mutations spatiales autour du barrage hydro-agricole...
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Revue de Géographie de l’Université Ouaga I Pr Joseph KI-ZERBO N° 05- Oct. 2016, Vol. 2 112
MUTATIONS SPATIALES AUTOUR DU BARRAGE
HYDRO-AGRICOLE DE NATIOKOBADARA DANS LE
NORD DE LA CÔTE D’IVOIRE
SILUÉ Pébanagnanan David Université Peleforo Gon Coulibaly, Korhogo, BP 1328 Korhogo, E-mail :
RÉSUMÉ Pendant la période de crise socio-politique et militaire de 2001 à 2011 en
Côte d’Ivoire, Korhogo, la principale ville du Nord a enregistré un départ massif de
populations. Depuis la fin de cette période de troubles, avec le retour de plusieurs
exilés internes, cette agglomération connait une extension vers sa périphérie nord
pour atteindre le périmètre périurbain du barrage de Natiokobadara. Il se pose donc
la question de la survie du site dudit barrage et de son périmètre rizicole. C’est pour
comprendre cette dynamique spatiale qu’une analyse diachronique, basée sur la
photo-interprétation d’images Google Earth de 2007 et 2013, a été faite. Les
résultats révèlent que les proportions d’occupation naturelle ont baissé de 53 à 37%,
de 2007 à 2013 au profit des unités d’occupation humaine qui sont passées dans le
même temps de 47 à 63%. Globalement, l’espace étudié est transformé à 64%, du
fait essentiellement de l’extension de l’habitat. La dynamique urbaine a conduit
ainsi à l’ensablement du bas-fond et à la réduction des parcelles de cultures, mettant
en péril la pérennité du plan d’eau et du périmètre rizicole de Natiokobadara.
Mots clés : occupation du sol, dynamique spatiale, barrage de Natiokobadara,
Korhogo, Côte d’Ivoire
ABSTRACT
Land use dynamics around the Natiokobadara Dam in Northern of Côte
d’Ivoire During period of social-politic and military attack in 2001 to 2011 in Côte
d’Ivoire, Korhogo, the main town in the North has registered departure of many
populations. At the end of this period of troubles, with the returning back of many
interners exiles this conurbation realized an extension towards it’s Northern outskirts
to reach Natiokobadara nearby urban dam area. So, this situation aroused the
survival problem of the dam and it’s paddy field perimeter. To understand this space
dynamic, diachronic analysis, based on photo interpretation pictures from Google
Earth taken in 2007 and 2013 is done. Results reveal that proportions of natural
space low 53 to 37%, from 2007 to 2013 in aid of human space which passes in the
same period from 47 to 63%. On the whole, the study space is on 64% transformed
owing especially to the living place extended. The urban dynamic leads to silt up of
shallow filled and reduces cultivate parcel of land putting in peril perennial the dam
and the rice farming of Natiokobadara.
Keywords: soil occupation, space dynamic, dam of Natiokobadara, Korhogo, Côte
d’Ivoire.
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INTRODUCTION
Les premières décennies après les indépendances, la Côte d’Ivoire a
mis en place une politique d’aménagement du territoire qui a pris en compte
tous les secteurs d’activités. Dans cette logique, l’administration post-
coloniale a accordé une importance particulière au développement du secteur
agricole. C’est ce qui a légitimé le slogan « le succès de ce pays repose sur
l’agriculture » (Houphouët-Boigny, 1978). Dans le nord ivoirien, le
développement de l’agriculture s’est heurté à des déficits hydriques
importants. Ces contraintes ont donc amené l’Etat à entrevoir des mesures
palliatives pour stocker les eaux de surface. Dans cette perspective, plusieurs
barrages ont été construits dans le nord du pays (MEF, 2003). En 2012, 275
aménagements hydro-agricoles et pastoraux ont été inventoriés dans le Nord
(Silué, 2012). L’objectif assigné à ces ouvrages est la maîtrise de la gestion
de l’eau de surface pour le développement de l’agriculture en vue d’assurer la
sécurité alimentaire des populations locales. Cette politique d’aménagement
s’est poursuivie à un rythme accéléré avant de connaître un coup d’arrêt dans
les années 1990 (Kouadio, 2004). L’exploitation de ces ouvrages hydro
agricoles permet le ravitaillement des populations en ressources diverses
(Silué, 2012). Les avantages avérés de ces aménagements ont attiré une
pléthore d’utilisateurs de l’eau des barrages. Inévitablement, les intérêts
divergents sont à l’origine de conflits récurrents entre les usagers (Silué,
2014). Au cours de la dernière décennie (2001-2011), la Côte d’Ivoire a
connu une crise militaro-politique et sociale. Cette décennie a été marquée
par l’absence des organes étatiques de régulation administrative, et des
déplacements de populations de la ville de Korhogo vers d’autres localités en
Côte d’Ivoire ou vers des pays frontaliers (Mali et Burkina Faso). Avec la fin
de la crise en 2011, certains de ces exilés ont regagné cette principale localité
du Nord. Leur retour a engendré plusieurs changements dans tous les
domaines. Le retour de l’administration et l’espoir en l’avenir encouragent de
nouveaux investissements et aménagements. Le site du barrage de
Natiokobadara, proche de l’agglomération de Korhogo, subit des
transformations spatiales, corollaires de l’extension de la ville. Il se pose
alors la question de savoir, si l’urbanisation n’est pas une menace pour la
pérennité du plan d’eau de Natiokobadara. Cet article se propose d’étudier la
dynamique de l’occupation du sol autour du plan d’eau et d’évaluer la
résilience du barrage et de son périmètre rizicole face à l’urbanisation. On
s’appuie sur l’hypothèse suivante : l’évolution de la ville vers le périmètre
rizicole provoque des dysfonctionnements au niveau du barrage et du bas-
fond de Natiokobadara. Après la déclinaison de la méthode de travail, les
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différents résultats sont présentés en tableaux et en cartes d’occupation du
sol.
1. MATERIEL ET METHODE
1.1. Description du site d’étude
Le barrage de Natiokobadara est un aménagement hydroagricole
destiné à la production du riz dans la zone dense du Nord. Il est localisé dans
la zone périurbaine au nord de la ville de Korhogo. Construit en 1972 par la
Motoragri1, cet ouvrage se positionne entre les méridiens 5°37’0’’ et 5°38’0’’
de longitude ouest, et entre les parallèles 9°26’0’’ et 9°27’30’’ de latitude
nord (Figure 1).
Figure 1 : Localisation du barrage de Natiokobadara
1 Société d’Etat pour la motorisation de l’agriculture.
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La digue y est faite en terre, renforcée en amont avec des pierres
(digue en enrochement). Le barrage, d’un impluvium de 13,65 km²,
appartient au bassin versant du fleuve Bandama. Les précipitations moyennes
annuelles sont de 1 400 mm et la superficie irrigable de 250 ha s’étale sur
environ 9 km. Cet ouvrage a connu une réhabilitation technique de ses
installations en 1992 (DCGTx, 1992).
1.2. Présentation et géoréférencement des images
Avant d’aborder les différents aspects spécifiques à la méthodologie
de travail, il est opportun de procéder à la définition des termes clés qui
seront utilisés régulièrement dans la suite du texte. Le terme occupation du
sol désigne les utilisations, les usages ou les couvertures au sol. Les classes
d’objets quant à elles identifient un ensemble ou un groupe d’éléments
identiques au sol. La variabilité de l’occupation du sol exprime la mutation
ou le caractère changeant des utilisations des terres.
Les images utilisées pour apprécier l’occupation du sol sont prises à
partir de Google Earth. Après capture, elles se présentent sous la forme de
photographies aériennes. Elles concernent les années 2007 et 2013. Les prises
d’images sur Google Earth n’existent pas avant ces dates, pour la zone
d’étude. L’image de 2007 est prise en août, un mois humide sur près de 30
ans (Soro et al., 2013). Pour 2013, elle est prise en février qui est un mois
sec (Ibidem). Une visite de terrain a permis de distinguer les différentes
couvertures spatiales au sol. La reconnaissance des types d’occupation du sol
s’est faite à l’aide d’un GPS Garmin Etrex Vista. Le géoréférencement des
images s’est fait par l’identification de six points amers sur les différentes
images. Ces points sont constitués essentiellement par les croisements de
routes très remarquables sur l’image. En l’absence d’images de référence ou
de cartes déjà géoréférencées sur la zone d’étude, les coordonnées des six
points amers identifiés ont été saisies directement. Les coordonnées
géographiques en UTM de ces points ont été certes prises sur Google Earth,
mais elles ont été couplées avec les relevés GPS pour plus de précisions. Le
système géodésique utilisé est le WGS 1984 zone 30N conformément à la
carte topographique.
1.3. Méthode d’étude
En présentant les méthodes d’étude de la dynamique de l’occupation
du sol, Lambin (1994) précise que certains modèles sont développés pour
simuler et explorer l’utilisation actuelle du sol, alors que d’autres
s’intéressent aux changements possibles dans le futur. La méthode d’étude
privilégiée dans cet article s’inspire du premier modèle qui consiste à
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explorer l’utilisation actuelle du sol. La démarche pour entreprendre cette
étude est basée sur l’analyse diachronique qui se fait à partir de la
photointerprétation de photos aériennes prises sur Google Earth. L’image
géoréférencée est exportée en format Tiff dans la couche de données pour être
numérisée. Au terme de la numérisation, les différentes unités d’occupation
du sol ont été renseignées. L’édition des cartes d’occupation du sol de la zone
du barrage de Natiokobadara s’est faite sur ArcGis 9.3. La mise en page
finale des cartes d’occupation du sol a été faite avec Adobe Illustrator 9.0.
1.4. Calculs des surfaces et des taux d’évolution
Deux taux d’évolution des unités d’occupation du sol (le taux
d’évolution global et le taux d’évolution moyen annuel) ont été calculés à
partir de deux formules spécifiques. Le taux d’évolution global est relatif à
l’évolution sur deux années consécutives. Il permet de donner une
appréciation globale sur une période de plusieurs années. La première
formule ci-dessous permet d’évaluer le taux d’évolution entre les dates
consécutives de l’étude.
Tx = (SP2 – SP1) / SP1 x 100
Tx : taux d’évolution global ; SP1 : superficie à la date 1 ; SP2 : superficie à
la date 2.
-Si Tx est positif, il traduit une extension de l’unité d’occupation du sol.
-Si Tx est négatif, cela exprime un recul de l’unité d’occupation du sol.
Le taux d’évolution moyen annuel quant à lui a été calculé pour
l’intervalle des 7 ans qui s’écoulent entre les années 2007 et 2013. Ce taux
permet d’avoir une moyenne des évolutions conformément à la durée de
l’intervalle. Cette moyenne, différente de la moyenne arithmétique montre les
fluctuations internes du phénomène. La formule ci-dessous exprime la
méthode de calcul.
Tx = (SP2 / SP1)1/n
– 1 x 100
Tx : taux d’évolution moyen annuel ; SP1 : superficie à la date 1; SP2 :
superficie à la date 2; n : différence d’années entre les deux dates (durée de
l’intervalle).
Le calcul des surfaces a été généré automatiquement à partir du module
Calculate Area présent dans les utilitaires de l’extension Spatial Statistics
Tools de ArcToolbox.
L’articulation de ces données dans le logiciel de traitement et la manipulation
des données auxiliaires ont permis d’aboutir à des résultats.
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2. RESULTATS
Les résultats se présentent sous la forme de tableaux et de cartes
d’occupation du sol. Les tableaux ressortent les grandes catégories
d’occupation du sol, les unités d’occupation du sol, et la variation des unités
spatiales. Les cartes, quant à elles, donnent la localisation et l’extension des
unités d’occupation du sol.
2.1. Les classes d’objets dans le site du barrage de Natiokobadara
Plusieurs classes d’objets sont identifiées dans le site du barrage de
Natiokobadara. Il s’agit des cultures d’interfluve, des cultures de bas-fonds,
de l’eau du barrage, des étangs piscicoles, de la forêt dense sèche, de la zone
habitée, de la savane, du sol nu, des vallées, et des vergers constitués de
manguiers et d’anacardiers. Ces classes se spécifient en deux groupes
distincts composés d’espaces naturels et d’espaces aménagés.
L’espace naturel comprend : l’eau du barrage, la forêt dense sèche, la
savane, la vallée et le sol nu. En revanche, l’espace aménagé est
essentiellement composé : des cultures d’interfluve, des cultures de bas-
fonds, des étangs piscicoles, de la zone habitée et des vergers.
2.2 Etat de l’occupation du sol par catégorie en 2007 et 2013
En 2007, l’espace naturel dans le périmètre du barrage de
Natiokobadara occupe 525 ha soit 53% de la superficie globale estimée à 998
ha. Le reste du site est occupé par les activités humaines avec 473 ha
constituant 47%. En 2013, l’espace aménagé couvre 629 ha soit 63% de
l’espace d’étude. L’espace naturel ne s’étend que sur 369 ha soit 37% de la
superficie totale (tableau I).
Tableau I : Superficie des unités d’occupation du sol de 2007 et 2013
Grande catégorie
en 2007 en 2013
ha % ha %
Espace naturel 525 53 369 37
Espace aménagé 473 47 629 63
Total 998 100 998 100
Source : enquête de terrain 2013
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2.3 Etat de l’occupation du sol par unités en 2007 et 2013
En 2007, la savane occupe 420 ha soit 42% de la superficie d’étude.
Elle couvre la partie orientale du site d’étude, et s’étend jusqu’au Nord-ouest.
Les vergers qui y couvrent 271 ha (soit 27%), s’étalent sur le flanc sud-ouest
de la retenue d’eau. Les cultures d’interfluve ont une superficie de 123 ha
pour un taux de 12%. Elles se localisent dans le sud-ouest du site de
recherche, avec quelques lambeaux éparpillés ici et là vers l’Est. La zone
habitée, les cultures de bas-fonds, l’eau du barrage, les étangs piscicoles, les
forêts denses sèches, le sol nu et les vallées ont des taux d’occupations
inférieurs à 10% en 2007. Ici la zone habitée se localise principalement au
Sud de la ville de Korhogo. En plus de cette localité, figurent les villages de
Natiokobadara à l’Est et de Djégbè à l’Ouest (tableau II et figure 2).
Tableau II : Superficie des unités d’occupation du sol en 2007 et 2013
Unité d’occupation du
sol
en 2007 en 2013
ha % ha %
Cultures d’interfluves 123 12 72 7
Cultures de bas-fonds 7 1 15 2
Eau du barrage 56 6 13 2
Etangs piscicoles 6 1 6 1
Forêt dense sèche 3 0.5 6 1
Zone habitée 66 7 378 37
Savane 420 42 237 24
Sol nu 39 3 43 4
Vallée 7 1 70 7
Vergers 271 27 158 15
TOTAL 998 100 998 100
Source : enquête de terrain 2013
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Figure 2 : Occupation du sol en 2007
En 2013, la zone habitée couvre 378 ha (soit 37%). Elle se localise du
Sud-ouest au Sud-est en remontant jusqu’au Nord-est de l’espace étudié. La
savane qui y occupe 237 ha (24%), couvre le 1/3 Nord-ouest. Les vergers
avec 158 ha (15%), se retrouvent dans la partie médiane. Les cultures
d’interfluves qui ont une superficie de 72 ha y sont localisées dans l’angle
Nord-ouest (tableau II et figure 3). Les autres types d’occupation du sol ont
chacune une superficie inférieures ou égales à 70 ha soit un taux de
couverture inférieur ou égal à 7%. Il s’agit de la vallée, du sol nu, des
cultures de bas-fonds, de l’eau du barrage, des étangs piscicoles et de la forêt
dense sèche.
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Figure 3 : occupation du sol en 2013
2.4. La dynamique de l’espace
La dynamique de l’espace d’étude s’appréhende à partir, d’une part des
taux de croissance et d’autre part de la variation surfaciques des unités
d’occupation du sol. L’identification des taux de croissance et leur méthode
de calcul sont déclinées dans le titre : matériels et méthodes de ce travail.
2.4.1. Dynamique des grandes unités d’occupation du sol
Entre 2007 et 2013, l’espace naturel a connu un taux d’évolution
global de -30%. Annuellement, cette évolution correspond à -5%. L’espace
humanisé ou aménagé, quant à lui, est marqué par une évolution de +33%
équivalent annuellement à un taux de +4% (tableau III).
Tableau III : Taux d’évolution des principales unités d’occupation du sol
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Unité
d’occupation
du sol
Superficie
en 2007
(ha)
Superficie
en 2013
(ha)
Taux
d’évolution
global 2007-
2013
Taux
d’évolution
moyen
annuel
Espace naturel 525 369 -30% -5%
Espace
humanisé
473 629 +33% +4%
Total 998 998 - -
Source : enquête de terrain 2013
2.4.2 Dynamique d’occupation du sol
Au niveau des unités d’occupation du sol, on distingue deux types de
dynamiques. D’une part, figurent les taux positifs et d’autre part, les taux
négatifs.
Les taux positifs concernent les cultures de bas-fonds, les forêts denses
sèches, la zone habitée, le sol nu, et les vallées. Ces unités d’occupation du
sol ont un taux d’évolution global respectivement de +115%, +100%,
+473%, +10% et +900%. Les taux d’évolution moyens annuels relatifs à ces
taux globaux sont respectivement, +11%, +10%, +28%, +1% et +38%
(tableau IV).
Les unités d’occupation du sol ayant connu des taux négatifs sont l’eau du
barrage avec -77% soit, -18% par an et la savane avec un taux global de -44%
pour un taux annuel de -8%. Les cultures d’interfluve et les vergers
enregistrent chacun un taux de -42% au niveau global, pour une part annuelle
de -7% chacun (tableau IV).
Tableau IV : Taux d’évolution des unités d’occupation du sol Unité d’occupation du sol
Variable CI CBF EB EP FDS ZH SV SN VA VG
Superficie 2007 123 7 56 6 3 66 420 39 7 271
Superficie 2013 70 15 13 6 6 378 237 43 70 158
Evolution -51 +8 -43 0 +3 +312 -183 +4 +63 -113
Taux d’évolution
global
-42 +115 -77 0 +100 +473 -44 +10 +90
0
-42
Taux d’évolution
Moyen annuel
-7 +11 -18 0 +10 +28 -8 +1 +38 -7
Source : enquête de terrain 2013
CI=Cultures d’interfluves ; CBF=Cultures de bas-fonds ; EB=Eau du barrage ; EP= Etangs
piscicoles ; FDS= Forêt dense sèche ; ZH= Zone habitée ; SV= Savane ; SN= Sol nu ; VA=
Vallée ; VG= Vergers
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2.5. Variabilité de l’occupation du sol
La variabilité des occupations du sol se réfère au caractère changeant
des utilisations du sol. On distingue deux types de variations des unités
d’occupation du sol. D’une part les espaces qui sont restées stables et d’autre
part ceux qui enregistrent des mutations. Les cultures d’interfluve, les étangs
piscicoles, le sol nu, et les vergers sont en majorité conservés avec
respectivement 59%, 67%, 63%, et 51% de portions stables. Les autres unités
sont en grande partie en mutation. Il s’agit des cultures de bas-fonds et de la
savane transformées à 60% chacune, de l’eau du barrage modifiée à 77%, de
la forêt dense sèche et de la zone habitée qui subissent des mutations à 83%
chacune et des vallées à 97% (tableau V).
Tableau V : Variation des unités d’occupation du sol
Variabilité
unité d’occupation du sol Espace stable Espace en mutation
en ha en % en ha en %
Culture d’interfluve 72 59 51 41
Culture de bas-fonds 6 40 9 60
Eau du barrage 13 23 43 77
Etangs piscicoles 4 67 2 33
Forêt dense sèche 1 17 5 83
Habitat 66 17 312 83
Savane 169 40 251 60
Sol nu 27 63 16 37
Vallée 2 3 68 97
Vergers 137 51 134 49
Ensemble 497 36 891 64
Source : statistiques d’occupation du sol dans le site de Natiokobadara en 2007 et en
2013
Pour l’ensemble de l’espace étudié, 64% de la surface subissent des
transformations d’occupation (tableau V).
3. DISCUSSION
Quatre principaux résultats méritent d’être discutés : la typologie des
unités d’occupation du sol, la proportion des unités d’occupation du sol, la
dynamique de l’occupation du sol, et la variabilité de l’occupation spatiale
autour du barrage.
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3.1. Typologie des principales unités de l’occupation des sols
Il existe deux principales formes d’occupation du sol : l’espace naturel
et l’espace humanisé (aménagé). Ces deux types d’occupation du sol ont été
aussi signalés autour des plans d’eau (Tagbanga, Koko, Tiné, et Nafoun) dans
le nord de la Côte d’Ivoire (Koli Bi, Touré, Koffi, 2001 et Silué, 2012). Les
unités d’occupation identifiées par ces auteurs étaient relatives à deux
périodes : une avant l’aménagement du plan d’eau et l’autre après la mise en
eau de l’ouvrage. Les études réalisées par ces premiers auteurs ont
prioritairement comparé la dynamique spatiale découlant de l’implantation
des barrages dans le nord de la Côte d’Ivoire. Le cas de Natiokobadara ici
permet d’identifier les mêmes types d’occupation du sol, bien que les dates
d’étude appartiennent toutes deux à la même période (après la création du
barrage). Kangah (2010) évoque également les mêmes grandes unités
d’occupation du sol dans une étude sur l’évaluation et le suivi des mutations
spatiales dans une ancienne zone d’économie de plantation à Bonoua en Côte
d’Ivoire. Dans son analyse, il identifie des surfaces humanisées et des
parcelles naturelles. Le regroupement des unités en deux grandes catégories
n’est pas propre au Nord. Cette classification est aussi valable dans le sud
ivoirien, domaine des cultures d’exportation.
3.2. Proportion des unités d’occupation du sol
A la première date (2007), la prédominance de l’espace naturel
s’exprime par une forte proportion de savane. Elle couvre 420 ha, soit 80%
des 525 ha de l’espace naturel. Les environs de l’aménagement hydro-
agricole n’enregistrent pas une forte influence de la présence humaine.
Certainement que l’incertitude de l’avenir pendant la crise militaire est un
facteur limitant pour l’évolution de l’espace. A la deuxième date (2013), la
tendance se renverse avec une prépondérance des surfaces humanisées aux
dépens de l’espace naturel. Les terres marquées par l’empreinte humaine
avec une superficie de 629 ha sont essentiellement dominées par l’habitat
(378 ha) correspondant à 60%. A cette date d’arrivée, la zone habitée est
devenue dominante dans la répartition des unités d’occupation du sol. La
ville de Korhogo s’est étendue pour atteindre les territoires des villages
voisins que sont Natiokobadara à l’Est et Djégbè à l’Ouest. L’extension est
importante du côté de Natiokobadara à la faveur de deux lotissements. Le
premier « Natiokobadara extension 1 » est validé sous les références 14-
0605/MCLAU/DGUF/SDAF du 09 Septembre 2015. Le second
« Natiokobadara extension 2 » est approuvé sous le numéro 15-
0115/MCLAU/DGUF/SDAF du 14 Avril 2015. L’aménagement de la zone
industrielle dans les environs de cette localité a certainement influencé la
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dynamique spatiale autour de Natiokobadara. Les usines d’égrenage de coton
(Korhogo 1, Korhogo 2, Korhogo 3 et Korhogo 4) qui y sont localisées
appartiennent à la Compagnie Ivoirienne de Coton. Celle de la Société
Industrielle Cotonnière des Savanes est quant à elle la propriété de l’Union
Régionale des Entreprises et Coopératives de Côte d’Ivoire. L’usine
COTRAF produisant l’huile à partir des graines de coton est aussi une unité
de production dans cet environnement industriel. Les ouvriers qui travaillent,
en effet, dans les entreprises de la nouvelle zone industrielle préfèrent habiter
à proximité de leur lieu de travail. L’étalement des zones d’habitation dans le
terroir de Natiokobadara découle donc de la logique des employés de se
rapprocher de leurs lieux de travail. Cette conclusion se conforme aux
résultats de Homocianu (2009) selon lesquels la demande de logement
résidentiel à Lyon va s’orienter vers les zones permettant d’accéder
efficacement au centre, lieu de concentration des emplois. Dans le cas de
Natiokobadara, la zone concernée est la périphérie. C’est pour cela que
l’extension de l’habitat s’y ressent particulièrement.
En outre, l’année 2013 s’inscrit aussi dans le début de la période
d’espoir en Côte d’Ivoire. La fin de la crise militaire est proclamée en 2011
suite à la tenue d’élections présidentielles. Le retour à la stabilité socio-
politique a encouragé plusieurs exilés à regagner les zones anciennement
considérées comme hostiles. Ce retour a suscité une urbanisation importante
autour du plan d’eau. L’espace y a connu une concurrence particulière parce
que pendant la crise, les autres zones périphériques de la ville ont été vite
occupées par « les nouveaux riches2 ». La dynamique urbaine actuelle s’est
donc réorientée vers des endroits propices à l’étalement de la zone habitable.
Parmi ces différents espaces encore disponibles figurent le site du barrage de
Natiokobadara et le terroir du village de Diégbè.
On pourrait conclure que l’extension de la zone d’habitat serait un
facteur important dans la dynamique spatiale autour du site de la retenue
d’eau de Natiokobadara. Des résultats identiques sont signalés par
Guillaume en France pour l’année 2013. Cet auteur constate que les
changements spectaculaires de l’espace concernent les zones urbanisées et les
zones agricoles. Les surfaces y sont passées respectivement de 10% à 40% et
de 41% à 16% entre 1950 et 2008 pour le même territoire. L’urbanisation des
rives de l’étang de Berre se fait donc aux dépens des parcelles de cultures.
Cet étang est un lac naturel localisé dans le sud de la France. La régression de
l’espace naturel au profit de l’espace humanisé par le truchement de
l’extension de l’habitat, concernerait donc aussi bien les pays d’Europe que
2Cette expression désigne les personnes ayant amassé des ressources financières
abondantes induites des effets de la crise militaire (2002-2011).
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ceux d’Afrique. Ce résultat est contraire à celui présenté par Kangah en 2010
sur les mutations spatiales autour de la ville de Bonoua. En effet, dans cette
étude, l’auteur observe que les terres y subissent une forte pression humaine
inhérente aux activités agricoles. L’espace naturel y connait une régression
au profit de l’espace anthropique. Le facteur explicatif n’est pas
l’agrandissement des zones d’habitat mais plutôt l’extension des parcelles de
cultures. La compréhension de cette conclusion ne peut se faire sans prendre
en compte le caractère agricole de cette localité. Bonoua, en effet, en Côte
d’Ivoire est le siège de cultures industrielles d’exportation comme l’ananas,
l’hévéa et de plus en plus du palmier à huile. Le développement de ce type de
culture légitime la prédominance des parcelles agricoles au sein de la
distribution des unités d’occupation du sol. Ce résultat est repris par Sounon
Bouko, Sinsin et Goura Soulé (2007) dans une étude sur la dynamique de
l’occupation du sol au Bénin. Ces auteurs y affirment en effet qu’avec la
croissance démographique, les superficies utilisées pour l’installation des
cultures augmentent considérablement au détriment des formations végétales
naturelles. Cette conclusion met en évidence la dégradation de la biodiversité
végétale. Le facteur premier qui en est responsable est l’augmentation de la
population conduisant à une pression humaine sur les ressources naturelles
notamment les terres arables. Il faut donc comprendre que la croissance
démographique influence de diverses manières la dynamique spatiale.
Oloukoi (2014) l’a perçu nettement dans ces analyses prospectivistes sur les
changements de l’occupation des terres au Bénin. Un scénario socio-
économique y est simulé par rapport au devenir des formations végétales. Il a
projeté qu’en 2025, à côté des espaces agricoles qui vont s’étendre, les
agglomérations vont aussi contribuer au recul du couvert végétal par
extension de celles existantes déjà et la multiplication de campements et
hameaux nouveaux. Dans cette projection les deux facteurs (l’extension des
parcelles de cultures et l’étalement de l’habitat) sont concomitamment mis en
cause dans le processus de régression des formations végétales naturelles.
3.3. Dynamique de l’occupation du sol
Durant l’intervalle de 7 ans relatif à cette étude, l’espace humanisé
(aménagé) présente un taux d’évolution important de +33% impliquant donc
des gains de surfaces. Corrélativement, l’espace naturel y connait une
régression avec un taux d’évolution de -30%. Dans cette même logique, entre
1971 et 1977, Koli-Bi et Tapé Bidi (1981) ont observé la régression de
l’espace naturel à un taux de 20% au profit de l’espace aménagé par l’homme
autour de Bonoua en Côte d’Ivoire. Ainsi, après une trentaine d’année de
différence, le taux de régression de l’espace naturel est plus important à
Korhogo qu’à Bonoua. Ce point de vue sous-entend que de nos jours,
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l’espace naturel disparait plus rapidement à Korhogo, qu’il y a 30 ans à
Bonoua. En 2012, Silué a constaté que le terroir du barrage de Nafoun dans la
région de Korhogo, connait une régression de l’espace naturel au profit de
l’humanisé. Ces conclusions concernent le bilan de l’occupation du sol entre
une période avant la création du barrage (1975) et une autre après sa mise en
fonctionnement (1979). Pour ce cas, on constate une régression de 9% par an
de l’espace naturel au profit de l’espace humanisé. Ce taux annuel est
relativement fort par rapport à celui du barrage de Natiokobadara (-5%) pour
des durées identiques. Il est donc clair que l’évolution de l’espace naturel est
moins rapide dans le terroir de Natiokobadara que dans celui de Nafoun.
Enfin, Gourdin et al., (2007) ont remarqué qu’il y a globalement un
glissement des zones naturelles vers les zones humanisées, dû probablement
en grande partie à la pression humaine dans la région du Nord. Leurs
analyses sont relatives à l’étude diachronique des petits barrages et leur
environnement dans le nord de la Côte d’Ivoire. Il ressort aisément que la
pression humaine est un facteur indubitable de la dynamique spatiale autour
des barrages en Côte d’Ivoire. Il en découle donc une dégradation du cadre
naturel, voire de la biodiversité. Ce résultat vient corroborer les observations
de M’banmeyh (2011) sur la dynamique d’un espace géographique autour du
barrage de la Mapé au nord du Cameroun dont la mise en place a provoqué
un profond bouleversement de l’organisation ancienne de la région. Ces
bouleversements sont surtout des mutations environnementales. Ces résultats
sont consacrés à l’aspect général environnemental et non à une dynamique
d’occupation du sol. En tout état de cause, au niveau des unités d’occupation,
le barrage de Natiokobadara perd annuellement 18% de ses eaux. C’est
d’ailleurs le taux de perte le plus élevé dans notre site d’étude. Le retrait des
eaux permet d’exhumer en revanche le tracé des vallées qui présentent une
évolution de +38% par an. Ce gain important pour les vallées est inhérent aux
pertes conséquentes des eaux. Le facteur primordial de ces pertes d’eau du
barrage est la fissure de la digue au niveau de la tour de moine (Silué, 2014).
Mis à part les vallées, la zone habitée présente une évolution annuelle
importante de 28%. C’est ce qui explique que la dynamique urbaine est
remarquable dans le site du barrage de Natiokobadara.
En outre, la présence de l’habitat autour du plan d’eau et de son
périmètre rizicole pose des difficultés de cohabitation. En effet, l’extension
de la zone habitée dans ce site entraine plusieurs contraintes. Dans un
premier temps, le milieu naturel disparait et expose les sols à l’érosion par les
eaux de ruissellement. Le processus d’érosion contribue ainsi au comblement
de la cuvette et des rizières localisées dans les bas-fonds de Natiokobadara.
Dans un second temps, la pression foncière liée à l’habitat conduit à
l’occupation anarchique des bas-fonds, soldée par la réduction voire la
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disparition des parcelles de cultures. En somme la pérennité de
l’aménagement hydroagricole et de son périmètre exploité par 594
riziculteurs est mise en cause. L’agriculture familiale dans le Nord s’en
trouve inéluctablement menacée. Pour la survie de leur activité culturale, les
paysans adoptent actuellement de nouvelles stratégies. L’une des stratégies
est le retour à la pratique de la riziculture pluviale. Elle consiste pour les
riziculteurs à ne produire qu’un cycle unique de récolte et non deux comme
avec la présence du barrage. Ils sont donc astreints à subir le déterminisme
des conditions climatiques. Le recours à la récolte unique est-il une
adaptation adéquate pour une production abondante et suffisante du riz?
L’autre stratégie consiste à procéder à la transmutation des cultures. A ce
niveau d’autres types de cultures telles que le maïs, l’arachide et le maraîcher
(moins exigeantes que le riz en besoin d’eau) font leur apparition dans les
rizières en période de contre-saison. L’adaptation des producteurs de riz au
problème de l’eau est-elle idoine pour garantir la sécurité alimentaire ?
3.4. La variabilité de l’occupation spatiale autour du barrage de
Natiokobadara
Au niveau de la variabilité, la dynamique globale de l’espace montre
une tendance à la mutation. Les surfaces concernées par les transformations
occupent 64% de l’espace d’étude. Plus de la moitié du site d’étude est donc
en mutation. Le présent résultat corrobore la dynamique globale d’occupation
du sol dans le terroir du plan d’eau de Koko localisé en pleine zone urbaine
de Korhogo. L’espace en mutation autour du plan d’eau (destiné à
l’adduction en eau potable) couvrait 61% du territoire d’étude entre 1973 et
1997 (Silué, 2012). Cette conclusion est différente de celle constatée sur les
barrages de Nafoun et Tiné. Ces deux aménagements sont localisés
exclusivement en milieu rurale. Ils ont présenté des espaces globalement
stables respectivement à 79% et 61% dans le Nord de la Côte d’Ivoire
(ibidem). En somme, sur les quatre exemples cités, les deux qui sont
fortement en mutation jouxtent la ville de Korhogo. Les deux autres dont les
surfaces sont majoritairement conservées, (donc stables) sont localisés en
milieu rural.
Ainsi, plus l’ouvrage est proche d’un centre urbain, plus la mutation
spatiale est remarquable. La dynamique urbaine ne serait-elle pas le facteur
primordial de la mutation de l’espace ? Il est certain que, l’habitat dans le
terroir de Natiokobadara a un taux de changement allant jusqu’à 83%. Les
vallées ont le taux de mutation le plus fort (97%) parce que leur variabilité est
conditionnée par les fuites d’eau. Dès que l’eau disparaît, elle laisse
apparaître les zones inondables constituées de vallées. Les pertes d’eau
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importantes à hauteur de 77% entraînent indirectement une présence
remarquable des vallées dans le site. Les forêts denses sèches qui jouxtent le
village de Natiokobadara se sont densifiées. Elles représentent des reliques de
végétation forestière conservées par les croyances culturelles. Classées en
effet comme forêts sacrées, elles servent de cadre d’initiation pour le
« poro3 ». La savane subit à 60% des transformations parce que c’est la
formation végétale par excellence dans la zone d’étude. Les cultures de bas-
fonds, sont aussi modifiées à environ 60%. La zone habitée en a phagocyté
une partie importante. Certains exploitants sont contraints de se diriger vers
le pied de la digue pour poursuivre leurs activités (figure 3). L’itinérance des
cultures de bas-fonds est une forme de résilience de la culture maraichère.
Les étangs piscicoles ont le taux de stabilité le plus important (67%). Ils n’ont
pas connu de modifications notables parce qu’ils sont sécurisées actuellement
par l’université qui les a acquis pour la formation des étudiants en
pisciculture. Nonobstant les difficultés de ravitaillement de la station
piscicole en eau du barrage, la production du poisson se poursuit grâce à
l’aménagement de deux forages.
En conséquence, au moment où le fonctionnement est tributaire des
forages, seulement 7 étangs sur environ 70 sont valorisés. Lorsque commence
la saison des pluies, et que le drain principal est alimenté par les eaux de
ruissellement, c’est la pratique de la pisciculture saisonnière. A la faveur
donc de la saison humide, le nombre d’étangs mis en valeur pour la
production piscicole double (15 sur 70). Il est évident que le potentiel de
production de cette station est sous-exploité. On pourrait en évaluer les
capacités de production entre 10% et 21% du potentiel. Quant au sol nu, il est
essentiellement composé de roches exposées et du déversoir latéral du
barrage. La mutation de ce type d’occupation spatiale est très lente. C’est
pour cela que son pourcentage de conservation est de 63%. Par contre, les
cultures d’interfluve et les vergers sont des parcelles en voie de
transformation. Étant en attente de mise en valeur par les propriétaires, ils
gardent des taux moyens de stabilité correspondant respectivement à 59% et
à 51%.
3 Le «Poro» est un rite initiatique de socialisation des jeunes hommes chez le peuple
Senoufo en Côte d’Ivoire.
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CONCLUSION
L’étude diachronique de l’occupation du sol peut se réaliser à partir
d’images aériennes prises sur Google Earth. La difficulté majeure pour ce
genre d’images réside dans leur disponibilité aux périodes ou dates
d’observation souhaitées. L’analyse spatiale dans le terroir du barrage de
Natiokobadara a permis de présenter l’occupation du sol avec les images
prises à partir du site Web Google Earth. L’inventaire y montre que pour une
période de 7 ans (2007 à 2013), l’espace aménagé par l’homme s’est accru
aux dépens de l’espace naturel. Dans l’ensemble, le terroir est marqué par de
profondes transformations à hauteur de 64%. Le facteur principal de cette
dynamique serait l’urbanisation exacerbée par la fin de la guerre en Côte
d’Ivoire. Cette dynamique urbaine conduit au mauvais fonctionnement de
l’aménagement hydro-agricole périurbain et de son périmètre de culture. Les
exploitants du site du barrage, pour maintenir leurs activités, ont mis en place
des stratégies d’adaptation diverses. Certains se contentent de ne travailler
qu’au rythme des saisons favorables. D’autres par contre, ont procédé à la
transmutation des espèces de cultures. D’autres encore ont préféré se
déplacer vers des endroits propices pour réinstaller leurs activités. Ces formes
de résilience sont-elles idoines pour la survie du barrage de Natiokobadara et
de son périmètre de culture ? A l’issue de cette étude, on se demande s’il
n’est pas judicieux de songer à une délocalisation du périmètre rizicole de
Natiokobadara.
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