300-301.

    69. Cf. Sharbil R???n?, Manhaj Al '?d, Beyrouth, CNSM, 2001.

    70. Cf. Toufic Bacha (El~), Le violon et les quarts des [sic] tons ? 21 tudes suprieurs [re-sic],Beyrouth, CNSM n 24, 2000 (+ 2 CD).

    71. Cf. Walid Gholmieh, Toufic Kerbage & Antoun Fara?, Na?ariy?t Al M?s?q? Ash-Sharq? 'Arabiya,Beyrouth, CNSM, 1996 et Louis Hage, Les modes du chant syro-maronite, Kaslik (Liban), USEK,2005, pp. 11-12.

    72. Cf. Kudsi Erguner, Alla turca-Alla franca. Les enjeux de la musique turque , in Cahiers demusiques traditionnelles n 3, Genve, AIMP, 1990, p. 48, citant Mustafa Kemal dans son discoursd'ouverture de l'Assemble nationale le 1er octobre 1934 (Atatrkl, Volume I, p. 367) : Cette annenous allons galement changer la musique [...] Il faut runir les hautes penses et les sentiments les plusfins de la nation, les broder avec les dernires rgles de la musique. Seule cette dmarche permettra notre musique nationale d'voluer et de prendre sa place dans la musique universelle : cette politiqueaboutit notamment la fermeture de la section de musique turque partir de 1926, et au retrait, dans lescollges, des programmes d'ducation de cette mme musique deux ans auparavant (comm. de FikretKarakaya, musicien et musicologue turc, au colloque Traditions musicales au carrefour du systmatiqueet de l'historique ? Prolgomnes une musicologie gnrale des traditions organis en juin 2006 l'Universit Antonine, Baabda-Liban).

    73. part pour certains rsistants , en ce qui concerne la musique monodique ou de soliste,notamment au sein mme de ces conservatoires qui sont devenus le vecteur prdominant del'enseignement de la musique arabe. Les exceptions (transmission initiatique de la musique) sontrares, et gnralement confines la cantillation du Coran ainsi qu' certaines traditions ecclsialesorientales.

    74. Rappelons pour mmoire qu'une polyphonisation (par opposition harmonisation ?) ne serajamais ncessairement tempre , l'exemple (entre autres) des 'Ar 'Ar venant prouver le contraire(Hugo Zemp, Polyphonies des les Salomon, CNRS/Collection le Chant du Monde, LDX 274 663,France, 1990, CD et livret). Les fltes de Pan utilises pour ces polyphonies ont des hauteurs de tuyauxqui correspondent, pour chaque faisceau, des tempraments diffrents ; le schma des chelles desquatre fltes de Pan rihe fourni dans le livret d'accompagnement montre des diffrences systmatiques del'ordre du comma pythagoricien (24 cents) et pouvant dpasser, pour certains degrs, le quart de ton (en

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    l'occurrence une diffrence entre deux degrs ? les diximes ? supposs tre quivalents pour les tuyauxcorrespondants pour le 2e et le 4e rihe, et dpassant 60 cents, le quart de ton tempr valant 50 cents).Voir galement ce sujet Hugo Zemp, Deux huit voix : Polyphonies de fltes de Pan chez les Kwaio(les Salomon) , Revue de Musicologie, t. 68, n 1-2, 1982, pp. 275-309.

    75. Entre autres Succar, dj cit, ainsi que Toufic El-Bacha (qui dclarait encore l'auteur en dcembrede l'an 2000 que l'avenir de la musique arabe passait par la polyphonisation, et que la condition sine quanone pour ce faire tait le temprament gal en quarts de ton), Wal?d Gholmieh (actuel directeur duCNSM) et plusieurs autres au Liban, mais galement en gypte (?ifn?) et en Syrie (N?r? Iskandar), quiont compos force sonates , quatuors , symphonies et autres musiques arabes , parfoislargement publies et enregistres ; notons ici l'exception constate chez un autre compositeur libanais['Abdul-Ghan? Sha'b?n, Do Rast Mlodique ? Do Rast Harmonique ? Midemi-bmol Sigah ? Iraq ? RBayti ? R Saba ? R Chouri ? R Isphahan, Flex ? Liban Polyphon Orient 7731,195* ( ?), face A, et Fugue tonale en Do Rast, face B (45T)] dont les oeuvres, bien que polyphoniques, conservent lescaractristiques de l'htrophonie instrumentale arabe. Par ailleurs, pour une vue d'ensemble de la relationdes compositeurs arabes contemporains l'harmonie, on peut se reporter utilement Mohammed Mejri, La musique classique arabe du Mashreq au XXe sicle et ses rapports avec l'Occident, thse de doctorat,Paris IV, non publie, juin 1998.

    76. Le langage atonal et les liberts permises par la musique contemporaine occidentale de maniregnrale offrent videmment plus de possibilits d'expression aux compositeurs arabes, plusieurs d'entreeux ayant tent de s'exprimer par cette voie. part Soliman Gamil, cit infra dans le texte, descompositeurs tels Toufic El Bacha au Liban et N?r? Iskandar (cf. note prcdente) en Syrie ont composplusieurs pices, la plupart non publies et non excutes, sortant du standard des musiques classiqueet no-classique occidentales (comm. personnelles l'auteur), et essayant de s'affranchir de laproblmatique de l' harmonisation . Ceci est un phnomne qui n'est, bien videmment, pas limit auxpays arabes : Philippe Albra (op. cit. p. 79) commente notamment la dmarche du compositeur corenIsang Yun en ce sens, et des compositrices comme Farangis Nurulla-Khoja (d'origine tadjike et ne enOuzbkistan) voluent depuis plusieurs annes entre musiques traditionnelles du maq?m et musiquescontemporaines [cf. Actes du colloque Maqm et cration , op. cit, disponible viahttp://www.royaumont.com/fondation_abbaye/maqams_et_creation__octobre_2005.711.0.html].

    77. Soliman Gamil, Pharoah Funeral Process, Touch T33.15 [enregistrements des annes 1960 et 1970].

    78. Auteur de plusieurs compositions intgrant certaines caractristiques de la musique arabe, Moultaka acr rcemment plusieurs pices musicales (notamment avec l'ensemble Ars Nova) et spectacles auxnoms vocateurs, sinon engags : Zikr, Loubnn, Liban Vivats, Non, hommage Samir Kassir , etc.

    79. Zad Moultaka, La trahison du maqm , Actes du colloque Maqm et cration , op. cit.,disponible viahttp://www.royaumont.com/fondation_abbaye/fileadmin/user_upload/dossier_PDF/programmes_musicaux/COLLOQUE_MAQAM_ET_CREATION_OCTOBRE_2005.pdf.,pp. 66-75 (consult le 19 novembre 2006).

    80. Idem.

    81. Voir note n 4.

    82. tel point que le compositeur avait pratiquement renonc intgrer des improvisations, mmeponctuelles, dans son oeuvre Zrani (Zad Moultaka, Zrani,l'empreinte digitale, ED13163, 2003, CD) cause mme de cette standardisation (comm. pers.).

    83. Ce maq?m est un des modes non octaviants de la musique arabe : sa configuration particulire etcomplte (en prolongeant l'chelle ascendante) inclut deux genres ?ij?z (le premier sur fa, inclus ? dans laversion contemporaine en multiples du demi-ton ? dans la progression fa, solb, la, sib expose en corps detexte), spars par un intervalle de disjonction de valeur un ton (deuxime ttracorde ?ij?z dbutant sur le do).

    84. En crant une htrophonie minimaliste des tempraments, rduite dans ce cas au temprament

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    semi-tonal du piano et au temprament quasi fixe du '?d en intervalles zalzaliens. Cette dmarche est enfait l'inverse de celle de Sayyid Darw?sh cite en note n 65.

    85. Un exemple, toujours au Liban et en date du 22 juin 2001, est frappant de par la transparence ducomplexe d'infriorit des Arabes (ou de certains ? pour le moins ? d'entre eux) vis--vis de l'Occident : la plage Jonas, en soire prive pendant laquelle le groupe musical palestino-italien Radioderwish seproduisait, le chanteur (palestinien) du groupe a prsent sa musique comme tant une synthse de lamusique arabe et de la culture musicale occidentale : la musique arabe non tempre avait par ailleurst entirement vacue du rpertoire de ce chanteur (du moins ce soir-l), mme dans le cas de reprisesde morceaux traditionnels originellement en intervalles zalzaliens.

    86. Cite par Nidaa Abou Mrad (cf. note n 1) comme une des sept caractristiques essentielles de lamusique arabe traditionnelle. Rappelons que, selon la dfinition de Joachim Berendt, le jazz rsulte d'unquilibre entre trois composantes principales qui dterminent la tension musicale : le swing, la sonorit etle phras, l'improvisation ; les variations de cet quilibre rsultent en diffrents styles [Joachim Berendt, The jazz Book, London, Paladin Books, 1984, pp. 449-450, et pp. 451-457 (la dfinition, trs simplifie,que nous donnons ici ncessite une dizaine de pages chez l'auteur)].

    87. Duke Ellington, Suite for the Far-East, Jazzline, 1964, disque noir 33 tours. La dmarche d'Ellingtonest par ailleurs minemment exotique, ce dernier commentant sa tourne dans le Proche-Orient dans lestermes suivants (Musical Journal Orientations , Mars 1964, cit sur la couverture du disque) :

    Cette tourne fut pour nous une grande aventure, dans ce qui est pour nous l'autre ct de la plante [...].Quelquefois, j'avais l'impression que c'tait notre monde l'envers. L'aspect de la nature est si original etles contours de la terre semblent diffrents. Les odeurs, l'immensit, les oiseaux et la beaut exotique detous ces pays constituent une vaste source d'inspiration [...]. Je pense qu'il faut essayer de ne pas tre tropinfluenc par la musique que nous avons entendue, parce qu'il y a de grandes similitudes depuis les paysarabes jusqu' Ceylan en passant par l'Inde. Il y a videmment beaucoup de percussions diffrentes et desinstruments tranges, et [,] en Inde et Ceylan, il y a prs de dix gammes .

    88. Berendt commente cette priode du jazz (op. cit. p. 33) de la manire suivante : The openness withwhich dozens of jazz musicians of the fifties and sixties have approached the great exotic musical culturesgoes far beyond comparable developments in modern European concert music .

    89. Contrairement ce qu'affirme le New Grove Dictionary of Music and Musicians [cf. Christian Poch, '?d , in Stanley Sadie (d.), New Grove Dictionary of Music and Musicians, Second Edition, vol. 26,pp. 25-31] en situant les premires expriences d'utilisation du '?d en jazz avec Rabih Abou-Khalil (lepremier CD ? Nafas ? de ce musicien a paru notre connaissance chez ECM en 1988).

    90. Ahmad Abdul-Malik, Jazz-Sahara, Riverside OJCCD-1820-2, 1958, R/1993, CD, et AhmadAbdul-Malik, East Meets West, RCA-BMG 74321 25723 2, 1959, R/1995, CD. [N en 1927, un mois dejanvier, Abdul-Malik a tudi le violon dans sa jeunesse (probablement influenc par son pre qui enjouait ? et qui chantait aussi ? pour lui), ainsi que le piano et le tuba. Il a volu trs tt dans les cercles dujazz new-yorkais, y compris avec Art Blakey, Coleman Hawkins, Randy Weston ainsi qu'avec le quartettede Thelonious Monk (au sein duquel il a rencontr le saxophoniste Jimmy Griffin). Avant la parution deson premier disque, il a tourn avec son propre groupe de musique du Moyen-Orient (et avec d'autres,en tant qu'excutant sur le '?d ou la contrebasse ? ses deux instruments de base) et est apparu avec sonpropre groupe de musiciens orientaux dans le show tlvis de Dave Garroway la NBC-TV. Cesquelques informations sur son parcours semblent impliquer l'existence d'une scne dans les annescinquante pour ce genre de musique New-York, et, surtout, qu'il existait dj l'poque un vivier demusiciens arabes qui a permis la cration de plus d'un groupe de musique du Moyen-Orient (Abdul-Malikaurait de surcrot jou dans deux autres formations, celles de Mohammad el Bakkar et de Djmal Aslan)].

    91. Formation traditionnelle instrumentalo-vocalique (de base) de la musique arabe (du moins jusqu'l'arrive des grands orchestres symphoniques de musique arabe ), et compose de trois cinqinstrumentistes solistes (dont un percussionniste au minimum) et d'un chanteur ; le takht se dcline, pourles instruments, de diffrentes manires suivant les rgions du monde arabe.

    92. Cette combinaison rappelle fortement celle utilise de nos jours par le'?diste Rabih Abou-Khalil dans

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    la grande majorit de ses enregistrements, consistant inviter des solistes occidentaux diffrents pourchaque enregistrement, avec un takht de composition quasi constante dans le temps.

    93. Certaines des opinions de Abdul-Malik sur le jazz et sur la musique arabe mritent d'tre releves,pour leur pertinence et, surtout, pour leur actualit : avant tout il dfinit la musique arabe qu'il jouecomme une synthse des musiques du Moyen-Orient et d'Afrique (Soudan, Afrique du Nord) avec desinfluences notables des musiques irakienne et gyptienne, tout en reconnaissant galement une certaineinfluence de l'Afrique de l'Ouest. Pour lui, la priode pr-jazz , qui a t dterminante pour laformation du jazz en tant que tel, a t influence par la musique des immigrs arabes, et pas seulementpar, toujours selon lui, les traditionnelles influences congolaises et ouest-africaines. Il prsente la libert qu'offre la musique moyen-orientale comme une alternative la crise de dveloppement dujazz des annes 50 (qui a volu vers le free), qui selon lui consistait en une fuite en avant vers desprogressions harmoniques ( chords ) de plus en plus complexes, tel point que la libert crative entait annihile. Cette attitude vis--vis de l' impasse dans laquelle se trouvaient les musiciens de jazzde l'poque est galement commente par Berendt (op. cit., p. 31) : when the development [of thedialectical interaction between jazz and European music] had gone beyond cool jazz, jazz musicians hadincorporated almost all elements of European white music they could possibly use, from Baroque toStockhausen (Berendt ne cite d'ailleurs pas Abdul-Malik, dont les disques n'avaient pas t rdits l'poque). Ce point de vue trouve un cho dans les rflexions des rdacteurs des livrets de Abdul-Malik(Orrin Keepnews et ? probablement ? Lee Shapiro) qui, tout en n'chappant pas au point de vue exotiqueet aux simplifications (rduction par exemple du systme d'intervalles de la musique arabe un systmeen quarts, voire en huitimes de ton), montrent tous les deux une sympathie certaine pour la dmarche dumusicien, et un espoir d'volution du jazz dans la direction pointe par ce dernier.

    94. Prestige P-24035 (1961).

    95. In Time Out, CBS, CDCBS 62068, 1962.

    96. In Tale Spinnin', CBS ? 80734, 1975.

    97. Coltrane, pierre d'achoppement pour la familiarisation du public du jazz avec la musique indienne, arepris le flambeau d'un autre grand musicien, Yehudi Menuhin [Yehudi Menuhin and Ravi Shankar, Menuhin meets Shankar, EMI CDC 7490702, 1966.], et a t suivi dans cette voie par John Mc Laughlin(annes 1970) avec le groupe Shakti. Par ailleurs, paralllement au jazz-rock, et avec parfois les mmesacteurs, s'est dveloppe toute une tendance sociale qui aboutit des expriences avec les musiquesjaponaise ( l'exemple de Hozan Yamamoto & Masabumi Kikuchi, Silver World, Philips 32JD-88, 1971),balinaise ainsi que le flamenco (notamment Paco de Lucia dans les annes 80-90), mais galementconcernant les musiques bretonne (Gwerz, Ti-jazz, etc.), bulgare (notamment Ivo Popasov : clarinette,Milcho Leviev : piano, Theodossii Spassov : kaval, par exemple Milcho Leviev, Gourbet Moabet,Balkanton 070093, s.d.), turque et vietnamienne, et ce malgr une accalmie dans les annes 80,concomitante au phnomne Yuppie . Ce jazz-ethnique cherche toujours ses marques, hsitantentre ce que nous appellerions le world-jazz , conglomrat de musiques mal digres et vhicule del'exotisme le plus pur (et le plus commercial), et le jazz-ethnique de qualit qui renoue avec la(dj) tradition coltranienne. Signalons ce sujet la parution (relativement) rcente d'une compilationconsacre au jazz tat-unien exotique [California Dreamin'. Jazz exotica, Impulse 12412, 1999].

    98. Les tentatives d'inclusion verticale de tempraments zalzaliens sont,