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PATRIMOINE MONDIAL ET DÉVELOPPEMENT AU DÉFI DU TOURISME DURABLE Sous la direction de Maria GRAVARI-BARBAS Sébastien JACQUOT

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PATRIMOINE MONDIAL ET DÉVELOPPEMENTAU DÉFI DU TOURISME DURABLE

Sous la direction deMaria GRAVARI-BARBAS Sébastien JACQUOT

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Collection dirigée par Luc Noppen

La Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal destine la collection « Nouveaux patrimoines » aux travaux des chercheurs de la relève. Elle cherche à valoriser des études et analyses sur les objets, les traces, les usages et les savoir-faire, mais aussi des représentations et des mémoires, selon une définition élargie des notions de patrimoine.

Titres déjà parus

Patrimoines urbains en récits Sous la direction de Marie-Blanche Fourcade et Marie-Noëlle Aubertin 2013, 240 pages, ISBN 978-2-7605-3887-0

Gastronomie québécoise et patrimoine Sous la direction de Marie-Noëlle Aubertin et Geneviève Sicotte 2013, 288 pages, ISBN 978-2-7605-3835-1

La patrimonialisation de l’urbain Sous la direction de Lyne Bernier, Mathieu Dormaels et Yann Le Fur 2012, 278 pages, ISBN 978-2-7605-3628-9

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PATRIMOINE MONDIAL ET DÉVELOPPEMENT

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La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduction des œuvres sans autorisation des titulaires de droits. Or, la photocopie non autorisée – le « photocopillage » – s’est généralisée, provoquant une baisse des ventes de livres et compromettant la rédaction et la production de nouveaux ouvrages par des profes-sionnels. L’objet du logo apparaissant ci-contre est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit le développement massif du « photocopillage ».

Mem

bre

de

Presses de l’Université du Québec Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2 Téléphone : 418 657-4399 Télécopieur : 418 657-2096 Courriel : [email protected] Internet : www.puq.ca

Diffusion / Distribution :

Canada Prologue inc., 1650, boulevard Lionel-Bertrand, Boisbriand (Québec) J7H 1N7 Tél. : 450 434-0306 / 1 800 363-2864

France AFPU-D – Association française des Presses d’université Sodis, 128, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 77 403 Lagny, France – Tél. : 01 60 07 82 99

Belgique Patrimoine SPRL, avenue Milcamps 119, 1030 Bruxelles, Belgique – Tél. : 02 7366847

Suisse Servidis SA, Chemin des Chalets 7, 1279 Chavannes-de-Bogis, Suisse – Tél. : 022 960.95.32

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Sous la direction deMaria GRAVARI-BARBAS Sébastien JACQUOT

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :

Patrimoine mondial et développement : au défi du tourisme durable

(Collection Nouveaux patrimoines)

Comprend des références bibliographiques.

Textes en français et en anglais.

ISBN 978-2-7605-3978-5

1. Sites du patrimoine mondial. 2. Tourisme durable. I. Gravari-Barbas, Maria. II. Jacquot, Sébastien, 1979- . III. Collection : Collection Nouveaux patrimoines.

G140.5.P37 2014 363.6’9 C2013-942339-7F

Les Presses de l’Université du Québec reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada et du Conseil des Arts du Canada pour leurs activités d’édition.

Elles remercient également la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour son soutien financier.

Conception graphique Interscript

Mise en pages Le Graphe

Image de couverture Maria Gravari-Barbas, La cathédrale et la ville d’Albi

Dépôtlégal:1ertrimestre2014 › Bibliothèque et Archives nationales du Québec › Bibliothèque et Archives Canada

©2014–Pressesdel’UniversitéduQuébec Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés

Imprimé au Canada

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction Patrimoine, tourisme, développement. Une triangulation impossible ? ..................................................... 1

Maria Gravari-Barbas Sébastien Jacquot

1 1972-2012 : forty years of World Heritage Convention. Time to take tourism seriously? ................................................... 27

Noel B. Salazar

2 World Heritage, conservation and regional development ....... 47

Katharina Conradin

3 « Faire patrimoine » et « faire territoire ». L’exemple du Bassin minier uni /UNESCO ................................. 77

Edith Fagnoni

4 The role of local actors in tourism development of UNESCO World Heritage Sites.The case of Alberobello ..... 105

Patrizia Battilani Sabina Sgobba

5 Patrimonialisation, tourisme et représentations en Nouvelle-Calédonie. Le cas d’Ouvéa .................................... 139

Mathias Faurie

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VIII Patrimoine mondial et développement

6 Éléments d’analyse de la durabilité sociale d’un quartier historique inscrit au patrimoine mondial. La Cité épiscopale d’Albi en France ........................................... 167

Ygal Fijalkow Michèle Lalanne

7 Développement touristique et prise en compte des populations résidentes sur un site du Patrimoine mondial. Le cas d’Angkor au Cambodge .................................. 199

Sébastien Preuil

8 Quelle évaluation pour quelle durabilité ? Enseignements à partir du projet UNESCO de la grotte Chauvet (Ardèche, France) ...................................... 223

Charlotte Malgat

9 La valorisation écotouristique du paysage par l’interprétation. L’exemple des Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion, un bien inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO ..................... 247

Béatrice Moppert Christian Germanaz Michel Sicre

10 Une recherche participative pour la valorisation culturelle et la promotion touristique du patrimoine mondial. Les plans gravés du Valcamonica (Italie) ................................... 271

Emanuela Casti

Biographies ..................................................................................... 299

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L’enthousiasme suscité par les inscriptions des sites sur la Liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) révèle autant la

fierté d’une reconnaissance que les espoirs des bénéfices permis par une telle labellisation : médiatisation accrue, aura conférée par le prestige à la fois de l’institution qui inscrit et le voisinage des sites les plus prestigieux et emblématiques d’un patrimoine mondial, tels Venise, le Machu Picchu, le parc national de l’Iguaçu ou la Grande Muraille de Chine, mais aussi espoir d’un développement économique et social, permis notamment par un tourisme international en hausse. Dans le même temps, le dossier de candidature expose les engagements à garantir une protection de la valeur universelle exceptionnelle par la présentation de lois, de disposi-tifs, de périmètres, de modes de gestion, anticipant aussi les effets d’une pression économique, immobilière et touristique accrue. Les exploitations excessives des richesses d’un site, appelées surfréquentation, folklorisa-tion ou muséification dans leur lien avec le tourisme, peuvent se traduire en dernier ressort par l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial en péril, après plusieurs recommandations adressées par le Comité du patrimoine mondial à l’État partie.

Un bien inscrit au patrimoine mondial semble nécessiter un équilibre entre un développement porté ou souhaité par divers acteurs (commu-nautés, acteurs publics…) et le maintien, par-delà ce développement, des caractéristiques sur lesquelles se fonde la reconnaissance UNESCO (Benhamou, 2010). Le patrimoine mondial s’inscrit ainsi dans une pensée de type dialogique (Morin, 1990), entre préservation et développement, qui ne se résout pas en faveur de l’un des deux termes. Au contraire, le maintien de l’un et l’autre pôle complexifie toujours davantage la poli-tique du patrimoine mondial : création de nouvelles catégories patrimo-niales (paysage culturel dans les années 1990, paysage urbain historique dans les années 2000) qui articulent sens patrimonial et évolutions,

INTRODUCTIONPatrimoine, tourisme, développement.

Une triangulation impossible ?

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2 Patrimoine mondial et développement

déclarations précisant les conditions de cet équilibre, en le déclinant à diverses échelles, en intégrant de nouveaux acteurs (par exemple la Déclaration de Budapest), en opérant la synthèse par la notion de dura-bilité. Cette relation dialogique entre enjeux patrimoniaux et enjeux de développement complexifie par conséquent la gestion des sites.

Le tourisme, perçu comme élément perturbant ou instrument à maîtriser, nouveau champ d’étude du patrimoine mondial (Leask et Fyall, 2000 ; Bourdeau, Gravari-Barbas et Robinson, 2012), constitue un des termes de cette relation dialogique et peut être un des points de révéla-tion des enjeux entre conservation et développement. L’afflux touristique apparaît tantôt comme la validation d’une stratégie de développement portée par le patrimoine et la labellisation « patrimoine mondial », tantôt comme une donnée à gérer. Les appels à de nouvelles formes de tourisme, culturel ou durable, constituent alors les modalités de résolution de ces contradictions, tandis que les plans de gestion des sites intègrent le plan d’interprétation et de gestion des visiteurs.

Toutefois cet ouvrage est porté par une hypothèse qui va au-delà de la simple identification des modalités d’un tourisme opérant une forme de synthèse entre les exigences a priori contradictoires de la conservation et du développement. La polarisation sur le tourisme comme menace ou opportunité masque aussi le rôle insigne que le tourisme est appelé à jouer dans la politique du patrimoine mondial, par l’actualisation de ses objectifs. Le tourisme, élément marginal des premiers temps, perçu comme source de revenus ou menace pour les sites, contribue autant à ce rapprochement entre peuples posé comme son objectif principal dans l’Acte constitutif de l’UNESCO qu’à la pluralisation des regards portés sur un site du patrimoine mondial.

La pluralisation des enjeux du patrimoine mondial

Les mutations du patrimoine mondial ?

La politique du patrimoine mondial s’inscrit à ses débuts dans une perspec-tive double, à la fois conservationniste face aux menaces liées notamment aux mutations des sociétés (de Maheu, 1966), et mettant en acte l’idée

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Introduction 3

d’une paix entre les peuples par la collaboration culturelle (Stoczkowski, 2009). Le tourisme n’apparaît pas dans ses origines articulé à cette démarche de façon explicite.

Accusé parfois de porter encore la marque de son origine euro-péenne, voire occidentale, la Liste du patrimoine mondial comporte néanmoins les strates des débats sur son horizon et sa diversification : la Liste témoigne ainsi de la pluralisation catégorielle avec, depuis 1995, l’intégration de paysages culturels ; de la pluralisation thématique avec l’entrée croissante de nouveaux types de biens (paysages viticoles, itiné-raires, éléments du patrimoine industriel) ; de la pluralisation géogra-phique avec de façon croissante des biens des pays du Sud (en 2013 les États de Fidji et du Qatar inscrivent leur premier bien). Le Document de Nara (1994), la Stratégie pour une Liste crédible (1994), le travail effectué par les centres de catégorie 2 du patrimoine mondial, sans remettre en cause la prééminence européenne sur la Liste, ont visé l’intégration de patrimoines différents. L’attention portée désormais aux patrimoines en situation postcoloniale et aux communautés dans le cadre du patrimoine immatériel témoigne en outre d’une réflexion sur les façons de prendre en compte les patrimoines des autres.

Ainsi, les contours mêmes de la Liste du patrimoine mondial ont évolué, en même temps que le sens du patrimoine inscrit : de l’unicité à la représentativité (Pocock, 1997 ; Cameron, 2005), en s’ouvrant à une pluralité signe de la diversité humaine. Alors que les premiers biens inscrits constituent ces sites qui ne font pas débat, selon les propos des experts eux-mêmes – Venise, Florence, le Machu Picchu –, voire dont l’absence ruinerait la crédibilité même de la Liste (Djament-Tran, Fagnoni et Jacquot, 2012), les biens ultérieurs provoquent davantage de ques-tionnements (par exemple Le Havre), ou relaient non plus une expertise unique mais une pluralité de façons de concevoir ce qui fait patrimoine. Bref, la valeur universelle exceptionnelle (Labadi, 2013), substance commune qui assure l’unité de la Liste par-delà la diversité, se pluralise dans ses modalités d’énonciation (ICOMOS, 2008).

Ces mutations de la Liste ne sont toutefois pas seulement sémantiques. Elles ont également un impact, implicite ou explicite, sur les objectifs assignés à l’inscription elle-même, donnant une place essentielle aux enjeux du développement.

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4 Patrimoine mondial et développement

La pluralisation des enjeux

Des acteurs locaux, des institutions internationales du patrimoine ou du développement, émane cette même exigence d’un patrimoine au service du développement. Les enjeux de conservation se doublent des enjeux de valorisation. Les modalités de cette valorisation peuvent différer, mais ce méta-objectif est peu contesté. Katharina Conradin (chap. 2) illustre bien, dans le cas des biens naturels, la pluralisation des motifs de l’inscription.

Comme l’ont montré en France les cas récents de la Cité épiscopale d’Albi (Ygal Fijalkow et Michèle Lalanne, chap. 6), du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais1 (Edith Fagnoni, chap. 3), ou du parc national de La Réunion (Béatrice Moppert, Christian Germanaz et Michel Sicre, chap. 9), les objectifs de l’inscription UNESCO se diversifient, avec la complexification du jeu d’acteurs. Des premières candidatures à la fin des années 1970 largement portées par des experts internationaux, dont la marque apparaît encore sur les premières évaluations, aux derniers cycles d’inscriptions plus récentes des années 2000 et 2010, célébrées par les États et les territoires, la méthode, la médiatisation et l’exigence des bénéfices escomptés ont changé. Les enjeux présents n’ont toute-fois pas remplacé ceux d’hier ; ils s’y sont ajoutés. Le Préambule de la Convention de 1972 intègre essentiellement les enjeux de conservation et de préservation d’un patrimoine menacé par les transformations rapides du monde industrialisé. La Déclaration de Budapest, en 2002, énonce la nécessité de « maintenir un juste équilibre entre la conservation, la durabilité et le développement, de façon à protéger les biens du patri-moine mondial grâce à des activités adaptées contribuant au développe-ment social et économique et à la qualité de vie de nos communautés ». Les quatre objectifs énoncés dans cette Déclaration (connus comme les « 4C ») sont ainsi la Crédibilité de la Liste, la Conservation efficace, le développement des Capacités et la Communication. La notion de développement durable irradie également la politique du patrimoine mondial, jusqu’à constituer le thème du quarantième anniversaire de la Convention, en 2012, permettant la construction d’une synthèse entre les deux objectifs du développement et de la conservation.

1. Voir la publication des actes du 3e séminaire de la Chaire UNESCO (Gravari-Barbas et Jacquot, 2013).

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Introduction 5

La pluralisation des échelles

La définition de procédures de candidatures à travers les Orientations et la mise en avant de la nécessaire intégration des communautés locales depuis la Déclaration de Budapest en 2002 ont multiplié les échelles de définition et de gestion du patrimoine mondial, déclinant ainsi aux diverses échelles ces enjeux, comme le caractérise Noel B. Salazar à travers la notion de pluriversality (chap. 1).

La politique du patrimoine mondial est souvent présentée comme un symptôme autant qu’un instrument de la mondialisation. Les choix effec-tués peuvent traduire l’influence importante des experts internationaux (Harrison, 2005). De même, la Convention de 1972 définit la politique du patrimoine mondial comme interaction entre un État partie et le Comité du patrimoine mondial, ouvrant là l’étude des enjeux géopolitiques globaux (Maurel, 2009).

Toutefois, une autre échelle d’analyse s’impose. Ainsi s’opère égale-ment un jeu entre local et national pour la désignation d’un bien comme candidat et l’élaboration de la candidature. L’inscription à l’UNESCO étant perçue comme une opportunité de développement, de nombreux territoires d’un même État entrent en concurrence chaque année pour devenir le bien proposé à l’UNESCO, voire d’abord intégrer la Liste indi-cative. La limitation du nombre de candidatures depuis 2004 met l’État dans une position d’arbitre établissant une liste des priorités en termes de candidature. Cette irruption du local dans le processus de candida-ture invite alors à un regard renouvelé sur le patrimoine mondial, qui se départit d’une perspective globale pour envisager les « déclinaisons » et les « modulations particulières sur les scènes locales » des processus articulant patrimoine mondial, tourisme et développement (Morisset et Dormaels, 2001).

Cette pluralisation scalaire est multidimensionnelle. Elle concerne tout d’abord les échelles de gestion d’un bien du patrimoine mondial, entre surveillance globale (missions, recommandations et décisions du Centre du patrimoine mondial) et nationale (rapports transmis), gestion effective par le biais des divers dispositifs mis en place par les États et les territoires (bureau spécifique de suivi au sein d’une administration, comité de suivi du bien, instances consultatives…), gestion contestée par les communautés ou des associations dans certains cas, etc. Cette

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pluralisation renvoie également aux échelles de signification du bien désigné patrimoine mondial : d’une part, le processus même d’inscription UNESCO crée de nouveaux récits par le travail de justification, opérant dans certains cas un changement de signification du bien par ce passage du local au mondial (Djament-Tran, Fagnoni et Jacquot, 2012) ; d’autre part, cette pluralité des échelles de signification ouvre la voie à des discussions et des débats, articulés aux enjeux de maîtrise du devenir du site (Langfield, 2010). Enfin, cette pluralisation scalaire concerne l’ap-propriation du site : depuis 2007, l’UNESCO met davantage l’accent sur l’association des communautés locales, tandis que des conflits de gestion se délocalisent par le recours à un arbitrage international ( Jackson et Ramirez, 2009 ; Langfield, 2010).

L’enjeu du développement

L’ouvrage publié dans le cadre du quarantième anniversaire de la Convention, World Heritage, Benefits Beyond Borders (Galla, 2012), ras-semble 36 études de cas de développement durable de biens du patri-moine mondial, examinant les stratégies mises en œuvre et les modalités de gouvernance. Ces différentes études, présentées comme autant de bonnes pratiques, illustrent également la dimension multiscalaire de la gestion des sites et des acteurs engagés dans des enjeux de conser-vation et de développement par ces projets et pratiques vertueux de développement : institutions internationales du patrimoine et du dévelop-pement, gouvernements et agences nationales, acteurs locaux, commu-nautés, organisations non gouvernementales (ONG), autres collectivités territoriales dans le cadre de la coopération décentralisée.

Toutefois la juxtaposition même des 36 cas étudiés révèle en même temps, par-delà leur condition commune de patrimoine mondial, leur intégration à un même paradigme qui se diffuse par l’entremise des institutions internationales et des agences nationales de développement. Ainsi les organisations internationales financent un nombre croissant de projets portés par cette idée d’un développement durable.

Ces initiatives s’inscrivent dans une réévaluation plus large du rôle du patrimoine dans le développement territorial. L’analyse économique du patrimoine s’inspire de l’économie de l’environnement, analysé comme bien public (Greffe, 2003 ; Vecco, 2007), permettant la distinction

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Introduction 7

entre des valeurs marchandes et non marchandes, auxquelles s’ajoute une valeur culturelle. Les méthodes utilisées en économie pour justi-fier des politiques environnementales sont appliquées au patrimoine, pour évaluer ses apports et sa valeur, depuis les premiers travaux menés par un économiste de la Banque mondiale, Stefano Pagiola (1996). La construction théorique des apports d’une économie du patrimoine, y compris dans ses dimensions plus immatérielles, sert de justification à des projets de développement thématisés. Un des numéros des Urban Development Series de la Banque mondiale, intitulé The Economics of Uniqueness (Licciardi et Amirtahmasebi, 2012), porte d’ailleurs sur l’ap-port du patrimoine à l’économie urbaine et ses liens avec le marché immobilier, la qualité de vie, les activités corrélées, s’inscrivant dans la stratégie pour les villes élaborées par la Banque mondiale en 2009, qui fait du développement durable la perspective transversale à l’ensemble des actions menées. Les stratégies de développement urbain intègrent à présent les projets patrimoniaux, dans un « équilibre entre conservation et développement » (ibid.).

Ces principes portés par les organisations internationales s’ap-pliquent dans des projets pilotes, qui sont le plus souvent développés sur des sites du patrimoine mondial. La Banque mondiale par exemple a financé, jusqu’en 2011, 120 projets culturels ou naturels concer-nant des sites du patrimoine mondial, portant sur 188 biens au total (Bigio et Amirtahmasebi, 2011). De même, la Banque interaméri-caine de développement élabore en 1994 un premier prêt orienté vers les enjeux de renouvellement du patrimoine urbain, en Équateur, pour la réhabilitation du centre historique de Quito (Rojas, 1999) au patrimoine mondial ; elle finance en outre un certain nombre de programmes dans des villes du patrimoine mondial d’Amérique latine (Valparaiso, Salvador de Bahia, Oaxaca…), considérant ce label comme un critère externe fiable de sélection des territoires de projet (Rojas et Lanzafame, 2011).

Au final, une convergence s’opère parmi les organisations interna-tionales sur le rôle dévolu au patrimoine comme instrument de déve-loppement local. L’UNESCO entérine ces positions à partir de 2010, en établissant des relations explicites entre politique du patrimoine mondial et développement durable, entre le plan d’action adopté à Paraty (Brésil) en 2010 et la réunion tenue à Ouro Preto (Brésil) en février  2012. Désormais, le développement durable apparaît comme un enjeu de la

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8 Patrimoine mondial et développement

politique du patrimoine mondial, y compris à l’échelle de chacun des sites, comme l’illustre le processus de préparation de la candidature UNESCO de la grotte de Chauvet (Charlotte Malgat, chap. 8).

La gestion d’un site du patrimoine mondial se complexifie, asso-ciant une pluralité d’acteurs, d’origines et d’échelles variées, mais tenant compte aussi de la diversification des objectifs de la politique du patrimoine mondial. En ce sens, comme l’illustre bien le sous-titre de l’ouvrage dirigé par David Harrison et Michael Hitchcock (2005) (Negotiating Tourism and Conservation), les politiques du patrimoine mondial consistent en un art de la négociation, entre développement et conservation. Comment le tourisme s’intègre-t-il à cette pluralité d’objectifs ?

Tourisme et développement : quel paradigme ?

Cette pluralisation des enjeux du patrimoine mondial induit aussi une réévaluation de la place du tourisme dans la gestion des sites du patri-moine mondial, notamment dans son articulation au développement. Cette pensée développementaliste entraîne une réévaluation du tourisme par les instances internationales (Hawkins et Mann, 2007).

Le tourisme : de la menace à un paradigme de l’équilibre

Le tourisme est peu présent dans les premiers textes mettant en place la politique du patrimoine mondial, où il apparaît essentiellement comme un des facteurs de la mise en péril des biens du patrimoine mondial. Par exemple, dans la Convention de 1972, le terme « tourisme » apparaît une seule fois, à l’article 11.4 qui définit les biens pouvant apparaître sur la Liste du patrimoine en péril :

Ne peuvent figurer sur cette liste que des biens du patrimoine culturel et naturel qui sont menacés de dangers graves et précis, tels que menace de disparition due à une dégradation accélérée, projets de grands travaux publics ou privés, rapide développement urbain et touristique, destruction due à des changements d’utilisation ou de propriété de la terre, altéra-tions profondes dues à une cause inconnue, abandon pour des raisons

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Introduction 9

quelconques, conflit armé venant ou menaçant d’éclater, calamités et cataclysmes, grands incendies, séismes, glissements de terrain, éruptions volcaniques, modification du niveau des eaux, inondations, raz de marée.

Cette présentation est réitérée de façon régulière, par exemple dans un manuel édité par l’UNESCO en 2010, Gérer les risques de catastrophe pour le patrimoine mondial, qui rappelle ces « processus graduels et cumulatifs pouvant avoir un impact sur des biens du patrimoine, comme l’érosion, le tourisme de masse, la sécheresse ou la propagation d’es-pèces envahissante ». Dans de nombreuses études académiques ou insti-tutionnelles, le tourisme apparaît sous la forme de la pression et de la surfréquentation, avec ses effets négatifs plus ou moins mesurables.

Il ne faudrait toutefois pas proposer une lecture trop linéaire des rapports entre tourisme et patrimoine mondial. En dépit de son absence – hormis comme menace – de la Convention de 1972, le tourisme appa-raissait déjà comme un allié potentiel à la mise en œuvre des objectifs de conservation. Ainsi, un projet2 préalable à la création de la Liste du patri-moine mondial, porté en 1950, prévoyait la mise en place d’un programme de sauvegarde des musées et des monuments par le biais d’une taxe sur les entrées des touristes dans un pays. Cette mesure avait été proposée par l’Alliance internationale du tourisme, dès 1947, et reprise avec enthou-siasme par les délégués de l’UNESCO lors de la Conférence à Paris en 1949, puis à Florence en 1950. En 1963 et 1964, de nouvelles discussions ont lieu sur la création d’un Fonds de sauvegarde pour les monuments, alimenté par la vente d’une carte internationale qui permettrait l’entrée dans les monuments et les musées des pays adhérents. Posant des diffi-cultés de compensation financière dans les pays concernés en raison des pertes en droits d’entrée, ce projet de carte est abandonné (voir notamment UNESCO, 1963), mais il indique déjà la recherche d’une mise à contribu-tion du tourisme aux enjeux de conservation (tout en portant le germe de la possibilité d’une citoyenneté culturelle élargie aux touristes).

Ces premières tentatives d’articuler les enjeux de conservation à un tourisme bienfaiteur, contribuant financièrement à la conser-vation, trouvent un prolongement plus efficace dans la construction

2. Des difficultés de mise en œuvre ont toutefois enterré rapidement ce projet, qui prévoyait la délivrance au touriste s’acquittant de la taxe d’une carte d’entrée dans les musées et les monuments du pays (voir, notamment, UNESCO, 1950).

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10 Patrimoine mondial et développement

d’une « doctrine du tourisme culturel » véhiculée par les instances internationales, notamment le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) et l’UNESCO (Cousin, 2008), et permettent à la fois d’envisager une alternative à un tourisme de masse et d’articuler « valeurs économiques » et « valeurs culturelles ». La réévaluation de la place du tourisme modifie la façon dont il est géré. Désormais tout est affaire d’équilibre, de quantités à maîtriser : la gestion du tourisme dans un site du patrimoine mondial relève d’un art de la modéra-tion. L’introduction au volume édité par l’ICOMOS (1993), Tourism at World Heritage Cultural Sites : The Site Manager’s Handbook, s’inti-tule « Finding a Balance », équilibre à déterminer entre nécessités de la conservation et ouverture au public. Toutefois cet équilibre est sous-tendu par une hiérarchisation entre ces deux pôles : « conserva­tion precedes tourism », selon cette même introduction. La mise en tourisme suit logiquement la conservation vertueuse, et permet elle-même de dégager des recettes réinjectées dans la conservation. Cette notion d’équilibre demeure structurante dans le manuel publié par le Centre du patrimoine mondial, qui énonce : « visitor management is a balancing act » (Pedersen, 2002, p. 12). De nombreux plans de gestion intègrent la question du tourisme, avec cette volonté de gérer les flux tout en favorisant des retombées positives3.

En outre, il ne s’agit pas seulement de considérer la légitimation extrinsèque et a posteriori du tourisme par les instances internationales patrimoniales, mais bien de reconnaître qu’une telle doctrine du tourisme opère aussi une légitimation de la dimension transnationale des poli-tiques menées par ces instances (Cousin, 2008). Ainsi, tant le tourisme que le développement ne sont pas seulement des entrées thématiques d’analyse de la politique du patrimoine mondial, mais en constituent des motifs essentiels : le développement comme méta-objectif associé à la conservation, sous la forme du développement durable, et le tourisme comme élément d’actualisation et de légitimation du programme transnational du patrimoine mondial.

3. Se référer à ce sujet aux exemples développés lors du 1er séminaire de la Chaire UNESCO culture, tourisme, développement : Villes françaises du patrimoine mondial et tourisme. Protection, gestion, valorisation (Gravari-Barbas et Jacquot, 2010).

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Introduction 11

Tourisme et patrimoine mondial : une relation revisitée ?

Comment penser l’association entre ces trois termes : patrimoine mondial, développement, tourisme ? Dans une première version, la plus évidente, portée notamment par les instances internationales de développement, le tourisme (durable) constitue un instrument au service du développement des sites du patrimoine mondial, assurant par ce fait leur conservation. Quels sont toutefois les enjeux, les présupposés et les mutations induits par cette articulation ?

Deux perspectives sur le lien entre développement, tourisme et patri-moine peuvent être identifiées, en reprenant la distinction élaborée par Peter Burns (1999) à partir des conseils en développement donnés par les acteurs internationaux, entre des stratégies orientées d’abord vers le développement du tourisme (tourism first) et des stratégies articulant le tourisme à des enjeux de développement (development first), entre des enjeux de croissance et des enjeux de redistribution.

La première perspective, portée par exemple par l’Organisation de coopération et de développement économiques, articule le tourisme culturel à la compétitivité et à l’attractivité territoriale. Le patrimoine devient un « avantage comparatif » (OCDE, 2009) dans ce contexte concurrentiel, appelant alors à une intégration du patrimoine, notam-ment immatériel, à des stratégies de diversification et de spécialisation touristiques (Arezki et al., 2012). Le bien inscrit sur la Liste du patri-moine mondial participe de la promotion d’une destination touristique, à diverses échelles, fonctionnant comme étendard pour certains États (Shackley, 1998) – par exemple la Hongrie (Rátz et Puczkó, 2003) –, territoires régionaux ou locaux, ce qui suppose aussi de gérer le rapport entre le site et les espaces alentour (Boyd et Timothy, 2006), de définir par conséquent le rapport entre le site UNESCO et la destination touris-tique. La visibilité accrue dans les guides internationaux permise par le label UNESCO explique aussi la compétition entre sites patrimoniaux, dans l’objectif d’attirer davantage de visiteurs.

Ce nouveau cadre articulant tourisme et développement suppose une évaluation de ces apports, par le développement de méthodes et d’études, ainsi que la mise en place d’observatoires. L’évaluation des retombées et des effets d’une inscription UNESCO et d’un développement du tourisme durable devient une préoccupation multiforme, émanant entre autres des collectes de données et des études empiriques à l’échelle de sites

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particuliers, de travaux d’économétrie, de recherches menées en sciences économiques et sociales. Un grand nombre de données (Du Cros, 2006, à Lijiang ; Gravari-Barbas et Jacquot, 2013, pour les sites français) semblent valider cette relation entre labellisation UNESCO et augmentation du tourisme, donnant crédit à un effet UNESCO. Patrizia Battilani et Sabina Sgobba présentent les débats autour de ces évaluations (chap. 4).

Un premier type d’explications, tourné vers l’analyse de la demande, insiste sur les motivations des visiteurs (demand side). En effet, le label patrimoine mondial constitue un élément attractif supplémentaire pour les touristes, à l’instar d’autres labels (Reinius et Fredman, 2007), et provoque une modification des comportements de visite, par exemple une propension des visiteurs à payer davantage pour entrer sur les sites du patrimoine mondial (Dixon, Pagiola et Agostini, 1998). Le second type d’explications, centré sur la production d’une offre touristique (supply side), met l’accent sur les efforts pour transformer le bien UNESCO en destination touristique, par le moyen des politiques de mise en tourisme qui accompagnent la désignation, notamment en termes de promo-tion et de marketing de la part des acteurs locaux (Shackley, 1998 ; Boyd et Timothy, 2006), et d’engagement de l’ensemble des acteurs (Gravari-Barbas et Jacquot, 2011).

Pourtant, des études économétriques ne permettent pas de prouver de façon nette un « effet UNESCO » (Prud’homme, 2008). L’augmentation de la fréquentation des sites UNESCO masque parfois la croissance tendan-cielle du tourisme (qui explique par exemple l’augmentation des visiteurs des sites naturels australiens inscrits sur la Liste de l’UNESCO) (Buckley, 2004). Les chercheurs mettent par ailleurs en évidence des études trop disparates, relevant de méthodologies différentes (Van der Aa, 2005). Au-delà des difficultés à identifier un effet UNESCO en isolant les autres facteurs de croissance du tourisme, il demeure le risque d’un réduction-nisme économique et marchand, au détriment d’une analyse multidimen-sionnelle des liens entre tourisme et patrimoine mondial (Prigent, 2011).

Tourisme durable : un nouveau paradigme au service du patrimoine mondial

La seconde perspective, development first (Burns, 1999), articule de façon plus multidimensionnelle l’apport du tourisme aux enjeux de développement, association vulgarisée par l’ouvrage d’Emanuel

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Jehuda De Kadt, Le tourisme, passeport pour le développement (1979), issu d’un séminaire organisé conjointement par la Banque mondiale et l’UNESCO. Si le tourisme n’est plus ignoré ou présenté seulement comme menace, il n’est pas présenté comme objectif en soi dans les textes récents de l’UNESCO, mais bien comme un atout ou un instrument au service du développement.

Cette articulation entre tourisme et développement se fait toutefois de façon progressive et devient pleinement un axe stratégique pour l’UNESCO à la fin des années 2000. En 2001, lors de la cinquième session à Helsinki, le Comité du patrimoine mondial prend plusieurs mesures destinées à augmenter l’efficacité des mécanismes de sauvegarde inter-nationale et de l’utilisation du Fonds du patrimoine mondial, pour une « utilisation pro-active de sommes relativement limitées et le finance-ment des activités de conservation avec effet multiplicateur », en inté-grant des financements provenant de partenaires (UNESCO – Comité du patrimoine mondial, 2002). Cette recherche d’une cohérence des financements aboutit alors à l’identification de quatre thèmes priori-taires, qui deviennent des programmes : « Gestion de la conservation des villes », « Conservation des constructions en terre », « Gestion du tourisme », « Conservation des forêts ». Ces programmes sont plutôt motivés par des enjeux de conservation et intègrent la gestion des effets néfastes du tourisme, pris dans le paradigme équilibriste.

En 2006 est décidée une articulation accrue des six programmes thématiques avec la Déclaration de Budapest de 2002, notamment par la mise en place d’indicateurs de suivi et de performance, correspondant à des objectifs spécifiques à chaque programme. Le programme tourisme, devenu « tourisme durable », doit alors être intégré de façon large aux autres initiatives en lien avec le patrimoine mondial : aux cinq autres programmes, aux dossiers de candidature et plans de gestion, etc. Le tourisme durable voit par conséquent reconnue sa dimension transver-sale, et en quelque sorte il se « dé-thématise ». Une rupture d’importance est également signifiée en 2006, marquant le passage à un « nouveau paradigme4 » : le troisième objectif du programme « tourisme durable » vise

4. L’expression est utilisée pour la présentation du programme actuel par le Centre du patri-moine mondial (<http://whc.unesco.org/fr/tourisme/>), ainsi que dans les documents préparatoires à la 36e session du Comité du patrimoine mondial à Saint-Pétersbourg, Fédération de Russie, en 2012.

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à « promouvoir des moyens de subsistance alternatifs pour les commu-nautés locales5 », articulant tourisme, patrimoine mondial et enjeux de développement local.

En 2010, ce programme prend fin, à la suite d’une évaluation élaborée par le cabinet Martin Jenkins and Associates Limited (Clarke et Fursam, 2010) et discutée lors de la session à Brasilia, en raison d’une approche jugée trop dispersée sur les sites et qui rend difficile la validation des objectifs fixés en 2006. Le Comité du patrimoine mondial prend alors une résolution en faveur d’un nouveau programme, qui est mis en place en 2012 : « Patrimoine mondial et tourisme durable ». L’enjeu de développement durable est affirmé au même titre que celui de la conservation, marquant bien ce nouveau paradigme de l’association tourisme– patrimoine, à travers la promotion d’un tourisme durable. Les documents préparatoires à la résolution adoptée à Brasilia6 puis à Saint-Pétersbourg7 précisent le contenu de ce nouveau programme, tissant des liens avec les diverses mutations de la politique du patrimoine mondial : intégration transversale des enjeux de développement durable, reprise des objectifs de la Déclaration de Budapest, intégration des communautés locales, démarche partenariale avec les États parties mais aussi avec des organisations telles que l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) ou des représentants de l’industrie touristique, et nouvelles méthodes de planification par indicateurs et évaluations. Le nouveau programme est adopté en 2012 et doté d’un plan d’action 2013-2015. Quels enjeux pose ce nouveau paradigme du tourisme durable ?

5. La présentation des objectifs provient du document WHC-06/30.COM/12, Point 12 de l’ordre du jour provisoire. Indicateurs de performance pour le patrimoine mondial , documents préparatoires à la 30e session du Comité à Vilnius, Lituanie, 2006.

6. Voir document WHC-10/34.COM/5D, Point 5D de l’ordre du jour provisoire.Convention du patrimoine mondial et développement durable, documents prépara-toires à la 34e session du Comité du patrimoine mondial, Brasilia, Brésil, 25 juillet- 3 août 2010.

7. Voir document WHC-12/36.COM/5E, Point 5E de l’ordre du jour provisoire. Programme sur le patrimoine mondial et le tourisme, documents préparatoires à la 36e session du Comité du patrimoine mondial, Saint-Pétersbourg, Fédération de Russie, 24 juin- 6 juillet 2012.

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Les formes du développement par le tourisme durable

Le développement d’un nouveau paradigme modifie les questions posées et les modalités d’évaluation des effets de l’inscription et de la gestion du site (Charlotte Malgat, chap. 8). Il ne s’agit pas seulement d’évaluer les impacts du tourisme sur le patrimoine, positifs ou négatifs, mais bien de caractériser un développement local, en examinant ses acteurs, ses bénéficiaires, et les recompositions territoriales auxquelles il donne lieu. L’accent mis sur les communautés et la réflexion sur la dimension spa-tiale du développement nous semblent être deux marqueurs de ce nou-veau paradigme, posant de nouveaux enjeux à la recherche scientifique sur le patrimoine mondial.

Développement pour qui et par qui ?

La question des acteurs et des bénéficiaires du développement induit par la mise en tourisme est récurrente, renvoyant à une perspective centrée sur la communauté (Saarinen, 2006), mais s’applique de façon accrue pour les sites du patrimoine mondial. Qui sont les bénéficiaires du développe-ment porté par l’inscription UNESCO et plus spécifiquement de la mise en tourisme ? Cette interrogation concerne tout d’abord les impacts et les bénéficiaires des politiques de développement : ainsi, à partir des enquêtes menées à Albi, Ygal Fijalkow et Michèle Lalanne proposent des indica-teurs de durabilité sociale (chap. 6). Ce questionnement peut prendre une dimension davantage politique : qui participe aux choix opérés en termes d’identification, de préservation et de valorisation des biens et des élé-ments du patrimoine mondial ? Quelle est la place des non-experts dans l’identification de stratégies et la définition de politiques et de projets, et comment leur reconnaître une capacité d’agir (Harrison, 2013) ?

L’UNESCO s’est saisie de ces questions, à travers la notion large de « communautés ». Sur proposition de la Nouvelle-Zélande en 2007, le Comité du patrimoine mondial à Christchurch ajoute un cinquième objectif stratégique, « Communauté », aux quatre de la Déclaration de Budapest de 2002, c’est-à-dire en visant la participation des commu-nautés aussi bien à l’identification qu’à la gestion du patrimoine mondial. La création de la catégorie « paysage culturel » avait déjà été l’occasion de décentrer la production patrimoniale en faisant droit à des conceptions

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locales du patrimoine (Sullivan, 2004), qui reconfigurent la relation nature–culture par rapport au grand partage opéré par la modernité (Latour, 1991), notamment à partir de sites australiens et néo-zélandais (Taylor et Lennon, 2010 ; Hill et al., 2011).

Toutefois, cette intégration des communautés ne concerne pas seulement les modalités de la reconnaissance patrimoniale et la plura-lisation de la valeur universelle exceptionnelle. La résolution adoptée à Christchurch par le Comité du patrimoine mondial sur l’ajout d’un objectif stratégique « communauté » invite aussi à reconnaître la capacité d’agir de ces communautés et la pertinence de leurs apports à la défi-nition des modalités de conservation et de valorisation du patrimoine. Ainsi les communautés ne sont plus seulement objets mais aussi sujets des politiques de développement et de tourisme durable articulées à la gestion des sites UNESCO. L’appropriation du tourisme durable par les habitants renvoie à une participation à l’activité touristique, voire à des dynamiques d’empowerment permettant de construire une repré-sentation de soi, tout en s’affirmant comme acteurs du développement (Cole, 2007).

Par exemple, en Colombie, dans le parc archéologique de San Agustin, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1995, la commu-nauté Yanacona se constitue dans le cadre du mouvement indigéniste et s’oppose à des restrictions d’aménagement au nom de la conservation du parc. Reprenant de façon stratégique les discours développés par l’UNESCO sur la place des communautés dans la gestion des sites, cette communauté revendique le droit au développement, notamment par la construction d’infrastructures de transport et d’un lieu de vente d’arti-sanat indigène aux visiteurs ( Jackson et Ramirez, 2009). Cet exemple illustre la dimension non consensuelle d’une participation active qui reprend l’argument communautaire et peut entrer en opposition avec les institutions publiques (Langfield, 2010). Le document préparatoire présenté à la session du Comité du patrimoine mondial à Christchurch rappelait d’ailleurs l’intérêt du conflit, comme moment de révélation des enjeux de développement et de réagencement des relations entre acteurs.

Il faut cependant se méfier d’une vision romantique et réifiée des commu-nautés : celles-ci sont plurielles, marquées elles-mêmes par des lignes de fracture, n’existent pas déjà de façon figée mais se construisent dans l’ac-tion même de reconnaissance ou de valorisation patrimoniale (Waterton et Smith, 2010). L’intégration communautaire dans les politiques de tourisme

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et de développement durable du patrimoine mondial semble donc poser un double enjeu : faire droit à une conception ouverte des communautés, intégrant des individus pluriels et différents, ayant des pratiques et des conceptions divergentes du patrimoine et de ses enjeux (Mathias Faurie, chap. 5 ; Ygal Fijalkow et Michèle Lalanne, chap. 6), et constituer les communautés et leurs membres comme sujets et pas uniquement desti-nataires des politiques menées, c’est-à-dire imaginer les modalités de la participation communautaire au tourisme durable. Cette participation peut prendre alors diverses facettes, allant d’une simple participation à l’activité économique (Su et Wall, 2012 ; Patrizia Battilani et Sabina Sgobba, chap. 4) à des modalités d’intégration aux choix politiques effectués.

Les modalités d’intégration communautaire au développement par le tourisme durable sur les sites du patrimoine mondial questionnent également les espaces de ce développement.

Quels espaces du développement touristique durable ?

De prime abord, les mondes du tourisme et du patrimoine ne semblent pas parler le même langage.

L’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial sanctionne la délimitation d’un périmètre patrimonial cohérent, complété par une zone tampon. La cohérence spatiale – l’« intégrité » dans les Orientations (UNESCO – Centre du patrimoine mondial, 2011) – est définie en lien avec l’identification de la valeur universelle exceptionnelle, qu’elle exprime et représente (ibid.). La justification des périmètres UNESCO tracés repose sur la cohérence d’expression du signifié – la valeur univer-selle exceptionnelle, expliquant la diversification des formes spatiales des biens UNESCO. Par exemple, concernant les biens culturels, aux trois formes spatiales continues du « monument », du « site » et de l’« ensemble » (l’aire plus ou moins grande) se sont ajoutés, entre autres, les biens en série (introduction de la discontinuité) et les itinéraires. La délimitation spatiale repose donc sur un motif endogène au processus de patrimo-nialisation, comme l’illustre la construction patrimoniale du territoire du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais (Edith Fagnoni, chap. 3). L’industrie touristique mobilise quant à elle la notion de destination touristique, qui renvoie à l’espace imaginé par le touriste (Howie, 2003) autant qu’à l’espace organisé comme support d’une expérience touristique multi dimensionnelle cohérente (Hu et Brent Ritchie, 1993).

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Dès lors se pose la question des relations entre destination touristique et périmètres des biens inscrits au patrimoine mondial : ces deux espaces se superposent-ils, se recoupent-ils ou s’ignorent-ils ? Autrement dit, la gestion du tourisme dans un site du patrimoine mondial équivaut-elle à la gestion d’une destination touristique ? Comment s’assurer que la valeur universelle exceptionnelle demeure structurante si c’est la destination qui sert de point d’appui au développement touristique ? Ces questions impliquent de définir l’échelle de gestion du développement touristique et du tourisme durable, entre le site du patrimoine mondial ou la desti-nation qui l’intègre. De façon réciproque, la question de l’échelle et des espaces des retombées attendues se pose. Où vivent les communautés qui en tirent parti : au cœur du bien UNESCO, à ses abords ou à proxi-mité ? Bref, quel est le « local » construit par une politique de dévelop-pement touristique articulé à un site du patrimoine mondial ? Sébastien Preuil (chap. 7) illustre à partir du cas du parc d’Angkor au Cambodge les interactions entre perspectives de développement et territorialisation des projets et des communautés. Il s’agit donc d’associer le dedans et le dehors du site du patrimoine mondial, à travers les enjeux de la mise en tourisme et du développement durable.

Le programme « Patrimoine mondial et tourisme durable », lancé en 2012 par le Centre du patrimoine mondial, tente d’apporter des réponses à ces enjeux de l’articulation de la politique du patrimoine mondial aux enjeux territoriaux du développement touristique. Le document prépa-ratoire à ce programme annonce une approche centrée sur le « pôle touristique » (tourist destination en anglais), défini comme

le lieu géographique où se déploie la totalité de l’expérience touristique. Il inclut le bien du patrimoine mondial lui-même et ses abords. Les biens du patrimoine mondial étant des destinations touristiques privilégiées, prendre connaissance de la valeur des sites nécessite une approche globale axée sur les pôles touristiques, qui prenne en compte les conditions et besoins locaux8.

Une politique touristique intègre donc le bien patrimoine mondial à une échelle plus étendue, s’élargissant à ses « abords » et aux « zones péri-phériques », construisant une nouvelle territorialité, condition selon ce même texte d’un développement local durable.

8. Ibid.

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Un tel processus suppose également de nouvelles modalités de la construction d’une valorisation et d’une médiation touristiques, à travers l’identification participative des points d’appui du discours touristique (voir Emanuela Casti, chap. 10) ou la mise en œuvre d’une démarche interprétative qui donne sens à la différenciation spatiale (Béatrice Moppert, Christian Germanaz et Michel Sicre, chap. 9). La démarche d’interprétation patrimoniale renforce la production de nouvelles terri-torialités, éventuellement coproduites, faisant sens pour les habitants et les touristes.

ConclusionLe quarantième anniversaire de la Convention du patrimoine mondial avait pour thème « Patrimoine mondial et développement durable, le rôle des communautés locales ». Dans l’ouvrage World Heritage, Benefits Beyond Borders d’Amareswar Galla (2012) présenté préalablement, réa-lisé à cette occasion, aucune contribution ne mentionne le tourisme sans son titre ; et pourtant le tourisme constitue un élément transversal de cet ouvrage, irradiant les stratégies d’un grand nombre de sites, que ce soit pour en gérer les bénéfices ou permettre par son biais une impul-sion au développement. Cela s’inscrit bien dans ce nouveau paradigme de l’UNESCO du « tourisme comme tourisme durable », marqué par une intégration du fait touristique aux autres aspects de la gestion du site, de façon protéiforme (Istasse, 2011). L’accent s’est également déplacé des volumes ou des comportements des touristes aux pratiques et aux politiques menées localement.

Ces mutations de la politique du patrimoine mondial et de son programme tourisme, qui mettent désormais au centre un développe-ment durable pensé comme local et inclusif, questionnent au final la production du local, à travers des reconfigurations territoriales et la place accordée ou prise par les communautés locales, dans ce contexte de processus et de politiques multiscalaires.

Les touristes ne sont néanmoins pas absents de cette nouvelle perspec-tive. Les visiteurs au sens large sont régulièrement mentionnés comme acteurs de la conservation et de la valorisation du patrimoine mondial par

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le tourisme durable9. Cela se traduit par tout un ensemble de dispositifs visant à diffuser la conscience de la valeur universelle exceptionnelle et l’attachement au patrimoine mondial. Ainsi l’accord noué entre le Centre du patrimoine mondial et le site de voyages TripAdvisor transforme les touristes en veilleurs du patrimoine, tout en accordant une légitimité à ces subjectivités décentrées, donnant à voir une vision kaléidoscopique du patrimoine mondial.

Les discussions menées à Christchurch en 2007 sur la place des commu-nautés réitèrent la distinction du proche et du lointain. Les communautés « possèdent un lien direct, avec les intérêts qui s’y rattachent, à des sites individuels et bien souvent ce lien remonte très loin dans le temps. Ces communautés partagent une étroite proximité avec les sites en question10. » Les initiatives partenariales menées dans le cadre du programme sur le tourisme durable atténuent cette opposition, en créant les conditions d’un attachement affectif avec un patrimoine lointain.

Maria Gravari-Barbas Sébastien Jacquot

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9. Ibid.

10. Voir document WHC-07/31.COM/13B, Point 13 de l’ordre du jour provisoire. Évaluation des résultats de la mise en œuvre des objectifs stratégiques du Comité. Proposition d’ajout d’un 5e C aux objectifs stratégiques, documents préparatoires à la 31e session du Comité du patrimoine mondial, Christchurch, Nouvelle-Zélande, 23 juin- 2 juillet 2007.

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PUQ.CA

ISBN 978-2-7605-3978-5

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Sous la direction deMaria GRAVARI-BARBAS Sébastien JACQUOT

Comment penser l’association entre patrimoine mondial, développement et tourisme ? Dans un contexte concurrentiel, le prestige qu’entraîne l’ins-cription d’un site sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO

(Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) constitue un avantage compétitif. Toutefois, le tourisme peut être plus qu’un simple éten-dard pour attirer davantage de visiteurs, il peut être au service du développement des communautés.

C’est à ce nouveau paradigme de tourisme durable, devenu l’un des axes stratégiques de l’UNESCO, que s’intéressent les auteurs de cet ouvrage. Ils traitent de la diversification des enjeux du patrimoine mondial, de la pluralisation des motifs de l’inscription à la Liste et des indicateurs de durabilité sociale, mais aussi des relations entre les espaces touristiques et les sites patrimoniaux. Ils exposent également les modalités de la participation communautaire au tourisme durable, en adoptant une conception ouverte des communautés, c’est-à-dire en considérant les visions plurielles et divergentes.

Il ne s’agit plus seulement d’évaluer les incidences du tourisme sur le patri-moine, positives ou négatives, mais bien de caractériser un développement local, en examinant ses acteurs, ses bénéficiaires et les recompositions territoriales auxquelles il donne lieu.

• Maria Gravari-Barbas,  architecte et géographe, est professeure à l’Université Paris  1 Panthéon-Sorbonne. Elle dirige l’Institut de recherches et d’études supérieures du tourisme (IREST) et l’Équipe interdisciplinaire de recherches sur le tourisme (EIREST). Elle est coordinatrice de la Chaire UNESCO et du Réseau UNITWIN UNESCO culture, tourisme, développement de l’Université Paris 1.

• Sébastien Jacquot est maître de conférences en géographie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, au sein de l’IREST. Ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de géographie, il est actuellement membre de l’EIREST et associé à l’UMR 8586 PRODIG.

• Avec la collaboration de  Patrizia Battilani, Emanuela Casti, Katharina Conradin, Edith Fagnoni, Mathias Faurie, Ygal Fijalkow, Christian Germanaz, Maria Gravari-Barbas, Sébastien Jacquot, Michèle Lalanne, Charlotte Malgat, Béatrice Moppert, Sébastien Preuil, Noel B. Salazar, Sabina Sgobba et Michel Sicre.