oualad hamida

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C. R. Acad. Sc. Paris, t. 291 (15 septembre 1980) -0 1 <) r.. D - 195 PALÉONTOLOGIE. - La faune et l'industrie des sites à Homo erectus des carrières 7homas (Maroc). Précisions sur l'ûge de ces Hominidés. Note (*) de Denis Geraads, Philippe Beriro et Hélène Roche, présentée par Jean-Pierre Lehman. L'étude de deux grottes des environs de Casablanca [1] qui ont livré une faune variée et une industrie lithique à cachet archaïque, permet d'attribuer aux restes d'Homo erectus associés un âge Tensiftien inférieur. The study ofcat:es near Casablanca which yielded a variedji:lUna and an archaic-Iooking stone industry, al/ou's us 10 assign ta the associated Homo erectus remains a lou'er Tensijtian age. INTRODUCTION. - Signalées pour la première fois par Biberson [2], les carrières Thomas sont situées à 8 km environ de Casablanca à gauche de la route menant à Azemmour, et un peu en retrait, par rapport au littoral actuel, des célèbres carrières de Sidi Abderrahman, dont elles ne sont distantes que de quelques centaines de mètres. L'exploitation de leur grès calcaire, utilisé dans la construction, met fréquemment à jour des remplissages de grottes et de fIssures contenant des restes de faune et d'industrie lithique que l'un de nous (P.B.) a recueillis, dans la mesure du possible, pendant plusieurs années. Les carrières Thomas 1 et III (la numérotation se faisant en partant de la route) offrent en effet l'intérêt, comme celles de Sidi Abderrahman, de recouper d'anciennes lignes de rivage, sous forme de plages ou de falaises mortes; les fronts Est des carrières, les plus éloignés de la côte actuelle, étant constitués par les grès dunaires amiriens. Dans ces grès amiriens était creusée, à Thomas III, une grotte dont le plancher a livré quelques restes d'Homo erectus [3], associés à une industrie lithique et à des fossiles animaux. Il en est de même à Thomas I, à cette différence près que, selon l'un de nous (P.B.), la grotte est ici formée aux dépens, non des grès amiriens, mais des dépôts marins de l'Anfatien fmal, le remplissage à Homo erectus appartenant, comme à Thomas III, à la première phase, humide (présence de planchers stalagmitiques), du Tensiftien. Il n'est malheureusement plus possible du fait de l'avancement de l'exploitation, qui a aujourd'hui fait disparaître presque complètement les vestiges de la stratigraphie, de trancher en faveur de cette interprétation plutôt que de celle publiée par Sausse [4], pour qui la grotte Thomas 1 était creusée dans l'Amirien. L'interprétation que nous proposons correspondrait à celle de Biberson [2] du site à Homo erectus de Sidi Abderrahman (remplissage de boyau karstique formé dans l'Anfatien). Il faut noter que la parfaite fraîcheur de l'industrie et des fossiles de Thomas 1 exclut de toute façon un remaniement par le maximum transgressif anfatien, et donc un âge plus ancien que cette période. Quoi qu'il en soit, l'association et la contemporanéité dans les grottes de Thomas 1 et III (notées ci-dessous Th 1 et Th III), des restes humains, animaux et de l'industrie lithique, ne font aucun doute. INDUSTRIE LITHIQUE (H.R.). - Grotte Thomas J. - Les galets taillés (63) dominent cet ensemble. Ils ont pour support des galets bien roulés, essentiellement de quartzite ou de grès. La taille se limite à 2 à 4 enlèvements en moyenne, pratiqués sur une seule face (64 %) selon ) une succession linéaire ordonnée d'un bord à l'autre (25 %) ou non ordonnée (33 %), ou sur les deux faces, une face étant taillée puis l'autre, plus rarement en taille alternante. Ils sont accompagnés de : - quelques bifaces (8), partiels à l'exception de deux, et faits d'une taille rudimentaire au percuteur dur;

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  • C. R. Acad. Sc. Paris, t. 291 (15 septembre 1980) - 0 1
  • 196 - Srie D C. R. Acad. Sc. Paris, t. 291 (15 septembre 1980)

    - une cinquantaine d'clats, caractristiques de la taille des galets (talon cortical ou lisse, et portant sur leur face suprieure un peu de cortex et, en moyenne, le ngatif de 1 3 enlvements antrieurs); cinq d'entre eux seulement sont retouchs;

    - 3 sphrodes, 3 polydres, une dizaine de nuclus (discodes ou polydriques) et un certain nombre de galets ou petits blocs portant trace de travail intentionnel (quelques enlvements) .

    Un petit nombre de galets taills et d'clats (mais aucun biface) ont t mis jour dans un niveau rattach l'Amirien.

    Grotte de Thomas III. - Comme Th l, le matriel se signale par sa parfaite fracheur. Il comprend une soixantaine d'clats bruts de taille aux talons essentiellement lisses, 8 nuclus, 4 rcloirs sur petit galet (3 pais et un trs plat), 15 polydres et disques, quelques galets et petits blocs portant un faible nombre d'enlvements et une trentaine de galets taills sur une (12) ou deux (18) faces. Le grs dunaire tensiftien (postrieur au remplissage) a d'autre part fourni des clats, des galets taills et des nuclus.

    Normalement, le Tensiftien renferme des industries allant de l'Acheulen moyen fmal la fm de l'Acheulen volu ([2], [5]). Ici, le trs petit nombre de bifaces oppos l'abondance de galets taills, le fait qu'aucun stigmate n'autorise parler de percuteur tendre et l'aspect technologique d'ensemble de ce matriel, permettraient de penser, dans la mesure o la chronologie propose est exacte, un facis trs archaque d'un Acheulen moyen. Aucune diffrence notable n'est signaler entre les industries de Th 1 et Th III.

    PALONTOLOGIE (D.G.). - Listes fauniques. - Proboscidiens: Elephas iolensis Pomel. Quelques fragments d'une dent antrieure de Th III, dont les dimensions correspondent celles d'une Dp 4 du gu de Constantine (Algrie) peuvent tre attribus provisoirement cette espce, mais il n'est pas exclu qu'il s'agisse en fait de Loxodonta atlantica. De Th 1 ne provient qu'une portion de dfense.

    Perissodactyles: Equus cf. mauritanicus Pomel. Plusieurs dents de Th 1 et III rappellent l'Equus mauritanicus deTernifme [6]. Le protocne de l'unique dent suprieure est long, mais ne sort pas des limites de la variation observe dans cette espce [6].

    Ceratotherium simum cf. mauritanicum (Pomel). Quelques dents, os longs et fragments de crne de Th 1 et III indiquent la prsence d'un rhinocros blanc de taille moyenne, semblable celui d'autres gisements d'Afrique du Nord.

    Artiodactyles: Hippopotamus amphibius L. Les seules pices rattachables cette espce sont des incisives suprieures fragmentaires de Th 1 et III, mais leurs dterminations ne font aucun doute.

    Phacochoerus africanus (Gmelin). Plusieurs dents de Th 1 et III, dont des M 3 racines formes prcocement, peuvent tre rattaches l'espce actuelle. Le genre Sus n'est en revanche pas reprsent

    Bovini indtermin. Un maxillaire de jeune adulte de Th l, ainsi que quelques dents, appartiennent un Bovini qui pourrait tre Bos primigenius, mais l'absence de cheville de corne ne permet pas d'carter les Buffles. De Th III ne proviennent que deux dents de lait.

    Hippotragini indtermin. Une dernire molaire infrieure de Th 1 voque les oryx par son troisime lobe rduit et son pli caprin bien dvelopp.

    Rabaticeras arambourgi Ennouchi. Une cheville incomplte d'Alcelaphini de Th III se distingue de celles des bubales par la faible diminution de ses diamtres vers l'extrmit, et sa courbure prononce vers l'avant. De nombreuses dents et sries dentaires d'un Alcelaphini de taille moyenne ont conduit Ennouchi [7] citer Alcelaphus bubalis dans ces gisements, mais peut-tre appartiennent-elles en fait (au moins en partie) Rabaticeras, dont la

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    dentition, non encore reconnue, diffre sans doute peu de celle d'Alcelaphus, genre non attest avant1le Plistocne suprieur en Afrique du Nord.

    Connochaetes taurinus prognu Pomel. De Th III, un fragment de crne avec la base d'une corne, ainsi qu'une trs grande molaire suprieure de Th 1 peuvent tre rattachs cette varit septentrionale du gnou bleu.

    Gazella atlantica Bourguignat. Un crne, quelques sries dentaires et chevilles de Th 1 et III sont semblables aux pices homologues d'autres gisements nord-africains.

    Gazella sp.? Une cheville de Th III dont les dimensions et la section rappellent G. atlantica, se distingue des autres specimens par l'absence presque complte de courbure vers l'arrire, et il est peu probable qu'elle appartienne cette espce.

    Nous n'avons rencontr ni Cervid, ni Giraffld, ni Camlid. Carnivores: Ursus sp. Le matriel consiste en une srie dentaire suprieure et un arrire-

    crne de Th III et une P 4 de Th I. M 2 d'allure splenne et P 4 longue et troite sont trs semblables, quoiqu'un peu plus petites, leurs homologues chez U. arctos bibersoni Enn. Les Ursids nord-africains paraissent en fait constituer une ligne endmique probablement sans rapport avec U. arctos.

    Vulpes sp. Deux sries dentaires suprieures de Th 1 et III ont des carnassires trs courtes relativement aux tuberculeuses; leur deutrocne est aussi plus fort que dans l'espce actuelle V. vulpes.

    Aucune pice ne peut tre rapporte avec certitude un chacal. Lycaon sp. Une carnassire infrieure de Th 1 ne se distingue de celle de l'espce actuelle

    que sa taille suprieure, semblable celle des plus grands Cuon, genre cependant apparemment limit l'Eurasie. Lycaon n'avait t signal en Afrique du Nord que dans le Plistocne suprieur d'Oran [8], mais une forme de grande taille est aussi connue vers la mme poque en Afrique du Sud [9].

    Crocuta crocuta (Erxleben). Un fragment de mandibule de Th 1 est caractristique de la Hyne tachete par sa P 2 basse et large, sa P 3 haute. Une P 4 du mme gisement n'a qu'une faible cuspide antrieure.

    Hyaena sp. Une molaire suprieure de:rh 1, fonctionnelle et de grande taille, se distingue aisment de celle de Crocuta. Les deux genres coexistent dans de nombreux gisements du Plistocne europen et' africain.

    Lynx thomasi Geraads. Une mandibule de Th III, par son diastme court, sa P 3 lance et pourvue de cuspides accessoires fortes, sa carnassire extrmement longue, avec talonide et mtaconide, se distingue de celles de tous les autres Flids [10]. Ce genre n'avait jamais t signal dans le Plistocne moyen d'Afrique du Nord.

    Primates: Homo erectus (Dubois). Les restes humains de Th 1 et III, tudis par Ennouchi ([11], [12]) et Sausse [4], proches des Atlanthropes de Ternifllle, sont en cours de rvision par J. J. Hublin.

    Theropithecus (Simopithecus) cf. atlanticus (Ph. Thomas). Quelques molaires de Th 1 et de Th III, appartiennent un trs grand Cercopithcid, semblable celui qu'on retrouve dans de nombreux gisements du Pliocne et du Plistocne africains (et pour lequel ce nom spcifIque a priorit, au moins pour les formes nord-africaines, sur celui d'oswaldi). Theropithecus existe aussi Terni"fllle, mais n'avait jamais t signal au Maroc.

    Rongeurs: Hystrix cf cris ta ta L. Quelques dents de Th 1 et une mandibule de Th III indiquent la prsence d'un Porc-pic de grande taille.

    Nous n'avons retrouv dans les deux sites H. erectus aucun micromammifre, mais de nombreux Rongeurs ont t signals et partiellement dcrits par Jaeger [13] Th 1 : Ellobius,

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    Paraethomys, Praomys, Mus, Eliomys et quatre espces de Gerbillids. Nous avons en revanche dcouvert, l'angle sud-ouest de la carrire Thomas III, un remplissage de fIssures dans les grs dunaires tensiftiens qui a livr quelques grands Mammifres (mandibule de Theropithecus, arrire-crne d'Hystrix, fragment de maxillaire de Phacochoerus) et une assez abondante microfaune comprenant les lments essentiels de celle de Th 1 (Ellobius un stade volutif plus avanc, mais Paraethomys indiquant un ge probablement antrieur au Prsoltanien) ainsi que deux espces de Crocidura, et au moins trois espces d'Oiseaux (J. Pichon, comm. pers.).

    Les diffrences entre les compositions fauniques des deux sites Hominids de Th 1 et Th III peuvent parfaitement s'expliquer par la raret des formes particulires l'un ou l'autre (Hippotragini et certains carnivores), compte tenu du nombre total limit de fossiles. Il nous semble donc lgitime, et ni la stratigraphie ni l'industrie lithique ne s'opposent cette interprtation, de conclure, sinon leur exacte contemporanit, du moins leur appartenance commune une mme phase humide du dbut du Tensiftien.

    La comparaison de cette faune avec celles d'autres gisements du Plistocne moyen d'Afrique du Nord est rendue difficile par la raret des tudes palontologiques, le plus souvent limites des listes fauniques o les dterminations sont souvent insuffIsamment tayes. On peut cependant remarquer ici l'absence probable du Chacal, ainsi que des Reduncini et des Tragelaphini, jamais trs abondants. A Sidi Abderrahman comme Tihodane [14] manquent le Phacochre et Theropithecus. Par rapport au site plus ancien de Ternifllle sont noter les absences de la Girafe, du Chameau, de Stylochoerus, et des espces de Gazelle et d'Alcelaphini les plus abondantes dans ce gisement.

    Les parts respectives prises par les divers facteurs responsables de ces diffrences (chronologie, gographie, milieu, hasards de la fossilisation et de la collecte) ne peuvent encore tre dlimites avec prcision; mais la raret des trs grands Mammifres, ainsi que l'abondance et la diversit des Carnivores, parlent en faveur de l'utilisation, sinon de l'habitat, des grottes par certains de ces derniers, concurremment l'Homme. Ce mode d'accumulation des ossements par les Carnivores expliquerait certainement dans une large mesure les diffrences observes avec les sites algriens de surface .

    (*) Remise le 7 juillet 1980. [1) Les missions Casablanca de D. G. et H. R. ont tfillances parle C.N.R.S. (respectivement RCP 292et 184). [2) P. BIBERSON, Pub!. Serv. Antiq. Maroc, 16 et 17, 1961. [3) E. ENNOUCHI, Comptes rendus, 274, srie D, 1972, p. 3088. [4) F. SAUSSE, L'Anthropologie, 79, 1975, p. 81-112. [5) P. BIBERSON, Bull. A.F.E.Q., 1, 1971, p. 3-13. [6) V. EISENMANN, Thse Vniv. Paris-VI, 1979, C.N.R.S. n TD2486. [7) E. ENNOUCHI, Comptes rendus, 269, srie D, 1969, p. 763. [8) C. ARAMBOURG, Bull. Soc. Hist. nat. Afr. N., 23, 1932, p. 154-162. [9) Q. B. HENDEY, Ann. S. Afr. Mus., 63,1974, p. 1-369. [10) D. GERAADS, Gobios (sous presse). [11) E. ENNOUCHI, Ann. Palont., 56, (1), 1970, p. 95-107. [12) E. ENNOUCHI, Bull. Mus. Nat. Hist. Nat., Paris, 56, C, 1976, p. 273-296. [13) J. J. JAEGER, Thse V.S.TL, Montpellier, 1975, C.N.R.S. n AO 11538. [14) H. THOMAS, Mm. Centre Rech. Anthrop. Prhist. Eth n., Alger, 27, 1977.

    D. G. : Laboratoire d'Anthropologie, Musum national d'Histoire naturelle. Muse de l'Homme, place du Trocadro. 75116 Paris.

    P. B. : 7, rue Danvillers, Casablanca, Maroc; H. R. : V.R..A. 28, Institut de Palontologie humaine,

    1, rue Ren-Panhard, 75013 Paris.