nobile - lumieres conventionnalisme iconicité

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ICHOLS XI 11 th International Conference on the History of the Language Sciences Potsdam, 28 august – 2 september 2008 Luca Nobile Université de Paris 3 "Sorbonne Nouvelle" UMR 7597 "Histoire des théories linguistiques" Les Lumières françaises du conventionnalisme à l’iconicité

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Les lumières françaises du conventionnalisme à l'iconicité

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Page 1: Nobile - Lumieres conventionnalisme iconicité

ICHOLS XI11th International Conference on the History of the Language Sciences

Potsdam, 28 august – 2 september 2008

Luca NobileUniversité de Paris 3 "Sorbonne Nouvelle"UMR 7597 "Histoire des théories linguistiques"

Les Lumières françaises du conventionnalisme

à l’iconicité

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1. La tradition de l’arbitraire aristotélicien.

Aristote De interpretatione, 16a -322Augustin De doctrina christiana, II, 1-5 430Thomas d'Aquin Summa theologiae, 85, 1 1274Dante De vulgari eloquentia, I, 3 1305Cordemoy Discours physique de la parole, Préface, §2 1668Arnauld-Nicole Logique, I, 4 1683

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2. La “tradition” de l’arbitraire épicurien.

Epicure Lettre à Hérodote, in Diog. Laert. X, 75-76 -270Lorenzo Valla (cit. in Trabant 1999 : 9-10) 1457Gassendi Animadversationes, 54-55 1649Locke An essay concerning human understanding, III, 5, 8 1690Leibniz Brevis designatio ex indicio linguarum, 2 1710Vico Scienza Nuova I, 3, 57 ; II, 2, 4 1744

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3. Le débat sur l’origine du langage.

Condillac Essai sur l’origine des connoissances humaines 1746Rousseau Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes 1755Beauzée « Langue » in Encyclopédie 1765de Brosses Traité de la formation méchanique des langues 1765Condillac Cours d’études : Grammaire 1775Condillac Cours d’études : Logique 1780Rousseau Essai sur l’origine des langues +1781Condillac Cours d’études : La langue des calculs +1798

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4. Le paradoxe de la convention originaire.

CITATION 4a (Condilac 1746 : I, 82) : "Il semble qu'on ne sçauroit se servir des signes d'institution, si l'on n'étoit pas déjà capable d'assez de réflexion pour les choisir et pour y attacher des idées : comment donc, m'objectera-t-on peut-être, l'exercice de la réflexion ne s'acquerroit-il que par l'usage de ces signes ?"

CITATION 4b (Rousseau 1755 ; 1826 : 268) : "...on s'avisa enfin de lui substituer [au geste] les articulations de la voix, qui, sans avoir le même rapport avec certaines idées, sont plus propres à les représenter toutes comme signes institués ; substitution qui ne put se faire que d'un commun consentement et d'une manière assez difficile (...) à concevoir en elle même, puisque cet accord unanime dut être motivé, et que la parole paroît avoir été fort nécessaire pour établir l'usage de la parole".

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5. La Grammaire et l’arbitraire.

CITATION 5a (Condillac 1775 : 21n) : "Pour se convaincre combien les mots sont peu arbitraires, il faut lire le Traité de la formation méchanique des langues, ouvrage neuf, ingénieux, où l'auteur montre beaucoup d'érudition et de sagacité" CITATION 5b (Condillac 1775 : 21) : "...lorsque je dis qu'ils représentoient les choses avec des sons articulés, j'entends qu'ils les représentoient d'après des apparences, des opinions, des préjugés, des erreurs...".

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6. “Langue” et foi. CITATION 6a (Beauzée 1765 : 250) "D'où il suit que les lumières véritables de la raison ne peuvent jamais être opposées à celles de la révélation, et que l'une par conséquent ne doit pas se prononcer autrement que l'autre sur l'origine des langues. C'est donc s'exposer à contredire sans pudeur et sans succès le témoignage le plus authentique qui ait été rendu à la vérité par l'auteur même de toute vérité, que d'imaginer ou d'admettre des hypothèses contraires à quelques faits connus par la révélation, pour parvenir à rendre raison des faits naturels."

CITATION 6b (Beauzée 1765 : 253) "Que reste-t-il donc à conclure, pour indiquer une origine raisonnable au langage? L'hypothèse de l'homme sauvage, démentie par l'histoire authentique de la Genèse, ne peut d'ailleurs fournir aucun moyen plausible de former une première langue: la supposer naturelle, est une autre pensée inalliable avec les procédés constans et uniformes de la nature: c'est donc Dieu lui-même qui non content de donner aux deux premiers individus du genre humain la précieuse faculté de parler, la mit encore aussi-tôt en plein exercice, en leur inspirant immédiatement l'envie et l'art d'imaginer les mots et les tours nécessaires aux besoins de la société naissante".

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7. Naturalisme éclairé. CITATION 7a (de Brosses 1765 : XVIII) : "[Reconnaissant alors (...)] Que la première fabrique du langage humain n’a donc pu consister, comme l’expérience et les observations le démontrent, qu’en une peinture plus ou moins complette des choses nommées ; telle qu’il étoit possible aux organes vocaux de l’effectuer par un bruit imitatif des objets réels (...). Que le langage humain et la forme des noms imposés aux choses n'est donc pas, autant qu'on se le figure, l'opération de la volonté arbitraire de l'homme ; que dans la première fabrique du langage humain et des noms radicaux, cette forme est l'effet nécessaire des sensations venues des objets extérieurs, sans que la volonté y ait eu presque aucune part..."

CITATION 7b (de Brosses 1753 in Beauzée 1765b) "Déterminés par différentes circonstances, les hommes envisagent les choses sous divers aspects : c'est le principe de la différence de leurs idiomes".

CITATION 7c (de Brosses 1765 : XXI) « Plusieurs personnes éclairées ont trouvé quelque chose de neuf et d’intéressant dans cette méthode d’appliquer ainsi l’analyse et la synthèse à la formation du langage, sans autre guide que la nature suivie pied à pied dans ses opérations ».

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8. Physischen und mechanischen.

CITATION 8a (Bopp 1833 :1) « Ich beabsichtige in diesem Buche eine vergleichende, alles Verwandte zusammenfassende Beschreibung des Organismus der auf dem Titel genannten Sprachen, eine Erforschung ihrer physischen und mechanischen Gesetze und des Ursprungs des die grammatischen Verhältnisse bezeichnenden Formen. Nur das Geheimnifs der Wurzeln oder des Benennungsgrundes der Urbegriffe lassen wir unangetastet... »

CITATION 8b (Bopp 1866 :1 ; traduction de Michel Bréal) « Je me propose de donner dans cet ouvrage une descritpion de l’organisme des différentes langues qui sont nommées sur le titre, de comparer entre eux les faits de même nature, d’étudier les lois physiques et mécaniques qui régissent ces idiomes, et de rechercher l’origine des formes qui expriment les rapports grammaticaux. Il n’y a que le mystère des racines ou, en d’autres termes, la cause pour laquelle telle conception primitive est marquée par tel son et non par tel autre, que nous nous abstiendrons de pénétrer... »

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Merci

[email protected]

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Annexe 1. Six types de signes naturels.

1. Interjections. heu! hélas! ah-ah! ha ha ha ha! hi hi hi hi! pouah!

2. Mots enfantins en consonnes labiales.Papa, pater, maman, mater (exemples en 123 langues tirés de Chamberlayne 1715)

3. Autonymes des organes phonatoires.dent, tooth, dandan (pers.), disch (tur.) ; langue...; gorge...

4. Onomatopées (même synestétiques).bruit, cri, choc; clangor, fragor, stridens - (âpre, rude, glisser; acerbus, horror)

5. Mots qui expriment des modalités des êtres. ST- stare, stone « fixité », SC- sculpture, scutum « creux », FL- « fluide »...

6. Phénomènes prosodiques.

(Brosses 1765 : 222-282)

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Annexe 2. Epicure, Lettre à Hérodote.

« Originairement, donc, les noms des choses n’ont pas été établis par un accord, mais les différentes natures des hommes, recevant des impressions particulières suivant chaque peuple, et saisissant des représentations particulières, poussaient l’air d’une manière particulière, en raison de l’impulsion de ces impressions et de ces représentations, qui dépendaient également des différences entre les peuples dues aux lieux qu’ils habitaient».

(Diogène Laërce 1533 : X, 75-76)

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Annexe 3. Trois manières de minimiser.

Bernhard Henschel 1977- Condillac 1746 prône un arbitraire fonctionnel.- Condillac 1775 refuse un arbitraire génétique.- Donc il n’y a pas de contradiction.

Jürgen Trabant 1986- Chez Condillac (1746 et 1775) l’arbitraire est toujours génétique.- Il ne fait que changer sa terminologie (arbitraire > artificiel).- Donc il n’y a pas de contradiction.

Sylvain Auroux 1979 et 2007- Chez Condillac (1746 et 1775) le génétique est toujours fonctionnel. - Entre 1746 et 1775, il ne fait que retarder le moment où l’arbitraire apparaît.- Donc il n’y a pas de contradiction.

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Annexe 4. Les deux arbitraires chez Saussure. (Saussure 1968 : 159) « Mais voici l’aspect paradoxal de la question : d’un côté, le concept nous apparaît comme la contre-partie de l’image auditive dans l’intérieur du signe, et, de l’autre, ce signe lui-même, c’est à dire le rapport qui relie ses deux éléments, est aussi, et tout autant la contre-partie des autres signes de la langue ».

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Annexe 5. L’arbitraire et la liberté de l’homme.

(Auroux 2007 : 6-7) « La problématique sur l’origine (celle du langage, mais aussi de la société, du droit, de l’Etat, etc.) inaugure une grande révolution philosophique, celle qui va séparer la nature, domaine de la loi physique et déterministe, et la culture, domaine du droit, de l’histoire et de la liberté humaine. L’arbitraire du langage, n’est pas un fait attesté, il joue le rôle de principe de démarcation. Chez le Condillac de la Grammaire (1775) le passage du « signe naturel » au « signe arbitraire » inaugure la possibilité pour le sujet humain de manipuler les signes à son gré et d’entrer dans le monde du langage. L’arbitraire n’est pas un fait, c’est le principe théorique à l’origine de l’histoire et de la culture ».

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Annexe 6. L’arbitraire et l’autonomie des SHS.

(Auroux 2007 : 10) « On peut considérer que l’épigénétisme est l’aboutissement de l’interdit de la question d’origine qu’il maintient fermement dans les sciences sociales. Bien entendu, il n’obère pas les recherches sur les transformations biologiques de l’humanité qui rendent le langage possible. Mais il correspond à la conception d’une démarcation nette entre la nature et la culture et, par conséquent, d’une autonomie des sciences sociales ».