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- - Oraison et réconciliation La démarche jubilaire que nombre d’entre nous a pu vivre à Lourdes le 16 juillet dernier, était une réponse, à la fois joyeuse et pleine de ferveur, au message central des apparitions : un appel à la conversion, un encouragement à persévérer sur un chemin vers Dieu et avec Dieu. Chemin sur lequel il nous arrive de trébucher, d’errer, de ralentir, voire d’en- visager de renoncer. Thérèse d’Avila le savait déjà, qui écrit : « Dans quel but pensez-vous, mes filles, que je vous ai dévoilé le terme et fait connaître la récom- pense avant le combat ? Afin que vous ne vous désoliez pas des difficultés et des obstacles que présente ce chemin […] Car il pourrait arriver que, une fois par- venues à la fontaine et n’ayant plus qu’à vous baisser pour boire, vous abandon- niez l’entreprise, désespérant d’atteindre un si grand bien ! » Pour chacun d’entre nous la vie chrétienne est pérégrination et compagnonnage, et l’oraison nous offre de nous entretenir avec Celui qui fait route avec nous. Or notre mystérieux in- terlocuteur a l’art de nous faire parler, épancher notre cœur, reconnaître nos dé- couragements et nos refus, notre lenteur à croire. Avec patience, il nous fait passer de notre chemin sur le sien. Cette lente réconciliation – avec le Seigneur d’abord, qui rend possible toute autre réconciliation – est une œuvre de l’Esprit en nous ; oraison et confession sont deux lieux majeurs de ce travail patient. Vivre la réconciliation tout en en étant ministre dans le sacrement : voilà qui ne peut qu’aviver encore le désir de se convertir au Dieu qui relève : les frères Jean et Jean-Marie-Joseph – deux générations partageant un même ministère – nous en découvrent quelques aspects. Pour sa part, Fr Jean-Baptiste nous propose quelques pistes de méditation, pour que la miséricorde reste le mystère d’un Dieu qui écoute et rassure. Fr Martin – Montpellier Lettre aux Amis Lettre aux Amis – Octobre 2008 Octobre 2008 France France Québec Québec Sénégal Sénégal Suisse Suisse

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Page 1: Oraison et réconciliation - lettrecarmesmidi.org · oraison et confession sont deux lieux majeurs de ce travail patient. Vivre la réconciliation tout en en étant ministre dans

--Oraison et réconciliation

La démarche jubilaire que nombre d’entre nous a pu vivre à Lourdes le 16juillet dernier, était une réponse, à la fois joyeuse et pleine de ferveur, au messagecentral des apparitions : un appel à la conversion, un encouragement à persévérersur un chemin vers Dieu et avec Dieu.

Chemin sur lequel il nous arrive de trébucher, d’errer, de ralentir, voire d’en-visager de renoncer. Thérèse d’Avila le savait déjà, qui écrit : « Dans quel butpensez-vous, mes filles, que je vous ai dévoilé le terme et fait connaître la récom-pense avant le combat ? Afin que vous ne vous désoliez pas des difficultés et desobstacles que présente ce chemin […] Car il pourrait arriver que, une fois par-venues à la fontaine et n’ayant plus qu’à vous baisser pour boire, vous abandon-niez l’entreprise, désespérant d’atteindre un si grand bien ! » Pour chacun d’entrenous la vie chrétienne est pérégrination et compagnonnage, et l’oraison nous offrede nous entretenir avec Celui qui fait route avec nous. Or notre mystérieux in-terlocuteur a l’art de nous faire parler, épancher notre cœur, reconnaître nos dé-couragements et nos refus, notre lenteur à croire. Avec patience, il nous fait passerde notre chemin sur le sien. Cette lente réconciliation – avec le Seigneur d’abord,qui rend possible toute autre réconciliation – est une œuvre de l’Esprit en nous ;oraison et confession sont deux lieux majeurs de ce travail patient.

Vivre la réconciliation tout en en étant ministre dans le sacrement : voilà quine peut qu’aviver encore le désir de se convertir au Dieu qui relève : les frères Jeanet Jean-Marie-Joseph – deux générations partageant un même ministère – nousen découvrent quelques aspects. Pour sa part, Fr Jean-Baptiste nous proposequelques pistes de méditation, pour que la miséricorde reste le mystère d’un Dieuqui écoute et rassure.

Fr Martin – Montpellier

L e t t r e a u x A m i s L e t t r e a u x A m i s –– O c t o b r e 2 0 0 8O c t o b r e 2 0 0 8

FranceFranceQuébecQuébecSénégalSénégal

SuisseSuisseF r è r e s C a r m e s

d’Avignon-Aquitaine

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Le couvent, lieu de réconciliation

La vocation au Carmel a une di-mension érémitique : se retirer au dé-sert pour vivre en compagnie duSeigneur. Telle est la tâche des carmé-lites, dont le rôle est de se tenir devantDieu et de prier pour le monde. Lescarmes, eux, ont en outre mission d’ai-der les fidèles à s’orienter, selon leur

condition, dans le même sens : « Dieupremier servi », selon le mot de Jeanned’Arc. C’est pour cela que beaucoupd’entre eux sont prêtres.

Dans cette perspective, l’adminis-tration du sacrement de pénitence etde réconciliation tient une place im-portante. Elle nous met en contactavec la conscience intime des fidèles,soit qu’ils viennent chercher près denous le pardon de leurs péchés, soitqu’ils désirent simplement faire lepoint de leur relation à Dieu et prendreconseil dans ce but. Il se peut, du reste,que, venant dans cette dernière inten-

tion, ils en arrivent à demander le sa-crement, ou que nous jugions bon dele leur proposer. On comprend dèslors que la vie et l’organisation de noscouvents tiennent compte de cettemission.

Le Broussey, toutefois, se trouvedans une situation particulière. Il n’estpas en ville, mais en pleine campagne,à 38 kms de Bordeaux. Les confes-sions fréquentes et relativement ra-pides y sont moins nombreuses et lefrère d’accueil pour la semaine suffitgénéralement à cette tâche. C’est seu-lement parfois, à l’approche desgrandes fêtes, que nous affichons leshoraires de confessions et que nousprévoyons aussi, en accord avec leclergé local, une célébration commu-nautaire du sacrement, avec absolutionindividuelle. Par contre, les personnesque nous accueillons à l’hôtellerie sonten général motivées pour le déplace-ment et attendent de notre part uneplus grande disponibilité. De ce fait,les frères peuvent être appelés à passerun temps plus long avec un nombreplus restreint de personnes, qui d’unemanière habituelle, ont pris rendez-vous au préalable.

Ce sont ces particularités qui don-nent au Broussey sa physionomie pro-pre à l’égard du ministère de laréconciliation. Ce qui, du reste, pro-cure à cet apostolat richesse et variété.

Il y a ceux et celles qui ont, parmi

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nous, leur « père spirituel », accompa-gnateur attitré. Ils viennent sur rendez-vous, à un rythme et pour une duréefixée de manière explicite ou par ac-cord tacite. Les retraitants individuelssont à peu près dans le même cas,même si l’entretien demeure ponctuel.Les frères sont plus ou moins chargésles uns que les autres, mais en tout étatde cause ce ministère est dans le droitfil de leur vocation. Saint Jean de laCroix en est un bon exemple.

Parmi ceux qui ont recours à nous,les prêtres ont une place à part. Nosarchevêques successifs tiennent à ladisponibilité du Broussey pour ce ser-vice. Car il est souvent difficile à unprêtre diocésain de trouver un confes-seur approprié parmi ses confrères.Non par manque de compétence, maisparce qu’il est bon de s’adresser àquelqu’un qui ait une certaine distancepar rapport aux problèmes diocésainset qui, sans les ignorer, y soit moinsimpliqué.

Nous recevons aussi des groupes :soit de participants aux retraites quenous proposons, soit déjà constitués etvenant avec ou sans animateur. Pour

ceux-là, nous indiquons des momentsoù tous les frères disponibles sont mo-bilisés. C’est souvent l’occasion pources personnes de faire une confessionplus longuement préparée, moins ré-duite à l’essentiel, car on peut prendreavec elles un peu plus de temps.

C’est, entre autres, le cas des jeunesqui se préparent à la confirmation, oud’enfants avant la profes sion de foi. Ilsviennent généralement avec le prêtrequi en est chargé. Parmi les enfants, ilen est qui ne se sont jamais confessés.C’est pour nous l’occasion de les fami-liariser avec le sacrement, de leur mon-trer comment s’y prendrecor rectement, mais aussi de dissiperl’appréhension qu’ils éprouvent par-fois.

Ainsi, ce ministère, délicat – lesproblèmes posés sont parfois difficiles,est en même temps très riche. Il nousfait témoins des merveilles que Dieuopère dans les âmes et, selon l’expres-sion de l’évangile de Jean, « amis del’Époux, ravis de son dialogue avecl’Épouse ».

Fr Jean – Le Broussey

Couvent du Broussey – Gironde

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La miséricorde, source de vieGrâce à sainte Thérèse de l’Enfant-

Jésus et la révolution de sa « petitevoie », nous sommes sortis d’une reli-gion marquée par la peur, un rapport àDieu dominé par la justice qui châtie.Non, Dieu n’est pas méchant et neveut pas que l’homme souffre (curieu-sement, il est encore utile de le rappe-ler !). Dieu est Père, il aime infinimentses enfants, il les a créés pour une plé-nitude de vie. Dans ce regard renou-velé sur Dieu, la miséricorde tienthabituellement une bonne place, etc’est très heureux.

Pourtant, à force de paroles, onpeut oublier la profondeur du mystèreet tomber dans des réductions : « Àtout péché miséricorde » dit l’adage…À la fin, on finit par se demander si lamiséricorde n’induit pas une certainecomplaisance dans ce qui abaissel’homme ? De plus, avoir un cœur mi-séricordieux, cela ne comporterait-ilpas le risque de se cantonner à uneémotion superficielle et larmoyante, àun sentiment amollissant ? Commentne pas comprendre Nietzsche quitrouvait tout cela insupportable !…

Sans aller aussi loin que ces carica-tures, il y a une conception de la misé-ricorde qui ne met plus en route, quin’ouvre plus le chemin, où l’homme nemarche plus : je reste dans ma petitemisère, et Dieu recouvre tout ça… Or

tout ce qui est en Dieu est vie, sourcede vie, déploie et fait grandir la vie di-vine en nous… Voyons comment c’estpar la miséricorde que nous devenonsdes Vivants…La miséricorde, c’est Dieu

Dès que Dieu se révèle à son peu-ple, il place la miséricorde dans sonnom propre. C’est son identité divine,comme il le révèle à Moïse dans untexte capital (cf. Ex 34, 5-7).

Il est important de comprendre queDieu n’est pas seulement « miséricor-dieux », adjectivement, accessoirement.Il est lui-même la Miséricorde en plé-nitude. Mais ce qui est encore plusbeau, c’est que Dieu ne pouvait pas secontenter de nous dire : « je suis enmoi-même Miséricorde » – ce qui, aufond, reste quelque peu obscur. LePère a envoyé son Fils sur notre terre,prenant nos misères, et, à travers tousses actes de bonté, de guérison, decompassion, nous a montré concrète-ment ce que signifie « être Miséri-corde ».

Avant de chercher des formules etdes définitions, il faut passer beaucoupde temps à regarder Jésus, à le contem-pler dans les gestes et les paroles quenous rapportent les évangiles. Les pa-raboles de l’enfant prodigue, de la bre-bis perdue, du bon samaritain et tantd’autres, restent des mines inépuisablesoù se découvrent toujours de nou-

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velles lumières. De même les rencontresavec le publicain Matthieu, avec la femmeadultère, le lépreux, le paralytique… fon-dent nos propres rencontres avec Jésus.Passer du temps à demeurer avec lui, à leregarder intérieurement dans l’oraison, àfixer notre regard sur Lui dans l’adoration,pour voir la Miséricorde qui visite la terre,pour essayer de comprendre en profondeurcomment Dieu est Miséricorde.

Comme tout ce qui est en Dieu, la Mi-séricorde est un mystère. Il nous faut ac-cepter d’être dépassés, de ne pouvoircontenir toute cette réalité dans notre intel-ligence, et de laisser le Visage de Jésus sim-plement la révéler à notre cœur dans laprière.Un amour qui s’abaisse jusqu’aunéant et le transforme en feu

Petite Thérèse a passé beaucoup detemps à écouter l’évangile et à le laisser ré-sonner dans son cœur, elle a passé dutemps dans l’oraison à scruter ce mystère.Là, elle a découvert le mouvement proprede la miséricorde qui est de s’abaisser. C’estun amour qui rejoint celui qui est au plusbas. Et elle insiste : même si j’avais commistous les crimes qui se peuvent commet-tre… Rien ne peut empêcher Dieu de re-joindre celui qui est tombé au plus bas. Ce« tout en bas » n’est pas seulement le péché.Cela désigne tout ce qui en nous est inca-pacité, faiblesses, fragilités, ces pauvretésdont on a honte, que l’on prend bien soinde cacher, tout ce que l’on n’arrive pas à

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Du 15 au 17 juillet, la famille du Carmel s’est rassembléeà Lourdes pour un pèlerinage-jubilé de 3 jours, en commé-moration du 150ème anniversaire de l’apparition de la ViergeMarie, Reine et Beauté du Carmel. La dernière des appari-tions de Marie à Bernadette a en effet eu lieu un 16 juillet,fête de Notre-Dame du Mont-Carmel.

En début de pèlerinage, Père Henri de l’Enfant-Jésus, provincial, nous a in-vités à deux démarches, témoignant de la relation de simplicité et de confiancequi nous unit à la Vierge Marie : d’une part désirer vraiment faire la joie de notreMère du Ciel pendant ces quelques jours, et d’autre part, se préparer à recevoirde ses mains un cadeau…

Et les cadeaux reçus ont été nombreux ! En particulier des fruits de com-munion et de partage entre les pèlerins, joyeux de prier et de chanter ensemble

Jubilé duJubilé du

CarmelCarmel

à Lourdesà Lourdes

Messe du 16 juilletDémarche jubilaire

Processioneucharis-tique

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Notre-Dame, tout particulièrement le 16 juillet !Ce même jour, il y a 150 ans, Sainte Bernadette témoignait : « Je voyais seu-

lement la Vierge, jamais je ne l’ai vue aussi belle ».Au cours du pèlerinage, nous avons été invités à méditer sur cette beauté de

la Vierge Marie, Mère toute pure, dans un esprit à la fois contemplatif et mis-sionnaire.

Car en contemplant le rayonnement de la grâce en la Sainte Vierge, que pou-vons-nous désirer d’autre sinon de devenir nous-mêmes signes de la beauté di-vine ? Frère Philippe de Jésus-Marie nous a rappelés que nous avons même un« devoir de beauté » ! Puissions-nous aider nos frères à découvrir la beauté queDieu a déposée en chacun d’entre nous, et nous laisser transfigurer par la beautésuprême du Christ.

Delphine Coustheur – Reims

Veillée de la Réconciliation

Laudes avec les jeunes

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faire, toutes les blessures intérieuresqui nous empêchent de vivre… Dieuqui est Miséricorde nous y rejoint.

Rejoindre, pour Dieu, n’est pas ar-river d’en haut et effleurer du bout desdoigts ces régions de basses eaux. C’esty marcher avec nous, dans une mêmechair que la nôtre, c’est éprouver ceque nous éprouvons, faire sienne noslimites et nos peurs. Quand on lit : « LeVerbe s’est fait chair, il a habité parminous », il faut lire tout cela. La miséri-corde porte en elle un mouvementparticulier : l’abaissement par amour.La crèche, la croix et l’eucharistie ensont les signes les plus forts.

Mais Dieu ne fait pas que nous re-joindre. On ne serait pas très avancé.

Bien sûr, un compagnon de misère,cela allège le poids de la solitude, maiss’il ne peut rien faire pour nous, c’estmaigre !

Sainte Thérèse dit encore : l’amours’abaisse jusqu’au néant et transformeen feu ce néant. Dans le mouvementd’abaissement s’insinue une force detransformation. L’œuvre de la miséri-corde, c’est ma pauvreté transforméeen feu, c’est ma blessure transforméeen feu, c’est mon cœur purifié par unfeu qui désormais brûle en moi, illu-mine, réchauffe et répand sa joie…

Tous sans exception, après avoir ététouchés par Jésus, portent ce feu : Za-chée devenu généreux, l’aveugle de Jé-richo qui entre dans la louange, lepossédé gérasénien qui devient apôtrede ses proches… L’œuvre de Jésus estla manifestation ultime de la miséri-corde qu’est Dieu.

Des définitions...On aime bien proposer cette défi-

nition, imagée et facile à retenir : « Lamiséricorde, c’est une corde tendue ànotre misère. » Joli, surtout si on pour-suit l’image en disant que lorsque lacorde se casse et qu’on revient versDieu, il fait un nœud à la corde et rac-courcit d’autant la distance entre lui etnous. Mais cette définition a le défautde placer Dieu là-haut, bien étranger ànotre réalité terrestre. Or l’évangilenous montre bien Jésus homme avec

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nous, peinant de nos peines, fatigué,assoiffé, pleurant.

L’étymologie oriente vers uneimage plus belle : dans misericordia, il ya l’association de deux mots : la misèreet le cœur. Et là, à chacun de jouer : uncœur sensible à la misère, compatissantà la misère, un cœur portant en lui lamisère de l’autre, un cœur pour la mi-sère… Dieu, c’est « un cœur pour lamisère », sans qu’aucune ne soit exclue.Lui seul peut tout porter sans que cettemisère ne l’emporte. Dieu est ce cœuren qui toutes les misères peuvent trou-ver refuge. Un cœur qui transformema misère en feu.

Reste la plus belle définition de lamiséricorde, qui se résume en un seulmot : Jésus. En Jésus qui vit sa Pâque,nous voyons déployée la Miséricorde àsa plus large mesure. Car c’est là, dansla détresse de la mort (depuis l’agonieà Gethsémani jusqu’à la croix) queJésus prend dans son cœur toute lapeine du monde. Dans sa mort, il en-gloutit le mal, le péché et la souffrance.Et c’est dans sa Résurrection qu’ilopère la plus grande transformation :celle de la mort en Vie nouvelle, des té-nèbres en lumière, de l’angoisse enpaix, des haines en amour…

Chemin de vie : il y a un point quime frappe lorsque Jésus achève unerencontre de miséricorde. « Va », dit-il,il ouvre un chemin et invite à y mar-cher sans crainte, dans la confiance.

Mais il ajoute : « Va et désormais nepèche plus. » (cf. Jn 8) Jésus introduitun « non » à toute forme de mal. Lamiséricorde n’est pas une complai-sance à n’importe quoi. Dans la misé-ricorde, il y a un « oui » à la vie del’homme, toujours, mais aussi un« non » très clair à ce qui l’avilit. Lechemin que Jésus ouvre est exigeant,car il engage à tenir ce « oui » et ce« non ».Soyez miséricordieuxcomme votre Père…

L’appel peut faire peur.... Cepen-dant nous savons que Jésus, fréquentédans sa Parole, dans l’Eucharistie, dans

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Ministre de la miséricordeQue peut bien représenter le sacrement du pardon pour un frère carme ré-

cemment ordonné prêtre ?L’apprentissage d’un ministère

Comment accueillir un tel ministère ? On se sent investi d’une charge quinous dépasse complètement. Du jour au lendemain, il nous est demandé d’écou-ter les fautes et les manquements de nos frères et soeurs en humanité, de lesaider et de leur donner le pardon de Dieu au nom de son Église. Très vite onconstate que nos pauvres capacités humaines sont insuffisantes. Dès le début,ce ministère m’a appelé à développer en moi un dialogue plus fréquent avec

l’oraison, est la seule école de la misé-ricorde. La question n’est pas d’y arri-ver parfaitement, mais de cheminer àson école, sans trêve…

En fait nous connaissons déjà bienle mouvement de la miséricorde.Quand on veut parler à un enfant, onse baisse jusqu’à lui. On n’aura pas idéede rester debout en attendant qu’ilmonte à notre hauteur. À nous de tra-duire ce mouvement spontané en facede toute pauvreté (à commencer par lanôtre…)

Ma misère transformée en feu,comment comprendre ? Difficile à ex-pliquer si on ne l’a pas vécu. AccueillirDieu au creux de sa blessure nous faitexpérimenter mystérieusement que decette blessure même jaillit une sourcede vie : une nouvelle manière de com-prendre les autres et de les écouter, un

sens plus profond de la prière, un désirde s’engager pour une cause etc.…

Le fruit de la miséricorde, depuisl’évangile, reste le même : la louange.Si nous acceptons de laisser la miséri-corde entrer chez nous, la louange de-viendra l’expression familière de notrecœur, notre respiration spirituelle, lefond de notre vie intérieure…

Un dernier point : il est un lieu oùnous accueillons les flots débordantsde la miséricorde, où nous offronsnotre pauvreté et nos péchés à sa puis-sance transformante, c’est le sacrementde réconciliation. Au-delà des répu-gnances parfois tenaces, il y a simple-ment là un trésor divin à recueillir,pour nous-mêmes et pour ceux versqui nous sommes envoyés.

Fr Jean-Baptiste – Toulouse

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l’Esprit Saint. Avant chacune de mes confessions, même si parfois le délai estcourt, je lui demande de venir m’habiter afin qu’il me donne les paroles qui ai-dent, conseillent, encouragent. Je prie également pour celui ou celle qui s’ap-proche du sacrement. Je ressens chaque confession comme des momentsuniques où une personne vient déposer son fardeau pour recevoir la force deDieu et retrouver le bonheur de poursuivre sa route avec ses frères en aimantDieu en vérité. Et moi-même, qui me confesse régulièrement, je ressens ce mo-ment unique à chacune de mes confessions ; même si je confesse parfois lesmêmes fautes, je sais que Dieu me donnera à nouveau son pardon accompagnéde nouveaux dons de sa Grâce.

Le sacrement du pardon a pris progressivement une place de choix dans mavie de religieux prêtre et cela pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, je me sens la responsa-bilité d’être très disponible quand unepersonne vient demander le sacrementdu pardon. La démarche de venir seconfesser demande déjà un certain effort(surtout quand celle-ci n’est pas régu-lière), pour ne pas décourager les hési-tants.

Puis je me dois de me préparer dumieux que je peux par la prière à donnerce sacrement. Enfin, je prie pour les per-sonnes venues se confesser afin que leSeigneur les aide à poursuivre cette dé-marche de réconciliation régulièrement.Quelques réflexions

Depuis bientôt près de deux ans que j’exerce ce ministère, j’en retire à la foisbeaucoup de joie... et quelques interrogations !

Joie de permettre, aux fidèles chrétiens, d’avoir le bonheur de se réconcilieravec Dieu. Cette joie de donner l’amour de Dieu dans les coeurs, c’est aussi pourle prêtre une forme d’exercer la Charité de la part de l’Eglise en tant que « com-munauté d’amour ». Joie, enfin, de donner et de recevoir mystérieusement, àtravers ce sacrement, l’amour de Dieu.

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Lettre aux Amis des Frères Carmes – Parution octobre 2008 – Journal distribué gratuitement, tiré à 5000 exImpression IGC 04 67 69 05 50 – Province d’Avignon-Aquitaine de l’Ordre des Carmes Déchaux10 bis rue Moquin-Tandon 34090 Montpellier – Frère Martin Dallongeville 04 99 23 24 90 E-mail : [email protected] – Site : www.lettrecarmesmidi.org

Interrogation de voir ce sacrement si méconnu et si peu fréquenté par leschrétiens eux-mêmes ; de constater que l’on court parfois après des chimèresalors que le trésor de la miséricorde de Dieu est là, dans l’Eglise, pour nous, àportée de main. Interrogation enfin... de voir parfois des chrétiens ne plus sa-voir recevoir ce sacrement.

Alors que faire ? Il me semble que la grande vertu à demander au Seigneur pour ce sacrement

est l’humilité. C’est bien souvent notre orgueil qui argumente merveilleusementtoutes les bonnes raisons que nous avons à retarder et même à oublier de rece-voir ce sacrement de la miséricorde de Dieu. N’oublions pas cette petite phrasede Jésus dans l’Evangile et qui, moi, me touche beaucoup : « Il y a plus de joiedans le ciel pour un pécheur qui se repent... » Et si nous faisions passer la joiedu ciel avant nous-mêmes pour aller nous confesser, cela deviendrait très viteplus simple.

Je pense personnellement que le prêtre ne réalise pas pleinement sa missionquand il ne donne plus régulièrement le sacrement de la réconciliation, ni d’ail-leurs, si lui-même ne le reçoit pas régulièrement. S’il est du devoir du prêtre dedonner le sacrement du pardon, il est du devoir des fidèles chrétiens de per-mettre aux prêtres de réaliser pleinement sa vocation et sa mission à travers cesacrement.

Enfin et je terminerai sur ce point, pourmieux se confesser, peut-être devrions-nousapprendre (ou ré-apprendre...) à faire notreexamen de conscience chaque jour : Prendre3 à 4 minutes par jour pour remercier le Sei-gneur des bonnes choses que nous avons réa-lisées, puis, lui demander pardon pour ce quin’a pas été en essayant d’identifier notrepéché, enfin, réfléchir sur un point de vigi-lance pour le lendemain. Offrons à l’EspritSaint d’éclairer notre intelligence et notrecoeur !

Fr Jean-Marie-Joseph – Saint-Désert Colog

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