phagotherapie
DESCRIPTION
La phagotherapie peut servir en cas d'infection nosocomialeTRANSCRIPT
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N /__/__/__/__/__/__/__/__/__/__/
T H SE
pour obtenir le grade de
Docteur
de
lInstitut des Sciences et Industries du Vivant et de lEnvironnement (Agro Paris Tech)
prsente et soutenue publiquement par
Jacques-Antoine HENNEKINNE
Le 8 juillet 2009
NOUVELLES APPROCHES POUR LA CARACTERISATION DES TOXI INFECTIONS ALIMENTAIRES A STAPHYLOCOQUES A COAGULASE POSITIVE
Directeur de thse : Sylviane DRAGACCI
Travail ralis lAFSSA LERQAP, Unit Caractrisation des toxines, quipe toxines bactriennes,
F - 94700 Maisons Alfort,
Devant le jury :
M. le Professeur Olivier CERF, Ecole Nationale Vtrinaire dAlfort Prsident
M. le Professeur Georges DAUBE, Universit de Lige Rapporteur M. le Docteur Grard LINA, Centre National de Rfrence des Staphylocoques Rapporteur
Mme le Docteur Sylviane DRAGACCI, AFSSA LERQAP Examinateur
M. Le Docteur Emmanuel JAMET, ACTILAT Examinateur
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Remerciements
Je tenais tout dabord vivement remercier Laurent Rosso et Laurent Laloux, directeurs successifs du
laboratoire dtudes et de recherches sur la qualit des aliments et des procds agro-alimentaires
(LERQAP) pour leur confiance et les moyens quils ont mis disposition pour raliser dans les
meilleures conditions les travaux de cette thse.
Je tenais galement exprimer ma profonde gratitude au Docteur Sylviane Dragacci, ma directrice de
thse, qui a cru en ce projet et a su me porter et me guider tout au long de ce dernier et au Docteur
Sophie Krys, ma chef dunit, pour mavoir support tout au long de cette thse.
Jadresse mes sincres remerciements aux Professeurs Olivier Cerf, Georges Daube et aux Docteurs
Grard Lina et Emmanuel Jamet qui ont accept dvaluer mon travail en acceptant de participer mon
jury.
Un immense merci toute lquipe des toxines bactriennes de lunit Caractrisation des toxines,
Annick Ostyn, Sabine Herbin, Florence Guillier, Sabine Messio, Sylvie Pairaud, Isabelle Papinaud et
Amlie Gateaux pour leur aide, leur soutien, leur gentillesse et leur bonne humeur : quelles soient aussi
toutes remercies pour leur infinie patience
Il est va de mme pour tous les personnels de lunit dHygine et de microbiologie des produits
alimentaires en particulier Franoise Dilasser et Sylviane Derzelle qui mont acceuilli dans leurs locaux
pour les exprimentations de biologie molculaire sur les souches de staphylocoques coagulase
positive et pour les personnels de lunit Caractrisation et pidmiologie bactrienne dont Trinh Tam
Dao pour sa trs grande disponibilit.
Tous mes remerciements vont aussi au laboratoire dtude de la dynamique des protomes (LEDyP) du
Commissariat lEnergie Atomique (CEA) de Grenoble. Que Viriginie Brun, Dorothe Lebert, Alain
Dupuis et Jrome Garin soient remercis pour leur indispensable collaboration et le temps quils ont
consacr mexpliquer la spectromtrie de masse.
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Je suis galement trs reconnaissant au Docteur Marie-Laure De Buyser pour sa gentillesse, sa
disponibilit, ses conseils, son intert pour mes travaux et nos discussions fructeuses sur les
staphylocoques, leurs entrotoxines et les toxi infections alimentaires collectrives.
Je ne saurais oublier mon partenaire de course pied, Ronel Bir, pour tous les bons et ncessaires
moments de dtente que nous avons eus au travers de nos diffrents entranements et autres courses
de longue haleine !
Enfin je dsire remercier trs sincrement toute ma famille, mes amis pour leur soutien sans faille, leur
encouragement et leur comprhension. Que Gabrielle et Virginie soient particulirement remercies.
Quils sachent tous quel point je les aime.
Pour Hedwige, ma mre
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Sommaire
Liste des tableaux 7
Liste des figures 8
Liste des abrviations 9
Rsum 12
Prambule 13
Introduction 16
1. Staphylocoques et toxines 16
1.1 Staphylocoques 16 1.1.1 Taxonomie 16 1.1.2 Rservoirs 17 1.1.3 Staphylococcus aureus 19
1.2 Entrotoxines staphylococciques 19
1.2.1 Nomenclature et proprits 20 1.2.2 Dterminisme gntique et rgulation 24 1.2.3 Modes daction 26
1.2.3.1 Lactivit superantignique 28 1.2.3.2 Lactivit mtique 29
1.3 Autres facteurs de virulence de Staphylococcus aureus 31
2. Toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques coagulase positive 32 2.1 Dfinition 32 2.2 Historique 33 2.3 Dclaration des pisodes toxiques 35 2.4 Incidence 37
2.4.1 En France 37 2.4.2 En Europe 38 2.4.3 Aux Etats Unis 39 2.4.4 Au Japon 40
2.5 Conditions requises pour dclencher une TIAC staphylocoques 41 2.5.1 Source de staphylocoques producteurs dentrotoxines 41 2.5.2 Mode de contamination 43 2.5.3 Aliments favorables 45
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2.5.4 Facteurs influenant la croissance et la production dentrotoxines staphylococciques par Staphylococcus aureus 46 2.5.4.1 Temprature 46 2.5.4.2 pH 47 2.5.4.3 Activit de leau 48 2.5.4.4 Facteurs nutritionnels 48
2.5.5 Ingestion dune dose suffisante 49
3. Investigation des toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques 50 3.1 Mthodes de dtection de Staphylococcus aureus 50
3.1.1 Isolement de Staphylococcus aureus par microbiologie conventionnelle 50 3.1.1.1 Milieux slectifs ou non 51
3.1.1.2 Mthodes quantitatives et qualitatives 52 3.1.2 Dtection de Staphylococcus aureus par mthodes molculaires 53 3.1.2.1 Caractrisation molculaire des souches 53
3.1.2.2 Caractrisation du pouvoir toxinogne des souches 54
3.1.3 Mthodes normalises et alternatives 55 3.1.3.1 Mthodes normalises 56 3.1.3.2 Mthodes alternatives 57
3.2 Mthodes de recherche des entrotoxines staphylococciques 57 3.2.1 Extraction 58
3.2.1.1 Chromatographie par permation de gel 58 3.2.1.2 Immunochromatographie 58 3.2.1.3 Concentration des protines totales 59
3.2.2 Dtection 59 3.2.2.1 Les bioessais 59 3.2.2.2 Loutil molculaire 60 3.2.2.3 Loutil immunochimique 61
3.2.2.3.1 Immunodiffusion en glose 61 3.2.2.3.2 Mthodes radio-immunologiques 62 3.2.2.3.3 Agglutination passive sur billes de latex 62 3.2.2.3.4 Mthodes immunoenzymatiques 62
3.2.2.4 Loutil physicochimique 64 3.2.2.4.1 Electrophorse capillaire 64 3.2.2.4.2 Chromatographie liquide haute performance 65 3.2.2.4.3 Nouvelles approches par spectromtrie de masse 66
4. Rglementation sanitaire staphylocoques et toxines 67 4.1 Le paquet hygine 67 4.2 Rglements N2073/2005 et N1441/2007 et critres microbiologiques pour les staphylocoques
coagulase positive et les entrotoxines staphylococciques 69 4.3 Laboratoires Communautaire et National de rfrence 72
4.3.1 Missions 72
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4.3.2 Laboratoire Communautaire et National de Rfrence pour les Staphylocoques Coagulase Positive 72
Enjeux et objectifs de la caractrisation des toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques coagulase positive 74 1.1 Enjeux 74
1.1.1 Enjeux scientifiques 74 1.1.2 Enjeux techniques 75 1.1.3 Enjeux sanitaires 75
1.2 Objectifs des travaux 76
Prsentation des travaux 79 1. Amlioration des mthodes de dtection des entrotoxines staphylococciques 79 2. Caractrisation des souches de Staphylocoques coagulase positive 82 2.1 Origine des souches et potentiel toxinogne 82
2.1.1 Etude des souches isoles dpisodes toxiques et gnotypage sea sei 83 2.1.2 Gnotypage sej seu 86
2.2 Production dentrotoxines staphylococciques en surnageants de culture et en matrices
alimentaires par les souches de S. aureus isoles dpisodes toxiques 90 3. Caractrisation et quantification de lentrotoxine staphylococcique de type A (SEA) par
spectromtrie de masse 94
3.1 Quantification dune solution commerciale dentrotoxine de type SEA 96 3.2 Quantification de lentrotoxine de type SEA en matrice alimentaire modle 98 4. Mise en uvre de la dmarche intgre pour caractriser une toxi infection alimentaire
collective 100
Conclusion et perspectives 103 Liste des travaux 106 Publications 108 Rfrences bibliographiques 155 Annexes 174
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Liste des tableaux Tableau 1 : Espces et sous-espces dcrites au sein du genre Staphylococcus
Tableau 2 : Caractristiques majeures des entrotoxines staphylococciques
Tableau 3 : Rsistance de Staphylococcus aureus et des entrotoxines au traitement thermique
Tableau 4 : Support gntique des gnes dentrotoxines staphylococciques
Tableau 5 : Activits superantignique et mtique des entrotoxines staphylococciques
Tableau 6 : pH minimum pour la production dentrotoxines staphylococciques dans diffrents milieux
Tableau 7 : Effet des facteurs nutritionnels sur la production dentrotoxines staphylococciques par
Staphylococcus aureus
Tableau 8 - Milieux slectifs pour la dtection de Staphylococcus aureus : exemple des diffrents
agents slectifs utiliss et des diffrents caractres recherchs
Tableau 9 : Modifications apportes au milieu de Baird-Parker
Tableau 10 : Mthodes PCR utilises pour la dtection de gnes de Staphylocococcus aureus dans
lADN extrait daliments contamins
Tableau 11 : Caractristiques des kits commerciaux de dtection des entrotoxines staphylococciques
Tableau 12 : Critre Staphylococcus aureus dhygine des procds
Tableau 13 : Critre de scurit entrotoxines staphylococciques
Tableau 14 : Amorces utilises pour les ractions de PCR des gnes sej seu
Tableau 15 : Rsultats du gnotypage sea seu des souches de S. aureus
Tableau 16 : Rsultats de llectrophorse 2D-MS sur les surnageants de souches de S. aureus
Tableau 17 : Rsultats obtenus pour le gnotypage de souches, la dtection et la quantification de la
toxine SEA par ELISA et mthode PSAQ dans une matrice fromagre modle
Tableau 18 : Rsultats obtenus pour le gnotypage de souches, la dtection et la quantification de la
toxine SEA par ELISA et mthode PSAQ dans la matrice perle de coco
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Liste des figures
Figure 1 : Aspect de Staphylococcus aureus suite une coloration de Gram
Figure 2 : Aspect de Staphylococcus aureus en microscopie lectronique
Figure 3 : Reprsentation schmatique des interactions entre toxines bactriennes et cellules
eucaryotes
Figure 4 : Structure tridimensionnelle de lentrotoxine de type SEC
Figure 5 : Activation spcifique et non-spcifique des lymphocytes T
Figure 6 : Facteurs de virulence de Staphylococcus aureus
Figure 7 : Systme de dclaration des toxi-infections alimentaires collectives au niveau franais
Figure 8 : Systme de dclaration des toxi-infections alimentaires collectives au niveau europen
Figure 9 : Nombres de foyers toxi-infections alimentaires collectives Staphylococcus aureus, priode
1996-2007, France
Figure 10 : Schma dune chane de contamination depuis un lait de brebis atteinte dune mammite
subclinique staphylocoques jusquau produit fromager final
Figure 11 : Dtails des doses ingres par 44 malades en fonction de leur sexe (31 Femmes / 13
Hommes) et ge
Figure 12 : Action mtique de lentrotoxine de type SEA aprs ingestion par des musaraignes
Figure 13 : Reprsentation schmatique du principe de limmuno-PCR
Figure 14 : Exemple de plaque de quantification de la toxine SEA
Figure 15 : Architecture du paquet hygine (NS/DGAL/SDSSA/N2004-8193 du 28 juillet 2004)
Figure 16 : Analyses mettre en uvre pour lucider les pisodes toxiques o Staphylococcus aureus
et ses entrotoxines taient suspects
Figure 17 : Mthodologie utilise pour investiguer les toxi-infections alimentaires collectives
staphylocoques (PCR et PFGE)
Figure 18 : Mthodologie utilise pour caractriser les souches de S. aureus isoles de toxi-infections
alimentaires collectives (Immunochimie et 2D MS)
Figure 19 : Chromatogramme obtenu pour le peptide NVTVQELDLQAR
Figure 20 : Chromatogramme obtenu pour le peptide YNLYNSDVFDGK
Figure 21 : Schma analytique appliqu lchantillon de fromage modle
Figure 22 : Dmarche intgre utilise pour caractriser les toxi-infections alimentaires collectives
staphylocoques
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Liste des abrviations 2D- : two dimension-
ADN : acide dsoxyribonuclique
AESA : Autorit europenne de scurit des aliments
AFSSA : Agence franaise de scurit sanitaire des aliments
AFSSAPS : Agence franaise de scurit sanitaire des produits de sant
AOAC : Association of official agricultural chemists
agr : accessory gene regulator
AQUA : Absolute quantification
ARN : acide ribonuclique
Aw : activit de leau
BHI : brain heart infusion
BP : Baird Parker
C : degr Celcius
CAT : Caractrisation des toxines
CDC : Center of disease control
CE : Commission europenne
CEA : Commissariat lnergie atomique
CEB : Caractrisation et pidmiologie bactrienne
CLHP : Chromatographie liquide haute performance
CPA : cellule prsentatrice de lantigne
CMH : complexe majeur dhistocompatibilit
Da : Daltons
DDASS : Direction dpartementale des affaires sanitaires et sociales
DDSV : Direction dpartementale des services vtrinaires
DGAL : Direction gnrale de lalimentation
DG SANCO : Direction gnrale de la sant et de la protection des consommateurs
EC : lectrophorse capillaire
EDyP : Etude dynamique des protomes
egc : enterotoxin gene cluster
EIA : enzyme immunoassay
ELFA : enzyme linked fluorescent assay
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ELISA : enzyme linked immunosorbent assay
ES : entrotoxine staphylococcique
ESI : Electrospray ionisation
ET : exfoliatin toxin
FAME : fatty acid modifying enzyme
HMPA : Hygine et microbiologie des produits alimentaires
IEF : Iso lectrofocalisation
INRA : Institut national de recherche agronomique
InVS : Institut national de veille sanitaire
ISO : International standard organisation
LCR : laboratoire communautaire de rfrence
LERQAP : Laboratoire dtudes et de recherches sur la qualit des aliments et des
procds agro-alimentaires
LNR : laboratoire national de rfrence
MALDI : matrix assisted laser desorption ionisation
MSCRAMM : microbial surface component recognizing adhesine matrix molecules
NPP : nombre le plus probable
PAGE : polyacrylamide gel electrophoresis
pb : paire de bases
PCR : polymerase chain reaction
PFGE : pulse field gel electrophoresis
PSAQ : protein standard absolute quantification
QconCAT : concatemers of standard peptides for absolute quantification
RIA : radio immunoassay
RPF : rabbit plasma fibrinogen
RPLA : reverse passive latex agglutination
S. aureus : Staphylococcus aureus
sar : staphylococcal accessory regulator
SCP : staphylocoque coagulase positive
SCN : staphylocoque coagulase ngative
SDS : sodium dodecylsulfate
se : staphylococcal enterotoxin (gne)
SE : staphylococcal enterotoxin (protine)
SEl : staphylococcal enterotoxin like (protine)
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SERAM : secretable expanded repertoire adhesive molecules
SSSS : staphylococcal scalded skin syndrome
TCR : T cell receptor
TIAC : toxi-infection alimentaire collective
ToF : time of flight
TSA : trypton soy agar
TSST-1 : toxic shock symdrom toxin 1
UBLO : unit des bactries lactiques et opportunistes
ufc : unit formant colonie
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Rsum
Les toxi-infections alimentaires collectives staphylococciques reprsentent ces dernires annes en France la seconde cause de toxi-infections alimentaires bactriennes. Ces dernires sont dues lingestion de toxines prformes dans les aliments : les entrotoxines. Actuellement, une vingtaine dentrotoxines (SEA SElV) ont t dcrites dans la littrature ; parmi celles-ci, toutes possdent une activit superantigniques mais seules quelques unes possdent une activit mtique prouve et prsentent donc un risque sanitaire pour le consommateur. Deux problmes majeurs se posent pour confirmer le diagnostic des pisodes toxiques staphylocoques. Dune part, les staphylocoques sont sensibles aux traitements thermiques appliqus aux aliments alors que les entrotoxines ne le sont pas, et dautre part les mthodes de dtection des entrotoxines staphylococciques actuellement disponibles ne couvrent pas lensemble des entrotoxines dcrites ce jour. Ainsi, et afin de proposer une alternative innovante aux tests immuno-enzymatiques utiliss pour la recherche des entrotoxines staphylococciques dans les matrices alimentaires, nous avons mis en place une dmarche intgre du gne la protine utilisant des outils de biologie molculaire, dimmunochimie et de physisco-chimie des protines pour caractriser, comprendre et lucider les toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques. Mots cls : toxi-infections alimentaires collectives, staphylocoques coagulase positive, entrotoxines,
spectromtrie de masse quantitative.
Summary
Staphylococcal food poisoning is one of the most common food-borne diseases resulting from the ingestion of staphylococcal enterotoxins (SEs) preformed in food by enterotoxigenic strains of coagulase-positive staphylococci, mainly Staphylococcus aureus. To date, more than twenty SEs have been described: SEA to SElV. Each of them share superantigenic activity whereas only few of them have been proved to be emetic and thus represent a potentiel hazard for consumers. Characterisation of staphylococcal food poisoning outbreaks are dependent of various parameters such as isolation of coagulase positive staphylococci and detection of staphylococcal enterotoxins. However, various drawbacks such as heat treatment sensitivity of staphylococci or availability of antibodies against all staphylococcal enterotoxins lead to false diagnosis or to a lack of characterisation of food poisoning outbreaks. Thus, in order to characterise and elucidate staphylococcal food poisoning, we developed an integrated approach from gene to protein using the combination of PCR-based tools, ELISA tests and quantitative MS. Keywords : staphylococcal food poisoning, coagulase positive staphylococci, staphylococcal
enterotoxins, quantitative mass spectrometry.
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Prambule
Staphylococcus aureus dispose de nombreux facteurs de virulence pour infecter son hte. Pour
chacune des tapes cls conduisant linfection (colonisation, invasion, pntration et diffusion dans
les tissus), S. aureus a dvelopp des systmes permettant dchapper la rponse immunitaire de
lhte. Parmi ces facteurs, certains sont responsables dinfections communautaires et nosocomiales
mais aussi de la survenue de toxi-infections alimentaires souvent spectaculaires compte tenu du
nombre de personnes exposes et de la violence de la symptomatologie associe. Les travaux de cette
thse portent sur ce deuxime risque engendr par S. aureus au travers de la caractrisation et de
llucidation des intoxinations dues lingestion des entrotoxines staphylococciques.
Comme nous le verrons, les entrotoxines staphylococciques sont des exoprotines action
superantignique et/ou mtique, produites par certaines souches toxinognes de staphylocoques
coagulase positive. En France, sur la priode 1996-2007, ces entrotoxines reprsentaient la deuxime
cause de foyers de toxi-infections alimentaires collectives dorigine bactrienne.
Actuellement, linvestigation des pisodes toxiques repose dune part sur le dnombrement des
staphylocoques coagulase positive dans les matrices alimentaires suspectes et, dautre part sur la
mise en vidence de certains types dentrotoxines staphylococciques.
Deux problmatiques taient alors considrer, la premire sur la pertinence de lisolement des
staphylocoques, la seconde relative aux outils disponibles pour la dtection des entrotoxines
staphylococciques. Cette investigation en deux temps ne nous permettait pas de caractriser
correctement les toxi-infections alimentaires collectives car elle prsentait dvidentes lacunes : en effet,
dans le cas dun aliment trait thermiquement, le dnombrement des staphylocoques coagulase
positive ne savrait que peu ou pas informatif compte tenu du caractre thermosensible de la bactrie.
Dans ce cas, la caractrisation de lpisode toxique ne reposait que sur la dtection des entrotoxines
staphylococciques de type SEA SEE. Or, avec la description des nouvelles formes dentrotoxines
staphylococciques autres que SEA SEE dont certaines avec activit mtique prouve (SEG, SEH,
SEI ), il semblait difficile de caractriser et dlucider de nombreux pisodes symptomatologie
staphylococcique. Pour pouvoir rellement caractriser un pisode toxique il nous a paru alors
ncessaire dtudier la corrlation entre les diffrentes mthodes danalyse mises en uvre pour
obtenir des informations de natures diffrentes et complmentaires sur la prsence des
staphylocoques, leur pouvoir toxinogne, la production de toxines Cependant, l encore cette
dmarche prsentait des limites. A titre dexemple, nous pouvons citer la toxi-infection alimentaire
collective survenue en aot 2005 dans un restaurant Ishakawa (Japon). Lenqute pidmiologique
dmontra que 10 personnes furent atteintes entre deux et 12 heures (dlai moyen 7 heures) aprs
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consommation de poissons crus (sashimi), de crabe bouilli et de radis macrs. Les patients furent
atteints de vomissements (100 %) de douleurs abdominales (40%) et de diarrhes (30%). Les analyses
microbiologiques ralises sur les restes alimentaires, le personnel des cuisines et les rfrigrateurs
dmontrrent que les staphylocoques coagulase positive taient prsents en faibles nombres (100
units formant colonie/g pour le crabe et 50 units formant colonie/g pour le poisson cru et les radis,
respectivement). Le pulsotypage par macrodigestion avec lenzyme SmaI effectu sur les diffrentes
souches de staphylocoques coagulase positive isoles montra que toutes les souches taient
identiques et suggra que la mme souche tait responsable de la toxi-infection alimentaire collective.
Les vomissures furent testes positives aux entrotoxines staphylococciques sans que les
entrotoxines de type SEA SED naient pu tre mises en vidence. Enfin, le gnotypage de souches
de staphylocoques coagulase positive ralis par PCR multiplexe pour les gnes sea see et seg
selr sest avr ngatif (Kuramoto et al., 2006).
Cet exemple illustrait clairement les difficults auxquelles les autorits de contrle taient confrontes
pour caractriser les pisodes toxiques staphylocoques.
Suite la mise en vidence du caractre mtique de lentrotoxine staphylococcique de type SEH au
travers de trois pisodes toxiques o elle tait implique seule ou en association avec dautres types
toxiniques, des anticorps anti SEH ont t dvelopps et utiliss (Peireira et al., 1996, Ikeda et al.,
2005, Jorgensen et al., 2005) pour caractriser ces pisodes toxiques. Cependant, compte tenu du cot
lev du dveloppement danticorps spcifiques anti entrotoxines, des homologies de squences entre
les entrotoxines et des problmes de spcificit des outils immunochimiques, il ne semblait pas
judicieux de suivre cette voie pour caractriser les entrotoxines nouvellement dcrites.
Nous avons donc dcid daxer les travaux relatifs linvestigation des pisodes toxiques en utilisant
des approches innovantes et complmentaires la microbiologie conventionnelle et aux outils
immunochimiques dans lobjectif non seulement de caractriser mais aussi dexpliquer la survenue des
pisodes toxiques.
Nous avons tout dabord opt pour lamlioration des outils de dtection des entrotoxines
staphylococciques pour tendre leur caractrisation.
Nous avons ensuite ax nos travaux sur la caractrisation des souches isoles dpisodes toxiques tant
au niveau des gnes prsents quau niveau des toxines produites en surnageants de culture et en
matrices alimentaires.
Par la suite, nous avons dvelopp une mthode de confirmation innovante, la spectromtrie de masse
quantitative, pour quantifier les entrotoxines staphylococciques dans des solutions de rfrence puis
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dans des matrices alimentaires modles afin de disposer dune mthode de confirmation de principe
diffrent de lELISA.
Enfin, nous avons mis en uvre lensemble de la dmarche analytique intgre du gne la protine
pour investiguer un cas de TIAC. Ces travaux ont t raliss en collaboration avec lunit
Caractrisation et pidmiologie bctrienne (CEB) du laboratoire dtudes et de recherches sur la
qualit des aliments et des procds agro-alimentaires (LERQAP) et avec le laboratoire dtude
dynamique des protomes (EdyP) du Commissariat lnergie atomique (CEA) de Grenoble.
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Introduction
1. Staphylocoques et toxines
1.1 Staphylocoques
Les premires descriptions des staphylocoques (bactries en forme de coques) isols partir de pus
dabcs datent de 1871 mais ce nest que quelques annes plus tard que ces travaux permettront de
proposer un nom la bactrie rencontre. Ainsi en 1878, Robert Koch en Allemagne et Louis Pasteur
en 1880 en France dcrivent des grappes de coques dans du pus dorigine humaine. La mme anne,
en Ecosse, Alexander Ogston propose le nom Staphylococcus (staphyl : grappe et kokkos : grain)
car les bactries se regroupent en amas irrguliers ressemblant une grappe de raisin. Ogstom
diffrencie ainsi Staphylococcus de Streptococcus. Enfin, en 1884, en Allemagne, Anton Julius Friedrich
Rosenbach donne la premire description du genre Staphylococcus en cultivant les bactries sur milieu
solide. Il diffrencie ainsi S. aureus de S. albus par la coloration des pigments produits par les colonies.
1.1.1 Taxonomie
Le genre Staphylococcus appartient au phylum des Firmicutes (bactries Gram positif, figure 1), la
classe des Bacilli et lordre des Bacillales. Outre les Staphylococcus sp., la famille bactrienne des
Staphylococcaceae comprend quatre autres genres moins connus, Gemella, Jeotgalicoccus,
Macrococcus et Salinicoccus.
Figure 1 : Aspect de S. aureus suite une coloration de Gram
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Le genre Staphylococcus prsente des cellules immobiles sphriques de 0,5 2,5 m de diamtre,
isoles par paires ou en amas (Figure 2). Ces coques Gram positif possdent des caractristiques
physiologiques communes ; ils sont chimio-organotrophes, arobies ou anarobies facultatifs et
possdent une catalase.
A ce jour, cinquante espces et sous-espces ont t identifies au sein du genre Staphylococcus. Les
espces sont gnralement classes en deux groupes sur la base de leur capacit produire une
coagulase libre : les staphylocoques coagulase positive (SCP), gnralement considrs comme les
plus pathognes et les staphylocoques coagulase ngative (SCN).
Figure 2 : Aspect de S. aureus en microscopie lectronique
1.1.2 Rservoirs
Les staphylocoques sont des bactries ubiquitaires prsentes sur la peau, les muqueuses et la sphre
rhino-pharinge chez les animaux sang chaud (mammifres, volailles) et en particulier chez lHomme.
Les staphylocoques ont galement t isols de lenvironnement naturel (sol, eau douce et eau de mer,
poussire, air), de lenvironnement domestique de lHomme (cuisine, rfrigrateur), de lenvironnement
hospitalier et des ateliers de prparation alimentaires et partir de denres alimentaires (Tableau 1). La
peau et les muqueuses de l'Homme et des animaux constituant l'habitat primaire de S. aureus, la
prsence de ce germe dans l'environnement est vraisemblablement due une contamination par
l'Homme ou les animaux (Bergdoll, 1979).
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Tableau 1 : Espces et sous-espces du genre Staphylococcus et htes associs (Stepan et al., 2004)
Espce Coagulase Hte ou source S. arletti - Caprin, volaille
S. aureus subsp. anaerobius S. aureus subsp.aureus
+ Ovin Homme, animaux, environnement
S. auricularis - Homme
S. capitis subsp. capitis S. capitis subsp. ureolyticus
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Homme Homme, primates
S. caprae - Homme, caprins
S. carnosus subsp. carnosus S. carnosus subsp. utilis
- Produits carns Aliments
S. chromogenes - Animaux, lait
S. cohnii subsp. cohnii S. cohnii subsp. urealyticum
- Homme Homme, animaux
S. condimenti - Sauce au soja
S. delphini + Dauphins
S. epidermidis - Homme, animaux, environnement
S. equorum subsp. equorum S. equorum subsp. linens
- Chevaux, btail Surface fromage affin
S. felis - chats
S. fleurettii - Fromage lait de chvre
S. gallinarum - Volailles, oiseaux
S. haemolyticus - Homme, animaux domestique, environnement
S. hominis subsp. hominis S. hominis subsp. novobiosepticus
- Homme Homme
S. hyicus +/- Animaux, aliments
S. intermedius + Mammifre, oiseaux, rarement Homme
S. kloosii - Animaux sauvages
S. lentus - Animaux, rarement Homme
S. lugdunensis - Homme
S. lutrae + Loutre
S. muscae - Mouches, porcs
S. nepalensis - chvre
S. pasteuri - Homme, animaux, aliments
S. pettenkoferi - Homme
S. piscifermentans - Poisson ferment
S. pseudintermedius (Devriese et al., 2005) + Animaux
S. saccharolyticus - Homme
S. saprophyticus subsp. bovis S. saprophyticus subsp. saprophyticus
- -
Animaux Homme, animaux
S. schleiferi subsp. coagulans S. schleiferi subsp. schleiferi
+ -
Chiens Homme
S. sciuri subsp. carnaticus S. sciuri subsp. lentus S. sciuri subsp. rodentium S. sciuri subsp. sciuri
- - - -
Produits carns Animaux Rongeurs, animaux Homme, animaux
S. simiae (Pantucek et al., 2005) - Singe
S. simulans - Homme, mammifre
S. succinus subsp. casei - Surface de fromage affin
S. succinus subsp. succinus - ambre
-
19
S. vitulinus (anciennement S. pulvereri) - Animaux, aliments
S. warneri - Homme, primates
S. xylosus - Homme, animaux, environnement
En rouge : espces de Staphylocoques impliques dans des toxi-infections alimentaires collectives
1.1.3 Staphylococcus aureus
S. aureus reprsente lespce la plus largement incrimine dans les toxi-infections alimentaires
collectives (TIAC) ; elle appartient au groupe des staphylocoques coagulase positive.
Deux sous espces ont t dcrites au sein de lespce S. aureus : S. aureus subsp. aureus
(Rosenbach, 1884) et S. aureus subsp. anaerobius (De la Fuente et al., 1985). Cette sous espce a
t isole dabcs chez le mouton et possde des caractristiques particulires (croissance en
anarobiose, catalase ngative). Cette sous espce est trs marginale, la quasi totalit des souches de
S. aureus appartiennent la sous espce aureus.
Les principales caractristiques de S. aureus sont rsumes ci-aprs: S. aureus est une bactrie aro-
anarobie facultative, thermosensible, qui requiert des tempratures de croissance comprises entre 6 et
46C (avec optimum 37C). Cest une bactrie neutrophile (croissance entre pH 4 et 9,8) qui survit
dans les aliments dshydrats et/ou congels et qui tolre poursa croissance une concentration en sels
(NaCl) leve (jusqu 20%) et une activit de leau aw rduite (0,83). S. aureus tant une bactrie
exigeante en acides amins et en vitamines, sa croissance peut tre inhibe par la prsence de flores
de comptition prsentes dans les aliments. Son rle pathogne en toxi infection alimentaire collective
(TIAC) est li la scrtion de protines doues de proprits neurotoxiques chez lHomme et quon
appelle entrotoxines staphylococciques.
1.2 Entrotoxines staphylococciques
Les entrotoxines staphylococciques (ES) constituent un groupe de molcules hautement toxiques
produits par les staphylocoques dans les aliments. Ce sont des exoprotines de masse molculaire
compris entre 22 et 29 kDa. Leur premire description remonte 1959 (Bergdoll et al.). Elles
appartiennent la famille des exoprotines pyrogniques produites par certaines souches de
staphylocoques coagulase positive et par quelques espces de streptocoques.
Cette famille de protines prsente des proprits biologiques communes : pyrognicit (lvation de la
temprature corporelle) et activation des lymphocytes T (action superantignique). La figure 3
reprsente le mode dinteraction entre diffrentes toxines bactriennes et les cellules eucaryotes : les
-
20
entrotoxines activent la rponse immunitaire en recrutant 30 % du systme immunitaire (versus 1 %
pour un antigne classique) do leur appellation de superantignes.
Parmi les staphylocoques coagulase positive, plusieurs espces peuvent scrter des ES, cest le cas
de Staphylococcus aureus (espce majoritairement retrouve dans les pisodes toxiques) et de
Staphylococcus intermedius dont une souche fut implique dans un cas dintoxication alimentaire aux
Etats-Unis (Becker et al., 2001 ; Khambarty et al., 1994). Daprs certains auteurs, quelques espces
coagulase ngative comme Staphylococcus cohnii, Staphylococcus epidermidis, Staphylococcus
xylosus et Staphylococcus haemolyticus peuvent galement produire des ES (Bautista et al., 1988 ;
Cunha et al, 2007 ; Veras et al., 2008 ; Zell et al., 2008) mais ceci na pour linstant pas t confirm par
les tudes ralises en France.
Figure 3 : Reprsentation schmatique des interactions entre toxines bactriennes et cellules eucaryotes
1.2.1 Nomenclature et proprits
Les tudes sur les ES (SE en nomenclature internationale anglo-saxones pour Staphylococcal
Enterotoxin) ont dbut suite la mise en vidence de S. aureus dans des aliments incrimins lors de
toxi-infections alimentaires. A ce jour, 23 ES diffrentes (SEA SElV) ont t identifies (Tableau 2).
-
21
Les toxines de types SEA, SEB, SEC, SED et SEE reprsentent les ES dites classiques car bien
caractrises et identifies depuis de nombreuses annes et dont limplication dans des cas
dintoxications alimentaires a t dmontre par de nombreux auteurs (Jones et Kahn, 1986 ; Betley et
Mekalanos, 1988 ; Couch et al., 1988 ; Bayles et Iandolo, 1989 ; Dingues et al., 2000). Pour ces
toxines, la squence peptidique a t lucide avant de connatre la squence nuclotidique. Ce fut le
cas notamment pour la toxine de type A - SEA (Huang et al., 1987), B - SEB (Huang et Bergdoll, 1970)
et C - SEC (Schmidt et Spero, 1983). Le srotype C (Figure 4) est subdivis en groupes (SEC1, SEC2,
SEC3, SECbovine, SECovine, SECcaprine et SECcanine) classs sur la base de diffrences dactivit
superantignique et en fonction de lhte auquel elles sont associes (Bergdoll et al., 1965 ; Marr et al.,
1993). Lentrotoxine staphylococcique SEF a t dcrite en 1981 (Bergdoll, 1981) mais a t
renomme quelques annes plus tard TSST1 compte tenu de son manque dactivit mtique
contrairement aux autres entrotoxines staphylococciques classiques (Blomster-Hautamaa et al., 1986).
Les donnes trs rcemment obtenues depuis le milieu des annes 1990, partir de lanalyse du
gnome de S. aureus ont pu mettre en vidence de nombreux gnes prsentant de fortes homologies
de squence avec les gnes des ES dites classiques . Ces gnes produisent des protines aux
proprits structurales proches des ES dont lactivit mtique na que rarement t dmontre car
toutes nont pas t produites en systme in vitro.
En 2004, une nouvelle nomenclature concernant les superantignes exprims par S. aureus a t
propose pour la dsignation de ces nouvelles ES (Lina et al., 2004). En consquence, seules les
toxines induisant une activit mtique aprs administration par voie orale chez lanimal ont t
dsignes ES . Les autres toxines, pour lesquelles aucune activit mtique na t dmontre, ont
t appeles staphylococcal enterotoxin-like (SEl) pour indiquer que leur rle dans des intoxications
alimentaires na pas t confirm. Ces nouveaux types dES ont donc t dsigns SElJ SElR et
SElU puisque, lexception de SEH, SEI et SEG, aucune de ces toxines ne prsentait dactivit
mtique in vivo (Ren et al., 1994 ; Jarraud et al., 2001 ; Orwin et al., 2001 ; Letertre et al., 2003a ;
Omoe et al., 2003 ; Su et Wong 1996 ; Munson et al., 1998). Cependant, trs rcemment, Ono et al.
(2008) ont identifi au niveau gntique, clon puis purifi deux nouvelles entrotoxines
staphylococciques SES et SET. Ces auteurs ont ainsi pu dmontrer leur pouvoir mtique sur lanimal.
Lors de cette mme tude, le potentiel mtique de la SElR a t dmontr, permettant ainsi de la
renommer en SER. A notre connaissance, limplication de ces entrotoxines nouvellement dcrites
(SEA SElV) dans les TIAC reste dmontrer.
Enfin, toutes ces toxines partagent des similarits dhomologie de squence en acides amins allant de
15,5% (entre SEB et SEK) 81% (entre SEA et SEE) ce qui, nous le verrons ultrieurement peut
engendrer des manques de spcificit des outils utiliss pour leur dtection.
-
22
Figure 4 : structure tridimensionnelle de lentrotoxine de type SEC daprs Chi et al. (2002)
Les entrotoxines staphylococciques sont riches en lysine, acide aspartique, acide glutamique et
tyrosine. La plupart possdent un pont disulfure ncessaire leur conformation et probablement
impliqu dans lactivit mtique (cf ci-dessous). Elles sont trs stables, rsistantes la plupart des
enzymes protolytiques telles que la pepsine ou la trypsine et gardent ainsi leur activit aprs ingestion
daliments contamins, dans le tube digestif. Elles rsistent aussi la chymotrypsine, la rnine et la
papane. Nanmoins, SEB et SEC1 ont pu tre hydrolyses en peptides par une digestion trypsique
modre au niveau du pont disulfure. SEB peut tre dtruite par la pepsine pH 2 mais est rsistante
la pepsine des pH suprieurs, qui sont les conditions gnralement rencontres dans lestomac aprs
lingestion de nourriture (Bergdoll, 1983). Les ES sont galement trs thermorsistantes (Tableau 3).
Elles sont rputes plus thermorsistantes dans les aliments quen milieu de culture, en condition de
laboratoire mais elles peuvent tre inactives par les traitements thermiques utiliss en appertisation
lorsquelles sont prsentes en faible concentration (Bergdoll, 1983). Les traitements thermiques en
milieu acide aboutissent gnralement une perte dactivit immunologique par dgradation des acides
amins et la perte concomitante dactivit biologique. Cependant, il a t montr que SEA et SED
peuvent tre indtectables (perte de reconnaissance srologique) mais rester actives, cest--dire
toxiques, (sur des tests in vivo sur le chat) aprs traitement thermique (Bennett, 1995). Linactivation
thermique de SEA, SEB et SEC est variable selon la matrice alimentaire et le pH (Schwabe et al.,1990).
Il est ainsi difficile de prvoir limpact de traitement thermique sur lactivit des ES, puisque celle-ci
dpend du type dES, de leur concentration et de la matrice alimentaire. En effet, les ES tant des
protines, il est admis que ces dernires forment des liaisons faibles avec les composs de la matrice
alimentaire aboutissant ainsi un effet protecteur. De plus, dans certains cas, linactivation thermique
est spontanment rversible, en pH alcalin (Schwabe et al., 1990) ou par un traitement lure (Akhtar
et al., 1996). Dans lensemble, ces donnes montrent que les ES rsistent des conditions (traitement
thermique, pH acide) qui dtruisent facilement S. aureus lui-mme. Ainsi, dans le cas des aliments
ayant subi un traitement thermique, seule la dtection des ES pourra permettre in fine de caractriser
lpisode toxique. Il est donc important de disposer de mthodes de dtection pour ce type de toxines.
-
23
Tableau 2 : Caractristiques majeures des entrotoxines staphylococciques
ES
Longueur phase codante
(paire de bases)
Taille ES
(acid amin)
Masse molculaire
(kDa) pHi Rfrence
A 774 233 27,100 7,3 Betley et Mekalanos, 1985 ; 1988
B 801 239 28,336 8,6 Shafer et Iandolo, 1979. Jones et Khan, 1988
C1 801 239 27,531 8,6 Bohach et Sclievert, 1987.
C2 801 239 27,531 7,8 Bohach et Sclievert, 1989.
C3 801 239 27,563 8,1 Hovde et al., 1990.
C (bovine)
27,618 7,6 Marr et al., 1993.
C (ovine)
27,517 7,6 Marr et al., 1993.
C (caprine)
27,600 7,0 Marr et al., 1993.
D 777 228 26,360 7,4 Chang et Bergdoll, 1979. Bayles et Iandolo, 1989.
E 774 230 26,425 7,0 Couch et al., 1988.
G 777 233 27,043 5,7 Munson et al., 1998.
H 726 218 25,210 5,65 Su et Wong, 1995 ; Ren et al., 1994
I 729 218 24,928 8,37 Munson et al., 1998.
J 806 245* 28,565* 8,65* Zhang et al., 1998.
K 729 219 25,539 6,5 Orwin et al., 2001
L 723** 215* 24,593* 8,66* Fitzgerald et al., 2001
M 722** 217* 24,842* 6,24* Jarraud et al., 2001
N*** 720** 227* 26,067* 6,97* Jarraud et al., 2001
O*** 783** 232* 26,777* 6,55* Jarraud et al., 2001
P 783 232* 26,608 6,19* Kuroda et al., 2001
Q 729 216 25,076 6,60 Diep et al., 2006
R 780 233 27,049 8,76 Omoe et al., 2004
S 257 26,217 Ono et al., 2008
T 216 22,614 Ono et al., 2008
U 783 232 27,192 6,20 Letertre et al., 2003a
U2 771 227 26,672 7,20 Thomas et al., 2006
V 720 217 24,997 6,07 Thomas et al., 2006
* : Masse molculaire et point isolectrique de la partie mature dtermins par les auteurs laide du
logiciel MWCALC
** : longueur de la partie mature dtermine par les auteurs daprs Nielsen et al., 1997
*** : nommes SEK and SEL dans Jarraud et al. 2001, renommes SEN et SEO respectivement dans
un note correctrice publie dans J. Immunol. 2001. 166:4260.
-
24
Tableau 3 : Rsistance de S. aureus et des entrotoxines au traitement thermique
Rsistance de S. aureus au traitement thermique Dure (min)
D * 50,0C (en milieu tampon phosphate 0,1 M) de 9,5 42,2 en fonction des
souches testes
D 55,0C (en milieu tampon phosphate 0,1 M) 3
D 62,8C (en milieu chlorure de sodium) 0,4 1,1
Rsistance des entrotoxines au traitement thermique Dure (min)
D 100C (en milieu lait) 70
D 110C (en milieu lait) 26
D 120C (en milieu lait) 9,4
* D (temps de rduction dcimale dun micro-organisme ou dune toxine exprim en minutes) : dure
ncessaire la temprature T pour dtruire 90% des germes ou des toxines initialement prsents
1.2.2 Dterminisme gntique et rgulation
Les gnes spcifiant les ES ont des supports gntiques divers dont la caractristique commune est
dappartenir un lment gntique mobile (Tableau 4). Ils peuvent tre ports par des plasmides (seb,
sed, sej, ser, ses, set) (Shalita et al., 1977 ; Bayles et Iandolo, 1989 ; Zhang et al., 1998 ; Omoe et al.,
2002 ; Ono et al., 2008), par des phages (tempr pour sea ou dfectif pour see) (Betley et Mekalanos,
1985 ; Coleman et al. 1989 ; Couch et al., 1988), par des lots gnomiques (seb, sec, seg, seh, sei, sek,
sel, sem, sen, seo, sep et seq). Le gne sec peut galement se trouver sur un plasmide ou un lot de
pathognicit selon la provenance de lisolat (Fitzgerald et al., 2001). Jarraud et al. (2001) ont mis en
vidence lexistence dun opron, egc (enterotoxin gene cluster), codant pour plusieurs ES : SEG, SEI,
SEM, SEN et SEO. Cet egc est galement constitu de deux pseudognes ( ent1 and -2). Ce locus
joue probablement un rle de rservoir pour les gnes de ES, des phnomnes de duplication et de
recombinaison partir dun mme gne ancestral peuvent en effet tre lorigine de nouvelles toxines.
Ceci a t dmontr par lidentification et lanalyse des gnes seu, seu2 et sev (Letertre et al., 2003a ;
Thomas et al., 2006). La localisation de ces gnes sur des lments gntiques mobiles peut entraner
un transfert gntique horizontal entre les souches de S. aureus. Par exemple, le gne seb est situ sur
le chromosome chez certaines isolats cliniques (Shafer et Iandolo, 1978) alors quil a t localis sur un
plasmide chez dautres souches de S. aureus (Shalita et al., 1977).
-
25
Tableau 4 : Support gntique des gnes dentrotoxines staphylococciques
Gne Localisation gntique Rfrence
sea Prophage Betley et Mekalanos, 1985 ; Borst et Betley, 1994
seb chromosome
plasmide, transposon
Shafer et Iandolo, 1978
Shalita et al., 1977; Altboum et al., 1985
sec1 plasmide Altboum et al., 1985
secbov Ilot de pathognicit Fitzgerald et al., 2001.
sed Plasmide (pIB485) Bayles et Iandolo, 1989
see Phage dfectif Couch et al., 1988
seg Enterotoxin gene cluster (egc), chromosome Jarraud et al., 2001
seh lment gntique mobile putatif Noto et Archer, 2006
sei egc, chromosome Jarraud et al., 2001
sej Plasmide (pIB485) Zhang et al., 1998
sek Ilot de pathognicit Orwin et al., 2001
sel Ilot de pathognicit Fitzgerald et al., 2001.
sem egc, chromosome Jarraud et al., 2001
sen egc, chromosome Jarraud et al., 2001
seo egc, chromosome Jarraud et al., 2001
sep prophage (Sa3n) Omoe et al., 2005
seq lot de pathognicit Jarraud et al, 2002
ser Plasmide (pIB485) Omoe et al., 2003
ses Plasmide (pIB485) Ono et al, 2008
set Plasmide (pIB485) Ono et al, 2008
seu egc, (fusion entre ent1 et ent2), chromosome Letertre et al, 2003a
seu2 egc, (dltion partielle dans les pseudognes
ent1 et ent2), chromosome
Thomas et al., 2006
sev egc, (recombinaison entre selm et sei),
chromosome
Thomas et al., 2006
Le principal systme rgulateur contrlant lexpression des facteurs de virulence chez S. aureus est le
systme agr (accessory gene regulator; Kornblum et al., 1990). Ce systme agit en combinaison avec
le systme sar (staphylococcal accessory regulator; Cheung et al., 1992 ; Novick, 2001). Lexpression
de certaines ES, mais pas toutes, est contrle par le systme agr. Lexpression des gnes seb, sec et
sed a t dmontre dpendante du systme agr alors que lexpression de sea et sej est indpendante
(Tremaine et al., 1993 ; Zhang et al., 1998). Les travaux de Vojtov et al. (2002) ont dmontr que SEB,
comme TSST-1, est un rgulateur global ngatif de lexpression de gnes dexoprotines et quil agit via
-
26
le systme agr. Lexpression dagr est troitement lie au quorum sensing (Novick, 2001). La production
des ES dpendantes dagr dans les aliments est par consquent dpendante de la capacit de S.
aureus crotre jusqu une densit cellulaire leve (estime 106 ufc/g) dans les aliments et les
facteurs environnementaux, trs mal connus, semblent jouer un rle important dans lexpression des
gnes des ES.
Afin de comprendre ces mcanismes de rgulation, il convenait alors de sintresser aux facteurs
externes (temprature, pH, activit de leau, prsence de flore annexe ) rgissant lexpression des
ARNm et la production de toxines pour les gnes codants pour les ES dpendants ou non du systme
agr. Ainsi, diffrents auteurs se sont penchs sur diffrents facteurs rgulant lexpression des gnes de
croissance de S. aureus (Alomar et al., 2008 ; Charlier et al., 2008 ; Bore et al, 2007 ; Anderson et al.,
2006) mais peu de donnes sont disponibles sur limpact de ces facteurs sur la production
dentrotoxines. A notre connaissance, seuls Delbes et al. (2006) ont travaill sur limpact pour la
production dES de ces diffrents facteurs externes. Il en ressort que pour une technologie fromagre
donne (fromage de type salers pte presse non cuite), le nombre de SCP doit atteindre 105 ufc/g et
le pH doit tre suprieur 6 en dbut de fabrication pour que des entrotoxines staphylococciques
puissent tre dtectes.
1.2.3 Modes daction
Les ES appartiennent une famille de toxines pyrognes prsentes chez les staphylocoques et les
streptocoques. Ces toxines pyrognes comprennent les ES, la toxine du syndrome de choc toxique
(TSST), les exfoliatines A et B et les toxines pyrognes streptococciques. Ces toxines partagent des
similitudes de structure ( lexception des exfoliatines A et B), fonction et squence. Elles ont aussi une
parent phylogntique (Balaban et Rasooly, 2000). Jusqu rcemment, les ES ont t mises en
vidence en tudiant les souches de S. aureus impliques dans des TIAC staphylococciques, et elles
taient classes en types srologiques distincts. Ainsi, lactivit mtique plus ou moins puissante de
SEA E et SEH a t clairement dmontre. Plus rcemment, laccroissement des donnes rsultant
de lanalyse des squences partielles ou compltes a permis lidentification de plusieurs nouveaux
types de ES (SElJ SElV). Ces nouvelles ES ont dabord t identifies sur la base de similarits de
squence et de structure avec les ES existantes. Lorsquelles ont t menes, les expriences ont
dmontr leur activit superantignique in vitro et/ou in vivo mais plus rarement leur activit mtique
(Tableau 5). Bien que les toxines pyrogniques soient impliques dans diverses pathologies, elles
possdent des activits biologiques communes: elles sont pyrognes et provoquent une
immunosuppression et une prolifration non-spcifiques de lymphocytes T. Ces activits dfinissent
-
27
lactivit superantignique. A ct de ces caractristiques communes, certaines toxines sont capables
de causer dautres symptmes. Parmi les superantignes, seules les ES ont une activit mtique. Les
activits superantigniques et mtiques correspondent deux fonctions spares localises sur deux
domaines de la protines (Dinges et al., 2000 ; Hovde et al., 1994). Nanmoins, il existe une forte
corrlation entre ces activits puisque, dans la plupart des cas, des mutations gntiques aboutissant
une perte dactivit superantignique aboutissent aussi la perte dactivit mtique.
Tableau 5 : Activits superantignique et mtique des entrotoxines staphylococciques
Type de toxine Liaison aux chanes et
du CMH II * Pouvoir mtique **
SEA + / + +
SEB + / - +
SEC1 + / - +
SEC2 + / - +
SEC3 + / - +
SED + / + +
SEE + / + +
SEG + / - +
SEH - / + +
SEI Non ralis / + +
SElJ Non ralis / + Non ralis
SEK Non ralis / + Non ralis
SElL Non ralis / + -
SElM Non ralis / + Non ralis
SElN Non ralis Non ralis
SElO Non ralis Non ralis
SElP Non ralis Non ralis
SElQ Non ralis -
SER ? +
SES Non ralis / + +
SET Non ralis / + +
SElU Non ralis Non ralis
SElU2 Non ralis Non ralis
SElV Non ralis Non ralis
* : fixation (+) ou non fixation (-) ; ** : activit mtique dmontre (+) ou non dmontre (-)
-
28
1.2.3.1 Lactivit superantignique
Lactivit superantignique rsulte de linteraction directe des ES avec les cellules T rceptrices
dantigne (TCR pour T-Cell antigen Receptor) et le complexe majeur dhistocompatibilit (CMH) des
cellules prsentatrices dantigne (CPA). Un antigne normal est prsent au TCR sous la forme de
peptides lis au CMH de classe I ou II aprs leur digestion et prsentation par les CPA (Figure 5A). Les
CMH sont des complexes protiques exposs la surface des CPA. Le TCR est un htrodimre
glycosyl compos de chanes variables V et etCette reconnaissance de lantigne est une
tape prliminaire dans la rponse immunitaire cellulaire et est une des cls de la spcificit de la
rponse immunitaire. Seules quelques cellules T peuvent reconnatre un antigne spcifique prsent
par les CMH dune CPA (Mac Cormick et al., 2001). A lexception de SEH (spcifique des chanes V
des TCR), les toxines superantigniques interagissent avec de nombreuses cellules T par
reconnaissance des chanes V spcifiques des TCR. Elles sont capables dassocier les TCR et le
CMH de classe II des CPA, causant ainsi lactivation non spcifique des cellules T (Figure 5B). Il
semble quune interaction entre les ES et le CMH soit dabord requise pour la liaison la chane V des
CPA. Cette liaison entrane lactivation non-spcifique et la prolifration des cellules T ainsi quune
scrtion massive dinterleukines qui semble tre implique dans le mcanisme de la toxicit des ES. A
travers cette interaction, le nombre des cellules T actives est plusieurs milliers de fois suprieur au
nombre des cellules T actives par un antigne dit classique do la dnomination de superantigne.
Cette activation massive cause le syndrome de choc toxique, pouvant tre fatal, du la TSST-1 (Mac
Cormick et al., 2001). De nombreuses tudes gntiques et cristallographiques ont permis de
caractriser les domaines des ES impliqus dans ces interactions. SEB a t particulirement tudie
pour son activit superantignique puissante. Suite aux tudes de stabilit et de capacit de dispersion
par arosol entreprises aux Etats-Unis lors du programme militaire biologique achev en 1969, le
srotype B a t class par le CDC (Center of Disease Control, Atlanta) comme agent incapacitant
utilisable dans un cadre bioterroriste. Les souches productrices de SEB sont de ce fait considres
comme des armes microbiologiques puissantes des fins militaires ou terroristes (Greenfield et al.,
2002). En France, depuis 2001, la dtention, la mise en oeuvre et la cession de cette toxine sont
soumises rglementation et autorisation auprs de lAFSSAPS (Agence Franaise de Scurit
Sanitaire des Produits de Sant).
Outre son implication dans des pathologies graves, lactivit superantignique est largement
(nombreuses ES testes) et finement (aspects mcanistiques et quantitatifs) caractrise car il est
possible de ltudier in vitro, sur des suspensions de lymphocytes T.
-
29
Figure 5 : Activation spcifique et non-spcifique des lymphocytes T daprs Balaban et Rasooly (2000)
A. Activation des lymphocytes T par un antigne conventionnel. Aprs avoir t digr par la
cellule prsentatrice dantigne, le peptide antignique (Ag) est prsent dans le complexe
majeur dhistocompatibilit (CMH) de Classe II. Ce complexe attire les lymphocytes T portant
des rcepteurs lymphocyte T (TCR) ayant une chane variable V spcifique de lAg
prsent.
B. Activation non spcifique de lymphocytes T par le superantigne. Le superantigne se lie
directement lextrieur du CMH de classe II et le relie la chane V (dans la majorit des
cas). Cet vnement initie lactivation non-spcifique des lymphocytes T.
1.2.3.2 Lactivit mtique
Lactivit mtique des ES nest pas aussi bien caractrise que lactivit superantignique. Lactivit
entrotoxine au sens strict repose uniquement sur la capacit des ES provoquer une rponse
mtique lorsquelles sont administres oralement alors que les autres superantignes ne sont pas
mtiques (Dinges et al., 2000). Le mode daction des ES pour causer les TIAC est peu document.
Ceci rend de fait difficile tout dveloppement de mesure protectrice et de mdicaments antitoxines
dautant plus que lapparition des symptmes est gnralement trs rapide. Labsence de modle
animal capable de reproduire les manifestations cliniques de la toxi-infection staphylococcique est
probablement lun des facteurs limitant les avances. Les modles animaux classiques comme la
souris, le rat ou le lapin ne prsentent en effet aucun reflex mtique en rponse lingestion de ES.
Dautres modles animaux, comme le chien, sont quant eux trop sensibles pour que leur utilisation
soit pertinente. Chez le chaton, ladministration intraveineuse de SEB (Bergdoll, 1988) peut induire le
Antigen presenting cell
MHC
ClassII
TCR
Ag
chain chain
T cell
V SA
A B
-
30
reflex mtique mais curieusement, une ingestion intragastrique ne le fait pas (Sugiyama et al., 1966).
Ce modle animal a ainsi t cart compte tenu du peu de spcificit de la rponse mtique
provoque par ladministration dES. Il serait plus appropri dutiliser des singes (rhsus ou
cynopithque) qui prsentent les symptmes mtiques reproduisant ceux de lHomme aprs
administration orale, gastrique, intraveineuse ou pritonale (Sugiyama et al., 1961 ; Sugiyama et
Hayama, 1964). Naturellement, ces tudes sur les primates sont trs restreintes pour des raisons de
cot et dthique. Dautres tudes ont montr quune dose de 30 g de SEH provoquait des effets
mtiques lors dadministration orale chez le singe (Su et Wong, 1995).
Bien que beaucoup de donnes soient disponibles sur les relations structure-fonction en jeu dans
lactivit superantignique, lactivit mtique nest, quant elle, pas prcisment localise. Lune des
caractristiques communes toutes les ES est la prsence dun pont disulfure, suppos important pour
lactivit mtique daprs des tudes de mutagense dirige (Dinges et al., 2000 ; Hovde et al., 1994).
Cependant, SEI na pas de pont disulfure et est cependant doue, la fois, dactivit superantignique
et mtique. Lactivit mtique de SEI tant nanmoins significativement moins forte que celle des
autres ES (Munson et al., 1998), la question du rle du pont disulfure reste en suspens.
De plus, lanalyse des squences de deux autres ES, SElK et SElL, a rvl labsence de pont disulfure
(Orwin et al., 2001 ; Fitzgerald et al., 2001). Lactivit mtique de SElK na pas encore t teste.
SElL, quant elle, ne possde pas dactivit mtique (Orwin et al., 2003).
Certaines tudes suggrent que les ES agissent directement sur lpithlium intestinal et sur le nerf
vague provoquant une stimulation des centres mtiques et du transit intestinal (Arbuthnott et al., 1990 ;
Bergdoll, 1983). Afin dtudier le pouvoir mtique de certaines entrotoxines, plusieurs auteurs (Hu et
al., 1999 ; 2003 ; 2007 ; Wright et al., 2000 ; Ono et al., 2008) se sont penches sur les mcanismes
daction dclenchant les vomissements. Plusieurs modles animaux (singe cynomologus, furet et
musaraigne) ont t utiliss pour raliser les exprimentations par injections intrapritonales et/ou par
ingestion orale dentrotoxine staphylococcique de type SEA. Hu et al. (2007) ont ainsi pu dmontrer
que la SEA induisait la libration de srotonine (5-hydroxytryptamine 5-HT) dans lintestin suite une
injection intrapritonale. La srotonine se fixe alors sur les rcepteurs de type 5-HT3 prsents sur le
nerf vague conduisant une activation des centres mtiques. Lors dexprimentations de dnervation,
ces auteurs ont dmontr que la SEA ninduisait plus de vomissement. Enfin, lutilisation danalogue de
la 5-HT comme les carbanoles de type 1 inhibe la rponse mtique.
-
31
1.3 Autres facteurs de virulence de Staphylococcus aureus
S. aureus est responsable dune grande varit dinfections. Pour coloniser et infecter son hte, S.
aureus a dvelopp, en plus des entrotoxines staphylococciques, de nombreux facteurs de virulence
lui permettant de rsister aux systmes de dfense. Ces facteurs de virulence (protines de surface,
exotoxines et enzymes extra-cellulaires) sont impliqus dans les diffrentes tapes ncessaires
linfection par le staphylocoque (colonisation par adhsion, invasion par chappement aux dfenses de
lhte, infection par pntration et diffusion dans les tissus) dans lobjectif dinhiber chacune de ces
tapes la rponse immunitaire de lhte. Lexpression de ces diffrents facteurs est temporellement
rgule au cours de la croissance bactrienne in vitro et au cours de linfection (Wright et al., 2003).
Cette rgulation est sous la dpendance de nombreux systmes de rgulation dont le rgulateur global
dnomm Agr accessory gene regulator dj mentionn pour les ES. Leffecteur de ce systme est
un ARN nomm ARNIII. Cet ARN rgulateur rprime lexpression des facteurs dadhsion et des
protines associes la paroi en phase exponentielle de croissance et contrle positivement
lexpression des exoprotines en phase post-exponentielle de croissance (exoenzymes et toxines). La
pathognie de S. aureus implique principalement trois classes de facteurs de virulence : les protines
scrtes (superantignes, cytotoxines, enzymes extra-cellulaires), les protines de surface prsentes
page suivante, qui sont des protines fixant le fibrinogne, la fibronectine, le collagne, dautres
adhsines, et les composants de la paroi (capsule, composants du peptidoglycane). Ces facteurs de
virulence sont, soit cods par le chromosome et prsents chez presque toutes les souches, soit cods
par des lments gntiques mobiles comme les transposons, les plasmides ou les phages. Les
principaux facteurs sont prsents figure 6.
Figure 6 : Facteurs de virulence de S. aureus
-
32
Ladhsion est la premire tape de linfection staphylococcique. Cette tape de liaison entre les
composs bactriens de surface et les composs membranaires des cellules htes empche
llimination de S. aureus par les phnomnes mcaniques. Cette tape fait intervenir les protines de
surface appartenant au groupe des MSCRAMM (microbial surface component recognizing adhesine
matrix molecules), des SERAM (secretable expanded repertoire adhesive molecules) et la coagulase.
La survie de S. aureus lors dune linfection est intimement lie sa capacit de leurrer le systme
immunitaire de lhte infect. Ainsi, S. aureus a dvelopp de nombreuses stratgies de dfense grce
la composition de sa paroi (peptidoglycane, protine A), la synthse denzyme extracellulaires
(lipases, protase V8, staphylokinase) et la libration de toxines (leucocidines, toxines activit
superantignique dcrites prcdemment).
Enfin, afin dassurer sa diffusion et sa propagation au sein des tissus de lhte infect, S. aureus sest
dot de nombreux facteurs de virulence. Parmi ceux ci, sont retrouves des enzymes (hyaluronidase,
hyaluronate lyase, phospholipase C), des toxines formant des pores (toxines , et ) et des toxines
dsorganisant les jonctions intercellulaires (exfoliatines ETA, ETB, ETC et ETD).
Il est important de noter que ces facteurs nont pas de rle avr dans le dclenchement des toxi-
infections alimentaires staphylocoques.
2. Toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques coagulase positive
2.1 Dfinition
Une toxi-infection alimentaire collective (TIAC) est dfinie par lincidence de deux cas ou plus, dune
maladie similaire, symptomatologie gastro-intestinale le plus souvent, dont la cause peut tre
rapporte une mme origine alimentaire (Delmas et al., 2006).
Les TIAC staphylocoques sont dues lingestion dentrotoxines staphylococciques, toxines
protiques prformes dans les aliments par des souches entrotoxinognes de staphylocoques
coagulase positive. Lespce incrimine est principalement S. aureus. Laliment ne devient toxique que
si des conditions favorables une multiplication bactrienne importante et la toxinognse se trouvent
runies.
-
33
Ainsi le diagnostic dune TIAC staphylocoques se trouve confirm lorsquau moins un des paramtres
noncs ci-dessous est vrifi :
- dnombrement de S. aureus dans laliment suspect suprieur 105 units formant colonie (ufc)/g,
- dtection des entrotoxines staphylococciques dans la matrice alimentaire
- isolement partir des fcs des malades et de la matrice alimentaire dune souche de S. aureus de
mme lysotype (Bryan et al., 1997).
2.2 Historique
En Belgique en 1894, J. Denys rapporte que la consommation dune viande partiellement cuite de
vache malade a t responsable dune toxi infection alimentaire familiale o un dcs est survenu.
Aux Philippines, Barber (1914) a dcrit un pisode toxique d aux staphylocoques. Il a dcouvert que
lingestion de lait provenant dune vache atteinte de mammite pouvait provoquer lapparition dune
symptomatologie de type gastro-intestinal lorsque celui ci tait laiss temprature ambiante et que
ceci tait d la prsence dune substance toxique produite par des staphylocoques dans le lait.
Baerthlein rapporte en 1922 un pisode toxique survenu au printemps 1918 lors du sige de Verdun.
Bien que cet pisode toxique ait t en premier lieu attribu la prsence de bacilles de lespce
Proteus vulgaris, il semblerait quaprs analyse bactriologique mettant en vidence des microcoques
et description des symptmes, cet pisode soit du des entrotoxines staphylococciques.
Je vais [vous] rapporter le cas d'une manifestation tendue d'empoisonnement de saucisses
(approximativement 2000 cas) qui a eu lieu au printemps de 1918 pendant le sige de Verdun et qui
aurait probablement pu avoir des consquences militaires catastrophiques. Aux premiers jours de juin
1918 des soudaines et massives manifestations ayant l'aspect dune gastro-entrite aigu qui, dans
quelques cas graves, ont fait croire du cholra, ont touch la troupe entourant Verdun; les
compagnies entires taient handicapes except juste quelques personnes, et, dans les deux jours
environ 2000 hommes avaient t attaqus. Les symptmes taient si graves quune partie des troupes
(plus de 200 personnes malades) a d tre transfre dans les hpitaux de campagne. Le soupon de
l'intoxication alimentaire a t voque car, selon les rapports des personnes malades, la maladie est
survenue en 2 ou 3 heures (avec une plus petite partie entre 6 et 8 heures) aprs l'ingestion d'un plat de
saucisses. Seules les personnes parmi les troupes n'ayant pas participes au repas ont t pargnes :
[ savoir] soldats de la compagnie qui ont du retourner aux siges sociaux pour recevoir des
commandes ; soldats qui pour d'autres raisons n'avaient pas mang les saucisses, soldats qui taient
en permission et/ou ayant eu un rgime diffrent. Cependant, il tait surprenant que parmi les troupes
-
34
non prsentes sur le front, cest dire les bouchers, qui avaient mang des mmes saucisses deux
jours plus tt, on n'ait observ aucun cas de maladie .
Plus tard, Dack et al. (1930) ont mis en vidence que lingestion dun gteau avait provoqu une
symptomatologie de type gastro-intestinal chez onze personnes. Ces auteurs ont associ lpisode
toxique avec la prsence dune exotoxine produite par une souche de staphylocoque dor caractre
hmolytique. Afin de confirmer leur hypothse, ils ont produit des surnageants de culture de cette
souche quils ont ensuite administrs par voie intraveineuse un lapin et par voie orale trois
volontaires humains. Le lapin a prsent une diarrhe aqueuse ltale, tandis que les trois volontaires
humains ont prouv, trois heures aprs ingestion, des nauses, des frissons et des vomissements. Il
ressortait donc de ces premires descriptions, une maladie symptomatologie dapparition rapide.
Bien que la priode dincubation et la svrit des symptmes observs dpendent de la concentration
dentrotoxines ingres et de la sensibilit de chaque individu (Harvey et Gilmour, 2000), les premiers
symptmes, nauses suivies de vomissement caractristiques incoercibles, apparaissent dans les 30
minutes huit heures (trois heures en moyenne) aprs ingestion de laliment contamin.
Parmi les autres symptmes frquemment dcrits lors dpisodes toxiques staphylocoques, il est fait
mention de douleurs abdominales, de diarrhes, vertiges et faiblesse gnrale parfois accompagne
dune fivre modre. Lors des cas les plus svres, des maux de tte, une prostration et une
hypotension ont t rapports. Dans la majorit des cas, les symptmes rgressent spontanment sans
avoir recours un traitement spcifique dans les 18 24 heures, les diarrhes et la faiblesse gnrale
ressentie pouvant durer 24 heures de plus (Bergdoll, 1979).
Bien que la symptomatologie associe soit bnigne, une hospitalisation peut savrer ncessaire pour
les cas les plus graves. La dshydratation brutale due aux vomissements et aux diarrhes peut
provoquer un tat de choc. La mortalit reste exceptionnelle, touchant les individus les plus sensibles
la dshydratation (nourrissons et personnes ges) et les personnes atteintes dune pathologie sous-
jacente.
-
35
2.3 Dclaration des pisodes toxiques
En France (Figure 7), les TIAC figurent sur la liste des trente maladies dclaration obligatoire (DO)
auprs des inspecteurs de sant publique vtrinaire (DDSV) ou des inspecteurs de sant publique des
services daffaires sanitaires et sociales (DDASS). Cette dclaration permet ainsi de diligenter une
enqute pidmiologique afin didentifier le (ou les) aliment(s) responsable(s) et de prendre des
mesures correctives (modifications de prparations, rduction de la contamination des matires
premires) afin que lincident ne se reproduise pas.
Les foyers peuvent tre classs en trois catgories :
- confirms : lorsque lagent est isol dans un prlvement clinique (sang/selles) ou dans des
restes alimentaires ;
- suspects : lorsque lagent pathogne na pas t mis en vidence ; il est alors suspect
laide dun algorithme dorientation tiologique prenant en compte les signes cliniques, la dure
mdiane dincubation et le type daliments consomms ;
- dtiologie inconnue lorsque lagent pathogne na t ni confirm ni suspect laide de
lalgorithme.
Au niveau europen, le systme de communication sur les foyers de toxi-infection alimentaire est fond
sur la directive 2003/99/CE relative la surveillance des zoonoses et des agents zoonotiques
(Anonyme, 2003d). La dclaration des TIAC ntant obligatoire que depuis 2005, avant cette priode,
elle ne seffectuait que sur la base du volontariat ou au travers du systme dalerte rapide mise en place
par la Commission Europenne pour avertir les diffrents Etats Membres des contaminants rencontrs
dans les aliments en libre circulation. Le systme de dclaration repose sur une interface informatique
o chaque rapporteur national entre dans une base de donnes les informations relatives aux pisodes
toxiques. Les donnes recueillies sont ensuite conserves par lAutorit europenne de scurit des
aliments (AESA) puis analyses par le centre de collaborations sur les zoonoses qui prpare un compte
rendu analytique. Ce compte rendu est ensuite valid par les Etats Membres puis publi sous forme de
rapport annuel par lAESA (Figure 8).
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36
Figure 7 : Systme de dclaration des toxi-infections alimentaires collectives au niveau franais
* : ou chef de famille
Figure 8 : Systme de dclaration des toxi-infections alimentaires collectives au niveau europen
Rapport annuel
Ministre de lAgriculture
Laboratoires Mdecins Patients
Dclaration
Responsables des tablissements *
Ministre de la Sant Investigation
Services vtrinaires Surveillance et prlvement
LNR Institut national de Veille
Sanitaire (InVS)
Envoi des chantillons et des souches de SCP
associes
Dclaration obligatoire
Enqute pidmiologique
Dclaration + Investigations sur les denres
alimentaires
Enqute pidmiologique
Analyses denres alimentaires
Etats membres de lUnion Europenne
Surveillance animale et des denres alimentaires
Toxi-infections alimentaires Dclaration des zoonoses
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37
2.4 Incidence
Bien que les TIAC soient des maladies dclaration obligatoire, lincidence relle des TIAC
staphylocoques reste difficile valuer avec prcision. En effet, la maladie tant dapparition rapide
avec rtablissement en un deux jours, la consultation mdicale (et a fortiori la dclaration) ne
simpose pas dans la majorit des cas. Ainsi, il est supposer quun grand nombre de foyers familiaux
ne sont pas dclars aux autorits sanitaires. Cependant, de nombreux auteurs considrent que les
TIAC staphylocoques sont une des causes majeures de maladies dorigine alimentaire au niveau
mondial (Balaban et Rasooly, 2000 ; Bergdoll, 1979; Jablonski et Bohach, 2001 ; Mead et al., 1999;
Minor et Marth, 1971 ; Mossel et al., 1995 ; Omoe et al., 2002 ; Shimizu et al., 2000).
2.4.1 En France
LInstitut de Veille Sanitaire (InVS) recense tous les ans le nombre de foyers de TIAC dclars. Sur la
priode 1996-2006 (Figure 9), 6755 foyers de TIAC ont t dclars dont 1281 (19,0 %) pour lesquels
S. aureus aurait jou un rle (Delmas et al., 2006 ; Jourdan Da Silva et Vaillant, 2008). Ainsi les
staphylocoques reprsentaient, sur cette priode, la deuxime cause de TIAC en France derrire les
salmonelles. Ces donnes montrent galement que les staphylocoques reprsentent la premire cause
de TIAC impliquant le lait et les produits laitiers : en effet, S. aureus a t responsable de 205 (69,7 %)
des 294 foyers impliquant cette catgorie daliments. Sur les 1271 foyers rapports, S. aureus a t
lagent confirm dans 411 foyers correspondant 6051 cas, 1245 hospitalisations et 3 dcs et il a t
suspect dans 870 foyers correspondant 9807 cas et 898 hospitalisations et 1 dcs.
De mme sur la priode 1996-2007, 7850 foyers de TIAC ont t dclars dont 1458 (18,6 %) pour
lesquels S. aureus aurait jou un rle. Ainsi, comme sur la priode 1996-2006, S. aureus reprsente la
deuxime cause de TIAC en France derrire les salmonelles.
Pour lanne 2006, lInVS a rapport que S. aureus aurait jou un rle dans 18,8 % des foyers. Ce
pathogne a t confirm dans 45 foyers ( 301 cas, 63 hospitalisations, 1 dcs) et suspect dans 126
foyers (881 cas, 86 hospitalisations, 1 dcs). Ainsi, S. aureus occupait le premier rang des agents
bactriens responsables de TIAC pour son implication en nombre de foyers. Pour lanne 2007, lInVS a
rapport que S. aureus aurait jou un rle dans 16,2 % des foyers. Ce pathogne a t confirm dans
40 foyers (396 cas, 80 hospitalisations, 2 dcs) et suspect dans 137 foyers (1408 cas, 86
hospitalisations). Ainsi, comme en 2006, S. aureus occupe le premier rang des agents bactriens
responsables de TIAC pour son implication en nombre de foyers. Sur les 177 foyers dclars en 2007,
65 % des TIAC staphylococciques sont survenues en restauration collective et 30,5 % sont survenues
-
38
en foyers familiaux. Les TIAC survenues en restauration collective ont t lorigine de 63,3 % des
malades. Cette diffrence de pourcentages montre une prdominance de la restauration collective dans
le nombre de foyers et par voie de consquence dans le nombre de personnes malades. Cette ingalit
peut en partie sexpliquer par une trs bonne dclaration des cas survenus en restauration collective.
Ceci est dautant plus vrai quavec un temps dincubation trs court, les personnes sont souvent encore
ensemble lors de lapparition des premiers symptmes. Au contraire, le nombre de foyers familiaux doit
tre sous estim : en effet, avec une symptomatologie trs impressionnante mais avec une rcupration
rapide dans la majorit des cas, le recours la consultation dun mdecin ou une hospitalisation est
faible.
Figure 9 : Nombres de foyers de toxi-infections alimentaires collectives S. aureus, priode 1996-2007, France daprs Jourdan Da Silva et Vaillant (2008)
2.4.2 En Europe
Les donnes prsentes ci-dessous sont extraites des rapports de lAutorit europenne de scurit
des aliments (AESA) (Anonyme, 2006c ; 2007b) et regroupent les cas de TIAC dclares par les
diffrents Etats Membres en 2005 (premire anne o la dclaration de ces pisodes tait obligatoire et
harmonise) et en 2006. Les donnes pour lanne 2007 prsentes ci-dessous nont pas t valides.
Elles proviennent dune communication faite par P.A. Beloiel (AESA) lors de la runion annuelle des
Laboratoires Nationaux de Rfrence qui sest tenue en juin 2008 Maisons-Alfort.
En 2005, 23 Etats Membres ont rapport 5311 foyers touchant 47251 personnes. Ces foyers ont
provoqu 5330 hospitalisations et 24 dcs ont t recenss. Il est noter que le nombre de foyers
dclars a diminu de 22 % par rapport 2004. Comme en 2004, lagent pathogne le plus souvent
-
39
incrimin en 2005 a t Salmonella spp. avec 63,6 % des foyers. Le second pathogne le plus souvent
incrimin a t Campylobacter avec 9,2 % des foyers. Viennent ensuite les virus (6 %) puis les
entrotoxines de staphylocoques (3,1 % des foyers).
Les 164 foyers dus des entrotoxines staphylococciques ont t responsables de 1692 cas dont 21,5
% ont ncessit une hospitalisation. Les aliments responsables ont t le plus souvent des produits
carns mais limplication dautres catgories alimentaires telles que les fruits, les lgumes, les produits
laitiers, les produits de la mer et les ovoproduits a t galement rapporte.
En 2006, 22 Etats Membres ont rapport 5710 foyers touchant 53568 personnes. Ces foyers ont
provoqu 5525 hospitalisations et 50 dcs ont t recenss. Le nombre total dpisodes toxiques a
donc augment de prs de 7 % par rapport lanne 2005. Comme en 2005, lagent pathogne le plus
souvent incrimin en 2006 a t Salmonella spp. avec 59,3 % des foyers. Les seconds pathognes les
plus souvent incrimins ont t les virus avec 10,2 % des foyers. Viennent ensuite les Campylobacter
spp. (6,9 %) puis les entrotoxines de staphylocoques (4,1 % des foyers). Les 243 foyers dus des
entrotoxines staphylococciques ont t responsables de 2369 cas dont 16,0 % ont ncessit une
hospitalisation et de deux dcs. Dans 125 foyers sur les 243 rapports (51,4 %) les aliments
responsables nont pas t identifis. Les produits laitiers, produits carns et volailles ont t
responsables de 26 (10,7 %), 19 (7,8 %) et 16 foyers (6,6 %) respectivement.
Pour lanne 2007, seuls 10 Etats Membres (correspondant huit sries de donnes exploitables) ont
notifi des informations relatives la contamination des denres alimentaires par S. aureus et ses
entrotoxines dans un cadre de contrles officiels au regard des rglements 2073/2005/CE (Anonyme,
2005a) et 1441/2007/CE (Anonyme, 2007c). Sur les 1528 chantillons analyss, 24 (soit 1,6 %) se sont
rvls positifs en entrotoxines staphylococciques. Dans 19 cas il sagissait de fromages, dans 3 cas
de produits laitiers, dans un cas dun lait et dans le dernier cas dun plat cuisin. Ce dernier cas, bien
document, correspondait un pisode toxique ayant touch 15 personnes (adultes et enfants) et
impliquant des hamburgers.
2.4.3 Aux Etats Unis
Aux Etats Unis, certains auteurs (Mead et al., 1999) estiment que les pisodes toxiques dus S. aureus
seraient responsables denviron 185000 cas correspondant 1750 hospitalisations et deux dcs par
an. Cependant, sur la priode 1993-1997, le Center for Disease Control (Anonyme, 2000) a rapport
que S. aureus navait t impliqu que dans 42 foyers de TIAC correspondant 1413 cas mais avait
caus deux dcs. Enfin, sur la priode 1998-2002, 6647 foyers de maladies dorigine alimentaire ont
t notifis (Anonyme, 2006d). Ces pisodes ont t responsables de 128370 cas. Pour 33 % des
-
40
foyers dont ltiologie a pu tre dtermine 55% taient dus des bactries. S. aureus tait
responsable de 1,5 % de ces foyers dorigine bactrienne confirme, avait atteint 2766 cas et caus
deux dcs.
2.4.4 Au Japon
Entre 1980 et 1999, un total de 2525 pisodes toxiques staphylocoques induisant 59964 cas ont t
rapports au Japon (Shimizu et al., 2000).
Au dbut des annes 1980, le nombre de cas annuels taient compris entre 3000 et 5000 par an pour
ensuite chuter moins de 1000 cas au dbut des annes 1990 (Anonyme, 2001).
Entre 1987 et 1996, 32 foyers correspondant 2846 cas ont t dclars impliquant essentiellement
des repas pris dans des coles (Michino et Otsuki, 2000).
Enfin, un pisode toxique de grande ampleur a t rapport durant lt 2000 dans la province dOsaka
au Japon. Ce dernier, incriminant des laits crms liquides et en poudre a t responsable de plus de
13000 cas (Asao et al., 2003 ; Ikeda et al., 2005).
Au matin du 27 juin 2000, lentreprise ayant commercialis les produits suspects reut son premier
rapport dincident par lintermdiaire dun consommateur dont les enfants avaient t malades aprs
avoir bu du lait crm lors du dner de la veille. Paralllement les services de la mairie dOsaka
reurent en provenance des centres hospitaliers des rapports mentionnant un pisode toxique pouvant
tre reli la consommation de lait. Forts de leur prcdente exprience de 1996 relative un pisode
toxique caus par E. coli O-157, ils procdrent linspection de lusine dOsaka ds laprs midi du 28
juin. Lentreprise suspecte dcida de ne pas procder immdiatement un rappel de lot. Ainsi ce sont
plus de 13000 cas qui furent dclars aprs consommation de briques de lait crm de 1 L et 500 mL
ou de lait en poudre. Toutes les tranches dge de la population furent touches (personnes ges de
10 mois 94 ans).
Lenqute pidmiologique a permis de faire ressortir les caractristiques de cet pisode toxique :
- Le produit incrimin tait du lait en poudre ajout du lait liquide,
- aucun staphylocoque na t isol des produits incrimins,
- des entrotoxines staphylococciques de type SEA (Asao et al., 2003) ont t dtectes des
teneurs comprises entre 2,8 18,8 ng/g dans les briques de lait crm et de 4 ng /g dans la
poudre de lait crm,
- Ikeda et al (2005) ont plus tard mis en vidence la prsence dentrotoxines de type SEH des
teneurs comparables la toxine de type SEA
-
41
- une des valves de tank de lait navait pas t suffisamment nettoye engendrant ainsi une
contamination importante en staphylocoques
- une coupure lectrique a eu lieu au cours du procd de transformation du lait liquide en lait en
poudre. Ainsi les staphylocoques se sont dvelopps et ont excrt des entrotoxines
staphylococciques. Lors de la remise du courant, la monte en temprature a dtruit les
staphylocoques mais na pu inactiver les entrotoxines formes.
En plus de limpact sur la sant publique, les consquences conomiques de cet pisode ont t
importantes :
- Lusine incrimine a ferm pendant 15 jours,
- une baisse des ventes de lait de plus de 76 % a t observe le mois suivant,
- les pertes ont t estimes 6 M auxquelles se sont ajoutes lindemnisation des victimes
(soit 110 /j, remboursement frais mdicaux, perte de revenu).
- enfin, cinq centrales de production ont t fermes ce qui a conduit au licenciement de 1700
personnes sur les 7000 que comptait la socit.
2.5 Conditions requises pour dclencher une TIAC staphylocoques
Cinq conditions sont requises pour que survienne une TIAC staphylocoques :
- une source de staphylocoques producteurs dentrotoxines,
- un moyen de transmission laliment (matire premire contamine, outil de dcoupe mal
nettoy),
- un aliment favorable,
- des conditions environnementales appropries pendant le temps ncessaire une
multiplication bactrienne importante et la toxinognse,
- une ingestion de toxines en quantit suffisante pour dclencher la maladie.
2.5.1 Source de staphylocoques producteurs dentrotoxines
La frquence de production d'entrotoxines dites classiques A E par les souches de S. aureus est trs
variable en fonction des tudes publies, de l'origine, alimentaire ou non, des souches testes, et de
leur origine gographique. Il apparat que cette frquence varie en ralit en fonction du biotype des
souches lorsque celui-ci est recherch. D'aprs diffrentes enqutes, le pourcentage de souches
productrices des entrotoxines A E varie de 30 60 % pour les souches d'origine humaine, de 60
-
42
80 % pour les souches d'origine ovine ou caprine et de 0 15 % pour les souches d'origine bovine et
aviaires (Bergdoll, 1991 ; Genigeorgis, 1989 ; Rosec et al., 1997).
Une tude effectue en France (Rosec et al., 1997) sur diverses catgories d'aliments a montr que
30,5 % des 213 souches testes produisaient une des 5 entrotoxines recherches (A E) avec des
variations importantes en fonction de l'aliment dorigine des souches : 12,5 % pour les souches isoles
de fromages au lait cru de vache, 31,5 % pour les souches isoles de plats cuisins, 62,5 % pour les
souches isoles de fromage au lait cru de chvre et de brebis et 64 % pour les souches isoles de
ptisseries. Dans cette tude, prs de 60 % des souches isoles d'aliments et appartenant au biotype
humain (donc susceptibles d'avoir une origine humaine) taient entrotoxinognes. On retrouve bien un
pourcentage de souches productrices dentrotoxines variable en fonction du biotype dominant associ
chacune de ces catgories daliment, savoir le biotype humain dans les produits cuits manipuls
(plats cuisins et ptisseries) et les biotypes bovin ou ovin dans les fromages au lait cru de vache ou de
brebis (De Buyser et Sutra, 2005).
De 70 95 % des souches de S. aureus isoles d'aliments responsables de TIAC sont
entrotoxinognes. La prdominance de lentrotoxine A est observe dans de nombreux pays.
Lentrotoxine E nest pratiquement jamais dtecte (Mac Lauchlin et al., 2000 ; Shimizu et al., 2000).
L'absence de production d'entrotoxines par une minorit de souches suspectes dtre lorigine de
TIAC pourrait tre due au fait que ces souches produisent des quantits d'entrotoxines trop faibles
pour tre dtectables dans les conditions d'essai utilises, ou quelles produisent des entrotoxines non
reconnues par les anticorps utiliss comme outils de dtection dans les mthodes danalyse par
immunochimie.
Quen est-il des nouvelles entrotoxines, dcrites postrieurement aux entrotoxines classiques
SEA SEE et non dtectables par les mthodes commerciales actuellement disponibles ?