noël à travers les siècles

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MARIE DE MÉDICIS UNE MÉCÈNE EN SON PALAIS SPÉCIAL BEAUX LIVRES ALL 6,90 €/BEL 6,30 €/CAN 9,50 $CAN/DOM 6,50 €/ESP 6,50 €/GR 6,50€/ITA 6,50 €/PORT-CONT 6,50 €/LUX 6,50 €/MAR 5800 DH/MAY 7,90 €/CH 11 FS/TOM AVION 1550,00 XPF/TOM SURFACE 880 XPF/TUN 6,50 TND JANVIER 2011 - N° 769 Comment on festoyait au Moyen Age L’origine du sapin et des santons Les 25 décembre historiques Comment on festoyait au Moyen Age L’origine du sapin et des santons Les 25 décembre historiques Comment on festoyait au Moyen Âge L’origine du sapin et des santons Les 25 décembre historiques T 05067 - 769 - F: 5,50 E

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Entre les histoires qui ont bercé notre enfance, celles que nous avons oubliées, les usages le sapin, la crèche, la messe de minuit, la bûche dont nous ignorons l’origine, ce numéro consacré à Noël devrait en surprendre plus d’un.

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Page 1: Noël à travers les siècles

MARIE DE MÉDICIS UNE MÉCÈNE EN SON PALAIS

SPÉCIAL BEAUX LIVRES

ALL 6,90 €/BEL 6,30 €/CAN 9,50 $CAN/DOM 6,50 €/ESP 6,50 €/GR 6,50€/ITA 6,50 €/PORT-CONT 6,50 €/LUX 6,50 €/MAR 5800 DH/MAY 7,90 €/CH 11 FS/TOM AVION 1550,00 XPF/TOM SURFACE 880 XPF/TUN 6,50 TND

JANVIER 2011 - N° 769

Comment on festoyait au Moyen Age

L’origine du sapin et des santons

Les 25 décembre historiques

Comment on festoyait au Moyen Age

L’origine du sapin et des santons

Les 25 décembre historiques

Comment on festoyait au Moyen Âge

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Maître de conférences à Paris-Sorbonne IV, membre de la Société de l’Histoire de France, il effectue des recherches sur les rapports entre la France et l’Italie (XVe-début XVIe siècle).

Spécialiste de la France classique, il a signé une trentaine d’ouvrages. Sa biographie de Louis XVI est rééditée en deux tomes chez Tempus (2010).

Professeur honoraire des civilisations antiques à Paris X-Nanterre, elle vient de faire paraître La Rome antique pour les nuls (First, 2010), Et Rome brûla (Larousse, 2009).

Professeur à la Sorbonne où il dirige l’École doctorale d’histoire moderne et contemporaine. Il vient de publier Napoléon expliqué à mes enfants (Le Seuil).

Janvier 2011

Les personnalités s’engagentDe nombreux historiens rejoignent notre combat pour

la défense de l’Histoire, engagé depuis l’été. Nous pour-

suivons la publication de leurs contributions. Voici cel-

les de Jean-Paul Cointet, Jean Favier, Franck Ferrand,

François Kersaudy, Jean-Yves Le Naour, Jean Verdon.

D’autres suivront…

Noël à travers les sièclesTous les Noëls n’ont pas été joyeux. En témoignent : la

soirée de Louis XVI passée dans la prison du Temple à

rédiger son testament, l’attentat contre Bonaparte, où

ce réveillon de 1941 durant lequel un certain de Gaulle

s’adresse aux enfants de France, depuis Londres.

Marie de Médicis, mécène émériteÀ l’image de son illustre parentèle, la reine de France,

fille du grand-duc de Toscane, développe les arts. Une ex-

position, au Musée Maillol à Paris, lui rend hommage.

50 La naissance de la haute horlogerieAu XVIIe siècle, les créateurs français et suisses, tels

Breguet ou Cartier, développent cet artisanat de pres-

tige, mariage de la technologie et du luxe.

54 Sur les traces de Jules de BlossevilleUn siècle et demi après, deux Français ont suivi la route

du marin normand qui, le premier, cartographia la par-

tie du Groenland qui porte son nom. Voici leur récit.

Carcassonne, deux cœurs pour une seule citéD’un côté, la bastide voulue par Saint Louis après la croi-

sade contre les albigeois ; de l’autre, la ville fortifiée.

Expositions, théâtre, DVD, jeux vidéo

Charlotte Bonaparte, l’artiste de la famille

Le patrimoine d’un fin gourmet

L’année a toujours commencé le 1er janvier

Rolland

Brillat-Savarin

Le Masque de fer

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Dossier : Noël à travers les siècles p. 15

Spécial ville : Carcassonne p. 60Deux cœurs pour une seule cité

Professeur à Paris I, il est l’auteur de biographies. Il vient de retraduire et d’annoter Les Mémoires de guerre de Churchill (Tallandier, 2009-2010).

Historienne, elle a consacré chez Perrin, plusieurs ouvrages à des femmes d’influence, comme Agnès Sorel. Dernier titre paru : Marie de Médicis.

Professeur agrégé de physique, il est l’auteur d’Une histoire illustrée de la mesure du temps, de la course du Soleil aux horloges atomiques (Éditions Vuibert, 2009).

Docteur en sciences à Paris-Sorbonne, climatologues, explorateurs polaires et navigateurs, ils ont effectué à ce jour vingt-quatre expéditions dans l’Arctique.

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Où habite-t-il le Père Noël quand il n’est pas sur les routes ? Le pays des forêts de sapins et des lacs gelés, la Suède, lui a offert l’asile à Mora, à 300 kilomètres de Stockholm. Selon l’ambassade de Suède à Paris, c’est là qu’on trouve la VRAIE maison du Père Noël. C’est ici qu’il se repose avec ses lutins après sa nuit,

qui dure plus de trente heures en tenant compte du décalage horaire. C’est là aussi que depuis 1984, un parc d’attraction lui est consacré. Il accueille chaque saison 50 000 visiteurs et génère un chiffre d’affaires d’1,3 millions euros. Ce qui fait bien rire dans leurs barbes les Norvégiens qui savent que le Père

Noël abrite sa hotte et ses rennes à Drøbak, sur le fjord d’Oslo. Julenisse, comme on l’appelle, dispose d’une maison en centre-ville à moins d’une demi-heure d’Oslo. Il est clair que ce cadre verdoyant met à mal la théorie américaine selon laquelle le Père Noël vit 364 jours sur 365 en Laponie au-delà du cercle polaire. Même si

Antilles françaises

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Traditions et festivités

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un village lui est consacré là-haut et qu’un de ses avatars rapte 15 euros au touriste pour être pris en photo, il faut être logique : le permafrost et l’absence de fourrage ne permettent pas aux rennes de survivre au froid polaire. Les Russes et les Canadiens lui ont construit chacun un abri. Mais on chuchote qu’il n’y va guère. Et il

est assez improbable qu’on le trouve par 10° 30’ Sud et 105° 40’ Est, même si ces coordonnées GPS correspondent à l’île Christmas. À l’époque où officie le Père Noël, l’île est envahie par des millions de crabes, certes rouges, mais réputés peu avenants pour les pattes des ruminants. Alors ? Il est un endroit où on le trouvera à coup

sûr. À la bibliothèque du Congrès à Washington. Dans les pages d’un numéro du Harper’s Illustrated Weekly de 1866, sous le crayon de Thomas Nast. C’est sa première apparition, tout rond, une pipe au coin des lèvres, dans son habit rouge. Et ce modèle légendaire… on le trouve partout. Alain Le Roch

Aux Philippines Deuxième pays le plus catholique d’Asie, l’archipel est connu pour fêter le plus long Noël du monde ! Il est courant d’entendre, dès l’automne dans les églises, des chants traditionnellement réservés à l’Avent. Les neuf derniers jours avant la nativité, la neuvaine entraîne une série de messes, toutes professées dans la langue des premiers missionnaires, l’espagnol. L’aspect religieux prend là-bas le dessus sur le festif. Le repas, notamment, est très simple, constitué de riz et de porc rôti.

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d’un bout à l’autre de la planète

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Michel Cool« Au lieu de se lamenter sur la profanation de Noël, il faut inventer de nouvelles représenta-tions, innover, sans craindre ni ronchonner. »

Le 23 décembre 1951, de jeunes catholiques au sang chaud brûlèrent une effigie du Père Noël sur le parvis de la cathédrale de Dijon. Ils entendaient

ainsi protester contre la dévalorisation religieuse d’une des fêtes les plus importantes du calendrier grégorien. La figure du vieux bonhomme leur apparaissait d’autant plus sacrilège que depuis 1931, elle servait de tête d’affiche à la campagne publicitaire de la célèbre firme américaine Coca-Cola ! Leur autodafé fut blâmé par le maire de Dijon de l’époque, un édile pourtant ensoutané, le pittoresque chanoine Kir.Cette affaire souleva aussi la réprobation de Claude Lévi-Strauss. Pour l’ethnologue, le Père Noël s’inscrivait dans la lignée d’anciennes figures mythiques marquant un rite de passage, celui de la fin de l’hiver… Il lui semblait donc vain d’immoler par le feu le dernier avatar d’un mythe venu du fond des âges. Malgré les protestations souvent sincères qui suivirent, le personnage à barbe blanche et houpelande rouge finit par imposer son image dans les années soixante. Et depuis 1946, Tino Rossi le célébrait chaque année avec son Petit Papa Noël, tiré à trente millions d’exemplaires, qui devint le standard que l’on sait (voir p. 37).L’autodafé de Dijon révèle deux choses : la première c’est que la désacralisation religieuse de la fête de Noël n’est pas une nouveauté, mais une vieille histoire. Ce processus ne se limite d’ailleurs pas à notre ère moderne réputée impie et cupide. Déjà au Moyen Âge, les spectacles liturgiques évoquant la naissance du Christ se muèrent en divertissements. Chassés des églises, ils furent remplacés par les « mystères » représentés, par précaution, sur le parvis des cathédrales – et à

leur tour supprimés au XVIIe siècle pour cause de désordres publics. La désacralisation de Noël, comme sa commercialisation, doit donc être « relativisée » selon la règle de ce que les anthropologues appellent le « gaspillage cérémoniel » propre à toute fête. Le christianisme n’est pas seul à souffrir ces débordements. Sous l’Antiquité romaine, Sénèque dénonçait les nombreux abus occasionnés pendant les Saturnales. Pour un certain nombre de chrétiens, l’ambiance carnavalesque de ces fêtes païennes n’a que trop déteint sur nos Noëls contemporains évidés de toute signification religieuse.La deuxième leçon de l’épisode dijonnais ? Remédier à cette perte de sens et de respect par la manière forte est voué à l’échec et au ridicule. Invoquer le sens spirituel de Noël dans une société laïque et pluraliste comme la nôtre et frappée, de surcroît, d’amnésie historique et d’inculture religieuse, implique l’adoption par les chrétiens de deux comportements strictement opposés à celui des jeunes « fous » de 1951. C’est dans l’humilité que l’homme, sauvé par l’Enfant de la crèche, manifeste sa vraie grandeur, à l’exemple des moines de Tibhirine. Alors, au lieu de se lamenter sur la profanation de Noël, il faut inventer de nouveaux modes de présentation de l’esprit de Noël. Comme François d’Assise au XIIIe siècle, il faut fabriquer de nouvelles « crèches » ! Les hommes et les femmes du XXIe siècle ont besoin de GPS pour s’aventurer sur la route. Il faut le leur en fournir. Sans craindre ni ronchonner, mais en innovant et en témoignant… sous le regard de l’étoile du berger. Journaliste et écrivain, chroniqueur littéraire de l’émission

« Le Jour du Seigneur » sur France 2.

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Jean Chélini« Un noyau religieux demeure pour célébrer dans la joie la naissance de Jésus, se rendre à la messe de minuit en famille et faire la crèche. »

Il n’y a pas de contradiction entre la signification religieuse de Noël et la prolifération d’activités économiques et commerciales auxquelles elle donne

lieu. D’une certaine manière, la fête chrétienne permet et justifie rassemblements familiaux, échanges de cadeaux et vacances scolaires. Le caractère spécifique de la période attire l’attention du plus grand nombre sur l’événement qui est, à son origine, la naissance de Jésus. De fait, c’est une fête joyeuse comme toutes celles qui célèbrent une naissance. À ceci près qu’elle s’adresse à tous, car elle commémore pour les croyants l’apparition du Messie, le sauveur de l’humanité. Elle garde donc un caractère joyeux, touchant toutes les classes d’âge, les vieilles gens comme les enfants.Pour les fidèles, la Nativité marque le début de l’année liturgique, les associant à la joie de la naissance de l’enfant Dieu. C’est une fête facile à comprendre qui met en scène une famille. Une fête simple à illustrer. Au cours des siècles, les plus grands peintres ont œuvré sur le sujet. Dans ces nativités, certaines mettent seulement en scène la Vierge et Joseph auprès de l’Enfant ; d’autres, en revanche, sont riches et foisonnantes et on y trouve mêlés les anges et les rois mages conduits par l’étoile. De façon plus efficace encore, les représentations imagées de la crèche ont popularisé la scène. Depuis celle que composa François d’Assise, le Poverello, en introduisant, en 1223, un nourrisson entre un bœuf et un âne dans la ville de Grecio, jusqu’à celle que les pères de l’Oratoire installèrent à Marseille au XVIIIe siècle à la paroisse des Accoules. La crèche s’est répandue depuis dans tout le Midi puis dans le reste de la France et, de là, a gagné toute l’Europe.

L’ouvrage de Régis Bertrand Crèches et santons de Provence (éd. Barthélemy, 1992) révèle que la création des santons est attribuée à Jean-Louis Lagnel (1764-1827). Cet artisan marseillais, peintre et sculpteur, bon catholique à l’époque du Directoire, a façonné les moules des principaux sujets. Nous avons conservé de lui une centaine de moules de plomb qui donnaient d’excellentes figurines empruntées au monde quotidien : le berger couché, l’homme à la hotte sur l’épaule, la femme âgée portant un agneau dans ses bras et une courge rouge sur la tête (la coucourde en provençal). Mais il a aussi réalisé des sujets originaux, comme le dresseur de marmottes et la porteuse de légumes, datée sur le socle du 21 janvier 1805 ! En 1803 se tient la première foire aux Santons et aux Crèches de Marseille, sur le cours Saint-Louis. Par la suite, l’usage devient général. Il y aura des crèches publiques dans les églises, mécaniques, animées et des crèches familiales dans les maisons du vieux Marseille !À la fin du XIXe siècle, tout le monde « fait la crèche ». Ainsi, un noyau religieux demeure pour célébrer la Noël, la messe de minuit, le regroupement familial et la présence des crèches publiques et domestiques. Parfois profane. Ainsi un candidat, qui visitait une école pour les élections municipales de 1965, s’écria en regardant la directrice : « Mais il n’y a pas l’Enfant Jésus dans votre crèche. ». Il se vit répondre vertement : « Mais Monsieur le gouverneur (c’était un ancien des colonies) c’est une crèche laïque ! » Ancien professeur à l’université d’Aix-Marseille et directeur

de l’Institut de droit et d’histoire canoniques d’Aix, il a publié

entre autres Le Calendrier chrétien : cadre de notre identité

culturelle (éd. A&J Picard, 2007).

valeur religieuse ? paraître le message chrétien originel ? Pas si sûr !

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par Élisabeth Couturier

Jusqu’au 10 janvier, le Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau met à l’honneur ses albums, aquarelles et paysages. Dotée d’un beau talent formé, au fil des étapes de son exil, par les maîtres de l’époque.

Charlotte Bonaparte, l’artiste de la famille

La seconde fille du roi de Naples et d’Espagne, Joseph Bonaparte, frère de l’Empereur, montre très tôt des dispositions pour les beaux-arts. Son engouement pré-coce s’appuie sur la traditionnelle « éducation accomplie » destinée aux jeunes filles de l’aristocratie, instruites aussi bien en dessin, en peinture et en musique que dans d’autres domaines de la connaissance. À ceci près que, chez elle, on peut parler de vocation : les œuvres signées de sa main révè-lent une véritable artiste. Contrairement à de nombreuses prétendantes au rang de parfaite maîtresse de maison, Charlotte met l’art au centre de sa vie. Sa pratique artis-tique va bien au-delà du simple passe-temps domestique : elle repose sur un don réel pour le dessin, auquel s’ajoutent la fréquentation et les conseils de grands maîtres. Et les albums rassemblant les œuvres sur papier, réalisées par elle-même ou par ses amis artistes, et amassées au cours de sa destinée chaotique, témoignent d’un intérêt jamais démenti. En les feuilletant, au travers des paysages, des portraits et des intérieurs, on peut suivre l’évolution de la princesse artiste. On peut aussi se faire une idée de son exis-tence nomade suite à l’abdication de Napoléon et son exil à l’île d’Elbe. La famille du roi de Naples et d’Espagne doit se réfugier, d’abord en Suisse, puis à Francfort, avant d’élire domicile, en 1820, à Bruxelles. Charlotte qui trouve dans le dessin un remède à ses inquiétudes, vit dans la future capi-tale belge une période déterminante pour sa formation : elle a le privilège de suivre l’enseignement du peintre Jacques-Louis David, notoire exilé du bonapartisme.

À la vue des quelques portraits remarquables qu’elle réalise alors, on comprend l’aide précieuse apportée par le maître à son illustre élève. Celle-ci lui en sera toujours reconnaissante. En 1823, elle lui envoie cette lettre de Philadelphie [Ndlr : elle rejoint son père éxilé, lui, aux

États-Unis] : « Je suis impatiente de vous dire combien j’ai été touchée de l’intérêt et de l’attachement que vous m’avez témoignés ; et ne serais-je pas une personne froide et insen-sée, si je venais à en perdre le souvenir ! J’aime à croire, Monsieur, que vous êtes persuadé du prix que j’attache aux moments que vous avez bien voulu me consacrer en me dirigeant dans mes commencements en peinture. Croyez, Monsieur, que je suis digne d’en sentir toute l’importance ; aussi j’en conserverai, toute ma vie, avec le souvenir, une reconnaissance bien réelle. » Elle parlait vrai.

De retour à Rome, un an plus tard, elle se lie d’amitié avec de nombreux artistes italiens et étrangers, notamment des paysagistes. Elle écrit à sa sœur : « Je m’occupe beau-coup […], je fais des merveilles au dessin, je connais tous les meilleurs peintres. » Elle fréquente, en particulier, Keiser-mann, Verstappen, les Boguet et Pinelli. Son mariage avec son cousin Napoléon Louis, qui partage la même passion pour l’art, consacre un des moments les plus heureux de son existence. Installé à Florence, dans le palais Gianfigliazzi, le couple reçoit les libéraux et des artistes comme Samuele Jesi ou Léopold Robert. Mais Napoléon-Louis, engagé dans les mouvements insurrectionnels de Romagne, trouve la mort le 17 mars 1831. Charlotte tombe alors dans le plus pro-fond désespoir et seul le dessin lui permet de surmonter sa peine. Elle a une activité frénétique encouragée par Jesi et Robert. Les portraits et vues d’après nature qu’elle exécute, notamment à Londres, en 1832, chez son père, marquent une parfaite maîtrise de son art. La princesse amoureuse de l’art connaît une fin tragique : alors qu’elle tente de re-joindre Paris, en février 1839, pour cacher une grossesse difficile et secrète, elle meurt durant le voyage. Elle laisse ses fameux « albums amicorum ». Autrement dit, les traces de sa mémoire intime.

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Madame Mère. Le visage de la vieille dame est traité à la manière

d’une miniature. D’un caractère fort et austère, comme ne le montre pas trop cette aquarelle, elle était encore belle un an avant sa mort et malgré sa cécité. La mère de Napoléon fut élevée au rang d’altesse impériale en 1805. C’est à Rome qu’elle trouva refuge pendant l’exil de son fils, sous la protection du pape.

L’art du portrait. Jusqu’en 1833, Charlotte s’était exprimée dans les

paysages ou les vues. Lors d’un séjour à Florence, le portraitiste Stapleaux l’initie dans un genre où il excelle. Par la suite, sa sœur Zénaïde, lui servira souvent de modèle. Son salon voit défiler de nombreux artistes et l’on travaille souvent à plusieurs sur un même dessin. Son époux, Napoléon-Louis y participe aussi.

Le rendu des textiles. Particulièrement réussie, l’aquarelle

se joue des ombres et des lumières. La princesse l’a commencée, puis Alessandro Capalti l’a retouchée. Si cette œuvre, traitée à la manière d’une miniature, n’est pas le seul exemple de leur collaboration, elle est remarquable par le rendu des textiles et l’expression du visage. Charlotte en fit tirer de nombreuses lithographies.

. Aquarelle sur papier, 26,7 x 20,3 cm .

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Historia rétablit chaque mois une vérité historique, en allant à l’encontre d’une notion aussi communément admise qu’erronée.

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L’année a toujours commencé le 1er janvier

En vigueur aujour-d’ hu i , le c a len -drier grégorien et le début de l’année fixée au 1er janvier ne datent que de la fin du XVIe siècle.

Certains des pays baltes et d’Europe de l’Est ne l’ont adopté qu’au XXe siè-cle, comme la Grèce en 1924. Précé-demment, dans le calendrier julien instauré en 46 av. J.-C. par Jules César, le 1er janvier était… le 1er mars, mois du dieu de la guerre important pour Rome, et dans le calendrier républi-cain décrété pendant la Révolution le nouvel an tombait le… 22 septembre, ou le 23, parfois même le 24 !

Le pape Libère décide en 532 de fixer le premier jour de l’année au 1er du mois de janvier, qui vient immé-diatement après la Nativité. Il n’est ce-pendant pas suivi. Les pays, si ce n'est les régions, changent d’année en ordre dispersé : en France et en Angleterre, la référence est généralement Pâques, date pourtant mobile ; à Vienne c’est le 25 mars ; ailleurs, comme en Anjou, à Lyon et en Italie, c’est la date de Noël qui est retenue.

Le 9 août 1564, le roi Charles IX signe l’édit de Roussillon qui impose notamment de faire débuter l’année le 1er janvier. En 1582, apparaît un nou-veau calendrier sous l’instigation du pape Grégoire XIII, le calendrier grégorien. La structure est analogue à celle du calendrier julien. Il donne une

durée moyenne de l'année de 365,2425 jours. Pour assurer un nombre entier de jours par année et pour correspon-dre à la réalité solaire, on y ajoute tous les quatre ans un jour bissextile, le 29 février. Lors de l’entrée en vigueur du calendrier, il fallut combler le dé-calage du calendrier julien, qui avait été pris par rapport à l’année solaire, et supprimer dix jours. On passa donc en une nuit du 4 au 15 octobre 1582, nuit au cours de laquelle mourut sainte Thérèse d’Avila.

L’Europe adopta progressi-vement cette nouvelle façon de cal-culer le temps au cours des XVIIe et XVIIIe siècle. Mais le nouvel an connut un nouvel avatar en France. Le 22 sep-tembre 1792, la Convention proclame la République. Pour bien marquer la rupture avec l’Ancien Régime, elle adopte un calendrier républicain éla-boré notamment par David, Chénier et Fabre d'Églantine. Le projet défi-nitif est adopté le 24 octobre 1793 : le début de la nouvelle ère est fixé au 22 septembre 1792 qui devient ainsi le 1er vendémiaire an I. Chaque an-née commence le jour de l’équinoxe d'automne, moment où la durée du jour est égale à celle de la nuit, ce qui, selon les années, peut correspondre au 22, 23 ou 24 septembre, date qui est fixée par décret. L'année est divisée en douze mois de trente jours, auxquels on donne de nouveaux noms. Ils sont divisés en trois « décadi » de dix jours (pour supprimer toute référence bi-

blique à la semaine de sept jours), sui-vis de cinq jours « complémentaires » appelés « sans-culottides ». L’année bissextile est appelée « franciade » et le jour ajouté tous les quatre ans, « jour de la Révolution ».

Ce système est supprimé par Napoléon en 1805. L’Empereur décide de redonner à la France le calendrier grégorien appliqué par ailleurs dans l’Europe entière. Depuis le 1er janvier 1806, il marque toujours le premier jour de l’année. Olivier Tosseri

Janvier vient du latin januarius, en l’honneur du dieu Janus, celui qui veille sur les portes. Depuis, et sans aucune interruption, on fête le nouvel an le premier jour de ce mois-là

. La Convention va changer les noms des mois pour rompre avec l’Ancien Régime. Et le 1er janvier alors ?