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Distribution limitée SS-78/CONF.606/3 Paris, juin 1979 Original : Français
ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE
REUNION REGIONALE SUR LA JEUNESSE EN AFRIQUE
Statut des jeunes dans l'Afrique moderne par rapport aux valeurs traditionnelles et aux choix africains en vue du développement social et économique.
DOCUMENT DE BASE
Les programmes nationaux de jeunesse en Afrique axés sur l'emploi : situations,, problèmes et perspectives a partir de quelques cas significatifs.
Cette étude a été préparée par une équipe de l'Institut international de Recherche et de Formation pour l'Education et le Développement (IRFED) dont la composition était la suivante : M. Roland Colin (France), Directeur général de 1'IRFED : coordinateur et rédacteur principal ; MM. Antoine Richard (France) et Luiz de Sêna (Brésil), experts de 1'IRFED : responsables de certaines études de cas. Les opinions qui sont exprimées dans ce document, ainsi que le choix et l'interprétation des faits qui y sont rapportés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de 1'Unesco.
S O M M A I R E
Avant-Propos
Introduction
PROBLEMES DE TERMINOLOGIE ET DE CONCEPTUALISATION
A/ La conceptualisation s'appliquant à la réalité
sociale africaine __ 5
a) Le concept de jeunesse dans la société africaine 7
t>) Le concept de travail dans la société africaine 9
c) L'éducation et la formation dans le milieu 12
S/ Les interventions, les systèmes du temps de la décolonisation et de l'indépendance et la nouvelle conceptualisation H
a) Les "programmes a haute intensité de main d'oeuvre" et 1 '"investissement-travail" . H
b) Les "programmes spéciaux d'emploi et de formation de la jeunesse en vue du développement" 16
c) Les concepts liés au changement éducatif 19
UN DOSSIER DE REFERENCE : SIX ETUDES DE CAS 21
A/ Le problème du choix d'un dossier de référence 21
B/ Six études de cas . 24
1) Le S ervice national de la jeunesse au Kenya et la situation de l'éducation et de l'emploi 24
2) Le Service civique de Côte d'Ivoire et l'insertion économique et sociale des jeunes. 42
3) Le Service civique national de participation au développement et la problématique d'éducation et d'emploi au Cameroun 57
4) Les Centres d'animation rurale au Mali. L'emploi et la formation des jeunes » 68
5) L'éducation rurale et la participation des jeunes au développement » Une expérience voltaîque 77
6) Les Centres d'éducation populaire intégrée en république de Guinée-Bissau. La formation participante des jeunes et des adultes pour une prise en charge du développement 93
C/ Esquisse d'une typologie raisonnée 109
m . PROBLEMATIQUE ET PERSPECTIVES D'ENSEMBLE 113
A/ Les stratégies observées. Leur portée, leurs limites 114
l/ Les stratégies face à la crise sociale 114
2/ Les stratégies face à la crise économique 117
3/ Les stratégies face à la crise culturelle 119
fi/ Les démarches institutionnelles et leurs cadres 120
C/ Les pratiques de formation et de production.
Méthodes et contenus 122
1/ Pratiques de formation 122
2/ Problèmes de production .124
D/ La signification économique. L'analyse des coûts face à la portée sociale actuelle 125
1/ Difficulté et importance de l'évaluation
en termes économiques 125
2/ Les catégories de coûts et d'avantages 126
3/ Une distinction utile 128
PROPOSITIONS 130
Bibliographie
AVANT-PROPOS
Jeunesse, éducation, emploi - voilà trois domaines qui, pris
séparément et à fortiori ensemble, ne cessent de préoccuper les gou
vernements et les populations des pays africains depuis l'accession
de ceux-ci à l'indépendance il y a une vingtaine d'années. Conscients
des imperfections de leurs systèmes scolaires et en même temps qu'ils
s'efforçaient d'y remédier, nombre de gouvernements de ce continent ont
essayé d'apporter, ou tout au moins d'esquisser, une solution à la pro
blématique complexe qui sous-tend ces trois notions, en créant des pro
grammes spéciaux dont l'objet était de permettre aux jeunes analphabètes
ou déscolarisés de participer concrètement au développement national
tout en leur dispensant une formation pratique pouvant déboucher sur un
emploi. Or, force est de constater aujourd'hui que si des services
civiques, brigades nationales et autres programmes de ce type continuent
à travailler un peu partout en Afrique, les organisateurs mêmes de tels
programmes abordent une phase de remise en question des approches et
options antérieures.
C'est pourquoi l'Unesco juge opportun, à l'occasion de la réunion
régionale sur la jeunesse africaine qu'elle organise en 1979 sur le thème
du "Statut des jeunes dans l'Afrique moderne par rapport aux valeurs tra
ditionnelles et aux choix africains en vue du développement social et
économique", de tenter d'élucider les problèmes auxquels se heurtent les
programmes spéciaux de formation de la jeunesse liés à l'emploi.
A cette fin, 1'Unesco a demandé à l'Institut international de
Recherche et de Formation pour l'Education et le Développement (IRFED),
dont le siège est à Paris, de procéder à la présente étude. Cette étude
vise à identifier les problèmes d'ensemble qui se posent en Afrique à
la grande masse de jeunes sans éducation ni emploi, à analyser un cer
tain nombre de programmes de formation extra-scolaire liés à l'emploi
en situant cette analyse dans le contexte socio-culturel propre aux
pays intéressés, et à proposer des hypothèses de solutions qui semblent
à la fois réalistes et d'une portée suffisante pour permettre le dépas
sement effectif de l'étape actuelle de mise en question que connaissent
les programmes visés.
- l i
li est important de signaler que cette étude est conçue de
façon à contribuer à l'action que déploie 1'Unesco pour mieux cerner -
et aider ses Etats membres à réaliser dans les faits - le potentiel
à la fois pédagogique et économique du travail productif considéré
comme partie intégrante de l'éducation de la jeunesse.
L'Unesco tient à remercier les Etats membres africains qui
ont collaboré à cette étude soit en recevant des visites de spécialis
tes de l'IRFED, soit en lui fournissant une documentation. Le Bureau
International du Travail a également fourni une contribution précieuse
tant en ce qui concerne la conception de cette étude qu'au niveau de
sa réalisation ; 1'Unesco lui en sait gré. Elle exprime, enfin, à
l'IRFED sa reconnaissance pour avoir préparé dans des délais extrême
ment brefs un texte qui constitue une contribution stimulante à la
réunion régionale mentionnée plus haut.
Juin 1979
Les programmes tendant à l'intégration des jeunes dans Remploi
se situent au confluent de trois lignes de préoccupations majeures pour
les pays du Tiers Monde et notamment les pays africains :
. Tenter d'assurer l'emploi optimal dans des contextes où
les paramètres capital et technologie sont, d'une façon assez générale,
en situation faible tandis que le paramètre main d'oeuvre -sans préjuger
du niveau de qualification au départ- est en situation forte (t).
. S'efforcer de faire face au problème de l'accroissement
démographique rapide des classes de jeunes et de l'évolution dominante
de leur poids relatif dans ces mêmes contextes -le groupe des moins de
25 ans atteignant 60 % de la population globale- en permettant à ces
classes jeunes une insertion économique productive et une participation
sociale équitable.
. Contribuer, selon les cas, à la transformation des niveaux
et contenus d'éducation et de formation pour qu'ils répondent sur de
plus grandes masses aux exigences du développement, en sortant des
cycles de reproduction socio-culturels inadaptés résultant des systèmes
scolaires classiques.
Ces programmes n'ont pu rejoindre ces objectifs que de façons
très inégales dans le temps et dans l'espace, mais ils n'ont pas été
étrangers .à cette triple problématique. Le niveau des intentions affirmées
le montre clairement, même si l'on observe, comme dans toutes les poli
tiques de développement sujettes aux pesanteurs des contradictions hu
maines et matérielles, de sérieux décalages entre les projets annoncés
et les réalisations constatées autant par les experts que les respon
sables institutionnels.
(1) Voir, en particulier, la ligne d'action soutenue par le Bureau international du travail et exprimée notamment dans son document : Programmes spéciaux à haute intensité de main d'oeuvre .- Doc. BIT 92-2-OOI703 X, Genève, mars 1977-
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L'objet de la présente étude, rapide et limitée dans son exten
sion géographique, n'est pas d'introduire un procès aussi stérile qu'in
justifié autour des contradictions qui séparent les objectifs des réali
sations, mais d'identifier, à travers quelques expériences significatives
étayées sur une information extensive plus large, les stratégies, les
organisations, les méthodes, les résultats susceptibles d'inspirer des
développements utiles pour le présent et l'avenir, en tenant compte des
spécificités africaines.
Cette mise en perspective appelle, pour prendre tout son sens,
un bref rappel du passé. D'abord, il faut souligner l'importance, dans
la tradition culturelle africaine, des organisations de travail des
classes d'âge -telles, par exemple, les "Ton" des Bambaras et des Malin-
kés du Mali- qui ont eu pour fonction, et ont encore par ce qui en sub
siste, de réaliser l'intégration sociale d'une classe d'âge, garçons
et filles, entre l'enfance et l'âge adulte, tout en effectuant un tra
vail productif socialement utile. Les organisations collectives de mise
au travail des jeunes suscitées par les politiques modernes de développe
ment ont rencontré, donc, sans parfois le mesurer consciemment, une
mémoire socio-culturelle encore vivace et puissante.
La dernière étape de l'ère coloniale, au lendemain de la seconde
guerre mondiale, a vu se poser, dans les pays africains, le problème de
l'organisation moderne des mouvements de jeunesse, marquée par la volonté
de promotion culturelle et aussi de participation aux luttes politiques
de la décolonisation. Les pouvoirs coloniaux en place mettaient en oeuvre
des "conseils de coordination" de la jeunesse et favorisaient la création
de mouvements dérivés des systèmes européens, tel le scoutisme, cependant
que les mouvements politiques lançaient leurs organisations de jeunes. La
trace du "travail forcé" colonial interdisait que l'on s'engage facile
ment dans la voie des grands chantiers de jeunes.
Par contre, dès l'avènement des indépendances politiques, l'on
vit surgir, dans tous les horizons, une mystique de 1'"investissement
humain" liée à la volonté de construction nationale -telle, par exemple,
la réalisation de la "route de l'Unité" au Maroc, au milieu des années 50
Ce travail volontaire libéré, appelé ordinairement par le truchement
d'une mobilisation politique, avait surtout valeur symbolique plus
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qu'économique. C'est dans la première moitié des années i960 que l'on
verra la tentative d'une organisation plus systématique de l'investisse
ment travail en le liant à la mobilisation de la jeunesse : ainsi les
premiers chantiers de jeunes du Sénégal en 1961-62, ainsi aussi les
"Services civiques" du Niger, du Kenya, de Côte d'Ivoire, qui se répan
dent très largement et sont soutenus par l'assistance technique multi
latérale et bilatérale (en particulier l'aide israélienne qui se réfère
au mouvement de pionniers "G-adna"). Les espoirs mis dans ces entreprises
s'annonçant comme d'envergure nationale furent vite mêlés de déception, et
l'on reprenait l'idée, à partir du début des années 70, de rechercher par
des programmes s'adressant à la jeunesse la solution de problèmes d'inté
gration à l'emploi. Ainsi, la Conférence générale de l'Organisation inter
nationale du travail adoptait, dans sa 54e session, une recommandation
(n° 136) "concernant les programmes spéciaux d'emploi et de formation de
la jeunesse en vue du développement".
Cette période récente a été, tant pour les responsables africains
que pour les experts qui se sont associés à leurs efforts, marquée de
déconvenues, de réajustements de leurs illusions, sans exclure pour au
tant certaines réalisations sérieuses. Arthur Gillette a pu écrire ainsi :
"En dépit de leurs réalisations antérieures et de l'enthousiasme qu'ils continuent à susciter, peu de programmes, cependant, semblent avoir dépassé une sorte de stade d'essai, considération faite de l'importance des jeunes touchés et de l'impact produit. La boule de neige semble s'être arrêtée de grossir et il est même possible qu'elle ait commencé à fondre sous le chaud soleil de la réalité" (*)
Cependant, la problématique initiale n'a pas pour autant perdu de
sa force. Le mouvement d'urbanisation galopante sans croissance techno
logique établie à la même échelle et appropriée aux besoins sociaux effec
tifs, avec sa contrepartie d'amplification sans précédent des flux d'exode
(*) GILLETTE (A.).- Les Services civiques de jeunesse dans le développement de l'Afrique rurale. Nouvelles réflexions sur l'art de coiffer saint Pierre sans décoiffer saint Paul.- In Les Cahiers de l'Animation, n° 18, 4e trim. 1977-- p. 31.
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rural, fait du problème de l'emploi lié à la formation et à l'insertion
socio-économique et socio-culturelle la pierre d'achoppement de toute
politique de développement.
A partir de ces considérations liminaires, on peut interroger
les expériences observables pour tenter d'en tirer quelques enseigne
ment s/út i les . L'étude présente développe ainsi sa réflexion en trois
étapes :
. la clarification d'une terminologie et d'une conceptualisation pour
l'analyse des faits ;
. l'examen d'un dossier de référence permettant, à partir de six
études de cas significatives, d'esquisser un typologie ;
. l'élaboration d'une problématique raisonnée et d'une interprétation fon
dant un ensemble de recommandations.
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- I -
Première partie
PROBLEMES DE TERMINOLOGIE ET DE CONCEPTUALISATION
Avant d'aborder l'examen des dossiers d'opérations réunis à
l'occasion de la présente étude, il convient de préciser la terminologie
de base et la conceptualisation qui seront employées, afin de dissiper
les malentendus ou les équivoques fondés sur des interprétation diver
gentes, largement tributaires des différences dans les traditions de
recherche et les elaborations théoriques.
Nous nous efforcerons surtout de clarifier plutôt que de mener
des développements théoriques, en nous référant, dans toute la mesure du
possible, a des faits et des notions sur lesquels existe un consensus
suffisant, tant chez les chercheurs que chez les praticiens spécialistes
des problèmes socio-culturels africains.
Nous aborderons successivement les données du contexte social
lui-même, puis les interventions et les systèmes d'organisation qui ten
dent à sa transformation dans la visée du développement.
A/ LA CONCEPTUALISATION S'APPLIQUANT A LA REALITE SOCIALE AFRICAINE
Il s'agit d'identifier les données de la réalité socio-culturelle
africaine dans sa spécificité, et dans la mesure donc où elle se distingue
des phénomènes comparables observés dans des systèmes non africains, et
particulièrement des pays industrialisés de l'hémisphère Nord. Ceci conduit
souvent à opposer tradition et modernité. Derrière ces concepts, il semble
- 6 -
que se cachsnb nombre d'ambiguïtés. Le premier terme prend souvent une
valeur péjorative par rapport au second qui serait porteur des images du
progrès. Le premier s'opposerait au changement, le second appellerait le
développement. En réalité, si l'on pénètre à l'intérieur du système social,
on constate que ce qui sépare le monde traditionnel du projet de la moder
nisation est très souvent la différence entre l'intelligible et le non
intelligible, entre le monde de l'identité culturelle et celui de l'alté-
rité culturelle. L'écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane a proposé une
interprétation de cette différence et des moyens de la dépasser :
"Les gens de chez moi ne sont hostiles au changement que parce qu'ils ont compris que le changement, revêtu des oripeaux de la modernité, qu'on leur proposait de l'extérieur, consistait précisément à renoncer à leur caractère (...), a leur personnalité, et donc à leur dignité d'hommes. On les conviait à devenir esclaves de modèles étrangers qu'ils ne maîtrisaient pas. Il n'y a pas de tradition chez nous : ce qui prime, c'est l'intelligible de la raison et de la sensibilité étroitement unies. Les comportements sociaux et personnels traduisent la façon la meilleure, la plus digne, la plus efficace d'être un homme. L'exemple des anciens est une donnée fondamentale ; mais les anciens, les aînés, ont le devoir strict de rechercher la meilleure réponse aux besoins de tous dans le moment présent. Toute innovation sera bonne, qui paraîtra comme un éclairage plus profond ou plus large de la capacité d'agir, de maîtriser les moyens et l'environnement dont dispose le groupe dans une complète intelligibilité culturelle."(2)
On peut partager ou non l'analyse précédente, on ne peut pas
échapper de toute manière à la problématique entre tradition et modernité.
Certains la posent en termes de rupture nécessaire, d'autres en termes
de continuité et de dépassements possibles. Chaque politique de dévelop
pement traduit un choix implicite ou explicite concernant cette alterna
tive. Ce choix affectera particulièrement les politiques touchant la jeu
nesse, le travail, l'éducation.
(2) KANE (Cheikh Hamidou).- Economie et culture africaine. Rapports entre tradition et modernité.- Rapport à l'Assemblée générale constitutive de l'Internationale africaine des Forces pour le Développement.-Dakar, 13 avril 1975-
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a) Le concept de .jeunesse dans la société africaine
La réalité sociale africaine est profondément marquée par le
découpage des générations et les relations inter-générationnelles. Les
classes d'âges sont un phénomène quasi général qui module profondément
la vie de toutes les sociétés (3). Ainsi, chaque homme, chaque femme, dès
leur itinéraire d'enfance, se voient intégrés dans un groupe au sein du
quel ils franchiront les étapes de la vie sociale jusqu'à leur mort. Les
classes d'âge ainsi constituées sont à la fois le lieu de l'apprentissage
et de l'action. Les classes d'âges des jeunes sont souvent organisées de
façon spécifique. Ainsi les "samaria" du pays haoussa du Niger, décrites
par Patrick Gallaud (4), qui couvrent l'organisation des jeunes à partir
de 15 ans, jusqu'à souvent 30 ans pour les hommes, jusqu'au mariage pour
les filles.
On constate qu'en Afrique on est perçu comme appartenant à une
classe "jeune" jusqu'à 30 ou parfois même 35 ans, ce seuil d'âge marquant
l'accès aux responsabilités sociales. En Guinée-Bissau, dans le pays balante,
les jeunes de la classe d'âge des "Blufo" ne sont admis à ces responsabi
lités que lorsqu'ils sont passespar le "fanado", rite essentiel de l'ini
tiation, qui se situe vers 25 ans et plus. On note donc une différence
importante avec les systèmes issus des modèles occidentaux, par exemple,
où la majorité civique et sociale se voit reconnue officiellement entre
18 et 21 ans.
Chez les Sénoufo de Côte d'Ivoire, le système d'initiation du Poro,
décrit par Sinali Coulibaly, couvre les étapes de la jeunesse telle qu'elle
est perçue socialement et culturellement. On passe ainsi, à l'âge d'entrée
au Poro, 6 à 10 ans, par la phase initiale "Poworo", la phase intermé
diaire "Kwonro", et l'on accède enfin au "tyolog", phase
"obligatoire si l'on veut jouir de sa citoyenneté à part entière. A ce stade, l'âge des novices varie entre 30 et 35 ans. L'initiation est centrée sur l'intégration totale de l'individu au groupe et sur l'étude concrète d'une déontologie sociale complexe et astreignante. C'est à ce niveau que les vieillards, les maîtres choisis parmi les anciens initiés entrent
(3) Voir, en particulier, EISENSTADT (S. N.).- From generation to generation.-London, 1956.- Et, plus récemment, PAULME (P.) éd.- Classes et associations d'âge en Afrique de l'Ouest.- Paris, Pion, 1971.
(4) GALLAUD (Patrick).- La renaissance des Samaria au Niger. In Les Cahiers de l'Animation, n° 18, 4e trim. 1977.
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réellement en action et jouent, avec les novices, le rôle dévolu aux doctes professeurs des universités européennes."
(5)
L'ensemble du cycle, à travers les trois phases, dure d'ordinaire 21 ans
(trois étapes de 7 ans chacune).
Au Kenya, dans le système antérieur à la colonisation, on ren
contre une organisation comparable, qui a été décrite par le président
Jomo Kenyatta (6), chez les Gikuyu. Les classes d'âge de jeunesse pré
parent au rite de la circoncision qui avait lieu autrefois vers vingt
ans. Le mariage est alors possible et ouvre l'accès à la classe des
"kamatimo", qui n'auront la plénitude d'accès au pouvoir social à tra
vers le "kiama", le Conseil des Anciens, que lorsqu'ils auront eux-mêmes
un fils en âge d'être circoncis.
Les classes d'âge de la jeunesse ont un rôle socialement utile.
Elles exécutent un service pour le compte de la communauté. Ainsi, les
sociétés de jeunes gens et de jeunes filles de la même classe d'âge
chez les Malinké et Bambara du Mali, dénommées "Tô", décrites par
Emile Leynaud qui note que
"dans la notion de tô_, les idées de 'service' et même de service public, d' 'activité obligatoire', sont fondamentales... (...). Auti^ois, les travaux agricoles étaient effectués par les _tô_ pour le compte des vieillards et des nécessiteux du village, il s'agissait d'une espèce de 'service social' et un cadeau symbolique récompensait cette aide bénévole." (7)
Les "Tô", tout comme les Samaria du Niger, ont survécu dans la
période contemporaine et ont servi de référence aux dirigeants politiques
pour l'organisation de la jeunesse. Nous retrouverons ce phénomène pour
(5) COULIBALY (Sinali).- Le paysan Sénoufo.- Nouvelles Editions africaines, Abidjan, 1978.- pp. 98 et suivantes.
(6) KENYATTA (jomo).- Facing Mount Kenya. The tribal life of the Gikuyu.-London, Seeker and Warburg, 1937.- Ed. française, Paris, Maspéro, I960.
(7) LEYNAUD (Emile).- Fraternités d'âge et sociétés de culture dans la Haute-Vallée du Niger. In Cahiers d'Etudes africaines, n° 21, I966, Paris, EPHE.- pp. 41-68.
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les sociétés de jeunes en pays Mossi de Haute-Volta, les Naam, qui cons
tituent le support des nouvelles "pré-coopératives" et qui font l'objet
d'un des dossiers de référence de la présente étude. Tous ces mécanismes
mettent en jeu le travail communautaire, sur lequel il faut porter quelque
éclairage.
b) Le concept de travail dans la société africaine
Ce concept ne peut se comprendre, dans le contexte africain, en
dehors d'une perspective historique. Si l'on donne au concept de travail
la signification générale d'effort productif de biens ou de services en
vue de la satisfaction de besoins humains, on mesure la difficulté soulevée
par la finalité du processus. Il est cependant impossible d'éluder ce pro
blème, qui rejoint toute la réflexion contemporaine sur les objectifs du
développement. Le travail est un phénomène économique, mais c'est en même
temps un phénomène social et culturel, qui est perçu différemment et ré
pond à des besoins différents selon les différences des contextes sociaux
et culturels (8).
Depuis une période récente, or/constate la tendance généralisée
à poser les problèmes du travail à partir du choix et de l'adaptation
des technologies.
Pour tenter de clarifier ces données en fonction de l'objet de
notre étude, nous distinguerons les grandes périodes qui affectent le
sens donné au statut social et culturel du travail en Afrique.
1. Dans les systèmes de la période pré-coloniale, pré
industrielle et pré-capitaliste, on rencontre de sensibles différences
selon la nature des productions dominantes et des pouvoirs politiques
en place. A travers ces différences, on peut identifier des "unités de
production de base", qui sont à peu près généralisées et étroitement
(8) Ce problème n'a pas fait l'objet d'études en rapport avec son importance depuis le premier dossier constitué par Présence africaine en 1952. Le travail en Afrique noire. N° spécial, 13, Présence africaine, Paris, 1952.
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liées au cadre de la parenté. Ce niveau de base est profondément intégré
dans le système écologique et, d'ordinaire, très sensible au respect des
régulations entre les établissements humains et l'environnement. Tous
les processus de travail productif sont régis par des lois socio-
religieuses dont l'un des objectifs est de préserver le caractère repro
ductible des ressources de l'environnement, dans des groupes sociaux
profondément conscients du rapport, fragile et fondamental à la fois,
entre l'homme et l'éco-système. Ainsi, les techniques agricoles, la ges
tion des pâturages chez les éleveurs, mettent en jeu du travail humain
socialement contrôlé pour préserver la satisfaction des besoins du groupe.
Il existe, dans ce cadre, une division du travail entre sexes, entre
générations et classes d'âge, parfois entre castes, avec des rapports
d'inégalité, mais aussi des contre-poids sociaux et la loi reconnue par
tous qui exige la satisfaction des "besoins essentiels".
Cette observation est valable surtout pour les sociétés rurales
ne connaissant pas le pouvoir d'Etat. Dès que naît le système d'Etat, la
division sociale du travail s'élargit, de même que s'accroissent les
échanges au-delà des cellules de base et jusqu'au commerce à longue dis
tance. On sort donc des modèles d'auto-subsistance, et le travail commence
à prendre un sens quelque peu différent. Dans le premier cas, l'organi
sation du travail entre les sexes et les générations se faisait sur la
base d'une réciprocité immédiate et dans le cadre de 1'"auto-suffisance"
(self reliance) du groupe se considérant comme une"société globale" en
miniature dont le système, les valeurs, les règles du jeu, sont connues
et acceptées de la quasi-totalité des membres de cet ensemble social, et
sans "médiation monétaire". Dans cet univers, le concept d'"emploi salarié"
n'a aucun sens.
Dès que les échanges socio-économiques et les rapports de pro
duction débordent le cadre des groupes élémentaires inscrits dans l'espace
familial et villageois, l'échange du travail contre des biens destinés à
couvrir les besoins du travailleur prend un sens différent. Un autre
rapport de pouvoir s'établit. Le système d'inégalité n'est plus rééqui
libré par la réciprocité directe des services et la connaissance tota
lement partagée des règles du jeu.
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2o La période coloniale accentuera de façon radicale les
systèmes d'inégalité, sans a"bolir totalement les rapports sociaux pré
coloniaux. On se trouve alors dans un univers où fonctionnent plusieurs
logiques contradictoires,, Le concept de travail est profondément affecté
par ces contradictions. D'une part, dans le monde villageois continue
d'exister le travail en réciprocité immédiate. D'autre part, l'appareil
colonial ouvre la voie à l'économie marchande déterminée par les dépen
dances extérieures.
Dans un premier temps, le nouveau rapport de domination passe
par d'énormes ponctions de forces de travail par le système esclavagiste (9).
Ensuite, au XIXe siècle s'amorce en Afrique l'ère des grandes conquêtes
territoriales. On exploitera alors la force de travail sur place par de
nouveaux mécanismes.
L'introduction, la plupart du temps par la contrainte, des cul
tures de rente ("cash crops") aboutit à donner une valeur monétaire à
du travail paysan par l'intermédiaire d'un marché contraint où se ven
dent les produits : coton, arachide, cacao, etc. Dans le même temps, le
phénomène urbain se développe à l'image des villes de la société indus
trielle et s'y institue le travail directement salarié. Il s'y ajoute
le "travail forcé", comme prestation directement effectuée au bénéfice
de l'appareil d'Etat colonial ou des appareils privés extérieurs soutenus
par l'Etat colonial, sans rémunération (ou, parfois, avec une rémunéra
tion permettant la reconstitution élémentaire de la force de travail).
3. L'accession à l'indépendance n'a pas effacé toutes ces
images du travail colonial» Si le "travail forcé" a disparu dans les pays
décolonisés, par contre subsiste le travail non salarié des unités so
ciales gardant une forme d'auto-subsistance, mais avec l'interférence
quasi généralisée du travail lié à l'économie marchande : travail paysan
du producteur rémunéré par le marché, travail directement salarié qui
prend place dans le domaine agricole ou industriel, dans le milieu
urbain et rural, dans le secteur public et privé, l'accession au salariat
(9) L'esclavage introduit par la traite des navigateurs se distingue des systèmes d'esclavage observés dans les Etats ou Empires africains pré-coloniaux. Dans le premier cas, l'esclave est une pure marchandise. Dans le second cas, l'esclave a un statut social qui n'exclut pas l'accès à un certain pouvoir ou contre-pouvoir (ainsi dans les armées de l'Empire du Mali ou des royaumes sénégambiens).
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s'accompagnant d'une législation du travail d'inégale portée selon les
Etats.
Ainsi, le concept de travail est rattaché à différents systèmes
socio-culturels, "modernistes" ou traditionnels, endogènes ou exogènes,
et le problème de l'emploi (qui est'la somme de travail humain effecti
vement engagée et rémunérée dans un système économique", pour reprendre
une définition proche de celle de Keynes) est lui-même profondément
affecté par les modèles et systèmes socio-culturels qui régissent les
rapports sociaux de la population considérée.
Les programmes tendant à l'insertion des jeunes dans l'emploi
ne peuvent être compris hors de cette problématique.
c) L'éducation et la formation dans le milieu
L'éducation traditionnelle, l'éducation coloniale et ses séquelles.
Le concept d'éducation, indissociable de celui de formation,
dans la tradition africaine, renvoie, comme celui du travail, à une per
ception globale de la société. Jomo Kenyatta insiste à la fois sur ce
point et sur l'intégration complète de l'éducation dans la vie sociale.
Il écrit, en prenant l'exemple de son ethnie :
"... L'éducation chez les Gikuya n'est jamais achevée ; elle commence le jour de la naissance et ne se termine qu'avec la mort. A chaque degré d'âge correspond un statut parfaitement défini. Les parents sont responsables de l'éducation de l'enfant jusqu'à ce qu'il ait atteint le stade de l'éducation tribale. Ils tendent à inculquer aux enfants la notion que les Gikuyu appellent otaari wa mocie ou kerero kia mocie, c'est-à-dire grandir dans les tradi-tions/aela famille et du clan. Si l'on exclut les établissements ouverts par les Européens, il n'existe pas, chez les Gikuyu, d'école au sens habituel du terme : le foyer est l'école." (10)
Dans nombre de sociétés africaines, l'éducation et la formation
sont prises en charge, dans le schéma traditionnel, à l'intérieur du sys
tème des classes d'âge que nous avons déjà évoqué et qui permet la com
binaison de l'apprentissage avec la participation au travail productif.
(10) KENYATTA (j.).- Au pied du Mont Kenya.- Déjà cité. Ed. franc, p. 98.
- 13 -
On trouve là certains points de rencontre avec la problématique moder
niste des services civiques. Mais il faut souligner l'intégration dans
le village, dans l'unité sociale de base. Un chercheur africain a parlé
récemment, à ce titre, de "micro-université villageoise" (11). Le temps
fort de cet itinéraire éducatif est le rite de l'initiation, la plupart
du temps lié à la circoncision.
Dans les pays d'Islam, de nouvelles formes d'éducation viennent
remplacer ou recouvrir plus ou moins complètement le système pré-islamique.
L'éducation islamique est essentiellement religieuse, mais dans la con
ception d'une religion profondément intégrée aux réalités sociales.
L'école coranique n'est pas une école professionnelle, mais elle tend
à déterminer les comportements individuels et collectifs.
La période coloniale a apporté une nouvelle strate aux systèmes
éducatifs, s'articulant très difficilement avec les précédentes. L'école
coloniale a comme objectif initial de former des auxiliaires du pouvoir
colonial. Elle se caractérise donc par des contraintes de sélection, de
spécialisation et de plafonnement du cursus en fonction du rôle qui lui
est assigné. On verra ainsi se mettre en place deux filières d'éduca
tion et de formation modernisantes : une filière de type urbain, destinée
a former des petits et moyens fonctionnaires, et également des petits
et moyens cadres du secteur commercial ou des entreprises ; une filière
de type rural, destinée à préparer le monde paysan ou celui des éle
veurs à recevoir les consignes de promotion de nouvelles techniques (no
tamment pour les cultures de rente) permettant l'intégration au marché
en fonction de l'intérêt des métropoles (12). Le schéma, à travers des
variantes françaises, britanniques, belges, portugaises, espagnoles,
reste dans la même logique, même s'il laisse apparaître souvent des
contradictions ou des compétitions entre les écoles privées mission
naires et les écoles publiques„
(11) DIACK amadou).- Les aléas de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes au Sénégal.- Mémoire pour le Diplôme de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales.- Paris, 1978.
(12) Voir, par exemple, pour l'Afrique occidentale : BOUCHE (D.).-
L'enseignement dans les territoires français de l'Afrique occidentale de 1817 à 1920.- Paris, Libr. Champion, 1975.
- H -
Au moment des indépendances -et déjà dans la période de transition
précédente- on observe une tentative d'intégration des deux filières dans
des "systèmes d'éducation nationale" qui ont une difficulté certaine à
éliminer les effets de la phase antérieure. L'articulation des concep
tions coloniales de l'éducation et de la formation des jeunes en vue de
leur intégration à l'emploi s'opère de façon logique. La transformation
de ces conceptions ouvre la voie à de nouvelles pratiques et l'on voit se
forger de nouveaux concepts.
B/ LES INTERVENTIONS, LES SYSTEMES DU TEMPS DE LA DECOLONISATION ET DE L'INDEPENDANCE ET LA NOUVELLE CONCEPTUALISATION
Nous pouvons les explorer à partir de trois types principaux de
données :
a) Les "programmes à haute intensité de main d'oeuvre" et 1'"investissement-travail"
L'investissement-travail représente un facteur de développement
dont l'importance a été mise en valeur à partir des années 50 plus spé
cialement. Les économistes qui ont le plus contribué à en étudier l'in
térêt ont fait valoir que, dans des pays où les ressources en capital
sont faibles et où existe une main d'oeuvre inemployée ou sous-employée
très importante, on pouvait obtenir des effets d'investissement consi
dérables à partir de l'utilisation prioritaire du travail humain dans
des projets d'intérêt collectif, à la condition de respecter des méthodes
appropriées. L'exemple du développement de la Chine dans la période à
laquelle nous nous référons a apporté des éléments convaincants pour
illustrer cette thèse.
Un ouvrage récent, élaboré par une équipe du BIT dans le but de
fixer les principes et les cadres méthodologiques devant servir de
support aux "Programmes spéciaux de travaux à haute intensité de main
d'oeuvre", rappelle les analyses de R. Nurkse justifiant sur le plan
théorique l'investissement-travail :
- 15 -
"R. Nurske constate tout d'abord que 'même sans changement dans les techniques de production, une grande partie de la population agricole pourrait être déplacée sans que la production agricole en soit réduite' et, par là, il vise essentiellement la main d'oeuvre familiale des petites exploitations, largement sous-employée. Cette formule (...) pourrait s'appliquer aussi de manière comparable au secteur informel urbain. La main d'oeuvre sous-employée pendant une partie de l'année peut donc être utilisée pour l'exécution de travaux d'infrastructure tout en étant nourrie, comme elle l'était auparavant, par le reste de la population agricole, pour autant que celle-ci n'augmente pas sa consommation ; c'est dire que le chômage déguisé cachait une épargne potentielle. Epargne potentielle dont le montant, d'après Nurske, est bien supérieur aux ressources que pourraient procurer l'imposition de la consommation visible ou un apport de capitaux étrangers. Ainsi, l'accumulation du capital peut-elle être financée dans le cadre même du système existant." (13)
Les "programmes à haute intensité de main d'oeuvre", dans l'esprit
de la recommandation de la Conférence internationale du travail de 1964,
doivent toucher notamment "l'organisation de travaux d'équipement local",
spécialement dans le monde rural. Mais les auteurs de l'étude du BIT de
I977 insistent sur le fait qu'il ne s'agit pas uniquement d'un "grand
programme de petits travaux", mais que ces programmes peuvent comprendre
des "travaux d'aménagement urbain et des travaux de plus grande portée :
routes principales, barrages, etc.", l'important étant que ces projets
puissent s'intégrer dans la planification nationale du développement
d'une part, et que, d'autre part, ils permettent "l'organisation d'une
formation technique progressive, au sein des actions de mobilisation,
des travailleurs sans qualification ainsi utilisés."
Une partie de ces programmesse sont spécifiés pour s'adresser à
la jeunesse.
(13) COSTA (E.), GUHA (S.), HUSSAIN (M.I.), THUY (N.T.B.) PARDET (A.).-L'organisation des programmes spéciaux de travaux a haute intensité de main d'oeuvre : principes directeurs.- Bureau international du travail, Genève, 1977«- Introd. p. 3, citant NURSKE (R.).- Problems of Capital Formation in Underdeveloped Countries.- Oxford, Basil Blackwell, 1953.- Et:LE¥IS (W.A.).- Economie Development with unlimited Supplies of Labour. In The Manchester School of Economie and Social Studies, May 1954=- pp. 139-191.
- 16 -
b) Les "programmes spéciaux d'emploi et de formation de la .jeunesse en vue du développement"
La définition de ces programmes figure dans la recommandation
136 adoptée par la Conférence internationale du Travail à Genève le
23 juin 1970. Aux termes de cette recommandation, les programmes spé
ciaux ont pour objet de
"permettre aux jeunes gens de prendre part à des activités tendant au développement économique et social de leur pays et d'acquérir une instruction, des qualifications et une expérience propres à leur faciliter ultérieurement et d'une manière durable l'exercice d'une activité économique et à favoriser leur intégration dans la société. (...) Peuvent être considérés comme programmes spéciaux (...) ceux qui :
a) répondent à des besoins, en matière d'emploi et de formation des jeunes, qui ne sont pas encore satisfaits par les programmes nationaux d'enseignement ou de formation professionnelle existants ou par les débouchés normaux du marché de l'emploi ;
b) permettent à des jeunes gens -en particulier ceux qui sont en chômage- qui possèdent une instruction ou des qualifications techniques dont la communauté a besoin aux fins du développement, notamment dans les domaines économiques, sociaux, de l'enseignement ou de la santé, d'utiliser ces qualifications au service de la communauté."
A partir de cette définition générale, on relève une série de
réalisations qui, tout en gardant des objectifs généraux comparables,
varient sensiblement dans leurs formes. On peut faire mention des princi
paux travaux qui ont contribué à éclairer la conceptualisation se rap
portant à ces programmes.
L'une des premières études significatives est celle de Georges-
Edouard Bourgoignie, en janvier 1964, "Jeune Afrique mobilisable", où
l'auteur distingue deux grandes optiques dans l'intégration de la jeu
nesse "désoeuvrée ou sous-employée dans l'action harmonisée de dévelop
pement". La première implique une participation spécifique et isolable
de la jeunesse :
"On peut tout d'abord concevoir la création de nombreux petits' centres, chantiers volontaires ou autres, avec un but de résorption du désoeuvrement et d'éducation complémentaire. Ces centres se multipliant et faisant apparaître dans leurs résultats des bases solides quant à une action
- 17 -
mobilisatrice, se muent alors éventuellement en service obligatoire. Ce service civique encadre les jeunes, les éduque, pour ensuite les/renvoyer dans leurs milieux respectifs qu'ils animeront par leur exemple."
La seconde optique préconise une participation plus diffuse, plus in
tégrée au milieu social :
"On débutera par une animation globale de la population, jeunes et adultes, en vue de provoquer une prise de conscience de la situation réelle du pays, de la région, du village, et par là pousser à l'action, au self-help. Dans ces résultats concrets, on intégrera les centres de jeunesse, les chantiers, volontaires d'abord, éventuellement obligatoires par la suite dans le cadre d'un service civique. La mobilisation de la jeunesse se voit ainsi intégrée à l'animation de base, bien plus, à ses résultats, et, par là, elle participe aux travaux, à l'effort gratuit issu de la prise de conscience." (14)
En janvier 1966 paraît le numéro spécial de la Revue interna
tionale du Travail : "Special Manpower Mobilisation Schemes and Youth
Programmes for Development Purposes" (15), qui donne un échantillon
d'études de cas très éclairants.
En 1972, les problèmes de la jeunesse africaine et de son inté
gration dans les processus du développement sont abordés dans deux ren
contres importantes : la Table ronde "Formation, Action pour le Déve
loppement", organisée par le Bureau régional de 1'UNESCO de Dakar, et
la Conférence de 1'UNICEF qui se tient à Lomé sur le thème "Enfance,
Jeunesse, Femmes et Plans de Développement".
En I977, paraît à Washington, une importante étude d'évaluation
sur les "Services pour le Développement" ("Service for Development")
qui étudie, à travers un large déploiement international d'études de
cas ordonnées selon une typologie, les objectifs, l'organisation, les
politiques, les rapports de coopération, des systèmes tendant à la mobi
lisation de la jeunesse pour le développement (16).
(H) BOURGOIGNIE (Georges-Edouard).- Jeune Afrique mobilisable.- Montréal , 1964.- pp. 108-109.
(15) Revue internationale du Travail.- Vol. 93, nc 1, janv. I966.
(16) PINKAU ( Irène).- Service for Development. An Evaluation of Development Services and their Cooperative Relationships. (Vol. i).-Washington DC, August 1977.- Compendium of Development Services. (Vol. IE).- Washington DC, June 1976
- 18 -
Dans le même temps, les Cahiers de Recherche en sciences so
ciales "Rural Africana" de l'Université de Michigan, publient deux
numéros spéciaux dirigés par John ï. Hanson et Robert C. Morris sur
"Les schémas nationaux de mobilisation de la jeunesse pour la forma
tion et l'intervention dans le développement rural." (17)
Dans la recherche d'une clarification de la conceptualisation,
nous nous référerons à l'analyse faite par Archibal Callaway, dans ses
études rassemblées par Rural Africana , sur les programmes nationaux
des services de jeunesse, qui embrasse un large ensemble de données.
" (ï) Les dénominations des programmes comprennent : les 'Jeunes pionniers', le 'Service civique', les 'Camps de travail', les 'Corps de Jeunesse', le 'Service national de Jeunesse'. La durée du service varie d'une période de trois mois à deux ans. Dans certains cas, le service est organisé par périodes intermittentes. Le nombre des jeunes recrutés varie de plusieurs centaines à plusieurs milliers. Il y a de profondes différences touchant l'origine, l'âge, le niveau d'éducation, et le statut d'emploi des participants. Les jeunes femmes ne sont touchées que dans certains de ces programmes et, même dans ce cas, seulement en petit nombre. Les programmes de service à plein temps pour les jeunes de haut niveau d'éducation sont rares.
" (2) La majorité des programmes met l'accent sur le développement rural. Les jeunes provenant de familles rurales constituent la majorité des recrues de la plupart des programmes.
" (3) Quelques programmes cherchent à remédier aux déficiences d'éducation générale des participants en introduisant une éducation civique. D'autres apportent de façon dominante une formation professionnelle', soit dans des cours formels soit comme partie du travail. Ainsi note-t-on d'importantes différences dans les proportions entre l'éducation générale et la formation spécialisée, dans l'insistance que l'on met sur l'éducation civique orientée vers les objectifs nationaux et dans les méthodes d'éducation.
" (4) Dans certains programmes, les participants sont impliqués dans des travaux liés à des projets. Dans d'autres, principalement dans les zones rurales, le service envers la communauté prend la forme d'une fonction d'encadrement après une période de formation.
(17)HANS0N (J.W.) and MORRIS (R.C.) (éd.).- National Youth Mobilization Schemes for Training and Service in Rural Development. Part I. In Rural Africana, n° 30, Spring 1976. Part I, n° 31, Pall 1976.-Publications of the African Studies Center, Michigan State University.
- 19 -
" (5) Des variations apparaissent dans l'accent mis sur les projets ruraux ou urbains, sur les modalités administratives, le contenu du programme, et dans l'assistance donnée aux jeunes pour leur établissement, une fois terminé leur temps de service, et également dans le paiement de leur travail.
" (6) Presque tous les programmes sont fondés sur un recrutement volontaire ; peu ont un recrutement obligatoire, peu également un régime para-militaire..." (18)
Ces analyses mettent en évidence l'importance de la dimension
éducative dans la plupart des "Services des jeunes pour le développement".
c) Les concepts liés au changement éducatif
Nous avons évoqué la crise éducative comme l'un des éléments
essentiels des contradictions sociales léguées par la période coloniale.
L'une des tâches essentielles que vont s'assigner les politiques de
développement, dès le début des décolonisations africaines, vers le
milieu et la fin des années 1950, consistera à promouvoir de nouveaux
systèmes d'éducation pour sortir de la dépendance. Dans un premier temps,
on met l'accent sur les aspects quantitatifs, on évoque le "retard", la
faiblesse des taux de scolarisation et la nécessité d'une généralisation
rapide de l'accès à l'éducation moderne. Ce grand mouvement est contraint,
au bout d'une décennie à peine, à des révisions déchirantes.
On mesure, d'une part, les limites économiques de l'effort en
trepris. En effet, nombre de pays africains atteignent un plafond dans
l'investissement éducatif sans avoir pu scolariser la moitié de la popu
lation visée (ainsi, au Sénégal, pour un taux de scolarisation avoisi-
nant 40 %, le budget de l'Education nationale représente plus de 30 fo
du budget général de l'Etat). On ne peut donc maintenir l'objectif de
la généralisation de l'enseignement sans transformer profondément le
système, en allégeant la charge qu'il représente. Mais le problème est
également et surtout qualitatif. Les systèmes éducatifs classiques ne
(18) CALLAWAY (Archibald).- Objectives and General Principles of National Youth Service Programs.- In Rural Africana, n° 30, jam cit., p. 17.
- 20 -
peuvent assumer les objectifs du développement, la participation so
ciale et l'intégration à l'emploi. La Conférence de l'UNESCO des Mi
nistres de l'Education des Etats membres d'Afrique (MINEDAF) qui s'est
tenue à Lagos du 27 janvier au 4 février 1976 s'est tout particulière
ment saisie du problème de la transformation des systèmes éducatifs
afin de voir comment assurer une "éducation de base" pour tous. L'un
des documents préparatoires à la Conférence note :
"Dans maints pays d'Afrique, nombre de jeunes terminent leur scolarité primaire, mais beaucoup d'entre eux ne parviennent pas à trouver d'emploi parce qu'ils possèdent en fait très peu ou pas de connaissances professionnelles. La tâche principale de nombreux gouvernements est donc de leur donner un bagage qui leur permette de s'intégrer aux structures de production sans dépeupler les zones rurales." (lg)
Le même document présente ainsi neuf expériences africaines
d'innovations éducatives tendant à répondre à ces exigences. On voit,
par là, à quel point la problématique des réformes éducatives rejoint
celle des "services pour le développement" et des "programmes spéciaux
d'emploi et de formation des jeunes en vue du développement".
Ainsi, procédant d'un certain désenchantement, la conviction
semble s'établir, dans la fin des années 70, chez de nombreux respon
sables politiques, administratifs ou experts, que ces différentes
lignes d'action ne peuvent fonctionner seules, qu'il est nécessaire de
procéder à des analyses globales pour fonder des réformes plus profondes.
Cette exploration des données de base et des concepts nous
permet d'aborder plus solidement le dossier des études de cas que nous
avons rassemblées pour fonder une réflexion critique et prospective.
(19) Bureau international d'Education. UNESCO. Paris, 1977.- Réformes et innovations éducatives en Afrique. Etudes préparées pour la Conférence des Ministres de l'Education des Etats membres d'Afrique. (Expériences et innovations en éducation, n 0 34).
- 21 -
- II -
Deuxième Partie
UN DOSSIER DE REFERENCE
- SIX ETUDES DE CAS -
LE PROBLEME DU CHOIX D'UN DOSSIER DE REFERENCE
Il n'était pas possible, dans le cadre de la présente étude, de
réunir les éléments originaux d'un dossier rigoureusement représentatif
des programmes nationaux de jeunesse axés sur l'emploi. Il aurait fallu
engager des moyens beaucoup plus importants et disposer d'un délai très
sensiblement plus long pour aboutir à un travail de plus grande ampleur.
Cependant, nous nous sommes efforcés de rassembler un certain échantillon
parmi les expériences qui nous étaient accessibles, permettant d'explorer
les problèmes essentiels que l'on peut se poser sur les programmes qui
nous intéressent, à travers une gamme de contextes suffisamment divers.
Il est clair que ce que nous présentons comme"études de cas" proprement
dites dans un dossier de référence, et qui ont pu fait l'objet, à une
exception près, d'investigations récentes sur le terrain, ne nous dis
pense pas de recourir à l'ensemble des données disponibles sur ce thème
qui a fait l'objet de travaux estimables dont nous avons donné un aperçu
dans le paragraphe précédent. Notre objectif, en menant ce travail de
terrain complémentaire, était de pouvoir actualiser les analyses con
cernant quelques expériences importantes, afin de saisir l'évolution de
la problématique de la formation et de l'emploi des jeunes dans ses
développements les plus récents. Nous ne pouvons dire en aucune façon que
l'ensemble d'investigations faites couvre nécessairement tous les cas les
plus significatifs et les plus importants.
- 22 -
Il y aurait donc danger à procéder à une extrapolation trop
rapide et non compensée par le recours à un système de références
élargi « Sur ce dernier point, nous avons pu bénéficier de consulta
tions précieuses auprès des banques de données informatisées du BIT à
Genève et du Bureau international de l'Education de l'UNESCO, également
à Genève. Les points les plus importants de ces consultations documen
taires seront repris en annexe bibliographique.
Le dossier de référence concerne le Kenya, la Côte d'Ivoire,
le Cameroun, le Mali, la Haute-Volta, la Guinée-Bissau. Entre janvier
et avril 1979, des experts de l'IRFED se sont rendus en mission dans
ces différents pays, à l'exception de la Haute-Volta. Pour ce dernier
cas, en effet, des études récentes ont été menées sous les auspices de
1'UNESCO et ont fait l'objet d'un document publié par la Division de
l'Etude du Développement (20) et qui touche précisément l'opération
d'organisation-formation des jeunes en vue de leur insertion économique
et sociale. Des travaux de recherche universitaire s'y sont ajoutés, qui
nous ont permis d'aboutir à une synthèse pouvant s'intégrer dans la
gamme de référence.
Les expériences de ces pays touchent :
- des pays francophones (Côte d'Ivoire, Mali, Haute-Volta et, pour par
tie, Cameroun) ;
- des pays anglophones (Kenya et, pour partie, Cameroun) ;
- un pays lusophone (Guinée-Bissau).
Par ailleurs,elles mettent en jeu des pays d'Afrique de l'Est
et d'Afrique de l'Ouest (Kenya d'une part, Mali, Haute-Volta, Côte
d'Ivoire, Guinée-Bissau de l'autre, avec le Cameroun plus proche de
l'Afrique centrale).
(20) OUEDRA0G0 (L.B.) et MIGNOT-LEFEBRE (Y.).- Participation et auto-développement. Le cas des groupements NAAM au Yatenga en Haute-Volta.- UNESCO, Division de l'Etude du Développement, Paris, 1978. Rapports/Etudes PAR. 1.
- 23 -
Elles concernent des pays du Sahel (Mali, Haute-Volta) et des
pays côtiers (Guinée-Bissau, Côte d'Ivoire, Cameroun) ; des pays du
monde bantou (Cameroun, Kenya pour partie) et de civilisation souda-
nienne (Mali, Haute-Volta). Enfin, des différences marquantes séparent
les politiques économiques et sociales, se référant au libéralisme éco
nomique (Kenya, Côte d'Ivoire) ou à l'économie socialiste planifiée
(Guinée-Bissau).
Telle est la lecture que l'on peut faire de la stratification
d'un échantillon dont on peut ainsi mieux percevoir la richesse et les
limites. Des circonstances contraires ne nous ont pas permis de pouvoir
compléter comme nous l'avions projeté notre dossier de travail par cer
taines études de cas de grand intérêt. Cependant, les données déjà
accessibles sur les programmes de jeunesse de ces pays ne seront pas
absentes des réflexions de synthèse prolongeant l'étude des références
rassemblées.
Pour chaque étude de cas, il n'était pas possible, dans le
cadre d'un document de format restreint, de présenter un tableau complet.
Nous nous sommes efforcés, à partir de la matière rassemblée, d'élaborer
une fiche de synthèse donnant l'essentiel et construite, dins toute la
mesure du possible, selon un schéma comparable sinon rigoureusement iden
tique, mettant en évidence successivement :
1 . la structure démographique et la place de la jeunesse
en son sein ;
2. la situation de l'économie et de l'emploi ;
3. la situation de l'éducation formelle et non formelle (21 )
4. le programme de jeunesse axé sur la formation et l'emploi,
objet particulier de l'étude.
Les références bibliographiques devraient permettre de se repor
ter aux sources d'informations complémentaires pour chaque pays.
(21) Nous n'avons pas abordé la situation de l'enseignement de niveau universitaire qui ne concerne pas directement les problèmes évoqués dans la présente étude.
N.B. Au 22 mai 1979> les taux de conversion des monnaies des pays évoqués dans les études de cas étaient pour un dollar des Etats-Unis : 218 F CFA (Haute-Volta, Côte d'Ivoire) - 416 F Maliens — 7,43 shillings kenyan — 34,50 pesos de Guinée-Bissau.
- 24 -
@ SIX ETUDES DE CAS
0 Le Service national de la jeunesse au Kenya et la situation de l'éducation et de l'emploi
1/ Les données démographiques et leur évolution
Le Kenya est un des pays africains où la croissance démogra
phique est la plus forte. Les services d'études statistiques du minis
tère des Finances et du Plan ont proposé quatre scénarios d'évolution
de la population selon les hypothèses d'un taux de croissance en pro
gression ou en régression (ï). On peut présenter les deux extrêmes.
Projection forte Projection faible
Années Population totale
(en milliers)
Taux annuel de croissance
1o
Population totale
(en milliers)
Taux annuel de croissance
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
11 247
13 413
16 053
19 310
23 302
28 213
34 286
3,58
_ _ 3,65 - -
3,76
3,82 __-
__ 3,90
3,98
11 247
13 413
15 752
18 186
20 521
~22 626
24 249
3,58
3,27
2,97
2,44
.1,97
-1,35
(ï) Ministry of Finance and Economie Planning. Statistic Division.- The Future of the Growth of Kenya's Population and its Consequences.- In Kenya Statistical Digest, June 1971, pp. 1-7-
- 25 -
L'évolution des classes d'âges sur la même période et selon les
mêmes sources donne, en conservant les deux scénarios extrêmes :
0) hypothèse forte (?) hypothèse faible
(en milliers)
Années
I97O
I98O
I99O
2000
Population pré-scolaire
(0-5 ans)
(1) 2 556
fc) 2 556
0) 3 780
fc) 3 480
(1) 5 536
© 3 618
(1) 8 192
(2) 2 920
Population scolaire primaire (6-12 ans)
(1) 2 235
(2) 2 235
(1) 3 235
(2) 3 235
(1) 4 795
(?) 3 997
(1) 7 067
(2) 3 908
Jeunes entrant sur le marché de l'emploi (15-19 ans)
(1) 1 187
(?) 1 187
(1) 1 162
® 1 162
(1) 2 448
(?) 2 448
(1) 3 627
(?) 2 847
La population rurale représentait environ 90 % au début des
années 1970 (2)0 La croissance urbaine a tendance à s'accélérer, sur
tout au profit de Nairobi (pour cette dernière ville, le taux passe
de 6,5 % par an pour la période 1948-1962 à 10,5 % pour 1962-1969).
2/ L'économie et l'emploi
Indépendant depuis décembre 1963, le Kenya a choisi une poli
tique de capitalisme libéral. Le taux de croissance de l'économie a été
élevé, restant dans les moyennes de 6,5 à 7 % par an au long des quinze
dernières années (7,3 % en 1977, à prix constants), avec une certaine
chute entre 1970 et 1974- Le taux de formation brute de capital fixe a
dépassé 23 % à partir de 1970»
(2) International Labour Office-- Employment, incomes and equality. A Strategy for increasing productive employment in Kenya.- Geneva, 1972.
- 26 -
La dominante du secteur agricole reste forte, mais l'importance
de l'industrie et du tourisme s'accroît considérablement.
En 1977, la part de l'agriculture dans le produit intérieur
brut atteint 38,3 $>, contre 32,9 en 1976 (3). La forte croissance en
valeur a été due en particulier à l'aug>-mentation sensible du prix du
thé et du café. La production agricole est très diversifiée (céréales,
café, thé, sisal, pyrèthre, sucre, bétail, etc.).
L'agriculture reste encore profondément marquée par la poli
tique des grands domaines d'exploitation modernes donnés à des colons
blancs du temps de la colonisation.coexistant avec une agriculture tra
ditionnelle faiblement équipée et aux exploitations très réduites
(2 à 5 hectares). Au début des années 70, on notait que les paysans
pauvres rejoignaient le groupe des paysans moyens ou émigraient vers
les villes (4).
Dans le domaine de l'industrie, la plus grande part de l'appa
reil de production est sous le contrôle des sociétés multinationales,
mais la bourgeoisie d'affaires nationale joue un rôle croissant. La
part de l'industrie dans le PIB est de l'ordre de 15 % et le taux annuel
de croissance industrielle a atteint régulièrement 8 ou 9 /». Les objec
tifs fixés par les plans de développement ont été surtout de faire une
politique d'"import-substitution" en transformant les matières pre
mières locales.
La croissance de l'économie kenyane, tant dans le domaine de
l'agriculture et de l'industrie que dans celui des services (tourisme
en particulier), ne supprime pas pour autant le problème de l'emploi.
En effet, il existe un déséquilibre sérieux, mis en évidence par le
rapport du BIT de 1972 (2), qui tient pour une bonne part à la non-
(3) Republic of Kenya.- Economie Survey 1978.- Ministry of Finance and Planning, Central Bureau of Statistics.
(4) Voir : COWEN (M. P.).- Notes on Capital, Class and Household Production.- University of Nairobi, 1976.
- 2 7 -
concordance des créations d'emploi effectives et des aspirations des
demandeurs d'emplois que l'influence des modèles socio-culturels du
monde urbain et modernisé tend à détourner des emplois ruraux de
moindre prestige» Les données de l'éducation éclaireront mieux ce pro
blème .
Le tableau de la structure de l'emploi en 1969 donne une
bonne idée du système socio-économique kenyan (5) :
1 . Seçtgu.r_moderne
. Agriculture et forêts 179
. Secteur privé autre 211
. Entreprises publiques ou para-publiques 58
. Gouvernement central et local 179
- Total du secteur moderne
2. Secteur_traditionnel
. Agriculture„ Emploi non salarié familial 1 300
. Emploi salarié 400
. Artisanat traditionnel et services 250
. Eleveurs 350
- Total du secteur traditionnel
3. Seçteur_in^termédiaire
. Auto-emploi rural 110
. Travail salarié rural 80
- Sous-total rural I90
. Auto-emploi urbain 55
. Travail salarié urbain 45
- Sous-total urbain 100
- Total du secteur intermédiaire
- Emploi_total
Population totale
(en milliers)
627
2 300
.220.
3 200
10 942 —Estimation de la force de travail 3 700
(5) CHILD (Frank C,).- Employment, Technology and Growth. The Role of the Intermediate Sector in Kenya. Occasional Paper, n° 19« Institute for Development Studies. University of Nairobi, 1976.- p. 6.
- 28 -
L'enquête du BIT de 1972 présente la situation du chômage comme
sensiblement plus grave en milieu urbain qu'en milieu rural (mais le
milieu rural souffre de sérieux courants d'émigration) :
"En premier lieu, pour les trois villes au sujet desquelles on dispose de statistiques (Nairobi, Mombasa, Kisumu), les taux de chômage se situent dans la gamme de 8 à 14 pour cent, avec une moyenne pondérée de 11,5 pour cent. En second lieu, l'incidence du chômage est plus lourde pour les femmes que pour les hommes. En troisième lieu, ce sont les membres les plus jeunes de la population adulte qui ont le plus à souffrir du chômage. En quatrième lieu, dans tous les groupes d'âge, y compris les plus jeunes, ce sont les personnes dont le niveau d'instruction est le plus bas qui pâtissent le plus du chômage. La pire des situations, lorsque l'on recherche un emploi est d'être femme, jeune et sans instruction." (pp. 70-71)
"Très approximativement, 80 pour cent de l'ensemble des jeunes vont se retrouver en train de chercher, dans le secteur non structuré de l'économie, les moyens qui leur permettront de subsister à l'âge adulte. Sauf exception, les 20 pour cent restant seront constitués par ceux qui auront mené à bien leur scolarité primaire et qui auront été sélectionnés pour poursuivre leurs études ou leur formation ou pour occuper directement un emploi salarié. Les 80 pour cent dont il vient d'être question seront composés d'environ 30 pour cent qui auront achevé leur scolarité primaire, 15 pour cent qui auront reçu une certaine instruction dans le primaire et 35 pour cent qui n'auront pas été scolarisés."
(p. 82)
3/ Situation de l'éducation formelle et non formelle
A/ Education formelle
Le pays a réalisé un effort très important pour le développement
de l'éducation depuis l'indépendance. Les charges financières publiques
et privées de l'éducation, en 1977-78, représentent 130 millions de
livres kenyanes, soit 8 fo du produit national. En 1972-73, le budget de
l'éducation constituait 30 % du budget de l'Etat.
Les résultats quantitatifs de ces efforts sont considérables. Les
effectifs de l'enseignement primaire sont passés de 891 553 en 1963 à
2 971 239 en 1977, avec un taux moyen de croissance de 9 Í° (10 fo entre
1967 et 1977).
- 29 -
Le taux national de scolarisation, pour la tranche de 6 à 12 ans,
est de 85,6 rfo, les trois provinces Central, Eastern et Western étant
scolarisées à 100 % pour ce même niveau.
Le développement est encore plus fort dans le secondaire (durée
six ans) où les effectifs sont passés de 30 120 en 1963 à 319 982 en
1977 (rythme moyen de croissance annuelle de plus de 18 %).
En contraste, l'enseignement technique et professionnel a des
proportions beaucoup plus modestes. Quatre écoles techniques de garçons
ont accueilli en 1976 5821 élèves. Les Centres polytechniques ("Kenya"
et "Mombasa") ont, la même année, 257 élèves. A des niveaux différents,
des instituts de formation technologique, lancés dans le cadre du mou
vement national Harambee ("aller ensemble en avant" - catalyseur d'un
esprit d'auto-organisation nationale dans le domaine de l'entreprise
et de la formation notamment) donnent des cours dans les domaines de la
plomberie, de la maçonnerie, de la menuiserie, de la mécanique automo
bile, du travail de secrétariat. A ce circuit appartiennent les insti
tuts de Kiambu, Murang'a et Kirinyaga, Kimathi, qui ont ouvert leurs
portes en 1976 et 1977. Il faut y ajouter les différentes écoles tech
niques ouvertes par les grandes institutions spécialisées pour répondre
à leurs propres besoins : écoles des chemins de fer, des postes et télé
communications, des communications de masse, des techniciens de l'énergie
électrique, des métiers de l'hôtellerie, etc.
Ce système d'éducation formelle de grande ampleur affronte des
problèmes difficiles d'adaptation aux besoins et aux réalités du pays.
En 1975, une commission officielle, présidée par le secrétaire général du
ministère de l'Education, était désignée par le gouvernement pour évaluer
les objectifs et les politiques d'éducation (National Committee on Educa
tional Objectives and Policies" - NCEOP). Le rapport qu'elle remet en
décembre 1976 (6) aboutit à des conclusions alarmantes et formule des
(6) Republic of Kenya.- Report of the National Committee on Educational Objectives and Policies.- Nairobi, December 1976.
- 30 -
propositions tendant à un profond changement d'orientation, notamment
pour "ouvrir les élèves aux problèmes pratiques rencontrés dans les
efforts de développement rural" (recommandation n° 39). Le rapport
constate que
"il est devenu profondément évident que l'éducation formelle, comme elle est aujourd'hui, tend à aliéner les jeunes par rapport à leur contexte réel de la vie économique et sociale et aux réalités de la construction nationale. On peut attribuer ceci aux attitudes de 'cols blancs' qu'on a formées en eux. Cependant les conditions économiques et sociales des communautés rurales forment le noyau essentiel de la société africaine. En fait, le secteur moderne représente un espace périphérique par rapport au système de production primaire et de valeurs sociales sur lequel repose le mode de subsistance de la majorité du peuple de ce pays. Actuellement, il existe peu de rapport entre le système d'éducation formelle et les situations réelles dans lesquelles vit et travaille la majorité du peuple." (7)
Ces analyses, qui mettent en valeur la marginalisation sociale
effective et paradoxale du secteur moderne, éclairent en profondeur les
problèmes de l'emploi et du chômage au Kenya en mettant l'accent sur
l'inadaptation de l'appareil éducatif resté très académique et cons
truit sur des modèles extérieurs, orienté vers un schéma de développe
ment moderne qui ne concerne pas la progression des communautés so
ciales de base. Les élèves sortant du primaire n'ont aucune préparation
à l'emploi. Les élèves sortant du secondaire ont des éléments de prépa
ration à un emploi urbain dans le secteur modernisé où les offres d'em
ploi sont plus importantes, mais risquent la saturation devant l'afflux
des demandeurs.
H/ Education non formelle
L'éducation non académique a pour objectif de corriger les dis
torsions ou les carences nées de l'inadaptation des systèmes formels par
rapport aux besoins de développement.
(7) Op. cit. p. 19.
- 31 -
Au Kenya, on note une très grande richesse et diversité des
expériences extra-scolaires, avec un dynamisme important du secteur
non gouvernement alo Parmi les tentatives observées, celle des "villages
polytechnics" apparaît comme particulièrement significative (8). Elle
fut lancée à la fin des années 60 par le Conseil des Eglises avec l'aide
gouvernementale o Ces centres polytechniques villageois sont aujourd'hui
environ 250 et forment plus de 2 000 stagiaires dans 41 districts du
pays avec 1 200 instructeurs.
Les objectifs officiels sont les suivants :
"Un 'village polytechnic' est un centre de formation de coût peu élevé installé dans un milieu rural. Il a comme objectif de fournir les connaissances et les valeurs qui permettront aux élèves qui ont terminé l'école élémentaire de cette région de rechercher des possibilités de rémunération là où ils demeurent et de contribuer au développement rural en consolidant la force économique de leur communauté." (9)
Le centre se met en place dans un village, avec des maîtres-
instructeurs techniquement qualifiés, après inventaire -en principe-
des besoins exprimés par la communauté village qui établit des "relations
contractuelles" avec le centre à travers un "comité d'organisation".
A partir de ces besoins, et aussi en fonction de la qualification des
formateurs disponibles, le centre retient les thèmes qui serviront de
base à la formation. L'ajustement n'est pas aisé a. ce niveau entre les
besoins et les moyens et l'on observe souvent la prédominance de certains
cours de base, tels la menuiserie, la maçonnerie, la couture, qui ne ré
pondent pas nécessairement a des possibilités d'emploi évidentes et ne
recouvrent pas nécessairement les besoins de développement les plus
marqués au sein de la communauté.
(8) Nous nous référons particulièrement à : FORD (Ë. J. C.).- The Village polytechnic programme in Kenya.- International Labour Review, July I975.- et : COURT (David).- Dilemmas of development : the village polytechnic movement as a shadow system of education in Kenya.- In COURT (Do), GHAI (D. P.).- Education, society and development.- Nairobi, Oxford University Press, 1974.
(9) Ministry of Cooperation and Social Services.- How to start a village polytechnic.- Nairobi, 1971^— p. 4,
- 32 -
D'autre part, il existe une pression certaine pour que les
cours soient sanctionnés par une homologation officielle, c'est-à-dire
que les élèves passent les examens techniques reconnus par l'Etat. La
conséquence est double : d'une part, on réintroduit certaines contraintes
des programmes de l'enseignement formel avec le risque de s'éloigner des
besoins et possibilités réels du milieu ; d'autre part, les jeunes "di
plômés" ont tendance à revenir aux réflexes classiques des chercheurs
d'emploi urbain déterminas par les modèles modernes.
Un débat est en cours, dans l'hypothèse où se mettrait en place
la réforme de l'enseignement généralisant un enseignement de base de
9 ans, sur l'opportunité d'appliquer dans les deux dernières années le
schéma des centres polytechniques. Là aussi, le risque est d'augmenter
le poids des contraintes académiques dans un cursus unifié.
Quels que soient les difficultés et les problèmes, il est cer
tain que les "Village polytechnics" ont eu des/effets positifs sur l'in
sertion dans l'emploi et la vie sociale des jeunes sortant de l'ensei
gnement primaire. La grande question que l'on peut poser est de savoir
comment coordonner ces efforts avec ceux des transformations de l'appa
reil éducatif classique et aussi avec le Service national de la jeunesse
pour aboutir à une politique nationale intégrée par rapport à l'inser
tion de la jeunesse dans l'effort de développement.
4/ Le Service national de la jeunesse
La décision de fonder au Kenya un Service national de la jeunesse
(National Youth Service) a été prise à la fin de 1963 au moment même de
l'accession à l'indépendance. L'appareil a été mis en place en avril 1964
et les premiers recrutement ont été effectués en août de cette même année.
On doit constater que, depuis cette époque, il y a eu relativement peu de
changement dans le système. On en analysera successivement les objectifs,
les structures, les méthodes et les résultats.
- 33 -
A/ Les_ ob.jectifs
On peut se référer à trois niveaux de définition des objectifs.
a) Une déclaration du président Jomo Kenyatta :
"Les jeunes gens qui s'engagent dans le service consacreront deux années de leur vie à leur pays sans attente de récompense personnelle autre que de savoir que le travail qu'ils accomplissent constituera une contribution positive et tangible à l'avancement rapide du Kenya sur le plan économique, politique et social. Le Service national de la jeunesse est un défi. Ceux qui s'y joindront doivent se préparer à travailler durement et à accepter la discipline. Il n'y a pas de place dans le Service pour le tribalisme, l'esprit de chapelle ou l'antagonisme de race et ceux qui s'engagent doivent le faire dans un esprit de fraternité, déterminés à montrer que la jeunesse de toutes les régions du Kenya peut travailler et vivre ensemble dans l'amitié."
b) Le texte organisant le Service national de la jeunesse, paru
en 1965, donne la définition suivante de ses fonctions :
"Les fonctions du Service s'attacheront à la formation de jeunes citoyens pour servir la nation et réaliser l'emploi de ses membres dans des tâches d'importance nationale et par ailleurs au service de la nation."
c) La direction du NYS, à partir de là, définit cinq principes
précisant l'orientation et les objectifs (10) :
1. Le Service civique est partie prenante de l'appareil civil
de l'Etat et non une organisation politique. Dans ses débuts, il a no
tamment contribué à intégrer à l'effort de construction nationale de
jeunes militants politiques (des partis KANU et KADU), mais cet aspect
est aujourd'hui dépassé et le Service n'opère aucune discrimination et
ne dispense aucun endoctrinement politique.
Toutefois, en cas de guerre ou de situation exception
nelle, la loi prévoit que les jeunes du Service civil peuvent se joindre
aux forces armées.
(10) Voir : Republic of Kenya, Minitry of Labour1.- Kenya National Youth Service.- Nairobi.
et : GRIFFIN (G.W.).- The Kenya National Youth Service.- In Rural Africana, n° 30, Spring 1976.- African Studies Centre, Michigan University.
- 34 -
2. Le Service est une organisation de travail prenant
en charge des projets ayant une réelle signification économique, mais
trop importants ou complexes pour être a la portée des gens dans le cadre
du développement communautaire ou du "self help". C'est à ce titre que
le Service est rattaché au ministère du Travail.
3. Bien que le Service n'appartienne pas à l'armée,
c'est un corps en uniforme, fonctionnant sur les bases de la discipline
militaire, ceci valant tant pour les garçons que pour les filles.
4. Le Service a comme objectif de donner une formation
à tous ses membres, tant de façon formelle que dans la pratique, de façon
à préparer leur intégration future à l'emploi. Il ne dispose que d'un
noyau de cadres salariés à plein temps et de personnel technique, ce qui
l'oblige à former les recrues pour qu'ils puissent remplir leur tâche.
5. Le Service donne une importance particulière à un
engagement dans les réalités du monde agricole, tant pour la prise en
charge d'exploitations que pour en tirer des bases de subsistance.
B/ L'organisation
Le quartier général, qui dépend du ministère du Travail, est
situé près de Nairobi.
Dans chaque région et sous-région sont établies des "unités" et
des "sous-unités" du Service. Le groupe de base intervenant dans un pro
jet est la compagnie, d'un effectif de cent recrues.
L'encadrement global, qui comprend environ 560 personnes, est
très hiérarchisé : commandant, "senior training officers", "training offi
cers", au niveau régional et sous-régional. La compagnie est commandée
par un "section commander" ou un "section officer". A l'échelon subalterne,
on trouve des "sergeants", "corporals" et "lance corporals".
Le NYS dispose de cinq fermes-écoles d'une superficie totale de
4 869 hectares. Il a établi un Centre de formation professionnelle à
Mombasa. Pour les jeunes filles, il a une école de secrétariat et une
école de couture.
- 35 -
Le recrutement est décentralisé dans les districts et s'opère
en relation avec les autorités locales. Il se fait sur la base d'un
volontariat, pour des jeunes gens et des jeunes filles qui doivent pas
ser des tests de santé et être célibataires. L'âge théorique est de 16
à 30 ans. En fait, on recrute essentiellement dans la pratique des
jeunes de 18 à 25 ans. La proportion de garçons par rapport aux filles
est de 10 à 1 .
Pendant leur temps de service, les jeunes touchent une alloca
tion de 70 shillings par mois (dont 25 leur sont retenus pour constituer
un pécule qu'ils recevront à la sortie). Ils sont nourris, logés, ha
billés par le Service.
Le niveau d'éducation, au départ, ne fait l'objet, en principe,
d'aucune exigence. Mais si, à l'origine, on notait un pourcentage signi
ficatif d'analphabètes ou de jeunes ayant interrompu leur cycle pri
maire, actuellement la tendance est différente. Le niveau d'éducation
au recrutement est sensiblement plus élevé.
Pour le recrutement de 1978, la structure est la suivante (sur
1 030 recrues) : 0,9 % d'analphabètes ; 6,6 % d'anciens élèves ayant
une partie du primaire ; 44,5 % ayant le certificat de fin de primaire ;
48 fo ayant effectué une partie du cycle secondaire.
c/ Le système de formation
Le temps de service dure en principe deux ans. Il peut être pro
longé jusqu'à trois et quatre ans, selon les exigences de certaines fi
lières de formation.
La structure du parcours de formation et de travail-formation
est la suivante :
1.- Période initiale ("basic training") - Dure dix semaines, à
Gilgil pour les garçons, à Naivasha pour les filles.
Il s'agit surtout d'intégrer les recrues dans le système
d'organisation et ses règles et de les faire se plier à la discipline
du service.
- 36 -
2.-Iremière phase de mise au travail dans des projets ou dans
lâs fermes du Service ("Project or Farm Work"). Les jeunes sont répartis
par compagnies de cent. Durée : 6 à 9 mois (6 mois pour les filles).
3.- Période de repos, "filtrage", recyclage ("Centralized full
time education"). Trois mois. Orientation pour l'avenir à partir de
tests, interviews ; formation complémentaire : anglais, mathématiques,
etc.
4.- Distribution dans l'emploi. Une grande partie va dans des
projets où ils poursuivent leur formation pratique ("training in job") ;
quelques-uns feront de la formation ("professors in job") ; quelques-
uns seront "clercks" ou employés.
5.- Ensuite, ils se répartiront dans les filières de formation
spécialisées (mécaniciens auto, métallurgistes, électriciens, chauffeurs,
secrétaires, tailleurs, etc.)
D/ Les résultats
On peut les considérer sous deux aspects : pendant la durée du
service, au-delà du service.
a) Pendant_la_durée_du_serviçe
Si l'on prend comme référence l'année 1976, dont le bilan a
pu être fait, on peut dresser le tableau suivant des principales "unités" (11)
1. Nairobi Holding Unit - Rassemble, auprès du quartier gé
néral et des ateliers et magasins centraux un certain nombre de filières
de formation ("Advanced Motor Vehicle Mechanic School, Secretariat School,
Driving School, Advanced Engineering Training School). Une sous-unité
mobile spéciale est rattachée à Nairobi qui est chargée, en relation avec
le ministère du Développement hydraulique, de construire des barrages dans
les zones arides. En 1976, cinq barrages ont été construits dans les dis
tricts de Machakos et de Kitui.
(il) D'après le bilan officiel : Republic of Kenya, Ministry of Labour. Annual report 1976. (published in 1978).- pp. 67-69-
- 37 -
2. Machakos-Kitui Road Construction Unit. En relation avec
le ministère des Travaux publics, cette unité, malgré de difficiles pro
blèmes de machines et de transports, a mené à bien son travail de cons
truction d'une route bitumée principale.
3 o Gilgil Training Unit. Cette unité est une importante base
de formation :
- 1 800 recrues sont passées par cette formation pendant
l'année pour leur entraînement de base ;
- Trois sessions d'éducation de trois mois chacune ont
concerné 750 participants, sélectionnant 300 pour une formation tech
nique à l'unité de Mombasa.
- L'atelier de formation des tailleurs a produit 3 000
paires de pantalons et autant de chemises pour les recrues.
- La production et le stockage de vivres s'est poursuivie.
La sous-unité de Tumami a produit du blé, d= l'orge, du pyrèthre et des
légumes variés (pour une valeur totale de 144 680 shillings).
- Une sous-unité a procédé à la construction de routes de
mise en valeur dans les parties occidentales de la province de la Riflt
Valley.
4. Yatta Field Unit. Avec trois opérations : la plantation
de mûriers et l'élevage du ver-à-soie, la construction de la route Kitui-
Garissa, et la charge de grands troupeaux de bovins, de moutons et de
chèvres.
5. Mombasa Vocational^Unit. Il s'agit du principal centre de
formation professionnelle du Service. En 1976» 245 volontaires du Service
ont passé avec succès les épreuves de qualification "Grade m " dans les
métiers suivants : charpentiers, maçons, mécaniciens auto, ajusteurs,
électriciens, tourneurs, soudeurs, plombiers.
(En plus de ces chiffres, les qualifications obtenues à
travers les cours de Nairobi et les autres formations sur le terrain ont
donné 10 qualifications de grade I, 193 de grade IE et 349 de grade m ) .
- 38 -
6. Turbo Field Unit. Cette unité s'est spécialisée dans la
production agricole et a constitué la principale source d'approvision
nement en maïs du Service, Elle a élargi son champ d'activité à la for
mation d'artisans ruraux, avec le concours de la Fondation allemande
Friedrich Ebert, et elle a réalisé la construction de ses propres ate
liers.
7. Naivasha^WomenlsTraining Unit. Centre de formation des
recrues féminines dans des exploitations rurales associant l'agriculture
et l'élevage et, en particulier, la production laitière, l'élevage des
moutons, le maraîchage.
8. Bura Irrigation Construction Unit. L'unité en question
construit la route Bura-Garsen, dans une zone d'aménagement où elle doit
ensuite construire les canaux d'irrigation.
Tendances actuelles d'évolution du système
Les responsables consultés envisagent cette évolution en
1979 en mettant l'accent sur les points suivants :
. l'importance d'accroître la capacité d'accueil du Ser
vice en portant le recrutement annuel général à 10 000 personnes (au
lieu de 1 000 à 2 000) ;
. augmenter en conséquence la capacité de formation pour
que les centres de formation puissent comporter environ 5 000 places ;
. étendre de façon massive la formation agricole dans les
fermes du Service (Tumami Harambee Farm, Turbo Agriculture Farm, Yatta
Agriculture Farm, Hindi Ranching Farm, Lambwe Valley) ;
. augmenter la capacité de production du système de façon
à obtenir une meilleure couverture de ses propres besoins ;
. dans le domaine de la formation, intensifier à la fois
le travail de formation sur le tas ("on the job") et améliorer le pro
gramme de formation académique de façon à pouvoir généraliser l'accès
aux examens scolaires réguliers (en particulier au niveau "standard w).
- 39 -
Se pose alors le problème de l'insertion économique et so
ciale. Actuellement, sur des promotions dont l'effectif est situé
entre 1 000 et 2 000, on peut dire que le Service identifie environ
700 volontaires qui obtiennent des emplois à la sortie. Ainsi, le rap
port officiel de 1976 donne la statistique suivante :
volontaires volontaires garçons filles
secteur privé 451 42
"services en uniforme" (recrutement d'emploi interne NYS) 122 6
services gouvernementaux 51 14
624 62
Au total : 686
Il n'y a pas d'étude permettant de savoir ce que deviennent les
autres « Ce qui est clair, c'est que la formation technique, pour ceux qui
vont au niveau moyen ou supérieur -c'est le cas des 700 évoqués- donne
une chance sérieuse de trouver un emploi dans le secteur moderne.
Des travaux importants ont été faits pour une évaluation glo
bale en termes économiques, spécialement par M. E. Costa, du BIT, qui
s'est fondé sur l'étude de cas du Service national de la Jeunesse du
Kenya, notamment, pour élaborer et illustrer une méthodologie. Nous ren
voyons à ces travaux pour le détail des opérations (12).
L'analyse ainsi évoquée, effectuée en 1972, conclut au fait que
le bénéfice par recrue, comprenant la valeur de production de biens et
services, de la formation professionnelle et des projets de travaux réa
lisés, se monte à 5 780 shillings kenyan (809,19 US $ de l'époque), ce
pendant que les coûts atteignent 4 824 K. Sh. (675,36 $) dont 2 748 K Sh.
(121) International Labour Office.- Youth Training and Employment Schemes in Developing Countries. A suggested cost-benefit analysis.-Geneva, 1972.- pp. 57-76.
- 40 -
d'origine kenyane (384,72 $) et 2 076 K.Sh. d'aide extérieure (290,64 $).
Le rapport coût/bénéfice ainsi calculé est de 1,198 si l'on tient compte
de l'aide extérieure ou 2,103 si l'on n'en tient pas compte, en valeur
positive.
Ciuel9.ues_conc.lus ions „provisoires
Les questions que l'on peut voir apparaître, par-delà le rassem
blement de ces données, se rattachent à une série de réflexions déjà
écnoncées ou amorcées dans la/mission d'étude de l'emploi au Kenya en 1972
et que nous avons évoquées plus haut.
o Le système actuel est essentiellement orienté vers le secteur
moderne et ne concerne pas , ou concerne peu, l'insertion dans l'emploi
rural non salarié ("self employment') qui se rapporte à la part majoritaire
de la société kenyane actuelle. A ce titre, le WYS est en cohérence avec
la politique éducative.
. Dans le même sens, la formation donnée, dans sa forme et son
contenu, se rapporte aux modèles des développements techniques extravertis,
mais les chances d'accès à l'emploi sont plus grandes qu'au sortir des
filières d'éducation académique. On observe donc l'évolution du système qui
tend à faire du NYS un prolongement du cursus scolaire, avec élévation du
niveau d'éducation à l'entrée.
. Le système, avec des aides étrangères relativement importantes,
appartient à la catégorie des "services civiques lourds", ce qui limite
les capacités d'extension, le recrutement annuel se situant de 1 000 à
2 000 (24 847 jeunes au total sont passés par le Service entre 1964 et
I977). Ces chiffres sont à rapprocher des statistiques de la classe d'âge.
Ainsi, la cohorte sortant du primaire en 1977 ("standard 7") est de
236 925, dont les 3/5 au minimum seraient à la recherche d'un emploi.
Il est difficile d'envisager, dans les normes admises, une géné
ralisation et les objectifs d'extension à 10 000 ne sont pas eux-mêmes
sans poser problèmes (13).
(13) M. Griffin, directeur du NYS, écrit dans l'article de Rural Africana déjà cité : "Nous sommes fiers de notre Service, et notre seul regret est que les contraintes financières touchant notre dimension
(fin de la note p. suivante)
- 41 -
„ Si l'orientation vers l'agriculture est l'un des principes
constants mis en évidence dès l'origine, il semble que l'articulation
avec le monde rural tel qu'il existe ait été très mince. C'est probable
ment à ce défi que devra répondre la politique kenyane de développement
d'une façon plus large pour faire face aux distorsions observées dans
les problèmes de l'emploi et de l'intégration économique et sociale de
la jeunesse.
(fin de la note I3) aient pour résultat que nous ne puissions accepter qu'un effectif correspondant à un sur cinquante des jeunes gens et des jeunes filles qui souhaitent nous rejoindre." (p. 29)
- 42 -
Le Service civique de Côte d'Ivoire et l'insertion économique et sociale des jeunes
1/ La structure démographique ivoirienne et la place de la jeunesse
La population globale de la Côte d'Ivoire doit croître, selon
les études officielles, de 4,27 % par an (croît naturel et immigration,
avec une forte proportion de migrants étrangers, à dominante voltaïque
et malienne).
Sexe \ Année
Masculin
Féminin
TOTAL
dont : non Ivoiriens
1975
3 474 750
3 234 850
6 709 600
1 506 020
1980
4 304 574
3 884 970
8 189 544
2 218 651
1985
5 361 086
4 731 649
10 092 735
3 175 585
1990
6 735 603
5 832 409
12 568 012
4 512 515
(Source : Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan) (ï)
On note une croissance très rapide de la population urbaine qui
doit passer de 2 146 292 en 1975 à 3 106 462 en 1980, 4 256 424 en 1985 et
5 663 173 en I99O, soit un taux d'accroissement annuel de 10,8 % sur
15 ans.
La population rurale, qui était de 4 563 307 en 1975, doit
atteindre 5 083 082 en 1980, 5 836 312 en 1985, 6 904 839 en 1990, avec
un taux d'accroissement annuel de 3,5 Í° . Elle représentait en 1975,
68 fo de la population globale, pour atteindre 55 Í° en 1990.
(ï) Côte d'Ivoire (Rép. de). Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan. Abidjan.- "Projections de population". Document 01. Direction de la Statistique. Septembre 1978.
- 43 -
Par classes d'âges : La population âgée de 0 à 19 ans repré
sente 53 % de la population en 1975 et approchera 57 f> en 1990, l'accrois
sement moyen annuel étant de 4 à 4 \ fo.
La proportion est plus forte actuellement en milieu urbain qu'en
milieu rural, mais va s'inverser à long terme : 54,2 fo en 1975 et 56,5 %
en 1990, contre 52,6 fo en 1975 et 57,7 en 1990.
Cette situation dynamique fait apparaître une grande réserve de
force de travail jeune qui s'accroîtra proportionnellement dans les 15
années à venir.
Du point de vue de l'enseignement et de la formation, les effec
tifs scolarisatiles de jeunes de 5 à 14 ans passeront de 1,6 million
en 1975 à environ 3,5 millions en 1990, soit plus qu'un doublement en
15 ans .
2/ L'économie et l'emploi. Situation et perspectives
L'économie
Le taux moyen annuel de croissance 1960-1970 a été de 8 % en
volume, avec un taux d'investissement supérieur à 20 fo par an en moyenne,
capitaux publics et privés.
La dominante de l'économie reste fortement agricole, avec une
étroite liaison production agricole/industrie et services.
Politique de développement extravertie, très ouverte sur le mar
ché international, comprenant une proportion considérable de main d'oeuvre
étrangère africaine non qualifiée (notamment voltaïque) et de main d'oeuvre
qualifiée d'origine européenne.
Depuis I972, ralentissement de la croissance économique : la pro
gression de la production intérieure brute passe à 5,5 Í° de moyenne jus
qu'en 1975. Nouvelle croissance forte en 1976-77 due à la hausse des
- 44 -
cours du café et du cacao ; mais baisse à nouveau en 1977-78, soulignant
la vulnérabilité du système.
La structure de la production économique (2)
Secteur primaire
Agriculture, élevage, forêts et pêche
Secteur secondaire
dont : . Industries . Bâtiments et trav. publics
Secteur tertiaire
Transports, services, commerce, droits et taxes à l'importation
1965
39,67 %
18,97 %
12,99
5,98
41,35 i
100
1970
29,92 i
23,61 io
16,26
7,41
46,41,$
100
1974
28,82 i
23,49 i
17,77
5,72
47,69 %
100
1977
26,1 i
26,6 i
16,5
10,1
47,3 i
100
La production industrielle doit croître jusqu'à 20 i en 1980
et 25 % en 1985, atteignant alors le niveau du secteur primaire, mais
avec une très forte concentration à Abidjan. Dans l'agriculture ivoi
rienne, les cultures industrielles représentent 49 Í en valeur en 1975
(prévision : 53 $ en 1985). On observe une commercialisation accrue des
produits vivriers, une intensification des méthodes de culture et une
progression lente du revenu moyen monétaire (3)
{2) Source : Ministère du Plan. La Côte d'Ivoire en chiffres (éd. 1977-78). Abidjan. D.G. P/SCE. Comptes provisoires 1977
(3) Sources : Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan. D.G.P. Esquisse de schéma national de planification à long terme. Scénario tendanciel. Secteur agricole. Par J. DELAUME. Avril 1978.
- 45 -
Situation et perspectives de l'emploi
a) iEmp_lo_i_urba.in_
En 1975, on compte 274 000 emplois, dont 204 000 dans le ter
tiaire et 55 000 dans l'industrie. Le secteur artisanal est évalué à
245 400.
« L'emploi urbain est concentré à Abidjan ( 50 fo des emplois
industriels).
. Le taux de croissance des emplois urbains est inférieur au
taux de croissance de la population urbaine.
. L'emploi traditionnel et artisanal (secteur informel) reste
compétitif dans une certaine gamme de production de biens et services,
ce qui lui permet de faire jeu égal avec l'emploi urbain moderne.
. Le chômage croît sensiblement, atteignant particulière
ment les jeunes déscolarisés à la recherche d'un premier emploi. Mais
il est vécu socialement dans le contexte d'une forte solidarité fami
liale élargie ("partage des emplois"), les sans-emploi ayant recours à
la solidarité de leurs parents ayant un emploi.
b) E,mp_l_o_i_rura_l
Deux catégories :
- Emploi non salarié dans des exploitations familiales de petite et
moyenne dimensions.
- Emploi salarié réparti entre grandes entreprises agro-industrielles
d'Etat (24 000 salariés), grandes exploitations capitalistes privées
(25 000 salariés) et main d'oeuvre salariée de l'agriculture tradi
tionnelle de plantation du Sud (18 000 salariés permanents et des
salariés temporaires pour l'équivalent de 140 000 emplois permanents)
On doit noter le risque de déficit de la force de travail né
cessaire pour maintenir le niveau de la production agricole du fait de
l'exode rural massif des jeunes et de la faible rémunération du travail
agricole, compte tenu des prix aux producteurs.
- 46 -
Les difficultés des planteurs villageois pour trouver de la
main d'oeuvre (surtout des migrants étrangers) conduit à l'extension
du métayage avec partage par moitié de la récolte. Pour la même raison,
au niveau villageois, recrudescence importante des groupements d'entr'
aide à vocation coopérative (GVC) vendant leur travail aux chefs d'ex
ploitation.
L'emploi en milieu rural pourrait à nouveau croître aux condi
tions suivantes :
. politique des prix agricoles revalorisant les revenus des
ruraux ;
. politique d'aménagement régional tendant à développer les
infrastructures des villes secondaires et des villages-
centres ;
. politique générale d'éducation et formation revalorisant les
modèles sociaux culturels ruraux et touchant notamment les
jeunes.
3/ Situation de l'éducation formelle et non formelle
A) L'éducation formelle
a) Ens_eii_gn_einen.t_pri ad1re_ Sjîconjlaire,
Le taux moyen national de scolarisation est de 57 fo en 1976
et doit atteindre 80 % en I98O. Les effectifs totaux de l'enseignement
primaire (public et privé) doivent passer de 723 700 en 1976 à 973 000
en 1980 (dont bénéficiant de l'enseignement télévisuel : 322 770 en
1976 et 7 H 000 en I98O).
Le secondaire 1er cycle (de la 6e à la 3e) doivent passer de
100 350 (dont 30 210 du secteur privé) en 1976-77 à HI 720 (dont
41 345 du secteur privé) en 1979-80.
- 47 -
Le taux d'accès au secondaire, calculé à partir d'une cohorte
allant du cours préparatoire (CP1) au passage en 6e, compte tenu des
redoublements, est de 45 Í°~
Ainsi, chaque année, 40 000 jeunes ivoiriens d'environ 12 à
15 ans sont exclus du système scolaire en cours moyen 2e année (CM2)
et près de 60 000 sont maintenus dans des classes spéciales de redou
blants .
La généralisation rapide du primaire avec forte sélectivité à
la sortie accroît les abandons en fin de CM2 avec abaissement de l'âge
des sortants (le télévisuel n'admettant pas les redoublements).
L'enseignement primaire reste sans débouchés pour la majorité
des jeunes n'accédant pas au secondaire. Ils n'ont pas de facilités
d'insertion dans la vie active à cause du rejet que suscite l'école
coupée du milieu rural. Il n'existe pas de structure d'accueil de tran
sition immédiate. Les inégalités régionales restent fortes.
La loi du 16 août 1977 prévoit une réforme profonde, avec créa
tion d'un enseignement de base de "neuf années précédées d'une année de
préscolarité dite école maternelle..." (art. 13) (4)
b) n^edLg^emen_t_t^chjii_que_e_t _p_r£_f_es_s_i_p_nriel_
Il est donné dans le secteur public et dans le secteur privé.
. Dans le secteur public - Tableau des effectifs 1977-78 :
- Enseignement technique (lycées techniques, collèges
et assimilés) 5 108
- Centres de formation professionnelle et artisanale 1 377
- Institut national de perfectionnement permanent 1 328
- Etablissements conventionnés donnant des brevets et CAP 2 272
- Enseignement technique supérieur 311
(4) Voir : Rapport UNESCO 1977. EPM/84• Rapport n° 15 : "Education, développement et réforme".
- 48 -
. Dans le secteur privé :
- Enseignement privé commercial 12 014
(dont 9 943 à Abidjan)
- Enseignement privé technique non commercial 1 924
- Enseignement privé féminin (couture et ménage) 261
On note donc une forte prééminence de l'enseignement technique
privé due surtout au développement très considérable des branches commer
ciales .
S) L'éducation non formelle et la formation des .jeunes
On distingue trois grandes filières :
a) Les activités de la Direction de l'éducation extra-scolaire.
Objectif initial : rentabiliser l'outil télévisuel au-delà du scolaire
par des émissions éducatives destinées aux adultes. Ensuite, création,
en 1978, de 30 centres d'éducation extra-scolaire s'adressant aux
jeunes de 14 à 18 ans, essentiellement anciens scolarisés, pour les
initier au travail pratique.
b) Activités sous tutelle du Ministère de l'Agriculture.
. Installation de jeunes sur des blocs culturaux aménagés
après une formation de six mois menée par les sociétés de développement
(SODEPALM, SATMACl). Opérations à dominante de production concernant un
nombre restreint de jeunes.
. Actions de la Division jeunesse de l'Office national de
promotion rurale (ONPR) :
- L'opération "Corps des volontaires du développement" (OVO)
s'adresse à des jeunes du milieu urbain déscolarisés, de 20 à 25 ans,
ayant quitté l'école après deux ans de second cycle. Formés pendant six
mois dans deux centres spécialisés, ils sont installés sur des périmètres
rizicoles aménagés par la SODEPALM qui assure l'encadrement technique
mais pas d'infrastructure d'accueil. Les jeunes, dès qu'ils ont gagné
un peu d'argent, repartent vers la ville. L'ONPR a repris l'opération
- 49 -
en accentuant les aspects organisation (groupements à vocation coopé
rative), avec épargne obligatoire pour un fond d'équipement.
- L'opération "promo village" est expérimentée dans le
Nord, en pays sénoufo (Boundiali). Elle vise au maintien des jeunes en
milieu rural, prend appui sur les associations traditionnelles/aes jeunes
existant dans les villages et les orientant vers des activités productives
(après négociation avec les aînés pour que les associations de jeunes
disposent de deux jours de travail par semaine). La production coton-
riz en assolement sur deux hectares donne des revenus partagés pour
moitié au village pour des équipements collectifs et pour moitié aux
jeunes. Cette action, récente, encadrée par des équipes mobiles, a tou
ché, la première année, 80 associations de jeunes. Il est trop tôt pour
en faire l'évaluation, notamment en termes économiques.
c) Les activités de la Direction de la jeunesse.
Elles ne sont pas orientées directement vers les problèmes
d'insertion des jeunes dans la vie active, mais la Direction se pré
occupe vivement de la masse croissante des jeunes analphabètes ou dé
scolarisés sans emploi. Elle gère une centaine de centres d'alphabéti
sation.
4/ Le service civique
A/ Historique et organigramme actuel
a) Créé en 1962, en même temps que l'armée nationale selon le
modèle israélien : service civique national intégré dans l'organisation
militaire et composante du service militaire obligatoire. Première
année : formation militaire ; deuxième année : formation au "métier
d'agriculteur".
Objectifs :
. Contribuer à intensifier et mécaniser l'agriculture et lancer
de nouvelles cultures.
- 50 -
. Fournir aux sociétés de développement agricole un apport de
main d'oeuvre important.
Le modèle visé est la production agricole dans de grandes ex
ploitations avec équipements lourds tendant à démontrer les possibilités
d'une agriculture moderne compétitive sur le marché national et inter
national.
Mais le Service civique ne prenait pas en charge l'avenir des
jeunes qui se retrouvaient au bout de deux ans sans avoir les moyens de
s'insérer dans le monde rural.
b) A partir de 1964, le Service civique est institué en Direc
tion nationale autonome au sein du Ministère de la Défense.
Sur les 30 000 jeunes soumis, à l'époque, à l'obligation
militaire, l'armée ne pouvait en accueillir que 2 000.
Les nouvelles orientations étaient les suivantes :
. Recruter pour le service civique les jeunes analphabètes
issus du milieu rural essentiellement.
. Donner une formation de trois ans. „ Les former à devenir des agriculteurs modernes.
. Favoriser leur installation dans le milieu rural.
Ces orientations sont demeurées valables jusqu'en 1979»
L'organigramme (voir schéma) met en valeur les deux fonctions
du système :
- Développement rural : agriculture et petit élevage
- Formation de.s_ £adres_du S_ervice_ £iviç|.ue_, à la fois péda
gogique et technique, pour qu'ils puissent assurer la formation et l'en
cadrement des jeunes recrutés dans les villages.
- 51 -
Organigramme actuel du Service civique (1979)
Direction générale du Service civique
f Direction du développement
rural
Bataillon du Génie
Direction de la formation et des stages
Direction des affaires
administratives
Service de Santé
Ecole des cadres de
Bouaké
Ecole du Service ciyil
féminin
Dir. région. de Korogho
Dir. région, de Bouaké
CAIGR Compagnie autonome
d'intervent ion du Génie
Camp de la Jeunesse rurale
• •>
CJR
Dir. région. d'Abengourou
CAIGR
CJR
Dir. région, de Yamassoukro
CAIGR
CJR
CAIGR
CJR
CJR CJR . CJR
CJR CJR CJR CJR
CJR CJR CJR CJR
- 52 -
B/ Fonctionnement et programme du Service civique
a ) Ije_rjcj?ut_enien_t
Les jeunes en âge de faire leur service national, dans la
limite de la capacité d'accueil, sont répartis en trois classes. La
classe A fait son service militaire dans l'armée régulière. Les classes
B et C font leur service civique.
° L§_£ia:§Ëë_l est constituée de volontaires pour le Service
civique ayant un niveau scolaire minimum de fin de cycle primaire. La
plupart sont urbains.
Ils sont divisés en deux groupes :
- B 1 : issus d'une formation allant jusqu'à la fin du premier
cycle secondaire
- B 2 : issus d'une formation allant du second cycle secondaire
jusqu'à l'enseignement supérieur.
Ils suivent une formation accélérée en neuf mois à l'Ecole des
cadres du Service civique.
B 1 reçoit une formation technique et pratique pour les tâches
spécialisées du Service civique (topographes, tractoristes, menuisiers,
maçons, ferronniers). Ensuite, ils sont affectés dans les unités du ba
taillon du génie rural.
B 2 suit une formation en pédagogie et techniques d'agriculture
et d'élevage. Ensuite, ils sont affectés comme moniteurs (agriculture,
aviculture ou alphabétisation) dans les camps de jeunesse rurale accueil
lant les recrues du village.
2. L§_classe_Ç est constituée par des jeunes gens de 16 à
25 ans recrutés dans des groupes de villages proches des camps de jeunesse
rurale à partir d'une campagne d'information appuyée par les autorités
politiques et administratives.
Les conditions sont d'envoyer au moins dix jeunes par village et
de céder trois hectares de terre par jeune, soit 30 hectares d'un seul
tenant. En contrepartie, les jeunes seront entretenus par le Service
- 53 -
civique : tenue militaire, indemnité mensuelle et nourriture. On compte
en moyenne un recrutement annuel de 70 jeunes par camp.
b) _La_fo_rma_ti_o_n_de_s_je_unes_ au_camj) de_j_eune_s_se_ jrurale et l'installation dans les villages
Ils sont recrutés pour trois ans. La première année est
1'année_de_formation. Cette formation, en neuf mois, au CJR, comprend :
. des cours d'alphabétisation orientés vers la maîtrise du langage parlé,
en français ;
. des cours d'instruction civique (morale, "unité nationale") et quelques no
tions d'hygiène et de santé ;
. une formation aux "techniques agricoles modernes" tout au long du cycle
agricole, sur les terres du CJR.
Dès la fin de la première année, les jeunes retournent dans leur
village d'origine où ils vont passer deux ans sous la tutelle du service
civique, qui a pris en charge toutes les opérations d'aménagement des
terres (défrichage et labours par les équipements de la Compagnie auto
nome d'intervention du génie rural). Chaque parcelle de 3 ha est sous la
responsabilité d'un jeune avec l'appui des moniteurs du CJR et de l'en
cadrement technique des sociétés de développement de la zone.
Pendant cette période, les jeunes reçoivent l'indemnité men
suelle et les frais de nourriture.
Les produits de la récolte sont vendus par le "bureau de commer
cialisation" du service civique qui attribue individuellement à chaque
jeune le montant correspondant à sa parcelle, déduction faite des avances
consenties (semences, engrais, etc.). Chacun a la libre disposition de
ce qu'il touche.
En fin de troisième année, le jeune est "libéré" du Service ci
vique et est censé poursuivre l'exploitation de sa parcelle par ses propres
moyens.
- 54 -
c/ Evaluation et problèmes
Il s'agit davantage d'une approche des problèmes que pose le
Service civique que d'une évaluation précise. On peut recenser ainsi
les questions que se posent, dans cinq domaines, les responsables de
1'institution.
a) ues_tions_ ]?eLatijve£!. a_u_re_cruj enient
La progression de la scolarisation étend le champ de recru
tement des jeunes ayant suivi tout le cycle primaire. Ceci suppose une
évolution, et une élévation, du niveau de formation dans les camps de
jeunesse rurale. D'autre part, du fait de l'abaissement de l'âge des
jeunes sortant du primaire, l'âge de recrutement au service a été ramené
de 18 à 16 ans. Mais ce rajeunissement rend plus difficile leur réinser
tion au village comme chef d'exploitation pour des problèmes de respon
sabilité et de statut social. De plus, la dévolution des parcelles en
propriété individuelle aux jeunes pose des problèmes par rapport au
système foncier villageois.
b ) ue_sjt_i_ons_ _r e_lati ves. aux _obj_eç_t jLfj3 .e t_moy.ens. dLe_f£rma;t ion
Le modèle d'agriculture à fort coefficient de moyens tech
niques et centré sur l'exploitation individuelle risque de poser de
sérieux problèmes pour s'articuler avec l'agriculture villageoise qui
travaille avec des moyens plus modestes et dans un système où la tra
dition communautaire persiste. De plus, la quasi-spécialisation sur les
cultures de rente, au détriment des cultures vivrières, établit des con
tradictions supplémentaires. On peut donc se demander si la formation
n'est pas inadaptée, et à quel prix elle deviendrait adaptable.
c) uj3Sjñ..ons_ jre_la_tiv;es_ _à _l'_in ta.l_lajti n_de_s_je_un_e çLans_le_ vi_llage_
Les terres ont été préparées entièrement par le Service ci
vique et le relais qui devait être pris pour l'utilisation des engins
mécaniques par Motoragri ne l'a pas été. Les jeunes trouvent le retour
au travail manuel trop difficile et abandonnent l'exploitation«
- 55 -
D'autre part, le statut des jeunes pendant le Service les coupe
du milieu familial et des autres jeunes de leur classe d'âge. Leur re
venu monétaire, que la pratique familiale tend à réintégrer dans le
budget de la communauté, les incite à partir en ville où ils recher
cheront un emploi salarié „
d) (£ue_st_ions_ r_el_a_tiv;ej3 aux r_é_sul_tats_ et_coûts de_la_ jf ormule_ _du_S rv_i_ce_ci_vJLq_ue
Les effectifs touchés par le Service civique annuellement
sont de l'ordre de 250 pour la classe B et 1 100 pour la classe C.
Où vont-ils ensuite ?
Dans la classe B, une minorité qui en fait la demande et est
jugée apte est embauchée par le Service civique comme personnel per
manent . La plupart des autres vont rechercher un emploi salarié. Les
conducteurs d'engin et les tractoristes sont ceux qui en trouvent le
plus facilement.
Pour la classe C, la direction du Service civique estime que
les résultats sont inégaux selon les régions. Au nord, en pays Sénoufo
où les traditions agricoles sont très fortes, 60 fo environ des jeunes
resteraient dans les exploitations agricoles, mais dans la mesure où
le Service civique poursuit son assistance. Dans la savane du Centre,
les résultats seraient moins bons. Dans la forêt du Sud, les exploita
tions mises en culture a l'occasion de l'installation des jeunes par
le Service civique ne sont généralement pas abandonnées car il s'agit
de cultures perennes (café, cacao) ; mais elles sont entretenues soit
directement par les jeunes soit selon une formule de métayage sans que
le jeune s'installe sur place.
Le problème des coûts financiers du système ne peut faire l'objet
d'une analyse précise du fait de son rattachement à la Défense nationale.
On notera seulement qu'il s'agit d'un encadrement lourd (environ 300 per
manents, sans compter les moniteurs issus de l'école de cadres), doté
de moyens techniques lourds.
Dans une évaluation coûts/avantages du Service civique, il fau
drait prendre en compte d'autres activités du Service civique qui ne
touchent pas directement la formation de la jeunesse ; en particulier
- 56 -
les travaux d'infrastructure effectués par les unités de génie du ser
vice civique : construction de pistes pour désenclaver les zones de
culture, de petits barrages de retenue pour l'irrigation, d'infrastruc
tures villageoises et autres travaux divers...
e) L_es_ £U£Sti_ons_ d_'a:rjti_çulait_i_on_en.tr_e_la _for_mul_e áp._serv±çe ^ivlçLue. .e_t_la jDol_it.ique_ n_aj ionale_ dV£ducat_ipn_ .et_de_ _for_niat_ioii jie_la_ _j_eune_s_s_e_en. .vue. e_s_on_in.si§_r i_o_n_danis_ l_a_vi e_a_c.ti.ve_
L'impact du service civique comme filière de formation reste
très réduit si on le rapporte aux statistiques de la population rurale
ivoirienne de sexe masculin qui représente :
„ 1975 : classe d'âge 15-19 ans : 163 267
20-24 ans : 138 391
. 1980 : Classe d'âge 15-19 ans : 175 642
20-24 ans : 119 384
La proportion des jeunes touchés est de moins d'un pour cent.
D'autre part, le contenu de la formation n'est pas direc
tement raccordé aux éléments qui ressortent d'une politique de forma
tion planifiée répondant aux besoins de main d'oeuvre qualifiée de
l'économie ivoirienne.
Enfin, le Service civique n'est pas partie prenante d'un
système de coordination d'ensemble des actions de formation touchant
les jeunes ruraux.
Tous ces problèmes n'ont pas échappé à la direction du Ser
vice civique qui est soucieuse de leur trouver des solutions en confor
mité avec la politique nationale.
- 57 -
Le Service civique national de participation au développement et la problématique d'éducation et d'emploi au Cameroun
1/ La situation démographique et son évolution
Au recensement d'avril 1976, la République unie du Cameroun
compte 7 663 246 habitants. La densité moyenne est de 16,5 hab/km2,
mais elle varie sensiblement selon les provinces : 74,5 hab/km2 dans
la province de l'Ouest, 3,4 hab/km2 dans la province de l'Est. La
population rurale représente 71,5 Í° de la population totale. Deux
villes ont plus de 300 000 hab. (Douala : 458 426, et Yaounde :
313 706) ; quatre villes ont entre 50 000 et 100 000 habitants et
onze villes entre 20 000 et 50 000 habitants. La population came
rounaise est très jeune : 43,4 $ ont moins de 15 ans. La population
d'âge scolaire (6-14 ans) représente 23,1 Í° du total. La pyramide des
âges du secteur rural laisse apparaître un important déficit du sexe
masculin de 15 à 54 ans, conséquence de l'exode rural qui affecte prin
cipalement les hommes.
L'évolution démographique se caractérise par un taux de crois
sance moyen de l'ordre de 2,3 à 2,5 % par an, un mouvement migratoire
continu en direction des villes qui concerne majoritairement les hommes
jeunes et adultes : la population urbaine est estimée à 20 fo de la po
pulation totale en 1970 ; en 1979, elle représente plus de 30 % de la
population totale. Enfin, une population où la part des jeunes à la
recherche d'un premier emploi va encore s'accroître dans les années à
venir : cette dernière caractéristique pose le double problème de la
formation des jeunes en vue de leur insertion dans la vie active, et
celui de la capacité du système économique et social à offrir des em
plois en nombre suffisant répondant aux besoins et aux nouvelles aspi
rations des générations montantes.
- 58 -
2/ L'économie et l'emploi
L'économie camerounaise connaît une croissance soutenue au'
cours des dix dernières années. Le produit intérieur brut, en francs
courants, est multiplié par 3 entre 1969-70 et 1977-78. Le secteur pri
maire (agriculture, chasse et sylviculture) y occupe une place prépon
dérante, avec 32,5 Í° du PIB en 1977-78 et 79,4 % de la population ac
tive.
L'importance de l'agriculture pour l'économie camerounaise
apparaît davantage lorsqu'on sait que le café et le cacao représentent
plus de la moitié de la valeur des exportations : 57 Í° en 1975-76 et
58,8 % en 1976-77. La production agricole reste très majoritairement
le fait d'exploitations familiales de petite taille (moins de 2 hec
tares cultivés en moyenne) combinant la production vivrière et la pro
duction d'un produit d'exportation (coton au Nord, cacao au Sud, café
et banane à l'Ouest). La valeur commerciale des productions paysannes
pour l'exportation atteint 90 Í° de la valeur commerciale totale, les
10 io restant provenant des grandes exploitations agricoles de type
capitaliste, avec un fort niveau de capitalisation par hectare et un
faible coefficient de main d'oeuvre salariée.
En matière d'emploi, le recensement de 1976 fait apparaître
que 79,4 % de la population active se/trouve dans la production agri
cole et branches annexes, tandis que 6,7 % travaillent dans le secteur
secondaire (industries, bâtiments et travaux publics) et 13,9 % dans
le secteur tertiaire (transports, communications, commerce, banques,
services...).
Les emplois salariés pour l'ensemble de l'économie camerounaise
s'accroissent à un taux moyen annuel d'environ 6 % entre 1970 et 1975,
passant de 177 HO salariés en 1970-71 à 230 150 en 1975-76, dont, pour
la dernière année, 67 % concernent le secteur privé et 33 % le secteur
public. La croissance des emplois salariés est inférieure à celle de la
population urbaine (12 tfo par an entre 1970 et 1976), d'où une augmenta
tion importante du taux de chômage urbain qui passe de 4,6 % en 1964 à
12,2 % en 1976. Les jeunes de moins de 25 ans vivant dans les centres
- 59 -
urbains sont les principales victimes du chômage ; ils représentent les
deux-tiers de la population active sans emploi. Les emplois salariés dans
les secteurs modernes de l'économie représentent une petite minorité de
l'emploi. Le secteur non structuré reste celui qui rassemble la grande
majorité des emplois ; il semble connaître une certaine croissance en
milieu urbain. Une étude approfondie réalisée à Yaounde avec l'appui
du BIT est en cours de dépouillement et apportera de précieuses indica
tions quantitatives et qualitatives sur l'emploi en secteur non struc
turé ; les résultats sont attendus pour fin août 1979• Il sera important
de porter une attention particulière aux filières d'apprentissage exis
tant dans le secteur informel, filières diverses selon les branches
d'activité, dont on devrait tirer des enseignements pour une politique
de formation des jeunes en vue de leur insertion dans la vie active.
3/ Situation de l'éducation formelle et non formelle
Le système scolaire est au centre du dispositif éducatif par
son importance quantitative (sur trois enfants de six a. quatorze ans,
deux sont dans une école primaire, ce qui représente 1 222 900 élèves
en 1976) et sa fonction sociale dans l'évolution actuelle : le système
scolaire reste, malgré de sérieux efforts d'innovation, proche du mo
dèle européen conçu par et pour le milieu urbain, et c'est sur ce
modèle que le Cameroun a développé une politique d'enseignement de
masse à partir des années 1958-60.
La croissance des effectifs a été très rapide dans tous les
niveaux d'enseignement. Pour l'enseignement primaire, on passe de
678 667 élèves en 1964-65 à 1 202 839 en 1977-78. Pour l'enseignement
secondaire général de 25 599 à 134 968 entre les mêmes années. Pour le
secondaire technique les effectifs passent de 8 662 en 1965-66 à
39 910 en 1977-78. Dans l'enseignement supérieur, de 1664 étudiants
en 1966-67, le nombre d'étudiants devient 8 807 en 1976-77.
Mais le développement rapide de la scolarisation restant sans
impact sur les adultes, un dispositif parallèle d'interventions édu
catives fut mis en place pour encadrer les adultes, en particulier les
- 60 -
ruraux, en vue de leur faire adopter des pratiques techniques produc-
tivistes, notamment pour les cultures d'exportation. Dès 1962 est créé
un service de l'animation rurale rattaché à la Direction du Plan. Mais
son action s'est concentrée essentiellement sur l'exercice d'une fonc
tion de contrôle au détriment d'une politique d'animation du développe
ment. Plus conséquentes ont été les actions directes d'encadrement agri
cole menées directement par les différents services techniques comme
ceux du "secteur de modernisation agricole" et plus encore par les so
ciétés d'économie mixte chargées de promouvoir la croissance des cul
tures d'exportation (cacao, café, bananes, palmistes, hévéas, coton, etc.).
Parallèlement, l'éducation politique des adultes et de la jeunesse,
menée par le Parti unique de l'Union nationale camerounaise, visait à
faire passer l'identité nationale avant l'identité villageoise et eth
nique .
Cependant, ces diverses interventions éducatives non formelles
laissaient hors de leur champ le développement autonome d'un système
scolaire qui suscitait une remise en question dès les années 1965-70.
Son coût très élevé, la faiblesse de son rendement interne, et les
difficultés d'insertion dans la vie active d'une masse croissante de
scolarisés en constituaient les principales manifestations. Les struc
tures de l'économie nationale et le marché de l'emploi dans les sec
teurs secondaire et tertiaire ne peuvent absorber le flux des scola
risés ou semi-scolarisés quittant les campagnes à la recherche d'un
autre modèle de vie proposé par l'idéologie de l'éducation scolaire.
Dès lors, des solutions sont recherchées pour remédier à cer
tains aspects de la crise du système d'enseignement : la création d'un
enseignement post-primaire (les sections artisanales rurales, les sec
tions ménagères et les écoles ménagères) ; mais il ne concerne qu'un
effectif réduit (5 573 élèves en 1977-78).
A partir de 1967 est amorcée une réforme de l'enseignement pri
maire avec l'assistance de l'UNESCO. Successivement, l'ENIR (Ecole natio
nale d'instituteurs à vocation rurale), puis l'IPAR (institut pédago
gique à vocation rurale) auront pour mission de former les nouveaux
maîtres, de recycler les anciens et d'adapter le système d'enseignement
aux réalités du pays : la réforme s'engage sur la voie de la "rurali-
sation de l'enseignement". Des structures éducatives relais (les zones
- 61 -
d'action culturelle et communautaire -ZAAC-) sont expérimentées pour
permettre aux jeunes sortant de l'enseignement primaire de mieux se
préparer à la vie active dans le monde rural. Mais la vigueur du pro
jet de réforme, renforcée par un début d'expérimentation et la produc
tion de nouveaux matériaux pédagogiques, sera contrecarrée par le
manque de compréhension d'une part de l'appareil de l'éducation natio
nale et la réticence de nombreuses couches de la population qui voyaient
dans la ruralisation de l'enseignement une dévalorisation de l'éducation,
un enseignement au rabais. L'application de la réforme à l'ensemble du
système n'a pas encore été mise en oeuvre. Il semble cependant que
l'année 1979-80 verra l'amorce d'une application graduelle de la ré
forme .
C'est dans ce contexte de crise du système éducatif que les auto
rités nationales ont créé, en 1973, un service civique national de par
ticipation au développement dont le but essentiel est de limiter l'exode
rural et d'"inviter les jeunes au travail manuel qu'ils fuient souvent".
4/ Le Service civique national de participation au développement (SCNPD)
A/ Historique et organigramme
Dans l'ensemble des structures développant des activités en di
rection de la jeunesse —sous la tutelle du Ministère de la jeunesse, le
CONAJEP, Comité national de la jeunesse et de l'éducation populaire qui
coordonne et contrôle plusieurs fédérations des mouvements de jeunesse ;
la JUNC, Jeunesse de l'Union nationale camerounaise, et l'OPUNC, Organi
sation des femmes de l'Union nationale camerounaise, organes annexes du
parti de l'Union nationale camerounaise— , le SCNPD prend place comme
structure de formation des jeunes en vue de leur insertion dans la vie
active et de leur participation au développement national. Le SCNPD est
créé par la loi n° 73-4 du 9 juillet 1973. Son organisation est définie
par deux décrets, n° 74236 et 74237, du 1er avril 1974. Il est placé
sous tutelle du Ministère de la jeunesse jusqu'en 1976, puis sous tutelle
du Premier Ministre.
- 62 -
Ses objectifs sont définis en référence à trois aspects prin
cipaux de la société camerounaise : l'importance du secteur agricole
dans l'économie camerounaise, la part croissante de la jeunesse dans
la population (les moins de vingt-cinq ans représentent plus de 60 'fo
de la population totale) et le fort mouvement de migration des jeunes
ruraux vers les villes, renforcé par une scolarisation massive qui dé
veloppe des attitudes de rejet vis-à-vis du travail manuel et de la vie
en milieu rural.
Aussi les objectifs du SCNDP sont-ils :
a) Enrayer l'exode rural ;
b) Insérer massivement les jeunes dans les circuits de
production ;
c) Donner aux jeunes sans emploi des villes et des campagnes
des aptitudes professionnelles et un esprit d'initiative
qui leur permettent de devenir des créateurs d'emploi ;
d) Mobiliser le potentiel de force de travail que cons
titue la jeunesse pour exécuter des travaux d'intérêt
général au service de la nation ;
e) Promouvoir chez tous les citoyens le "sentiment natio
nal, le sens de la discipline, la dignité du travail,
l'esprit civique" (a 2 de la loi du 9.07-74).
Selon les termes de la loi, le SCNPD est obligatoire et uni
versel, c'est-à-dire qu'il s'adresse à tous les citoyens camerounais
des deux sexes âgés de 16 à 55 ans. Dans la réalité, compte tenu de
l'insuffisance des structures d'accueil et des moyens financiers, le
Service civique concernera les jeunes de 16 à 30 ans et, prioritaire
ment, les jeunes hommes non scolarisés ou déscolarisés et sans emploi.
L'organigramme du SCNPD comprend trois niveaux de structures :
° L§_ËÎÎ)uçture_çentraie, composée d'une part de l'ONPD
(Office national de participation au développement), établissement
public doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière,
avec un directeur^ un directeur général adjoint et trois services
- 63 -
(service du fichier national et de la gestion administrative, service
des structures, service des affaires financières), d'autre part de la
Commission nationale du SCNPD qui réunit, sous la présidence du Premier
Ministre, tous les ministres concernés et des représentants des institu
tions publiques et politiques ; la Commission nationale est investie des
pouvoirs les plus étendus pour orienter, organiser et contrôler les ac
tivités de l'ONPD.
• L©§_Ë£ïu£ÈUÏËË_2P§E§£i23™:ëlI§§ de formation constituées
actuellement de quatre centres ruraux (deux dans la province du Centre-
Sud, un dans la province du Littoral et un dans la province du Nord) et
quatre centres urbains (trois à Douala et un à Yaounde), ces derniers
étant les anciens centres de jeunesse récemment placés sous la tutelle
de l'ONPD et dont les nouveaux objectifs et statuts ont été étudiés,
mais qui, à ce jour, conservent le type de fonctionnement antérieur.
• Í!EE_SÍEli2ÍHEês_ J!.iSE2:&SÍEÍion_et_dJ_irisertioii composées
de villages pionniers, de plantations abandonnées affectées à l'ONPD,
d'ateliers artisanaux coopératifs ou individuels installés dans les
zones périphériques des grandes exploitations agro-industrielles, enfin
de zones pionnières où seraient entreprises des actions de développe
ment villageoises qui deviendraient des structures d'accueil pour une
insertion plus massive des jeunes recrutés à cet effet. Outre les
trois villages pionniers dont le coût ne permet pas l'extension, les
autres structures d'implantation et d'insertion des jeunes sont en
cours d'étude ou d'expérimentation.
fi/ Fonctionnement, programme et résultats
L§_ï§ÇIUt§me_nt_des_jêunes est effectué selon une procédure ver
ticale par une commission provinciale de recrutement. Cependant, dès la
deuxième année, on a cherché à décentraliser le recrutement au niveau
départemental et les orientations en cours de définition prévoient un
nouveau stade de décentralisation impliquant davantage les communautés
villageoises et les organismes de développement locaux pour lier le
recrutement à des projets de développement (expérience récente menée
dans les ZAPI Est).
- 64 -
^_£2r5Ë:ïi2B_^ËË_aËHïï2^ dans les centres ruraux se déroule sur
une période de six mois. Elle porte sur les techniques de l'agriculture
et de l'élevage, 1'uitlisation et l'entretien de certains équipements
agricoles, l'organisation coopérative et la gestion, la connaissance des
organismes régionaux de développement rural, l'éducation civique et
sportive. La progression de la formation est dictée par les impératifs
de la conduite d'une exploitation agricole de moyenne dimension (20 à
80 hectares cultivés) et s'effectue sur un cycle cultural ; cependant,
des mini-parcelles de 200 m2 sont attribuées à chaque jeune pour l'expé
rimentation des enseignements techniques reçus, sans qu'il soit fait
appel à des moyens de production onéreux.
A_l^issue_des_six_mois_de_formation, chaque jeune est doté d'un
petit équipement (arrosoir, sécateur, hache, râteaux, machette, houe,
etc.) et, depuis le décret du 29.10.1977 instituant des aides publiques
pour l'installation de jeunes agriculteurs, peut bénéficier d'un prêt
agricole comprenant une prime d'installation, une prime de subsistance
et une avance remboursable destinée a. couvrir des dépenses d'investis
sement. La formule d'insertion, sous forme de "villages pionniers" a
été la seule mise en oeuvre concrètement ; les responsables nationaux
ne désirent pas l'étendre compte tenu de son coût trop élevé. Les
autres formules d'insertion que nous avons mentionnées n'ont pas encore
fait leurs preuves, mais il semble que l'expérience des ZAPI Est soit
la plus prometteuse : recrutement et insertion sont opérés avec l'enca
drement des ZAPI et l'appui, depuis janvier 1979» d'un expert du BIT.
L§Ë_52£§ïis_des_çentres_ruraux sont de trois ordres :
. En personnel : chaque centre dispose de 25 à 40 personnes
(techniciens, employés et manoeuvres).
. Moyens de production : Les centres disposent, bien que
de façon inégale, d'un équipement agricole lourd (tracteur, chenillard,
caterpillar, moissonneuse batteuse, électro-pompe...). Les surfaces
agricoles mises en valeur vont de 20 à 80 hectares selon les centres.
. Moyens budgétaires : Les ressources pour le fonctionne
ment des centres ruraux proviennent en partie de la production agri
cole et des produits de l'élevage. En outre, les centres ruraux
- 65 -
reçoivent annuellement une dotation budgétaire de 25 a 50 millions de
CFA chacun sur un total de 150 millions de CFA pour l'ensemble de l'ONPD
en 1978-79- Cette dotation couvre l'habillement et l'indemnité mensuelle
des assujettis, les avances pour achat d'intrants agricoles, la rémuné
ration du personnel, les frais de fonctionnement et d'entretien des
bâtiments et équipements.
iiËË_£®Ëïi!ËatË_clï5ïï'': Î5 ËË res'ten't modestes quant au nombre de
jeunes formés dans les centres ruraux dont l'ouverture s'échelonne
entre août 1974 (Obala), octobre 1976 (NDjore et Yabassi) et avril 1977
(Langui). Au total, entre 1975-76 et 1978-79, 2 438 jeunes seront passés
dans les centres ruraux. Pour l'année 1978-79, les centres ruraux au
ront formé 839 jeunes et les centres urbains regroupent un effectif de
900 jeunes en formation pour deux ans. Rappelons que les centres urbains
sont les anciens centres de jeunesse dont les statuts et objectifs sont
en cours d'élaboration. Actuellement, ils continuent à dispenser en
deux ans une formation à divers métiers : électricité, mécanique auto,
maçonnerie, vannerie pour les garçons ; couture, arts ménagers pour les
filles ; dactylographie, comptabilité pour garçons et filles.
Les résultats, en termes d'insertion des jeunes dans les acti
vités rurales sont encore plus limités. Sur les deux premières promo
tions, on estime que 70 $ des jeunes sont restés en campagne ; 45 $
semblent avoir entrepris des activités de production et, parmi ceux-ci,
moins de 20 % peuvent être considérés comme définitivement installés.
Les difficultés d'insertion ont été attribuées à l'absence d'une for
mule d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, d'où les dispo
sitions du décret d'octobre 1977-
C/ Observations, problèmes et nouvelles orientations
Les actions menées par l'ONPD de 1975 à 1979 ont permis aux
responsables nationaux de tester les méthodes et les structures mises
en place pour le recrutement, la formation et l'insertion des jeunes
assujettis au service civique. Au cours de la dernière période, les
responsables de l'ONPD ont mené une réflexion approfondie, tirant les
enseignements de cette première phase et dégageant de nouvelles orien
tations pour les années à venir.
- 66 -
Les enseignements sont :
. Un impact quantitatif très limité au regard de l'ampleur du problème
de la jeunesse et des objectifs du SCNPD.
. Une démarche de recrutement sans rapport suffisant avec un processus
d'animation du développement impliquant les communautés villageoises
et les organismes techniques compétents.
. Une formation réalisée dans des centres ruraux présentant, en tant
qu'exploitation agricole, des caractéristiques de taille, de struc
ture et de niveau technique sans commune mesure avec l'immense majori
té des exploitations agricoles du Cameroun ;
. Un coût de formation élevé, compte tenu du niveau d'équipement des
centres ruraux, du coût de fonctionnement en personnel au regard du
nombre de jeunes formés ; une évaluation plus approfondie devrait
prendre en considération les aspects économiques de l'insertion pour
lesquels il n'existe pas de données précises.
Ainsi, de nouvelles orientations ont été définies par les res
ponsables et techniciens nationaux, parmi lesquelles nous retiendrons :
. Un recrutement plus massif, selon des modalités diversifiées : jeunes
sans emploi assujettis dans les centres de l'ONED ; jeunes recrutés
et formés sur les lieux d'actions de développement entreprises avec
les concours des organismes techniques et administratifs compétents ;
assujettissement de jeunes scolarisés et universitaires pendant les
périodes de vacances et de personnel qualifié détaché pour les be
soins de certaines opérations réalisées par l'ONPD.
. Une utilisation plus rationnelle assurant le plein emploi des équi
pements disponibles dans les centres ruraux.
. Une politique d'insertion liée aux nouvelles modalités de recrutement
accordant la priorité a l'insertion des jeunes dans leur communauté
d'origine et réalisée en impliquant les partenaires techniques et
administratifs qui interviennent dans la zone.
Toutefois, ces nouvelles orientations, dont certaines sont à
l'étude ou en cours d'expérimentation, n'ont pas encore été examinées
par la commission nationale qui devra prendre les décisions.
- 67 -
Par ailleurs, ces orientations devraient nécessairement s'accom
pagner de dispositions plus précises concernant notamment :
. des structures de développement régional intégrées et un dispositif
d'animation du développement au niveau des communautés villageoises ;
• des mesures de politique économique (prix, crédit, commercialisation)
valorisant le travail agricole, condition nécessaire pour le maintien
des jeunes dans l'agriculture ;
. un examen attentif des problèmes fonciers qui peuvent régionalement
être un obstacle à l'installation de jeunes agriculteurs ;
. la mise en oeuvre d'une réforme de l'éducation, en particulier du sys
tème scolaire qui reste le pilier central de tout le système éducatif.
Indiquons, pour terminer, que l'ONPD a bénéficié de missions de
consultation de 1'UNESCO (1976), de la coopération technique française
(1977) et plus récemment du BIT. Depuis janvier 1979, le BIT fournit
l'assistance d'un expert dans le cadre d'une expérience menée dans les
ZAPI Est (Zone d'action prioritaire intégrée). Cette expérience consiste
à associer l'encadrement des ZAPI, les communautés villageoises et
l'ONPD au recrutement et à l'insertion des jeunes en fonction de projets
de développement intéressant directement les communautés de base ;
150 jeunes ont ainsi été recrutés puis formés dans le centre d'Obala
d'avril à septembre 1978 ; une seconde promotion, recrutée dans les
mêmes conditions, sortira du centre de NDjore en avril 1979« L'éva
luation de cette expérience devrait permettre de préciser les lignes
d'action pour une insertion des jeunes formés par l'ONPD dans leurs
communautés villageoises d'origine. Une requête du Gouvernement aux
Nations unies est en cours de négociation pour obtenir une assistance
technique plus importante de la part du BIT.
- 68 -
Les Centres d'animation rurale au Mali. L'emploi et la formation des jeunes
1/ La structure démographique et son évolution
Les premjars résultats du recensement effectué en décembre 1976
font apparaître les données suivantes :
Population totale 6 308 320 hab.
Population urbaine 1 054 502 hab. soit 16,72 #
Population rurale 5 253 818 hab. soit 83,28 %
Le rapport entre population urbaine/population totale varie sen
siblement selon les régions : 37 Í° pour la 2e région (Bamako) ; pour les
autres régions, il se situe entre 9)11 % (région de Mopti) et 14,79 Í°
(région de Ségou). A l'exception de la région de Bamako (404 022 hab.),
dont la croissance moyenne annuelle entre 1968 et 1976 est proche de
15 %, la taille des principaux centres urbains est modeste : deux villes
ont entre 50 000 et 100 000 habitants (Ségou et Mopti), sept villes ont
de 20 à 50 000 habitants et huit villes ont de 10 à 20 000 habitants.
Le recensement de 1976 est en cours d'exploitation et ce n'est
qu'en octobre 1979 qu'on disposera des données économiques et sociales
relatives à la population. Toutefois, sans attendre les résultats défi
nitifs, on peut déjà indiquer trois caractéristiques importantes :
. le taux de croissance démographique se situe entre 2,3
et 2,5 % par an, la croissance de la population urbaine
étant beaucoup plus élevée ;
. la population malienne est jeune : 49 Í° àe la population
a moins de 15 ans ;
. le taux moyen de scolarisation est de 19 %, avec d'impor
tantes variations régionales.
- 69 -
2/ L'économie et l'emploi
Avec 83 io de population rurale, l'économie malienne repose en
grande partie sur l'agriculture et l'élevage qui occupent dans le pro
duit intérieur brut une place importante : 38,3 Í° du PIB en 1976 (en
1969 : 43,3 %)• Dans la production agricole, la part de l'agriculture
traditionnelle reste très dominante : 80 % en 1969 et en 1976. Pour la
période récente 1969-1976, la croissance du PIB, en francs constants de
1969, se monte à une moyenne de 4,9 Í° par an, mais seulement de 1,87 %
pour le secteur de l'agriculture et de l'élevage.
Les traits dominants de l'économie agro-pastorale sont :
. une très grande majorité de petites exploitations fami
liales combinant la production vivrière pour l'auto-consommation et la
production d'une culture industrielle pour le marché ;
. des systèmes de production caractérisés par l'utilisation
de la main d'oeuvre familiale, des niveaux d'équipement technique très
faibles, des rapports sociaux de production où les jeunes n'ont pas accès
aux centres de décision, aux moyens de production, et où le produit du
travail échappe en grande partie à leur contrôle.
En matière d'emploi, le secteur moderne de l'économie malienne
occupe une place très limitée : moins de 60 000 salariés, fonction pu
blique comprise, en 1974, soit moins de 3 % de la population active et
de 10 à 15 % de la population active urbaine. Sur les 28 000 emplois sala
riés du secteur moderne (fonction publique exclue), plus de 70 % sont des
manoeuvres sans qualification (30 %) et des ouvriers spécialisés et qua
lifiés (40 %). 95 Í° des emplois sa&riés sont des emplois masculins.
Par contre, l'emploi non agricole dans le secteur non structuré
semble beaucoup plus important, bien qu'il ne soit pas possible de le
chiffrer actuellement. Un recensement systématique de ce secteur d'emploi
vient d'être effectué à Bamako avec l'appui du BIT ; il est en cours
d'exploitation et les résultats en seront connus fin 1979. Toutefois,
des enquêtes partielles effectuées par la direction du Plan permettent
de formuler quelques hypothèses : une croissance importante de l'emploi
dans ce secteur, avec une part importante d'apprentis et d'aides familiaux ;
- 70 -
un système d'apprentissage et de qualification socialement et profession
nellement reconnu et étalonné ; pour l'artisanat de production de biens
et services, des niveaux de revenus, à qualification égale, proches du
secteur moderne, mais pour une durée moyenne de travail supérieur.
3/ Situât ion de l'éducation formelle et non formelle
Le système scolaire est en rapide extension bien que le taux de
scolarisation soit faible : moins de 20 % en 1975. En 1977-78, 280459 jeunes
fréquentent l'une des six classes du premier cycle de l'enseignement fon
damental, dont 36 % de jeunes filles.
L'évolution du système scolaire se caractérise par une faible
croissance du taux d'admission en première année du premier cycle de
l'enseignement fondamental, mais une forte augmentation des rendements
internes, aboutissant à une pyramide scolaire dont la base reste très
étroite par rapport à l'ensemble des enfants scolarisables et dont le
sommet s'est considérablement élargi dans les dix dernières années»
Cette évolution se traduit par une croissance rapide du nombre annuel
des bacheliers qui passent de 531 en 1971 à près de 2 000 en 1978 ; le
nombre des bacheliers dépasse les besoins tels que définis par le Plan
1974-78 (1).
Dans le domaine de l'éducation non formelle, la place de l'al
phabétisation fonctionnelle nous semble prioritaire par son impact quan
titatif sur les jeunes ruraux. L'expérience des Centres d'animation ru
rale, quantitativement plus limitée, sera examinée au point suivant.
L'alphabétisation fonctionnelle a fait l'objet d'un programme important
depuis 1968. En milieu rural, à partir de 1972, elle est devenue une
composante de toutes les grandes opérations d'encadrement et de dévelop
pement agricole spécialisées par produit. Pour la campagne 1976-77, elle
intéresse environ 26 000 auditeurs, dont près des 3/4 sont des jeunes de
moins de 25 ans. Dans le prolongement de l'alphabétisation, la DNAFLA
(Direction nationale de l'alphabétisation fonctionnelle et de la linguis-
(l) Ministère de l'Education nationale. DNAFLA.- Quelle éducation pour quel développement ? Rapport final de l'étude sur l'éducation de base.-Bamako, mars 1978.
- 71 -
tique appliquée) a expérimenté des "stages de formation technique"
destinés aux jeunes en vue de leur prise de responsabilité dans des
fonctions économiques, techniques et culturelles au sein de leur com
munauté rurale. L'intérêt de la démarche, qui semble devoir se dévelop
per dans les années à venir, est délier la formation technique des jeunes
à leur insertion dans de nouvelles fonctions répondant aux besoins de
développement de la communauté rurale, qu'il s'agisse des techniques cul
turales, de la santé, de la gestion de pharmacies villageoises, de
l'organisation d'activités culturelles. L'atout principal dont jouit
cette formule est de ne pas couper les jeunes de leur milieu dans la
démarche de formation et d'y impliquer l'ensemble de la communauté vil
lageoise. Toutefois, son succès restera dépendant d'un changement dans
les attitudes et formes d'intervention des organismes techniques et admi
nistratifs au niveau de base permettant effectivement un transfert de
responsabilité aux communautés villageoises ; il sera également fonction
d'une politique économique et d'une politique de développement rural qui
devra valoriser le travail agricole, diversifier les activités produc
tives et élever le niveau de vie des ruraux si l'on veut que les jeunes
soient motivés à rester dans les secteurs d'activité du monde rural.
4/ Les Centres d'animation rurale (CAR)
A/ Historique et organisation
Issus de la fusion, en I966, des "camps civiques", à vocation civile
et militaire, et des écoles saisonnières de formation des jeunes aux tech
niques agricoles améliorées (action financée par le Fonds européen de
développement), les Centres d'animation rurale -plus d'une centaine ré
partis sur l'ensemble du territoire- étaient placés sous la tutelle du
Haut-Commissariat à la Jeunesse.
Après le changement de régime en 1968, l'affirmation de la voca
tion agricole des CAR se renforce et une distinction est opérée entre
CAR frontaliers qui conservent une fonction de défense nationale et de
police économique et CAR de l'intérieur dont la fonction principale est
de former des jeunes aux techniques de l'agriculture et de l'élevage.
- 72 -
Les CAR passent sous la tutelle du Ministère de la Production,,
Leur nombre est ramené à moins de cinquante pour des raisons de diffi
cultés budgétaires ; l'encadrement des CAR devient mixte, avec des
techniciens civils et des gradés de l'armée ; enfin, les CAR reçoivent
mission de subvenir à leurs besoins et se transforment en exploitations
pratiquant l'agriculture et l'élevage.
En 1974 est créée la Direction nationale de la formation et de
l'animation rurale (DNFAR) sous la tutelle du Ministère du développement
rural„ La DNFAR comprend deux divisions : la division de l'animation
rurale et celle de l'enseignement technique agricole élémentaire et de
la formation professionnelle. La DNFAR propose d'articuler étroitement
les CAR aux opérations de développemen^afin que ces dernières prennent
en charge les aspects techniques laissant à la division de l'animation
rurale le soin de développer les aspects pédagogiques de la formation
dans les CAR et de l'animation dans les villages. A ce jour, cette pro
position est toujours à l'étude.
L'organigramme actuel se présente ainsi :
. la division des CAR située à Bamako, avec une équipe de cinq personnes ;
» six directions régionales composées chacune d'un directeur, généra
lement officier de l'armée, d'un secrétaire et d'un comptable ;
. 48 centres d'animation rurale, dont 5 sont des centres mixtes ;
le personnel d'encadrement des CAR est composé d'un chef de centre
-agent technique ou moniteur agricole-, d'un sergent ou caporal mili
taire chargé de l'instruction civique et de la discipline, d'un moni
teur fricóle adjoint et, pour les CAR mixtes, d'une monitrice.
B/ Fonctionnement et programme
Chaque centre recrute en moyenne 20 stagiaires tous les deux ans.
Ainsi, pour les 48 CAR en fonctionnement, un millier de stagiaires, dont
environ 50 couples, sont recrutés tous les deux ans depuis 1969°
Le recrutement concerne des jeunes de 18 à 25 ans, généralement
analphabètes ou déscolarisés du premier cycle de l'enseignement fondamental.
- 73 -
En principe, il s'agit de volonaitres ; mais, lorsque le nombre n'est
pas atteint, le recrutement est obligatoire.
La procédure de recrutement est administrative et verticale.
Les gouverneurs de région avisent les commandants de cercle et chefs
d'encadrement qui répercutent sur les chefs de village. Ces derniers
proposent une liste de jeunes et la sélection est opérée par le chef
d'arrondissement et le chef du CAR à la suite d'une visite médicale. Le
recrutement n'est pas accompagné d'une action d'information ni d'une
animation villageoise tendant à lier le recrutement des jeunes à des
projets de développement villageois. Parents et jeunes ignorent généra
lement ce qu'on peut attendre de la formation ; jusqu'à 1974, le recru
tement rencontrait des réticences dans la mesure où, à la suite de deux
ans de formation, les jeunes revenaient au village sans pécule ni équi
pement. L'aide fournie par la République fédérale allemande a permis de
relancer la formule du prêt agricole en fin du stage de deux ans, sus
citant ainsi un certain intérêt des familles à envoyer les jeunes au
centre.
Les activités des CAR combinent le travail de production4t les
actions de formation des jeunes.
La production agricole constitue l'essentiel des ressources d'un
CAR. En moyenne, les CAR disposent de 20 à 30 hectares de terre, dont 10
à 15 hectares sont mis en culture annuellement par les vingt stagiaires
sous la conduite des équipes d'encadrement. Il s'agit de cultures vi-
vrières (sorgho, mil, maïs, riz, selon les zones) et de cultures de
rente (arachide, coton). Outre la production agricole, le petit élevage
(ovins et volailles), le jardinage et la production artisanale de biens
usuels (petit mobilier, ustensiles divers) complètent les ressources
des CAR.
Les moyens de production des CAR, en dehors des bâtiments et des
terrains de culture, sont constitués par du petit matériel -charrues,
semoirs, charrettes, herses, citernes à eau, moulin à mil, moto-pompe,
un petit lot d'outillage- et quelques paires de boeufs de traction.
- 74 -
La formation des jeunes est réalisée sur une durée de deux ans
couvrant deux cycles de culture. Les jeunes vivent en internat pendant
les deux années sans contact avec leur village d'origine. Les contenus
de formation sont de trois ordres :
. Instruction civique et militaire réalisée pendant les
trois premiers mois de stage.
. Formation générale par un programme d'alphabétisation
s'étalant sur toute la période et axé sur l'apprentissage de la lec
ture, de l'écriture et du calcul.
„ Apprentissage des techniques de/L'agriculture et du pe
tit élevage et initiation aux techniques artisanales dans certaines
branches d'activité : travail du bois, maçonnerie, réparation du petit
outillage et, pour les femmes, tissage, teinture, couture.
L'apprentissage des techniques agricoles constitue l'axe prin
cipal de la formation des jeunes et se déroule tout au long des deux
cycles culturaux de la période de formation.
A l'issue des deux ans de formation, les stagiaires reçoivent
une prime de libération de 5 000 FM et bénéficient, depuis 1974, d'un
prêt agricole remboursable en trois ans constitué par un équipement de
culture attelée (paire de boeufs, multiculteur, charrette, etc.) sub
ventionné à 30 io par l'Etat. Le suivi des stagiaires au retour dans
leurs villages n'est pas assuré par la division des CAR qui n'en a pas
les moyens ni en personnel ni en véhicules.
G/ Conclusion
La formule des CAR laisse apparaître des éléments positifs.
Tout d'abord, la formation aux techniques de l'agriculture, de
l'élevage et de l'artisanat est étroitement articulée à la production
réalisée dans le CAR, dans des conditions de taille et de niveau tech
nologique relativement proches des réalités techniques et économiques
de l'environnement villageois. Les moyens de production et les tech
niques culturales mises en oeuvre sont celles qui sont préconisées par
les opérations de développement intervenant dans les régions.
- 75 -
Par ailleurs, la formation pratique s'applique à une diversité
d'activités correspondant à ce qui existe dans une exploitation paysanne,
avec le souci de mettre en valeur les ressources disponibles dans l'en
vironnement .
Enfin, le coût de fonctionnement des CAR est relativement réduit
dans la mesure où l'essentiel des ressources des centres provient de la
production qui y est réalisée. Les ressources extérieures sont consti
tuées par des apports du Programme alimentaire mondial et les prises en
charge par l'Etat des besoins d'habillement des stagiaires, d'une allo
cation de 100 FM par jour-stagiaire, d'une indemnité mensuelle de 500 FM
par stagiaire et de la prime de libération de 5 000 FM que chaque jeune
reçoit à l'issue des deux années.
Toutefois, les responsables nationaux font état d'un certain
nombre de problèmes non résolus : un recrutement trop administratif qui,
dès le départ, sépare la formation des jeunes d'une action d'animation
villageoise qui devrait permettre de mieux orienter la formation en
fonction de projets de transformation souhaités et jugés réalisables par
les villages ; en l'absence d'une action d'animation préalable au recru
tement et se prolongeant pendant la période de formation des jeunes,
la réinsertion de ceux-ci rencontre les difficultés classiques dont les
plus importantes sont les problèmes fonciers et le non-accès aux moyens
de production, compte tenu du statut social des jeunes dans la société
villageoise. Dans le même sens, la formation enclavée, sans aucune
alternance CAR-villages d'origine, contribue à séparer les jeunes de
leur milieu et à rendre plus difficile leur réintégration.
Une autre question mérite d'être soulignée : l'absence de suivi
des stagiaires après leur retour au village ; cette question ne pourrait
être résolue que par une concertation entre les divers organismes inter
venant dans les actions de développement villageois.
Enfin, il faut reconnaître que la formation dans les CAR ne
touche qu'une minorité de jeunes : environ un millier tous les deux ans,
alors que les jeunes ruraux (garçons et filles) dans la tranche d'âge
20-24 ans sont probablement plus de 350 000 en 1976.
- 76 -
Au niveau de la division des CAR, il convient de souligner
trois problèmes principaux :
. Des moyens de fonctionnement très limités.
. Des besoins en formation de formateurs pour assurer le
recyclage des équipes des CAE.
. La nécessité d'une coordination avec tous les orga
nismes dont la vocation est proche ou complémentaire de celle des CAR :
la Direction nationale de l'alphabétisation fonctionnelle et de la lin
guistique appliquée (DNAFLA), le Centre national de développement commu
nautaire (CNDC), la section ruralisation de l'Institut pédagogique na
tional (IPN), pour les aspects pédagogiques, et les opérations de déve
loppement de la Compagnie malienne des textiles (creu1]?), de l'Opération
arachides et cultures vivrières (OACV), de l'Opération riz Mopti, etc.,
pour les aspects techniques.
- 77 -
L'Education rurale et la participation des jeunes au développement. Une expérience voltaïque.
1/ Les données démographiques
La Haute-Volta est le pays de la zone sahélienne qui présente
la plis forte densité de population. Le dernier recensement officiel,
effectué en 1976, donnait un chiffre de population de 5 572 212 hab.
(non compris les emigrants). En 1979, la population dépasse probablement
6 500 000 hab., soit une densité moyenne de 23 hab. au km2.
L'évolution de la croissance démographique constatée et prévi
sible tient dans les données suivantes (1)
(en milliers)
1970
1975
1980
1985
1990
Population urbaine
388
502
654
851
1 107
Population rurale
4 996
5 556
6 229
6 999
7 886
Population totale
5 384
6 058
6 883
7 850
8 993
% population rurale
92,8
91,7
90,5
89,2
87,7
Taux de croissance urbain annuel
4,1
^ 3 . 9
> * 4,4
^ 4 . 6
Taux de croissance rural annue1
24 2,0
* 2,2
* 2,1
> * 2,1
Le taux de croissance de la population totale passerait de 2,2 en
1970-75 à 2,5 en 1985-90.
(ï) Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture.-Etude prospective pour le développement agricole de la zone sahélienne. 1975-1990- Vol. I. Rapport principal.- Rome, 1976.- p. 63
- 78 -
L'évolution de la population active serait la suivante :
1970
1975
1980
1985
1990
Active non agricole
croissance annuelle
342
435 4,9 f°
556 5,0 %
707 4,9 f°
906 5,1 %
Active agricole
croissance annuelle
2 658
2 864 1,5 %
3 103 1,6 f
3 377 1,7 f
3 670 1,7 f
Active totale
croissance annuelle
3 000
3 299 1,9 f>
3 659 2,1 fo
4 084 2,2 fo
4 576 2,3 f
Pourcentage de la population active agricole dans la population active totale :
1970 : 88,6 fo - 1975 : 86,8 fo — 1980 : 84,8 fo - 1985 : 82,7 fo-
1990 : 80,2 fo
L'émigration voltaïque est très forte et affecte essentiellement
la population active jeune. On a calculé que 60 fo vont en Côte d'Ivoire
et 30 f> au Ghana (2) . Mais les bases de calcul sont difficiles à établir
scientifiquement. Le plan quiquennal de développement économique et
social 1972-1976 note ainsi l'évolution du courant migratoire (en milliers)
Emigrants définitifs
Emigrants temporaires
Emigrants totaux
I960
250
152
402
1965
300
166
466
1970
404
181
585
1975
567
200
767
(2) SHIVA LINGAPPAa- L'éducation et l'environnement socio-économique o Développements récents en Haute-Volta.- UNESCO, Division de la Pla-nification de l'Education. Rapports/Etudes. C. 37, 1977.
- 79 -
Structure de la population des classes d'âge jeunes
(en milliers)
0- 4 ans
5- 9 ans
10-14 ans
15-19 ans
20-24 ans
1970
H
477
364
298
261
232
F
459
349
309
275
238
Total
936
713
607
536
470
1975
H
533
407
348
290
252
F
512
392
334
301
264
Total
1 065
799
682
591
516
1980
H
595
459
390
338
280
F
572
441
375
325
290
Total
1 167
900
765
663
570
(ces chiffres sont ceux de la population théorique totale : présente plus migrante).
2/ L'économie et l'emploi
L'économie voltaïque est largement à dominante rurale. L'agri
culture est le fait, dans sa quasi-totalité, d'exploitations familiales
insérées dans des structures villageoises où subsistent encore le lien
communautaire et les systèmes de valeurs traditionnelles. Mais le mode
de production pré-capitaliste de type lignager a subi une forte érosion
par la pénétration importante des cultures de rente reliées à l'éco
nomie marchande. Les principales cultures de rente sont l'arachide et
le coton, cependan- que le sorgho représente la principale culture vi-
vrière traditionnelle.
L'évolution des productions donne leur poids respectif. (en tonnes)
1961-1965 (moyenne)
I97O
1973
1975
1977
arachide
67 000
68 000
63 000
90 000
89 000
coton
5 000
36 000
33 000
31 000
58 000
s orgho
476 000
563 000
481 000
738 000
660 000
- 80 -
La production agricole a été profondément affectée par la séche
resse ces dernières années. Il en a été de même pour l'élevage. Le trou
peau bovin comptait 2 600 000 têtes en 1972, 2 255 000 en 1974.
La politique de développement rural s'efforce d'intégrer les dif
férentes actions entreprises pour la promotion technique du monde paysan,
lancées dans un premier temps par des sociétés d'intervention françaises :
SATEC (Société d'aide technique et de coopération), BDPA (Bureau pour le
développement de la production agricole), CFDT (Compagnie française pour
le développement des fibres textiles), à travers des Offices régionaux
de développement qui ont une tâche de coordination et d'impulsion, mais
qui demeurent reliées au pouvoir administratif, avec une difficulté cer
taine à s'articuler avec les organisations paysannes (3) .
Les bases de développement de l'agriculture restent fragiles, et
la pression démographique sur des terres pauvres et usées atteint ou dé
passe 50 hab. au km2 en pays mossi (les Mossi étant l'ethnie la plus
nombreuse, qui représente 48 $ de la population)« On comprend que ces
données, conjuguées à la sécheresse et à l'attraction des économies les
plus développées des pays du Sud représentent des incitations puissantes
à la migration. Dans le pays lui-même, les études récentes montrent que
les disparités internes sont fortes.
"Le revenu moyen par famille en milieu urbain est environ sept fois supérieur au revenu rural. En 1966-70, le revenu familial dans l'Ouest était 2,5 fois plus élevé que celui du Plateau Mossi' : en 1971-72, quatre fois plus. Dans le Sud et le Sud-Ouest, les effets de la sécheresse ont été moins importants, faisant ressortir une amélioration relative du niveau de production et du revenu déjà supérieur, d'où l'accentuation des migrations internes vers ces zones." (4)
Le problème de la rupture de l'équilibre vivrier est préoccu
pant. Dans les dix années qui ont précédé la grande sécheresse (1960-70),
(3) Voir les analyses récentes de René DIM0NT : Paysans écrasés, terres massacrées. Equateur, Thaïlande, Inde, Bangladesh, Haute-Volta.-Paris, Laffont, 1978.- pp. 296-299=
(4) SHIVA LINGAPPA.- 0p. cit., p. 7-
- 81 -
la production agricole vivrière a augmenté de 1 $ par an, alors que la
population agricole résidente augmentait au moins de 1,3 % par an (5).
Le secteur industriel comprend essentiellement des industries
de transformation et de construction et se trouve handicapé par l'ab
sence de matières premières locales (hors les produits agricoles) et
le ooût élevé de l'énergie et des transports, la rareté des techniciens
compétents et des capitaux.
Le produit intérieur brut, qui était d'environ 90 milliards de
francs CFA en 1972, se décomposait comme suit :
. secteur primaire : 41,5 fo (agriculture 23,5 fo ; élevage 10,5 fo ;
forêts et divers 7,3 %) ;
. secteur secondaire : 18,1 fo (industrie 13,1 f° i construction 5 f>) \
. secteur tertiaire : 40,6 fo (transports 6,1 fo ; commerce 23,4 fo ; services publics 11,1 fo).
Dans un tel contexte, l'emploi est largement tributaire de
l'évolution du secteur agricole (en 1979, environ 3 millions d'actifs
à 100 fo dans le secteur traditionnel, soit 85 f> des emplois).
Les emplois salariés représentent environ 50 000 personnes,
dont la moitié dans le secteur public.
3/ La situation de l'éducation
La Haute-Volta a un système d'éducation qui s'est différencié
dès le temps de l'indépendance, au début des années I960, en deux
grandes branches : l'enseignement classique et l'enseignement rural. Ce
dernier a évolué pour donner naissance, à partir de 1971, au système de
formation des jeunes agriculteurs (GJA) qui fait l'objet de la partie
suivante de la présente étude de cas.
(5) Afrique tropicale. Indicateurs socio-économiques.- Bruxelles, CEE, 1973.- pagination multiple.
- 82 -
A) Le système d'enseignement classique (6)
Llenseignement_primaire a été construit selon le modèle fran
çais en six ans : cours d'initiation, cours préparatoire (CP), cours
élémentaire 1 et 2 (CEI, CE2) cours moyens 1 et 2 (CM1, CM2) . A l'issue
du primaire, les élèves passent le certificat d'études primaires élé
mentaires (CEPE) et une partie d'entre eux le concours d'entrée en
classe de 6e (début du secondaire)*
A la veille de l'indépendance (année 1959-60), les effectifs du
primaire comprenaient 51 490 élèves. En 1973-74, l'effectif était de
125 503, dont 46 776 filles, le taux de scolarisation atteignant 13,4 %
(mais avec de fortes disparités régionales : écart de 19 Í° à 4,3 %).
Le rendement est faible. Sur 1 000 enfants entrant dans le pri
maire, 592 arrivent au bout du cycle de six ans, 122 entrent dans le
secondaire, 17 terminent le secondaire de sept ans en obtenant le bacca
lauréat. Le coût est élevé. En 1973» le coût unitaire par élève est de
10 400 F CFA, et un titulaire du certificat d'études primaires coûte
248 100 F CFA.
L'enseignement primaire ne donne aucune préparation à l'emploi,
sauf aux échelons les plus modestes de la fonction publique.
LlËiïËËlSSêS^ïîi-ËËÇ0-—âi^Ë es^ également proche du modèle fran
çais. Un premier cycle de la filière longue (lycées et collèges) aboutit
en quatre ans à un concours pour l'entrée au deuxième cycle qui dure
trois ans et mène aux différents baccalauréats. La filière courte des
collèges d'enseignement prépare en quatre ans au brevet d'enseignement
du premier cycle (BEPC). A partir de là on peut, soit passer le concours
des cours normaux d'instituteurs adjoints, soit, toujours sur concours,
rejoindre la classe de seconde TM ou T0P0 du lycée technique.
Les effectifs de l'enseignement secondaire sont, en 1974, de
11 953 élèves (dont 5 034 pour le premier cycle des lycées, 2 417 pour le
deuxième cycle et 4 502 pour les CEG (premier cycle)
(6) Source : SHIVA LINGAPPA.- 0p. cit., p. 10 seqq.
- 83 -
L'enseignement technique comprend en 1974 le lycée technique
de Ouagadougou qui appartient à l'enseignement public et a 723 élèves
(554 garçons et 169 filles). On y entre sur concours au niveau de la
classe de 4e et les élèves sont répartis entre trois options
. option économique,
. option technique industrielle,
. option génie civil,
qui donnent accès* des "brevets d'enseignement commercial et industriel
ou à des brevets de techniciens.
Une dizaine de collèges techniques privés (1 378 élèves au to
tal) -formation professionnelle ou formation ménagère- recrutent à partir
du CEPE et donnent un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou un
certificat de fin d'apprentissage.
Au-delà de ces branches, une structure_d^enseignement_sup_érieur
est en place à Ouagadougou, qui représente les premières étapes d'un
cursus universitaire.
fi) L'Education rurale première formule
Le système de l'Education rurale est né en 1962 de la volonté
de créer une "école parallèle" au cycle primaire, mieux adaptée aux réa
lités économiques et aux contraintes financières.
"Son but est d'assurer à la totalité des enfants qui n'ont pu être scolarisés, une instruction élémentaire et une formation rurale civique (art. 2). Cette forme d'éducation est donnée en trois années dans les centres d'éducation rurale à recrutement triennal implantés dans les zones à vocation rurale, peu scolarisées, où sont inscrits, par priorité, les élèves de 12, 13 et 14 ans n'ayant jamais été scolarisés (art. 3 et 5)." (7)
En dix ans, de 1962 à I97I, le nombre décentres d'éducation ru
rale (CEE) est monté à 793, accuilllant 26 992 élèves (24 048 garçons
et 2 944 filles).
(7) Voir M.R. MEDARD.- L'éducation rurale en Haute-Volta. Evaluation et révision du projet.- Paris, SEDES/UNESCO, 1966.
- 84 -
Mais, pendant cette période, se sont révélées de nombreuses
difficultés. Le niveau des maîtres, recrutés la plupart du temps avec
le CEPE et provenant des écoles urbaines, ne permettait pas une véri
table ruralisation. De plus, dans la pratique, le contenu des pro
grammes qui, en théorie, mettait au second plan l'enseignement acadé
mique, ne trouvait pas l'articulation avec le travail agricole réel
dans les communautés paysannes qui restaient en marge, malgré la ten
tative d'organiser des "groupements post-scolaires". Enfin, la part du
budget de l'Education nationale qui revenait aux CER était très faible
(1,3 iò) dufait que ce budget qui représentait 23 % du budget de l'Etat
ne pouvait s'accroître faute de ressources économiques nationales.
Devant ces difficultés, le gouvernement décidait, en 1974, de
rattacher l'Education rurale au ministère de l'Agriculture. Elle allait
ainsi changer profondément de nature et devenir "Formation des jeunes
agriculteurs".
4/ La Formation des jeunes agriculteurs et la participation au développement
Cette expérience voltaique a déjà fait l'objet de travaux nom
breux et importants parmi lesquels on doit mettre en première ligne la
thèse de doctorat de Lédéa-Bernard Ouédraogo : Les groupements pré
coopératifs au Yatenga, Haute-Volta. Essai de modernisation d'une struc
ture éducative traditionnelle : le Naam (Paris, Ecole des hautes études
en sciences sociales, 1977). M. Ouédraogo a été le promoteur de la trans
formation du système et son analyse, jointe à son expérience, sont irrem
plaçables. On doit signaler également un autre mémoire de recherche im
portant produit par l'un des responsables régionaux de l'expérience,
Hamidou-Benoît Ouédraogo : Opération intergénérationnelle en Haute-Volta.
Conseils villageois, formation des jeunes agriculteurs et développement
des communautés de base. Etude de cas sur huit villages mossi de l'ORD
de Ouagadougou (Diplôme de l'EHESS. Paris, 1978) (8).
(8) Parmi les études de 1'UNESCO qui abordent ce problème, on peut citer notamment : Participation et auto-développement. Le cas des groupements NAAM au Yatenga en Haute-Volta, par Lédéa-Bernard OUEDRAOGO et Mme Yvonne MIG-NOT-LEFEBVRE. - Paris, UNESCO, Division de l'Etude du Développement. Rapports/Etudes. PAR. 1, 1978.
- 85 -
Nous nous attacherons, à partir de là, à rassembler les élé
ments les plus significatifs caractérisant
A/ La mise en place et l'organisation du système.
B/ Son contenu et son fonctionnement.
C/ Son évaluation.
A/ Historique et organisation
A partir de l'organisation d'ensemble du système que nous avons
évoquée précédemment et devant les difficultés rencontrées, l'un des
responsables régionaux de l'Education rurale, L.B. Ouédraogo, entreprend,
dans le Yatenga, en pays mossi, d'utiliser les structures tradition
nelles comme référence pour faciliter la réinsertion des jeunes sortant
des CER dans leur milieu. Il existe, en effet, dans la société villa
geoise, une association traditionnelle de classe d'âge, le Naam, qui
accueille les jeunes gens dans la période d'adolescence jusqu'à leur
entrée dans la vie adulte. Le Naam est à la fois une structure de for
mation, d'apprentissage de la vie sociale et également une organisation
communautaire de production, profondément intégrée dans le système
socio-culturel villageois. L. B. Ouédraogo décrit en ces termes les
fonctions du Naam :
"Le Naam est une association temporaire de jeunes gens et de jeunes filles de même groupe d'âge. Il représente en miniature la structure politique de la société traditionnelle mossi. Des jeunes'du même village ou d'un groupe de quartiers (20 à 35 ans pour les garçons, 15 à 20 ans pour les filles) se mettent d'accord pour organiser le Naam. En général, on l'organise pendant la saison des pluies. Ils se répartissent au soir au clair de lune (9) sur la place publique pour élire leurs responsables et se répartir les tâches. C'est en fonction du comportement des individus qu'on leur confère un titre ou un rôle au sein de l'association"
Ainsi se répartissent les tâches qui permettent au Naam d'entre-prendre
des opérations de culture pour le compte des paysans du village qui
ont besoin d'un apport de travail supplémentaire. La rétribution per
mettra au groupe d'organiser ses fêtes de classe d'âge.
(9) En Afrique de l'Ouest, les soirées de clair de lune sont fréquemment le théâtre de manifestations de la vie sociale.
- 86 -
"Pour les jeunes, en même temps qu'ils deviennent endurants, ils suivent des cours d'apprentissage agricole et, dans une certaine mesure, des leçons d'éducation coopérative pratiques. Ils placent leur association dans un climat de participation volontaire. Enfin, le Naam réalise une microsociété complète équilibrée. C'est un jeu social régi par les règles de la vie quotidienne. Il introduit ainsi les jeunes dans la vie sociale réelle." (lO)
L.B. Ouédraogo s'attache ainsi, à partir de là, à "négocier", à
travers un véritable travail d'animation, avec les adultes et les an
ciens du village, la reconnaissance des "groupements post-scolaires"
comme structure nouvelle du Naam. Le Naam rénové garde pour une bonne
part sa signification sociale initiale et, à ce titre, il est perçu
positivement par les anciens. D'autre part, il assurera un rôle écono
mique accru, permettra de donner plus de responsabilités aux jeunes
s'ouvrant à l'innovation et, à ce titre, il sera également bien reçu
par ces derniers» Le Naam rénové devient ainsi le support de l'Educa
tion rurale rénovée, l'institution moderne et l1institution tradition
nelles ayant fait respectivement un certain chemin l'une en direction
de l'autre pour pouvoir se rencontrer.
Les initiatives prises au Yatenga intéressent particulièrement
les responsables qui prennent la décision d'avaliser la nouvelle orien
tation à travers la réforme de l'Education rurale. L.B. Ouédraogo avait
tenté d'intégrer davantage les Naam nouveaux entre eux en établissant
l'esquisse d'une petite organisation federative régionale. Cette orga
nisation elle-même doit s'articuler avec l'Office régional de dévelop
pement (ORB) OÙ elle doit trouver un support économique, technique,
administratif. Tout naturellement donc, l'Education rurale vient s'in
tégrer au développement rural par son rattachement, en 1974, au minis
tère de l'Agriculture ; elle devient en même temps "Formation des jeunes
agriculteurs" (FJA). Et les Naam, qui s'érigent en structures perma
nentes , accroissant leur potentiel et leur efficacité économiques
sans perdre leur insertion socio-culturelle, deviennent des "groupe
ments de jeunes agriculteurs" (GJA) à caractère pré-coopératif. On abou
tit ainsi à un système tendant à la formation et l'intégration des
jeunes dans l'emploi tout en préservant leur participation sociale (11)
(10) OUEDRAOGO (D. B.).- Les groupements précoopératifs au Yatenga...
(11) Voir la note p. suivante.
- 87 -
B/ Contenu et méthodes
Le CER est devenu Centre de formation de jeunes agriculteurs
(CFJA). Le£ ormateur prend le relais de l'ancien maître rural. Sa tâche
le conduit, dans un premier temps, à "négocier" avec le village ou le
groupe de hameaux qui doivent envoyer leurs jeunes au centre. D'entrée
de jeu, donc, la structure sociale existante est considérée comme l'inter
locuteur essentiel. Il faut "reconnaître" cette structure, d'abord.
L. B. Ouédraogo, rapportant son expérience, identifie cinq étapes dans
la méthodologie d'articulation du centre au village en vue de la création
du groupement :
1 . Prendre contact avec le village selon les modalités des
échanges et de la communication traditionnels.
2 o Ouvrir un dialogue général en faisant l'inventaire avec
les villageois de l'ensemble des problèmes qu'ils se posent.
3. A partir de là, dans une réflexion commune, analyser les
rapports avec l'encadrement, les "agents de développement", voir les ob
jectifs possibles et souhaitables et la formation nécessaire pour les
atteindre.
4. Poser le problème de l'organisation des jeunes dans le
cadre du Naam comme moyen de réaliser les objectifs. Etudier la colla
boration entre le groupement des jeunes et le village : ce que le village
doit apporter aux jeunes -des terrains de culture, des conseils d'expé
riences, un certain contrôle social-; ce que les jeunes doivent donner
en contrepartie - un travail productif socialement utile, culturellement
appreciate- . Ainsi pourra être prise la décision par le pouvoir tradi
tionnel villageois.
(il) L'aspect de participation a été étudié dans une étude comparative récente de 1*UNESCO.- V. R. COLIN.- Les méthodes et techniques de la participation au développement. Analyse comparative et problématique à partir de l'étude de quelques dossiers significatifs.-Paris, UNESCO, Division de l'étude du développement. Rapports/ Etudes. PAR. 3, 1978.
- 88 -
5. Mettre en place le groupement qui offre la "présidence
d'honneur" de l'association à deux notables du village qui"serviront de
trait d'union entre le monde traditionnel et le groupement pré-coopératif
dont ils seront les conseillers coutumiers".
Le centre de formation est suivi par un "conseil villageois du
centre" (CVC) qui conseille le formateur sur le contenu de la formation
à donner.
Cette articulation avec la classe d'âge des anciens ne supprime
pas les conflits de génération, mais elle indique un lieu où ils peuvent
trouver leur solution dans le dialogue.
Cette formation, pour l'essentiel, répond aux objectifs fixés
par la direction des services de la PJA dans une Directive orientant les
activités et programmes (avril 1976) :
"La Formation des jeunes agriculteurs se propose autant de développer les capacités psycho-intellectuelles des jeunes (formation de l'esprit, de l'intelligence pour savoir organiser l'action en vue d'un but) que de former des jeunes capables de s'intégrer à leur milieu, qui connaissent leur futur métier (producteur) et qui sachent améliorer leurs conditions de vie (utilisation des revenus, santé, nutrition)."
Le GJA, dans un premier temps réservé aux seuls anciens élèves
des CER/FJA, s'est ensuite progressivement ouvert aux autres jeunes de
la classe d'âge "analphabètes". Il comprend de 15 à 30 membres et il
peut y en avoir plusieurs dans un même gros village, mais reliés par un
lien fédératif. Il élit un comité de gestion (président, secrétaire, tré
sorier, responsable des différentes activités économiques, sociales, cul
turelles). Il continue d'organiser les fêtes du type des rites de classe
d'âge, mais il garde une part de son surplus de production pour des opé
rations d'équipement. Il a un compte en banque et forme progressivement
son "auto-encadrement".
- 89 -
C/ Situation et perspectives
Si l'orientation et les principes se dégagent clairement à tra
vers l'expérience observée, celle-ci laisse apparaître nombre de pro
blèmes et de contradictions.
Il est évident que la nouvelle ligne de l'Education rurale deve
nant F JA s'attaque aux véritables problèmes dont dépend l'intégration
des jeunes à l'emploi et aux structures sociales et qui conditionnent,
en définitive, pour une bonne part la survie de la société rurale. On
doit noter particulièrement que, à la différence de nombre d'autres
tentatives, elle a saisi l'importance de trouver une articulation entre
le système socio-culturel et les projets de modernisation économique
sans rupture entre les générations et elle montre des voies possibles
et praticables.
Son objectif n'est pas d'aboutir prioritairement à des résultats
de production économique décisifs pour franchir des seuils irréver
sibles de développement, mais d'abord d'éviter la destruction du système
de production rural par le fait de l'exode rural.
Une illustration villageoise
Pour le meilleur des cas, on peut se référer à une illustration
positive donnée par Benoît-Hamidou Ouédraogo :
"Village de Gonsin. Le centre est créé en I966, mais le projet de rénovation ne s'instaure qu'en mai 1975 ; le formateur, Bangouba K, intégré au village, jouit de la réputation d'un homme exemplaire, travailleur infatigable, attentif, discret et persuasif. Il ne rencontre aucune difficulté pour amener le village à adhérer aux objectifs de la FJA. Un Conseil villageois de douze membres de forme ; au cours de plusieurs réunions successives, chaque gros quartier désigne trois représentants pour la constitution du CVC. La présidence du Conseil revient au plus âgé du groupe, Kabores (soixante-quinze ans), un 'bon' musulman dont la sagesse et le mythe des souffrances extraordinaires endurées pendant les travaux forcés de la période coloniale forcent le respect de ses concitoyens. Après trois années d'activités du CVC, Kabores cède pratiquement son poste au vice-président Pagnan K. (cinquante-cinq ans), un homme d'une stature imposante, n'aimant pas les 'longs détours' pour dire 'sa vérité' dans les réunions. Le CVC
- 90 -
s'occupe seul du recrutement ; vingt-six jeunes de quatorze à dix-huit ans sont retenus parmi une trentaine de volontaires accompagnés de leurs parents. Le formateur discute du plan de formation avec le CVC, sceptique au départ tant les nombreuses innovations heurtent trop la conception et la pratique des paysans : nouveau système d'assolement et de rotation, entretien d'une fosse furniere, travail en plusieurs équipes, etc. La personnalité du formateur emporte les hésitations.
"Après deux mois de fonctionnement, les résultats de l'exploitation surprennent les paysans de Gonsin et alimentent les conversations au marché, aux cabarets et dans les familles. L'impact du centre est visible. Dans les quartiers, les fosses fumières se comptent maintenant par dizaines et les jeunes du Centre sont sollicités pour des conseils techniques sur l'utilisation des engrais, la fabrication du rayonneur, la densité des divers semis, etc. Le CVC et le formateur prennent de plus en plus en main l'animation du village ; ils suscitent des projets de développement au niveau de la jeunesse et des chefs de famille tous organisés en groupements. Les problèmes du village sont recensés au cours des réunions de coordination des activités. La préoccupation principale s'avère être celle de l'eau ; tous les habitants sensibilisés au problème se cotisent et une somme de 37 500 F CFA est réunie pour la construction d'un barrage. Le CVC prend des contacts divers, se rend à Ouagadougou et explique son projet à 'SOS Sahel' qui accepte de le financer. Les difficultés ne manquent pas cependant sur le chemin de la Rénovation.
"La migration d'une couche importante de la population jeune a une influence négative considérable. Les migrants qui reviennent pleins d'ambition de la Côte d'Ivoire s'en prennent au départ à la FJA et cherchent à décourager les jeunes en formation qui reprennent aisément leur propos : 'Vous perdez votre temps... Où vous conduit un enseignement en mooré (*)... Demandez un peu à votre maître s'il a été alphabétisé en mooré pour être ce qu'il est aujourd'hui ?...'
"Toutefois, le CVC a toujours su répliquer à ces détracteurs comme il le faut. Un conflit relatif à des terres oppose ensuite la jeunesse organisée du village au quartier Koulugo. Le CVC tente d'abord un arbitrage du différend, mais finit par prendre parti pour la jeunesse ; cette prise de position lui vaut un procès à la sous-préfecture de Boussé, procès qu'il emporte. Le quartier Koulugo, humilié et outré, retire en conséquence ses jeunes du Centre.
(*) Le mooré est la langue parlée par les Mossi.
- 91 -
"Notre dernière enquête, datée du mois d'août 1977, augure de sérieuses difficultés pour le CFJA ; l'opposition est manifeste entre les jeunes en formation qui exigent une plus grande autonomie dans la gestion des biens du Centre et le président du CVC dont le leadership de type autoritaire heurte bien des susceptibilités ; quelques parents de jeunes parlent d'un excès de pouvoir ou d'une ambition démesurée du président. Le chef du village appuie l'ensemble des innovations diffusées par la FJA ; son autorité est cependant de plus en plus en veilleuse face à un CVC qui reçoit constamment l'aval de l'administration des Services techniques et des nombreux experts européens en visite d'étude.
"Les jeunes ne sont plus que dix-huit, travaillant avec joie et entretenant des relations de réciprocité avec le formateur ; l'assiduité est bonne. La PJA a convaincu ici les villageois de l'impérieuse nécessité de l'innovation technique dans l'agriculture traditionnelle. Les résultats des racoles du Centre sont cette année encore l'objet de commentaires élogieux." (12)
Les problèmes
Cette illustration circonstanciée montre une bonne part des
obstacles et des bénéfices de semblable opération.
Posant le problème de la transformation de la société villageoise
dans sa globalité à partir des rapports de générations, elle voit surgir
les obstacles de tous horizons :
„ de l'intérieur, d'abord ; elle doit affronter les pesan
teurs sociologiques, les relations et conflits d'intérêts de la micro
société villageoise ;
„ de l'extérieur, ensuite ; il faut que l'encadrement ex
terne représentant l'appareil d'Etat suive. Dans le cas du village de
Gonsin, que nous avons choisi comme illustration positive, cet encadre
ment a suivi ; dans d'autres cas, il ne suit pas ou mal, et le travail se
bloque ou se ralentit.
(12) Benoît-Hamidou OUEDRAOGO.- Opération intergénérationnelle en Haute-Volta. Mémoire EHESS, I978, déjà cité.- pp. 61-63=
- 92 -
On doit noter aussi le rôle essentiel de la qualité du forma
teur, non seulement comme pédagogue, mais aussi comme médiateur, forma
teur d'adultes.
Enfin, on doit s'interroger sur le problème posé par la coexis
tence de deux lignes d'éducation-formation : la ligne académique for
melle et la ligne extra-scolaire non formelle. La Haute-Volta doit s'en
gager dans une réforme générale de l'éducation. C'est une heure de vérité
dans la mesure où l'évolution des rapports éducatifs pose le problème de
l'ensemble des rapports sociaux, avec les choix économiques qui les sous-
tendent, notamment dans la relation avec les forces extérieures. Benoît-
Hamidou Ouédraogo tempère ainsi les connotations positives que nous re
prenions à partir de son enquête :
"Nous constatons que la Formation des jeunes agriculteurs suscite au départ un bouillonnement créateur des populations rurales qu'elle interpelle. Très vite cependant, cet espoir cède la place à l'indifférence ou à la passivité dans de nombreux villages. Pourquoi ce fait ? Les paysans mossi possèdent un sens intuitif très développé et ils sont persuadés que la restauration du pouvoir villageois n'est qu'illusion. Ont-ils tellement tort ? Les premiers pas des Conseils villageois des Centres butent rapidement en effet sur de nombreuses contradictions, en particulier sur les structures institutionnelles du pouvoir central." (13)
Mais l'important est probablement d'avoir introduit dans la pra
tique du développement les germes d'une nouvelle stratégie. Lédéa-Bernard
Ouédraogo parle en ces termes de cette ligne "aidant la démarche à deve
nir africaine" :
"Si le développement, de par ses facteurs fluides, est une cible mobile, donc difficile à atteindre, il ne s'agit plus de chercher dans les échecs un coupable ou une victime, mais d'analyser avec les intéressés ces insuccès afin d'en mieux cerner les causes, en vue de solutions possibles par une approche maïeutique qui permettra à chacun d'exprimer ses idées, de se découvrir individuellement et collectivement pour mieux se remettre en question." (I4)
(13) Op. cit., p. 163.
(H) Lédéa-Bernard OUEDRAOGO.- Thèse, déjà citée, p. 3.
- 93 -
Les Centres d en La
République formation
pour une pris
'éducation de Guinée-participant 3 en charge
populaire in1 Bissau. e des jeunes du développe
égrée
et des ment.
adultes
1/ Situation démographique dans une perspective historique
Les incidences du régime colonial particulièrement retardataire
et d'une longue lutte armée de libération ont été profondes sur l'évo
lution de la démographie de Guinée-Bissau. La guerre a vu la perte de
nombreuses vies humaines, des déplacements internes de population et,
également, des mouvements de réfugiés importants vers les deux pays li
mitrophes : le Sénégal et la Guinée. La fin de la guerre s'est accom
pagnée de nouveaux mouvements de population externe (retour des réfu
giés) et interne (entre les zones libérées par le PAIGC du temps de la
lutte et les zones occupées par les Portugais).
Il est important de fixer les points de repère essentiels de
cette histoire récente (1) :
. I956 : Amilcar Cabrai fonde le Parti africain de l'indépendance de
la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC).
. I959 : Massacre des grévistes de Pidjiguiti à Bissau et décision du
PAIGC de s'engager dans la lutte armée.
. I963 : Lancement effectif de la lutte armée et libération rapide de
vastes régions (les deux tiers du pays, en zones essentielle
ment rurales, l'espace urbain restant contrôlé par le pouvoir
colonial).
. 24 septembre 1973 : Proclamation de l'indépendance en zone libérée.
. Octobre 1974 : Entrée du PAIGC à Bissau et départ des Portugais.
(ï) L'ouvrage de référence donnant un tableau d'ensemble du pays est : ANDREINI (J.C.), LAMBERT (M.L.).- La Guinée-Bissau d'Amilcar Cabrai à la reconstruction nationale.- Paris, L'Harmattan, 1978.
- 94 -
On dispose des résultats de deux recensements faits par les
Portugais en 1950 et 1970. Le second, qui porte sur 487 448 hab., n'est
considéré comme valable que pour les zones non libérées. Par ailleurs,
le PAIGC estimait, en 1974, à 350 000 hab. la population des zones li
bérées. En tenant compte d'un taux de croissance de 2 % par an, on peut
arriver à reconstituer une projection plausible en intégrant l'ensemble
1970
1974
1975
1976
1977
810 793
877 628
895 181
913 085
931 346
hab. 1978
1979
1980
1981
1982
949 973 hab.
968 973
988 352
1 008 119
1 028 282 (2)
Il n'existe pas de chiffres précis pour la répartition entre
population rurale et population urbaine. La première se situerait
entre 80 et 85 % et la seconde entre 15 et 20 $>.
Le recensement de 1960 donnait une répartition de la population
active de 87,8 % dans l'agriculture, 3,2 % dans l'industrie et S % dans
les services (3).
La structure par classe d'âges jeunes ressort du recensement
de i960, selon les pourcentages suivants :
0-4 ans 14,4$
5- 9 ans 14,2 %
10-14 ans 7,3 %
15-19 ans 7,0 fo
20-24 ans 8,6 %
La densité générale de la popuktion serait d'environ 26 hab.
au km2 en 1979 (superficie totale : 36 125 km2).
(2) de SENA (Luiz), LAMBERT (M.-L.).- L'éducation en République de Guinée-Bissau. Situation et perspectives 1977.- Paris, IRFED, 1977.- p. 18.
(3) Cité par : CARNEIRO (Roberto), MOULTON (Jeanne).- Aperçu sur le système éducatif en Guinée-Bissau.- UNESCO, Division des politiques de planification de l'éducation. Rapports/Etudes. C3, 1977-
- 95 -
2¡ L'économie et l'emploi
Compte tenu des perturbations dues au régime colonial, à la
guerre et à leurs séquelles, il n'est pas aisé de donner une image
claire et précise de l'économie de Guinée-Bissau qui est en voie de
reconstruction. On dispose de peu de données. Les statistiques offi
cielles sont incomplètes (4). Sous ces réserves, on peut se référer
aux données suivantes par secteur.
Le monde rural
La colonisation en Guinée-Bissau n'avait lancé aucune entre
prise agricole importante (à la différence de l'Angola et du Mozam
bique). Elle avait mis en place une agriculture de traite commerciali
sant de l'arachide et du coprah principalement.
L'agriculture traditionnelle pratiquée par les peuples de la
façade atlantique, notamment les Balantes, se fondait sur la produc
tion rizicole. La zone de savane intérieure des Mandings connaissait
la dominante de la culture du mil et de l'arachide, tandis que l'arrière-
pays proche du Fouta Djallon, chez les Foulas, pratiquait l'élevage en
association avec des cultures de savane sèche. Le pays vivait en auto
suffisance alimentaire.
La guerre déséquilibrait l'économie agricole et les importations
de riz, en croissance jusqu'à la libération, devenaient indispensables
pour rétablir l'équilibre vivrier.
Pendant la lutte, le PAIGC avait organisé entièrement les zones
libérées en structures d'autogestion villageoises. Les"Comités de tabancas"
du PAIGC, démocratiquement élus, contrôlaient et organisaient toute la
(4) Republica da Guiné-Bissau. Comissariado de Estado do Desenvolvimento Econo'mico e Planificação. Direcção Geral de Estatística. Anuário Estatístico 1977.
- 96 -
vie villageoise, autant l'économie et l'agriculture que la santé et
l'éducation. Les tabancas fonctionnaient donc en auto-subsistance. Dès
la paix revenue, il fallut assurer à la fois l'équilibre vivrier pour
les anciennes zones non libérées à dominante urbaine et faire face au
changement du régime économique impliquant une nécessaire articulation
avec l'économie mondiale , donc un commerce extérieur, un système moné
taire.
Dans ces conditions, l'agriculture se voyait assigner deux prio
rités : rétablir la balance vivrière en accroissant notamment la produc
tion rizicole ; contribuer à la production de ressources exportables
par la production de cultures de rente, essentiellement arachide et
coton, essentiellement dans les zones Nord et Nord-Est du pays.
Les importations de riz au regard de la production, ainsi que
la production et l'exportation de l'arachide tiennent dans le tableau
suivant (5) :
Importation de riz (tonnes)
Production de riz (tonnes)
Exportation d'arachide (tonnes)
Production d'arachide (tonnes)
1968
1969.
1970
1971.
1972
1973
1974
1975.
_ 3 800.
.23 000.
.13 000.
.28 900.
.20 400.
.29 800.
.30 600.
_16 800
.17 500.
30 000.
15 000.
38 000.
28 000.
95 000
12 000.
15 100.
14 000.
6 100
11 600
13 700.
9 500
, 8 200
36 000
35 000
36 500
40 000
L'élevage, d'après un recensement fait en 1976, comprend en
viron 166 000 bovins.
(5) ANDREINI et LAMBERT.- Déjà cité.- p. 102.
- 97 -
Le secteur industriel
En I965, selon le calcul des services portugais, l'industrie ne
contribuait que pour 0,9 % à la formation du produit intérieur brut et
n'occupait qu'un peu plus de 3 Í° de la population active, avec une très
forte concentration à Bissau. Dix ans après, au moment de la libération,
la situation n'a guère changé en contenu de production, mais le contrôle
de l'Etat se substitue aux anciennes firmes coloniales, en particulier
à la Companha União Fabril (CUP) qui détenait un quasi-monopole sur le
secteur moderne (production et services). La nouvelle politique indus
trielle vise la mise en place d'unités de petite et moyenne dimensions
pour l"Mmport-substitution", et aussi quelques complexes plus étendus
pour le marché extérieur et l'obtention de devises (complexe sucrier,
industrie de décorticage et d'huilerie). A plus long terme, des pers
pectives d'extraction minière existent (bauxite). Un effort important de
construction d'une indispensable infrastructure a été entrepris.
Il est difficile, dans l'état actuel des études économiques,
d'établir une projection sérieuse concernant le problème de l'emploi ;
mais il paraît certain que la Guinée-Bissau devra faire face à des pro
blèmes en partie comparables à ceux des pays voisins, c'est-à-dire éviter
qu'une attraction des zones urbaines sans croissance industrielle consé
quente (attraction interne, mais aussi externe, avec un fort courant de
migration internationale) ne crée un exode rural destructeur de l'équi
libre des forces productives dans le monde paysan. Il est donc important
de pouvoir répondre aux problèmes de modernisation de la production et
des emplois ruraux, tout en procédant à un effort soutenu dans le domaine
du développement régional, tout ceci prenant place dans la ligne d'une
politique planifiée, selon les choix du PAIGC, sans exclusion d'une ouver
ture vers l'extérieur et de la création d'un secteur d'économie mixte,
notamment pour les ensembles industriels d'une certaine importance.
Selon les chiffres des services du Plan, de l'Annuaire statis
tique 1977, le nombre des emplois salariés était de 24 359. 80 fo étaient
localisés a Bissau (19 734), l'agglomération comprenant environ 100 000
habitants. L'Etat emploie 62 io de l'ensemble de la main d'oeuvre salariée
(15 051 fonctionnaires sans compter les forces armées). Le secteur d'Etat
(fonctionnaires et employés des entreprises publiques représente 19 455
emplois, le secteur privé 3 879 et le secteur d'économie mixte 1 025.
- 98 -
3/ Situati on de l'éducation
Pendant la période coloniale, le système éducatif reste très
limité. C'est la guerre qui verra l'expansion de l'enseignement. En
premier lieu, Âmilcar Cabrai, fondateur du PAIGC, assigne comme l'une
des tâches essentielles du mouvement politique de promouvoir une édu
cation nouvelle. Dès 1965 est fondéeà Conakry, l'"Ecole pilote"qui de
viendra l'"Instituto da Amizade" recueillant les orphelins de guerre et
donnant une formation destinée à préparer des cadres, tout en donnant
l'impulsion aux écoles créées dans les tabancas des zones libérées.
En 1971-72, 14 531 élèves fréquentaient les 164 écoles mises en place
par le PAIGC dans les zones libérées.
Le Commissariat d'Etat à l'Education nationale est créé en
octobre 1974. Il reprend aussitôt l'organisation de l'ensemble du sys
tème éducatif.
L'enseignement primaire comprend, au départ, deux catégories
d'écoles : d'une part, les écoles de type urbain, d'autre part, les
écoles rurales.
Les unes et les autres ont, en principe, un cycle de quatre
classes, bâti selon le modèle portugais, constituant l'école primaire
proprement dite, qui se prolonge, dans certains cas, par un'bycl© pré
paratoire" de deux années complémentaires représentant la mise en place
d'un'enseignement basique1; aux termes de la réforme portugaise de 1968.
Mais ce dispositif complémentaire ne fonctionne que très partiellement
dans le monde urbain (5e et 6e classes). Du temps de la colonisation, les
écoles rurales n'étaient autre chose que des centres d'alphabétisation
infantiles, les écoles urbaines de plus haut niveau et dotées de meilleurs
enseignants se voyant confier la tâche de former les auxiliaires guinéens
du colonisateur.
Le gouvernement, dès 1974, entreprend de définir une réforme dont
l'ossature est au point en 1975-76, mais dont l'application posera de sé
rieux problèmes dûs, en particulier, à la pénurie de personnel enseignant
qualifié et au manque d'infrastructures. Il est décidé, notamment, de faire
une place plus large à l'articulation avec le"travail productif'et de
_ 99 -
généraliser les 5e et 6e classes. C'est sur ce terrain que se branchent
les Centres d'éducation populaire intégrée que nous évoquerons plus loin.
La nouvelle politique doit réaliser une double intégration :
intégration en 'un système cohérent des appareils légués par le coloni
sateur, qu'il faut réintégrer dans le sens des options nationales, et des
organisations scolaires du PAIGC des anciennes zones libérées, qu'il faut
pouvoir renforcer techniquement et ouvrir à la nouvelle dimension du dé
veloppement .
L'organisation du Commissariat d'Etat met en place dans chacune
des huit régions un Responsable régional deA'éducation qui coordonne et
contrôle tout le système éducatif, en relation avec le Comité d'Etat de
la région. A l'échelon sous-régional existent des responsables de secteur,
Des classes pré-primaires existent en assez grand nombre et cor
respondent à 30 % environ des effectifs du primaire.
L'enseignement secondaire est,donné dans trois établissements.
Le plus important est le lycée Kwamé NKrumah à Bissau. Un lycée est en
formation à Cantchungo et un autre à Bafata.
Pour le moment, le lycée est construit selon le système portu
gais : trois année3 apre3 le cycle préparatoire, suivies de deux années
de cours complémentaire, Tout ceci doit être profondément transformé par
la réforme qui prévoit une articulation plus forte et plus logique avec
le primaire rénové (voir schéma ci-après).
0 m m Enseignement
générai polyvalent
III
Enseignement moyen pré-universitaire et polytechnique
Enseignement pré-scolaire
1
ftourqe
Enseignement de base
1 2 3 4 5 6
(!#.), LAMBERT ( M . L . ) ó TS ft/1
1 2 3
P Ecoles
rofeasionnelle
1 2 3
3
4
1
' l 5 |
2 3 4
- 100 -
L'enseignement technique et professionnel est assuré par l'Ecole
de commerce et d'industrie et l'Ecole de formation d'instituteurs de
Bolama.
La réforme prévoit la création d'un "enseignement moyen polytech
nique" de trois à quatre ans comprenant un Institut pédagogique qui rem
placera l'école de Bolama et formera les enseignants et un Institut tech
nologique de formation professionnelle prenant le relais de l'Ecole de
commerce'et d'industrie de Bissau. Ce dernier formera à trois niveaux :
des ouvriers spécialisés, des ouvriers qualifiés, des techniciens.
Le tableau d'ensemble des effectifs de l'enseignement pour
l'année 1975-76 est donné page suivante.
4/ Les Centres d'éducation populaire intégrée (CEPl)
A/ Historique et organisation
En 1975» le Commissariat d'Etat à l'Education, soucieux du pro
blème de l'intégration du système d'éducation/formation au milieu rural,
entame une série de réflexions portant, en même temps que la réforme de
l'enseignement, sur les innovations permettant de trouver un nouveau
type d'articulation entre les structures de formation des jeunes et les
communautés rurales. Cette réflexion, menée avec le concours de l'IRPED (6)
aboutit, en 1976, à la décision de lancer une action expérimentale tendant
à la création de Centres d'éducation populaire intégrée (CEPl).
Le projet, qui reçoit l'appui du gouvernement de Guinée-Bissau,
selon le document de base qui en fixe le contenu initial et les orien
tations ,
"vise l'installation, dans le milieu rural, d'un système d'éducation globale prenant en charge la transformation et la promotion globale de la société en vue de la reconstruction nationale fondée sur. la responsabilité des cellules,
(6) Institut de recherche et de formation pour l'éducation et le développement,; ONG internationale dont le siège est à Paris, spécialisée dans la recherche ëur' 1''éducation en situation de contradictions socio-culturelles . ! .'.' .
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- 102 -
de base, remettant en question les stratégies et les pratiques de croissance technologique conçues par le système d'économie marchande internationale. Ses actions expérimentales doivent devenir le centre de mise au point de pratiques de formation intégrées à la transformation économique, sociale et culturelle, dans le champ des options politiques définies ; donc, lieu de formation, de recherche et d'action.
"Elles conduisent à un mode de formation nouveau concernant - les jeunes sortant de l'école primaire et devant accéder à la production ;
- hommes et femmes du monde rural dont le besoin est grand d'éducation permanente ;
- les cadres, c'est-à-dire responsables paysans, éducateurs, personnel technique et administratif qui reformeraient sur le terrain l'association d'une pratique d'expérimentation aux actions correspondant aux besoins locaux."
Il s'agit donc de développer trois lignes d'action qui prendront
place dans des Centres d'éducation populaire intégrée (CEPl) :
"l'éducation des jeunes paysans, l'animation de la société rurale et la formation de cadres polyvalents d'intervention dans le monde rural. Ces lignes d'action gardent une profonde interaction entre elles dans un large contexte d'activités définies par la vie des tabancas (villages). La pratique scolaire sert de point de départ à l'animation, mais elle reçoit son contenu de la vie même de la communauté. Les cadres se forment dans la pratique de l'animation et dans l'accomplissement de leurs tâches d'enseignants. Les 'techniciens du peuple' et les leaders de la communauté interviennent dans la pratique pédagogique et dans la direction de l'école, et l'école, elle, collabore aux travaux de production et autres aspects de l'économie paysanne, ainsi qu'aux campagnes de mobilisation, d'organisation et d'éducation informelle des populations." (7)
Le projet se met en place à partir de février 1977, où est cons
tituée au sein du Commissariat d'Etat à l'Education nationale une commis
sion nationale des CEPI qui assurera le pilotage de l'ensemble de l'action
Le gouvernement décide que l'action commencera dans deux zones expérimen
tales situées l'une au Sud, dans la région de Tombali, l'autre au Nord,
dans la région de Cacheu. La première représente une région qui a durement
(7) de SENA (Luiz).- Les Centres d'éducation populaire intégrée (CEPl) de Guinée-Bissau. Bilan 1978.- Paris, IRFED, nov. 1978.- pp. 4-5.
- 103 -
souffert de la lutte et qui a été la première à se mobiliser politique
ment derrière le PAIGC. Région des riziculteurs balantes, aux structures
traditionnelles fortement intégrées, elle a été délaissée par le coloni
sateur et souffre d'un profond sous-équipement. La seconde est beaucoup
plus ouverte économiquement et socialement, extravertie, avec une migra
tion assez importante et des actions de développement agricole touchant
l'agriculture céréalière de savane : mil et maïs. La population est en
grande partie mandjak et mancagne.
Une première équipe se met en place en mars 1977 dans la région
de Tombali, à Cufar, à une dizaine de kilomètres de Catio, chef-lieu
de la région» Elle comprend dix cadres guinéens en formation, à domi
nante éducateurs, avec un responsable du niveau de l'école normale. Elle
est assistée de deux experts de l'IRFED. Elle aura comme objectif d'or
ganiser le premier CEPI en définissant les méthodes et en les expéri
mentant . Il est entendu que le premier travail sera de mettre au point
à l'intérieur du CEPI des classes de 5e et 6e post-primaires dans l'es
prit de la réforme de l'enseignement et, en articulation avec ce tra
vail, de procéder à une animation-éducation d'adultes et une mobilisa
tion-formation des jeunes les intégrant dans les structures économiques
et sociales des villages, en respectant l'identité culturelle et les
options du PAIGC.
Après quelques mois de travail préparatoire mené avec les ta-
bancas, la première classe de 5e fonctionne en novembre 1977. La pre
mière classe de 6e doit s'ouvrir en novembre 1978.
En mars-avril 1978, une seconde équipe de treize cadres guinéens
se met en place dans la région de Cacheu avec l'appui de deux nouveaux
experts de l'IRFED. Après une formation initiale, le premier CEPI est
ouvert en novembre 1978 à Bara, près de Cantchungo, principal centre
administratif de la région.
Dans le même temps se prépare au Commissariat d'Etat un premier
plan triennal d'extension qui doit permettre d'envisager un quadrillage
systématique des deux régions initiales et, à partir de là, programmer
une généralisation progressive aux autres régions, en relation avec les
programmes de régionalisation du Plan et la ligne de progression du
- 104 -
développement rural qui s'intéresse à voir les jeunes sortant des 5e et
6e classes s'organiser en groupements de type pré-coopératif s'intégrant
dans les structures de production des tabancas.
S/ Méthode et programme
L'hypothèse de travail repose sur la volonté de faire correspondre
la formation aux besoins du milieu afin de voir les jeunes s'insérer dans
les structures sociales et économiques.
Dans le pays balante, la société traditionnelle qui s'est mobi
lisée toute entière dans la lutte organisée par le PAIGC a gardé son sys
tème de classes d'âge à travers lequel passe, dans le modèle originel,
l'essentiel de la formation des jeunes jusqu'à leur accession à la pleine
responsabilité d'adultes par le rite d'initiation, le "fanado". Pendant
la guerre, le rituel de l'initiation a été interrompu, mais il a repris
avec force en 1977- Les jeunes gens l'ont accepté, tout en négociant
avec les anciens au nom du poids et des responsabilités politiques qu'ils
ont pris dans la lutte de libération afin d'obtenir des aménagements et
des ouvertures à la modernité en préservant l'identité culturelle. Ils
ont pu ainsi acquérir leur part de pouvoir dans la société villageoise.
C'est en pleine connaissance de ces réalités que l'équipe du
CEPIde Cufar a abordé la phase préliminaire de son travail : contacts,
négociations, explications avec les "anciens", le pouvoir villageois, les
comités de tabancas du PAIGC où se rejoignent les deux sources de ce
pouvoir villageois, moderne et traditionnelle. Il s'agissait d'obtenir
l'accord des communautés paysannes pour participer à la mise en oeuvre
des CEPI, s'y impliquer au moins à trois niveaux : la définition des
besoins de formation ressentis dans les villages, apporter une contri
bution à la formation, utiliser les résultats de la formation.
Dans le dialogue ainsi établi, quatre séries de thèmes apparais-\en priorité, touchant :
saient* 1. l'agriculture et l'élevage - 2. la santé - 3- l'artisanat
et la promotion technologique - 4. la communauté et sa culture.
- 105 -
Autour de ces thèmes, l'équipe pédagogique bâtit la structure
du programme. Dans la cinquième classe, le programme se fait, chaque
semaine, à travers quatre jours de formation et trois jours de travail
au village dans les exploitations familiales. A chaque jour de formation
correspond régulièrement une série de thèmes. Ainsi le lundi, on travaille
sur l'agriculture. Eryfonction du choix des tabances, c'est la culture du
riz qui constitue la pièce initiale du programme.
La journée de formation est de six heures, découpée en trois sé
quences. La première séquence est centrée sur l'étude de la réalité pay
sanne en relation avec le thème choisi ; elle est assurée avec et par les
paysans compétents, détenteurs du meilleur savoir traditionnel et spécia
lement désignés par les comités de tabancas ; ces'éducateurs paysans"ne
sont pas rémunérés.
La seconde séquence, donnée par les éducateurs des CEPI, consiste
à reprendre le même sujet en l'éclairant de données scientifiques ; ainsi,
pour le riz, on évoquera les notions essentielles de biologie végétale,
l'engrais, etc.
La troisième séquence aborde la pratique possible dans le village,
compte tenu de l'apport du savoir traditionnel et des connaissances mo
dernes .
Tout ceci se fait en relation étroite avec les 'paysans formateurs"
'techniciens du peuple". Et dans la fraction de semaine qui suit, on pourra
aborder les applications au village.
Jour après jour, sur tous les thèmes, la pédagogie en trois sé
quences successives suit le même rythme, intégrant ainsi profondément la
formation au village, cependant que la participation des jeunes au tra
vail productif est une donnée constante dont les éducateurs ne sont pas
exclus.
On réalise ainsi une intégration progressive entre la formation
et la production, la formation et le travail des jeunes et la formation
et le travail des adultes. Les techniciens de l'appareil d'Etat qui tra
vaillent dans la zone sont associés au CEPI et une relation étroite s'éta
blit avec les classes primaires qui devraient pouvoir s'ouvrir aux apports
de cette pédagogie nouvelle.
- 106 -
La 6e classe se bâtit selon un schéma comparable, avec un pro
gramme qui élargira ses thèmes au-delà de l'univers restreint du village
pour toucher la réalité régionale et nationale. Il est envisagé que la
même orientation puisse être testée dans le secondaire, spécialement au
nouveau lycée de Cantchungo, en relation avec les CEPI. Les projets CEPI
rejoignent profondément les grands choix de la réforme de l'enseignement
et la volonté d'intégration des jeunes au développement.
C/ Les problèmes et les perspectives
Le premier bilan fait en novembre 1978 (8) montre que, tant dans
le Nord que dans le Sud, l'essentiel de l'hypothèse de travail s'est lar
gement vérifié sur le terrain.
„ Dans l'espace de formation du CEPI, la participation des
jeunes a été régulière et positive. Les programmes se sont déroulés selon
le rythme prévu, avec la participation villageoise. L'élaboration d'un
matériel didactique approprié se fait progressivement. Les enseignants
ont décidé de lancer un journal pédagogique permettant de capitaliser
et diffuser les acquis de leur expérience. Ce journal, élaboré entière
ment par les équipes des CEPI, dénommé "Bombolom", en est à son qua
trième numéro. En fin d'année, l'évaluation de la formation des ensei
gnants par les formateurs, avec une part d'auto-évaluation, s'est avérée
largement positive.
. Dans l'univers villageois, les CEPI et la politique d'in
tégration de la formation dans le développement des tabancas ont été
bien accueillis. Ainsi, cette déclaration d'un ancien ("Homem grande") de la tabanca de Cantone, près de Cufar :
"Je connaissais l'école coloniale, une école qui était dans ma tabanca. Je voyais toujours passer les jeunes chargés de baguettes qui servaient à les corriger. Les jeunes fuyaient l'école et la tabanca. Les parents refusaient de laisser les enfants aller à l'école et les envoyaient vivre
(8) Luiz de SENA.- Bilan 78, déjà cité.
- 107 -
dans les tabancas qui n'avaient pas d'école. Maintenant, l'école CEPI a montré qu'elle s'intéresse à nos problèmes ; nous avons été invités à nous prononcer sur nos enfants, sur le travail réalisé à la maison et à l'école. Cela a conduit nos enfants à respecter les parents et à s'intéresser aux problèmes de la tabanca. Cette école a gagné ma confiance... Vous devez agrandir cette école pour recevoir tous les enfants que nous vous enverrons. Je vais envoyer rechercher tous mes enfants qui sont dans d'autres tabancas pour les faire étudier dans cette école." (9)
L'ouverture pour un nouveau type d'éducation d'adultes intégrée
socialement, économiquement et culturellement est ainsi largement pra
tiquée .
Mais les problèmes restent nombreux.
» Dans le système de formation, l'extension envisagée devra
résoudre la difficulté née de la pénurie de cadres guinéens. Au stade
expérimental, on a choisi de constituer des noyaux de cadres en formation
autour des premiers CEPI (dix et treize, alors que normalement deux
cadres pourraient faire fonctionner un CEPl). Ces noyaux doivent per
mettre une démultiplication dans les premières zones d'extension (ainsi
pour les nouveaux CEPI de Batucar, au Nord, et Cassacá, au Sud). Mais
le recours à des enseignants venant de l'école normale de Bolama ou de
l'école de recyclage des enseignants de la lutte à Co a ses limites. Il
faudra donc envisager un institut de formation, tout en gardant l'indis
pensable liaison formation/terrain. Un projet dans ce sens a déjà été
esquissé.
. Un second problème se pose autour des charges financières.
L'efficacité de la formation transparaît des zones expérimentales sur
lesquelles, s'agissant d'un investissement initial de recherche méthodo
logique et de formation de cadres, il est très difficile d'établir un
rapport valable coût/bénéfice. On est dans une période où prime l'éva
luation des données qualitatives. A partir de là, il faut établir une
stratégie jaugeant la part possible d'auto-amortissement du système. Ceci
suppose que l'institutionnalisation du pouvoir des tabancas ou groupes
de tabancas permette de gérer ou co-gérer avec l'appareil d'Etat les
programmes de formation intégrée en utilisant une part de la production
ajoutée. Ceci suppose des choix politiques.
(9) Ibidem, p. 31
- 108 -
. On peut faire la même considération pour la liaison entre
les programmes de développement ruraux régionalisés, la régionalisation
du Plan et des actions techniques et les structures de formation. Cette
politique de développement régional est difficile à définir et mettre
en oeuvre dans un pays où les conditions du développement se heurtent
à ces obstacles de pénurie de cadres, d'absence d'équipement, d'un com
merce extérieur encore précaire, etc.
o Le problème de l'articulation entre le système plus clas
sique des zones urbaines et la transformation plus radicale proposée
par les CEPI devra être posé. Il ne peut se comprendre hors d'une poli
tique d'équilibre et d'inter-relations ville-campagne.
. Enfin, la manière dont sera appliquée dans son ensemble
la réforme de l'enseignement commandera pour une bonne part, l'avenir des
CEPI qui sont apparus, jusqu'à présent, comme des jalons précurseurs
positifs dans une construction de bien plus vaste envergure qui ne peut
se comprendre en dehors d'une vision globale où la mise en place des,
nouvelles structures de production paysanne ne peut se faire indépen
damment de l'appeil de formation des jeunes comme des adultes. Et l'on
doit y ajouter les mesures à prendre pour maîtriser l'équilibre entre
l'urbain et le rural. C'est une tâche à la fois urgente eb de longue
haleine.
- 109 -
ESQUISSE D'UNE TYPOLOGIE RAISOMEE
A partir des études de cas ainsi exposées, il est possible d'iden
tifier un certain nombre de critères significatifs dont les combinaisons
devraient permettre d'esquisser une typologie. Cependant, cette démarche
de classification doit être relativisée pour au moins trois raisons :
a) Le choix des critères distinctifs, même s'il procède d'une
approche raisonnée, est nécesairement incomplet et quelque peu arbitraire.
b) Chaque critère -à part ceux qui peuvent être appréciés
quantitativement (par exemple : effectifs annuels de recrutement)-
quand on l'applique à des contextes différents, est sujet à des variantes
qu'il faut estimer à leur juste portée.
c) Toutes les opérations étudiées montrent un aspect évo
lutif, le changement étant rapide et fort dans certains cas et à cer
tains moments, lent et faible dans d'autres cas à d'autres moment.
Mais, si ces considérations conduisent à relativiser une élabo
ration typologique qui se voudrait rigide et catégorique, elles n'enlè
vent pas l'intérêt de rechercher un instrument permettant d'identifier
des tendances qui peuvent éclairer un travail d'interprétation.
Sans préjuger de ces réserves, nous avons retenu sept séries de
critères :
i/ Type de régime
Ce critère est le premier à élucider, car il permet de carac
tériser la nature institutionnelle des organisations étudiées. Pratique
ment, dans les six études de cas présentées, toutes sont sous la tutelle
des pouvoirs publics (alors que,dans d'autres cas, comme les brigades
du Botswana, l'initiative est partie du secteur non gouvernemental)„
On notera donc les organisations selon leur régime :
Militaire (M) Civil (c) Para-militaire (PM)
- 110 -
Tl/ Recrutement
. effectifs de recrutement annuel (ERA = x)
. recrutement masculin (M), féminin (F)
. recrutement de scolarisés (s) (niveaux 1 , 2 , 3 )
de non scolarisés (MS)
„ recrutement volontaire (v)
obligatoire (o)
semi obligatoire (so)
m / Durée
. quantitative : 1 an, 2 ans, etc. (période principale)
. dans ses modalités : présence continue (c)
présence en alternance (A)
o existence d'un suivi (s)
absence de suivi (NS)
!/•/ Localisation
Il s'agit de la localisation des activités principales du projet
. rurale (fi), urbaine (u)
. intégrée au milieu (ï)
non intégrée au milieu (Ni)
V/ Contenu de formation
Formation
. générale (G)
. agricole (A)
. artisanat et service (AS)
. technologie industrielle (Tl)
li/ Objectifs de production des opérations
'. production agricole (PA), artisanat service (PAS)
. production de travaux d'infrastructure (PTl)
. production assurant l'auto-entretien du système (auto-entretien AB)
. système fonctionnant uniquement sur des ressources extérieures (hétéro-entretien HE)
. système mixte (AE/HE) (la dominante est soulignée)
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- 112 -
W / Issue et débouchés
„ intégration dans la communauté d'origine (iCO)
. intégration dans le secteur moderne hors du milieu d'origine (iSM)
Nous n'avons pas retenu le critère de coût financier dans la batte
rie d'éléments-tests ainsi définis car il nous a semblé impossible, en
1'occurence, de ramener à un coût unitaire (coût/homme formé) signifi
catif des éléments d'une extrême complexité. En réalité, la comparaison
(qui est l'objectif de la démarche typologique) n'aurait pas été perti
nente. Le coût ne peut s'apprécier et se comparer qu'à travers un calcul
mettant en jeu le rapport de l'opération avec son environnement. Les dé
marches méthodologiques effectuées par le BIT pour l'analyse du coût/
avantage ("cost-benefit analysis") auxquelles nous nous sommes déjà réfé
rés le montrent clairement.
Esquisse d'une typologie
En tenant compte des critères définis précédemment, on peut esquisser une typologie, non close...
1) Opération de type service civique lourd, à dominante formation/
production, orienté vers le secteur moderne extra-rural (Kenya)
2) Opération de type service civique lourd, à dominante formation/
production, orienté vers le secteur rural en voie de modernisation
(Côte d'Ivoire, Cameroun)
3) Opération de type service civique léger (ou moyen), à dominante for
mation, orienté vers l'insertion dans le milieu rural d'origine en
vue de sa promotion (Mali)
4) Opération de type formation/intégration communautaire, orienté vers
la création de structures de promotion et développement dans le mi
lieu rural traditionnel (Haute-Volta, Guinée-Bissau).
- 113 -
- Ill -
Troisième Partie
PROBLEMATIQUE ET PERSPECTIVES D'ENSEMBLE
Essai d'interprétation
En poussant plus profondément l'analyse des études de cas, avec
l'éclairage de quelques références complémentaires, on peut amorcer une
tentative d'interprétation des données recueillies à travers les opi
nions exprimées par les responsables des différentes opérations avec
qui nous avons pu avoir certains échanges de vues, à travers également
un certain nombre d'observations directes de la réalité et une recherche
documentaire cursive sur les études déjà réalisées.
Les vues qui sont mentionnées ci-après n'entendent en aucune fa
çon se présenter comme des jugements d'évaluation rigoureuse, mais comme
un ensemble de réflexions ouvertes permettant de fonder des propositions
pour contribuer à la recherche de solutions aux problèmes de l'insertion
des jeunes dans la dynamique du développement. Ces réflexions tourneront
autour de quatre thèmes :
. stratégies observées ; leur portée, leurs limites ;
. la démarche institutionnelle et l'encadrement ;
. les pratiques de formation et de production ; méthodes et
contenu ;
. la signification économique ; l'analyse des coûts et rende
ments face à la portée sociale et culturelle.
- 114 -
LES STRATEGIES OBSERVEES. LEUR PORTEE. LEURS LIMITES.
Le point de départ de toutes ces stratégies, dans tous les con
textes, est le constat d'une crise se traduisant notamment, comme nous
l'indiquions dans notre analyse initiale, par un très fort courant
d'exode rural accompagnant une détérioration rapide du système de pro
duction du monde agricole traditionnel, par une forte poussée d'urbani
sation non maîtrisée sans contrepartie de croissance industrielle géné
ratrice d'emplois en proportion suffisante et, enfin, par une inadapta
tion des systèmes d'éducation et de formation de type classique pour pré
parer les jeunes à faire face à ces situations.
La crise se noue donc au triple plan économique, social et cul
turel. Les opérations qui s'adressent à la jeunesse en vue de son inser
tion dans le développement traduisent, implicitement ou explicitement,
le choix d'une certaine ligne d'action, d'une stratégie face à cette
crise multidimensionnelle. Nous pouvons identifier les éléments qui pa
raissent les plus significatifs de ces stratégies liées aux "opérations
jeunesse".
1/ Les stratégies face à la crise sociale
Elles tendent à la résorption du chômage des jeunes en interve
nant dans une gamme de classes d'âge déterminées (16-25 ans) et en les
mettant au travail. C'est donc là une opération de fixation d'une force
de travail inemployée. Mais il ne s'agit pas simplement d'une force de
travail. Le groupe des chômeurs n'est pas seulement improductif économi
quement. Il est aussi, dans une certaine mesure, détaché de la production
sociale et donc, par là-même, peut devenir, selon les critères des pou
voirs sociaux et politiques en place, une menace pour l'équilibre social.
Ceci est apparent surtout dans l'univers urbain et sa périphérie où tend
à se concentrer la masse marginalisée des sans-emploi. La résorption du
chômage apparaît ainsi, de ce point de vue, comme diminution des risques
de tension sociale.
- 115 -
Se pose alors, aux pouvoirs en place, la question : à qui prio
ritairement doit s'adresser l'effort de mobilisation des jeunes sans-
emploi :
o aux plus marginalisés ?
. aux plus aisément récupérables ? (soit parce que la dis
tance prise par rapport au milieu social n'est pas encore trop grande :
il s'agit alors des jeunes du milieu rural non encore déracinés ; soit
parce qu'ils ont déjà un début d'insertion dans le versant "moderne"
de la société par une scolarisation académique plus ou moins poussée,
mais non assortie d'une formation professionnelle).
Une autre dimension se lie à cette problématique sociale : le
souci d'inculquer un "esprit de service national" et, par là même de
participer au système social établi, de le "servir". Ceci est clair
notamment dans la stratégie kenyane.
En fonction des accents que l'on met à ces différentes consi
dérations tournant autour du souci de lutter contre la crise sociale,
on aura un recrutement à dominante de jeunes ruraux non scolarisés
(CAR du Mali) ou de jeunes urbains scolarisés (avec niveau de scolari
sation croissant, c'est le cas du NYS du Kenya).
Mais se pose alors un autre problème : la socialisation (ou la
"resocialisation") conduit à quelle insertion (ou réinsertion) sociale ?
Si le jeune est incorporé dans un système spécifique, qui le place hors
de la "marginalité sauvage", ne risque-t-il pas, dans l'univers clos et
artificiel du Service, de se trouver introduit dans une "marginalité
organisée" ? Cette seconde marginalité peut-elle être génératrice de
réintégration sociale ? Si l'on observe les choix et les faits, on peut
faire quelques constatations :
- Le passage par un type d'organisation sociale extérieureau
milieu social d'origine produit une faible incitation (dans le meilleur
des cas) à un retour à la communauté initiale ou même un fort effet de
dissuasion à l'endroit de cette hypothèse (constatation faite, par
exemple, par les responsables des Services ivoiriens ou camerounais
- 116 -
où l'on parle de 45 Í° environ (dans le meilleur des cas) de jeunes qui
reviennent au village sans garantie qu'ils s'y fixeront définitivement).
Certaines stratégies semblent assumer cette issue plus clairement
que d'autres. Ainsi au Kenya, le M S apparaît comme un facteur d'inté
gration à la société urbanisée dans les rapports sociaux compatibles
avec le modèle de capitalisme d'entreprise qui correspond aux choix de
la politique de développement. A ce titre, le NYS ne se présente pas
comme structure de récupération et mobilisation de la jeunesse rurale
marginalisée à travers l'exode ou le flottement social au village
("migration sociale sur place").
- Une issue paraissant logique, mais rarement observée dans les
faits, même si elle a été souvent annoncée, est, dans la ligne des
"pionniers israéliens" qui ont été fréquemment pris comme référence,
la création de "villages de jeunes" venant coloniser et mettre en va
leur des terres neuves. C'était une option du Congo. Le Cameroun l'annonce
comme une tentative et une perspective. L'une des difficultés essen
tielles, dans cette hypothèse, est d'ériger un segment de lignage étroi
tement circonscrit dans un espace de classe d'âge restreint, en "micro
société globale", c'est-à-dire en village, sans référence à une mémoire
socio-culturelle incarnée dans les anciens. Un tel "isolât" sociologique
a des difficultés à mettre en place son système de régulation (concer
nant la gestion du projet collectif, avec les consensus, les conflits et
les arbitrages qu'elle appelle) et de reproduction sociale sans pouvoir
recourir pendant un long délai à une division complète des tâches entre
les générations. Une telle entreprise, pour réussir, doit disposer d'un
soutien particulièrement important tant du niveau régional que national. (1)
D'autres stratégies s'attachent à traiter les problèmes au sein
même du milieu social : c'est le cas des GJA de Haute-Volta et des CEPI
de Guinée-Bissau. L'on perçoit également une ouverture à cette problé
matique en Côte d'Ivoire et au Cameroun dans la recherche d'une meilleure
(ï) L'hypothèse du jumelage de la nouvelle unité sociale avec une autre unité sociale maîtrisant bien son propre équilibre peut être utile.
- 117 -
insertion au sein des opérations de développement. Dans ce cas, l'on
est conduit à un changement de perspective par rapport à la spécificité
trop accusée de l'opération. Dans la ligne guinéenne ou voltaïque, les
communautés sont appelées à s'impliquer profon-dément dans le travail
de formation4t dans l'action concernant les jeunes. A ce titre, il
s'agit de projets visant à la promotion globale du milieu, même si
l'angle d'attaque concerne d'abord les jeunes. Alors, l'accès à la par
ticipation sociale des jeunes ne se fait pas en rupture radicale, mais
à travers une négociation (qui n'est pas exemple de conflit, mais doit
permettre de déboucher sur une coopération).
2/ Les stratégies face à la crise économique
Parler de chômage et d'emploi, c'est évoquer nécessairement la
crise économique par-delà la dimension sociale.
Nous devons nous poser le problème de la politique économique
face aux éléments de la crise économique. Ceci doit permettre de mesu
rer la cohérence entre les choix des opérations d'intégration des jeunes
à l'emploi et les orientations de la politique de développement. Nous
avions déjà noté cette cohérence en ce qui concerne le Kenya, dans la
logique de développement d'un capitalisme libéral. Ceci ne résout pas
de plein droit le problème de l'emploi. Les jeunes sortant du National
Youth Service, pour la part d'entre eux qui ont bénéficié le mieux d'une
formation utile par rapport aux bases de croissance du secteur moderne,
ne semblent pas avoir de difficulté à trouver d'emploi. Cette stratégie
est doublement sélective puisqu'elle recrute dans une gamme sociale dé
terminée pour conduire, à travers une seconde sélection, à une inser
tion donnée dans l'appareil économique de production.
Dans le même sens, va le choix économique des opérations prises
en charge par le Service. Il s'agit d'opérations utilisant des techno
logies modernes et relativement lourdes, avec un matériel et un équipe
ment important, donc privilégiant le coefficient capital ("capital inten
sive") plus nettement que le coefficient travail ("labour intensive").
- 118 -
Les stratégies économiques ivoirienne et camerounaise par
tagent en partie la même logique, mais avec des différences sensibles :
elles visent l'action en milieu rural et posent le problème de la rela
tion avec l'environnement, même si la dimension des moyens techniques
mis en jeu fait obstacle, d'une certaine manière, à l'intégration.
Les unes comme les autres sont préoccupées d'utiliser une part
de la production pour couvrir économiquement les charges de leurs opé
rations .
La stratégie malienne se préoccupe d'une réinsertion des jeunes
dans leur système économique d'origine et va donc tendre à les former
selon des normes techniques et à les aider à se doter d'équipements
matériels compatibles avec les conditions de promotion économique du
milieu. Les brigades du Botswana poussent très loin la recherche de
l'autonomisation économique (2) sur des bases qui restent à mi-chemin
entre les formules légères et les formules lourdes. Elles se cons
tituent clairement en entreprises.
Les "Samaria" du Niger, héritières du "Service civique léger"
mis en place dans le début des années 60, s'apparente à la stratégie
voltaïque des "Naam" et "Groupements de jeunes agriculteurs" (3).
La Haute-Volta comme la Guinée-Bissau, à travers les formules
des GJA et des CEPI, veulent prendre en charge de l'intérieur la trans
formation de l'économie traditionnelle sans négliger les points d'appui
que peuvent donner les bases anciennes soucieuses des équilibres écolo
giques, attentives à préserver l'équilibre vivrier, sans pour autant se
fermer aux modernisations technologiques à la condition quelles puissent
s'adapter aux structures paysannes. La dimension de l'économie coopé
rative est sous-jacente et introduit l'appel à la cohérence avec une
certaine politique de développement rural. Dans les cas que nous évo
quons, il semble bien que l'on entende donner un sens économique à
(2) Voir particulièrement : VAN RENSBURG (Patrick).- Report from Swaneng Hill. Education and Employment in an African Country.- Uppsala, Sweden, The Dag Hammarskjold Foundation, 1974.
(3) GALLAUD (p.).- La renaissance des Samaria au Niger. In Les Cahiers de l'Animation, n° 18, 4e trim. 1977.- pp. 73-80.
- 119 -
l'importance que l'on attache à l'éducation conçue comme investissement
formateur et transformateur, permettant de faire évoluer des modes de
production.
3/ Les stratégies face à la crise culturelle
Tous les pays sont affrontés au redoutable problème de mettre
en oeuvre des politiques d'éducation et de formation pouvant servir
de support à leurs politiques de développement. Les opérations de for
mation de la jeunesse en vue du développement représentent potentiel
lement un chaînon important pour la dynamisation de ces politiques.
Là encore les choix des stratégies diffèrent.
Une première ligne tend à donner à ces opérations la mission de
consolider et compléter la formation académique. C'est le propre de
toutes les stratégies de modernisation prenant comme référence les mo
dèles de croissance de la société industrielle européenne ou Nord-
américaine. Ainsi, au Kenya, la formation constitue une sorte de subs
titut des enseignements techniques dans le prolongement quasi normal
des premières étapes de scolarité. On ne recherche pas au premier chef
l'innovation éducative, la création de méthodologies nouvelles de for
mation.
Par contre, nous l'avons mentionné, en Guinée-Bissau et en
Haute-Volta, le terrain du "post-primaire" apparaît comme un lieu stra
tégique particulièrement apte à introduire d'importantes innovations
éducatives qui semblent conditionner les possibilités d'insertion de
l'appareil d'éducation/formation dans les structures sociales du monde
rural. C'est à cette même orientation que se rattachent les recherches
pour la mise en oeuvre de l'Enseignement moyen pratique au Sénégal (4-).
(4) Voir notamment : La Direction de l'Enseignement moyen pratique. Secrétariat d'Etat à la Promotion humaine. Sénégal.- A la recherche d'une éducation des jeunes pour le développement : L'Enseignement moyen pratique (BMP) au Sénégal.- In Les Cahiers de l'Animation, n°l8, déjà cité.
- 120 -
Au Mali, on se préoccupe également de la stratégie éducative
d'innovation (recherches d'alternatives au système éducatif en milieu
rural, menées notamment au ministère de l'Education nationale, et qui
ont établi des relations avec les échelons responsables des Centres
d'animation rurale).
Les "opérations jeunesse" peuvent tenter de récupérer les vic
times des "délestages scolaires" ("school leavers"). Mais, sur ce ter
rain, on ne peut pas ne pas poser le problème d'une réforme plus fonda
mentale des appareils d'éducation et de leurs orientations qui pourrait
seule résoudre les questions dans toute leur ampleur. CEPI et GJA mon
trent une certaine ouverture dans ce sens. D'autres pays travaillent
également sur des projets de réforme comparables. En effet, la systé
matisation de projets integrables et généralisables est un impératif.
Les services civiques, nous l'avons vu, dans leurs formes lourdes, ne
touchent que des fractions inférieures ordinairement au centième des
effectifs des jeunes de chaque classe d'âge susceptibles de s'y inté
grer en fonction de leurs objectifs, tout en atteignant des plafonds
d'accès aux moyens financiers, et, à ce titre, semblent poser de sé
rieux problèmes à une part au moins des autorités qui en sont respon
sables et qui envisagent de rechercher des formules plus adaptées.
LES DEMARCHES INSTITUTIONNELLES ET LEURS CADRES
Nous avons noté, dans les critères fondant un essai de typologie,
que la plus grande part des organisations de mobilisation des jeunes
pour le développement se rattache à l'initiative politique et gouverne
mentale, avec un certain nombre d'exceptions, comme l'organisation des
Brigades du Botswana.
Pour ces dernières, parties d'une opération locale, à Serowe, elles
se sont constituées comme mouvement d'initiative privée, mais prenant
rapidemot une dimension nationale. A ce titre, sans que l'Etat prenne di
rectement la responsabilité de leur gestion (qui reste largement décen
tralisée dans chaque brigade), le ministre de l'Education exerce une
- Î21 -
tutelle, en contrepartie de l'assistance qu'il donne aux brigades et
à leur travail de formation par l'intermédiaire de son Département
d'éducation technique ("Department of Technica]/feducation"). D'autres
ministères -Agriculture, Finances et Planification du développement,
Commerce et industrie-, ainsi que le responsable de l'organisme chargé
du développement de la politique de la jeunesse ("Youth Policy Deve
lopment Unit") font partie du Comité de coordination national des Bri
gades ("National Brigades Co-ordinating Committee"), dont le Coordi
nateur du développement rural est le président.
Dans les formules plus classiques des services civiques,
l'identification du ministère responsable est significative de la per
ception de leur mission du point de vue institutionnel.
Au Kenya : le ministère du Travail.
En Côte d'Ivoire : le ministère des Forces armées.
Au Cameroun : un Office national de participation au dévelop
pement rattaché au Premier Ministre.
Au Mali : Le ministère du Développement rural, par l'inter
médiaire d'une direction nationale de la formation
et de l'animation rurale.
En Haute-Volta : le ministère du Développement rural.
Au Niger : les Samaria sont rattachées au ministère chargé de
la jeunesse.
En Guinée-Bissau : les CEPI sont sous tutelle du commissariat
d'Etat à l'Education nationale,avec ratta
chement à la Direction générale de l'Educa-
cation.
Ceci marque bien que, partout, les organisations chargées des
projets de jeunesse se voient reconnaître une vocation de portée natio
nale .
Une part importante desfites organisations ont des structures
fonctionnelles ramifiées jusqu'au niveau régional et sous-régional
(c'est le cas du NTS).
- 122 -
Les services de type para-militaire (Kenya) ou rattachés à
l'autorité militaire (Côte d'Ivoire) ont un système de forte discipline
et un appareil très hiérarchisé, avec un équilibre à établir entre per
sonnel d'encadrement civil et personnel d'encadrement militaire. On
peut penser, d'une façon générale, que plus les structures de l'orga
nisation sont fortes, rigides, monolithiques, plus est difficile l'in
tégration au milieu social. On rejoint là le problème des conditions
d'existence et de statut d'une véritable "société cvile" (au sens où
l'entend la sociologie politique) dans les pays africains.
L'encadrement est composé, soit de cadres nationaux, soit de
cadres étrangers en assistance technique (experts ou volontaires).
Une part des cadres nationaux est formée, en général, à partir des
recrues du service civique. Une autre provient des services techniques
de l'Etat dont la compétence est engagée dans les opérations.
Le problème de la juste définition du rôle des cadres natio
naux par rapport aux cadres expatriés et des modalités de la relève
des seconds par les premiers, se pose dans la quasi totalité des opéra
tions pour qu'elles puissent avoir leur pleine autonomie institutionnelle.
LES PRATIQUES DE FORMATION ET DE PRODUCTION. METHODES ET CONTENUS
La finalité des différents services détermine le contenu et
les méthodes caractérisant leur pratique. On peut distinguer, en gros,
les pratiques de formation et les pratiques de production.
1/ Pratiques de formation
La formation se subdivise en :
. Formation générale (formation portant sur le développement
des cadres intellectuels de la connaissance ; ainsi : alphabétisation,
français, anglais, mathématiques). Elle est dispensée dans des cours
- 123 -
qui peuvent prendre une forme académique et, à ce titre, être consi
dérés comme prolongement ou substitut du système scolaire formel, avec
sanction par des examens homobgués (c'est le cas du Kenya).
La méthodologie de formation générale est totalement diffé
rente dans une opération comme celle des CEPI de Guinée-Bissau, où la
formation générale, "scientifique", est donnée constamment en contre
point de l'accès au savoir traditionnel et en relation avec une pra
tique opératoire.
. Formation technique. Elle peut être donnée dans des cycles
spécialisés ou sur le terrain, à travers la pratique ("on the job
training"). Cette dernière forme est assez largement répandue. Elle
touche une large gamme des compétences requises pour l'exercice des
professions agricoles (à des niveaux techniques divers : depuis le
paysan modernisé jusqu'au petit technicien d'encadrement et même
jusqu'au cadre moyen ou supérieur, par des filières de formation com
plémentaire, comme au Kenya), les métiers artisanaux, les qualifica
tions ouvrières des unités de production industrielle, les compétences
de gestion ou de secrétariat, la formation ménagère ("home economics")
pour les filles, etc.
Ces formations posent une double série de problèmes :
- Leur compatibilité avec le niveau de départ des jeunes
à former. En particulier lorsqu'il s'agit de jeunes issus d'un milieu
rural traditionnel ordonné autour de schémas socio-culturels profon
dément différents des schémas se voulant modernisés sur quoi reposent
nombre de projets de formation. Le problème ne varie guère si l'on a
affaire à des jeunes non scolarisés ou à des jeunes ayant abandonné le
cycle primaire assez tôt. Les recherches ont montré que les jeunes
restés de l'école avant trois ans de scolarité continue perdaient ra
pidement la quasi-totalité de leur acquis scolaire.
Des tentatives originales de maîtrise pédagogique de la diffé
rence entre les cultures et du passage de l'une à l'autre s'observent
en particulier dans les CEPI de Guinée-Bissau.
- 124 -
Ce problème de la pédagogie interculturelle se révèle de grande
importance. Il concerne autant les actions scolaires que post-scolaires.
- Leur compatibilité avec les pratiques techniques, écono
miques , sociales , où seront engagés les .jeunes, soit en cours d'opéra
tion, soit plus encore au sortir de leur apprentissage. Ceci peut être
testé à travers la pédagogie d'alternance là où elle existe et, aussi,
à travers la relation ou l'absence de relation entre l'opération jeunesse
et le milieu social d'aboutissement. Il faut constater que beaucoup
d'échecs ou de déconvenues ont été relevés dans ce domaine et conduisent
à envisager les moyens d'une meilleure intégration au milieu. Les GJA de
Haute-Volta présentent une formule stimulante qui a fait preuve d'une
réelle efficacité là où la pédagogie d'intégration a été appliquée sé
rieusement par des cadres animateurs/formateurs compétents.
Evoquer le problème de l'adaptation des contenus et méthodes de
formation aux objectifs conduit à souligner, en effet, l'importance de
la formation des formateurs. Cette formation exige des compétences
spécifiques. C'est très souvent l'insuffisance en nombre ou en qualité
des formateurs qui explique les blocages d'une opération, même lorsque
sa conception paraît intéressante.
2/ Problèmes de production
Dans le sens abordé précédemment à propos de la formation, on
peut poser la question de la production directe (c'est-à-dire en cours
d'opération) et de la production différée ou indirecte (c'est-à-dire à
l'issue de l'opération lors de l'insertion ou de la réinsertion).
Malgré les intentions exprimées dans nombre de cas, les réali
sations effectives menées par des Services de mobilisation de jeunes
(à part certaines exceptions comme le NYS kenyan et, dans une moindre
mesure, les Brigades du Botswana) ne représentent pas un apport véri
tablement significatif à l'économie nationale. Les opérations, pour les
raisons de coûts et de moyens sur lesquelles nous reviendrons, ne peu
vent atteindre l'échelle requise pour satisfaire à ces ambitions.
- 125 -
Par contre, l'objectif consistant à développer une production
permettant une auto-couverture du système -son auto-suffisance-, même
s'il ne se réalise en totalité pratiquement jamais (les "brigades du
Botswana, les GJA de Haute-Volta, les CAR du Mali y tendent ; les CEPI
y aspirent, au-delà des phases d'expérimentation nécessairement plus
lourdes que le régime de croisière), ne semble pas utopique. Ce devrait
êtreime garantie d'enracinement et de pérennité, à la condition que la
production d'auto-suffisance soit en accord avec les choix de dévelop
pement .
LA SIGNIFICATION ECONOMIQUE
L'analyse des coûts et rendements face à la portée sociale et culturelle
Toutes les considérations précédentes posent le problème de
l'évaluation de la signification économique des programmes tendant à
l'insertion des jeunes dans l'emploi dans la perspective du dévelop
pement. Cette évaluation en termes de mesure économique précise
s'avère délicate et importante à la fois.
1/ Difficulté et importance de l'évaluation en termes économiques
La démarche vaut particulièrement pour deux catégories d'opé
rateurs concernés par les programmes :
. les décideurs nationaux qui ont en charge l'allocation
des ressources aux différents projets en raison des résultats de déve
loppement que l'on peut en attendre (services du Plan, des Finances, et
aussi responsables des grands et petits projets de développement dans
le domaine rural, urbain, artisanal, industriel, etc., sans compter les
services préoccupés de l'emploi, de la formation professionnelle et
technique, de l'éducation, etc.)
. les décideurs des organismes d'aide bilatérale et multi
latérale, publics ou privés, appelés à apporter leur concours en finance
- 126 -
et en personnel à ces mêmes programmes. Pour eux, l'évaluation doit non
seulement mesurer la contribution des opérations soutenues aux objectifs
de croissance et de développement, mais aussi les délais et les rythmes
à partir desquels les apports extérieurs devront et pourront décroître
jusqu'à disparaître pour laisser aux opérations nationales leur pleine
autonomie.
Mais les difficultés des calculs de rendements dans la recherche
d'établissement de la balance coût/avantage sont considérables, s'agis
sant des types d'opérations sur lesquels portent notre analyse et notre
réflexion«
En premier lieu, on doit constater l'absence ou l'insuffisance
des données statistiques nécessaires pour mener à bien l'évaluation, à
quelques exceptions près (par exemple le Kenya).
En second lieu, la structure même des opérations est souvent
complexe et même pluridimensionnelle, voire ambivalente, et il n'est pas
aisé de distinguer clairement les paramètres et leur fonction. On peut
s'attacher, pour le moins, à faire un certain inventaire des éléments
rencontrés sur ce terrain difficile.
2/ Les catégories de coûts et d'avantages
Les travaux méthodologiques les plus remarquables, que nous
avons déjà cités, et qui ont été menés à bien par des équipes du BIT,
distinguent, à juste titre, les coûts de formation et les coûts d'inves
tissement, d'une part, pendant la durée de l'opération et, d'autre part,
les créations de revenus supplémentaires dûs à l'opération, en relation
avec le calcul de probabilité de vie active du sujet, affectés des
coefficients d'ajustement nécessaires (5)=
Dans le cas du Kenya, qui sert d'illustration et d'application
méthodologique, la liberté de manoeuvre de l'évaluateur est facilitée
par le fait que les références dominantes se rapportent au secteur
moderne, avec ses références économiques et technologiques., Ceci vaut
(5) Voir en particulier : COSTA (E.).- Youth Training and Employment Schemes in Developing Countries. A Suggested cost-benefit analysis.-Déjà cité.
- 127 -
autant pour la période de formation et de production pendant le ser
vice que pour les calculs se rapportant à l'insertion dans l'emploi
après la sortie du service (6).
Une difficulté certaine est observée dans nombre de contextes
pour juger de l'utilisation précise des équipements et investissements
liés à la formation. Les besoins et les pressions de l'environnement
font que, dans de nombreux cas (très difficiles à apprécier avec pré
cision), ces équipements et investissements reçoivent, partiellement au
moins, une destination d'usage complètement extérieure aux opérations
prises en compte par le service.
Il n'est pas davantage aisé d'identifier rigoureusement ce qui
est du ressort du secteur de formation et ce qui est du secteur de pro
duction.
Mais la difficulté majeure, dans une grande part des situations
observées, se rapporte aux "avantages différés", aux calculs des effets
subséquents. Ceci vaut tout particulièrement (et c'est la majorité des
cas, hormis Kenya et Botswana) lorsque le service de jeunesse conduit
(doit conduire) à l'implantation du jeune dans une unité d'exploitation
agricole. La définition même de ostte future exploitation, fût-elle
tracée dans des normes escomptées, échappe, dans la réalité, à un cal
cul de projection simple, surtout si l'on se propose de le faire porter
sur le long terme. Si la réinsertion agricole réussit (en mesurant le
pourcentage de cas) et si elle a lieu dans le milieu rural traditionnel,
l'évolution du changement dans le système économique de ce milieu est
très difficilement prévisible, encore que certaine et profonde. Si elle
se fait dans une agriculture moderne liée au marché et sujette aux con
traintes des dominatioiE extérieures, elle prête le flanc à des fluctua
tions d'énormes amplitudes. Autrement dit, les services de jeunesse
attaquent la crise par un versant, ils ne peuvent à eux seuls la dépasser
(6) Toutefois, on doit remarquer que, sur des recrutements annuels compris entre 1 000 et 2 0000 unités, les services du NYS n'identifient qu'environ 700 accédant à l'emploi, tous dans le secteur moderne. Aucune information n'existe sur les autres.
- 128 -
ou la maîtriser. Toute évaluation en termes économiques doit s'opérer sur
les unités économiques réelles et complètes, non seulement en termes in
dividuels d'exploitation et de petites unités de production, mais aussi
d'économie villageoise, d'économie sous-régionale, régionale, natio
nale, sans compter la prise en compte des effets de domination inter
nationale .
3/ Une distinction utile
Il paraît utile, pour affronter l'incertitude et la complexité,
d'opérer une distinction entre les phénomènes observés à court terme,
à moyen terme et à plus long terme (sans négliger pour autant 1'inter
relation entre les niveaux).
o Plus on est dans le court terme, plus les calculs quan
titatifs (à la condition que l'on ait accès aux données) sont appréhen-
dables avec précision. Mais leur signification est également limitée
pour saisir l'évolution profonde. Ainsi, il est relativement aisé d'éta
blir les coûts de formation per capita (et l'on verra, par exemple, que,
dans la quasi-totalité des services "lourds", ces coûts sont plus éle
vés sensiblement que les coûts per capita de l'enseignement primaire
et secondaire). Mais le type de déduction que l'on peut faire à partir
de là concerne surtout, si l'on établit des comparaisons, la gestion
dans le court terme, pour mesurer les conditions d'évolution de l'entre
prise de formation et faire des prévisions budgétaires.
. Bans le moyen terme, on peut saisir (sur deux, trois ans,
voire quatre ou cinq ans, s'il y a "suivi") le parcours de formation/
production dans son ensemble et établir une balance faisant ressortir
des résultats, comparables entre diverses cohortes...
. Les effets économiques réels sur le milieu ne peuvent
ressortir que d'une approche de projection/évaluation à plus long
terme. Et l'on est là dans le domaine des calculs de planification à
long terme. Cette démarche est l'affaire de la compétence spécifique
des planificateurs qui sont tenus de prendre en compte l'ensemble des
paramètres sans qu'il soit possible d'isoler une ligne d'opération
- 129 -
particulière. Il va de soi que les responsables et les opérateurs de
ces lignes d'action doivent nécessairement être associés à la réflexion
et aux calculs du planificateur.
C'est à partir de cette démarche, prise entre le court et le
long terme, que peuvent se prendre les décisions d'orientation et de
pilotage.
D'une façon plus générale, et là nous revenons à une observa
tion stratégique,il est nécessaire de considérer si les options donnent
la priorité à la formation ou à l'activité productive directe, dans le
souci de privilégier l'investissement à long terme ou la recherche du
résultat à court terme. On doit aussi s'interroger sur la manière de
concilier les deux, dans un calcul d'optimalisation. Mais se pose
alors la question suivante, et qui est peut-être la plus fondamentale :
qui doit faire les choix ? est-ce la responsabilité de l'Etat seul, du
Plan, du Service des formateurs, des jeunes, des communautés du milieu ?
La réponse est avant tout l'expression d'un choix politique qui ne peut
se faire indépendamment des situations sociales concrètes.
- 130 -
P R O P O S I T I O N S
A partir des analyses énoncées précédemment, un certain
nombre de propositions et recommandations peuvent être soumises à
l'attention des responsables des programmes nationaux de jeunesse
axés sur 1'emploi en Afrique.
Ces conclusions aurient, pour une part, leur place dans
d'autres régions du monde en voie de développement et rencontreraient
pour partie la problématique des problèmes de jeunesse dans le monde
industrialisé. Elles appellent en ce sens l'ouverture d'échanges et
de dialogues„
1. Il apparaît nécessaire, pour pouvoir assurer l'orientation
régulière des programmes de formation des jeunes liés à l'emploi, de
disposer d'informations qui font actuellement défaut dans nombre de
contextes.
A ce titre, on peut recommander indicativement :
1.1. que des échelons nationaux d'étude se mettent en place
dans les pays concernés avec une mission d'analyse et d'évaluation per
manente des problèmes et programmes touchant la jeunesse, la formation,
l'emploi ; ils devraient bénéficier des soutiens techniques et finan
ciers indispensables des agences d'aide extérieures pouvant mobiliser
les compétences utiles.
1.2. les échelons d'étude devraient avoir une triple articu
lation :
- avec les instances chargées de la planification ;
- avec les instances spécialisées menant des programmes
de recherche (universitaires ou extra-universitaires) ;
- avec les instances opérationnelles responsables des
programmes.
- 1J1 -
1.3. les lignes de travail élémentaires des programmes d'étude
pourraient porter en priorité sur
- les conditions générales au sein desquelles prennent
place les programmes (économiques, sociales, culturelles), au plan na
tional et régional ;
- les pratiques, tant en formation qu'en production, liées
aux programmes ;
- les débouchés possibles, en évaluant notamment les trans
formations des structures économiques, sociales, culturelles nécessaires
pour accueillir les jeunes.
Ces études pourraient ainsi établir de façon régulière des
suggestions aux décideurs, adaptées à chaque pays et à chaque situation
concrète.
1.4. que des liaisons internationales régulières puissent être
établies et développées entre ces différents échelons nationaux d'étude
pour l'enrichissement de leurs travaux, avec le soutien des organismes
de coopération et des agences internationales compétentes (notamment
BIT et UNESCO).
2. On peut suggérer qu'il soit tenu compte particulièrement,
dans les décisions à prendre touchant les programmes de jeunesse, tant
du fait des responsables nationaux que des agences d'aide extérieure,
de quelques points clés qui ressortent des analyses faites dans le pré
sent rapport, et tout spécialement :
2.1. du développement croissant de la part des générations
jeunes dans la dynamique sociale (actuellement les 0-25 ans représentent
de 55 à 60 fo de la population totale), avec ses implications en ce qui
concerne les choix d'investissement des ressources présentes devant faire
face à la taille des problèmes d'un futur proche (notamment pour les in
vestissements de formation) ;
- 132 -
2.2. de l'inadaptation de plus en plus grande des appareils en
place, quantitativement (si l'on se réfère au taux d'accueil des services
de jeunesse : 1 % de la population concernée) et qualitativement (si l'on
se réfère à la difficulté de réinsertion de la plupart des jeunes qui sont
passés par ces services) ;
2.3. de la nécessité d'une ouverture à la responsabilité des
classes jeunes qui appelle la prise en compte de changemenis structurels
dans les rapports entre générations et de nouvelles conditions d'accès au
pouvoir économique, social, culturel.
3. Pour tenir compte de ces problèmes clés, on peut énoncer des
recommandations plus précises :
3.1. Rechercher davantage les formules de services et de for
mations de la jeunesse liées aux structures existantes et non pas éta
blies en marge, et, pour cela, articuler les opérations de formation de
jeunes avec les actions d'animation du milieu (en tenant compte des en
seignements de l'expérience des GJA de Haute-Volta, par exemple).
3.2. Organiser ou favoriser l'accès des jeunes aux moyens de
production, notamment au capital foncier, en rapprochant les services de
jeunesse des systèmes de production en place dans le monde rural, en re
valorisant l'image et la réalité du travail agricole.
3.3. Donner plus d'importance aux moyens d'aménagement et
d'équipement rendant la vie rurale plus accueillante pour les jeunes en
développant, notamment, les petites infrastructures villageoises permet
tant la modernisation écologiquement adaptée des contextes de vie et de
travail.
3.4. En milieu urbain, donner plus d'importance au développement
de l'emploi dans le secteur non formel touchant la production et les ser
vices, en recherchant de nouveaux types d'organisation socio-économique
et socio-politique (coopératives, communautés de quartiers, associations
du cadre de vie, etc.) entrant dans la ligne de l'Economie sociale.
- 133 -
3.5 Explorer les développements possibles des jumelages
coopératifs entre les unites de production et de vie urbaine et les
unités de production et de vie rurale, dans la recherche des dévelop
pements réciproques et des complémentarités.
3-6. Rechercher les voies et moyens d'une articulation cohé
rente entre les actions d'éducation/formation formelles et non formelles,
scolaires et extra-scolaires, touchant les jeunes et les adultes, condui
sant à une transformation en profondeur des systèmes éducatifs, seule
perspective pour rechercher des solutions de masse correspondant à
l'échelle des problèmes (en tenant compte, notamment, de quelques expé
riences pionnières, telles les villages u.jamaa de Tanzanie, la ligne
des CEPI en Guinée-Bissau).
A ce prix seulement, semble-t-il, il sera possible de donner
aux programmes concernant la jeunesse leur indispensable portée à
travers une situation de crise dont nous nous sommes efforcés d'ex
plorer les dimensions sans complaisance.
- I -
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