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Laurence Branthomme JCDecaux France Manager en temps de crise P.40 DOSSIER La revue d’échanges des dirigeants financiers N°312 SEPTEMBRE 2013 - 21€

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Laurence BranthommeJCDecaux France

Manager en temps de crisep.40 DOSSIER

La revue d’échanges des dirigeants financiersN°312

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pub demat 210X297 N°1214_Mise en page 1 26/08/13 16:31 Page1

La revue d’échanges des dirigeants financiers

www.finance-gestion.fr Pour vous abonner Effectuer des recherches Accéder aux archives d’échanges

Créer un cercle vertueux dans nos entreprises

La trêve estivale a permis à chacun de prendre du recul avant d’aborder les prochains mois – forcément chargés.

Cette rentrée constitue pour nous l’occasion de vous proposer une réflexion sur le management en période de crise.

Vaste sujet que nous abordons dans un dossier étoffé et varié. Si la crise est l’occasion pour le dirigeant de rechercher un sens à sa mission d’après Catherine Stoll et Denis Molho, elle s’avère être également un prétexte, pour Fabrice Dauge, à communiquer positivement.

Claire Battard insiste sur le fait que cette crise ne doit pas être un frein à la formation ni, selon Philippe Deni-mal, à la réflexion sur la rémunération de ses collabo-rateurs – deux leviers souvent oubliés dans nos entre-prises bien qu’ils soient un moyen de créer un cercle vertueux...

Ce numéro consacre également un portrait à Laurence Branthomme, directrice financière de JCDecaux France.

Enfin, l’expertise n’est pas en reste : ainsi, par exemple, William Nahum s’interroge sur l’avenir des entreprises françaises ; Patrick Sénicourt présente, quant à lui, une démarche d’autonotation des TPE, à l’heure où celles-ci devraient être dispensées de publi-cation de compte. Une note pleine d’optimisme termine ce numéro : la saga de la société Nutriset qui prouve, une nouvelle fois, que notre pays regorge de talents...

Un grand merci à tous nos contributeurs et excellente lecture à vous, amis lecteurs ! l

Bruno de LaiguePrésident du comité éditorial

46e année - Publication mensuelle Éditeur : Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG), Association loi 1901 14, rue Pergolèse, CS 11655 75773 Paris cedex 16 (France). Tél. : 01 42 27 93 33 – Fax : 01 42 27 04 03

la revue sur internet www.finance-gestion.fr

fondateur Georges Mathey

directeur de la Publication Thierry Luthi

secrétaire général de rédaction, Journaliste Mathieu Marcinkiewicz [email protected] 01 42 27 94 57

secrétaires de rédaction Caroline Dartiailh, [email protected] Jeanne Zamansky, [email protected]

maquette Anne-Marie Auger

Président du comité éditorial Bruno de Laigue

vice-Présidents du comité éditorial Philippe Chastres, Baudouin Griton, Stéphane Sabbah

comité éditorial finance et trésorerie : Dominique Chesneau ; comptabilité : Baudouin Griton et Frédéric Puistienne ; contrôle de gestion : Frédéric Doche et Denis Molho ; si et nouvelles technologies : Stéphane Sabbah, Denis Molho, Ludovic de Beauvoir et Dominique Fernandez-Poisson ; gestion des risques et contrôle interne : Stéphane Sabbah et Jean-François Casanova ; hommes et management : Laure Dykstra Frédérick Martin et Philippe Robert-Tanguy; droit et réglementation : Mathieu Le Tacon ; communication financière : Christophe Marion ; développement et stratégie : Alban Eyssette ; international : Armand Angeli ; lire : Philippe Chastres, Michèle Canovaggio et Marie-Hélène Marot de Priester.

abonnement : 204,20 € mail : [email protected] Demander un bulletin d’abonnement par mail

Publicité Anissa Tilikete, chef de publicité tél. : 01 42 27 81 14 ; [email protected]

concePtion graPhique rampazzo & associés. – www.rampazzo.com

imPression imprimerie de champagne, Zone industrielle « les franchises », 52200 langres

issn en cours – dépôt légal : septembre 2013 - cPPaP 0415g87484

a collaboré à ce numéro : stéphane demazure

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La revue d’échanges des dirigeants financiersN°312

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SUR

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ÉDITORIAL

Le biLLet de La rédaction

Le dragon s’essouffle : une bonne nouvelle ?

près une moyenne de croissance de 10 % ces 30 dernières années, la Chine vient d’annoncer une prévision en retrait significatif. Pour les écono-mistes, la croissance ne devrait pas excéder 7 % en 2013. Le déclin de la productivité (plus de 10 % d’augmentation des salaires dans l’industrie manu-facturière), l’appréciation du yuan et un environne-ment international morose moins favorable aux ex-por tat ions expl iquent cette s i tuation. La consommation intérieure reste, certes, bien orientée, mais sa progression est encore insuf-fisante en raison notamment d’un des taux d’épargne les plus élevés du monde.

Certains commentateurs français laissent déjà poindre leur satisfaction. La Chine que nous craignions tant a-t-elle atteint les limites, voire la fin de son miracle économique ? Va-t-elle enfin se montrer moins arrogante, cesser de « piller nos emplois indus-triels » ou de prendre le contrôle de sociétés symboles de notre identité nationale (vignobles, Club Med) ?

Évidemment, rien n’est moins sûr. Il faut d’abord admettre que ce ralentissement était programmé. Le XXIIe plan quinquennal (2011 à 2015) mettait l’ac-cent sur « l’amélioration des conditions de vie de la population plutôt que sur la vitesse de croissance du

PIB ». Il est aussi probable que nous assistions à un ralentissement de l’économie chinoise plutôt qu’à une crise brutale. Ce « soft landing » va d’abord toucher les voisins de la Chine (Corée, Japon) très interdépen-dants. Les pays émergents comme le Brésil ou l’Inde ou ceux d’Afrique qui y exportent leurs ressources naturelles seront aussi en première ligne. Enfin, l’im-pact sur l’économie allemande dont les entreprises y sont très présentes ne sera pas neutre. Ainsi, même si la Chine ne représente que 3,5 % des exportations

françaises, nos partenaires commer-ciaux majeurs étant touchés, nous le serons nécessairement aussi par contrecoup.

Enfin, la Chine a déjà lourdement investi dans des capacités indus-trielles. Afin de les rentabiliser « à tout prix » et pour répondre à une tension sur l’emploi de plus en plus forte, elle fera tout pour relancer ses exporta-tions. Elle vient d’ailleurs de revoir à la baisse les taxes sur ses entreprises exportatrices. L’utilisation du taux de

change, l’inflexibilité et la menace dans les négocia-tions commerciales seront aussi des armes qui ont prouvé, dans le passé, leur efficacité. Des importations en baisse et une plus forte agressivité à l’exportation : tout cela n’est probablement pas de si bon augure pour nous… l

La Chine fera tout pour relancer ses exportations

Stéphane SaBBahvice-Président du comité éditorial

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OCTOBRE La Pologne

NOvEMBRE Les mille visages du contrôle

de gestion

NOS PROCHAINS DOSSIERS

ACTUALITÉ EXPERTISES

LIRE reuSSite

64 NuTRiSET la faim n’est plus une fatalité

62 la sélection de livres qui a retenu l’attention de la rédaction

20 FiNANCE 20 autonotation des tPe-Pme : vers des ifrs-Pme sans douleurPATRiCk SéNiCOuRT

24 mesures gouvernementales : l’avenir des entreprises françaisesWiLLiAM NAHuM

26 PERFORMANCE 26 gestion sans budget : témoignage pratique chez schneider electricJEAN-MiCHEL SEGui

29 le m-paiement dans les pays émergents : une révolution mobileTHiBAuLT LESuR

32 ORGANiSATiON 32 opération Phénix : des littéraires dans l’entrepriseBERNARD DEFORGE

35 fraude et évasion fiscales en france et à l’international 1/3 : les plans d’actionsJéRôME BOGAERT

38 iNTERNATiONAL 38 cfos need to be innovators to become ceoHAL GREGERSEN

4 EN BREF

6 TRAJECTOiRES

8 FiL ROuGErse : l’engagement des salariés par le bien-être SACHA GENOT

12 TRiBuNE

12 et si nous inversions le sens de la passoire fiscale ? JEAN-FRANçOiS CASANOvA

15 veuillez cacher cette dette que je ne saurais voir JEAN-LOuiS MuLLENBACH

16 le daf business Partner : des chiffres, des chiffres… oui, mais des chiffres utiles ! FRANçOiS vARiN

18 PORTRAiTlaurence branthomme, Jcdecaux

Manager en temps de crise 40après les congés, le temps est à la reprise… d’activité ! Pour l’économie il faudra attendre encore un peu. il est donc temps de profiter de la rentrée pour repenser nos modèles et modes de management, pour mieux les adapter au contexte de crise.

un dossier loin d’être défaitiste, qui présente la crise comme l’occasion de remettre l’humain au cœur des réflexions !

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SOMMAIRE Savoir, échanger, servir. GeorGes Mathey fondateur de la revue

Septembre 2013 - N°312

Page coordonnée par Mathieu Marcinkiewicz

CRéATION D’ENTREPRISELa France, reine des procédures Contrairement aux idées reçues, la France offre un cadre favorable à la création d’entre-prise. C’est ce que révèle une étude d’Ernst & Young . Il est « beaucoup plus simple de créer une entreprise en France qu’ailleurs, en termes de coût, de délais et de démarches admnistratives », selon ce baromètre. Il compare les pays du G20 et repose à la fois sur des indicateurs et sur une enquête auprès de 1 500 entrepreneurs. « Il suffit de 5 procédures administratives et 7 jours en France pour créer une entreprise, contre 7,6 procédures et 22 jours en moyenne dans les pays du G20. Le coût pour créer une entreprise en France est de 0,9 % du revenu moyen par habitant, contre 9 % en moyenne dans les pays du G20 », a estimé le cabinet de conseil. lPour consulter le baromètre (en anglais) :

http://bit.ly/1fkIlYP

CHIFFRE DU MOIS0,5 %C’est un coup d’arrêt pour les salaires des cadres. Après deux ans de hausse consé-quentes (2,4 % en 2012 et 2,9% en 2011), les cadres sont rattrapés par la crise. Leur salaire n’enregistrent une augmentation que de « 0,5 % » d’après une étude d’Expectra. l

FONCTION JURIDIQUE ET FISCALEDes profils experts très recherchés Désormais intégrées au cœur stratégique de l’entreprise, les directions juridiques re-cherchent de véritable « business partners ». Expert en son domaine, le juriste endosse en effet un rôle de prévention et de contrôle des risques. C’est ce qu’a pu observer Robert Wal-ters au 1er semestre 2013. Toujours plus nom-breux à internaliser la fonction juridique, les grands groupes affectionnent particulièrement les profils de juristes disposant d’une expé-rience en cabinets d’avocats anglo-saxons. Rigueur et maîtrise de l’anglais juridique sont ainsi de mise. Pour les fiscalistes, les entreprises ont confirmé la priorité accordée aux profils qualifiés en comptabilité dans le cadre de leur collaboration étroite avec les directions finan-cières. Au cours du premier semestre 2013, une expertise en prix de transfert a également été recherchée, ainsi que les experts en droit des sociétés et les experts en droit boursier au sein des sociétés cotées. l

Les retards de paiement explosent

La trésorerie des PME est mise à mal. En cause, la forte hausse des retards de paiement. Un tiers des entreprises françaises payent leurs fournisseurs dans les temps, comme le révèle une étude d’Al-tares sur les conditions de règlement interentreprises en Europe au deuxième trimestre 2013. Deux tiers des entreprises payent donc leurs factures en retard, La moyenne est de 12 jours au-delà du délai légal, fixé, lui, à 60 jours. Par ailleurs, après un léger recul au premier trimestre (- 1,8 %), les défaillances d’entreprises accusent une forte hausse sur le 2e trimestre 2013 (+ 9,4 %), s’approchant du niveau élevé du 2e trimestre 2009. Cependant, les liquidations judiciaires directes augmentent moins vite que lors de « la poussée » de fin 2012. 15 000 jugements dont 12 300 liquidations directes ont été prononcés. l

Que pensent les consommateurs de la RSE ? Nielsen vient de mener une grande enquête dans 58 pays auprès de 29 000 personnes afin d’analyser la perception qu’ont les consommateurs sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Cette étude révèle que 50 % des personnes interrogées veulent ré-compenser les sociétés qui ont une démarche socialement respon-sable et par conséquent, souhaitent montrer leur engagement à travers leur comportement d’achat. S’il existe globalement une volonté croissante des consommateurs à dépenser plus pour des produits d’entreprises socialement responsables, des écarts impor-tants perdurent entre les différents pays. 4 répondants sur 10 pré-tendent qu’ils ont déjà récompensé des entreprises responsables. L’étude de Nielsen montre que la demande sociale est telle désormais pour les entreprises, qu’elles ne peuvent échapper à cette nouvelle exigence de RSE qui influe de plus en plus sur leurs ventes et leur rentabilité à moyen et long terme. La demande des consommateurs, combinée avec la montée en puissance de l’achat éthique ou de la consommation durable, impose peu à peu une transparence et une traçabilité des actions menées. Les dirigeants d’entreprises doivent par conséquent démontrer une performance à long terme y compris sur le terrain social et environnemental. l

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ACTUALITÉEN BREF

Pages réalisées en partenariat avec

Page coordonnée par Mathieu Marcinkiewicz

Jean-Michel archaMbault Keolis

Jean-Michel archambault est promu directeur financier France et directeur du contrôle de gestion groupe de Keolis. Il est en charge, notamment, de piloter la performance financière France et de favoriser les échanges de bonnes pratiques en matière de contrôle de gestion au niveau du groupe.Il est membre du comité de direction. Jean-Michel archambault a débuté chez salustro Reydel comme auditeur externe, avant de s’engager, en 1998, pour le consortium de réalisation (CdR) en tant que responsable de l’audit interne et chargé de mission auprès du président. en 2005, il rejoint Keolis et prend la direction de l’audit interne. en 2008, il évolue au poste de directeur administratif et financier et devient, en 2011, directeur général adjoint, directeur contractuel et financier.

thierry Mazurel evolve

Thierry Mazurel est nommé directeur administratif et financier de evolve. Il était depuis 1994 directeur administratif et financier de gelamur. Il est diplômé de la Business administration de l’université de Hull (angleterre).

cécile bichon iDtGV

Cécile Bichon est promue directeur administratif et financier d’IdTgV. elle a débuté sa carrière en 1996 comme directeur de la tarification chez France Télévisions Publicité.

Puis, en 2001, elle rejoint nouvelles Frontières–TUI et devient responsable du revenue management et de l’analyse économique, puis directeur de la gestion des capacités, poste qu’elle occupera jusqu’en 2008. Cette année là, elle intègre aéroports de Paris en tant que directeur de la stratégie. deux ans plus tard, elle evolue vers le groupe snCF au sein de la filiale IdTgV chargée de la direction commerciale et revenue management.

Stefan hofer bMW france

stefan Hofer est promu directeur général et financier de BMW France. Il a débuté sa carrière comme consultant dans un cabinet de conseil à Vienne, notamment pour l’industrie, puis chez BsH (Bosch-siemens electroménager). Il rejoint en 2001 BMW group en tant que consultant interne marketing et vente, puis différents postes financiers. en 2009, il évolue au sein du groupe en tant que directeur financier et administratif Belux, poste qu’il occupa jusqu’à ce jour.

GéralDine Malet europcar france

géraldine Malet est nommée directeur administration et finance d’europcar France. elle a débuté sa carrière chez KPMg en tant que senior auditor. au cours de sa carrière professionnelle, elle a occupé les postes de chef de projet systèmes d’information et responsable financier sur le marché français chez guerlain, ou encore directeur administratif et financier de Whirlpool France.

thierry turbant caddie

Thierry Turbant est nommé directeur administratif et financier de Caddie. Il a occupé pendant 10 ans, les fonctions

de CFo d’edaP TMs, puis de 2008 à 2011, il était le directeur administratif et financier de Tekka.

Vincent béDoucha centre hospitalier léon binet

Vincent Bédoucha est nommé directeur des finances et du contrôle de gestion du Centre hospitalier Léon Binet. Il a débuté sa carrière en tant que contrôleur de gestion au sein du Centre hospitalier René arbeltier en 2002, puis est devenu responsable du contrôle de gestion du Centre hospitalier Marc Jacquet à Melun en 2006, poste qu’il occupa jusqu’à ce jour.

ariane roSSi eutelsat

elle est nommée directeur financier adjoint d’eutelsat Communication. elle était auparavant directeur de la comptabilité, du corporate finance et du contrôle de gestion.

XaVier tarDy airbus Military

Xavier Tardy est promu directeur financier d’airbus Military. de 1988 à 1994, il a occupé les fonctions d’analyste financier, puis analyste financier senior en France et au Royaume-Uni pour Kodak. Il devient ensuite contrôleur financier européen de la division aftermarket Commercial Vehicles, et responsable de l’analyse des opérations de la division aftermarket d’alliedsignal en 1994. en 1997, il rejoint delphi et fut successivement directeur financier européen de la division aftermarket,

responsable financier production chez delphi delco electronics aux états-Unis, et directeur financier de la filiale française delphi delco electronics. en 2005, Xavier Tardy devient vice president groupe controlling, puis senior vice president groupe controlling au sein de l’unité opérationnelle d’eurocopter. Il évolue ensuite en 2012 vers eads north america et airbus americas en tant que directeur financier.

natacha tarDy enovance

natacha Tardy est nommée directeur administratif et financier d’enovance. elle a débuté sa carrière en tant que contrôleur de gestion investissements et ventes directes chez Renault espagne en 1999. en 2003 à 2008, elle évolue au sein de Pierre & Vacances, chargée du contrôle de gestion de Pierre & Vacances Conseil immobilier, puis de contrôle de gestion espagne. Cette année là, elle rejoint Belambra en tant que directeur du contrôle de gestion et de la comptabilité. Un an plus tard, elle prend en charge la direction financière d’ercom.

Julien Goubault icade

Julien goubault est nommé directeur financier adjoint d’Icade. Il est en charge des financements, du corporate et des relations investisseurs. Il a commencé sa carrière comme auditeur à la Cour des comptes en 2005, puis a évolué à l’international au sein de l’onU en tant que directeur adjoint de l’audit externe au sein du comité des commissaires aux comptes en 2007. Trois ans plus tard, Julien goubault rejoint la caisse des dépôts en tant que responsable du secteur Immobilier, logement et tourisme au département développement, filiales et participations.

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elon l’Enquête de l’Observa-toire Cegos sur le climat et les relations sociales dans les entreprises, 63 % des DRH constatent que les réclamations (salaires, primes, management) non satisfaites des salariés débouchent surtout sur du désen-gagement et de l’absentéisme. Ainsi, non seulement le phénomène de l’absentéisme s’accroît, mais également les dérives com-portementales (53 %) et la baisse d’impli-cation dans le travail (51 %).

le préSentéiSMe, ou leS liMiteS De la loGique De perforMance Les comportements sociétaux évoluent, et avec eux le monde économique et de l’entreprise. Après des décennies orientées vers une recherche exponentielle de

productivité et de rationalisation des pro-cess, nos entreprises sont confrontées à une résistance passive contre laquelle le mana-gement est privé de moyens coercitifs. La gestion hyper productiviste a eu des effets désastreux sur la vie sociale, engendrant des générations de salariés désabusés, scep-tiques, méfiants et repliés sur leur premier cercle social. Contrairement aux absen-téistes, ces salariés sont bien présents dans l’entreprise mais ils organisent leur travail pour assurer un « service minimum ». Un jeu qui consiste à rassurer l’encadrement tout en évitant de s’investir dans un effort de productivité. Les Anglo-Saxons appellent ce phénomène « le présentéisme ». Cette attitude résulte de l’excès (ou de la généralisation) des modes de management comme les flux tendus, la centralisation

des décisions et l’application de procédures qui contribuent à canaliser les collabora-teurs dans une chaîne de production, leur interdisant toute initiative personnelle. Les directions générales conçoivent des stratégies, avec l’aide de conseillers com-pétents internes et externe performants et qui, parfois, s’évaporent en cours de route. évidemment, le management intermé-diaire – chargé de mettre en œuvre ces stratégies –, pris entre deux feux, s’ingé-nient à sauver la face et chaque univers dans l’entreprise mène sa vie en attendant que les orages passent.Les « présentéistes » adoptent une attitude qui les rendent peu visibles et beaucoup de dirigeants s’imaginent ne pas être concer-nés… Et pourtant des études faites aux états-Unis et au Canada démontrent que cette situation coûte au final beaucoup plus cher aux entreprises que l’absentéisme !Rétablir la confiance dans le management est sans aucun doute la première recon-quête à effectuer. Le respect ne veut pas dire perte d’autorité mais bien plutôt le fait d’être en mesure de communiquer, donc capable d’expliquer et surtout d’écouter. Cette initiative doit venir de la direction générale, afin que les cadres (considérés comme des relais) soient en mesure d’assu-rer un « service après vente ».

la queStion Du bien-être S’inVite au Débat Sur la proDuctiVitéEn France, depuis plusieurs années, les dirigeants des entreprises, des pouvoirs publics, des médias s’investissent dans le « bien être ». Nous constatons que les

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PaR Sacha GEnotdIReCTeUR édIToRIaL de L’agoRa dU sPoRT

ResPonsaBILITé soCIéTaLe Le deuxième article de notre fil rouge sur la Rse rappelle la néces-sité d’améliorer la qualité de vie au travail. Plus qu’une simple question de bien-être, c’est un problème de santé publique : selon l’agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, le stress concerne 22 % des travailleurs et serait à l’origine de 50 à 60 % de l’ensemble des journées de travail perdues. sacha genot propose des solutions pour (ré)engager les salariés dans l’entreprise.

RSE : l’engagement des salariés par le bien-être

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ACTUALITÉFIL ROUGE

dirigeants sont devenus, pour l’opinion publique, responsables de l’état de santé physique et psychique de leurs employés… ce qui, quand ce principe est poussé à l’ex-trême, peut paraître absurde puisque cela brouille la relation dirigeants/dirigés et déresponsabilise le plus souvent le dirigé !En réalité qui dit « bien être » dit qualité de vie au travail. Cette dernière ne pourra réellement s’améliorer qu’à la condition que la relation des salariés avec leur hié-rarchie soit plus souple, les initiatives indi-viduelles encouragées, les personnes res-pectées et, enfin, qu’une qualité de services soit proposée par l’entreprise aux em-ployés. Les résistances aux changements sont très fortes et exigent souvent beau-coup de volonté et de courage de la part de ceux qui, par conviction personnelle ou par prise de conscience, prennent en consi-dération la vie des collaborateurs de l’en-treprise. Il est certain que ces améliorations ne peuvent avoir qu’un impact positif pour l’entreprise : être mieux sur son lieu de travail permet d’être plus productif. évidemment cette prise de conscience est très inégalement répartie, mais un change-ment de culture dans le management se manifeste aussi bien dans des groupes in-ternationaux (comme Microsoft, Pepsico, Danone ou GSF) que dans des PME (Velux ou Arkoon), ou même des TPE (EngiSoft France par exemple). Cette qualité de vie au travail prend des formes différentes en fonc-tion de la situation, de la nature des métiers ou encore de la taille de l’entreprise.

De telles améliorations amènent naturelle-ment l’envie des collaborateurs à donner le meilleur, individuellement et collectivement.Cela se traduit alors concrètement par :- une plus forte créativité/innovation ;- la préservation du capital santé, donc la diminution des risques de type psycho- sociaux dont on sait qu’ils sont très coûteux ; - un recrutement facilité ;- et plus prosaïquement le bonheur des gens, ce qui constitue un but plus que res-pectable.

DeS entrepriSeS pluS ouVerteS, pour DeS SalariéS pluS enGaGéSAprès des années passées dans des entre-prises de toutes tailles, il m’est permis d’affirmer qu’un changement profond s’est produit récemment après des an-nées de financiarisation, obligeant les entreprises occidentales à prendre en

Huit solutions simples pour des améliorations visibles !

1

la solidarité et l’ouverture• Recréer la solidarité, casser les réserves et les individualismes ;• être supporter d’une activité sportive et participer aux troisièmes mi-temps. ; • Favoriser des moments de détente transversaux ;• Créer ou soutenir des moments festifs, fête des voisins, visites portes

ouvertes, etc. ;• engager ou soutenir des initiatives caritatives qui impliquent volontairement

le personnel dans son ensemble.

2la communication• organiser régulièrement avec tout ou partie du personnel un débat

contradictoire pour évoquer la situation, les améliorations possibles hors champ des négociations salariales;

• accorder de l’intérêt aux suggestions supposées améliorer la productivité ;

3implication cadre de vie et l’environnement• donner à des colloques, à des conventions, ou à des formations un caractère

interactif. Mettre tout le monde en situation hors convention sociale ;• Montrer une préoccupation intègre sur les conditions de travail.

4redonner du sens aux relations managers/collaborateurs• Inviter des sportifs, aventuriers, urgentistes, artistes, ou leaders d’entreprise

au cours de conventions ; mettre les managers en situation d’équivalence hors cadre professionnel ;

• Inviter des collaborateurs intéressés à des expositions, à des spectacles, à des compétitions sportives ou à des événements dont l’entreprise est partenaire.

5

anticiper le mal-être• Mettre en place un système d’observatoire de la santé morale et physique ;• Proposer des solutions avant l’accident lorsque des signes indiquent la baisse

du niveau d’implication ;• Proposer des sièges ergonomiques;• organiser des échauffements pour les métiers physiques ;• Permettre une autonomie relative (voir ci-dessous le télétravail) ;• Certaines institutions de prévoyance proposent un centre d’appel

6l’intrusion dans la vie privée• s’imposer de limiter les appels, les mails ou les sMs le week-end

ou pendant les vacances sauf urgence avérée ;• Limiter les horaires de réunions à des heures compatibles avec la vie privée ;

7le télétravail• organiser les conditions d’une activité à distance (beaucoup d’entreprises le

proposent, ou l’étudient. aucun problème technique, mais des réticences d’une part de l’employeur qui craint des abus et des salariés soucieux de leur image).

8

les servicessalle de sport, conciergerie, crèche d’entreprise, restaurants et diététique, coiffeur, et d’autres services adaptés à la configuration locale. Ces sont des services que l’on trouve davantage dans les sociétés à haut niveau d’emploi, mais ils restent accessibles en partie par les PMe. La salle de sport et les crèches, les restaurants peuvent être mutualisés. Voire mettre à disposition de simples douches pour ceux qui aiment courir. Certains groupes organisent une vente directe de fruits et légumes par un producteur local.dans ce domaine, chacun peut innover en considérant que toutes les contraintes de la vie dont les collaborateurs peuvent être déchargés aujourd’hui, contribuent au mieux-vivre dans l’entreprise. de nombreux prestataires se sont spécialisés dans ces services.

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Il faut aussi être capable de remarquer ce que vos collaborateurs font de bien, ou les encourager pour remettre à plat ce qui n’a pas été réussi. Ce n’est pas de l’indulgence ou un manque de dyna-misme, c’est du carburant. À ce propos, Hervé Garcia, groupe Serge Ferrari, a déclaré qu’il ne fallait pas « être négligent, mais accepter un droit à l’erreur pour créer la confiance » ; c’est peut-être aussi une certaine idée de l’humanité, du savoir-vivre, de la civilité. La plupart d’entre vous sont arrivés à ces fonctions de dirigeant en travaillant beaucoup, en franchissant avec succès des challenges élitistes mais rappelez-vous que chaque individu, ainsi que son entourage, attache beaucoup d’impor-tance à son rôle social. Il est bon de se

rappeler qu'aujourd’hui, chacun d’entre nous est nécessaire à sa place, sinon ce poste de travail aurait déjà été supprimé.

rSe en entrepriSe : aller pluS loinJ’ai constaté qu’il y a encore beaucoup d’entreprises dont la progression annuelle est très performante (certaines à deux chiffres) et dans des secteurs en concur-rence avec la production de pays émergents.L’analyse de cette productivité n’a pas, le plus souvent, d’autre explication que l’am-biance qui règne dans ces entreprises. La rédaction de notre ourage avec Philippe Tallois nous a donné l’idée de l’association Collectif Performance & Qualité de Vie au Travail dont le but est de convaincre les chefs d’entreprises de revenir à un mana-gement humain. Le sujet étant vaste, de-puis la santé jusqu’au mobilier, il est inté-ressant de rassembler des initiatives de qualité, parfois anciennes en France, et de travailler ensemble sur les bonnes pra-tiques. Il s'agit d’inviter des dirigeants qui ont déjà adopté tout ou partie de ces bonnes pratiques à communiquer sur leurs résultats, leurs méthodes et sur les échecs pour ne pas les commettre à nouveau. De mon point de vue la meilleure manière d’investir et de rentabiliser la RSE, c’est de renoncer aux actions « cosmétiques » et d’engager une vraie stratégie de qualité de vie au travail. Même si le coût des ces pro-grammes est la plupart du temps marginal, les dirigeants sont plus à l’aise quand ils peuvent justifier cette implication dans la vie des gens, en contrepartie d’une pro-gression économique. Cela répond à une nouvelle préoccupation de notre société, la responsabilité individuelle de chacun d’entre nous. l

considération leurs collaborateurs pour améliorer la productivité. Auteur, avec Philippe Tallois, du livre L’Hu-main dans l’entreprise, un capital à préserver, paru au éditions Eyrolles, j’ai audité une trentaine d’entreprises, de toutes tailles, ce qui m’a permis de mettre en lumière une série de bonnes pratique toutes inspirées de bon sens. Ces dernières ont pour objectif de redonner aux salariés l’envie de se battre, le goût de la réussite pour le plaisir de ga-gner, en un mot : l’engagement. Bref, tout le contraire du présentéisme !La première règle qui est valable dans tous les cas, c’est le respect des gens. Bien sûr, cela passe par le respect des accords, un salaire décent, et des conditions de travail acceptables. Mais le minimum de respect, c’est de reconnaître l’autre, quelle que soit sa fonction dans l’entreprise.La responsabilité la plus modeste dans l’entreprise est exercée par un humain. Et chacun sera d'autant plus motivé qu’il aura le sentiment d’être considéré et utile à l’entreprise. Cela veut dire qu’il est essen-tiel de saluer les gens quand on les ren-contre, même si on est pressé. Saluer c’est regarder les gens dans les yeux, ne fût-ce qu’un instant. C’est sourire.

Le coût du stress en France et aux états UnisXEn 2007, l’INRS a évalué le coût du stress professionnel en France. Les résul-tats montrent que, sur une population active de 27,8 millions de personnes, le coût social du stress professionnel est compris entre 1,9 et 3 milliards d’euros, incluant le coût des soins et la perte de richesse pour cause d’absen-téisme, de cessation précoce d’activité et de décès prématurés. XUne évaluation a minima, les chiffres réels étant vraisemblablement bien supérieurs. En effet, dans cette étude, la mesure du stress s’appuie sur le modèle de Karasek qui prend en compte le « job strain » ou « situation de travail tendue » qui ne représenterait que 24 % des situations de travail fortement stressantes pour les hommes et 37 % pour les femmes (travaux de Niedhammer et al. 2006). De plus, seules trois pathologies (maladies cardio-vasculaires, dépression et TMS) ont été retenues excluant les maladies immunitaires, allergiques ou encore les désordres hormonaux.XS’il est difficile de calculer précisément l’impact du « présentéisme» sur la productivité de l’entreprise, ce qui revient à juger dans quelle proportion le travail effectué pourrait être plus important, son coût est bien réel. Il sem-blerait même que ses effets soient de 3 à 5 fois plus importants que ceux de l’absentéisme.XAux États-Unis, on évalue que pour l’entreprise, les frais directement ou indi-rectement liés à la mauvaise santé des salariés se répartissent ainsi : 25 % pour les frais de santé à proprement parler ; 8 % pour l’équivalent de la sécurité so-ciale et donc pour la compensation accordée lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail ; 7 % pour l’absentéisme ; 60 % pour le « présentéisme ».

Créer la confiance, c’est peut-être une certaine idée de l’humanité.

l L’Humain dans l’entreprise, un capital à préserver, Sacha Genot et Philippe Tallois Eyrolles. , 2013, 24 €, 315 p.

l Collectif Performance & Qualité de Vie au Travail : l’objectif de cette association qui compte des entreprises, des organisations professionnelle, des institutions et des think tanks, est de démontrer que la qualité de vie au travail contribue à améliorer la productivité et crée des rapports humains plus respectueux des gens.

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es Îles Vierges Britanniques sont le deuxième investisseur en Russie, les Pays-Bas le deuxième investisseur en Chine et l’Île Maurice représente à elle seule 26 % du total des investissements en Inde. Selon Jeffrey Owens, ancien directeur du Centre de politique et d’ad-ministration fiscale de l’OCDE, plus de

50 % des flux commerciaux internatio-naux seraient réalisés à l’intérieur des groupes multinationaux. Les flux com-merciauxs qui accompagnent le com-merce sont taxés au lieu de « résidence » de la société mère et donnent lieu à toute une mécanique de prix de transfert entre les sociétés d’un même groupe.

un Jeu facilité par la MonDialiSation

La combinaison des principes de taxation au lieu de résidence et d’élimination de la double imposition conduisent tout natu-rellement à un jeu très pratiqué, et parfai-tement légal, d’optimisation fiscale. Ceci explique une partie de la distorsion de concurrence entre les entreprises pure-ment domestiques, qui acquittent l’impôt sur la base de son taux nominal, et les so-ciétés multinationales dont le taux d’impo-sition est parfois dix fois inférieur.

Si les principes de consentement à l’impôt et le privilège de sa levée par les états sou-verains remontent aux XIVe et XVe siècles et sont fortement ancrés dans les esprits, force est de constater que la mondialisation a structurellement déplacé les lignes entre le consommateur et le contribuable, per-sonne physique, au détriment de ce dernier.

La multiplication des échanges physiques qu’elle induit entre les états a indubitable-ment favorisé une amélioration constante de la structure des coûts de production au bénéfice du consommateur, et le dévelop-pement des produits financiers hybrides transnationaux, via des zones de basse fiscalité, à une optimisation fiscale au seul bénéfice des multinationales et de leurs actionnaires.

DeS étatS en quête De SolutionS

Cette conjonction de facteurs ne semble plus favorable à la mise en place d’un mo-dèle social équitable. Elle conduit de fait à une remise en question des principes de

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La passoire fiscale a pour particularité de favoriser l’érosion fiscale de masse et de traquer les « petits » fraudeurs. des états-Unis1 aux pays émergents… nul n’y échappe !L’enjeu est de taille et ce n’est pas un hasard si cette question est l’objet d’une attention particu-lière en cette période de crise économique et de déficits budgétaires.

Et si nous inversions le sens de la passoire fiscale ?

PaR JEan-FRançoIS caSanoVaMeMBRe dU CoMITé édIToRIaL, daF sTaRTegIC RIsK ManageMenT

Représentation simplifiée d’une chaîne de valeur globale

source : oeCd (2012) «global Value Chains: oeCd Work on Measuring Trade in Value-added and Beyon», intenal working document, statistics directorate, oeCd, Paris.

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levée et de redistribution de l’impôt au sein des pays développés.

Les principes d’organisation de la régu-lation fiscale internationale actuellement appliqués ont été mis en place il y a presque cent ans.

En 1927, dans la période de pleine eu-phorie financière qui précéda la Grande Dépression des années 30, ils avaient pour but de résoudre de façon consensuelle l’épi-neuse question du respect de la souverai-neté des états sur la levée de l’impôt. La Société des Nations, ancêtre de l’ONU, a ainsi établi un modèle de convention fiscale dont la finalité première était d’éliminer la double imposition.

Changement d’époque avec le ralentisse-ment de l’activité économique et l’explo-sion de la dette des états ! Aujourd’hui, les 34 pays de l’OCDE ont décidé d’organiser la double non-imposition.

Fort d’un soutien politique très fort, aux dires de Pascal Saint-Amans, l’actuel direc-teur du Centre de politique et d’adminis-tration fiscales de l’OCDE, « on va passer d’un traitement de l’élimination des frotte-ments à un traitement de l’élimination des trous », puis ensuite à celui des hybrides financiers transnationaux.

Dans le nouvel esprit des régulateurs, les produits financiers hybrides doivent faire l’objet d’une attention particulière.

En effet, initialement conçus pour ré-soudre des problèmes de financement spé-cifique en permettant notamment à des entreprises de se financer à faible coût, ces obligations convertibles sont également fréquemment utilisées comme outils d’op-timisation fiscale.

Les convertibles sont dès lors un merveil-leux outil financier tant pour les investis-seurs que pour l’emprunteur. Les investis-seurs bénéficieront de l’appréciation éventuelle de la valeur boursière de la so-ciété, en échange de d’une réduction du

coupon payé par l’emprunteur. Les entre-prises émettrices vont, pour leur part, ré-duire leur coût de financement du mon-tant de l’option de conversion cédée à l’investisseur et de plus réaliser des écono-mies d’impôt en exploitant une classifica-tion différente, entre deux états souverains, des flux d’intérêts et de dividendes liés à ce mode de financement .

Un prêt hybride peut ainsi être reconnu comme un prêt dans le pays du débiteur, ce qui permet la déductibilité des intérêts versés, alors que dans le pays du créancier, il peut, en vertu d’une décision sur le fond, être assimilé à des capitaux propres.

Le pays créancier peut alors envisager « les intérêts » reçus comme des dividendes, ce qui autorise une exonération d’impôt entre deux sociétés d’un même groupe en vertu d’un régime d’exemption de participation2. Ainsi, selon le principe de souveraineté des états, ceux-ci peuvent utiliser différents cri-tères (seuls ou en combinaison) pour déter-miner si un prêt formel doit être considéré comme hybride et être, de ce fait, retraité comme faisant parti des capitaux propres. Cette situation se traduit par la jolie expres-sion anglaise « Treaty Shopping ».

et un plan D’actionS par l’ocDe !

Dans son rapport « Addressing Base Ero-sion and Profit Shifting »3, l’OCDE ne cible pas seulement les produits hybrides comme comme uniques sources d’érosion fiscale. Les structures d’optimisation fiscales à tra-vers des prix de transfert y sont également largement détaillées. Les schémas mainte-nant connus des accords de licence intra groupe dans les entreprises de l’E-com-merce aux opérations d’acquisitions « léve-ragées » y sont très clairement expliqués. Ces dernières, réalisées au travers de mul-tiples holdings permettent ainsi des opéra-tions de réallocation de dettes au sein des groupes et se traduisent par un transfert de charges financières.

Pour réduire cette érosion fiscale, l’OCDE propose la mise en place d’un plan d’action sur 18 à 24 mois avec passage du « droit mou » au « droit dur ». Cette démarche de-vrait permettre aux gouvernements de ré-pondre aux préoccupations résultant de l’érosion de la base fiscale et des transferts de bénéfices qui résultent des lacunes dans les législations fiscales nationales, et qui peuvent être exploitées par des sociétés mul-tinationales afin de réduire artificiellement leurs impôts. Ce plan d’action a été présenté

Structuration du planning fiscal du Groupe A

Les convertibles sont un merveilleux outil financier tant pour les investisseurs que pour l’emprunteur

source : Based on «Present Law and Background Related to Possible Income shifting and Transfer Pricing», prepared by staff of the Joint Committee on Taxation, submitted to the Us House Committe on Ways and Means, 20 July 2010, JCX-37-10, p.93.

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le 19 Juillet à Moscou lors de la réunion du G20 des ministres des Finances et des gou-verneurs des banques centrales (voir en encadré les grandes étapes du plan d’action).

Nous l’aurons compris, l’enjeu est ma-jeur et le soutien des gouvernants est très fort. Reste à savoir si toutes les mesures envisagées ne se heurteront pas aux inté-rêts divergents des différents états et si tous ne reviendront pas à deux principes com-munément partagés : celui de la défense, ô combien légitime, des intérêts nationaux et celui, plus pragmatique, selon lequel il vaut mieux taxer la masse des « petits », facilement saisissables, plutôt que de s’atta-quer aux flux financiers des multinatio-nales – beaucoup plus difficile à suivre et à appréhender.

Si l’on veut inverser le sens de la passoire fiscale, peut-être « suffirait-il » de suppri-mer l’IS, d’augmenter la TVA, de taxer les bénéficiaires des dividendes dans leur pays de résidence, et de procéder à une redistri-bution aux plus nécessiteux par un impôt négatif. Cette approche présente au moins deux bénéfices : celui de taxer la consom-mation sur le lieu où les produits sont consommés, sans pour autant diminuer la consommation des moins favorisés, et celui d’éliminer peu ou prou les distorsions de concurrence de nature fiscale et les si dé-criés « paradis fiscaux ».

Quelle que soit la solution retenue le « level playing field4 » fiscal souhaité par tous nécessite un consensus général des nations – ce qui est loin d’être acquis ! l

Synthèse des actions et dates de mise en œuvre

Actions Résultat attendu Date limite

1 analyse des défis posés par la taxation de l’économie digitale Rapport d’analyse et actions à engager septembre 2014

2 neutralisation des effets de reconnaissance différente des hybrides entre dette et capitaux propres Changement du modèle de convention fiscale septembre 2014

3 Renforcement des règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (CFC)

Recommandations relatives à la formalisation des réglementations domestiques septembre 2015

4 Limite de l’érosion fiscale liée aux déductions d’intérêts et autres paiements financiers

Revue des régimes fiscaux des pays membresstratégie d’expansion aux pays non membres

septembre 2014septembre 2015

5 Prévention des utilisations abusives des traités Changement du modèle de convention fiscaleRecommandations relatives à la formalisation des réglementations domestiques

septembre 2014

6 Prévention des pratiques visant à éviter les établissements permanents Changement du modèle de convention fiscale septembre 2015

7 assurance que les prix de transfert sont en ligne avec la création de valeur : intangibles

Changement des « guidelines » de prix de transfert et probablement du modèle de convention fiscale

septembre 2014/septembre 2015

8 assurance que les prix de transfert sont en ligne avec la création de valeur : risques et capital

Changement des « guidelines » de prix de transfert et probablement du modèle de convention fiscale septembre 2015

9assurance que les prix de transfert sont en ligne avec la création de valeur : autres transactions à forte exposition aux risques

Changement des « guidelines » de prix de transfert et probablement du modèle de convention fiscale septembre 2015

10 établissement dune méthodologie de collecte et d’analyse des BePs

Recommandations relatives à la formalisation des réglementations domestiques septembre 2015

11 obligation de divulgation des schémas fiscaux agressifs Recommandations relatives à la formalisation des réglementations domestiques septembre 2015

12 Réexaminer la documentation relative aux prix de transfert Changement des « guidelines » de prix de transfert et probablement du modèle de convention fiscale septembre 2014

13 Rendre les mécanismes de résolution de problèmes plus efficace Changement du modèle de convention fiscale septembre 2015

14développer une approche innovatrice d’amendement des traités fiscaux pour tenir compte de l’évolution rapide de l’économie globalisée

Rapport d’identification des lois internationale et des aspect fiscaux.développement d’un outil pour l’amendement des traités fiscaux

septembre 2014

décembre 2015

1. Voir l’impact des “check-the-box” regulations 1997 et autres utilisation des paradis fiscaux sur le taux effectif d’imposition aux USA : http://en.wikipedia.org/wiki/File:U.S._Federal_Corporate_Income_Tax_Receipts_and_Pre-Tax_Profits.png

2. à titre d’exemple on peut noter « l’avantage du régime d’exemption de participation, grâce auquel 95 % des dividendes reçus sont exemptés d’impôt en France » ou encore

3. http://dx.doi.org/10.1787/9789264192744-en.

4. level playing field : Principe d’équité

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oute ingénierie comptable est bienvenue, en période de surendettement, pour continuer à se financer sans faire apparaître la dette ou en en différant la constatation comptable. Cela vaut pour le privé comme pour le public. On parle alors de « financements innovants ». L’état et les collectivités territoriales y recourent de plus en plus. Les exemples abondent : par le mécanisme des partenariats public-privé, la puissance publique acquiert des actifs sans emprunter, en échange de loyers à payer, souvent sur des périodes longues, dont le coût présent est en principe constaté au bilan en comptabilité générale mais hors bilan (HB) en comptabilité nationale (pour la « dette maastrichienne » notifiée aux auto-rités européennes). Surtout, l’état accorde des garanties plutôt qu’un concours direct à une institution financière défaillante. Il se sert ainsi de son HB et n’accroît pas sa dette. S’il est légitime dans son rôle d’assu-reur en dernier ressort, l’état recourt par-fois abusivement au HB.

leS conSéquenceS DanGereuSeS Du horS bilan

L’effet de levier de ce HB reste-t-il raison-nable ? Selon la Cour des comptes, l’agré-gat total du HB de l’état à fin 2012 s’établit à près de 3 100 Md€, à comparer aux 1 000 Md€ approximativement estimés à fin 2005, soit plus de 150 % du PIB. Rien qu’en 2012, le HB a crû de plus de 500 Md€ ! L’explosion du HB de la France (laquelle, à sa décharge, fait figure d’excep-tion en termes de transparence comptable par rapport à ce qui se fait ailleurs dans le monde), pourrait devenir préoccupante

pour la crédibilité de notre pays sur les marchés financiers : • Les garanties financières apportées aux agents économiques ont plus que doublé depuis le début de la crise, passant à près de 1.000 Md€. Rien qu’en 2012, la parti-cipation de la France dans les dispositifs de solidarité européens (FESF et MES) s’est traduite par une hausse de 187 Md€ du HB porté par l’état.• Les seuls engagements de retraite de l’état et assimilés, qui s’élèvent à 1 680 Md€, ont augmenté de 54 % en 5 ans, notamment en raison de la baisse du taux d’actualisa-tion retenu (0,35 % à fin 2012), et de l’inclusion à leur périmètre d’autres ré-gimes de retraite.• La croissance incontrôlée de ce HB, qui s’établit à plus de 150 % du PIB, venant « s’ajouter » (la sommation sèche du HB et du passif est quelque peu réductrice) à une dette publique dépassant 90 % du PIB, pourrait constituer un risque systémique pour la soutenabilité des finances pu-bliques, d’autant que :• Le HB recensé n’est pas exhaustif. Il n’in-clut pas celui des administrations pu-bliques autres que l’état, notamment celui des collectivités territoriales et des orga-nismes de sécurité sociale. Sans parler du HB social évalué sur la base de projections financières optimistes.• Dans un contexte défavorable, les garan-ties financières apportées présentent des risques budgétaires non négligeables (DEXIA, CIF, Banque PSA Finance, COFACE, etc.). La Cour constate égale-ment que l’état a reçu en 2012, en contrepartie des garanties qu’il accorde,

une rémunération 4 fois plus faible qu’en 2006, avec donc une protection mal rétri-buée, au regard des risques de pertes transférées au public par les entités pri-vées qui en bénéficient.• Le HB social, soit 82 % du PIB, aurait pu tout aussi bien être intégré au bilan. L’ab-sence de normes internationales ou euro-péennes de comptabilité publique ne per-met pas de clarifier, au plan conceptuel, ce qui relève du bilan ou du HB. Indépendam-ment de la question du « droit de lever l’im-pôt » (le contribuable n’est pas indéfini-ment solvable), il existe une porosité entre les passifs certains et probables du bilan et les passifs éventuels du HB.

leS enGaGeMentS De retraite en cauSe

Où situer les engagements de retraite, moins aléatoires que le reste du HB ? Le Royaume-Uni et la plupart des états des états-Unis comptabilisent leurs engage-ments de retraite en provisions et non en HB. Les systèmes de retraite sont différents en France où l’état est à la fois employeur, caisse de retraite et financeur (il prend de facto à sa charge les déficits des régimes concernés). Pour ne pas provisionner, cer-tains avancent qu’il n’existe pas « d’enga-gement garanti par un contrat » (contraire-ment à l’Allemagne) vis-à-vis des fonctionnaires, mais « un statut », dans les mains de l’état. Preuve en est, les réformes à venir (ou l’incapacité par l’état à honorer ses « engagements ») seraient susceptibles de réduire le HB social de l’état… l

Contribution originale parue dans option Finance

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si la mode est à cacher ses dettes en hors bilan, et ce, même dans les institutions publiques… les conséquences de cette pratique risquent d’être détonantes. Le HB, une bombe à retardement ?

Veuillez cacher cette dette que je ne saurais voir

PaR JEan-LoUIS MULLEnBachassoCIé, BeLLoT MULLenBaCH eT assoCIés

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otre revue en a fait son thème du mois de février : les compétences du DAF ont évolué de manière très significative depuis 30 ans, enrichissant la fonction tra-ditionnelle d’expertise financière du rôle plus « nouveau » d’accompagnement des décideurs. Le « Rendez-vous priorités du directeur financier 2013 », présenté lors de Financium en décembre dernier confirme cette évolution des DAF : 88 % estiment que le directeur financier doit agir comme un véritable partenaire en continu de la direc-tion générale et des BU/opérationnels.

aMéliorer leS liVrableS financierS…

C’est un signe positif dans la crise que nous traversons. Il y a urgence à maximi-ser la performance de nos organisations, et les directeurs financiers ont bien com-pris le rôle clé qu’ils doivent jouer auprès des opérationnels et de la direction géné-rale pour satisfaire cette exigence.

Pourtant, les opérationnels sont encore trop souvent amenés à penser et à nous dire : « Pourquoi ce reporting est-il aussi com-pliqué ? », « Je ne suis pas un financier, je ne comprends pas tout » ou « Je n’arrive pas à me faire une idée suffisamment claire de la situation pour prendre une décision ». Les directions générales que nous rencontrons expriment régulièrement un manque de focus sur les sujets clés du moment, et/ou déplorent le manque de cohérence entre les différentes présentations du contrôle de gestion.

Pourquoi ? Parce que ce nouveau rôle de la direction financière implique un véritable changement de posture des DAF et de leurs équipes. Être entendu, écouté par la direc-tion générale, être considéré par les opéra-tionnels comme un partenaire, demande un savoir-faire et un savoir-être particuliers. Christophe Eouzan, Group Chief Accoun-ting Officer de France Télécom/Orange, et Fabrice Vernière, DAF de Sage, sont venus en témoigner lors de l’atelier que j’animais à Financium sur ce thème.

Réussir durablement ce changement de posture est toujours complexe. Pour l’en-clencher, nous recommandons fréquem-ment de commencer par améliorer les li-vrables financiers. Les présentations du contrôle de gestion, par exemple, doivent être repensées pour donner l’envie et les

moyens aux décideurs de… décider ! Si une communication n’a pas l’impact attendu, ce n’est jamais la faute du destinataire mais toujours celle de l’émetteur !

Garantir l’exactitude du chiffre est indis-pensable, mais pas suffisant. L’écart de performance se forge dans la prise de déci-sion. Le financier doit donc acquérir la capacité à présenter des documents « orientés action », à les rédiger dans le référentiel des opérationnels en utilisant les chiffres comme des preuves de ses argu-ments, et à assumer des recommandations de plans d’actions qu’il sera ensuite chargé de suivre. C’est un prérequis pour celui qui souhaite, comme le rappelle le « Rendez-vous priorités du directeur financier 2013 », être davantage partie prenante dans la décision, voire acteur de la trans-formation.

… pour DeVenir le Business Partner Dont l’entrepriSe a beSoin

Acteur de la transformation ? Depuis 20 ans, Val Conseil accompagne des orga-nisations de toutes tailles dans leurs transformations. Notre fierté est de créer avec nos clients le monde de performance qui leur permet d’atteindre leurs rêves. De cette expérience est née la conviction, que nous partageons avec beaucoup de direc-teurs financiers, que le DAF est non seu-lement responsable de la gestion et du suivi de la performance, mais aussi qu’il

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Faire de ses chiffres un véritable argument décisionnel, pour mieux devenir un indispensable de l’équipe opérationnelle… le daF Business Partner, en somme ! Une évolution naturelle et prioritaire, pour François Varin.

Le DAF Business Partner Des chiffres, des chiffres… oui, mais des chiffres utiles !

PaR FRançoIS VaRIndIReCTeUR P-VaL ConseIL

Le directeur financier est le mieux placé pour challenger la performance

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est légitime en tant qu’initiateur de la per-formance. Voilà une formidable piste pour devenir acteur voire leader de la transfor-mation.

Pour chacun de nos clients, la (re)défini-tion de ce qu’est la performance pour son organisation est un déclencheur de trans-formation. Je pense à cette banque que nous avons accompagnée récemment, qui se targuait d’être « performante » : la satis-faction client était très élevée… mais les conseillers avaient pris l’habitude de four-nir des services en tout genre sans les fac-turer ! Le « vrai » monde de performance consistait bien entendu à monétiser cette satisfaction. Une SSII cherchait à réduire ses coûts. Elle n’avait pas vu que les pro-cessus internes, comme la refacturation entre BU, étaient source de complexité et focalisait les attentions et les énergies très loin des problématiques client. Dans les deux cas, le directeur financier fut au cœur de la réflexion en « osant » challenger les pratiques opérationnelles et en proposant des plans de progrès.

Le directeur financier est « presque tou-jours » le mieux placé pour challenger la performance, en proposer une nouvelle

définition, mettre en place les indicateurs qui permettront de suivre les progrès. « Presque toujours » ? Oui, car pour jouer ce rôle dans l’organisation, la direction fi-nancière doit être un « véritable partenaire en continu de la DG et des BU/opérationnels ».

Si ce n’est pas le cas, les opérationnels et managers de BU continueront à voir la performance dans leur monde, allant jusqu’à se refacturer des sandwiches puisque cela grossira les résultats de leur BU... l

5 questions pour améliorer la performance de votre direction financière et de votre organisation

1la fierté des financiers est-elle plutôt dans la maîtrise des systèmes d’information et l’exactitude des chiffres, ou dans la connaissance des leviers business et la qualité de la relation avec les managers opérationnels ?

2 en tant que manager financier, combien de fois par trimestre êtes-vous amené à retravailler intégralement la présentation d’un membre de votre équipe ?

3 arrive-t-il souvent, rarement ou jamais à un opérationnel de demander l’avis de son contrôleur de gestion avant de prendre une décision business à fort enjeu ?

4 Depuis quand n’avez-vous pas pris le temps de clarifier auprès de vos équipes ce que vous attendez d’elles en termes de posture ?

5 quels moyens avez-vous mis en œuvre pour développer les compétences de vos équipes sur la qualité des présentations écrites et orales ?

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Entretien À 43 ans, Laurence Branthomme est directeur finance, gestion du patrimoine et déploie-ment de l’offre de JCdecaux France, n°1 mondial de la communication extérieure. diplômée de dau-phine et expert-comptable, Laurence a démarré « classiquement » sa carrière dans l’audit chez ernst & Young en 1992. Moins classiquement, elle y est restée 11 ans avant de quitter la société de conseil l’année théorique de l’association. Pourquoi ? Pour accéder à ce qu’elle appelle le « concret » et la « vraie vie » : l’entreprise avec un grand « e » et son adrénaline. elle intègre ainsi la filiale française d’american express voyages d’affaires en mars 2004 au poste de directeur financier au moment du basculement de son modèle économique lié au développement d’internet et au changement de mode de rémunération des intermédiaires du secteur du tourisme. Ce challenge réussi, elle rejoint JCdecaux en 2008 où elle est nommée, en juillet, directeur financier pour la France. Interview d’une femme qui a toujours souhaité allier gestion et… terrain. PRoPos ReCUeILLIs PaR StéPhanE DEMazURE

« Être acteur de la transformation de l’entreprise »

inance & Gestion : votre appé-tence pour les fonctions opérationnelles vous a conduit à cumuler aujourd’hui les fonctions de directeur financier et de la gestion de patrimoine de l’entreprise JcDecaux France. Est-ce vraiment compa-tible ?

Laurence Branthomme : le modèle de JCDecaux repose sur le développement de son patrimoine sur les domaines privé ou public. Je fais partie de cette catégorie de directeurs financiers « business » qui ont envie d’être à la fois dans la fonction fi-nance et dans l’opérationnel. Et je consi-dère comme une chance de pouvoir conju-guer ces deux aspects dans l’exercice de mon métier. De plus, dans mon rayon d’action se trouve aussi la coordination du plan stratégique de l’entreprise. Ce qui me conduit naturellement à déployer une vi-sion transversale de l’entreprise.

cette vision transversale de l’entreprise est-elle une évolution naturelle de la fonc-tion de directeur financier ?

Le directeur financier doit être avant tout un acteur de la transformation de l’entre-prise. Une première option pourrait être de considérer la direction financière comme un aboutissement, un réceptacle de l’infor-mation produite par les services. On peut aussi considérer qu’elle est là pour aider les opérationnels à mener à bien leurs mis-sions. Si la comptabilité est importante, elle

est avant tout un outil du contrôle de ges-tion et il ne faut pas en faire une fin en soi. Nous avons réussi chez JCDecaux à faire de l’élaboration du budget un exercice col-légial. Les contrôleurs de gestion sont là pour accompagner les opérationnels, mais ce sont les opérationnels qui élaborent leur budget. Une direction centrale, qui n’a certes pas une vision parfaite du terrain est avant tout là pour questionner, en humilité et non en sanction. Être un acteur trans-versal, c’est faire appel en permanence à son bon sens.

Le DaF est de plus en plus considéré au-jourd’hui comme un business partner de l’entreprise. Que pensez-vous de cette évolution sémantique ?

Ce concept est effectivement très présent depuis quelques années mais ne doit pas être simplement une expression à la mode. Il faut vraiment avoir la volonté de participer à la réussite de l’entreprise. La position dominante de la fonction est éga-lement conjoncturelle dans une période de crise où la finance prend naturellement plus de pouvoir. On pourrait d’ailleurs souhaiter que ce soient les directions du développement qui prennent le leadership ! Mais il est vrai que le point de vue offert par la direction financière aujourd’hui est le plus large car il doit absolument maî-triser et comprendre toutes les compo-santes de l’entreprise.

Y a-t-il une particularité à être directeur financier dans une entreprise familiale ?

Il faut être en phase avec la culture de l’entreprise. C’est un principe absolu et essentiel au sein d’une entreprise fami-liale. La performance et l’innovation sont constitutifs de l’ADN de JCDecaux. Son fondateur, Jean-Claude Decaux, a inventé non seulement l’abribus publicitaire mais surtout un modèle économique. Notre engagement collectif est de porter ces valeurs, de les faire fructifier et de les transmettre. l

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ACTUALITÉPORTRAIT

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information finan-cière ne devrait pas rester l’apa-nage des plus grandes entre-prises. Les TPE-PME en ont tout autant besoin.

à l’heure où les pouvoirs publics annoncent que les TPE-PME vont être dispensées de publier leurs comptes1, la transparence financière préa-lablement imposée va devoir

devenir volontaire. Autant y préparer les chefs d’entreprise, et leur donner l’occasion de défendre au mieux leurs crédits et leurs financements.

Deux iDées-clés à la base Du concept D’autonotation

Les innovations résultent le plus souvent d’une combinaison

originale de composantes exis-tantes bien connues. Dans le cas présent, il s’agit de rendre accessibles et utiles aux TPE-PME deux notions plutôt « haut de gamme » pour elles, dans une logique de démocra-tisation : la notation des entre-prises et la juste valeur dans la présentation de leurs comptes.

• La notation, facteur-clé pour l’accès aux crédits : les TPE-PME l’ignorent ou l’oublient trop souvent, la notation2 de leurs bilans est un facteur déter-minant tant pour le maintien et le coût de leurs crédits bancaires que pour la fluidité de leurs ap-provisionnements, compte tenu du rôle des assureurs-crédit3. La démarche présentée ici permet de transformer cette menace en opportunité.

• Un retour aux sources, vers la bonne idée à la base des IFRS. à l’origine du projet des IAS/IFRS, on ne pouvait qu’ap-plaudir aux excellentes inten-tions qu’il affichait : rendre les images financières des entre-prises comparables, grâce à la juste valeur présentée dans les comptes des entreprises, pour le plus grand bien des marchés financiers et donc des entre-prises elles-mêmes.Nous n’insisterons pas sur l’extraordinaire dérive du pro-jet par rapport à cet objectif, qui a fait couler suffisamment d’encre, notamment dans ces colonnes, et qui a débouché sur sa totale inapplicabilité aux plus petites entreprises en dépit de la norme IFRS- PME.

L’

autonotation des TPE-PMEVers des IFRS-PME sans douleurAlors que les TPE-PME vont être dispensées de publication de comptes et que les IFRS pourraient être appliquées à certaines d’entre elles, Patrick Sénicourt propose que ce contexte de transformation soit l’occasion pour les TPE-PME d’entamer une démarche d’autonotation plus réaliste.

PAR PatRIck SénIcouRtMEMbRE dE lA CCEF, AnCIEn PRoFESSEuR ESCP-EuRoPE, PRéSIdEnT dE noTA-PME SAS

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Pourtant, nous allons voir qu’il y a matière à servir les TPE-PME, à condition bien sûr de ne pas leur imposer un régime aussi arbitraire.

La combinaison de ces deux constats nous a suggéré une approche novatrice, qui permet à toutes les parties prenantes d’améliorer la visibilité et la lisi-bilité sur la situation écono-mique réelle des TPE-PME.

De la notation Du « bilan fiscal » à la notation Du « bilan économique »

Sans pouvoir tout développer ici4, résumons l’idée-clé : la no-tation des entreprises s’appuie traditionnellement sur le trai-tement de leurs liasses fiscales.

Or, ces liasses ne reflètent pas parfaitement la situation éco-nomique de l’entreprise, du fait des règles contraignantes fiscales et comptables qui ont

présidé à leur établissement. Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause la rigueur et la fiabilité de ces comptes fis-caux : ils constituent le socle à partir duquel va pouvoir émer-ger un « surplus de réalité ». De fait, il ne s’agit que de leur ajou-ter une dimension économique, en apportant des correctifs jus-tifiés (notamment aux valeurs d’actifs) pour se rapprocher de leur « valeur juste5 ».

les trois étapes de la démarche d’autonotation

• Génération de la « note fiscale » et diagnostic des comptes fiscaux.Cette première étape consiste à traiter la matière première tra-ditionnelle que constituent les classiques comptes sociaux an-nuels (voire les situations inter-médiaires). Il s’agit d’un proces-sus identique à celui opéré par les divers acteurs financiers :

Banque de France, banques, assureurs-crédit, credit mana-gers. Chacun produit sa propre note, donc dif férente pour chaque acteur. L’objectif est pour eux de mesurer le risque de défaut de l’entité scorée.La TPE-PME a tout intérêt à anticiper cette notation, car celle-ci conditionne le maintien de ses crédits et leur coût, ainsi que la couverture du crédit de leurs fournisseurs. Si sa note est médiocre ou mauvaise, si elle s’est dégradée, il va lui fal-loir pour se défendre préparer une argumentation.C’est ici qu’intervient le pre-mier niveau « fiscal » de l’auto-notation6.

• Introduction de correctifs et justificatifs générant une nouvelle note économique, et les diagnostics associés.Cependant, cette note fiscale n’est généralement pas représen-tative de la réalité économique

que vit l’entreprise. En particu-lier, la valorisation des postes du bilan se fait au coût historique et à un rythme d’amortissement fiscal économiquement artificiel. De même, l’indépendance des exercices peut par exemple me-ner à ne pas prendre en compte le règlement d’une grosse créance client quelques jours après la clôture du bilan : la note fiscale sera aveuglément plom-bée par l’impact de cette créance sur le délai de règlements clients observé, ainsi que le niveau de cash. Autre exemple : la non-prise en compte des actifs imma-tériels constitue un handicap certain pour l’image financière de l’entreprise.En réponse, avec le dispositif de l’autonotation, l’entreprise est invitée à introduire des correc-tifs économiques, qu’elle justi-fiera de manière narrative ou au moyen de pièces à convic-tion (expertises, barèmes…).

Quelques exemples de correctifs dans la nouvelle cartographie

postesDéclaré 205x

ou 2033…« fiscal »

correctifjustifié

Réévalué« économique » notes

brevets (net) 10 000 + 120 000 130 000 Valorisation à 130 000 euros du brevet n° xxx par le Cabinet yyy (voir expertise en annexe)

équipements roulants 5 000 + 15 000 20 000 Parmi ces équipements, un camion totalement amorti en dégressif présente une valeur d’occasion de 15.000 euros (voir argus en annexe)

Salaires 212 000 -12 000 200 000 Sur-salaire prélevé par le dirigeant pour alléger le résultat

Provisions pour indemnités de départ à la retraite et dIF

30 000 + 15 000 45 000 Ces charges à venir ont été insuffisamment provisionnées

Comptes d’associés bloqués 0 + 328.000 328.000 Compte d’associés inclus dans les emprunts et dettes financières

diverses intégrés dans les quasi fonds propres

Emprunts et dettes financières diverses 503 000 -328 000 175 000 Compte d’associés inclus dans les emprunts et dettes financières

diverses intégrés dans les quasi fonds propres

Valeur résiduelle d’équipements financés par crédit-bail

5 000 +35 000 40 000 Ces équipements conservent une valeur d’usage de 40 K euros

Créances clients mobilisées 0 + 77 300 77 300 Effets portés à l’escompte non échus réintégrés à l’actif (créances

clients) et au passif (besoin de trésorerie)

Concours bancaires courants 15 000 + 77 300 92 300 Effets portés à l’escompte non échus réintégrés à l’actif (créances

clients) et au passif (besoin de trésorerie)

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Dès lors, la variation de la notation, même faible, est susceptible de l’amener dans une zone d’acceptabilité la ren-dant plus facilement éligible aux crédits7.

• Validation éventuelle par un expert indépendant.Cette nouvelle présentation peut légitimement susciter une certaine méfiance chez le lec-teur des comptes. Pour le ras-surer, l’entreprise pourra faire valider l’ensemble du dossier par un expert indépendant, qui une fois levées ses éventuelles réserves, pourra engager sa responsabilité sur une « assu-rance modérée »8 de la cohé-rence et du réalisme des correc-tifs et de leurs justificatifs.

un format de présentation pour une création et une lecture facilitées

Autre constat ne plaidant pas en faveur des IFRS : les rapports annuels de sociétés cotées (et donc qui en respectent les normes) font apparaître dans les premières pages les tableaux classiques (bilans, comptes de résultats et autres) à la juste valeur, ayant donc déjà intégré les retraitements requis par les normes. Pour connaître les montants et justifications des correctifs et retraitements, le lecteur doit les rechercher dans le maquis de volumineuses annexes, sans d’ailleurs être certain de pouvoir trouver une réponse claire à cette quête pourtant légitime.

Pour résoudre ce problème, nous proposons le schéma très simple suivant :

• Premier principe : l’affi-chage sur une même ligne de la valeur avant correctif, du correc-tif, et enfin de la valeur corrigée. Ce format (cf. tableau « Quelques exemples de correctifs dans la nou-velle cartographie », page précé-dente) permet au lecteur de per-cevoir directement le poids relatif du correctif par rapport à la valeur fiscale déclarée, et d’apprécier à la fois sa crédibilité

et l’ampleur de son impact sur le poste corrigé.Complémentairement, un ta-bleau synthétique (cf. tableau 2 « Perception de l’impact des cor-rectifs sur les grands équilibres et ratios ») permet d’apprécier l’impact de l’ensemble des cor-rectifs sur les macro-équilibres de rentabilité de l’exploitation et de structure de bilan.

• Deuxième principe : une brève explication narrative en note de bas de page.Celle-ci offre une explication qualitative de premier niveau, souvent suffisante pour éclairer les fondements du correctif, et en apprécier la pertinence tant de principe que de montant.

• Troisième principe : ad-jonction de « pièces à convic-tion » (annexes ou pièces jointes).Le cas échéant, et principale-ment lorsque le poids et l’im-pact du correctif sont significa-t i f s , l ’entrepr ise pour ra compléter ses explications par tous documents, barèmes, ar-gus ou expertises permettant

au lecteur de se faire une idée précise de la pertinence de prin-cipe et de mesure de chaque correctif.

qui va évaluer et valider les correctifs ?

Mais qui va enrichir les comptes fiscaux pour les re-hausser en comptes écono-miques ? C’est la première question qui vient à l’esprit. Et la réponse la plus évidente est : l’entreprise et son expert-comp-table ou son conseil.

Il ne s’agit pas ici de mettre en œuvre la machinerie lourde des impairment tests. Dès lors, c’est au chef d’entreprise, ac-compagné par son expert-comptable ou son conseil, d’apporter et de justifier ces correctifs. Qui mieux que lui pourrait affirmer ce que vaut réellement (valeur d’usage, de marché) son camion totale-ment amorti au bilan, par exemple ?

Pour plus de confiance, une validation par un expert indé-pendant est possible.

Le formalisme proposé, s’il est correctement documenté, doit en principe suffire à éclairer le l e c t e u r e t e m p o r t e r s a confiance si les correctifs sont emprunts de réalisme. Cepen-dant, il peut arriver que les enjeux soient importants, que les partenaires financiers soient méfiants, que certaines rééva-luations apparaissent surpre-nantes. La TPE-PME peut alors faire appel à des experts spécia-lisés (immobilier, propriété in-dustrielle, RH…) pour attester de certaines valorisations, et éventuellement à un expert indépendant (comme évoqué précédemment) qui pourra valider l’ensemble du dossier.

à qui pRofite l’autonotation ?

On l’aura compris, les sugges-tions de cet article peuvent pré-senter aux yeux de certains un caractère iconoclaste, suscep-tible de bousculer des habitudes bien installées.

Certains banquiers ou assu-reurs-crédit pourraient avoir

Perception de l’impact des correctifs sur les grands équilibres et ratios

postesDéclaré 205x

ou 2033…« fiscal »

correctifs Réévalué« économique » pourcentage

bilan % du bilan

Total du bilan

Total des correctifs Actifs

Total des correctifs Passifs

Produits d’exploitation % des produits d’exploitation

Produits d’exploitation

Total des correctifs produits - charges

Résultat

Structure de bilan % du bilan

Fonds de roulement

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Présenter une image économique réaliste compensant les contraintes et biais induits par les règles comptables et fiscales

une réaction du type « touche pas à ma note »… et pourtant, chacun profitera de l’auto- notation, tant il est vrai que toutes les parties prenantes ont un intérêt objectif commun : que le business fonctionne à l’optimum.

à la tpe-pme d’abord…Le monde des TPE-PME

est certes multiple et varié. Il reste que ce type d’entreprise présente trop souvent un déficit de contrôle de ses fondamen-taux, son dirigeant ayant par-fois du mal à « sortir la tête du guidon ».

La démarche de l’autonota-tion va dans le sens d’une meil-leure maîtrise de son devenir, lui permettant de :- prendre conscience de la vision que portent sur elle ses partenaires financiers et busi-ness : anticiper la note décer-née par sa banque ou le credit manager de son fournisseur lui permet de préparer au mieux son argumentaire ;- se pencher sur ses comptes et sa stratégie : trop souvent, la clôture fiscale se fait sous pression des délais administra-tifs et dans la douleur. Et on néglige l’interprétation, le repé-rage des forces et faiblesses, et les décisions court et moyen terme qui s’imposent pour re-mettre le navire dans le bon cap ;- mesurer plus précisément l’évolution dans le temps de la structure de son compte de résultat et de son bilan : au-delà de la vision court terme, la révision annuelle des valeurs de l’entreprise et de la notation qui en résulte est un support complémentaire à la réflexion stratégique et au pilotage de la valeur ;- améliorer le dialogue avec les autres parties prenantes et par voie de conséquence, ren-forcer sa capacité de négocia-tion : la confiance est un ingré-dient majeur pour faciliter la relation avec les partenaires

financiers et économiques de la TPE-PME ;- réduire l’asymétrie banque-entreprise est un enjeu trop souvent négligé, qui doit être facilité en travaillant la transpa-rence, et en injectant dans les échanges des dimensions éco-nomiques nouvelles, dont la quantification et la justification contribueront à renforcer la confiance entre les parties.

… aux partenaires de la tpe-pme et à la communauté économique tout entière, ensuite !

Les partenaires de la TPE-PME doivent tous concilier deux objectifs antagonistes : maintenir la relation d’affaires tout en minimisant le risque du sinistre de défaut.

Stimuler la TPE-PME à prépa-rer son autonotation permet :- d’obtenir de la PME une information plus complète, plus fiable, mieux documentée : les pratiques traditionnelles du « renseignement commercial » s’appuient sur l’information fiscale, complétée le plus sou-vent laborieusement d’informa-tions obtenues de l’entreprise qui restent parcellaires et diffi-ciles à vérifier. La démarche et les formats prédéfinis proposés ci-dessus contribueront à faci-liter les investigations des par-ties prenantes au risque de contrepartie, en termes de fia-bilité mais aussi de coût (au fond, une partie des investiga-tions est « déléguée » à l’entre-prise scorée) ;- de manière indirecte, de préparer et stimuler la TPE-PME à la publication de ses comptes : l’approche de l’auto-notation est aussi une bonne manière de compenser les effets

négatifs de la dispense de publi-cation des comptes. Le chef d’entreprise ne dévoilera plus sa situation de manière passive, mais de manière volontariste après s’y être préparé. Prépara-tion lui donnant l’occasion de réfléchir en profondeur aux causes de ses déséquilibres fi-nanciers, et donc aux actions à engager pour les résorber. D’où une réduction du risque futur.

Nous proposons ici une dé-marche essentiellement desti-née aux TPE-PME. Il s’agit de leur permettre de présenter une image économique réaliste compensant les contraintes et biais induits par les règles comptables et fiscales.

Cette démarche pourrait par-faitement concerner les plus

grandes entreprises, en l’appli-quant à une autre probléma-tique : celle induite par les effets pervers des IFRS, dont on sait que les valorisations court-ter-mistes mènent parfois à des aberrations.

Ainsi pourrait-on imaginer qu’une entreprise tenue de publier ses comptes aux normes IFRS présente en com-plément un tableau de « redres-sement » dont les correctifs ramèneraient la juste valeur conforme aux règles IFRS à une « valeur juste » écono-mique ou stratégique, plus réa-liste. Démarche que nous appe-lons « rétro-IFRS », ou de « retour au bon sens ». La com-munauté financière n’en serait que mieux éclairée. l

1. Cf . l’article de Patrick Sénicourt, publié dans Les échos du 23 avril 2013 « non publication

des bilans des PME : des ravages en pagaille ! ».

2. on rencontre plus ou moins indifféremment également les termes de cotation, note, credit

scoring, rating…

3. Pour des développements plus complets, voir plusieurs articles : « PME : comprendre sa

notation bancaire, se l’approprier et gérer ses relations avec la banque », par la CCEF

(Compagnie des Conseils et Experts Financiers), Revue Fiduciaire Comptable, janvier 2011,

ainsi que deux articles de Patrick Sénicourt parus récemment dans la Revue Banque :

« notation des PME : vertus et limites » (décembre 2012) et « notation des PME : de la

sanction à la pédagogie » (janvier 2103),

4. Ces développements et les tableaux sont tirés d’un article récent : « du “bilan fiscal“ au

“bilan économique“ : vers plus de relief dans les comptes annuels », Patrick Sénicourt, Revue

Française de Comptabilité, septembre 2012.

5. « Valeur juste » : vocable néologique destiné à s’affranchir de l’image quelque peu

décrédibilisante de la « juste valeur » du fait de son usage outrancier dans le cadre des IFRS.

6. le nouveau service en ligne www.nota-pme.com permet de charger les liasses fiscales, de

générer la note fiscale et le diagnostic associé, puis d’introduire correctifs et justificatifs

générant la note et le diagnostic économiques.

7. les systèmes de notation étant le plus souvent mathématiquement « discrets » comme

l’est la cotation de la banque de France. Ainsi, une faible variation de tels ratios peut faire

passer la note de la zone défavorable 4+ à la zone favorable 3.

8. Pour reprendre un concept bien connu des experts comptables et commissaires aux comptes.

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e 18 avril dernier, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé la suppres-sion de l’obligation de publica-tion des comptes pour les TPE. Cette mesure ne concernera que les entreprises de moins de  10 salariés, réalisant un chiffre d’affaire inférieur à 700 000 euros.

une nouvelle mesuRe aux conséquences floues

Alors que les sociétés homo-logues européennes ne pos-sèdent quasiment pas d’obliga-tion de publication de comptes, cette suppression va donc non seulement simplifier les procé-dures administratives mais aussi protéger les entreprises françaises face à la concur-rence. Un avantage pour les start-up, qui pourront enfin préserver leur confidentialité.

Mais tout est-il résolu pour autant ? Depuis maintenant 30 ans, les autorités publiques ont régulièrement tenté d’allé-ger les contraintes qui pèsent – lourdement, parfois – sur les entrepreneurs. Sans véritable succès.

Parallèlement à la volonté gouvernementale de simplifica-tion, le législateur – qu’il soit, français, européen, ou mon-dial – continue de développer de façon inflationniste les lois, règles, normes et autres règle-mentations.

Face à ce phénomène, on ressent en France une cer-taine lassitude, voire une irri-tation, de la part des entrepre-neurs. Ces derniers doivent non seulement composer avec les prescriptions des législa-teurs concernant la direction de leur entreprise, la gestion du personnel, la fabrication des produits ou l’exportation, mais aussi avec les exigences des fournisseurs, des clients, des banquiers, de l’adminis-tration fiscale etc. Chacune de ces lois et règles a évidemment une raison. Il n’empêche qu’aux contraintes justifiées, s’ajoutent parfois des obliga-tions diverses (déclaratives, formelles…) très lourdes, voire pesantes.

En réalité, la complexité qui s’impose aux entrepreneurs est la conséquence d’une légis-lation parfois débridée qui alourdit les obligations des

entreprises d’année en année, tant sur le plan juridique et fiscal que normatif. Ace sujet le rapport de Claude Revel est d’une grande qualité et très utile. Il explique comment ces nombreuses normes, peuvent aussi bien avoir un impact posi-tif au regard de la concurrence internationale, qu’être un véri-table handicap pour les entre-prises françaises. La raison ? Leur utilisation : soit comme levier avec la coopération et l’implication de toutes les par-ties prenantes (pouvoirs pu-blics, entreprises…), soit comme une contrainte subie.

Qu’en sera-t-il de la mesure prévue par le Premier mi-nistre ? Aujourd’hui, cette obli-gation est respectée par 60 % des entrepreneurs. Ce qui signi-fie donc que 40 % ne la res-pectent pas. Tout ce qui simpli-fie la vie des entrepreneurs est une bonne chose. Et, dès lors que la règle n’est pas suivie par 40% d’une population, on peut légitimement penser à la re-mettre en question.

Dans le même temps, est-ce vraiment respecter la citoyen-neté économique que de ne pas jouer le jeu de la transparence ?

On peut avoir deux craintes à propos de cette mesure : • la première est que l’entrepre-neur soit amené à penser que dans l ’établissement des comptes, tous les outils de ges-tion n’ont pas grande impor-tance et ne sont pas une obliga-tion de gestion indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise. Ce risque existe dans la TPE mais parfois dans la PME.• la deuxième est que même si la mesure ne touche que les petites entreprises, l’idée que l’on peut éviter d’être transpa-rent se transmette à des socié-tés plus importantes.

Sur le plan mondial, un projet « rapport intégré » ou « integra-ted report » prévoit à l’inverse, un accroissement des informa-tions diffusées par les grandes entreprises en particulier sur le « modèle économique » et les prévisions. Irait-on vers une transparence à deux vitesses selon la taille de l’entreprise ?

les DeRnièRes innovations qui vont impacteR les pme

La mesure annoncée par le Premier ministre n’est pas une réponse unique. Elle fait partie d’un contexte général de chan-gement pour les entrepreneurs.

le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (cice)

En tête de la liste : le CICE, qui a pour objet le financement de l’amélioration de la compétiti-vité des entreprises à travers des efforts en matière d’inves-tissement, de recherche, d’in-novation, de formation, de re-crutement, de prospection de nouveaux marchés, de transi-tion écologique et énergétique

L

Mesures gouvernementales L’avenir des entreprises françaisesC’est un fait, être entrepreneur en France n’est pas chose aisée. du moins, c’est bien plus compliqué qu’ailleurs. Il semblerait que cela ait — enfin ! — été compris par le Gouvernement, qui lance une série de mesures visant à limiter les contraintes des entrepreneurs. Point sur ces innovations.

PAR WILLIaM nahuMPRéSIdEnT d’honnEuR du ConSEIl SuPéRIEuR dE l’oRdRE dES ExPERTS CoMPTAblES

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et de reconstitution de leur fonds de roulement.

Celui-ci peut être demandé par toutes les entreprises em-ployant des salariés et soumises à un régime réel d’imposition. Ce crédit d’impôt correspond à environ 4 % de la masse sala-riale hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC pour 2013 (6 % à partir de 2014).

La compétitivité des entre-prises françaises est déclinante, tout comme leurs marges. Leur redressement peut se faire de mille et une manières : cela va de la disparition du SMIC au transfert des obligations et ponctions fiscales et sociales de la sphère de l’entreprise à la sphère des individus. Sans en-trer dans un débat politique et macro-économique complexe et polémique, on peut constater que l’effort pour le CICE est chiffré en milliards d’euros ex-primant ainsi une forte volonté politique en faveur de la com-pétitivité. Pour autant, l’effica-cité du dispositif par rapport à l’objectif sera à vérifier dans la période qui vient. Certaines entreprises profiteront d’un effet d’aubaine pour restaurer leurs marges et d’autres, amé-liorant leur compétitivité, ver-ront leur carnet de commande croître et embaucheront. Affaire à suivre…

enternext de nYse euronext

Le 23 mai dernier, ouvrait la filiale de NYSE Euronext, Enter-next, marché dédié aux PME offrantaux entreprises un nou-veau moyen de financement.

Alors que celles-ci ne pou-vaient se financer qu’à l’aide de leurs capitaux propres ou des capitaux empruntés provenant d’un établissement de crédit, il leur sera maintenant possible de s’introduire sur le marché boursier afin d’être financées par des actionnaires à coûts réduits. Cette démocratisation de l’accès au financement par le marché, outre l’intérêt pour

les entreprises concernées, aura aussi un effet pédagogique global sur l’ensemble des ac-teurs économiques et, souhai-tons-le, sur les salariés. Ils pourront ainsi constater que la « finance » a aussi des effets positifs, y compris sur leurs propres emplois.

élargissement du crédit impôt recherche

Suite à la loi nouvelle loi de Finance 2013, il sera mainte-nant possible pour les PME et TPE de bénéficier d’une aide fiscale se présentant sous la forme d’un crédit d’impôt. Ce dernier est égal à 30 % des dé-penses de recherche et dévelop-pement dans la limite de 100 millions d’euros et à 5 % au-delà.

Pour les entreprises qui en bénéficient pour la première fois et pour celles qui n’en ont pas bénéficié depuis cinq ans, ce taux est de 50 % la première année et de 40 % la deuxième année. Pour les dépenses expo-sées à compter du 1er janvier 2011, les taux de 50 % et 40 % précédemment mentionnés sont portés respectivement à 40 % et 35 %.

Le nombre de déclarants a très fortement augmenté : 80 % en trois ans. En 2010, près de 18 000 entreprises ont déposé une déclarat ion. Le montant des dépenses dé-clarées par les entreprises a atteint 18,2 milliards d’euros et la créance du CIR a aug-menté de 4 % pour atteindre

5,05 milliards d’euros. à tra-vers ces chiffres, on comprend l’importance du dispositif et son utilisation substantielle pour les entreprises.

Le revers de la médaille, c’est l’apparition de la crainte d’un contrôle fiscal trop tatillon qui remettrait tout en cause. Crainte qui se vérifie souvent. Certes il est normal de redresser lorsque les textes n’ont pas été respectés mais la marge d’ap-préciations est parfois large… et les entrepreneurs redoutent une remise en cause même lorsqu’ils ont bien appliqué les consignes.

Cette crainte « à priori » ne devrait pas exister pour l’appli-cation du CICE puisque le mi-nistre du budget, Bernard Cazeneuve, a clairement dé-claré qu’il n’y aura absolument pas de consigne de contrôle spécifique CICE. Pour une en-treprise normalement contrô-lée, l’aspect CICE sera un volet comme un autre : si les calculs seront contrôlés (ce qui est tout à fait normal !) la destination des fonds ne le sera pas !

Ainsi, après une séquence de signes peu encourageants pour les entrepreneurs qui a duré un an, on sent, depuis peu, poindre une volonté croissante de l’au-torité publique en faveur de l’entreprise française et de son développement pour mieux garantir l’emploi. L’entreprise n’a pas nécessairement besoin qu’on l’aime mais au moins qu’on la comprenne ! l

On sent poindre une volonté croissante de l’autorité publique en faveur de l’entreprise française

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EXPERTISES

égulièrement, le thème de la gestion sans budget dans les entreprises euro-péennes de taille significative revient au devant de l’actualité et des débats. Cet article n’a pas pour objectif de démontrer une vérité, ou même de prouver un concept, mais plutôt de livrer un certain nombre de pistes de réflexions et d’améliorations, à

partir d’un exemple pratique et concret.

Schneider Electric s’est en-gagé dans un projet de refonte de sa mesure de performance financière au début de l’année 2002, suite à une volonté de la direction générale de mieux mettre l’organisation sous ten-sion dans une période de réo-rientation stratégique et de

forte croissance. Une des consé-quences de ce projet a consisté à réinventer le processus bud-gétaire selon un nouveau mo-dèle. Bien plus efficace, ce der-nier est toujours utilisé par Schneider Electric, près de dix ans plus tard.

DéfiniR les enjeux Du nouveau moDèle

Mettre en place ce nouveau modèle a demandé un change-ment certes significatif, mais dont le résultat est bien plus adapté à la culture, au business et aux besoins de l’entreprise que sa forme précédente.

Dans le processus de réorga-nisation, le premier travail a été de définir, pour nous et pour le management, à quoi servait précisément le budget. Et de rapidement rassurer les colla-borateurs en montrant que les besoins seraient toujours satis-faits, mais simplement d’une façon différente !

Un budget sert en général à répondre à sept processus de gestion différents :- définir un objectif ;- établir une première prévision opérationnelle et donner le cadre aux re-prévisions en cours de période ;- permettre une planification des moyens financiers ;- permettre un alignement des plans d’actions ;- allouer les ressources ;- contrôler les opérations, par le biais de la variance par rap-port au budget ;- rémunérer la performance.

R

Gestion sans budget témoignage pratique chez Schneider Electricoser reconnaître que son processus budgétaire n’est pas totalement effi-cace, oser une refonte complète de son modèle, voilà ce que Schneider Electric a entrepris en 2002. Plus de 10 ans plus tard, un bilan de ce nouveau cadre de gestion, par Jean-Michel Segui.

PAR JEan-MIchEL SEguIMESuRE dE PERFoRMAnCE ET SySTèMES d’InFoRMATIon FInAnCES, SChnEIdER ElECTRIC

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PERFoRMancE

Le point clé de notre réflexion a été de réaliser qu’en voulant traiter en même temps et de façon égale l’ensemble des su-jets mentionnés ci-dessus, le processus budgétaire devenait compliqué et peu efficace. D’où la conclusion qu’il fallait abso-lument spécialiser les processus aux objectifs. De plus, une des grandes critiques faite au bud-get concerne son caractère in-tangible, le rendant inopérant en cas de changements signifi-catifs en cours de période. Il fallait impérativement que le nouveau modèle soit plus agile, face à un contexte économique en rapide évolution. Enfin, comme le budget est une me-sure de la performance tournée vers l’interne, inutilisable avec le monde extérieur, l’un des enjeux cruciaux du projet consistait à unifier les visions internes et externes de la me-sure de performance, l’expres-sion des objectifs se basant dé-sormais exclusivement sur la période précédente.

spécialiseR les pRocessus

Chez Schneider, le cadre de gestion est maintenant orga-nisé autour de 4 grands proces-sus dédiés : la fixation des ob-jectifs, la prévision à horizon variable, la revue de perfor-mance et l’allocation des res-sources et le retraitement de l’historique.

la fixation des objectifsPour simplifier, on pourrait

dire que, dans une logique bud-gétaire, la règle est : « dis-moi quel budget tu veux et je te dirai si je suis d’accord » ! Notre déci-sion, chez Schneider-Electric, a été de replacer la responsabilité de l’élaboration de l’objectif là où elle doit être, à savoir chez le manager. Le processus de fixa-tion des objectifs est donc un processus descendant (top-down), où chaque manager a la responsabilité de fixer les objec-tifs financiers de ses équipes.

Le nombre d’indicateurs finan-ciers sur lesquels un objectif est défini est limité (au moins au niveau groupe) à quatre, et il n’y a pas de processus itératif organisé. ces quatre para-mètres sont : - La croissance du chiffre d’af-faire par rapport à l’année pré-cédente en % ;- La croissance de la marge opérationnelle consolidée par rapport à l’année précé-dente en % ;- L’évolution des SG&A par rap-port à l’année précédente en % ;- Le ratio de génération de cash

(free cash flow contributif ra-mené à L’EBITA).

Les objectifs sont initiés par la direction du contrôle de gestion du groupe qui envoie, mi-jan-vier, les quatre buts à atteindre à chacune des directions. Charge à ces dernières de décli-ner ces objectifs dans leur péri-mètre respectif, et ce jusqu’au plus bas niveau de l’organisa-tion. Pour y parvenir, la direc-tion du contrôle de gestion groupe élabore les objectifs de chaque grande direction à par-tir de l’ambition du groupe, des priorités stratégiques et de sa

connaissance des contraintes et potentiels de chaque contri-buteur. Pour cela, outre la vo-lonté de la direction générale, elle dispose du cadre du plan d’entreprise, élaboré sur trois ans et quantifiant les ambitions stratégiques moyen terme de l’entreprise.

la prévision à horizon variable

Tous les trimestres, l’en-semble des entités du groupe fait remonter dans le système de reporting groupe une prévi-sion des « x » trimestres à venir. L’horizon de cette prévision dépend de la période à laquelle elle est faite :- fin mars, prévision des 2e, 3eet 4e trimestres de l’année en cours (3T) ;- fin juin, prévision des 3e et 4e trimestres (2T) ;- fin septembre, prévision du 4e trimestre de l’année en cours et des 4 trimestres de l’année suivante (5T) ;- fin janvier, prévision des 4 tri-mestres de l’année (4T).

La prévision porte sur les principaux indicateurs du P&L, incluant bien entendu ceux sur lesquels les objectifs sont défi-nis, ainsi que sur les éléments du cash flow.

Cette prévision est comparée à l’année précédente et mise en regard de l’objectif pour permettre d’apprécier l’écart par rapport à ce dernier. La règle fixée veut que la prévi-sion soit le reflet de l’engage-ment qu’une organisation donnée est capable de prendre à un moment donné sur son point d’atterrissage et sur sa manière d’y arriver, compte tenu de ses contraintes et de l’ensemble des actions qu’elle sait devoir mettre en œuvre. La prévision sert à apprécier le chemin restant à parcourir, le niveau de risque vis-à-vis de l’atteinte de l’objectif et la nécessité de se mettre d’ac-cord sur des plans d’actions correcteurs.

Processus de gestion et d’analyse de la performance chez Schneider Electric

● vision

● stratégie

● programme d’entreprise

phase stratégique

phase d’action

1 - approche tableau de bord● fixation des objectifs (du haut vers le bas)

● plan d’actions● définition des indicateurs

● plan d’actions complémentaires

2 - phase de prévision (glissante du bas vers le haut)

3 - revue de gestion trimestrielle

amélioration continue

objectifs atteints ?

NON

OUI

prévoir, faire, vérifier, agir

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la revue de performance trimestrielle

Chaque trimestre, après la consolidation des résultats réels et de la prévision, une revue de performance est for-mellement organisée entre les niveaux N et N-1 de manage-ment, à tous les étages de l’organisation. Cette revue s’organise autour du pro-gramme type suivant :- Environnement business, concurrence et principales évo-lutions intervenues sur les marchés pendant le trimestre écoulé ;- Statut des plans d’actions opé-rationnels en cours, arbitrages et alignement sur les actions correctrices nécessaires (ac-tions commerciales, offre, mar-keting) ;- Satisfaction client, niveau de service, qualité (un volet com-plet sur les indicateurs de pro-duction et de logistique lorsque l’entité est une usine ou un centre de distribution) ;- Revue financière : réel à date, prévision, écart par rapport aux objectifs, analyse des dé-viations, impact des plans d’actions correctifs ;- Volet ressources humaines.

La revue de performance est le moment clé du processus de gestion de la performance, puisque c’est là que l’organisa-tion décide des inflexions court terme à donner au business

pour sécuriser l’atteinte, ou le dépassement, des objectifs. Il s’agit d’une revue tournée sur les plans d’actions, très opéra-tionnelle, permettant aux équipes de repartir avec des décisions, des directions et sou-vent, bien sûr, des actions com-plémentaires. Tout ceci pour influencer le résultat du tri-mestre à venir et modifier, in fine, la prévision suivante, de manière à ce qu’elle se rap-proche de l’objectif fixé.

le retraitement de la période précédente

L’abandon du budget en tant que référence de la mesure de performance et la généralisa-tion de la comparaison à la période précédente ont pour conséquence la nécessité d’as-surer la comparabilité de pé-riode à période. En effet, utiliser les chiffres publiés comme réfé-rence peut s’avérer compliqué si des évolutions significatives ont lieu d’une année sur l’autre : acquisitions, cessions, changements d’organisation, nouveau découpage des lignes de produits, changements de plan de comptes, etc.

Une des qualités de Schnei-der-Electric est sa très grande mobilité de l’organisation, qui lui permet de toujours s’adap-ter au mieux aux évolutions du marché et de la stratégie court et moyen terme. Nous avons

donc développé un processus annuel de retraitement de l’his-torique piloté par la direction du contrôle de gestion. Bien entendu, ce retraitement se fait à somme nulle, sauf impact des acquisitions/cessions. Le béné-fice est une analyse de perfor-mance simplifiée pendant l’année, car nul n’est besoin de systématiquement expliquer les écarts de périmètres ou de conventions.

un bilan Dix ans plus taRD

Nous venons de résumer le cadre de gestion utilisé chez Schneider-Electric depuis maintenant une dizaine d’an-nées. Est-il idéal ? Il est illusoire de penser qu’il y a un modèle « parfait » valable pour toute entreprise de taille mondiale comme Schneider-Electric. Il faut faire preuve de beaucoup d’humilité. Trouver cette solu-tion n’a pas été immédiat, nous avons dû tâtonner pour la trou-ver… et nous tâtonnons encore, car elle reste imparfaite !

Malgré tout, le modèle fonc-tionne, il n’a pas été remis en cause depuis 10 ans et il a montré sa pertinence lors des crises successives que nous vi-vons depuis 2008. Pourquoi ? Nous avons identifié 5 apports de valeur ajoutée de ce cadre de gestion :- La vitesse : un temps de

réaction réduit face aux aléas du marché ;- L’ambition : des objectifs am-bitieux pour « battre la concur-rence » plutôt que négociés pour sécuriser leur atteinte ;- La tension : une organisation mise en position de relatif in-confort, favorisant la prise de risque ;- L’agilité : un processus de fixa-tion d’objectif rapide (6 se-maines), permettant, si néces-saire, un ajustement en cours de période pour rester en phase avec la réalité de l’environne-ment ;- La productivité : des équipes de management centrées sur l’action.

En conclusion, on peut dire que Schneider-Electric a mis en œuvre un cadre de gestion ori-ginal, adapté à sa culture et à son type de business, lui ayant permis de réagir rapidement et avec pertinence aux évolutions violentes du marché de ces der-nières années. Ce cadre de ges-tion est exigeant et demande une bonne maturité des équipes de direction et de la fonction -contrôle de gestion. Le facteur de succès de ce modèle est l’en-gagement de la direction géné-rale, qui a su l’expliquer et le supporter, tout en acceptant le fait qu’il reste en perpétuelle évolution, afin de ne pas être dévoyé. l

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près s’être imposé en tant que moyen de commu-nicat ion pour p lus ieur s milliards de personnes, le téléphone mobile s’invite dé-sormais dans l’économie en tant que moyen de paiement. Encore à ses balbutiements dans les pays occidentaux, le « M-paiement » s’avère être un outil fortement utilisé par les populations des pays émer-gents, au taux de bancarisa-tion encore très faible. Dans le monde, le nombre d’utilisa-teurs de téléphones mobiles rivalise avec le nombre de détenteurs de cartes ban-caires : avec un tel taux d’équi-pement, on imagine le poten-tiel du M-paiement, déjà en forte croissance.

Quels sont ses impacts dans le tissu économique des pays émergents et quelle est sa va-leur ajoutée ? Ce mode de

paiement s’inscrit-il dans une tendance générale pour un accès à des produits financiers adaptés à tous ? Comment le paiement mobile peut-il être adapté à d’autres secteurs ?

une souRce D’inclusion Dans l’économie foRmelle

Aujourd’hui identifiés comme source de développement et d’inclusion financière dans les pays émergents, les modes de paiement par téléphone mobile n’auraient jamais figuré dans les théories économiques d’il y a quelques années. Pourtant, les nouvelles technologies sont en passe de s’insérer dans le quotidien de millions de foyers des pays du Sud, favorisant la rationalisation des flux finan-ciers et la création de valeur sociale et économique. Ce type de service répond à une réelle

demande face à la faible acces-sibilité (géographique et cultu-relle) des services financiers pour les populations rurales des pays émergents.

L’Afrique par exemple, de-meure le continent à la popu-lation la plus faiblement ban-carisée (seulement 20 % environ), avec en moyenne une agence bancaire pour mille habitants. Ce constat n’em-pêche pas l’existence de flux financiers entre particuliers, entreprises et activités mar-chandes de tout type. L’essor du microcrédit est le témoin de cet attrait pour l’investissement, du dynamisme économique et de l’effervescence de l’entrepre-nariat. La mutation des modes de communication en est aussi la preuve : au Kenya par exemple, en l’espace de 10 ans, 80 % de la population s’est équipée en téléphone mobile,

dépassant de loin le taux d’équipement en téléphone fixe, pourtant introduit sur le marché il y a plus d’un siècle.

Mieux : en l’espace de 5 ans, le téléphone mobile est devenu le moyen de paiement qui a le plus de sens pour les popula-tions africaines. En s’intégrant dans les habitudes de consom-mation, le porte-monnaie élec-tronique fait désormais partie du quotidien de millions d’afri-cains. Et les opérateurs télépho-niques ne s’y sont pas trompés.

m-pesa : le poRte-monnaie électRonique à poRtée De tous

Lancée en 2007 par l’opéra-teur Safaricom (détenu à hau-teur de 40 % par le géant Vo-d a f o n e ) , l a s o l u t i o n d e paiement par téléphone mo-bile « M-PESA » compte désor-mais plus de 14 millions d’uti-l isateurs uniquement au Kenya, ou le M-paiement re-présentait en 2011, 30 % des transactions financières du pays (14 milliards de dollars transités via ce canal : + 60 % par rapport à 2010 !, selon agenceecofin.com).

M-PESA (« M » pour « mo-bile » et « PESA » pour « mon-naie » en swahili, langue offi-cielle au Kenya) repose sur un concept relativement simple : la création d’un compte s’effectue gratuitement sur simple pré-sentation d’une pièce d’identité, auprès de l’un des 12 000 agents présents dans tout le pays. Une fois le compte créé, l’utilisateur peut utiliser son porte-monnaie électronique pour envoyer et recevoir de l’argent, et ce simplement par SMS. Il a également la possibi-lité de retirer cet argent auprès de guichets et distributeurs

A

Le M-paiement dans les pays émergents : une révolution mobileAlors que le taux de bancarisation dans les pays émergents est encore faible, le moyen de paiement qui y est en plein essor est le M-paiement, via un téléphone mobile. Paradoxal ? Pas vraiment : une grande partie de la population est équipée, et les grands opérateurs proposent des solu-tions astucieuses, qui respectent l’économie locale.

PAR thIbauLt LESuRConSulTAnT MoyEnS dE PAIEMEnT ColoMbuS ConSulTInG

Le M-paiement offre des opportunités de développement au tissu économique local

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PERFoRMancE

sur présentation de son télé-phone et de son numéro de compte M-PESA.

En échange de ce service de dépôt et de paiement quasi ins-tantané (30 secondes de délai environ), pour chaque transac-tion, Safaricom facture le coût d’un SMS pour la transaction de base, plus une commission croissante selon le montant transféré.

M-PESA au Kenya et en Inde, OrangeMoney et Airtel en Afrique de l’Ouest, Digicel et Voilà en Haïti, Globe Telecom aux Philippines : l’ensemble des opérateurs des pays émergents accueillent avec engouement ce nouveau mode de transac-tion aussi sécurisé que rapide, ouvrant à l’économie des pers-pectives sans précédent. En 2010, plus de 90 offres de M-paiement étaient lancées par les opérateurs, dont plus de la moitié sur la zone africaine (source GSMA).

Au delà de proposer un moyen de paiement sécurisé et présen-tant un coût adapté au budget des classes moyennes et émer-gentes, plusieurs secteurs d’ac-tivité s’interrogent : comment l’appliquer à leur propre mé-tier ? L’objectif est non seule-ment d’atteindre une part im-portante des foyers populaires mais aussi de présenter des op-portunités de développement au tissu économique local.

Le paiement de factures d’eau ou d’électricité par exemple, jusqu’alors contraignant et nécessitant parfois un long déplacement pour se rendre au guichet le plus proche, devient désormais facile par un simple transfert d’argent par SMS. Les taxis voient en ce mode de paie-ment un moyen de limiter leur possession d’argent liquide, diminuant le risque de bra-quages ou d’agressions. Les petits commerçants y trouvent également l’opportunité de ré-pertorier leurs transactions et donc de piloter leur comptabi-lité grâce aux services proposés

par les opérateurs en complé-ment du moyen de paiement (service proposé par exempla par Orange Money en Afrique de l’Ouest).

Plus récemment, les agences de transfert de fond de particu-lier à particulier se sont égale-ment positionnées : le géant mondial Western Union (plus de 33000 distributeurs sur plus de 200 pays) a signé un partenariat avec quatre des lea-ders mondiaux du paiement mobile (M-PESA, Maxis, Globe-Cash et SmartMoney), afin d’offrir à leurs client l’envoi d’argent directement sur le compte mobile de leurs proches à l’autre bout du monde. Une fois de plus, c’est la rapidité et la sécurisation du transfert qui crée la valeur ajoutée et qui séduit les utilisateurs.

assuRance, téléphone mobile et panneaux satellite

Ce nouveau mode de paiement a aussi pour vocation d’ouvrir l’accès aux services financiers pour une part importante de la population jusqu’alors exclue du circuit économique formel. L’assurance en est un probant exemple.

Le programme « Kilimo Sa-lama » (« Agriculture sans risque » en Swahili), proposé par UAP Insurance, protège les agriculteurs kenyans contre les pertes d’exploitation liées aux risques climatiques (sècheresse, inondations). Ces événements sont mesurés à l’aide de pan-neaux photovoltaïques placés sur l’ensemble des zones agri-coles du pays. Des indices plu-viométriques, définis à l’avance, jugent de l’occurrence d’une perte d’exploitation pour l’agri-culteur selon sa zone et son type de culture (maïs, coton…), et donc du paiement du sinistre par l’assureur.

Le procédé est simple : après le paiement d’une cotisation lors de l’achat d’intrants (qui correspond à la souscription),

l’assureur informe l’assuré par SMS du niveau de pluviométrie en fin de période. En cas de dé-passement de l’indice prédéfini, l’assuré reçoit automatique-ment un capital sur son compte M-PESA, par SMS.

Ce business model, innovant et inclusif, diminue considérable-ment les risques de fraudes, réduit les coûts de gestion des déclarations et règlement de sinistres (pas d’intervention d’experts, pas de pièces justifi-catives à fournir), simplifie les procédures et garantit une ra-pidité de paiement des assurés (contournant les obstacles d’absence de boîte aux lettres ou de voies d’accès pour les zones reculées).

UAP Insurance propose ainsi aux populations non bancari-sées une assurance agricole qui constitue parfois leur seul moyen officiel de protection face aux risques climatiques. Malgré la présence d’obstacles environnementaux permettant l’essor optimal de ce type d’as-surance (absence de cadastre pour localiser précisément les zones assurées, difficulté de quantification des indices plu-viométriques selon les types d’exploitations, fort cout d’in-frastructure lié au prix élevé des panneaux photovoltaïques) le système de paiement des as-surés par téléphone mobile s’avère le plus adapté et fait sens pour les exploitants agri-coles notamment dans les zones reculées.

Plusieurs assureurs s’inté-ressent également à ce mode de paiement, comme Hollard In-surance (en partenariat avec

l’opérateur téléphonique MTN au Ghana), qui tente d’inclure l’ensemble de la population à des services d’assurance vie grâce à un procédé similaire.

Le paiement par téléphone mobile constitue une mine d’opportunités pour des inves-tisseurs innovants. Grâce aux outils technologiques, l’ab-sence de compte en banque ne constitue plus un frein à l’accès aux services financiers. Plu-sieurs obstacles restent néan-moins présents pour parler d’un système clairement adapté à l’ensemble des de-mandes et contraintes du mar-ché (risques de saturation des réseaux, portabilité limitée des solutions de M-paiement inter-nationales et inter-opérateurs, gestion multi-langue, faible taux d’alphabétisation des uti-lisateurs, lutte anti-blanchi-ment, etc).

Phénomène relativement jeune et perfectible, le paiement mobile, par ses perspectives et ses premiers résultats, nous mène néanmoins à revoir nos modèles de développement, à reconsidérer nos idées reçues sur les modes de distribution des services financiers (y com-pris dans les pays du Nord) et surtout, à nous montrer té-moins d’une mutation des modes de consommation dans les pays émergents. La multipli-cation des offres et l’arrivée de nouveaux acteurs sur ce mar-ché en sont la preuve, tout comme la diversification des services adossés à ce modèle et le positionnement favorable des instances de régulation finan-cières des pays concernés. l

Le site de l’Association européenne Payez mobile http://www.aepm.com/

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EXPERTISES

CONTRE LES MINES ET LES BASM

JOURNÉE DE MOBILISATION

28 SEpTEMBRE 2013 DANS UNE TRENTAINE DE vILLES EN FRANcE pyramide-de-chaussures.fr

pas d’accès aux soins, aux champs, à l’école... Les mines et les bombes à sous-munitions continuent de paralyser la vie des communautés.

Projet financé par l’UE

EXPERTISES

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Opération Phénix Des littéraires dans l’entrepriseEntretien depuis maintenant sept ans, l’opération Phénix s’attache à offrir de nouvelles perspectives professionnelles aux jeunes issus de filières universitaires. l’association a déjà offert à 160 jeunes diplômés la chance d’entrer dans une entreprise partenaire. bernard deforge, coordi-nateur de l’opération, est intimement persuadé que les littéraires ont, plus que jamais, leur place dans l’entreprise. PRoPoS RECuEIllIS PAR LauREnt achaRIan

160 diplômés de master 2 en lettres et sciences humaines ont été engagés par les entre-prises partenaires1 : comme auditeur ou consultant chez PwC, comme chef de marché chez Danone, comme respon-sable commercial chez L’Oréal ou encore comme chef de pro-duits chez AXA. Ces jeunes sont recrutés à des postes d’or-dinaire dévolus à des diplômés de grandes écoles.

Qu’apportent ces profils à vos équipes ? Tout d’abord, il ne s’agit pas d’opposer ces recrues avec celles des grandes écoles. Ces profils sont au contraire très complémentaires. Un diplômé de Master 2 en philosophie ou en histoire, par exemple, a dé-veloppé des qualités d’analyse, de recherche, d’écriture et bien sûr un esprit critique particu-lièrement développées. Ces atouts ont plus que jamais leur place dans l’entreprise d’au-jourd’hui. Les entreprises par-tenaires le constatent : c’est en mixant les profils au sein de leurs équipes qu’elles par-viennent à obtenir les réponses les plus innovantes à leurs en-jeux. Cela paraît banal de le dire mais il faut savoir qu’en associant au sein d’une équipe un diplômé d’école de com-merce, un ingénieur et un ar-chéologue, par exemple, les solutions trouvées seront forcé-ment différentes et plus riches que si vous vous passez de l’archéologue.

inance & gestion : Le septième forum Phénix s’est tenu mi-avril à la cité uni-versitaire de Paris. De quoi s’agit-il ?bERnaRD DEFoRgE : Phénix est une opération initiée par PwC et son président Serge

Villepelet en 2007. Le principe est simple : rapprocher les « littéraires », qui, à la sortie de l’université, ne trouvent pas forcément de postes créés en fonction de leurs études, des  entreprises. Depuis le lancement de l’opération,

PAR bERnaRD DEFoRgEASSoCIé PwC, CooRdInATEuR dE l’oPéRATIon PhénIx

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oRganISatIon

Pourtant l’archéologie est loin de l’audit…Ces disciplines sont bien moins éloignées qu’on ne le pense ! Un chantier d’archéologie est une véritable enquête de terrain, qui respecte des méthodologies pré-cises et rigoureuses. Je pourrais vous dire des choses assez sem-blables pour la recherche en

langues anciennes, en art ou en littérature. Avoir appris à travailler avec rigueur et créa-tivité dans un monde de plus en plus complexe est une vertu recherchée. Il faut aussi souli-gner l’importance du question-nement : ces diplômés inter-rogent systématiquement les métiers, les solutions proposées.

Ils sont une source de remise en question et d’interrogation per-manente. C’est exactement ce dont ont besoin les entreprises en temps de crise !

Le forum a-t-il bien fonctionné cette année ?Absolument. Les entreprises partenaires présentes ont été

très agréablement surprises par le nombre d’étudiants – près de 1000 ! – mais aussi par la qua-lité de leurs questions. Depuis l’an passé, l’opération Phénix est ouverte à tous les diplômés en Master 2 recherche Lettres et sciences humaines de France, alors qu’elle était aupa-ravant réservée aux diplômés

« J’ai le souci constant de mettre à profit les compétences que j’ai développées durant mes études littéraires »Thibault Saguez est auditeur et manager chez PwC. Issu de la première promotion Phénix, il nous explique ce que lui apportent ses études littéraires au quotidien. Après 5 années en tant qu’auditeur, je suis devenu manager chez PwC. J’ai exactement les mêmes responsabilités que les collaborateurs du même grade que moi. En apparence, rien ne nous distingue : je porte le costume, gère de manière autonome mon portefeuille de clients, je m’investis dans des projets in-ternes et le développement commercial du cabinet. Pourtant, j’ai une particularité que je ne partage avec aucun de mes col-lègues : ma formation. Alors qu’ils ont suivi des études supé-rieures majoritairement en école de commerce ou d’ingénieurs, à l’université mais dans une filière économique et financière, parfois même dédiée à l’audit, j’ai essentiellement suivi des études littéraires. Je suis notamment titulaire d’un master II (bac +5) en histoire contemporaine à Paris IV Sorbonne. Ma formation, certes atypique, m’est pourtant très utile dans mon quotidien d’auditeur et dans mon rôle de manager. lors de mon entrée chez PwC en janvier 2008, je me suis d’abord donné les moyens techniques d’être un auditeur junior compétent sur lesquel mes supérieurs pouvaient s’appuyer. J’ai redoublé d’ef-forts les premiers mois pour répondre aux attentes des mana-gers comme de mes clients et aussi pour me former de manière continue et progressive aux normes d’audit, aux principes comp-tables français et internationaux, aux divers concepts finan-ciers... Parallèlement, alors que j’avais pourtant une bonne connaissance du monde de l’entreprise et de l’actualité écono-mique, j’ai veillé à me forger une solide culture économique et à faire appel à mon sens de l’observation lors de mes pre-miers pas au sein du cabinet. les précieux enseignements

gardés de mes cours en sociologie des organisations m’ont bien aidé en cela. une fois les bases de mon métier acquises, j’ai éprouvé le besoin de me démarquer, de chercher à apporter « quelque chose de différent ». depuis mon séjour d’un an en Grande-bretagne, quelques années plus tôt dans le cadre du programme Erasmus, je suis convaincu de la richesse pour toute organisation hu-maine, et notamment l’entreprise, d’associer des profils, des « façons de penser » différents et de faire fructifier leur com-plémentarité. Il ne s’agissait surtout pas pour moi d’entrer dans un moule, et ce malgré l’environnement très réglementé de ma profession. Il m’est difficile, voire impossible, de distinguer les qualités qui relèvent de ma propre personnalité de celles que j’ai dévelop-pées au cours de mon parcours universitaire. Cependant, j’ai le souci constant de mettre à profit les compétences que j’ai déve-loppées durant mes études littéraires, tant en termes de savoir faire que de savoir être. Je me suis notamment aperçu que la mécanique huilée et précise que constitue la dissertation m’a permis d’exprimer, à l’oral comme à l’écrit, une pensée structurée et argumentée. or, il faut avoir les idées claires pour comprendre, prendre des décisions et enfin convaincre dans des délais tou-jours plus réduits ! Je m’efforce aussi de développer une relation intuitu personae avec les interlocuteurs clefs de mes clients, comme avec les collaborateurs dont j’ai la responsabilité sur mes dossiers, en faisant preuve d’ouverture d’esprit et de diplomatie. En restant à l’écoute de leurs besoins, des difficultés qu’ils peuvent rencontrer, j’instaure une relation de confiance et, pour mes clients, j’essaie de dépasser les attentes habituelles que l’on peut avoir d’un auditeur externe.

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À… thIbauLt SaguEz

AudITEuR ET MAnAGER ChEz PwC

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Il est urgent de construire des ponts entre deux mondes : celui de l’université et celui de l’entreprise.

d’universités d’Île de France. Nous sommes ravis de consta-ter que des étudiants soient venus de Tours, d’Aix en Pro-vence ou encore de Limoges pour s’informer. L’université de Clermont-Ferrand avait même affrété un mini bus pour ses étudiants. Voila des signaux extrêmement positifs !

Quelle est la procédure à suivre pour intégrer l’opéra-tion ? Ces étudiants ont jusqu’au 12 mai pour candidater sur le site de l’opération Phénix (www.operationphenix.fr). Ils peuvent le faire auprès de trois entreprises partenaires. à par-tir de la mi-mai débute un pro-cessus classique de recrute-ment (entretiens, tests). Mi-juillet, les candidats (près de 350 chaque année) savent s’ils sont choisis ou non. Fin sep-tembre, ils commencent alors le master « métiers de l’entre-prise » à Paris Sorbonne. Cette formation de 357 heures est un apprentissage en alternance qui leur permet de se familiari-ser aux métiers de l’entreprise simultanément avec leur inser-tion dans la vie professionnelle. Dès le mois de mai, ces jeunes rejoignent définitivement l’en-treprise. Je me permets d’insis-ter sur un point : les recrues sont rémunérées sur les mêmes grilles que celles des écoles et ce, dès le début de leur forma-tion en alternance.

comment comptez-vous déve-lopper l’opération Phénix ? Avant de parler de développe-ment, il faut se pencher sur le contexte économique. Il a évi-demment des répercussions sur le nombre de recrutements. Les entreprises embauchent moins en ce moment, et cela dépasse largement le cadre de notre opération. Certaines sociétés que nous avons démarchées nous ont dit qu’elles étaient présentes sur les forums d’écoles en sachant qu’elles ne

feraient aucun recrutement. Elles n’y vont que pour leur image ! Nous avons veillé à ce qu’une telle situation n’advienne pas dans le cadre de notre opéra-tion : toutes les entreprises pré-sentes au forum l’étaient pour recruter.Le développement de l’opéra-tion Phénix passe certainement aujourd’hui par les régions. L’université de Strasbourg a organisé son premier forum cette année. C’est un premier pas. Nous espérons que ce type d’opérations se multipliera dans les années qui viennent.

L’opération Phénix a-t-elle des objectifs quantitatifs ? Nous aimerions évidemment pouvoir recruter plus de monde grâce à cette opération. Mais nous avons toujours eu une grande exigence dans nos re-crutements. C’est d’ailleurs pour cela que l’opération per-dure. Les jeunes que nous re-crutons ont exactement les mêmes trajectoires que ceux des grandes écoles. C’est pour nous une grande satisfaction. Pour le reste, nous considérons que l’opération Phénix est avant tout un laboratoire qui a permis de changer les mentali-tés dans notre pays en rappro-chant deux mondes qui se sont trop longtemps ignorés : celui de l’université et celui de l’en-treprise.Avec Phénix, nous avons en-gagé une véritable révolution culturelle ! Nous commençons à modifier la perception des départements de ressources humaines sur ces profils jugés

jusqu’alors, au mieux aty-piques, au pire exotiques. Mais attention, ne nous trompons pas d’objectif : l’opération n’est qu’un pont entre les universités et les entreprises, il est urgent d’en construire d’autres et les universités doivent impérative-ment jouer un rôle moteur dans l’insertion de ces jeunes.

Pensez-vous qu’un jour, un diplômé de lettres aura autant de chances d’être reçu par un DRh qu’un diplômé d’école de commerce ?Je vais vous raconter une anec-dote. Avant de lancer l’opéra-tion Phénix, j’ai demandé à l’un de mes collaborateurs de se rendre en Angleterre pour comprendre comment PwC arrivait localement à utiliser ces profils. Il a été reçu par le DRH qui n’a pas du tout com-pris le sens de notre démarche. En effet, il recrute chaque an-nées 50 % de diplômés qui n’ont pas vu un chiffre au cours de leurs années d’univer-sité. Lui-même étant d’ailleurs diplômé de géographie. Il est temps aujourd’hui de mettre fin à une exception fran-çaise en cessant de considérer que, parce que l’on a fait des études de lettres, on ne peut que devenir professeur de fran-çais. D’autres pays savent très bien utiliser ces talents, pour-quoi pas nous ? l

1. AXA, Bred, Coca-Cola Enterprises, Danone, Eiffage, Helpline, HSBC, L’Oréal, Marine Nationale, PwC, Renault

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n ces temps de crise où les déficits budgétaires de nombreux pays, notamment en Europe, atteignent des ni-veaux prohibitifs et contrai-gnent leur gouvernement à adopter des mesures plus ou moins drastiques pour desser-rer cet étau financier, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, qui privent les états de ressources significatives1, appa-raît comme un puissant levier pour faire rentrer l’argent dans les caisses. Il s’agit donc d’un enjeu majeur à la fois sur les plans politique, économique et financier, dont se sont saisis non seulement le Gouverne-ment français et les instances européennes (Conseil et Com-mission), mais aussi l’OCDE, le G20 et le G8.

La presse a récemment relayé les communiqués correspon-dants en axant ses commen-taires sur les paradis fiscaux et les échanges d’informations. Mais au-delà des effets d’an-nonce et des discours à conno-tation très politique sur le su-j e t , l a m u l t i p l i c i t é d e s intervenants tentant de faire avancer cette croisade des temps modernes rend difficile-

ment l is ible les mesures concrètes prises et/ou envisa-gées en la matière, et donc a fortiori leurs éventuelles consé-quences pour les entreprises. D’où l’utilité de savoir qui fait exactement quoi dans tous ces processus parallèles, et sur quoi risquent-ils de déboucher concrètement pour les acteurs économiques. Beaucoup de bruit pour rien ? Ou faut-il vraiment s’en inquiéter ?

les mesuRes pRépaRées paR le GouveRnement fRançais

Lors du Conseil des ministres du 10 avril 2013, le Gouver-nement a annoncé qu’il comp-tait prendre des mesures dans le cadre de deux projets de loi à venir :- créer un parquet spécialisé, ayant une compétence natio-nale sur les affaires de grande corruption et de grande fraude fiscale, et établir un office cen-tral de lutte contre la fraude et la corruption au sein de la di-rection centrale de la police judiciaire ;- renforcer les sanctions pénales en matière de fraude

fiscale pour les infractions les plus lourdes ;- obliger les banques françaises à rendre publique chaque an-née la liste de toutes leurs fi-liales, partout dans le monde et pays par pays, avec des rensei-gnements sur la nature de leur activité, leur chiffre d’affaires, leur résultat…- réviser chaque année de la liste des paradis fiscaux fixée par le Gouvernement, non plus seulement en fonction de la si-gnature d’accords d’échanges d’informations, mais aussi se-lon l’application et la mise en œuvre effectives de tels accords.

Cette volonté affichée s’est déjà traduite par un projet de loi dit de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière, présenté par le Pre-mier ministre en personne au cours du Conseil des ministres du 24 avril 2013, et déposé le même jour devant l’Assemblée nationale. En dehors de me-sures techniques que nous ne développerons pas ici, ce projet de loi prévoit pour l’essentiel :• d’instituer une circonstance aggravante pour les fraudes les plus graves : celles commises en

bande organisée, ou reposant notamment sur le recours à des comptes bancaires ou des enti-tés détenues à l’étranger, telles que les fiducies ou trusts. Dans de tels cas, les peines encourues seraient portées à sept ans d’emprisonnement et deux mil-lions d’euros d’amende ; par ailleurs, le recours à des tech-niques d’enquête dites « spé-ciales » (surveillance, infiltra-tion ou garde à vue de quatre jours) serait autorisé ;• d’aligner les peines prévues pour les personnes morales sur celles applicables aux per-sonnes physiques (en cas de blanchiment, il serait par exemple possible de condamner les personnes morales à la peine complémentaire de la confiscation de leur entier pa-trimoine) ;• de renforcer les capacités de contrôle de l’administration fiscale et, plus largement, de l’ensemble des moyens de lutte contre la fraude aux fi-nances publiques. Il lui serait par exemple possible d’ap-puyer ses redressements et poursuites sur des informa-tions d’origine illicite, dès lors qu’elles lui parviennent par le truchement de l’autorité judi-ciaire ou par la voie de l’assis-tance administrative.

Ce projet de loi a déjà fait l’objet d’une lettre rectificative, déposée sur le bureau de l’As-semblée nationale le 7 mai 2013. Cette lettre complète le projet de loi par des dispositions prévoyant notamment la créa-tion d’un parquet financier à compétence nationale, qui se-rait compétent en matière de lutte contre la corruption et la fraude fiscale.

D a n s u n c o m m u n i q u é du 17 mai 2013, le ministre

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Fraude et évasion fiscales en France et à l’international1/3 : Les plans d’actions Jérôme bogaert entame dans ce numéro une série d’articles sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Ce premier papier présente les dif-férents plans d’actions et mesures en cours au mois de juin 2013, en France, en Europe et au sein des instances internationales.

PAR JéRôME bogaERtAVoCAT à lA CouR REPRéSEnTAnT dE lA dFCG Au CoMITé FISCAl dE l’IAFEI

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Il s’agit maintenant pour les membres du G20 de passer à un nouveau standard mondial

délégué chargé du budget a rappelé l’esprit de ce texte : doter l’administration fiscale de moyens de contrôle renforcés, à la hauteur des enjeux sous-jacents, et aggraver les sanc-tions prévues à l’encontre des fraudes les plus graves pour les rendre réellement dissuasives. Dans le même temps, le mi-nistre a également souligné qu’il n’y aura ni amnistie, ni cellule de régularisation opaque appliquant des règles dérogatoires au bénéfice de contribuables qui se seraient rendus coupables de fraude fis-cale. La coopération internatio-nale y est également mention-née comme un instrument indispensable.

les actions menées au niveau euRopéen

Cette coopération s’organise déjà au niveau européen, no-tamment sur le modèle de la législation FATCA adoptée aux états-Unis. Ainsi, les ministres de l’économie et des Finances français, britannique, alle-mand, espagnol et italien ont-ils adressé, le 9 avril dernier, un courrier au Commissaire euro-péen en charge de la fiscalité, dans lequel ils font part de leur intention commune d’instau-rer entre leurs cinq pays un projet multilatéral d’échange de renseignements inspiré de cette législation, et de leur de-mande de voir ce type de procé-dure s’étendre aux autres états membres.

Mais bien au-delà de cette action ponctuelle impliquant un nombre restreint d’Etats membres, le Conseil Européen qui s’est tenu le 22 mai 2013 a donné des lignes directrices fortes à l’action à mener au sein de l’UE en matière de lutte contre la fraude et l’éva-sion fiscales. Sur le plan poli-tique et budgétaire, l’objectif est clairement af f iché : il s’agit de protéger les recettes et de garantir la confiance du

public dans l’équité et l’effica-cité des systèmes fiscaux. Dans cet esprit, le Conseil a donc établi une véritable feuille de route, dans laquelle il demande expressément que des progrès soient accomplis rapidement sur les principaux points suivants :

• négocier des accords et prendre des mesures visant à étendre l’échange automatique d’informations au niveau de l’Union européenne et au ni-veau mondial. Ainsi la Com-mission européenne a-t-elle reçu mandat de modifier, au cours du mois de juin 2013, la directive relative à la coopéra-tion administrative afin que l’échange automatique d’infor-mations couvre une gamme complète de revenus ;

• en particulier, améliorer les accords de l’Union européenne avec la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint-Ma-rin, dans le cadre des négocia-tions qui doivent s’intensifier afin que ces pays puissent continuer à appliquer des me-sures équivalentes à celles qui sont en vigueur dans l’Union ;

• adopter la directive révisée sur la fiscalité des revenus de l’épargne avant la fin de l’année ;

• poursuivre les travaux consacrés aux recommanda-tions de la Commission euro-péenne relatives à la planifica-tion fiscale agressive et au transfert des bénéfices. à ce sujet, la Commission compte présenter avant la fin de l’an-née une proposition de révi-sion de la directive « sociétés

mères et filiales », et procède actuellement à un réexamen des dispositions anti-abus dans la législation concernée de l’Union européenne ;

• intensif ier, au sein de l’Union européenne, les tra-vaux visant à éliminer les me-sures fiscales dommageables. à cet effet, le Conseil invite les états membres à mener à bien les travaux sur le renforcement du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des en-treprises sur la base du mandat existant ;

• combattre de façon coor-donnée l’érosion de la base d’imposition, le transfert de bénéfices, le manque de trans-parence et les mesures fiscales dommageables au niveau mon-dial, notamment à l’OCDE, afin d’assurer des conditions de concurrence équitables ;

• identifier les bénéficiaires effectifs des revenus, y compris concernant les sociétés, les trusts et les fondations, et com-battre le blanchiment de capi-taux de façon globale. A cet effet, la version révisée de la troisième directive sur la lutte contre le blanchiment de capi-taux devrait être adoptée d’ici la fin de l’année ;

• examiner rapidement la pro-position visant à modifier les directives en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par les grandes sociétés et les groupes, notamment dans le but d’assu-rer un reporting pays par pays de leur part ;

• accorder une attention par-ticulière à la fiscalité dans l’éco-nomie numérique, en tenant pleinement compte des travaux en cours au sein de l’OCDE. Des discussions consacrées à la stratégie numérique sont pré-vues lors du Conseil européen d’octobre 2013.

Quelques semaines avant la tenue de ce Conseil, la Commis-sion européenne avait an-noncé, dans un communiqué du 23 avril 2013, la création d’une nouvelle plateforme concernant la bonne gouver-nance dans le domaine fiscal. Cette plateforme sera en charge du suivi des progrès accomplis par les états membres pour enrayer la planification fiscale agressive et lutter contre les paradis fiscaux, et de leur ca-ractère concret et coordonné.

Des Discussions inteRnationales en couRs

La plupart des actions ainsi annoncées par les instances européennes font écho à d’autres discussions poursui-vies au niveau international. Dans un communiqué du 15 avril dernier, l’OCDE a no-tamment dressé un bilan et un programme d’actions en ma-tière de lutte contre l’évasion fiscale internationale.

Les 120 pays du Forum mon-dial sur la transparence et l’échange de renseignements acceptent maintenant d’échan-ger des renseignements ban-caires, à la demande. Selon l’Organisation, cela représente 900 accords bilatéraux, et de t r è s n o m b r e u x r é g i m e s opaques ont été démantelés. Mais elle reconnaît aussi que des progrès importants restent encore à faire, et que des cen-taines de recommandations ont d’ores et déjà été formulées en ce sens. In fine, le Forum mondial établira une notation relative à la pratique effective

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de l’échange de renseigne-ments pour chaque pays membre. Une première série de 50 notations sera disponible à l’automne 2013, et permettra d’identifier clairement les juri-dictions qui respectent les règles et celles qui ne les res-pectent pas.

Mais les pays membres du G20, et en particulier ceux du G8, ne se contentent pas de ces premiers résultats et font pres-sion pour aller encore plus loin par rapport au simple échange de renseignements bancaires sur demande. Il s’agit mainte-nant, selon eux, de passer à un « nouveau standard mondial » concernant la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, à savoir l’échange automatique de renseignements à partir d’une plateforme multilatérale où les états pourront échanger des informations de façon sécu-risée et efficace. La Convention multilatérale de l’OCDE en matière d’assistance adminis-trative, qui prévoit toutes les formes d’échange de renseigne-ments et même l’assistance au recouvrement des créances fiscales, est en passe de devenir l’instrument juridique de réfé-rence en la matière, dès lors que près de 70 pays l’auront signée à la fin de l’été 2013.

S’agissant de l’évasion fiscale agressive, le G20 a également demandé à l’OCDE de revoir les règles de la fiscalité internatio-nale pour lutter contre l’éro-sion des bases fiscales et les transferts de bénéfices : si l’ob-jectif d’éviter la double imposi-tion des investissements trans-nationaux est absolument nécessaire à la croissance et à l’emploi, il faut également lutter contre les « doubles non impositions » et les localisations de profits dans des juridictions sans impôts et où aucune acti-vité réelle ne prend place. En juillet 2013, un plan d’actions sera présenté au G20, qui se

réunira à Saint-Pétersbourg en septembre, pour mettre fin à ces pratiques.

En outre, parallèlement à ces travaux menés dans le cadre des instances internationales par les Gouvernements eux-mêmes, les administrations concernées se concertent et font passer des messages très agressifs aux contribuables qu’elles considèrent comme fautifs. Le meilleur exemple en est donné par le communiqué final du 8e Forum sur l’admi-nistration fiscale – rassemblant les directeurs d’administrations fiscales de 45 pays – qui s’est réuni à Moscou les 16 et 17 mai 2013.

Au-delà des déclarations d’in-tention, ces derniers y incitent « tous ceux qui détiennent des informations sur des fraudes fis-cales extraterritoriales à les com-muniquer aux autorités fiscales concernées, en protégeant leurs sources si nécessaire ». Allant encore plus loin, ils terminent leur communiqué par un mes-sage d’une menace sans précé-dent à destination des frau-deurs et de ceux qui les aident : « quels que soient vos efforts pour vous cacher, nous vous trouve-rons » !

Toute cette agitation politique et médiatique montre bien que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est devenue une priorité pour les gouverne-ments des principaux pays dé-veloppés, qui tentent d’imposer leur vision offensive à l’en-semble des états qui doivent être parties prenantes au ni-veau mondial pour que ce com-bat soit réellement efficace. Au cœur des actions en cours, figurent notamment l’instau-ration d’échanges automa-tiques d’informations bancaires et fiscales concernant tous les revenus, d’une part, et la sup-pression progressive des me-sures et régimes fiscaux dom-mageables, principalement

dans les pays considérés comme des paradis fiscaux, d’autre part. Toutes deux sont largement reprises et commen-tées dans la presse, mais leur portée en termes d’adaptation nécessaire des politiques fis-cales des entreprises ne sera sans doute pas si importante que beaucoup veulent bien l’imaginer ou le laissent croire.

En revanche, il existe un autre axe majeur de mise en œuvre de cette politique inter-nationale, qui pourrait être bien plus contraignant pour les entreprises même s’il est pour l’instant moins médiatique : la lutte contre l’érosion des bases fiscales et les transferts de béné-fices, sous des formes variées qui peuvent laisser, dans cer-tains cas, libre cours aux pra-tiques et interprétations parfois inacceptables de certaines ad-ministrations en la matière. Qu’est-ce que cela recouvre exactement, et comment s’y adapter sans remettre en cause tout l’édifice fiscal de l’entre-prise ? C’est tout l’objet de la seconde partie de cet article, à paraître dans le prochain nu-méro de cette revue. l

a LIRE auSSI SuR Vox-FI, LE bLog DE La DFcg Sur les impôts d’Apple, c’est nous les pommes ! Par François Meunier

De Luxembourg à Chypre : il fait bon être petit en Europe ! Par François Meunier

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1. 1 000 milliards d’euros chaque année pour l’Union Européenne, et 30 000 milliards de dollars US au niveau mondial selon les estimations données lors du G8 de Londres, le 18 juin 2013.

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thIS aRtIcLE FIRSt aPPEaRED on : www.cfo-insight.com

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CFOs looking to become CEOs need to hone their creativity in order to help their companies innovate. Otherwise, they’ll be unable to make significant contributions to the strategic conversations amongst top management, says Hal Gregersen, a professor at business school INSEAD. «If CFOs want to stay CFO, they may not need to do what I am saying,» Gregersen says. «But if they want to become a CEO, it’s a necessity. What we know from our data of 6,000 execu-tives and entrepreneurs is that the higher you go, the more these skills get used.»

Using more skills will require many CFOs to make substantial changes to how they spend their time. After all, being ‘disruptive’ in the way descri-bed by Gregersen isn’t so-mething most CFOs learn as part of their training. The op-posite is true. As chief risk manager and compliance offi-cer, disruption is usually the last thing CFOs want or are supposed to achieve.

In f act , CFO creat ivi ty frequently goes against the grain of company culture. It is

unlikely to be something many CEOs are particularly keen to see. Gregersen admits as much. «Most CEOs will not appreciate this role in a CFO because CEOs don’t do it themselves,» he says. But, CFOs locked into a creativity-adverse position will have few possibilities to explore their creative talent.

innovative cfos thRive unDeR theiR ceos

There are counterexamples. Gregersen tells the story of Amazon CEO Jeff Bezos, who apparently asks each candidate he interviews for a job at Ama-zon, including the CFO, the same question: «What have you invented?» The ability to innovate has thus been made a part of company culture. It is, however, a very conscious –  and arguably extremely rare – leadership decision.

But even CFOs working in less innovation-driven companies shouldn’t let themselves be dis-couraged from contributing to creative conversations, Greger-sen thinks. Becoming more creative will not only help them position themselves for roles

beyond the finance function. Given the right personality, it can also be professionally fulfil-ling and assist them in finding innovative answers to problems that arise in the finance func-tion.

Fortunately, creative thinking can be learned, Gregersen says. He recounts the anecdote of an Internet start-up that hired a «traditional, very results-driven CFO who didn’t contribute a whole lot to the innovation conversation.» This began to change as soon as the CFO be-came immersed in the innova-tion culture of the business. «After a year and a half, his capacity to be innovative in-creased about 30% and enabled him to make better contributions to the strategic conversation,» Gregersen says.

CFOs who haven’t been for-ced into creativity by their envi-ronments will have to make a sustained effort if they want go get there. «You have to make it a part of your habit,» Greger-sen says, repeatedly stressing the need to go meet and talk with people outside the finance function. «It’s maybe going to a conference, a luncheon

– talking with people who may be looking at my problem diffe-rently » he says.

In ad dit ion, Greger sen sketches a sort of teach-your-self strategy for innovation. He recommends that CFOs «pick a problem that’s been vexing you for a long time, and then spend 4 minutes a day for the next 7 days writing down nothing but questions about the pro-blem.» Subsequently, they should «go watch something inside or outside your company that will help you understand the problem better» and finally «try a couple of experiments, small scale and fairly cheap.» Doing this can lead to surpri-sing results, he says, and equip the CFO with a wealth of ques-tions to ask and ideas to pitch the next time the innovation conversation takes off in the boardroom.

That being said, CFOs should keep in mind the risks involved in being associated with inno-vation. After all, few ideas come to execution, and fewer still will end up being a success-ful innovation. Being associa-ted with a bad idea can be as much of a career killer as being the author of a good idea can be a career booster. l

AVEC haL gREgERSEnInSEAd

cFos need to be Innovators to become cEoEntretien Chief financial officers who have their eyes set on roles beyond the confines of finance will need to prove their innovation skills, says hal Gregersen, a professor for innovation at business school InSEAd. Everyone can become creative, he says, but it requires a sustained effort, especially if you’re unlucky enough to work in the wrong organisation.

PRoPoS RECuEIllIS PAR StEVEn aRonS

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DOSSIERManager en temps de crise

41 Renouveler notre regard, manager autrementLaure Dykstra et PhiLiPPe robert-tanguy

42 Managers : de la nécessité de définir la criseMarc uhaLDe

45 Les modèles et pratiques de management classiques sont-ils encore adaptés ?entretien catherine stoLL

48 Bien communiquer avec les salariés en période de crise : place à l’échange !guiLLauMe aPer

51 Rebondir grâce à la criseentretien Fabrice Dauge

« Manager en temps incertains, c’est incarner un certain modèle de gestion de soi et des relations aux autres. » Catherine Stoll

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Manager en temps de crise

52 L’épanouissement, un levier de performance !entretien MerryL cuestas

55 La formation en temps de crise cLaire taganD-battarD

58 Rémunérer par temps de crisePhiLiPPe DeniMaL

60 Les parts variables « quantitatives » : un outil à utiliser prudemmenthugues rougier

Par LauRe DykstRaMeMbre Du coMité éDitoriaL

Par PhiLiPPe RoBeRt-tanguyMeMbre Du coMité éDitoriaL

Renouveler notre regard, manager autrement

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Il est temps de repenser nos modèles de management

près les congés, le temps est à la reprise… d’activité ! Pour l’économie, il faudra attendre encore un peu. Selon l’INSEE, celle-ci ne devrait pas être perceptible avant le printemps ! Cette longue période est susceptible de nous conduire à la morosité. D’autant plus que la rhétorique de la crise semble s’installer partout : crise économique, crise financière, crise sociale, crise poli-tique… à employer ce terme à tout bout de champ, la notion-même de crise a-t-elle encore du sens ?

Il est donc temps de changer d’air, de repenser nos modèles et modes de management, de voir plus loin, d’intégrer l’intelligence émotionnelle et de valoriser la communication positive au travail. Autant de regards croisés qui seront explorés dans ce dossier.

Pour commencer, le sociologue Marc Uhalde nous invite à en questionner le sens commun, et à préciser les caractéristiques d’un système social en crise. Cette période particulière sclérose les individus et les collec-tifs, et limite leur vision en termes de perspectives et de sorties possibles. Les managers ont, de fait, un rôle à jouer pour réinvestir le réel, développer des coopéra-tions et « refonder une direction ».

Par ailleurs, plus que jamais, le champ des émotions est un terrain d’investissement nécessaire pour les managers. Catherine Stoll nous alerte sur le risque de surinvestissement de l’expertise technique au détri-ment de l’intelligence émotionnelle face aux incerti-tudes. La crise met en exergue les défaillances de nos systèmes de management. Ainsi, Guillaume Aper, président de l’Afci, nous démontre que les entreprises qui s’en sortent le mieux sont celles qui ont réfléchi à leur modèle de management, et mobilisent de façon claire l’ensemble des personnels au travers d’une ligne managériale. Fabrice Dauge, coach et fondateur de FDRH Consulting, nous prouvera qu’être un mauvais

manager n’est pas une fatalité. La seule prise de conscience de son comportement non verbal peut entraîner un changement de posture positif.

Au-delà des pratiques managériales, la crise est éga-lement une opportunité pour repenser nos modèles de gestion des ressources humaines. Merryl Cuestas, directeur général de Provadys, nous explique com-ment il accompagne la montée en compétence de ses collaborateurs pour en faire des leaders d’opinion. Quant à Claire Tagand Battard, elle nous rappelle à quel point la formation doit être encouragée tout au long de la vie professionnelle, car elle assure le déve-loppement économique et le succès de l’entreprise.

Pour conclure ce dossier, l’évocation d’une donnée taboue en temps de crise : la rémunération. Et pour-tant, ces moments son idéaux pour parler rémunéra-tion selon le spécialiste Philippe Denimal, mais « encore faut-il traiter la question de manière acceptable et lisible par les différents acteurs ». Hugues Rougier, quant à lui, nous précise qu’il ne faut pas non plus se focaliser sur les parts variables quantitatives. L’objectivité est évi-demment égalitaire, mais il ne faut pas non plus négli-ger l’importance du subjectif : remettre les relations humaines au cœur des préoccupations, voilà ce qui nous sauvera de la crise ! l

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u’est-ce que la sociologie peut apporter au constat d’un « temps de crise » ? Si l’on entend que cette crise est économique, il est à craindre qu’une science humaine soit d’une faible utilité face à la science économique. Par contre, il peut être suggestif d’interroger la notion même de « crise » pour la mettre en lien avec certaines fonctions du management. Mais l’affaire est loin d’être commode. C’est que le mot « crise » pose un réel problème. En 1976 déjà, alors qu’il testait les bases d’une éventuelle « crisologie », Edgar Morin1 avertissait : « Cette notion, en se générali-sant, s’est comme vidée de l’intérieur ». Chacun recon-naîtra en effet que ce mot se place au hit-parade des termes les plus galvaudés, couvrant depuis l’après-guerre tous les champs de la vie humaine et sociale, de l’économie à la sphère intime, en passant par la politique, l’éducation, la culture, les relations interna-tionales… Dès 1970, le psychiatre André Bolzinger nous alertait lui aussi sur les risques de ce mot-valise: « Si on appelle crise toute période de conflit ou de mutation, avec ce qu’elle porte de résistance au changement et de ten-sions vers une métamorphose, on peut alors estimer que la vie tout entière est une crise ». Nous voudrions ici poursuivre l’idée d’une réelle utilité de la notion de crise, mais à partir de deux conditions : l’appliquer à la compréhension de certains phénomènes spécifiques, et, pour ce faire, l’extraire de la condition de notion courante pour la promouvoir au rang de concept. C’est dans cette seule perspective, nous semble-t-il, qui peut être utile au management.

Un mot polysémiqUe Revenons un instant aux origines. Issu de la méde-

cine hippocratique, le mot « krisis » signifie « le moment décisif dans l’évolution d’un processus incertain, qui per-met le diagnostic » (Edgar Morin, 1976). Elle désigne donc trois choses : la rupture d’un équilibre antérieur, l’entrée dans une phase d’indétermination quant à l’issue du processus, positive ou négative, et enfin, pour

le praticien, un moment méthodologique privilégié où se donne à voir mieux qu’à d’autres instants la source des difficultés. Au cours du temps, sa signification a quelque peu évolué dans le domaine de la médecine, en s’étendant notamment à d’autres champs comme la psychiatrie2. Mais le phénomène le plus remar-quable au XXe siècle est l’extraction de cette notion du champ spécialisé de la médecine et sa diffusion dans les multiples espaces et temps de la vie collective. On l’applique désormais à toutes les situations et à tous les événements, mineurs et majeurs.

Une manière de rompre avec ce sens commun em-barrassant est de d’observer comment des scientifiques reconnus des sciences humaines et sociales (économie, sociologie, psychologie, psychosociologie…) ont re-couru à la notion de crise dans leurs œuvres majeures au cours des dernières décennies. L’étude d’une quin-zaine de leurs textes fait émerger une armature trans-versale tout à fait suggestive, bien qu’aucune de ces théories spécifiques ne s’y attache expressément3. Celle-ci se compose de cinq dimensions indissociables.

mutation structurelle Le concept de crise doit s’appliquer à un système en

transformation réelle. Dans le champ des entreprises, par exemple, il peut s’agir de la transformation d’un modèle d’organisation, d’un nouveau positionnement sur le marché ou encore d’une nouvelle structure de gouvernance. Cette transformation est « objective », dans le sens où l’on peut y relier des faits précis, da-tables et incontournables, qui font rupture avec la structure antérieure, la crise se déroulant précisément dans ce moment de la trajectoire du système. Mais la mutation affecte aussi la dimension humaine du sys-tème, et ceci au travers de symptômes critiques. Ces transformations sont vécues comme des ruptures douloureuses où les coopérations se muent en divi-sions et en tensions. Il est à ce titre plus pertinent de parler de « transformation critique » que de « crise ».

Q

Managers : de la nécessité de définir la crisecrise économique, crise de nerfs, couple en crise… nous n’avons que la crise à la bouche, quitte à en galvauder le terme ! un mot « en crise », justement, auquel la sociologie peut redonner un sens, notamment managérial.

Par MaRc uhaLDesocioLogue, chercheur au Laboratoire interDisciPLinaire De socioLogie éconoMique (cnrs-cnaM), enseignant à sciences Po ForMation continue

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Autre exigence méthodologique pour tenir le fil de ce concept, l’appliquer à une entité délimitée dans l’es-pace et dans le temps (ici par exemple, un entreprise saisie à une étape particulière de son histoire).

le vécu de crise L’expérience de ruptures douloureuses n’épuise pas

la singularité du concept. La psychiatrie moderne a connu une grande avancée dans l’analyse des psy-choses en considérant centralement la dimension subjective de la crise. Ce que celle-ci a de plus objectif est l’existence d’une structure « vécu subjectif »4. Par extension, on parlera d’autant plus efficacement de crise lorsque l’on sera en mesure de décrire en quoi la situation de transformation se mue, pour une collec-tivité, non pas en clairvoyance sur les points de rup-ture, mais au contraire en sentiments de confusion, de perte de repères, de perte de prise sur les évène-ments et d’incapacité de projection dans l’avenir. Cet état de sidération et de confusion peut être observé à l’échelle des individus comme des collectivités.

le caractère révélateur de la crise C’est le « moment du diagnostic » où se donne à voir

de manière frappante la structure du système anté-rieur, à mesure que celle-ci montre des points de rup-ture. Le désordre que vivent les individus et les collec-tifs peut d’autant mieux être compris.

la crise comme état de système C’est peut-être là l’une des dimensions les plus

confondantes pour les acteurs et les plus stimulantes pour l’analyste car il invite en effet à penser en même temps une chose et son contraire : le changement et la stabilité, le mouvement et l’état. La crise au sens fort qualifie une situation globale de transformation, affec-tée de ruptures perturbantes et d’indéterminations quant à son issue (progression ou régression), mais donnant lieu, dans l’attente, à un fonctionnement collectif dégradé. La transformation critique prend ici les trais d’un équilibre instable où les décisions et les réactions, le monde objectif et le monde subjectif, inte-ragissent de telle sorte qu’ils produisent des cercles vicieux isolants et angoissants. Les efforts d’adaptation de chacun au mouvement de changement ne pro-duisent ni transformation réelle, ni effondrement, mais la stabilisation d’une situation mal régulée. Processus qui obscurcit d’autant plus les visions d’avenir et ren-force le « vécu collectif de crise ».

émergences et processus évolutifs « La crise est un risque et une chance : un risque de ré-

gression et une chance de progression » énonce Edgar Morin. Elle est blocage et tension mais aussi processus « effectueur » permettant de réelles alternatives. La plupart des auteurs s’accordent sur cette vision dyna-miste des périodes de transformation critique. En termes purement analytiques, tenter de penser la crise conduit à trancher radicalement par rapport à deux

autres acceptions : la crise-régulation, c’est-à-dire le simple mécanisme d’adaptation (de la crise d’humeur à la crise de surproduction dans la théorie marxiste du capitalisme) et la crise-effondrement (crise générale du capitalisme chez Marx, effondrement des empires ou des civilisations chez certains historiens). La crise-transformation dont on parle ici ne peut se concevoir sans mécanisme d’invention, d’apprentissage, d’inno-vation. C’est ce que les auteurs conçoivent tous, de la psychanalyse à la théorie des organisations. En termes d’observation du monde réel, cette conception conduit à être attentif à ce qui peut émerger des ruptures du passé et de la confusion du présent, si faibles en soient les signes. Et c’est certainement aux marges des sys-tèmes, des règles et des habitudes collectives, que des alternatives réelles peuvent émerger, en se nourrissant du relâchement des systèmes institués.

Un définition managériale de la crise

Que déduire alors du « concept de crise » pour le management ? Si l’on entend par « management » les fonctions de direction, stratégique ou opérationnelle, trois orientations sortent de ces analyses.

investir dans l’intelligibilité du réel « Les individus et les collectifs, saisis par le sentiment

d’imminence d’une rupture, sont figés dans un immédiat dont ils ne peuvent plus se déprendre. Ils sont comme ex-traits de la temporalité »5. Il faut insister ici sur l’effet déterminant de la dimension subjective des situations de crise. La stupeur et la sidération sont d’une telle emprise sur les collectifs, de la base au sommet de l’organisation, que l’idée même d’un changement maîtrisé échappe aux consciences. La transformation critique génère un phénomène de « tassement de l’ima-ginaire »6 et de perturbation psychologique : « com-ment en est-on arrivé là ? », s’interrogent les acteurs. L’un des mécanismes classiques de remédiation consiste à enclencher un processus d’analyse réflexive, à élaborer des réponses. Il faut pour cela passer le pro-cessus de transformation critique au filtre d’une ana-lyse distanciée. C’est le fameux « moment du diagnos-tic » dont parlaient les Grecs anciens, cette fois utilisé dans une perspective d’évolution. L’engagement d’un processus d’analyse objective (études, diagnostic so-cial, historique…) dans une collectivité présente plu-sieurs vertus. Tout d’abord, il permet à chacun de distinguer l’émotion (d’autant plus forte que la crise aura laissé des douleurs et des récriminations) de la

La crise dont on parle ici ne peut se concevoir sans mécanisme d’invention, d’apprentissage, d’innovation.

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raison (d’autant plus malmenée que la dérégulation de l’organisation aura échappé à tous les scenarii ima-ginables et donc encore plus destabilisé les individus). ; Il permet ensuite de créer les bases d’un nouveau dia-logue entre les membres du système, en faisant ainsi déjà entrer l’organisation dans l’avenir. Enfin, il permet de périodiser l’histoire collective, d’inscrire des balises objectives entre un « avant » et un « après » pour sor-tir de la confusion des périodes et des temps et de ce qu’elles laissent nécessairement de sensible et de dis-parate dans les mémoires : non pas apurement du passé, mais explicitation des traces et des racines qu’il lègue comme autant « d’héritages dynamiques7» sur lesquels construire l’avenir.

restaurer les coopérationsSociologiquement, la crise est divisions, oppositions

et tensions sans médiation. Et si elle ne conduit ni à l’implosion ni à l’effondrement, c’est qu’elle se nourrit d’un repli généralisé sur soi (en organisation, sur sa fonction, son métier, sa strate hiérarchique…). L’évite-ment prend ainsi le pas sur la coopération, et le statu quo l’emporte sur les dynamiques d’invention de nou-velles réponses aux exigences de l’environnement. Reprendre la course d’une transformation « positive » signifie sans aucun doute parvenir à remettre en selle les acteurs du système, en leur fournissant autonomie et responsabilité en lieu et place de contrôle hiérar-chique et de faibles liens transversaux. Ces processus supposent très certainement de porter un soin tout particulier aux « médiations », c’est-à-dire à ces ac-teurs, ces espaces et ces processus qui permettent à des forces différentes de dépasser les antagonismes blo-quants, pour se muer en complémentarités inventives.

refonder une direction Première signification du mot : la direction comme

« orientation ». S’il existe bien une source majeure de perturbation dans le temps présent de « l’état de crise », c’est l’indétermination de l’avenir. Cette question se pose à l’échelle de chacun (ma carrière, mes chances de rebondir ici ou ailleurs, mes ressources et mes contraintes), mais aussi au niveau de l’entité d’en-semble (établissement, filiale, entreprise…). Sur ce plan, les rôles et les pouvoirs ne sont pas égaux. Il revient sans conteste à la fonction dirigeante d’énoncer un avenir possible, ou, tout au moins, un objectif inter-médiaire qui puisse couper court à l’effet délétère du relativisme absolu, de ce « tout est possible » qui érode les repères et la confiance collective en l’organisation. La fonction « instituante » du pouvoir décisionnaire en matière d’avenir s’avère cruciale en période de trouble. Cela correspond, finalement, à revenir à la figure de l’entrepreneur décrite au début du XXe siècle par Joseph Schumpeter, créateur de développement par l’innovation de rupture, mais aussi créateur d’histoire par esprit d’avant-garde et de prise de risque.

On retrouve ici la deuxième acception du mot direc-tion, comme forme légitime. Il semble évident que la

sortie d’un fonctionnement de crise ne peut se faire sans une force d’entraînement d’une qualité particu-lière. Il y a vingt-cinq ans, Georges Balandier9 livrait une analyse stimulante des « réponses au désordre » des sociétés avancées autour de trois figures. La « ré-ponse totale », apparue sous sa forme la plus déployée au XXe siècle à travers les totalitarismes d’État, mais aussi avec les « totalisations bureaucratiques », dans cette illusion des grandes organisations, administra-tives et entrepreneuriales, consistant à exercer un contrôle absolu sur les individus par des procédures et des règles formelles. La réponse de la « personne et du sacré » renaît sans cesse de ses cendres dès lors que l’avenir s’obscurcit. C’est le recours à un imaginaire magique fixé sur un personnage héroïque, une figure charismatique ou des mondes artificiels de rêve et de mode qui permettent de s’extraire des pesanteurs du présent. Les membres d’une collectivité y déposent leur destin et se dépossèdent par là-même de leur qualité d’acteurs au profit de celle d’adeptes, au risque de len-demains douloureux. Dernière figure, la « réponse prag-matique » se définit comme un processus de « recherche collective de résolution des problèmes les plus menaçants ». Donc : confrontation au réel plutôt qu’illusion my-thique, activité de recherche plutôt que solutions a priori, collectif plutôt qu’action d’un seul homme.

Cette dernière figure n’est pas sans interroger le management. En situation de « crise », devrait-il être non seulement décideur mais aussi animateur de col-lectivité humaine ? Et médiateur d’interactions ? Déci-deur et promoteur d’interactions critiques centrées sur l’analyse des dérégulations et l’invention de solu-tions nouvelles ? l

1. Edgar Morin, « Pour une crisologie », revue Communications, numéro thématique « La notion de crise », 25, 1976

2. Sur ce point voir André Bolzinger, « Le concept clinique de crise », Bulletin de psychologie, n°355, 1982.

3. Marc Uhalde, Crise sociale et transformation des entreprises, thèse de doctorat, université de Paris-Dauphine, 2004.

4. Henri Ey, psychiatre, spécialiste des psychoses aiguës, en a recomposé les traits à travers quatre caractéristiques : soudaineté, indécidabilité, incoerbilité, facticité, dans son ouvrage études psychiatriques, 1954.

5. « Crises. Approche psychosociale clinique », J. Barus-Michel, F. Giust-Desprairies, L. Ridel, éditions Desclée de Brouwer, 1997.

6. « Crises. Approche psychosociale clinique », J. Barus-Michel, F. Giust-Desprairies, L. Ridel, éditions Desclée de Brouwer, 1997.

7. Suzan Berger, Made in monde, Seuil, 2006

8. Georges Balandier est anthropologue de la modernité, auteur d’un œuvre importante sur le désordre et les mouvements de la société contemporaine. Ouvrage cité ici : Le désordre. Eloge du mouvement, Fayard, 1988.

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inance & gestion : crise économique, instabilité des marchés, incertitudes sur l’avenir, pression des résultats… La plupart des entreprises sont aujourd’hui soumises à des turbulences qui semblent de plus en plus impacter l’activité et le moral des managers.

catherine stoLL : En effet, la situation s’avère de plus en plus lourde pour les cadres en entreprise. Selon le baromètre Opinionway 2012, publié pour la CFE-CGC, 74 % des managers se plaignent d’avoir une charge de travail plus importante que l’année précédente, 89 % estiment qu’ils travaillent trop vite et 52 % que leurs responsabilités dépassent souvent ou parfois leur fiche de poste. Les voyants du stress sont manifeste-ment au rouge. Nul n’ignore qu’être manager n’est pas une promenade de santé. Manager en temps de crise l’est encore moins… à la fois levier de la perfor-mance, avec tous les aléas liés aux exigences renfor-cées de la hiérarchie, et animateur d’équipe dans un contexte souvent jalonné de frustrations individuelles et de tensions, le manager est devenu un véritable équilibriste. D’ailleurs, depuis trois ans, les études montrent que de moins en moins de jeunes envisagent cette profession, autrefois « reine » !

De plus en plus d’observateurs s’accordent à penser que la dégradation économique actuelle et ses consé-quences pourraient durer bien au-delà de l’année 2013. comment les managers vont-ils pouvoir faire face dans la durée ? n’est ce pas un défi sans précé-dent pour la plupart d’entre eux ?

à mon sens, ce que révèle surtout cette période de

crise chez les managers, c’est l’insuffisance d’une large part d’entre eux en matière de compréhension et de « gestion » des hommes… Insuffisance de compétences d’abord, faute de formation et d’accompagnement nécessaires à la compréhension des mécanismes hu-mains tels que la motivation, la cohésion ou la confiance, mais également à des process de commu-nication constructifs avec l’équipe. En ces domaines, la transmission de connaissances théoriques ne suffit pas, il s’agit surtout d’apprendre à partir d’expériences concrètes. Les cadres formés de manière opération-nelle aux dynamiques d’équipes ne sont pas pour autant à l’abri de toutes turbulences, mais ils partent avec un temps d’avance, savent prendre le recul néces-saire sur les situations critiques, observer, activer ou, au contraire, désactiver les starters qui influent sur l’engagement ou la cohésion de leurs équipes… et donc, à terme, sur le résultat !

Mais ils sont encore bien peu nombreux… Rien d’étonnant à cette situation : la plupart des organisa-tions privilégient depuis longtemps chez leurs mana-gers le rôle de gestionnaire d’activité, au détriment de celui de pilote et dynamiseur des collaborateurs. Un œil sur les objectifs de production, un autre sur les résultats : il leur reste peu de temps à consacrer à ce métier à part entière qu’est le management d’équipe, trop souvent confondu avec une fonction générale-ment attribuée en récompense de compétences essen-tiellement techniques… Compétences, s’il est besoin de le rappeler, sans véritable rapport avec la capacité à piloter une équipe en professionnel. Lors de l’une de mes récentes interventions auprès des managers d’un

F

Les modèles et pratiques de management classiques sont-ils encore adaptés ?Entretien Pression toujours plus forte, prescriptions de l’entreprise et attentes des collaborateurs qui se contredisent, morosité des équipes, … les managers sont aujourd’hui soumis à rude épreuve et se sentent sou-vent bien peu équipés pour s’adapter à un monde de turbulences et d’incertitudes. et si la crise était justement l’occasion d’apprendre à mana-ger autrement ? ProPos recueiLLis Par Denis MoLho

Par catheRine stoLLconsuLtante rh et ForMatrice-exPert quaLité De vie au travaiL (cabinet DMe-PerForMance)

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En période de profonds bouleversements, les managers devront être les premiers à reconnaître leur peur.

géant de la logistique, j’ai dû expliciter la différence entre ce qu’ils appelaient « faire du social » et « gérer la dimension humaine » (relations, tensions, besoin de reconnaissance…) de leurs équipes. Cela en dit long sur la désaffection de cette partie capitale du rôle du manager !

Au-delà de la fréquente insuffisance de compétences GRH, notamment chez les managers de proximité, c’est aussi le manque de temps qui est en cause. Com-muniquer suffisamment avec ses collaborateurs, anti-ciper avec eux, par exemple, les conséquences organi-sationnelles d’une augmentation soudaine de la charge de travail, s’intéresser au quotidien de leur activité (et pas seulement à leurs résultats), savoir à la fois responsabiliser et soutenir, les associer à la re-cherche de solutions ou d’innovations, les accompa-gner dans le changement… toutes ces actions qui contribuent à de bonnes pratiques managériales sont, il faut bien l’admettre, terriblement chronophages et, hélas, pas vraiment reconnues par la hiérarchie comme des activités à part entière.

en quoi cette bonne gestion des hommes est-elle déterminante en contexte de crise ?

En contexte difficile, la GRH au niveau managérial prend une importance singulière. Plus que jamais, les managers doivent être aux avant-postes dans la conduite de leurs équipes. D’abord, pour des raisons économiques, car c’est une période durant laquelle l’entreprise est particulièrement attentive à la saine gestion des coûts. Selon certaines études récentes1, l’absentéisme (qui coûte surtout à l’assurance mala-die), et surtout le « présentéisme », qui consiste à faire acte de présence à son poste mais avec un minimum d’engagement (une perte d’efficacité et une démotiva-tion liées à une ambiance dégradée, à un sur-stress et à un mal-être des équipes), coûteraient en moyenne 5 000 à 15 000€ par salarié et par an, soit une perte moyenne de 830 000 € à 2 millions d’euros pour un site de 100 salariés ! Un management efficace permet à la fois prévenir et limiter ces risques et ces coûts.

En second lieu pour des raisons intrinsèques à la notion-même de « crise » ou de changement. La crise, on le sait tous, est génératrice d’un climat de « court-termisme », d’incertitude, voire de confusion… La succession de changements, que ce soient de stratégie du groupe ou de l’entreprise, et/ou d’organisation du travail, génère un sentiment d’instabilité particulière-ment anxiogène et démobilisateur. La présence de « pilotes dans l’avion », efficaces en termes de mana-gement des hommes et de savoir-être personnel, de-vient alors un repère fondamental dans un contexte réellement chaotique ou perçu comme tel…

Quels sont les leviers fondamentaux pour s’adapter à ce contexte particulier d’instabilité ?

La crise agit comme une injonction pour chacun à devoir quitter sa zone de confort et à entrer dans sa zone de vulnérabilité. Les risques se multiplient :

risques pour la pérennité de l’activité, de l’entreprise, de l’emploi de chacun… Bienvenue au royaume de l’incertitude ! Toutes nos peurs se réveillent, s’amal-gament et sont, comme chacun sait, les pires conseil-lères. Les managers peuvent rapidement ou insidieu-sement être « contaminés » par cette instabilité émotionnelle et, à leur tour, répandre cette contagion via des tensions, des rigidités, des inerties…

Pour piloter les équipes en période de profonds bou-leversements, ils devront donc être les premiers à re-connaître ces peurs (au lieu de les nier, ce qui ne fait que les renforcer) pour mieux savoir faire face à l’in-connu et à l’imprévisible. Ils vont devoir cultiver la stabilité, l’équilibre, leurs capacités de flexibilité et d’adaptation, la prise de recul… le tout dans un climat la plupart du temps perturbé et propice à tous les déra-pages. Un challenge comportemental qui s’appuie des compétences acquises – ou à acquérir !

Donc, selon vous, le développement de l’intelligence émotionnelle serait la qualité essentielle de ce « modèle » managérial pour temps de crise….

En chinois, le mot crise se dit weiji. Si on le décom-pose, on voit que Wei , a un sens de danger. Par exemple, Weixian, signifie dangereux. L’autre partie du mot Ji, signifie « force motrice » ou « machine ». Cette approche paradoxale du concept de « crise » est intéressante, car, du coup, ce mot désigne une situa-tion difficile, mais qui permettra de forts changements positifs. Ainsi, la crise, à mon sens, peut avoir pour effet positif de générer un nouveau modèle managérial qui donne enfin toute la place nécessaire à l’intelli-gence émotionnelle, cette « habileté à percevoir et à expri-mer les émotions, à les intégrer pour faciliter la pensée et à raisonner avec les émotions ainsi qu’à les réguler chez soi et chez les autres »2.

Conscience et maîtrise de soi pour mieux analyser ses réactions et orienter ses décisions, conscience des autres pour mieux comprendre les mécanismes de leurs comportements et réguler ses relations avec autrui, sont devenues des compétences tout aussi es-sentielles au manager et à l’équipe que les capacités intellectuelles et expertises techniques. Manager en temps incertains, c’est donc aussi incarner un certain modèle de gestion de soi et des relations aux autres.

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Le manager agit comme un « gestionnaire » des rela-tions et des dynamiques d’équipe et comme un régu-lateur des tensions propres aux périodes de transition.

n’est-ce pas un objectif très ambitieux ? est-ce vrai-ment à la portée de chacun ?

Contrairement à ce que l’on croit, la plupart des élé-ments qui constituent l’intelligence émotionnelle peuvent s’apprendre. à certains moments, savoir être empathique permet de prendre attentivement en compte le ressenti de ses collaborateurs pour l’intégrer à des décisions intelligentes. C’est une habileté néces-saire. Un manager dépourvu d’empathie ne sera pas capable de se décentrer et agira de son seul point de vue, sans écouter les émotions de ses collaborateurs, et donc sans pouvoir accéder à leurs besoins profonds ni à ceux de ses clients. à plus ou moins long terme, la conséquence d’une telle attitude, le mettra inévita-blement en porte à faux avec son entourage.

On peut développer cette compétence (à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise), à deux conditions impératives : en avoir sincèrement envie (on ne pas peut forcer un individu à changer durablement ses comportements) et oser engager concrètement le changement, ce qui exige énormément de pratique et de répétitions.

on parle aujourd’hui beaucoup de qualité de vie au travail, de prévention des risques psycho-sociaux et surtout du rôle-clé des managers en la matière. s’agit-il pour eux d’une responsabilité supplémentaire ?

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se préoccuper de santé psychologique au travail, à la fois parce qu’elles ont des obligations légales en la matière (art 4121-1 du Code du travail) mais aussi parce que, peu à peu, l’idée que la performance et la santé au travail sont interdépendantes fait son chemin dans les esprits. Une petite révolution ! Les plans d’action mis en place, dans leur grande majorité, prévoient un volet de sensibilisation ou de formation des enca-drants, car ces derniers, selon le type de pratiques de management qu’ils déploient au quotidien, peuvent représenter un levier positif… ou au contraire contre-productif, voire toxique (souvent sans le savoir !) dans la prévention de ce que l’on appelle aujourd’hui les risques psychosociaux (stress, mal-être, violences rela-tionnelles ou autres…). Trop régulièrement, les mana-gers pensent à tort qu’il s’agit là d’une extension de leur périmètre d’action (« En plus, on va devoir jouer au psy » ai-je parfois entendu !). Surtout pas ! Leur niveau d’intervention dans ce domaine consiste, pour l’essentiel, à revisiter leur mode de management et à améliorer ce qui doit l’être à leur niveau afin de per-mettre à leurs collaborateurs et à leurs équipes de travailler en conjuguant concrètement qualité de vie au travail et efficacité. Cela suppose évidemment d’acquérir ou de développer quelques outils de gestion de soi et des équipes, et de développer ses habiletés relationnelles et de communication…

Meilleure gestion de soi, développement du leader-ship et des compétences d’animation d’équipe… voila un programme de management très exigeant ! est-ce-que l’on n’en demande pas trop aux managers ?

Il est exact que manager est plus qu’un métier, c’est un art, qui, ne peut certainement pas s’improviser, particulièrement en période d’instabilité… Ne pas inté-grer cette donne, ne pas sensibiliser les managers à ces aspects fondamentaux de leurs missions, expose les entreprises à des risques internes de fragilisation et de dysfonctionnements dont elles mesurent souvent mal l’importance…. et le coût !

En période de crise, les managers – qui sont aussi, ne l’oublions pas, des salariés comme les autres – doivent eux-mêmes recevoir le soutien nécessaire et des moyens renouvelés pour développer de nouvelles com-pétences et être en mesure de faire face. En fait, le contexte difficile et le risque psychosocial obligent les entreprises à faire un focus et à s’interroger non seu-lement sur les pratiques de management mises en œuvre dans l’activité de travail au quotidien (ce qui relève de la responsabilité des managers), mais aussi à devoir engager une réflexion de fond sur le modèle de management qui prévaut dans leur organisation… Il faut oser se poser les bonnes questions, par exemple : un manager sans liberté d’action et sans marges de manœuvre dispose-t-il de leviers réels pour agir sur les facteurs de stress de son équipe ?

c’est donc l’ensemble des acteurs (direction, mana-gers intermédiaires et de proximité…) qui sont concernés par cette réflexion et ces évolutions ?

En période de changement, ce sont en effet tous les niveaux du management qui sont questionnés dans leurs pratiques et leurs modèles. C’est pourquoi la for-mation des managers intermédiaires et de proximité est une étape indispensable, dont l’efficacité et le succès dépendent étroitement de leurs directions générales. Plus ces dernières manifesteront explicitement l’impor-tance pour l’entreprise de cette « révolution managé-riale », plus elles y mettront du sens, plus elles s’intégre-ront et s’impliqueront elles-mêmes dans le processus d’évolution des pratiques – même si c’est inhabituel et inconfortable – plus les managers se mobiliseront pour mettre en œuvre les évolutions nécessaires… Autrement dit, si un changement réel et visible passe par les pra-tiques du Codir et engage l’ensemble de la chaîne hié-rarchique, il gagne ainsi une forte crédibilité et a toutes les chances d’emporter l’adhésion du plus grand nombre. Dans l’entreprise, repenser son management doit être l’affaire de tous, faute de quoi, cela pourrait bien n’être l’affaire… de personne ! l

1. études Cabinet Alorem

2. Daniel Goleman a popularisé dans le milieu des années 90, des travaux sur l’intelligence émotionnelle. Lire notamment L’intelligence émotionnelle au travail D. Goleman, R. Boyatsis, A. McKee (Ed. Pearson).

Les RisQues Psycho- sociaux RPs : risques psychosociaux

Facteurs :

- la variation de la charge de travail

- l’affectation de moyens limités

- un raccourcissement des délais

conséquences :

-stress

- Maladies cardiovasculaires

- Dépression

- Troubles musculo-squelettiques

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n période de crise, la communication in-terne se trouve souvent confrontée à un climat de peur. « Peur » ? Un terme pour le moins peu apprécié dans l’entreprise, où on lui préfère celui d’ « incertitudes ». Mais pour les salariés, c’est bien de ce sentiment qu’il s’agit : peur de perdre son travail, peur d’être contraint de changer de poste ou de périmètre de responsabilité, peur de ne pas réussir à atteindre des objectifs ambi-tieux… De fait, en période de crise, on constate que chacun a tendance à se replier sur ses missions les plus basiques, sur son cœur de métier. On se recentre sur ce que l’on sait bien faire parce que c’est rassurant et que cela nous empêche de regarder ce qui ne va pas ailleurs. Pour l’entreprise, cela se traduit par une double peine : des difficultés économiques externes subies, et un repli des salariés qui prennent moins d’ini-tiatives, limitant ainsi la capacité de l’entreprise à re-bondir. La direction se trouve quant à elle confrontée à une autre peur : celle de communiquer, de trop en dire, pas assez, d’inquiéter en abordant des sujets an-xiogènes… Une prudence excessive qui la rend moins loquace, tant en communication externe qu’en interne.

Un travail d’éqUipePourtant, le trinôme direction générale/communi-

cation interne/managers doit former une équipe bien coordonnée, car les salariés n’ont jamais autant besoin d’information, de communication, de proximité et de mise en confiance qu’en période de crise.

Le manager est la première source d’information des salariés1: c’est lui qui informe, explique la stratégie, les projets, les mutations de l’entreprise. Rien ne peut égaler la proximité d’un manager qui s’est approprié

les informations et les outils préparés par l’équipe de la communication interne, qui les commente, les per-sonnalise et qui en discute avec sa propre équipe. Car, rappelons-le, informer, c’est bien, mais cela ne signifie pas pour autant communiquer. La communication fonctionne dans les deux sens et implique forcément du dialogue, des questions, de l’interaction. En période de crise tout particulièrement, la qualité d’écoute du manager permet aux salariés d’exprimer leurs in-quiétudes, leurs doutes, leur interrogations... L’entreprise a également un besoin vital des remontées

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Bien communiquer avec les salariés en période de crise : place à l’échange !en des temps où les prévisions économiques sont plus qu’aléatoires, le manager doit se recentrer sur la dimension profondément humaine de son métier. informer, oui, mais informer en communicant, en échangeant avec ses collaborateurs, c’est encore mieux ! un plaidoyer pour un mana-gement humainement responsable, par guillaume aper.

Par guiLLauMe aPeRDirecteur aDjoint De La coMMunication De jcDecaux, PrésiDent De L’association Française De coMMunication interne (aFci)

La nécessaire prise de parole du dirigeantXSelon une étude Meanings/Harris Interactive de janvier 2013, seule une minorité de salariés (42 %) déclare que leur président directeur général prend la parole régulièrement. XPour 29 % d’entre eux, ce dirigeant ne prend même jamais la parole. Pourtant, le PDG fait partie des trois émetteurs les plus attendus des salariés, juste après les managers de proximité et les syndicats. XLa parole du «chef» est fortement attendue. Il fait partie des trois émetteurs que l’on attend en priorité (300 % des citadins), en troisième position derrière les managers de proximité (39 %) et les syndicats (37 %).XEt surtout, on constate une forte corrélation entre la prise de parole du dirigeant et le niveau de confiance des salariés : ils ne sont que 30 % à lui accorder leur confiance lorsqu’il ne s’exprime pas du tout, contre 70 % d’entre eux lorsqu’il prend souvent la parole.

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d’informations qui résultent de ces échanges, pour identifier les incompréhensions, les malentendus, voire les rumeurs ou les phénomènes de démotiva-tion, et y apporter des réponses concrètes. Bref, il faut laisser le temps au manager de développer sa relation avec ses collaborateurs et l’y encourager, l’inciter à réunir ses équipes pour ménager des moments de communication, en insistant bien sur son rôle dans la remontée d’information. Pour que les managers puissent jouer pleinement ce rôle, il faut une parti-cipation de chacun. Cela implique notamment la direction et la communication interne, qui doit mettre à leur disposition les informations utiles. ,. Pas évident lorsqu’il s’agit de renseignements sensibles tels qu’une réorganisation, une réduction d’effectif, ou de données financières : entre le risque de délit d’entrave pour la DRH et une enquête de l’AMF pour la direction financière, la tentation de ne rien faire est grande. Certaines entreprises, pour permettre à leurs managers de se préparer, n’hésitent pourtant pas à leur mettre des contenus spécifiques à disposi-tion la veille du comité d’entreprise (en indiquant la mention « projet » sur l’ensemble des supports ainsi communiqués). Idem pour les équipes finance d’en-treprises cotées, qui organisent par exemple une conférence téléphonique interne avec les managers la veille des résultats (après clôture de la Bourse).

toUjoUrs anticiperSur le plan social, comme sur le plan financier, le

maître-mot est l’anticipation.Cette dernière ne peut pas être ponctuelle, seulement

au moment des annonces. Elle doit être constante ! Ce n’est que comme cela que les managers développeront une culture économique et financière du manage-ment, qui leur permettra de décrypter les termes de la communication financière : savoir ce que sont les notions de chiffres d’affaires, de résultats, de marges, d’Ebitda, de trésorerie, comprendre les fondamentaux du business model qui sont spécifiques d’un secteur à un autre… La meilleure communication financière en interne passe par des managers qui maîtrisent ces notions, qui se sont approprié les informations à com-muniquer et qui sont rôdés à l’exercice technique de la prise de parole devant une équipe. L’équipe de com-munication interne peut ainsi jouer un rôle de forma-tion et de coaching pour préparer les managers.

Communication interne et direction financière doivent travailler main dans la main2. L’anticipation

et la préparation des managers constituent un enjeu important pour les communicants. Cela suppose qu’ils disposent du contenu suffisamment en avance pour avoir le temps d’élaborer des supports et des messages spécifiques.

Une commUnication hUmaineLa préparation des managers est également un pro-

jet RH. Les entreprises les plus matures sont celles qui ont véritablement travaillé leur style de management ou leur référentiels managériaux : qu’est-ce qu’être manager ? Comment doit-on se comporter ? Quelles sont les pratiques à valoriser ? Par exemple, un mana-ger n’est pas seulement quelqu’un qui donne des infor-mations à son équipe, mais c’est aussi quelqu’un qui la questionne ! On a souvent des managers qui pra-tiquent une communication descendante, mais qui ne permettent pas aux collaborateurs de s’exprimer. En période de crise (et pas seulement, d’ailleurs), il est nécessaire que l’équipe puisse exprimer ses peurs et ses craintes. La communication est loin d’être une science exacte : un projet présenté de la façon la plus positive qui soit peut être mal interprété. Il s’agit avant tout une expérience humaine, qui comporte son lot d’incompréhensions… et seuls des moments d‘échanges permettent d’en réduire les risques.

Comme on dit dans la grande distribution, « monter sur le tonneau » pour communiquer face à une équipe est toujours une prise de risque pour le manager. Il faut faire en sorte que cet exercice soit le plus confortable possible, et qu’il suscite l’échange. Pour s’assurer d’une interaction, certaines entreprises l’organisent en four-nissant un déroulé, un cadre tel qu’une réunion men-suelle avec des sujets déterminés. Chez Danone, par exemple, avant la réunion, le communicant interne reçoit les informations du comité de direction de l’entité, ce qui lui permet de préparer le support.

Les entreprises les plus matures sont celles qui ont travaillé leur style de management

Même lors de grandes réunions, il faut penser à ménager un temps entièrement dévolu à l’échange avec les salariés, à travers des questions/réponses, par exemple.

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Chaque réunion de 45 minutes sur la chaîne doit inté-grer une quinzaine de minutes d’échanges à l’initiative des collaborateurs. C’est un moment privilégié pour prendre du recul et avoir une vision plus large de l’ac-tivité. Cela donne de la visibilité lorsque la situation est bonne, mais facilite également la communication et le dialogue lorsque les temps sont durs. Ces moments permettent de faire le lien entre la situation de l’entre-prise et l’activité des collaborateurs au quotidien. Les entreprises les plus matures en termes de communi-cation interne sont également les mieux armées en période de crise. Ces dispositifs intégrés au fonctionne-ment courant permettent d’aborder des sujets plus compliqués, d’expliquer des mesures temporaires plus difficiles à accepter (plans d’économies, chômage par-tiel, restrictions sur les frais, les déplacements …).

Une remontée d’information pertinente

Au-delà de l’interaction entre collaborateurs et ma-nagers, il est important d’organiser un processus de remontée d’information. Celui-ci présente un double intérêt : d’une part, cela démontre aux collaborateurs qu’ils sont véritablement écoutés par leur manager et la direction, d’autre part, cela permet aux managers de leur dire qu’ils ne savent pas tout, mais qu’ils seront en mesure d’apporter une réponse de manière différée. Ainsi, chez Apicil, qui a défini dans un ambitieux pro-gramme RH son style de management, un manager peut dire « je ne sais pas » et mettre une question « au frigo », le temps d’y apporter une réponse!

En 2013, on ne voit plus le manager comme un surhomme capable de répondre à tout ! D’ailleurs son équipe a depuis longtemps compris que c’était impos-sible pour lui de tout savoir, tout de suite : ce qu’elle attend, ce n’est pas une réponse immédiate, c’est une réponse juste. Comprendre cela simplifie grandement les situations et rend l’échange et la communication plus naturels. Avec la mise en place d’un système de remontée des informations, la communication doit s’engager vis à vis des managers sur un délai de ré-ponse. Ce processus peut parfois prendre du temps pour des questions pertinentes, mais complexes, ce-pendant, les collaborateurs préfèrent attendre que d’avoir une réponse « langue de bois » ou évasive. Les remontées d’informations, en valorisant la parole des équipes, constituent par ailleurs une source très riche tant pour l’innovation que pour l’évaluation du climat social de l’entreprise.

L’équipe du manager n’attend pas de lui une réponse immédiate, mais une réponse juste

Nous vivons à une époque où les business se sont accélérés, où les durées de mise sur le marché se sont réduites. Tout collaborateur, qu’il soit au commercial ou sur une chaîne de montage, a besoin de se situer sur une échelle de valeur. Cette vision d’une commu-nication fondée sur l’échange et la relation n’est pas une conception simplement humaniste. Le fait d’avoir des salariés informés et engagés grâce à la possibilité d’interagir avec leur management contribue grande-ment à la performance économique et sociale de l’entreprise. l

1. À 46 %, la hiérarchie est citée comme vecteur d’information sur les orientations stratégiques de l’entreprise dans l’Etude Afci/ANDRH/Inergie 2011 sur la communication managériale.

2. La DFCG et l’Afci ont travaillé sur un livre blanc commun consacré à la Communication financière interne, qui paraîtra en octobre 2013.

aFciPour connaître l’Association française de communication interne (Afci), ses 500 membres et ses activités : www.afci.asso.fr

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8 règles d’or du manager communicant en période de crise

1 développer la pédagogie sur les résultats et les indicateurs clés de l’entreprise

2 informer factuellement pour que l’émotion ne l’emporte pas sur la raison

3 informer honnêtement : pas de prophéties, de promesses hasardeuses, d’omissions

4 trouver l’équilibre entre l’information qui sensibilise et responsabilise et celle qui fait peur, voire démobilise

5 ecouter les craintes de l’équipe, ses doutes, ses incompréhensions… pour capter les « signaux faibles », traquer les malentendus et la rumeur

6 remonter ces informations à la direction et à la communication pour permettre l’ajustement des discours et des actes de toute l’entreprise

7 remercier, féliciter, célébrer, fêter les victoires, mêmes modestes, pour continuer à donner du sens au travail de l’équipe et conserver une dynamique collective

8 communiquer plus souvent, aller au contact, rechercher le dialogue

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inance & gestion : Quels constats faites-vous sur la place du manager aujourd’hui, alors que la crise frappe de plein fouet le monde du travail ? FaBRice Dauge : Une situation de crise est souvent source de stress. Cela peut engendrer des comporte-ments relationnels qui entraînent une démotivation des collaborateurs. Des objectifs toujours plus ambi-tieux, des procédures de contrôle et de reporting parfois contraignantes mettent sous tension les cadres, qui doivent conjuguer sens des résultats et incertitudes.

Dans ces conditions, on le constate régulièrement, beaucoup de managers ont des difficultés à déléguer, à dire non, et ont tendance à se focaliser sur ce qui ne va pas. Résultat, ils tyrannisent leurs équipes !D’après le modèle de connaissance de soi PCM®1, la personne « en crise » communique avec un « driver », c’est-à-dire un comportement non verbal de « mécom-munication », entraînant un stress qui se transmet à ses collaborateurs. Or, lorsque nous entrons en rela-tion sans considérer l’autre de façon positive, cela entraîne potentiellement des comportements négatifs qui atteignent notre besoin de reconnaissance.Le terme « crise » lui-même créé de la tension, des peurs, de la retenue. Et dans ces cas-là, spécifité bien française on cherche un bouc émissaire : dans l’entre-prise, c’est souvent le manager qui trinque.De façon générale, les organisations sont au-jourd’hui à la recherche d’un management colla-boratif qui décloisonne, favorisant ainsi la transver-salité. Quitte d’ailleurs à abandonner le mail lorsque cela est possible !

Quelles sont les solutions qui s’offrent aux managers, afin de gérer autrement des situations relationnelles aux conséquences parfois désastreuses ?L’assertivité est une approche qui redonne de la valeur à l’autre : elle s’appuie sur le refus d’avoir recours à des comportements à effets négatifs, comme l’agressivité, la soumission ou la manipulation. Il faut reconnaître

que faire passer des messages difficiles – et les rece-voir – de façon positive n’est pas aisée.Et pourtant, la crise nous offre l’occasion de regarder de plus près nos ressources intérieures et celles de nos collaborateurs.

avez-vous un exemple concret ? Je me souviens du manager d’une grande banque qui partait du principe que tous ses collaborateurs étaient incompétents. Son discours était le suivant « Ils sont payés pour faire le job, qu’ils se débrouillent ! J’ai tra-vaillé suffisamment dur pour arriver là où j’en suis, qu’ils fassent de même ! ». Ce comportement créait une ambiance déplorable, une démotivation profonde de toute l’équipe, qui posait des arrêts maladie à répé-tition. Et puis, devant les remarques répétées de son équipe, mais aussi de sa hiérarchie, il a commencé à s’interroger sur sa part de responsabilité. Après un travail d’accompagnement, il a un jour pris conscience qu’il faisait subir à son équipe ce qu’il avait lui-même vécu. Identifier ses besoins lui a permis d’exprimer de façon claire et positive auprès de son équipe ses attentes, en instaurant une nouvelle dynamique, basée sur la confiance.

Motiver ses collaborateurs, même en pleine crise, c’est possible ?Manager avec authenticité, redonner du sens, de la vision, solliciter des feedbacks, cela demande certes du courage, mais lorsque ce climat collaboratif s’installe, la crise est bien plus facile à traverser, et elle rend même plus fort !N’oublions pas, depuis la Chine, nous savons que la crise est aussi une source formidable d’opportunités… alors ouvrons le champ des possibles ! l

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Rebondir grâce à la criseEntretien Fabrice Dauge, coach, nous donne ses conseils pour faire de la crise l’occasion de remettre les relations professionnelles à plat. Plus que de simplement traverser cette période difficile, profitons-en pour y trouver une dynamique nouvelle, basée sur la collaboration !

ProPos recueiLLis Par LauRe DykstRa

Par FaBRice Daugecoach certiFié, accréDité eMcc France, agréé PcM® FonDateur De FDrh consuLting

1. PCM ® est un outil connaissance de soi créé par Taibi Kahler, inspiré de l’analyse transactionnelle.

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inance & gestion : Vous misez sur la performance et l’épanouissement de vos collabora-teurs, comment conciliez-vous ces deux objectifs en temps de crise? MeRRyL cuestas : La crise a une vertu, elle oblige chaque entreprise, chaque organisation à se concen-trer sur l’essentiel. Pour nous, il s’agit d’avoir une politique RH qui reflète notre positionnement et notre spécificité et qui remet l’homme au centre du business. Cette politique fait l’objet de beaucoup d’attention. Elle est le fruit d’une longue réflexion de la part des asso-ciés du cabinet et s’appuie avant tout sur deux piliers : l’agilité et l’engagement des collaborateurs. Cette ap-proche nous permet de nous ancrer dans la réalité du contexte, de développer l’adaptabilité des collabora-teurs, de renforcer leur expertise, de les faire grandir en compétences et de les transformer en leaders d’opi-nion et porte-parole du cabinet auprès des associa-tions, groupes de réflexion dont nous sommes membres actifs et, plus généralement, au sein de leurs écosystèmes. Qui plus est, elle permet également de prouver à nos clients que nous appliquons à nous-mêmes le pragmatisme, la réalité de terrain, l’engage-ment, et qu’au-delà du conseil, nous sommes avant tout apporteurs de solutions.

Pouvez-vous nous rappeler le positionnement du cabinet Provadys ? Nous accompagnons les entreprises dans leurs grands projets de transformation. Le cabinet est ainsi spécia-lisé dans la gestion des risques, les systèmes d’infor-mation et la finance d’entreprise. L’effectif est au-jourd’hui de 50 collaborateurs. Avec 6M € de chiffre d’affaires en 2012, l’activité du cabinet a connu une croissance de 300 % en 5 ans et le cabinet ambitionne

de doubler ses effectifs à l’horizon 2015. Cette crois-sance passe avant tout par le développement des col-laborateurs. Comme je le dis souvent, nous ne pouvons nous développer sans faire grandir nos collaborateurs avec nous.

Vous avez lancé un nouveau programme de manage-ment Rh qui s’intitule « arise 2015 ». sur quoi pré-cisément porte ce programme ?Ce programme s’appuie sur 6 piliers : l’épanouisse-ment, la performance, le leadership, le partage, l’effi-cacité et l’efficience. Ce programme existait déjà, mais il est aujourd’hui complété par des opérations et des actions nouvelles. Il permet avant tout de développer la motivation de chaque collaborateur, à travers l’en-gagement de chacun dans l’entreprise, car chez nous, engagement est synonyme de motivation. Il nous importe de veiller à accompagner le mieux possible le parcours de chacun de nos collaborateurs et le perpé-tuel développement de ces leaders d’opinion.

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L’épanouissement, un levier de performance !Entretien Merryl cuestas, Dg chez Provadys, présente les méthodes concrètes utilisées dans l’entreprise pour garder une équipe motivée, même en temps de crise. ses solutions ? agilité et engagement… mais surtout bien-être et épanouissement ! ProPos recueiLLis Par LauRe DykstRa

Par MeRRyL cuestasDirecteur généraL De ProvaDys

Il faut se recentrer sur les éléments fondateurs de la motivation à travers ses aspects psychiques et psychologiques

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Pouvez-vous nous parler plus précisément du dispo-sitif que vous avez mis en place pour le développe-ment des talents ? En matière de talent et sous le pilier leadership préala-blement cité, nous avons décidé de lancer un pro-gramme de partnership tracking permettant de faire émerger les futurs associés du cabinet. Ce programme est ouvert à tous les managers en manifestant la de-mande. Chaque année, des candidats sont sélectionnés pour être accompagnés dans cette montée en compé-tence. Ainsi, ils bénéficient : - de nouveaux moyens à disposition pour faire croître leur offre de services et étoffer leur équipe ;- des formations sur mesure (management de haut niveau, coaching, formation en technique de commu-nication) ;- une participation au développement de l’entreprise en s’impliquant dans des projets stratégiques internes.

Vous mettez en avant l’engagement, et c’est un mot qui vous tient à cœur, pouvez-vous nous dire ce que ce terme représente dans votre politique Rh ? L’engagement au sein de Provadys se traduit par le management de proximité. Il implique un esprit d’équipe fort, une vraie solidarité, un esprit positif, des encouragements réguliers, une délégation réelle, mais également des récompenses. En période de crise, les possibilités de distribuer des bonus ou de compensa-tions financières sont par essence plus mesurées (voire impossibles dans certains secteurs d’activité), alors il faut se recentrer sur les éléments fondateurs de la motivation (que l’on peut oublier en période faste) touchant les aspects psychiques et psychologiques. Les collaborateurs attachent souvent plus d’importance à ces derniers, car ils s’inscrivent dans leur quotidien et témoignent d’une attention, tiennent compte de leur contribution positive. C’est un signe indéniable de reconnaissance. Inutile donc de ne mobiliser que des sommes consé-quentes pour agir positivement, au contraire, l’atten-tion à l’autre au quotidien est au moins aussi impor-tante pour insuffler une bonne ambiance de travail. En effet, un simple bravo, un pot d’équipe au milieu d’une mission et un repas pour fêter une fin de mis-sion, permettent de créer de l’échange, de la convivia-lité avec les collaborateurs : c’est un témoignage de reconnaissance du travail accompli.

comment entretenez-vous la motivation de vos col-laborateurs ? La motivation doit être travaillée au quotidien. Elle est bénéfique à chacun de nous mais elle ne va pas de soi sans action spécifique. Un collaborateur motivé est un collaborateur engagé. L’engagement se traduit par le développement des compétences. En matière de com-pétences, chaque collaborateur a la possibilité d’expri-mer ses besoins lors d’un point semestriel à la fin de chaque mission. Un bilan des besoins est alors établi. Nous insistons également pour que nos collaborateurs

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développent leur rayonnement externe. Ils sont ainsi encouragés à prendre la parole dans des groupes de travail, des associations, des clubs dans lesquels le cabinet est actif. Tous les collaborateurs, dès qu’ils commencent à encadrer sont invités à s’exprimer.

en dehors du mot « engagement », vous avez parlé du mot « agilité », deuxième pilier de votre politique Rh, qu’est-ce que ce mot recouvre ? L’agilité est un terme aussi important que celui d’enga-gement en matière de RH. En effet, l’agilité consiste à valoriser l’interaction entre les individus, l’aptitude à s’adapter au changement. Pour faire progresser l’agi-lité de nos collaborateurs, nous nous appuyons sur un programme de formation pluriannuelle ainsi que des programmes de certification. Ces deux approches conciliées permettent à nos collaborateurs d’être en permanence au courant des évolutions de leur métier, d’avoir un quart d’heure d’avance par rapport à la concurrence et d’avoir la satisfaction d’être perfor-mant quel que soit le contexte.L’agilité interne se retrouve également dans notre organisation matricielle, qui favorise l’interconnexion, l’ouverture et le dialogue. En effet, chaque collabora-teur a la possibilité de solliciter n’importe quel autre cadre sur un sujet spécifique. Les portes sont toujours ouvertes. Par ailleurs, si tout collaborateur a bien un supérieur hiérarchique, celui-ci n’est pas le seul à l’accompagner et à travailler avec lui. Ce dernier a également un manager référent, en quelque sorte un mentor à son entrée dans le cabinet. L’encadrement peut également varier en fonction des missions et des projets.

Le dialogue et la participation active sont également très présents dans le cadre de cette politique Rh ? Le dialogue est aussi encouragé par la participation à des réunions d’échanges mensuelles, qui réunissent l’ensemble des collaborateurs, pour présenter des sujets qui concernent les activités du cabinet. Celles-ci peuvent porter sur des sujets techniques ou des points de développement interne. Les collaborateurs impli-qués dans un groupe de travail sur un projet rendent leur avis dans le cadre de ses réunions mensuelles. Ainsi, dialogue, rencontres, réunions de travail sont encouragés à travers l’implication et l’engagement de chacun pour contribuer au succès et à la croissance du cabinet. De façon plus festive, nous organisons également un grand événement interne une fois par an pour réunir l’ensemble de nos collaborateurs pendant 2 jours. Le kick-off de l’année s’est fait sur le thème de la cuisine, pour faire émerger créativité et partage et renforcer l’esprit d’équipe.Surtout, en temps de crise, il faut vraiment maintenir ce type d’événement, capital pour assurer la bonne humeur, la solidarité et l’esprit d’appartenance, donc le succès à venir de l’entreprise.

Pour vous, l’agilité au travail, c’est aussi un cadre de vie agréable, au sein de votre cabinet. Pouvez-vous nous décrire votre approche ? Nous attachons beaucoup d’importance au cadre de vie. Ainsi nos bureaux sont accueillants et dyna-miques, ils offrent beaucoup de lumière naturelle à travers de grandes baies vitrées et associent un cadre de verdure à l’ensemble. Le mobilier a été spécialement choisi pour favoriser le bien être des collaborateurs. Le lieu de vie est important, surtout quand on passe de nombreuses heures au bureau. Un cadre qui permet aux collaborateurs d’arriver le matin avec le sourire.Nous mettons aussi l’accent sur le bien-être sportif. Ainsi nos collaborateurs proposent et animent les activités de leur choix. La course à pied a un réel suc-cès et nous participons également à quelques courses comme mécènes. Nous avons également des activités de danse, voile, karting... de façon à satisfaire toutes les envies. Par ailleurs, en termes de mécénat, nous sommes engagés à soutenir l’action de l’association « Aide et Action », qui vise à développer l’éducation et le savoir dans le monde. Nous aidons en particulier un projet au Bénin. Ce programme est participatif et s’adresse à tous les collaborateurs qui souhaitent soutenir le financement de ce programme. Ainsi, chacun peut, de manière automatique, reverser les centimes de sa fiche de paie au bénéfice de l’association Aide & Ac-tion. Le cabinet abonde du même montant les sommes investies par les collaborateurs. Ils participent et de contribuent ainsi positivement au bien-être d’autres.

Qu’aimeriez-vous dire en conclusion ? Pour nous qui œuvrons dans le monde du conseil, nous nous attachons précisément à être bien plus qu’un cabinet de conseil en nous positionnant en « cabinet de solutions ». Pour cela nous nous appli-quons à nous rappeler sans cesse les fondamentaux, à cultiver l’engagement et l’agilité pour chaque colla-borateur, être pragmatique, et surtout, à mettre l’homme au centre de l’entreprise en associant épa-nouissement et compétence. l

Un collaborateur motivé est un collaborateur engagé

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ncourager ses salariés à suivre une forma-tion est un véritable enjeu pour les entreprises… qui se heurtent souvent à des réticences de la part des salariés. Il est vrai que participer à une formation pro-fessionnelle est une manière de s’exposer et de prendre un risque. Mais bien souvent, les arguments affichés pour justifier le refus ne représentent que la partie extérieure de l’iceberg. Les causes profondes de ce rejet sont rarement exprimées, rarement interrogées et rarement traitées, alors qu’elles forment un nœud managérial capital.

Ce sujet soulève quatre points de réflexion. Pourquoi former ses salariés ? Peut-on forcer un salarié à suivre une formation ? Quelles sont les raisons d’un refus de formation ? Comment sécuriser le processus d’accep-tation de la formation ?

des bénéfices de la formationDans un environnement professionnel de plus en

plus compétitif, où les évolutions technologiques sont quotidiennes, ce sont les entreprises qui savent se remettre en question qui sont les plus performantes. Dans ce processus, la formation des salariés est très importante. En 1965 déjà, le théoricien du manage-ment Raymond Meredith Belbin posait déjà le principe de formation tout au long de la vie professionnelle, pour que chacun puisse s’adapter à l’évolution éco-nomique d’un pays. Aujourd’hui en France, l’article L6311-1 rappelle que la formation professionnelle continue a pour objectif de maintenir et de développer les compétences des travailleurs pour « contribuer au développement économique et culturel ». Le développe-ment des compétences est un sujet où entreprises et salariés peuvent se retrouver et partager les bénéfices. En s’adaptant aux changements technologiques, le levier de la formation permet d’améliorer le service

client, de développer de nouveaux produits, de main-tenir l’employabilité des salariés, de les motiver et de prévenir des contentieux. Le défaut de formation – appelé « negligent training » –, à l’inverse, peut coûter très cher à l’entreprise. En effet, si un client ou un salarié est blessé et que l’absence de formation est mise en exergue, l’entreprise est doublement respon-sable. Former ses responsables d’équipes aux tech-niques de communication et à la gestion des relations interpersonnelles contribue à prévenir certains risques psychosociaux.

De manière plus opérationnelle, la formation entre dans le champ de la stratégie de l’entreprise. L’aligne-ment du plan de formation sur les axes de développe-ment de la société, si petite soit-elle, reste un élément vital. L’enquête semestrielle de « la conjoncture des PME » publiée en janvier 2013 par OSEO (depuis juin 2013, OSEO est devenu Bpifrance) montre que l’inno-vation est un élément porteur, y compris dans un contexte économique chahuté. Ainsi, 33 % des entre-prises innovantes pensent augmenter leur activité en 2013, lorsque seulement 15 % des PME non inno-vantes l’envisagent.

Dans ce contexte, la formation des salariés, et plus généralement, de tout adulte en activité profession-nelle (emploi ou période de chômage), apparaît essen-tielle et prioritaire.

Une formation obligatoire ?Quand un salarié pose un net refus à une proposition

de formation, l’entreprise peut-elle techniquement la lui imposer ?

En principe, l’employeur peut prendre seul la décision d’envoyer un salarié en formation, conformément à ses prérogatives. Il exerce son pouvoir de direction et il n’a donc pas besoin de demander son accord au salarié.

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La formation en temps de criseLa formation des salariés, voila un point souvent mésestimé par les em-ployeurs. Pourtant, au-delà des bénéfices personnels que peut gagner chaque salarié, c’est toute l’entreprise qui peut améliorer ses performances. un véritable atout en temps de crise, à condition de bien choisir le stage et de communiquer de façon pertinente auprès de ses collaborateurs.

Par cLaiRe taganD-BattaRDDirectrice -FonDatrice aPtituDes aLternatives

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65 % des salariés suivent une formation pour « s’épanouir sur le plan personnel et professionnel »

les motifs de refusIl y a cependant trois exceptions à cette règle, sans

que cela constitue une faute. La première concerne le bilan de compétences, pour lequel le salarié peut poser un refus. Il peut également refuser une validation des acquis de l’expérience. Enfin, il peut refuser de suivre une action de développement de ses compétences en dehors de son temps de travail. En conséquence, pour toutes les autres formations, le salarié ne peut pas refuser une formation sans un motif légitime (éloigne-ment, enfant malade…).

Cependant, la formation doit rester une démarche qui permet à l’entreprise et aux salariés de se dévelop-per et de s’enrichir mutuellement. Même si elle est inscrite au plan de formation, elle se discute lors des entretiens professionnels ou d’une discussion avec le responsable hiérarchique. Elle ne devrait pas être imposée. Suivre à contrecœur une formation ne per-met pas de mobiliser les ressources personnelles qui sont corrélées à sa motivation. Le stagiaire ne mémo-risera pas et n’acquerra pas de compétences.

identifier les raisons du refusDans le cas d’un refus non justifié, si la sanction

envisagée peut aller du simple blâme au licenciement, dans les faits, l’employeur engage rarement une pro-cédure disciplinaire. Le refus d’un salarié peut se manifester par différentes stratégies d’évitement. Sou-vent mal interprétées, ces techniques de contourne-ment sont rarement l’expression d’une volonté ferme de ne pas vouloir développer ses compétences. La par-tie visible du problème est certes le refus, mais la par-tie cachée est bien plus compliquée. Est-ce que le sala-rié mesure l’intérêt d’une telle formation ? Lui a-t-on expliqué pourquoi ? Le salarié peut percevoir la néces-sité de suivre une formation mais la refuser. Pourquoi ? Par appréhension. C’est d’ailleurs souvent le cas lorsqu’il n’a jamais suivi de formation. Les souvenirs d’expériences scolaires calamiteuses sont également des freins qu’il ne faut pas sous-estimer. De la même manière, les commentaires effectués par des collègues qui ont déjà suivi une formation sont parfois de nature à asphyxier tout désir de formation. Les personnes

autodidactes semblent aussi parfois se tenir à l’écart des formations. Enfin, le problème de l’illettrisme, bien plus récurrent qu’il n’y paraît, joue sur la confiance en soi, et peut constituer un obstacle supplémentaire.

rester attentifDans tous les cas, l’employeur doit être vigilant et

attentif, en prenant le temps de chercher les freins au départ en formation. L’entreprise doit également cher-cher des pistes auprès des managers. Sont-ils enclins à laisser leurs collaborateurs s’absenter pour suivre une formation ? Ont-ils les moyens d’organiser leur service lorsque certains sont en formation ? En décou-vrant les réelles motivations du salarié récalcitrant, ou de son manager, il sera ensuite possible de prendre des dispositions pour aider l’un comme l’autre à par-ticiper à l’effort formation.

bien choisir la formation de ses salariés

Comment accompagner un salarié afin qu’il accepte de suivre une formation. Qu’elle soit courte ou longue, elle suscite forcément des interrogations. Les obstacles à dépasser sont les mêmes.

Une formation spécifique aux adultesRendre la formation accessible à tous les salariés

impose à l’acheteur du stage d’en valider le contenu et le format. Rassurer un futur stagiaire, c’est lui par-ler du programme de formation et de la manière dont elle se déroulera. Un adulte qui suit une formation ne doit pas se retrouver dans une salle de cours pour suivre un cours magistral : les études ont montré qu’un adulte en formation retient seulement 8 % d’un cours magistral, contre 75 % quand il peut mettre en

Un adulte en formation retient 75 % des informations si elles sont transmises par des exercices pratiques !

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œuvre ce qu’il vient d’apprendre ! Le salarié doit avoir accès à une formation de qualité, construite sur les attentes de l’adulte apprenant.

à ce sujet, l’article de la revue Training « 30 things we know for sure about adult learning » apporte des réponses concrètes. Les auteurs Ron and Susan Zemke listent les conditions indispensables pour réussir une formation. Ainsi, certaines étapes de la vie d’un adulte sont de nature à favoriser la prise de décision pour un départ en formation. Les événements familiaux et les périodes de transitions professionnelles sont des mo-ments propices au développement ou au renforcement de nouvelles compétences.

Ils montrent aussi que l’ingénierie du programme de formation est directement liée à la réussite du transfert de compétences. Ainsi, les adultes en formation se présentent avec une multitude de compétences sur lesquelles le formateur doit prendre appui. C’est d’ail-leurs là une différence capitale entre l’enseignement de l’adulte et de l’enfant. Le jeune reçoit des connais-sances qu’il ne discute pas ou peu puisqu’il n’a pas d’expérience pour alimenter cette réflexion. S’agissant de l’adulte en formation, à l’inverse, il n’hésite pas à faire appel à ses expériences professionnelles qu’il chal-lenge à travers les nouvelles connaissances dévelop-pées au cours de la formation.

Enfin, le programme et les séquences de formation doivent permettre à l’adulte en formation de se dépla-cer, car il est moins enclin à rester immobile plusieurs heures. Le formateur doit ainsi varier les canaux d’apprentissage pour faciliter le transfert des nouvelles compétences. De façon générale, la formation profes-sionnelle trouve sa raison d’être dans des programmes proches des besoins et des réalités du terrain.

L’ingénierie pédagogique d’un programme de forma-tion pour adulte doit reposer sur des activités diverses et complémentaires afin de susciter l’intérêt et de maintenir l’envie de progresser tout au long du pro-gramme. C’est la complémentarité des méthodes qui permet d’atteindre cet objectif. Les activités de la for-mation sont variées, en voici quelques exemples pio-chés dans la boîte à outils du formateur : lire un article et le discuter en groupe, écouter une présentation, mettre en œuvre, regarder et écouter un support vi-déo, faire des simulations, filmer et discuter des exer-cices de mise en œuvre. Le formateur doit d’ailleurs veiller à répondre à tous les styles d’apprentissage : visuel, auditif et kinesthésique.

communiquer sur la formation

Provoquer l’adhésion à formation relève de la res-ponsabilité de l’entreprise qui doit rassurer le salarié. C’est d’abord l’écouter afin de comprendre ses réti-cences. C’est aussi communiquer sur les voies de pro-grès, sur le programme, sur la population socio-pro-fessionnelle des participants à ce type de formation. Une étude publiée par la CEGOS en 2012 pose quelques leviers intéressants sur lesquels l’entreprise peut s’appuyer pour accompagner les salariés dans

leur acceptation à suivre une formation. Selon ce son-dage, 65 % des salariés suivent une formation pour « s’épanouir sur le plan personnel et professionnel » et pour « pouvoir mieux accomplir le travail ».

La formation est une question sociétale à ne pas négliger. Il s’agit de défendre un partenariat gagnant-gagnant entre entreprise et salariés. L’enjeu de la com-pétitivité est aujourd’hui, plus que jamais, un sujet capital pour l’entreprise. En contribuant à réinventer un service ou un produit, la formation professionnelle est un enjeu majeur dans une société où les difficultés économiques sont prégnantes. C’est le moment de transformer une menace en opportunité en devenant une entreprise apprenante. l

Les conclusions de l’enquête Cegos sur la formation professionnelle en EuropeXLe Groupe Cegos a interrogé 2 800 salariés et 600 DRH et Res-ponsables Formation dans 6 pays d’Europe (France, Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni) afin de mieux comprendre leurs pratiques et leurs attentes en matière de formation profes-sionnelle. XEn parcourant les résultats de cette enquête, on observe que : - Les salariés interrogés apparaissent de plus en plus matures dans leur relation à la formation, preneurs de toutes les modalités qui leur permettent d’apprendre et conscients des enjeux ; - La formation leur apparaît d’abord comme un levier d’épa-nouissement, personnel et professionnel, puis comme un moyen de mieux faire leur travail. Il y a un écart entre la perception qu’ont les DRH et les Responsables Formation de la maturité des salariés au regard de la formation, et ce que font apparaître les résultats de l’enquête. Ceci peut générer des erreurs de communication, ou encore des malentendus dans l’utilisation des dispositifs d’accès à la formation (comme en France avec le DIF, par exemple) ;- Parmi les salariés non-for-més, certains sont clairement laissés « au bord du chemin » ; - Les solutions mixtes de formation continuent leur progression. Là encore, les «clichés» sur les différences d’appréciation des modalités en ligne, en fonction de critères liés à l’âge ou à la catégorie professionnelle, apparaissent dépassés. Source : http://www.cegos.fr/actualites/Pages/enquete-formation-europe.aspx

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n Europe, on baisse le salaire minimum, on réduit les salaires des fonctionnaires, on cesse d’attribuer des augmentations, les Européens les plus fervents peinent à convaincre de l’utilité d’un salaire minimum fixé dans tous les pays… Alors est-ce bien le bon moment pour parler de rémunération ?

Assurément oui ! La rétribution est au cœur de la gestion des ressources humaines, dont elle est l’une des expressions les plus fortes. La négliger mettrait en péril l’une des formes de reconnaissance les plus vi-sibles qui constitue le fondement de la relation de tra-vail. Sitôt une embellie perceptible, on voit bien que le premier sujet à revenir sur le devant de la scène est la question salariale. à cet égard, l’exemple allemand est tout à fait symptomatique.

Parler des salaires en période de crise est parfaite-ment possible, dès lors que l’on traite la question de manière acceptable et lisible.

expliqUer toUte rémUnération… oU absence de rémUnération !

Autant les salariés peuvent comprendre une modé-ration salariale ponctuelle au regard d’une situation économique globale, d’un contexte local particulier ou de résultats d’entreprise qui ne sont pas au rendez-vous, autant cette situation ne peut pas être prolongée au-delà du raisonnable : l’absence de perspective d’évolution salariale casse le principe même de la ges-tion et la dynamique qu’elle sous-tend.

Les décisions dans ce domaine, peut être plus que d’autres, méritent une transparence et une pédagogie qui sont en général soigneusement évitées par les fédé-rations patronales ou les employeurs. Sujet trop sen-sible ? Poids des traditions sociales ? Peur de la suren-chère ? Déficit de maîtrise de ces questions du côté des organisations syndicales ? Pourtant c’est précisément parce qu’il y a de l’enjeu partagé qu’il y a lieu de mettre

les différents scénarios sur la table ! C’est parce qu’il y a une sensibilité particulière sur ces sujets que les échanges ont une chance d’être constructifs ! C’est parce qu’il faut raisonner et prendre les décisions en pleine connaissance de cause qu’il faut avoir le cou-rage d’aborder ce qui fait peur !

Qu’il s’agisse des grilles salariales conventionnelles de branche, des classifications d’entreprise, des dispo-sitifs d’ancienneté, des augmentations collectives ou individuelles, des périphériques légaux (participation, intéressement…) ou des pratiques particulières (primes, part variable, bonus…), il n’est pas de cas qui empêche de débattre. Le but est d’éviter par dessus tout les décisions incomprises, imposées ou, pire, occultes.

se baser sUr des critères fixesEncore faut-il s’entendre sur les différentes compo-

santes de la rémunération et leur signification.Depuis près de vingt-cinq ans, nous évoquons cette

distinction simple et compréhensible par tous : quand la classification reconnaît le contenu du tra-vail et fixe un salaire minima, l’appréciation indivi-duelle reconnaît la manière de travailler et conduit à une part salariale complémentaire.

E

Rémunérer par temps de criseLa rémunération ? un sujet forcément épineux dans un contexte de res-triction économique. et pourtant, pour Philippe Denimal, la crise est même l’occasion d’user de transparence et de faire preuve de concertation à ce sujet. Les salaires sont au cœur des préoccupations, alors il est temps de ne plus en faire un sujet tabou !

Par PhiLiPPe DeniMaLsocioLogue Du travaiL, consuLtant

C’est parce qu’il y a une sensibilité particulière sur ces sujets que les échanges ont une chance d’être constructifs !

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entre objectivité et subjectivitéLe contenu du travail correspond ainsi aux qualifi-

cations requises, savoirs, savoir-faire, compétences de l’employé dès lors qu’elles sont mises en oeuvre. Il rend compte des éléments les plus objectifs conduisant à la rémunération, qui sont évalués dans le cadre du sys-tème de classification. C’est ce contenu de travail qui obéit à la toujours pertinente injonction « à travail égal salaire égal ».

La manière de travailler correspond pour sa part à la qualité du travail, aux performances ou résultats obtenus, éventuellement aux comportements ou « savoir être ». Elle rend compte d’éléments plus sub-jectifs, mais qui peuvent néanmoins être objectivés pour partie, ayant trait au travail des personnes, qui doit être évalué dans le cadre de l’entretien d’appré-ciation individuelle.

Il est donc possible d’expliquer clairement les raisons d’une éventuelle augmentation de salaire – ou d’un refus – aux intéressés. L’utilisation des différentes variables permet de piloter la rémunération en connaissance de cause, sans avoir à manœuvrer à vue en mélangeant les différents types d’évaluation dans un infâme galimatias. Une technique au demeurant très pratique lorsqu’il s’agit d’éluder un problème, de se cacher derrière diverses interprétations, ou de fuir ses responsabilités.

prévoir les évolutionsS’agissant de l’évolution du contenu du travail, pour

n’importe quel salarié, il est bien légitime, crise ou pas, qu’elle conduise à une reconnaissance particulière et à la rémunération correspondant à la nouvelle situa-tion de travail. Tel est l’objet de la grille de classifica-tion. S’il s’avère que les minima fixés ne modifient pas le salaire réel de l’intéressé, il faudra alors le réévaluer au sens de l’effort personnel produit pour modifier le contour de l’emploi.

S’agissant de la manière de travailler, l’objectif est d’encourager les salariés à maintenir leur niveau de contribution ou à progresser. Désespérer les acteurs économiques ou occulter les efforts consentis pourrait avoir des effets désastreux dans la durée. Encore une fois, une situation financière difficile peut être parfai-tement comprise par le personnel. Mais elle ne peut pas perdurer. Des marges doivent être dégagées à un moment ou à un autre pour reconnaître le travail du salarié et lui donner toute sa valeur.

garder le cap en toUtes circonstances

Lorsque l’on songe aux entreprises qui procèdent à des licenciements économiques, au risque de paraître cynique, il faut bien avoir à l’esprit que les réductions d’effectifs ne constituent pas une raison suffisante pour cesser de poursuivre une saine gestion des sala-riés qui conservent leur emploi. Une bonne gestion passe assurément par le maintien de ce que l’on ap-pelle habituellement les promotions (évolution des

contenus du travail, donc) ainsi que la reconnaissance de la qualité du travail effectué (appréciation des contributions individuelles). Cela n’est possible, légi-time, acceptable aux yeux des salariés et de leurs repré-sentants, que si le dispositif a été élaboré de manière participative ou paritaire, qu’il est formalisé, compré-hensible, partagé, exempt de toutes discriminations. Aucun autre choix n’est envisageable en matière de politique de rémunération : la logique égalitaire, sinon égalitariste, consistant à ne pratiquer que des augmen-tations collectives montre très vite ses limites et ne conduit pas davantage au sentiment d’équité !

Il est à noter que le principe égalitaire peut toutefois être utilisé très intelligemment dans le cadre des dispo-sitifs d’intéressement pour véhiculer ou relayer un mes-sage politique en cas de bons résultats économiques. l

Conseils pour une concertation entre dirigeants et syndicatsXExtrait d’un échange édifiant avec un dirigeant de PME : - Le consultant-sociologue : « Vous ne pratiquez pas d’indivi-dualisation salariale dans votre entreprise ? - Le dirigeant : Non, les organisations syndicales n’en veulent pas. Nous appliquons juste les coefficients de la classification de branche et les majorations conventionnelles éventuelles. - Le sociologue-consultant : Les salariés sont satisfaits de ce mode de fonctionnement ? - Le dirigeant : Non. Alors je donne des primes à qui je veux, l’important étant que cela ne se sache pas ».

X Aux dirigeants qui se satisfont de ces petits arrangements, nous disons non seulement que ces pratiques ne sont pas saines mais qu’elles seront particulièrement contre-productives le jour où elles seront rendues publiques — ce qui ne manquera pas d’arriver, tôt ou tard. Conséquences désastreuses en perspective.X Aux organisations syndicales qui se déclarent hostiles à l’indi-vidualisation salariale, nous disons souvent, compte tenu du prin-cipe de réalité, qu’il vaut mieux discuter des modalités acceptables de cette forme de répartition salariale, plutôt que feindre que cela ne se passe pas en coulisses.X En dernière analyse, chacun conviendra alors qu’il y a lieu de se pencher collectivement sur un vrai sujet, digne d’intérêt et porteur d’enjeux majeurs, qu’il faut de partager avec les intéres-sés, tous partenaires sociaux confondus !

Les leviers essentiels de la rémunération. Classification, compétences, appréciation, Philippe Denimal, éditions Liaisons, 2013

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u cours de la dernière décennie, la culture managériale a progressivement fait croître l’impor-tance de la rémunération variable dans les packages des managers. Au sein de cette dernière, la part qua-litative, vulgairement appelée « note de gueule » parce que laissée à l’appréciation du n + 1, s’est considéra-blement réduite au profit de la part quantitative, cal-culée quant à elle sur la base de formules négociées en début d’année.

des parts vraiment objectives ?...Cette évolution est le résultat d’une forte demande

de la part de plusieurs acteurs. Tout d’abord, il y a eu la méfiance des directions générales quant à la capa-cité du middle management à avoir le courage d’une appréciation juste et différenciée des performances de leurs collaborateurs. Avec des pourcentages de perfor-mance s’étalant parfois de 80 à 100 %, la part deve-nait bien peu « variable » ! La mise en place de parts strictement quantitatives, décidées ou encadrées par une hiérarchie qui en définit les bases et les modalités de calcul, évite de telles complaisances et harmonise les politiques de rémunérations avec les objectifs de la direction générale.

Du côté syndical, la « note de gueule » est habituel-lement critiquée comme le fait de l’arbitraire, en oppo-sition à l’égalitarisme dans la rémunération. Dans un contexte de lutte contre les discriminations de toutes sortes (hommes/femmes, origine, âge, appartenance syndicale...), la part quantitative ne fait pas l’objet du même rejet.

Le mode de calcul des parts quantitatives doit être pertinent un an après avoir été établi. S’il s’agit de l’EBIT du groupe, il est probable que l’indicateur, l’objectif et sa mesure (le mode de calcul) resteront

valides pendant toute cette période. S’il s’agit d’indi-cateurs plus volatils (le résultat net), de périmètres plus restreints (un département ou un service) ou de mesures plus complexes à force d’être affinées (avec des franchises, des accélérateurs, des exceptions), cette pérennité suppose une stabilité de l’environne-ment, de l’organisation et des objectifs. Un état que nos entreprises connaissent de moins en moins : combien de fois avons-nous constaté des réaménage-ments de frontière soudains entre services ou départements commerciaux, ou l’irruption de priori-tés nouvelles et urgentes ?

Les parts purement quantitatives ont généré au fil des années un comportement bien plus grave et insi-dieux. Une attitude de « mercenaire » d’autant plus rapide et forte, que les événements passés ont rendu le calcul des parts, totalement déconnecté de la réalité ou de la perception de la performance réalisée. Ainsi il n’est plus rare que certains collaborateurs de-mandent « ce qu’ils ont à gagner » dans leur investis-sement personnel pour un projet non prévu dans les objectifs de début d’année, et soulignent qu’un tel investissement, en les distrayant de ceux qu’ils

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Les parts variables « quantitatives » : un outil à utiliser prudemment La part quantitative de la rémunération, plus objective, fait peu à peu disparaître la part qualitative, vue comme discriminante. De ce principe en théorie égalitaire, des conséquences néfastes à la performance peuvent découler. comment les éviter ? Les conseils de hugues rougier.

Par hugues RougieRPrésiDent Du Directoire, Fraikin

La performance doit être objectivée par la formalisation de jalons répartis dans l’année et/ou des indicateurs variés.

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consentent sur les autres objectifs, puisse leur porter préjudice.

Pire, le calcul de la performance d’une part quanti-tative devient un travail de contrôleur de gestion et il arrive souvent, dans les grosses organisations, que ce ne soit pas le n+1 qui annonce ce que sera la part variable du n, le privant ainsi d’une occasion précieuse de lui dire en tête-à-tête son appréciation du travail accompli, à une époque où la faible inflation interdit par ailleurs des augmentations individuelles fré-quentes.

Ces inconvénients sont évidemment accentués dans un environnement de crise, par nature fluctuant et à faible visibilité, qui requiert une grande réactivité et une capacité à mobiliser vite et fort sur des actions pas toujours anticipables.

… à condition de définir leUrs principes et leUrs limites !

Pour autant, les parts variables sur objectifs pré-sentent l’énorme avantage d’objectiver par écrit ce qui est attendu des managers. Il est donc possible de les utiliser sans risque, à la condition de respecter les trois conditions suivantes.

Une part significative d’objectifs qualitatifs objectivés.

Ces objectifs qualitatifs doivent être laissés à l’appré-ciation de la hiérarchie directe. Pour en éliminer l’aspect « note de gueule », la performance doit être objectivée par la formalisation de jalons répartis dans l’année et/ou des indicateurs variés. Par exemple : l’amélioration du BFR peut être traduite par un objec-tif strictement quantitatif (nombre de jours de CA) mais aussi reposer sur la mise en place d’un nouveau process (l’objectif qualitatif), dont la performance sera mesurée par une date de mise en œuvre (le jalon), une étendue de son utilisation et un taux de satisfaction par les utilisateurs (les indicateurs). Afin de s’assurer que ces principes sont correctement appliqués, la feuille d’objectifs peut être soumise à l’approbation du n+2, ce qui ne peut que clarifier la compréhension et la cohérence des plans d’actions. Ce principe vaut d’ailleurs pour la revue des pourcentages d’atteinte attribués, avant transmission au collaborateur concerné.

des objectifs quantitatifs aux effets de bord limités.

Lorsque les objectifs portent sur des performances chiffrées (commandes, CA, marge commerciale, EBIT...), il faut s’assurer que leur base de calcul est suffisamment large et non contestable dans son évo-lution pour ne pas générer des effets de bords, voire des effets d’aubaine. à cet effet, on préférera les pre-miers soldes intermédiaires (marge brute, EBIT) au résultat net, qui peut être fortement impacté par des décisions non opérationnelles (dépréciation de good-will, impôts différés,...). De même, on évitera une trop

grande sensibilité de la rémunération à la performance (ex : 0 % si l’EBIT est de 5 % et 100 % s’il atteint 7 %) et si l’on veut malgré tout un gros effet de levier, on prévoira des plafonds, quitte à les définir élevés. Enfin, on réduira l’importance des indicateurs portant sur des périmètres trop restreints (ex : marge d’un projet).

des clauses d’évolution en cours d’année.Même sous la forme d’une clause de style, il vaut

mieux, pour éviter toute frustration ou contestation ultérieures, afficher la possibilité de faire évoluer la grille d’objectifs en cours d’année en détaillant les cir-constances qui le justifieraient. Cela peut être l’émer-gence d’une priorité nouvelle, mais également l’appa-rition de circonstances (réorganisation interne…) qui rendraient non représentatives les formules de calcul. Dans ce cas, il vaut mieux ajuster ces formules en cours d’année, ce qui évite d’être suspecté de tenter de réduire le coût des parts variables. l

Les parts variables en FranceXSelon l’enquête « étude sur l’intégration des critères RSE dans la part variable des rémunérations des dirigeants et des mana-gers » de l’Observatoire sur la Responsablilité Sociétale des Entre-prises, en association avec PwC, réalisée en 2012, en France la situation était alors la suivante : - 19 000 entreprises disposaient d’un système de participation ;- 14 600 disposaient d’un système d’intéressement ;- 6000 ne disposaient d’aucun des deux.XCela correspondait à : - 4,9 millions de salariés du secteur privé concernés par la parti-cipation ;- 3 millions par l’intéressement ;- 2,4 millions par les deux formules.X« Compte tenu de ces éléments et selon une étude menée en 2009 par l’économiste Philippe Creval, la France est le pays euro-péen disposant du plus grand nombre d’entreprises pratiquant la rémunération variable : 51 % en France, contre 28 % au Royaume-Uni, 12 % en Allemange et 3 % en Italie. En prenant en compte le nombre de salariés, plus de 20 % des salariés français ont une rémunération liée aux performances de leur entreprise, 15 % en fonction de leurs performances indivduelles. »

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Mehdi Lazar

Le Qatar aujourd’hui, la singulière trajectoire d’un riche émiratAvec des investissements nombreux, et hétéroclites comme la chaîne de télévision Al Jazeera, le groupe Lagardère, EADS, le PSG, le Crédit Suisse ou Volkswagen, le Qatar interroge. Quels sont les véritables apports de ce richissime émirat qui défraie la chronique en investissant dans des sec-teurs aussi variés que parfois contraires à sa logique sociale et traditionnelle ? Quel est son système politique et social ? Quid de sa politique étrangère ? Et de ses engagements culturels ? L’installation de HEC, le futur musée dessiné par Jean Nouvel, les acquisitions des beaux immeubles et hôtels parisiens (le siège de HSBC sur les Champs Elysées, le Royal Mon-ceau, l’Hôtel de Coislin, l’Hôtel d’Evreux, l’Hôtel du Louvre, etc.), ce sont des milliards d’euros qui proviennent des « gazo-dollars ». Et autant de valeurs positives en direction de l’Occident, de preuves d’un changement ra-pide et volontaire d’une monarchie tutélaire. Un ouvrage exemplaire pour comprendre le rôle économique multidimensionnel et l’inté-rêt de ce petit pays. Pour Mehdi Lazar, la Qatar représente le rapprochement entre deux styles de civilisation que l’on a trop souvent tendance à opposer, tout en concré-tisant un certain choc culturel : pour le Qatar, toutes ces participations et ces investisse-ments s’appellent des trophées ! La chasse est donc ouverte… et les pays qui sont la cible de l’Emir Hamed Ben Khalifa Al-Thani ne semblent pas vouloir courir trop vite pour fuir l’emprise d’un fonds d’investissement aux ressources gigantesques. Bien au contraire ! l Bénédicte Merle

Michalon, 17 € - 240 p.

Pierre Gattaz

Les 7 piliers de la croissanceLa crise actuelle frappe durement les en-treprises, compromettant la croissance du développement de l’économie française, grip-pant les rouages industriels et commerciaux.Avec Les 7 piliers de la croissance, Pierre Gattaz livre ici un vibrant plaidoyer pour les entreprises de toute taille et l’ensemble des

dirigeants et acteurs de l’économie. Au-delà de l’aventure patrimoniale qui est son quo-tidien, le président de Radiall aborde par des exemples concrets les sept piliers qui sont, pour lui, la base du changement et du pro-grès : le cap, la confiance, la compétitivité-coût, la compétitivité hors coût, la cohésion autour de la citoyenneté, la clairvoyance économique et la communication positive. En définitive, fort de ses réflexions person-nelles et de son engagement à la tête de l’organisation patronale qu’est le Medef depuis le 3 juillet dernier, il veut transmettre une motivation exemplaire pour un renou-veau collectif.Au milieu de bien des discours pessimistes, un ouvrage qui offre de multiples réponses aux interrogations que chacun se pose

même si le chemin semble encore bien long et tortueux pour franchir tous les obstacles. l Georges Couvois

Nouveau Monde Editions, 18 € - 244 p.

roGer Guesnerie

L’économie de marchéLe savoir économique à intention scienti-fique sur lequel s’appuie cet ouvrage n’est ni définitif, ni pleinement assuré. Demander à un économiste de rendre compte du savoir et des constructions intellectuelles qui en sont issues peut sembler relever de la ga-geure. L’ouvrage s’efforce de relever le défi et s’attache à restituer sans trop le distordre un large paysage. L’argument cherche à

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LU POUR VOUS PAR DominiQue CHeSneAuLIREVers la fin d’une dépense publique inconsidéré ?

« Plus la France s’enfonce, plus nous renforçons notre modèle d’état dépensier qui nos ruine, et plus nous avons peur de réformer » : avec 60 milliards d’écono-mie !, Agnès Verdier-Molinié passe au peigne fin les différents domaines dans lesquels l’état français a, au mieux, laissé s’installer une gabegie et au pire pris les mesures pour que le pays aille dans le mur. Pour conduire son ana-lyse, l’auteur s’appuie sur un rapport de l’Inspection Générale des Finances « resté secret sur le bureau du Premier ministre ». On relèvera ainsi au gré des chapitres les éléments de l’état administratif qui pourraient faire l’objet de piste de progrès : les ministres sans pouvoir, le matraquage fiscal, le statut de la fonction publique, le culte de la Sécurité sociale, le refus de considérer les usagers, les collectivités territoriales et leurs des dépenses somptuaires inutiles imputées sur les comptes de nombreuses coquilles ad hoc, le droit de grève dans les services publics, l’opacité de l’information relative à la gestion des administrations, le conformisme social, les évaluations fantômes des politiques publiques et territoriales et des fonc-tionnaires... Agnès Verdier-Molinié appuie son constat d’inefficacité de la dépense publique à l’aide de comparaisons européennes.Plus effarant encore, l’auteur constate que des études générales sur ces thèmes paraissent tous les dix ans environ et sont enterrées aussitôt publiées. Un rapport de la Cour des comptes est également transmis au Président de la République et dévoile chaque année son lot de dérives budgétaires. Mais malgré ces différentes alertes, rien ne se passe ! Pour Agnès Verdier-Molinié, les réformes menées jusqu’ici n’auraient été que des « coups », des « deals » conclus entre le Gouvernement et les parte-

naires sociaux : ce qui semblait avoir été reçu dans la main droite a été repris par la main gauche. Aussi, même quand le Président de la République affirme à bon droit que « l’on ne vit pas mieux avec 57 % du PIB relevant de la dépense publique qu’avec 52 % ! », elle exprime ses doutes. Cependant, malgré un argumentaire plutôt convaincant, 60 milliards d’économies ! laisse un peu le lecteur sur sa faim. Si la liste des constats est longue, on ne discerne pas de feuille de route ni de priorités permettant d’atteindre l’objectif. La prise de conscience est la première étape vers la guérison. Mais quelle est la deuxième étape ? Dommage ! l

60 Milliards d’économies !, Agnès Verdier-Molinié, Albin Michel, 18 € - 220 p.

concilier clarté — en évitant la simplification excessive — et rigueur essayant de fuir le parti pris et l’idéologie. La première partie de l’ouvrage envisage le marché sous un double aspect : d’abord comme catégorie historique puis comme catégorie intellectuelle. La seconde partie passe en revue les débats intellectuels et les polémiques politiques que le fonctionne-ment du marché a suscités. Le marché al-loue-t-il bien les ressources ? Conduit-il à une distribution du revenu juste et satisfai-sante ? Favorise-t-il l’innovation et la crois-sance ? La concurrence est elle bénéfique ? Les crises sont elles inévitables ? La troisième partie du livre est consacrée à l’examen de quelques uns des défis aux-quels les économies de marché sont confron-tées au XXIe siècle : la mondialisation éco-nomique, les problèmes de développement durable et les questions du devenir de l’Etat dans une économie mondialisée. Dans ce dernier chapitre, on sent que le parti pris d’objectivité de l’auteur est plus difficile à tenir, mais l’exposé des problématiques reste assez clair pour que le lecteur attentif puisse porter un jugement.Seul regret : sont laissées dans l’ombre les dimensions sociales du sujet. l Dominique

Chesneau

Lepommier, 8 € - 208 p.

thoMas ViLcot

le recrutement responsableLe recrutement est mort, vive le recrute-ment ! L’ouvrage de Thomas Vilcot montre combien le métier de recruteur a changé et a su devenir un acteur-clé dans la perfor-mance des organisations : c’est maintenant un poste incontournable au sein l’entreprise. Un livre dense, divisé en quatre gandes parties, qui s’achèvent chacune par un échange entre deux témoins (un psycho-

logue, la directrice des services aux entre-prises de l’APEC, un coach ou une directrice d’un journal pour l’emploi). Le cheminement de l’analyse est progressif : l’auteur initie tout d’abord le lecteur à la définition du terme « recruter », avant de lui faire décou-vrir ce qui constitue un recruteur respon-sable. Des pistes sont ensuite proposées pour recruter autrement avant une ouver-ture sur le recrutement 3.0. Cet ouvrage démontre avec simplicité et clarté (parfois même avec humour) que le capital humain est bien l’essence de toute société et qui, s’il est géré avec intelligence et pragmatisme, ne peut être qu’un facteur d’évolution pour l’entreprise. Reflet de l’ac-tualité récente, il s’achève par un lien avec le fameux rapport sur la compétitivité de Louis Gallois dans lequel ce dernier préco-nise un rapprochement entreprise/centres de formation professionnelle. Thomas Vilcot signe un ouvrage atypique, qui s’ouvre par la fameuse citation de Mère Teresa : « hier n’est plus, demain n’est pas encore. Nous avons aujourd’hui, commençons ! ». À bon entendeur ! l Bruno de Laigue

Afnor éditions, 23 € - 194 p.

Patrice huerre et Mathieu Laine

La France adolescenteVoilà un ouvrage économique… reposant ! Plutôt que d’abreuver le lecteur de chiffres et de formules mathématiques rébarbatives, Patrice Huerre et Mathieu Laine ont préféré observer la France comme s’il s’agissait d’une personne. Et contrairement à l’idée généralement répandue, ils n’ont pas vu une vieille dame, mais une adolescente. Nos maux actuels seraient donc le résultat des tiraillements que nous vivons lorsque nous passons de l’enfance à l’âge adulte ?Pour analyser comment la France pourrait sortir de la dépression dans laquelle elle se trouve, les auteurs citent Clémenceau : « Ce-

lui qui n’a pas été anarchiste à seize ans est un imbécile ; celui qui l’est encore à quarante ans en est un autre ». Une phrase qui illustre le besoin d’évolution de notre pays et l’ac-tuelle incapacité de nos gouvernants à s’éloi-gner de modèles anciens et inadaptés. La conclusion de cet ouvrage est basée sur 5 principes: sincérité, historicité, curiosité, volonté et liberté. À défaut de résoudre les problèmes de la France, ceci nous les fait voir selon un angle rafraichissant, en insuf-flant un réel espoir de résolution.Un livre qui intéressera tout autant ceux qui veulent en finir avec un mode de pensée uniquement basé sur l’éclairage des écono-mistes patentés que ceux qui veulent com-prendre ce qu’est la sortie de l’adolescence…l Frédéric Pinon

Editions JC. Lattès, 18 € - 259 p.

Viennent de paraître

Exercices de fiscalité des entreprises – édition 2013/2014, par Martial Chadefaux et Maurice Cozian, LexisNexis, 35 € - 380 p.

L’entreprise orientée processus, par Patrick Mongillon et Stéphane Verdoux, AFNOR, 38,50 € - 290 p.

La bible de la négociation, par Alexis Kyprianou, Eyrolles, 29 € - 310 p.

Bien communiquer avec vos interlocuteurs arabes, par Magda Fahsi, AFNOR, 23 € - 168 p.

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LIRE

CRéateuR

michel LescanneIngénieur de l’agroalimentaire, il a eu très tôt l’intuition qu’il était possible de transformer en solutions industrielles les avancées scientifiques des nutritionnistes pour lutter contre la malnutrition.

Date De CRéatION

1986Malaunay, près de Rouen.

eFFeCtIFS

120 salariés

Chiffre d’affaires

100 millions d’euros. L’entreprise met fortement l’accent sur l’innovation et la R&D..

Outil de production

Pour tenir compte des aléas des crises humanitaires, Nutriset s’est doté d’un outil de production qui permet de répondre sans problème à un doublement de la demande.

Malaunay NORMANDIE

réée en 1986, près de Rouen, la société Nutriset, qui a pour slogan « Nourrir les enfants », élabore et produit des aliments nu-tritionnels spécifiques destinés aux populations sous-alimentées des pays du Sud.

à l’époque de sa création, aucun produit spécifique n’existait pour la prise en charge de la malnutrition aiguë. L’aide alimentaire, basée sur les surplus agricoles des pays déve-loppés, ne répondait pas aux besoins nutritionnels des enfants.

Michel Lescanne, ingénieur agroa-limentaire, fonde alors Nutriset pour se consacrer à la recherche de solu-tions nutritionnelles adaptées aux enfants et à leurs conditions de vie.

Cette PME familiale est au-jourd’hui une entreprise reconnue mondialement. Ses produits, majo-ritairement utilisés par les agences des Nations unies et l’ensemble des ONG mondiales, ont permis des avancées sans précédent dans le combat contre la malnutrition.

un aliment révolutionnaire : Plumpy’nut

Aujourd’hui, plus d’un milliard d’êtres humains souffrent de ce qu’on appelle communément la faim. Parmi ceux-ci, les enfants sont, bien sûr, les plus vulnérables : selon l’Unicef, entre 3,5 et 5 mil-lions de garçons et de filles de moins de cinq ans décèdent chaque année des suites de malnutrition ou de maladies associées. La malnutrition tue aujourd’hui plus que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis.

Nutriset a pu développer un mo-dèle original grâce à une conjonc-tion inédite, qui a vu des chercheurs

nutritionnistes, des humanitaires de terrain, des organisations interna-tionales et des entrepreneurs se mobiliser autour de cette grave question de santé publique. En pro-posant le premier aliment thérapeu-tique prêt à l’emploi, Plumpy’Nut, Nutriset a ouvert la voie à une révo-lution. Aliment en pâte ne nécessi-tant pas d’ajout de liquide, conte-nant une formule nutritionnelle spécifique, ce produit permet de traiter toujours plus d’enfants vic-times de malnutrition. Sa facilité d’utilisation a permis de mettre en place une nouvelle approche du traitement. Désormais, il peut être délivré directement auprès des fa-milles touchées par la malnutrition.

une R&D et une production internationales

Plumpy’Nut a ouvert la voie à de très nombreuses recherches scien-tifiques (Nutriset est aujourd’hui partenaire de plus de 60 pro-grammes de recherche dans le monde) ainsi qu’à de multiples ap-plications en termes de produits, ciblant des catégories de popula-tions, telles que les femmes en-ceintes, les nourrissons, les malades du Sida, et concernant les diffé-rentes formes de la malnutrition, aiguës ou modérées. Cette dé-marche s’est traduite par la mise en place du concept d’autonomie nu-tritionnelle pour tous dans les pays du Sud. Cela implique que les solu-tions nutritionnelles que l’entreprise invente et produit doivent être ac-cessibles et disponibles à un nombre toujours plus grand de bénéficiaires, que ce soit à travers le secteur hu-manitaire ou le secteur marchand

à destination des plus pauvres. Parallèlement, afin de rapprocher

l’offre de ses produits de la demande des organisations internationales, Nutriset a mis en place, Plum-pyField depuis 2005, un réseau de producteurs locaux franchisés qui produisent selon les normes inter-nationales des produits de la gamme Plumpy®, fournissant ainsi les ONG ou les organisations internationales des Nations unies au plus près de la demande. Ces centres de production sont présents dans onze pays, en Afrique, Asie et Amérique latine. Créateurs d’emplois, les membres du réseau Plumpyfield constituent un véritable levier de développe-ment pour les pays du Sud. Nutriset s’attache avec eux à développer des filières agricoles locales de qualité, susceptibles de fournir la matière première de ces produits nutrition-nels spécifiques.

C’est donc une action cohérente que Nutriset se construit depuis près de trente ans : partie d’une dé-marche humanitaire, elle s’élargit aujourd’hui à la notion d’autonomie nutritionnelle et d’agroalimentaire responsable, s’inscrivant comme productrice de sens et de valeurs. Si Nutriset a pu ainsi se développer, c’est bien sûr grâce au soutien de ses partenaires financiers, banques et institutions publiques, comme la Proparco ou Oséo, mais surtout en s’appuyant sur son système de gou-vernance familiale qui lui garantit son indépendance de décision et d’action. En 2012, ce sont plus de 5 millions d’enfants qui ont pu être pris en charge par des produits de Nutriset, dont un tiers fabriqués lo-calement. l

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NUTRISET

La faim n’est pas une fatalitéLeader mondial de son secteur, Nutriset fournit au monde humanitaire des produits nutritionnels spécifiques, à l’origine d’une véritable révolution dans le traitement de la malnutrition infantile. D’une PME normande aux Nations unies, portrait d’une entreprise solidaire. PAR SyLVAin ALizAnt DIRECTEUR ADMINISTRATION FINANCES

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RÉUSSITES

> Ateliers dédiés aux spécificités sectorielles 2013

> Sessions communes Toutes Entreprises animées par Philippe Vogt, Associé PwC et les auteurs du Mémento IFRS (Ed. F. Lefebvre)

Entreprises industrielles et commercialesanimé par Philippe Vogt et Olivier Schérer Réorganisations et fermetures de sites, Recherche de financement, Tableau de flux de trésorerie, Actions gratuites, bonus de rétention, Acquisitions, Contrôle et partenariat

Banquesanimé par Patrice Morot

Nouvelles normes obligatoires (Juste Valeur, Offsetting), Forbearance, Dettes hybrides, Futures normes (Instruments financiers, Contrôle et partenariat, Leases)

Assuranceanimé par Eric Dupont et Michel Laforce

Nouvelles normes obligatoires (Juste Valeur, Offsetting), Futures normes (Contrôle et partenariat, Instruments financiers, Contrats d’assurance)

S’adapter à un environnement en forte évolution> L’indispensable pour votre Arrêté des Comptes IFRS 2013Impact des nouvelles mesures fiscales et sociales, évaluations complexes, ...

Avec les Recommandations 2013 de l’AMF commentées en direct par Patrick Parent, Directeur des Affaires Comptables

> Partie spéciale – Pack consolidation (IFRS 10, 11, 12, amendements IAS 27, IAS 28) Pourquoi les entreprises sont-elles toutes concernées ? Revisiter votre périmètre de consolidation, gérer la méthode de la mise en équivalence pour vos partenariats, anticiper la transition

Comprendre les IFRS de demain> Actualité de l’IASB et de l’IFRICNormes définitives attendues pour fin 2013, nouveaux textes et projets majeursEn direct avec Philippe Danjou, Membre IASB

Rapports annuels : comment accroître leur pertinence tout en réduisant leur volume ?> Point de vue des analystes financiers, institutionnels, entreprises et auditeurs

Avec une interview de Jérôme Haas, Président ANC

Programme et inscriptions : www.lesechos-conferences.fr Contact : Nadège BANSARD Tél. : 01 49 53 63 93 e-mail : [email protected]

Tarif : 1 150 € HT (1 375,40 € TTC) la journée - déjeuner compris

Réductions : 20 % sur 2e inscrit, 50 % sur 3e inscrit et les suivants

Journée Arrêté des Comptes IFRS 2013

Entreprises - Banques - Assurance

Vendredi 18 octobre 2013CNIT > La Défense > 8h30 > 18h00

Etienne BorisDirecteur Général

PwC France

Martine CharbonnierDirection des émetteurs AMF

Patrice MarteauPrésident Acteo

Jean-Philippe DorpCFA, Directeur de l’Analyse

Crédit OFI AM

Marie-Pierre Peillon Présidente SFAF

Directrice de la Recherche Groupama Asset Management