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Collection Architectures traditionnelles Parenthèses - Orstom -Pub PORTO-NOVü VILLE D'AFRIQUE NOIRE Alain Sinou 1 Bachir Oloudé

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Collection Architectures traditionnelles Parenthèses -Orstom-Pub

PORTO-NOVüVILLE D'AFRIQUE NOIRE

Alain Sinou 1 Bachir Oloudé

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Collection Architectures traditionnelles

L'architecture traditionnelle - pour conserverl'appellation la plus directement signifiante - restel'enseigne ethnique la plus démonstrative, maisaussi, souvent, la plus menacée.

La Collection Architectures traditionnelles sepropose de dresser, dans une grande diversité desituations géographiques, un état de ('architecture,tout en relevant les strates du passé et en projetantdes évolutions en cours. Elie questionne cettemanifestation la plus complète sans doute descultures humaines, qu'est l'habitation, par unfaisceau de disciplines, celles de géographes,architectes, anthropologues, archéologues,linguistes, photographes...

Toujours fondés sur une investigation directe deterrain, les documents produits seront exploitablespar les régions ou les pays concernés commerecensement de leurs patrimoines architecturaux.

La collection se présente aussi, tout simplement,comme un guide, non sélectif, pour aborder par unedémarche «paysagiste» les différentes sociétés.

Série monographies:Inventaire exhaustif des formes architecturales etdes espaces aménagés qu'elles ont suscités, parunités géographiques et/ou ethniques.

Série études:Analyse thématique de formes architecturales, desespaces aménagés pour l'habitat et/ou des pratiquesqui lui sont liées.

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Collection Architectures traditionnellesdirigée par Christian Seignobos

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Publié avec le concours du PUB(Projet de plans d'Urbanismede la République du Bénin)

PORTO-NOVaVILLE D'AFRIQUE NOIRE

Alain SinouBachir Oloudé

Parenthèses/Orstom

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Copyright © 1988ORSTOM/P.U.B.Copyright © 1988pour la conception, le texte,les dessins et les photographies,Editions Parenthèses,72, cours Julien,13006 Marseille - France

ISSN 0291-4291ISBN 2-86364-051-8

Remerciements :

Nous remercions tous ceuxgrâce à qui cet ouvrage a puêtre réalisé, les autoritésbéninoises, les habitants dePorto-Novo et plusparticulièrement:MM. le Préfet de laProvince de l'Ouémé,le Directeur des Archivesnationales du Bénin,le Directeur de laBibliothèque nationale duBénin,le Directeur des Musées,MoilUments et Sites,le Conservateur du Muséede Porto-Novo,J.P. Agondanou, ancienMaire de Porto-Novo,A. Migan, ancien Préfet dela province de l'Ouémé,C. Da Cruz, Ethnologue,S. Biokou, ancien Maire dePorto-Novo,M. Dissou, Professeur deGéographie à l'Universiténationale du Bénin,Messieurs M. Houssou,D. Zannou Yansunnu,J. Atchouke, .descendants duRoi Toffa,les occupants des maisonsétudiées, informateurs ettémoins de l'histoire de laville.

Photographies :

Couverture : Carla deBenedetti.Bernard Feugère : pp. 31,44 (h), 129 (b), 132, 152 (b).Vincent Richman : pp. 57,117, 123, 169 (h).Les photographies deJ. Bertho et G. Labitte sontextraites de Mémoire IFAN(Dakar), n° 25, 1953.Sauf mention contraire,toutes les autresphotographies sont desauteurs.

Les auteurs :

Responsabilité scientifique:Alain Sinou, Bachir Oloudé.Texte: Alain Sinou.La troisième partie a étérédigée avec Bachir Oloudé.Dessins: Luc Gnacadja.Plans: Bernardin Agbo, LucGnacadja, Bachir Oloudé.Photos: Luc Gnacadja,Bachir Oloudé, Alain Sinou.Enquêtes historiques :Maryse Brathier, AubinHounsinou.Apports anthropologiques:Marie Josée Pineau Jamous.

Alain Sinou est architecte etsociologue. Après avoirtravaillé sur l'habitat dansles villes d'Afrique noire etsur l'urbanisme colonial, il aentrepris cette étude dans lecadre de l'ORSTOM où ilest chargé de recherche.Bachir Oloudé est urbaniste,diplômé de l'écoled'architecture et d'urbanismede Lomé au Togo ; iltravaille dans le cadre duSERHAU à Cotonou.

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Table

11 Avant-propos13 Introduction

Première partie :La cité royale,les fondements d'une société

21 Chapitre 1Peuples et royaumes

25 Chapitre 2L'histoire mythique

33 Chapitre 3Société et royaume

39 Chapitre 4L'organisation spatiale de la cité

Deuxième partie :De Hogbonou à Porto-Novo,une société en mouvement

65 Chapitre 1Le temps de la traite

75 Chapitre 2Des Brésiliens aux Européens

91 Chapitre 3L'Etat colonial

97 Chapitre 4Le développement de la ville

115 Chapitre 5Les modèles importés

133 Chapitre 6Modèles et tensions

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Troisième partie :Une ville confrontée au présent

137 Chapitre 1La deuxième cité du pays

145 Chapitre 2L'urbanisation

159 Chapitre 3Une ville africaine et son patrimoine

173 Bibliographie

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Porto-NovaVille d'Afrique noire

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Avant-propos

Cet ouvrage constitue la phase finale d'une étudemenée conjointement par l'Institut Français deRecherche Scientifique pour le Développement enCoopération, ORSTOM, et le Projet de plans d'ur­banisme de la République populaire du Bénin, PUB,sur la ville de Porto-Novo.

L'histoire de cette cité, l'importance du patrimoinearchitectural ainsi que la dégradation rapide du centreurbain ont amené le PUB à projeter une étude quicomplète les analyses classiques d'urbanisme et metteen valeur l'évolution et la structuration sociale et spatialede la ville. Ce souci s'inscrit dans le cadre d'une actionplus large des autorités béninoises, concernant le patri­moine national, qui s'est déjà traduite par la mise enplace d'une législation spécifique, par la restaurationde monuments historiques et par la création de muséesdynamiques.

L'étude a pu s'engager à la suite d'un accord avecle département de recherche de l'ORSTOM sur l'ur­banisation, qui depuis plusieurs années analyse le déve­loppement des villes du Tiers-Monde. Certaines équipesexaminent plus particulièrement les politiques d'amé­nagement de l'espace et les problèmes qu'elles soulèventdans les villes anciennes. Les réflexions et le travailmenés par les deux partenaires ont abouti à la réalisationd'un atlas historique, qui identifie les formes urbaineset architecturales dans la ville, et au présent ouvrage.

Le patrimoine culturel et plus spécifiquement urbainn'est pas un domaine disposant d'un mode uniqued'analyse. Il est étudié par des historiens, des architectes,des sociologues, qui utilisent leur savoir propre pourenvisager un vaste champ dont les contours évoluentavec le temps. En outre, ces concepts inventés en

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Europe méritent d'être relativisés dans d'autres sociétés.Les figures constitutives du patrimoine n'y relèvent pasdes mêmes logiques de production et n'appellent pasnécessairement les mêmes outils d'analyse et de miseen valeur. Par exemple, une procédure souvent associéeau patrimoine, la conservation, ne saurait avoir la mêmeplace dans un cadre où les notions de modèle oud'œuvre artistique n'ont pas un sens égal, et où lesmoyens disponibles pour intervenir sont sans compa­raison avec ceux des pays « développés ».

En premier lieu, ce travail synthétise et ordonne desinformations jusqu'alors dispersées, afin de brosser untableau cohérent de l'évolution d'une cité. De plus, ilanalyse son patrimoine spatial sous ses différentsaspects: celui-ci se manifeste en ville par des signesimmédiatement visibles, comme l'architecture, et pardes formes plus discrètes ou plus abstraites, comme leslieux sacrés ou les modes d'organisation de l'espace àl'échelle d'une maison ou d'un quartier. La compositioninterdisciplinaire de l'équipe de recherche (architectes,urbanistes, sociologue, anthropologue, historiens)témoigne de la prise en compte de ces différentesdimensions et de la nécessité de développer une lecturescientifique et non plus seulement esthétique de cedomaine.

Cette approche se voulant diversifiée et synthétique,elle ne peut en conséquence prétendre se substitueraux travaux des différentes disciplines scientifiques. Enrevanche, elle apporte un savoir spécifique sur la villequi peut être précieux pour d'autres chercheurs: l'es­pace urbain, au-delà de sa dimension « inventaire dupatrimoine» est un outil de la recherche en scienceshumaines ; il permet de lire les rapports sociaux quil'ont modelé et de comprendre comment des formeset des paysages sont nés des usages des citadins.

L'Histoire est aussi un des fils directeurs du travail.A partir de documents d'archives, d'études existanteset d'enquêtes sur le terrain, ont été retrouvées lesconditions de production de formes urbaines et depratiques spatiales actuelles et leurs spécificités. Deplus, l'histoire de la ville a été replacée dans sonenvironnement socio-culturel, lequel dépasse largementles frontières actuelles du pays et met en jeu despopulations issues de plusieurs continents. Les différentsacteurs qui ont fait l'histoire du Golfe de Guinée ontlaissé leurs traces dans cette ville, et la société porto­novienne en est elle-même partiellement l'héritière.

Si ce livre vise à pérenniser le témoignage uniqueque constitue cette ville en Afrique noire, il veut aussifournir à tous ceux qui s'intéressent à son devenir unensemble d'informations suffisant pour la comprendre.

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AFRIQUE/BÉNIN - 115 800 KM2

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Introduction

Le nom de Porto-Novo désigne la capitale duBénin, pays d'Afrique noire situé entre le Togoet le Nigéria. Il lui a été attribué au XVIIIe sièclepar des négriers portugais qui longeaient cettecôte à la recherche d'esclaves. Cette appellationoccidentale succède aux noms donnés par lespopulations locales d'ethnies adja et yoruba, res­pectivement Hogbonou et Adjacé.

Cette ville est située à trente kilomètres deCotonou, la ville portuaire du Bénin, et à centvingt de Lagos, la capitale du Nigéria forte deplusieurs millions d'habitants. Elle compte en 1985environ 170 000 habitants. Malgré son statut admi­nistratif, elle est éclipsée économiquement etdémographiquement par Cotonou. Après avoir étépendant longtemps un lien entre l'intérieur ducontinent et « l'outre-mer », elle est réduiteaujourd'hui à un centre de transit frontalier.

Si actuellement Porto-Novo ne se singulariseguère, ni par sa taille ni par ses activités, d'autresvilles du Bénin ou d'Afrique noire, elle possède,en revanche, une histoire qui l'en distingue radi­calement. Fondée sans doute vers la fin duXVIIe siècle, elle s'est développée au XVIIIe siècle;c'est en Afrique noire une ville ancienne, lamajorité des villes actuelles ayant été créées après

Porto-Nova,une ville du Bénin

Le Bénin.

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Porto-Novo vue depuis larive sud de la lagune.

La ville s'est développée le longde cette lagune qui communiqueavec la mer 11 Lagos et Cotonou.

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1860. A l'époque de la traite des esclaves, elleest la capitale d'un petit royaume qui subsisterajusqu'au début du xx· siècle. A l'échelle du pays,elle est en terme d'ancienneté comparable auxcités de Ouidah et Abomey.

Ces villes sont en Afrique noire moins célèbresque les grandes cités sahéliennes (Tombouctou,Djénné... ), fondées plusieurs siècles auparavant,mais elles ne disparaissent pas avec la venue desEuropéens. Porto-Novo profite des nouvelles acti­vités qu'ils développent (traite des esclaves puisproduction de l'huile de palme) et devient pendantenviron un siècle le principal centre économiquede la région. De plus, la cité acquiert de nouvellesfonctions politiques. A la fin du XIX· siècle laFrance établit un accord avec le souverain localpour en faire une de ses bases avant d'y installerle chef-lieu de la colonie du Dahomey. Enfin,malgré la concurrence de Cotonou, particulière­ment forte depuis l'indépendance du pays en 1960,elle demeure une cité bien vivante.

Porto-Novo n'est pas simplement une villeancienne fondée par des Africains, par oppositionaux villes récentes d'origine coloniale. La cité aété de tout temps ouverte sur le monde extérieuret y puise sa force. De nombreux étrangers s'yfixent pour toujours; d'abord les paysans desenvirons et les commerçants yoruba; au cours duXIX· siècle les Afro-Brésiliens, c'est-à-dire lesanciens esclaves envoyés au Brésil ou leurs des­cendants qui, une fois libérés, revinrent enAfrique ; à la même époque, des négociants euro-

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péens, portugais, français, allemands, anglais, puisles colons français.

Contrairement à de nombreuses villes d'Afriquenoire qui furent à l'origine des comptoirs, Porto­Novo n'est pas située sur la côte; elle en estdistante d'une dizaine de kilomètres. La ville bordeune lagune qui communique avec l'océan à Lagoset Cotonou. Cet éloignement explique en partiele développement de ces deux cités. Aujourd'hui,de plus en plus à l'écart des grands axes commer­ciaux, elle n'en continue pas moins à croître.

L'agglomération s'étale au nord de la rive lagu­naire qui s'élève doucement vers un plateau.L'extension de la ville, limitée à l'est et à l'ouestpar des dépressions marécageuses, s'étend endirection du nord, en fonction des axes routierset ferroviaires. Plusieurs routes rejoignent Coto­nou, la frontière du Nigéria et les petites villesde Pobé et Sakété. Les anciens villages de lapalmeraie voisine sont progressivement intégrésdans la banlieue et les vieux quartiers centrauxont une population de plus en plus dense.

La ville reste habitée majoritairement par desgroupes appartenant à la culture adja : les Goun(ressortissants de l'ancien royaume de Hogbonou),les Ouémé, les Torri, les Sétto et les Tofti compo­sent environ les deux tiers de la population. Dansle passé, comme de nos jours, Porto Novo a attiréde nombreux représentants de la civilisationyoruba qui constituent près d'un tiers de la popu­lation. Les autres habitants de Porto-Novo sontFon et Mina, ou d'origine afro-brésilienne.

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Photographie aenenne dePorto-Nova, 1959.

La lagune limite la ville au sud.On distingue au centre les vieuxquartiers de la cité. La ville s'estensuite considérablement étendueau nord.(clichés IGN).

La cité, dont l'histoire témoigne des principauxévénements qu'a vécus cette partie de l'Afrique,n'est pas le symbole d'une société ou d'uneépoque; elle renvoie tantôt à la culture adja,tantôt à la culture yoruba; tantôt à l'économiede traite, tantôt à la domination coloniale. EnfinPorto-Novo est depuis le milieu du xxe siècleconfrontée aux problèmes d'urbanisation suscitéspar l'accroissement rapide de la population.

Cette diversité et cette originalité ne sont passeulement inscrites dans la mémoire des habitants.Contrairement à d'autres cités, où ont disparu lestraces du passé, Porto-Novo possède une orga­nisation spatiale et des tissus urbains témoignantde son histoire: les quartiers fondés par les rois,les princes et les prêtres, ceux créés par desétrangers ou des commerçants ou encore ceuxdessinés par l'administration coloniale. En outre,les lieux de culte (mosquées, églises, templesanimistes), le palais, les maisons de commerce,les habitations enfin, apportent des informationsplus fines sur une société qui traverse une histoiredense et mouvementée. Toutefois, comme dansbien d'autres cités, ce patrimoine est en voie dedisparition.

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Première partie :

La cité royale :les fondements d'une société

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Chapitre 1

Peuples et royaumes

ILÉ-IFÉ

XVII-XVIII! SJËClE. SAV] ABOMEY HOG90N'OU IBt\D..\N ITAKETE. roBE SAvEPORl"O·NOVO-

La région environnant Porto-Novo est à la lisièrede deux grandes aires culturelles, l'aire adja, àl'ouest, qui recouvre les parties méridionales duBénin et du Togo, et l'aire yoruba, à l'est, quioccupe le sud-ouest du Nigéria.

Ces deux entités culturelles sont clairement dif­férenciées linguistiquement. Néanmoins, elle3 pos­sèdent un certain nombre de traits communs, tantaux niveaux religieux et social que dans les pra­tiques quotidiennes de leurs peuples. Ce sont lesévénements politiques et économiques qui ontprogressivement induit des différenciations. Lacôte du golfe du Bénin a depuis très longtempsété en contact avec d'autres mondes culturels;ses sociétés ne sont pas fermées sur elles-mêmesmais sans cesse soumises à des pressions interneset externes comme en témoignent les nombreuxcourants de migration dans la région.

Contrairement à la situation actuelle liée audéveloppement d'une économie maritime, les côtesfurent pendant longtemps faiblement peuplées;seules y subsistaient de petites communautés depêcheurs et d'agriculteurs. Les premières tracesde sociétés fortement structurées sont les royaumesyoruba situés à l'intérieur du continent, et plusparticulièrement celui d'Ilé-Ifé, du nom de la villeoù siège le roi, fondée entre le VIle et le XC siècle J.

Selon la tradition orale yoruba, cette ville seraitle lieu d'origine de tout ce peuple, et même dugenre humain; c'est du moins le lieu du mythe

1. Ojo, Cl.A, Yoruba cullure,University of Hé/University of

London Press, 1981.

Les migrations depeuplement dans les airesculturelles adja et yoruba.

Porto·Novo est un point derencontre de ces deuxcivilisations qui se sont diffuséesselon les mythes fondateurs àpartir des villes de Tado el delIé·Hé. Certains groupes adj a sesont déplacés vers le sud et ontfondé le royaume d'AUada puiscelui d'Abomey; les Yoruba,plus nombreux, se sontregroupés dans le royaumed'Oyo qui a dominé la régiondepuis plusieurs siècles.

ALLADA

TADO

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La « Côte des esclaves»vers 1790.

Porto-Novo alors appelée parcertains Européens Ardra (aucentre de la carte), nom attribuéaussi à la ville d'Allada (plus àl'ouest), est en train de devenirle principal comptoir d'esclavesle long de cette côte malgrél'opposition du royaumed'Abomey (Dahomé sur lacarte).

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BAYE DE BENIN

22

2. Poitou, D., ~ Une villetraditionnelle yoruba, lié-Hé ",

L'Afrique et l'Asie modernes(Paris), nO 1137, 1983.

3. Gayibor, N.L., L'aireculturelle Ajatado des origines à

la fin du xvm', thèse dedoctorat d'Etat, Paris l, 1985.

4. Ibid., p. 150.5. Pazzi, R., ~ Introduction à

l'histoire de l'aire culturelleAjatado ", Etudes et documents

des sciences humaines (Lomé),série nO l, Université du Bénin,

mars 1979.6. Gayibor, N.L., op. cit.

fondateur et la terre de l'ancêtre commun à tousles Yoruba, Oduduwa. Ilé-Ifé signifie l'actiond'éparpiller la terre et les descendants d'Oduduwaauraient peu à peu quitté cette ville pour fonderles autres royaumes de la région 2,

Ce type de récit fondateur n'est pas spécifique,il se retrouve aussi dans le monde adja qui auraitson origine dans la ville de Tado, fondée vers leXIIIe siècle. De fait, entre le xe et le Xye siècle,de nombreux royaumes se développent ; ils témoi­gnent de mouvements migratoires et d'une ins­tabilité politique. Le royaume yoruba d'Oyo auraitété fondé entre le xe et le XIIIe siècle et celuid'Allada au Xye siècle 3. Ces migrations ne sontpas des mouvements rapides et structurés ; ellesse développent sur plusieurs dizaines d'années,voire sur près d'un siècle à partir d'un lignageou d'un segment de lignage.

Au Xye siècle, on peut distinguer géographi­quement l'aire adja et l'aire yoruba. Cette dernièred'abord centrée sur le site d'lIé-Ifé s'étend à partirdu royaume d'Oyo puis de celui de Kétou. Lemonde adja pendant longtemps s'organise autourde la ville de Tado, dont les premiers occupantsseraient originaires de Kétou et même d'Oyo, lepeuple adja étant né de la rencontre de migrantsyoruba et de communautés déjà installées dansla région 4.

Tous ces royaumes sont centrés sur une villeoù réside le souverain. L'antériorité des citésyoruba laisse supposer que ce type d'organisationpolitique provient de cette région. Quant à ladimension d'un royaume, elle est difficile à éva­luer : selon certains historiens 5 la domination d'unlignage royal ne concerne que la ville et sesenvirons immédiats, exception faite du royaumed'Oyo dont la puissance est reconnue par tous.Pour d'autres 6, elle peut couvrir une aire de 50à 100 km de diamètre. Ces royaumes restent detoute façon relativement peu étendus. Leurrichesse se lit plutôt dans l'importance du marchéde la capitale, qui draîne la production agricoledes environs, et dans le réseau de marchés quien sont dépendants. On ne peut alors parlerd'occupation territoriale.

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•ILORIN

•VIEILLE OY~

Les premières villes.

Porto-Novo est une des raresvilles proches de la mer. Jusqu'àl'époque de la traite des esclavesles royaumes se sont développésà l'intérieur du continent et leur

économie n'était pas orientéevers la côte.

NIGERIA

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ALLADA.

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7. Ibid.8. Ibid.9. Palau-Marti, M., Le roi-dieuau Bénin, Paris, Berger Levrault,1964.

En outre, au fur et à mesure que se stabiliseet s'accroît la population d'une cité, celle-ci prendses distances avec le royaume d'origine pour seréférer au lignage fondateur de la ville. Ainsidans le monde adja, Tado, après une période deprospérité qui va du XIV" au XVIIe siècle 7, perdde son influence au profit des royaumes d'Alladaet de Notsé fondés au xV" siècle par des lignagesoriginaires de cette ville. De même les villesd'Abomey et de Hogbonou (Porto-Novo), fondéesun peu plus tard par des lignages d'Allada, leséclipseront à leur tour 8.

La disparition et l'apparition de villes jusqu'auXVIe siècle marquent des prédominances écono­miques et politiques qui ne peuvent être envisagéessimplement en termes d'antagonismes: le royaumed'Oyo ne s'oppose pas à celui de Tado. Desrelations, tant au niveau du commerce que desfamilles ou des cultes, les unissent, même s'ilexiste des rapports de vassalité qui varient selonles moments.

L'histoire des villes double l'histoire des généa­logies royales; la naissance d'une ville marquesouvent l'apparition pour un groupe d'un nouvelancêtre. Aussi peut-on parler pour ces cités (paropposition à celles créées par l'économie de traite)de généalogies de villes. L'urbanité se marqued'abord par la présence d'un lignage fondateur etdonc d'un nouvel ancêtre suffisamment puissantpour être reconnu par une communauté et pourservir d'argument au contrôle de l'espace. Lenombre d'habitants, la nature des activités ne sontpas dans cette logique des éléments déterminantspour qualifier la ville.

Bien que les communautés adja et yoruba soientfortement hiérarchisées, la figure du roi ne renvoiepas au monarque absolu 9. Le roi, chef religieuxet chef de terre, est assisté de conseillers qu'ilne choisit pas toujours. Ce groupe constitue laroyauté qui coiffe la société et ne se substituepas aux autres découpages sociaux, principalementle lignage, appelé hennu chez les Adja et ébi iléchez les Yoruba. Celui-ci réunit un ensemble depersonnes qui se reconnaissent dans un ancêtrecommun connu et qui sont dirigés par un chefdescendant généralement directement de l'ancêtre

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Djassin, case du « féticheSiligbo 11.

Ce temple, en paille, accueillaitle vodoun Siligbo et étaitimplanté dans un village fondé àla même époque que Porto-Novoselon le mythe fondateur.(photo J. Bertho, 1952).

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(le lignage royal fonctionne aussi de cette façon).Un lignage peut être avec le temps subdivisé ensegments plus ou moins autonomes; on les appelleaujourd'hui « collectivités ».

Tous ces termes gardent Une valeur relative;ils ne recouvrent que partiellement les divisionslocales et tendent à différencier des unitéssociales ; la base des relations repose avant toutdans le sentiment d'appartenance des individus àune même société, sentiment sans cesse revitaliséà travers les pratiques religieuses.

Quelle que soit l'unité sociale, celle-ci se réfèretoujours à un ancêtre fondateur, connu oumythique, et à la force qui lui est associée, levodoun chez les Adja ou orisha chez les Yoruba.La religion se manifeste dans les cultes des ancêtreset des vodoun, et assure une cohésion socialedont on n'imagine pas toujours l'importanceaujourd'hui encore. Elle imprègne tous les actesimportants de la vie sociale et marque aussid'autres domaines plus abstraits comme l'organi­sation spatiale des cités.

Tous ces traits concernent une mosaïque depopulations qui ont des appellations diverses.Porto-Novo est une ville à la fois adja et yorubadont la majorité de la population se désigne commeGoun (que les ethnologues considèrent comme unsous-groupe adja). Son histoire et l'organisationspatiale des anciens quartiers sont une parfaiteillustration des systèmes sociaux spécifiques à cesaires culturelles.

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Chapitre 2

L'histoire mythique

Avant d'être la capitale d'un pays et d'unecolonie, Porto-Novo est pendant plusieurs sièclesle siège d'un royaume qui disparaît au début duxxe siècle. Cette longue période nous est connueprincipalement grâce à la tradition orale qui reposed'abord sur certains mythes. L'histoire mythique,intimement liée à la pensée religieuse, ne peutêtre réduite à un discours idéologique véhiculépar les tenants du pouvoir. Même si sa fonctionest d'asseoir l'autorité de quelques groupes, elleest aussi un référent social souvent indispensablepour les citadins d'hier et d'aujourd'hui. Ellepermet de comprendre la genèse de certains rap­ports sociaux, et par là même, les relations qu'é­tablissent les hommes à l'espace qu'ils habitent.Si, en Europe, les individus pour se situer seréfèrent à un passé défini par des dates et desévénements politiques et économiques, dans lasociété porto-novienne et dans la majorité dessociétés africaines, les mythes ont cette fonctionet, de ce point de vue, tiennent lieu de «véritéhistorique ».

Les mythes de fondationL'histoire mythique de Porto-Novo repose sur

deux récits, l'un yoruba, l'autre adja. Le premierse rapporte à la fondation de l'établissementhumain ; le second raconte l'installation et la prise

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Temple des vodoul1 desfrais chasseurs.

Ce temple dédié aux fondateursde Porto-Nova est situé dans undes plus vieux quartiers de laville, Akron.

10. Akindele, A., / Agucssy, c.," Contribution à l'étude de

l'histoire de l'ancien royaume dePono-Novü », Mémoire de

l'IFAN (Dakar), n° 25, 1953.

de pouvoir du premier souverain adja, fondateurdu royaume.

L'origine de l'établissement humain remonteraità la fin du XVI" siècle. La région est alors essen­tiellement peuplée de Yoruba regroupés encommunautés agricoles. Le récit rapporté parAkindélé et Aguessy reconstitue ce moment defondation qu'ils situent vers 1580 10.

« ... Trois chasseurs, Obagadjou, Anata, Akakpo-Agbon, originaires du village de Lingbo situé dans lepetit royaume Yoruba d'Aholi faisaient de longs voyagesà la recherche du gibier et ne se séparaient jamais.Accablés de chaleur, un jour, ils se reposaient à l'ombred'une futaie. Un monstre leur apparut, sorti d'uneproche termitière. Le monstre avait neuf têtes. Leschasseurs eurent peur. Le plus âgé des trois, Obagadjou,interrogea le monstre. Celui-ci, sans répondre, marchaà reculons et disparut dans la termitière.

Cette vision inattendue décida les chasseurs àrejoindre leur village. Aussitôt après leur arrivée aulogis, ils interrogèrent le Fa, qui expliqua le mystère:le monstre était une divinité bienfaisante, ayant pournom Abori Messan Adjaga. Les chasseurs, satisfaits decette explication, s'empressèrent de savoir ce qu'ilspourraient faire pour mériter les faveurs d'Abori Mes­san. Le Fa leur dicta les recommandations suivantes:entretenir le lieu de l'apparition; ériger la termitièreen un temple en lui donnant un toit; offrir souvent àAbori Messan les produits de leur chasse.

Ils exécutèrent à la lettre les prescriptions du Fa.Cette observance rendit leur métier tellement lucratifqu'ils résolurent de s'installer définitivement à côté deleur bienfaiteur. Or, non loin du temple d'Abori Messan,se trouvait un étang. Les chasseurs défrichèrent autourde ce point d'eau, auquel ils donnèrent le nom de leurdieu, et bâtirent leurs maisons sur le terrain défriché.

Peu à peu, des régions voisines, d'autres chasseursles rejoignirent, suivis de leurs familles. Ainsi se consti­tua le village d'Aklon, placé sous la protection duvodoun Messan. Obagadjou en fut le chef et fit de sesdeux compagnons ses conseillers. Plus tard, les citoyensd'Aholi, envieux, vinrent piller leurs congénères d'Ak­Ion. Obagadjou leur opposa avec succès une petitearmée, commandée par Anata.

Après la fondation d' Aklon, de nombreuses tribusAholi vinrent y rejoindre leurs compatriotes. Plusieursd'entre elles, dans l'intention de trouver de vastesterrains à cultiver, allèrent vers l'Ouest fonder le villagede Djassin. Ils tracèrent à travers champs, pour unir

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Djassin à Aklon, un sentier. A mesure que le nouveauvillage se peuplait, la nécessité de lui donner un chefs'imposait. Ses habitants s'en référèrent au chef Oba­gadjou qui créa le titre d'Agboni-Adofin et en fit sacrerle premier dignitaire sous le nom d'Agboni-Alousa. Leroi d'Aklon présida cette cérémonie selon le rite aholi.Il offrit au nouveau chef un costume semblable au sienet un cache-tête en perles ... »

Djassin et Akron (ou Aklon), aujourd'hui desquartiers de Porto-Novo, occupent les sites pri­mordiaux de l'établissement. Pendant plusieursdizaines d'années, ces villages vivent de l'agri­culture (chasse, pêche, culture) et ne regroupentsans doute que quelques centaines d'habitants.On ne peut encore parler de royaume, le chefn'étant qu'un simple maître de la terre, n'ayantd'autorité que sur le domaine entourant le village.On ne sait si ces villages dépendent alors direc­tement d'un royaume yoruba. Il est plausible quecette région peu peuplée et proche de la côte soitsemblable politiquement au pays adja d'alors,c'est-à-dire qu'elle soit composée d'un ensemblede petites chefferies villageoises que ne coiffeaucune autorité supérieure.

Cette situation semble perdurer jusqu'aumoment où un segment d'un lignage adja appar­tenant à la famille royale d'Allada arrive dans larégion, épopée qui se déroule au XVII" siècle etqui nous est aussi relatée par Akindélé etAguessy Ll.

L'arrivée d'un des frères du roi adja, Té Agban­lin, à Akron est difficile à dater. Le mythe préciseque l'émigration de trois frères de la famille royaled'Allada se déroule au même moment. Toutefoiscette chronologie est contestée par les historiens;Gayibor suggère que Té Agbanlin «titre royalplutôt que nom personnel» aurait émigré vers lesud-est d'Allada pour échapper à l'influence duroyaume d'Abomey fondé par un des trois frèresau début du xvII" siècle. La fin de ce même siècleest considérée comme le moment d'arrivée de TéAgbanlin, et permet difficilement à une mêmepersonne d'avoir quitté cinquante ans plus tôt laville d'Allada 12.

Cet anachronisme n'enlève rien au récit etsuggère que la pérégrination de Té Agbanlin fut

11. Ibid., pp. 17-18.12. Gayibor, N.L., op. cil.,pp. 376-380.

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Temple des ancêtres destrois chasseurs, bâtiment

principal.

Ce temple est situé à proximitédu temple des vodoun auquel il

est associé.

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longue et mouvementée. Celui-ci se rendit d'abordà Calavi, ensuite à Ganvié puis à Louo d'oùchaque fois il fut chassé. Il se fixa alors dans unvillage en bordure de la lagune face à Akron oùil fut reçu par le chef. Après plusieurs querelleset des velléités d'attaques de la part des villagesvoisins, il demanda l'hospitalité au chef d'Akronqui lui accorda un terrain de la taille d'une peaud'antilope; Té Agbanlin découpa la peau en fineslanières et, en joignant les morceaux, occupa undomaine bien plus vaste. Cette ruse serait àl'origine du mot té agbanlin qui désignerait pourcertains l'antilope 13. 13. Ibid.

A peine installé, il fit construire sur le terrainune vaste maison, «Hogbonou », qui deviendrapour les Adja l'appellation du village: ho (ouxo), la pièce ou la case; hongbo, la grande pièce;hogbonou la grande pièce et ce qui se trouveautour. Les relations entre Té Agbanlin et le chefd'Akron se dégradèrent rapidement:

« ... Après son installation, Té Agbanlin reprit sesanciennes habitudes. Lui-même provoquait les voisins,ses hommes pillaient les champs. Ces agissements nefurent pas pour contenter les habitants d'Akron, quirevendiquèrent souvent leurs droits de propriétaires.Leurs protestations gênaient l'envahisseur. Quoiqueconstamment soutenu par le chef Awanwa, Té Agbanlindécida de ruiner l'autorité de son bienfaiteur. Pouratteindre ce but, il multiplia ses visites à ce dernier,sous couleur de lui témoigner de la gratitude et del'amitié. Cependant, un jour, au cours d'une conver­sation, il proposa au vieux chef la délimitation de leursdomaines respectifs. Ainsi il saurait l'étendue de sesterres et ses hommes seraient invités à n'en pas dépasserles frontières.

Awanwa jugea la proposition acceptable. Un accordfut donc conclu: les deux chefs vivraient respectivement,indépendants. Tout sujet de l'un ou de l'autre clan quise réfugierait dans le domaine voisin serait considérécomme protégé. Cependant, le vol et l'adultère neseraient pas tolérés. Et les terres furent délimitées. Oncreusa de grands fossés et on planta de solides piquets.[... ]

Tout alla bien pendant quelque temps. Chaque chefrespecta scrupuleusement l'esprit de la convention. Lepremier, Té Agbanlin changea de conduite. Dans lebut d'attirer à lui les sujets d'Awanwa, il donna à sesadministrés d'excessives libertés. Tous les délits restaientimpunis. Le vieux Awanwa n'eut bientôt plus personne

autour de lui. Il fit part de son indignation à TéAgbanlin. Ce dernier ne voulut rien entendre et sedéclara prêt à toute éventualité. Or l'agresseur étaitde taille à écraser rapidement son bienfaiteur. Awanwale savait. Il se résigna donc pour un temps à vivremisérablement, entouré de sa seule famille. A la longue,le désespoir finit par le gagner et il décida de disparaître.La légende dit qu'il se fit ensevelir vivant et se trans­forma en un étang, non loin de l'étang d'Avessan, quidevait alimenter plus tard les gozins des ministres duroyaume de Hogbonou.

Avant de disparaître, Awanwa aurait maudit TéAgbanlin en ces termes: Tes descendants comme toi,ne tiendront jamais leur parole.

Après la triste fin d'Awanwa, Té Agbanlin s'établitroi de Hogbônou. Il conquit tous les villages d'alentour,organisa son royaume à l'image de celui d'Allada, yfit venir les vodoun de ses ancêtres et leur confia àchacun un quartier. »

Tels sont les deux mythes fondateurs de la villeencore présents aujourd'hui dans la mémoire denombreux Porto-Noviens. Ces deux récits sontdifférents à bien des égards. L'un concerne l'éta­blissement proprement dit; l'autre la fondationd'un royaume et par conséquent d'une ville, dontla grandeur et la notoriété sont liées à sa fonctionpolitique.

Le premier mythe repose sur une histoire dechasse et appartient à une catégorie de mythefondateur d'établissement, très fréquente dans lessociétés adja et yoruba, mais que l'on retrouveaussi dans bien d'autres civilisations. Les chasseurssont ici les ancêtres des guerriers: le chasseurOuamou, après un long périple se serait installéavant même l'arrivée de Té Agbanlin dans unevallée, Ouamou do (la vallée du Ouamou), quideviendra le village de Ouando, aujourd'hui situédans la banlieue de Porto-Novo.

Ce type de mythe met en scène les figuresdominantes de la société: un royaume d'origine,un prêtre, un système de divination (le Fa) quidonne la clé de l'apparition, des chasseurs et unvodoun attaché au lieu, le monstre de la termitière.Loin d'être une rupture avec le passé, l'installationdes chasseurs est conseillée par le prêtre. Dansd'autres cas le fondateur apportait de sa terrenatale ses vodoun qu'il installait à proximité deceux déjà présents. Le caractère magique du récit

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réside dans l'apparition du vodoun, finalementbienveillant. En aucune manière, ce récit ne romptun équilibre; il raconte au contraire comments'organise, dans une fiction pacifique, le peuple­ment d'une région.

Le second mythe est autrement plus complexeet plus original. La fondation d'Hogbonou par TéAgbanlin est l'un des derniers épisodes d'une vastesaga qui commence à Tado, berceau des Adja.Ce long récit rapporté par Akindélé et Aguessy 14

s'étend sur plusieurs siècles et se déroule enplusieurs endroits: nous en résumons ici les prin­cipaux moments en fonction de l'analyse proposéepar Marie Josée Pineau Jamous 15.

Aholouho, premier roi adja de Tado, venu duciel, donna l'hospitalité à un chasseur et guerrieryoruba, Adimola, qui l'aida à repousser les ten­tatives d'invasion de son voisin. En récompenseil reçut en mariage la fille du roi, Dako Hoin,reçut également le titre de roi étranger, Avadjo,et de roi de la brousse, Zounon. Le roi Aholouho,ayant maudit ses fils, le titre de roi revint auxenfants de sa fille, les jumeaux Dassou et Dassa.Une quinzaine de rois leur succédèrent: le sei­zième, Kokpon, trahi par son frère, l'assassina etdut quitter la ville. Après un long périple, il fondala cité d'Allada.

Son premier fils Medji qui lui succéda se querellaavec ses deux autres frères Méwegbo et Té Agban­lin qui quittèrent la ville. Le premier se dirigeavers le nord et fonda Abomey; le dernier est lefondateur du royaume de Porto-Novo.

Ce récit à la différence du premier mythe nemet pas en scène des personnages isolés ; il pré­sente une famille royale soumise à de fréquentsconflits, généralement réglés par le départ d'unsegment du lignage. La fondation de nouveauxroyaumes et de nouvelles villes résulterait dequerelles familiales. Quant au projet d'installationà Akron, il revient non pas aux dieux (les vodoun)mais à un homme ou à un héros qui va utilisersa force pour s'imposer. La migration de TéAgbanlin est une histoire très humaine, même sison existence demeure hypothétique. Quant auxvodoun qu'il vénère, ce sont ceux qu'il transportedepuis Allada et peut-être même depuis Tado.

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14. Akindele, A., / Aguessy, C.,op. cil., pp. 27-28, 67-68.15. Pineau-Jamous, M.J.,« Porto-Novo: royauté, localitéet parenté », in Cahiers d'Etudesafricaines (Paris), nO 104, 1987.

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Objets rituels du royaumede Porto-Novo.

Les visiteUIs européens au xIX"siècle découvrent la force des

pratiques animistes (les vodoun)et établissent des inventaires des

objets relatifs à ces cultes; enoutre ils s'attachent à décrire les

institutions politiques (lesroyautés) et les caractéristiques

« ethniques» (scarifications).(E. Foa, le Dahomey, 1895.)

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Objets rituels du royaumede Porto-Novo.

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16. Akinjogbin, I.A., Dahomeyand ilS neighbours, 1708-1818,

Londres, Cambridge UniversityPress, 1967.

17. Svenbro, J., / Scheid, J.,« Byrsa, la ruse d'Elyssa et lafondation de Carthage », Les

Annales (Paris), nO 2, mars-avril1985.

Ce type de héros faisant appel à la force et àla ruse s'oppose au chasseur du premier mythequi ne faisait qu'obéir aux dieux. Té Agbanlinn'est pas un exécutant mais un guerrier dont laforce n'est pas divine. Ce récit est censé se déroulerau cours du XVIIe siècle et doit être rapproché ducontexte politique prévalant à l'époque. A l'éco­nomie agricole s'est substituée l'économie de traiteà l'origine de nombreuses guerres entre lesroyaumes. Les conflits entre les familles royalespeuvent provenir de la volonté de certains princesde modifier à leur profit les rapports politiquesexistants. La traite ne modifie pas les passionshumaines; par les gains fabuleux qu'elle procure,elle donne à certains les moyens d'accroître leurpouvoir.

Selon l'historien Akinjogbin 16 le royaumed'Abomey est une parfaite illustration de cettestratégie guerrière. La fondation du' royaume dePorto-Novo, un peu plus tard, à travers le per­sonnage de Té Agbanlin, se situe aussi dans unelogique visant à remettre en cause un ordre social.

La dernière phase du mythe, la prise de pouvoirpar Té Agbanlin, constitue une figure de mytheextrêmement répandue à la fois dans le temps etdans l'espace. Bien loin à l'intérieur des terresdu golfe de Guinée, des informateurs peuls de larégion de Yola accusent les traitants anglais d'avoirabusé de la sorte les autochtones des rives de laBénoué et notamment le lamido de Yola. Il s'agitici de la peau d'un taureau.

Cette ruse rappelle également la peau de bœufutilisée par la reine Didon pour s'installer dansle royaume de Jarbas, d'où naîtront la ville et leroyaume de Carthage: Didon, fille du roi de Tyr,dut quitter cette ville après l'assassinat de sonmari par son frère Pygmalion et, après un longvoyage, atteignit les côtes de l'actuelle Tunisie.Elle demanda l'hospitalité auprès d'un souverainqui lui accorda un terrain qui puisse être couvertpar une peau de bœuf. La reine découpa la peauen fines lanières et définit ainsi un terrain suffisantpour bâtir un donjon qui deviendra le centre dela future Carthage.

Ce mythe grec rapporté par Virgile et un his­torien romain, Justin 17, présente de nombreuses

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similitudes avec celui de Té Agbanlin, tant dansla ruse que dans la migration et ses causes. Descultures différentes et sans contact entre elles sontcapables de produire le même type de récit fon­dateur de ville. Le même genre de récit existeégalement chez les Hottentots et chez les Khirgiz.Imaginé à l'intérieur d'une culture, le mythe neprend toute sa signification que par rapport à sescodes et une analyse comparative doit rester pru­dente. Le bœuf, ou la vache, associé à de nom­breux mythes fondateurs dans le monde gréco­romain, est un animal domestiqué qui n'a pas lamême valeur qu'une antilope, proie des chasseurs.Tout au plus peut-on voir dans la présence d'unanimal l'idée d'un sacrifice, qui n'apparaît pasexplicitement dans le récit.

La mort du roi d'Akron marque la victoiredéfinitive du conquérant sur les premiers occu­pants. Cette victoire est rappelée dans le nomdonné par les Yoruba à la ville Adjacé, littéra­lement «là où se sont installés les Adja». Ence sens, cette fondation trangresse un ordre établi:la puissance du nouveau roi se fonde dans desactes de parjure, reconnus par tous. Cette dimen­sion n'est pas simplement anecdotique. Elle peutaider à comprendre comment, par la suite, sefont et se défont des alliances entre les princeset les notables et entre différents royaumes, sansque cela soit présenté comme contradictoire.

L'histoire mythique de Porto-Novo s'oppose àune certaine image des sociétés anciennes soumisesà un ordre immuable. Au contraire, ici, tous lesépisodes du mythe font apparaître des transgres­sions et des alliances avec des peuples différents,parfois pour vaincre une faction intérieure.

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Les marges de la ville.

La vi Ile ne borde pasdireclement la lagune aux abords

marécageux.

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quartier ZébouPlace duAga.

u aurait plusieursLe terme Zé.bo ïie littéralementorigines. II slgm en référence« où l'on s'égare )~ctère

doute au car étranger,sans . pour unlabyrinthlq,ue

t,· n spatiale. II

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uté de Porto- d'Idjebou.roya . du villageoriginaire

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18. Akindele, A., 1 Aguessy, C.,op. cir., pp. 36·41.

Chapitre 3

Société et royauté

Porto-Novo, ou plutôt alors Adjacé ou Rog­bonou, est d'abord connu comme une cité oùréside un roi descendant de l'ancêtre fondateurTé Agbanlin. L'étendue du royaume et le pouvoirdu roi ont varié selon les moments et apparaissent,au regard de l'histoire économique, moins impor­tants que certains ont pu l'imaginer. Mais l'intérêtde l'institution royale dans la société porto­novienne comme dans les autres sociétés de larégion ne se situe pas seulement au niveau poli­tique ; elle a comme fonction de rappeler l'originecommune de la population à travers de nombreuxrituels, et, par là même, de renforcer la cohésionsociale. Aussi, nous rapporterons ici, en nousréférant à l'étude d'Akindélé et Aguessy, lesmanifestations les plus caractéristiques du systèmeroyal.

La mort et l'intronisation d'un roi constituentles moments privilégiés de mise en scène du mythefondateur. Cette mort symbolise celle des forcesfécondantes: la terre n'est plus cultivée et lesmarchés sont fermés jusqu'à la désignation d'unnouveau roi. Cette nomination comprend quatrephases cérémoniales 18 : la naissance, le noviciat,la consécration et l'intronisation.

La « naissance» du roi a lieu, dans le templede l'ancêtre de la lignée royale Dako Rouin ; uneprêtresse mime l'accouchement du nouveau roi.Celui-ci est ensuite emmené chez le Zounon (leroi de la brousse), lequel lui remet dans le temple

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Le palais royal.

Les temples des ancêtres royaux(en haut il droite) sont tousréunis par dynastie; des« assins », c'est-à-dire les autelsdes ancêtres (en bas il droite) ysont disposés. Les bâtiments,contrairement aux constructionsprofanes, sont entourés degaleries.

Le chef « Zounon ».

Le Zounon, « roi de la nuit »

est la figure opposée etcomplémentaire du souverain.L'un et l'autre pendant leurs

règnes ne peuvent se rencontreret assurent des fonctions précises

dans les eultes.(photo J. Bertha, 1950).

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d'Avadjo un sceptre, réplique de celui donné parAvadjo à son fils Dassou. Puis il se rend dans lequartier Togo où le Gogan le coiffe d'une toque,le revêt d'un pagne blanc et le chausse de san­dalettes en cuir. Ainsi paré, il retourne à Akron.

Pendant les trois lunes du « noviciat », le roidemeure à Akron où il est instruit par les prêtresdes cultes et des divinités du royaume.

Lors de la « consécration », le roi se rend dansle quartier Attaké au temple d'Ahouan, puis àMalanwi au temple de Dé Lokpon (deuxième filsde Té Agbanlin) et à Sémé en bord de mer oùil rend hommage aux dieux marins et à Dé Houta,fondateur du village. A son retour, il est conduitau temple d'Aholouho dans le quartier Adomé,où il reçoit les symboles de l'autorité royale faceau peuple et à ses conseillers.

L'« intronisation » débute dans le quartier Togooù il est reçu par le Gogan et où il consacre unautre conseiller, le Migan ; puis il retourne aupalais, que le «régent» quitte alors. L'introni­sation prend fin après neuf jours de retraite.

Ces cérémonies renvoient au mythe fondateuret aux pratiques cultuelles. Elles font aussi appa­raître d'autres personnages qui jouent un rôleprimordial, le Zounon et les conseillers, les« ministres », qui choisissent le roi. Ces individusne sont pas de simples conseillers profanes; ilsont des fonctions politiques et religieuses. Plusieursd'entre eux sont liés par leur généalogie au mythede fondation et à la famille royale par la des­cendance masculine d'Aholouho.

Certains titres sont très anciens et existaient àla cour d'Allada et de Tado; ils se transmettaientau sein d'un même lignage. D'autres plus récentsont été créés par certains souverains. D'autres,enfin, ont eu une existence éphémère. Le nombrede conseillers à certaines époques dépasse la ving­taine, mais à la fondation du royaume, le roin'était entouré que de quelques notables. Huit« ministres» conserveront un rôle déterminant:le Gogan qui représente le père du roi et quigarde le temple d'Adjahouto; l'Aplogan,« ministre du culte » ; le Mewou, chargé de l'ordrepublic; l'Adjgagan, maître de cérémonies; l'Awa­tagan, qui intronise le roi et annonce sa mort;

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Le roi de Porto-Nova.

A celle époque le roi n'a plusqu 'W1 titre honorifique de «chefsupérieur" el a perdu depuis ledébut du siècle son rôlepolilique. Néanmoins il conservesa fonction symbo~que,

notamment au niveau religieux.(photo J. Bertho, 1950).

19. Mondjannagny, A.C.,Campagnes el villes au sud de la

République populaire du Bénin,Paris, La Haye, Mouton, 1977.

le Saï, chef des armées. S'ils résident pour laplupart dans des quartiers désignés, respectivementTogo, Filla, Zébou Massé, Agbokomé et Sokomé,certains se déplaceront dans d'autres quartiers,par exemple le Saï à Adankomé et l'Adjagan àAdomé.

Le roi et ses conseillers sont assistés par denombreux serviteurs, les «lari », répartis dansplusieurs corps selon une hiérarchie bien précise.Certains lari proches du roi jouent un rôle politiqueimportant à partir de la fin du XIXC siècle, lorsquel'aristocratie en proie à des luttes internes serévèle incapable de gouverner.

Le roi contrôle une police secrète circulant dansla ville et dans les royaumes voisins. En revanche,son autorité sur l'armée est relative. Celle-ci n'estlevée qu'en cas de conflit, contrairement à Abomeyoù elle est mobilisée de manière permanente.

L'autorité du roi est aussi d'ordre économique.Il perçoit des taxes sur les marchandises quicirculent et sur les transactions, leur montantn'étant pas défini une fois pour toutes; il varieselon le contexte économique et politique. Enoutre, les paysans lui sont redevables, lors decertaines cérémonies, de dons en nature.

Enfin, le roi est chef de terre. La terre n'a pasréellement de valeur marchande; elle est d'aborddotée d'un pouvoir magique. C'est « un véritablevodoun qui se classe à un haut niveau dans lahiérarchie des innombrables divinités qui peuplentle panthéon sud-Dahméen ]9 ». Ce statut est iden­tique chez les Yoruba et chez les autres groupesadja.

Le chef de terre est un prêtre qui préside auxrituels permettant de renouveler le pacte avec lesdivinités qui peuplent le sol. Il définit aussi leszones de culture et distribue des lots aux membresde la communauté. Le chef de terre est souventcelui qui est reconnu comme le premier occupantdu site et sa fonction ne se confond pas toujoursavec celle de chef politique.

Té Agbanlin à son arrivée sollicite du chef deterre d'Akron un terrain; sa prise de pouvoirdans le village enlève toute autorité à ce person­nage. Toutefois, le roi ne peut céder la terre àsa guise; il gère le domaine, l'agrandit par

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conquête ou par négociation et le redistribue auxchefs de lignage, en fonction de leurs rapportssocio-économiques. Ceux-ci se chargent ensuite dele répartir au sein de chaque communauté et enrécoltent les fruits. Ainsi en ville, chaque chef dequartier est responsable de l'attribution des ter­rains dans son domaine. Le roi, en tant que chefdu lignage royal, possède pour sa famille undomaine particulier.

Ce régime foncier analysé en détail parMondjannagni 20 se retrouve dans ses grands traits 20. Ibid.• pp. 164-174.

dans de nombreux royaumes africains. Il n'admetque la valeur d'usage du sol contrairement audroit gréco-romain. Même si le sol se morcelle,notamment avec l'introduction d'une économiemonétarisée, selon d'autres règles, la dimensionreligieuse accordée à la terre reste très présenteet la notion de patrimoine foncier, en tant queterre des ancêtres, est fortement ancrée dans lesmentalités.

Le système royal est le garant d'un passé danslequel se reconnaît la population. S'il assure uncertain ordre politique, plus ou moins fort selonles époques, il ne constitue que le degré supérieurd'une organisation sociale reposant sur le lignage,le hennu. Il n'existe pas de coupure sociale(contrairement par exemple aux sociétés théocra­tiques de l'ancienne Egypte) entre la populationet les prêtres. De même que les ancêtres et lesvodoun du roi, les ancêtres et les vodoun dechaque lignage jouent un rôle dans la structurationdu royaume.

Cette pensée mythico-religieuse inscrite dansl'organisation de l'espace habité est encore remar­quable dans les anciens quartiers de Porto-Novo.

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Quartiers Akron etGbékon à proximité de la

lagune.

La carte marque les emprisesfoncières de la famille royale à 1 ~;p:~-:1

ta lin du xx' siècle. r-

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21. Adams, J., Remarks on thecountry extending [rom the cap

Palmas ta the river Congo,Londres, 1823.

Chapitre 4

L'organisation spatialede la cité

La tradition orale représente un support essen­tiel pour reconstituer le développement de la villejusqu'au milieu du XIX· siècle. Un plan dessinévers 1880 par un missionnaire français en donneles limites et précise les différents quartiers. Lessources écrites sont quasi inexistantes ; ce sontdes descriptions de voyageurs européens qui insis­tent surtout sur le caractère païen des habitants.Seul le récit d'Adams, un voyageur anglais, redigévers 1800 donne quelques renseignements urba­nistiques, mais ne suffit pas pour envisager l'or­ganisation spatiale :

«Ardrah (nom qu'il attribue à Porto-Novo) mesemble la ville la plus populeuse (Bénin excepté) detoutes celles que j'ai visitées en Afrique. Elle contientprobablement de sept à dix mille habitants. Elle estconstruite de façon très irrégulière comme les villesafricaines en général. Les maisons sont faites d'argile,elles sont séparées les unes des autres par un haut murentourant chacune d'elles, celui-ci le plus souvent percéde meurtrières pour la mousquetterie. La ville a laforme d'une demi-ellipse, le lac s'étend sur son pluslong diamètre. Elle est entourée d'un fossé profond etd'un mur très épais d'environ quatre pieds de hauteur,creusé de meurtrières. Entre l'extrémité nord-ouest dela ville et le mur, il Y a de nombreux champs biencultivés... A l'extrémité nord-ouest de la ville se trouvela route qui conduit à Oyo 21. »

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Habitation en paille.

Ce type de construction estcaractéristique des quartierspériphériques de la ville. Le longde la lagune, les pêcheurs Ol1tpoussé ce principe desurélévation et ont développé unhabitat lacustre dans les villagesAguégué à quelques kilomètresde Porto-Novo.

22 Akindele, A., / Aguessy, C.,op. cit., pp. 17-18.

Du village à la villePorto-Novo fut d'abord un village bordant une

lagune, peuplé de quelques familles yoruba. Il nedevait guère différer des autres villages de larégion dont on peut schématiquement reconstituerle mode de développement: un groupe familial(lignage, segment de lignage) décide de s'installersur un site qui lui semble propice. Après avoircomposé avec les génies du lieu et éventuellementinstallé les autels de leurs ancêtres et des vodounde leur terre d'origine, les groupes familiauxconstruisent des maisons en terre couvertes dechaume, regroupées autour de cours. La visite(aujourd'hui) des villages autour de Porto-Novopeut aider à imaginer le paysage d'alors, mêmesi certains éléments d'architecture comme les gre­niers ont disparu.

Au premier groupe s'ajoutent avec le tempsd'autres communautés qui s'implantent soit àproximité des premières habitations, soit à l'écartselon la volonté du chef de terre. L'ancien villagede Djassin, distant de quatre kilomètres d'Akronen bordure de la lagune, aurait été fondé peuaprès la création d'Akron par des lignages yorubade même origine 22.

La proximité de la lagune amène aussi l'ins­tallation de pêcheurs. A Porto-Novo, ceux-ci s'éta­blissent dans des maisons en terre et construisenten bordure de l'eau quelques cabanes en bois;ils ne reproduisent pas l'habitat lacustre des vil­lages voisins des Aguégué ou de Ganvié.

L'arrivée de Té Agbanlin se traduit par lacréation d'un nouveau quartier, à proximité d'Ak­ron, où est construite sa résidence, « Hogbonou ».Sa demeure devient le centre du village et sonnom le désigne. Devenu chef de terre, il distribueà ses compagnons des terrains en friche. Danstous ces futurs quartiers sont installés les vodounapportés d'Allada. Enfin le roi crée un marchéquotidien à proximité de sa résidence, confor­mément à la tradition yoruba.

Le développement du royaume entraîne l'ac­croissement de la population de la ville. Le roidistribue aux chefs de lignage influents dont ilsouhaite la venue et aux dignitaires des portions

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de sol où ils se fixent après avoir installé leursvodoun. De nouveaux quartiers apparaissent régu­lièrement sans ordre spatial géométrique.

Ce mode de développement perdure jusqu'aumilieu du XIX" siècle; la ville réunit alors quelquesmilliers d'habitants (peut-être même plus de dixmille à certaines époques) et rappelle les citésyoruba centrées sur le palais royal et le marché.Les nombreux conflits entre les royaumes condui­sent les souverains à protéger les villes par desenceintes 23.

Palais, marché, enceinte constituent les marquesles plus visibles de l'urbanité, mais ne suffisentpas à expliquer son fonctionnement; ce sont lespratiques religieuses et le système royal, inscritsdans l'organisation spatiale de la ville, qui larévèlent en partie, comme l'analyse Marie-JoséePineau-Jamous.

Habitations en terre.

Dans les vieux quartiers laconstruction en terre domine

encore et la densificationhumaine se traduit par une

prolifération de constructions quine laisse guère de place pour la

circulation.

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23. Adams, J., op. Cil., p. 21.

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Les quartiers de Porto­Novo vers 1880.

La plupart de ces quartiers ontété fondés par des dignitaires dela société. Européens etBrésiliens s'installent à proximitéde la lagune. Autour de lamission catholique se regroupentles quelques représentants del'administration française.

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Quartiers et royauté« Selon leur relation au roi, on distingue quatre types

de quartiers qui peuvent être regroupés en deux caté­gories : les quartiers disposant d'une certaine autonomiepar rapport au roi, fondés les uns par les descendantsd'Aholouho (1) et les autres par des étrangers venuss'installer à Porto-Novo, dont la plupart se rattachentaux guerriers d'Ajahouto (II) ; et les quartiers fondéspar les rois de Porto-Novo, soit pour les vodoun qu'ilsempruntaient à des lignages étrangers à la ville (III),soit pour les princes de sang (IV).

1. Les quartiers fondés par les descendants directsdes fils d'Aholoulo exclus autrefois du trône d'AdjaTado. Ceux-ci avaient amené avec eux leur hennuvo­doun qui représente à Porto-Novo la légitimité d'AdjaTado. Ils ont reçu la charge de l'un des rituels d'in­tronisation du roi et parfois un titre de dignitaire (lesquartiers Adomé, Agbokomé, Lokossa, Zébou Massé,Togo, Davié).

II. Les quartiers fondés par des étrangers, les Torri,les Peda, les Heviénou, les Dravonou, etc. Les lignagesissus de ces étrangers se rattachent à la royauté parleur Hennuvodoun, ancêtre guerrier à Adja Tado.Certains d'entre eux ont gardé le titre de Holou (<< roi­telet ») qu'ils avaient dans leur pays d'origine. D'autresont reçu des titres de dignitaires du roi de Porto-Novo(les quartiers Houédakomé ou Filakomé, Hlinda, Gbo­kou, Zébou Aga, Atingbassa, Sokomé, Sessuvié, ZébouOdja).

III. Les quartiers créés par les prêtres du vodoun,les vodounon. Certains d'entre eux sont dits avoir étéinvités par Té Agbanlin à venir installer un Vodoun(rép!ique de leur Hennuvodoun resté au lieu d'origineqUi Joue un rôle important dans l'intronisation du roi).D'autres prêtres ont été appelés par les autres roisdans le but de protéger la famille royale et le royaume.A Porto-Novo, ces prêtres résidaient dans des quartiersqui dépendaient d'un roi, d'un prince ou d'un dignitaire,et qui étaient souvent spécialisés dans un métier artisanal(les quartiers Avassa, Zinkomé, Hassukomé, Wezumé,Kosukomé, Déguékomé, Akpassa, Tofinkomé et Gué­vié).

IV. Les quartiers des princes de sang. Les princesétaient élevés le plus souvent dans la famille de leurmère et étaient donc dispersés dans les quartiers. Cer­tains devenus rois y ont établi leur mère et les enfantsde leurs épouses. D'autres sont restés dans le quartierde la mère du roi dont ils ont souvent expulsé lelignage à leur profit. Le hennuvodoun de tous lesprinces originaires d'Allada, Adjahuto, était installé au

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quartier Togo, quartier du Gogan, chef de tous lesprinces de Porto-Novo. Ainsi on ne trouve dans lesquartiers des princes que le Yoho de leur ancêtre roi(Gbékon, Kwiogbé, Dota, Ataké, Sadoyon).. Cette classification en quatre types n'est pas exhaus­

tive. Seuls ont été retenus les quartiers les plus anciens,les quartiers récents n'ayant pas de relations rituellesavec la royauté.

Tout d'abord, le dernier type de quartier se différenciedes trois autres: les quartiers des princes n'ont qu'uneseule référence, les ancêtres-rois de Porto-Novo. Ils nesont pas propriétaires de hennuvodoun et n'ont pas decharge de dignitaire. Ils constituent des groupes encompétition pour le trône. En revanche, les autres typesse rattachent d'abord à la royauté par l'intermédiairede leur hennuvodoun qui représente ces forces d'Adja­Tado nécessaires à l'autorité royale et à la protectiondu royaume. Cependant le troisième type se distinguedes deux autres: les quartiers de vodounon n'ont aucuneautonomie et sont dépendants d'un côté de leur proprechef de lignage et de l'autre du roi.

o Seuls les quartiers des deux premiers types se défi­mssent par leur double référence, le hennuvodoun dontils sont propriétaires et l'ancêtre qui a fondé le quartier.Ils ont reçu du roi une charge de dignitaire et lui sontassociés étroitement dans l'administration rituelle etpolitique du royaume. Il y a interdépendance entre leroi et les lignages fondateurs de ces quartiers.

En définitive seuls ces quartiers ont leur spécificitéet leur unité propres tout en étant liés à la royauté.Les deux autres types sont directement issus de lafonction royale. On analysera les rapports entre quartieret parenté en référence aux quartiers des deux premierstypes. »

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La construction en terre adopteplusieurs techniques. La plusancienne consiste à bâtirsuccessivement des couches deterre compressée ct souventmêlée à de la paille pourrenforcer la stabil.ité. L'autreméthode est le système plusclassique d'assemblage de briquescuites ou séchées au soleil. Plans des quartiers Zébou

Massé et Gbékon. GBEKON2

ZEBOU MASSE1

1. Dans l'ancien quartier deZébou Massé, particulièrementdense en habitations, quelques

rues ont été tracées dans lesannées 1950-1970

2. Dans le quartier Gbékon,situé à la l.imite de la ville,l'administration n'est jamais

intervenue, ce domaine étantsous l'autorité du roi Toffa puis

de ses descendants.

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Quartier et parenté« Il est d'abord nécessaire de définir les termes

vernaculaires employés pour désigner le quartier et lesgroupes de parenté.

Le Komé est un concept relatif correspondant àdifférents niveaux de la subdivision territoriale. Auniveau le plus large, celui du quartier, Komé est uneancienne unité politique centrée sur un patrilignagedominant ayant reçu du roi un titre de dignitaire etde chef de quartier. A ce niveau, Komé est unesubdivision spatiale et politique de la ville représentéeauprès du roi par le chef de quartier. Au deuxièmeniveau, Komé désigne des sous-quartiers, associés soità un segment du patrilignage dominant, soit à un lignagedépendant d'une origine différente. La relativité duterme Komé correspond à une réalité segmentaire. Selonles circonstances, un individu identifie son Komé à l'unou l'autre niveau du terme.

La fonction politique de chef de quartier a disparudepuis longtemps. D'anciens sous-quartiers dépendantssont devenus des quartiers à part entière. Il est difficiled'établir de manière précise les limites des quartiers.Celles-ci ont varié selon les époques. Certains quartiersse sont déplacés et d'autres ont changé de nom à lasuite de l'apport de peuplement plus récent.

Le quartier étant associé à un lignage dominant, ilfaut spécifier la nature de celui-ci et son rapport àl'espace. Plusieurs termes sont utilisés pour désigner lelignage et ses segments: hennu, xue, xueta, hongbôqui renvoient à des aspects différents de cette unité deparenté.

Le hennu fait partie d'un ensemble plus grand, l'ako,groupe de hennu dits « frères » qui aurait constitué unpetit royaume dans le pays adja ou dans un lieu situéentre cette région et Porto-Novo. Ce lieu d'origine adonné son nom à l'ensemble de l'ako. C'est le lieusacré de la transformation des héros-ancêtres en hen­nuvodoun. Des ancêtres ont quitté ce lieu pour fonderdes quartiers, à Porto-Novo, d'autres membres de l'akoy sont restés. L'unité politique s'est désagrégée, tandisque l'unité religieuse a continué à se manifester dansdes rituels annuels rassemblant les hennu « frères ».Ces rituels où l'on célèbre les hennuvodoun sont garantsde la prospérité des différents lignages de l'ako. Ainsile hennu en tant que partie de l'ensemble ako apparaîtcomme une unité qui déborde le cadre du royaume dePorto-Novo. Sa localisation dans un quartier de la citésignale une autre dimension de ce lignage.

Le hennu s'inscrit à Porto-Novo par l'intermédiairede l'ancêtre fondateur de la première maison, xweta,

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Temple.

Les temples sont nombreux àl'intérieur des habitations. Ils

concernent alors des« collectivités ~), c'est-à·dire desgrandes familles. Leurs façadessont souvent décorées par des

motifs peints qui représentent icides ,( assins) (autels).

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du quartier où habitent la plus grande partie de sesdescendants en ligne agnatique. Ce quartier où l'on aconstruit le temple du hennuvodoun, apporté du lieud'origine, constitue le noyau central du hennu installéà Porto-Novo.

Le hennu apparaît comme une unité lignagère àmultiples dimensions: vu dans ses relations externes,'il est lié aux hennu « frères» de l'ako et à la royauté,deux types d'unités politico-religieuses qui ne se recou­vrent pas; envisagé dans son organisation interne, ilse subdivise en lignage dominant et lignées dépendantes.

Il n'existe pas de terme global pour définir le hennulocalisé dans un quartier. Il existe néanmoins différentstermes pour désigner ses segments: xwe, xweta,hongbô. Ces trois termes ont à la fois une connotationmatérielle d'habitat et une connotation parentale.

Du point de vue matériel, xwe désigne la maisonfamiliale qui comprend plusieurs xo, «cases ». Danscette maison habitent un homme, ses épouses, sesenfants et parfois ses serviteurs. Cette xwe familialen'est qu'une partie d'une unité plus large: groupe dexwe rangées autour d'une cour collective, lieu descérémonies familiales, entourée autrefois d'une enceintefermée par une grande porte, hongbô. Les deux termesxwe et hongbô recouvrent cette unité de parenté rési­dentielle qui correspond à la famille étendue: les frères,leurs épouses et leurs enfants. Xweta signifie « tête demaison ». Ce terme s'applique d'abord à la maison del'ancêtre fondateur d'une unité de parenté à laquelleest associée le yoho de cet ancêtre.

Tous ces termes ne prennent leur sens plein que sion analyse la segmentation des groupes de parenté.Un hennu est divisé en trois ou cinq segments majeurs,marqués par des yoho, dénommés hongbô ou xwe,occupant chacun un sous-quartier. [... ] Si on analysela subdivision de chaque segment majeur, on retrouveà l'œuvre les mêmes principes segmentaires et hiérar­chiques. Chacun d'eux est divisé en segments mineurs,hongbô ou xwe, unités de parenté résidentielle corres­pondant à la famille étendue. L'une de ces xwe, cellequi contient le yoho de l'ancêtre fondateur donnantson nom au segment majeur, est considérée comme laxwe aînée, la xweta de tout le ~egment majeur, ets'oppose ainsi aux segments mineurs cadets. On noteà l'intérieur de chaque segment majeur, la même oppo­sition hiérarchique xwetalxwe. Cette structuration del'espace, marquée par les yoho des ancêtres fondateursde différents niveaux de segmentation, permet auxmembres des xwe de se situer immédiatement dans unelignée sans nécessairement avoir une bonne connaissancegénéalogique 24. »

46

24. PÎneau·Jamous, M.J.• op. cil.

L'organisation de l'espace selon la parenté nes'accorde pas avec les catégories urbanistiquesfondées sur des délimitations physiques stables(zones, voies, etc.). Les groupes de parenté sontdes entités fluides, qui diffèrent aussi selon laplace de l'observateur. Il serait donc vain devouloir établir une cartographie précise de cesrelations et d'en faire un outil de gestion del'espace. Ces règles engendrent un processus d'ag­glomération des individus et permettent à chacunde se repérer dans la ville et, par là même, dansla société. En ce sens, l'espace de la parentéassure un certain ordre social. En outre, il définitun mode d'extension de la ville régi par différentsgroupes et non pas, comme dans l'urbanismeoccidental, par l'autorité administrative.

Les formes d'organisation et de représentationde l'espace à Porto-Novo sont une parfaite illus­tration d'une pensée, où les termes spatiaux etsociaux ne sont jamais totalement distincts etséparés, et d'un système politique où le pouvoirn'est pas dans les mains d'un seul groupe.

L'habitat

La notion de logement en tant qu'unité auto­nome d'habitation n'a pas non plus de sens dansles anciennes sociétés africaines. Les constructionspar leur nombre et leur agencement sont déter­minées principalement par la nature des liens quiunissent leurs occupants: espace des femmes, desaînés, espace religieux... Aussi, il faut appréhenderl'habitat non pas comme un lieu défini par descontraintes physiques, mais comme le lieu d'exer­cice d'une communauté d'individus possédant desliens de parenté plus ou moins forts.

Si dès sa fondation, Porto-Novo accueille desgroupes ethniques divers, il n'est toutefois paspossible de définir un type d'habitat associé à uneethnie. Les sociétés yoruba et adja possèdent desrègles qui ne diffèrent guère dans leurs fonde­ments ; cela se reflète aussi dans un habitat assezsimilaire, particulièrement en ville. En milieu ruralon peut plus facilement déceler des différences

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1. Salon - 2. Cuisine -3. Chambre - 4. Bureau ­5. Atelier - 6. Magasin ­7. Autel - 8. Tombe.

Trois plans deconcessions.

2

Ces différentes concessions,situées dans l'ancienne cité,montrent la diversité desagencements possibles. Les coursdisparaissent dans les quartierstrès peuplés mais les espacessymboliques de l'unité sociale(cases-autels des ancêtres et desvodoun. salles de réunionfamiliale) demeurent, même siles bâtiments sont reconstruitsavec d'autres matériaux(parpaings de ciment).

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Plan de la concessionHounguê.

La concession est située à lapériphérie de la ville, dans lequartier Ouando. Celle zone,encore peu peuplée, est situéedans la palmeraie et denombreux habitants continuent àproduire de l'huile de palme.C'est un ensemble qui, dans sonorganisation spatiale, renvoie àl'habitat rural traditionnel.1. Salon - 2. Cuisine -3. Chambre - 4. Magasin -A. Préparation « akassa » -B. Préparation «huile depalme» - C. Préparation.séchage « tourteaux-coque ».

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entre les concessions goun et les concessionsyoruba, notamment dans la taille des bâtiments 25.

Les influences extérieures entraînent certainestransformations: par exemple, les temples desancêtres et des vodoun disparaissent dans lesmaisons des Yoruba islamisés. Toutefois, les prin­cipes d'organisation de l'espace se maintiennent,d'autant qu'à Porto-Novo ces deux groupes eth­niques se sont largement mêlés.

Si l'on se réfère au principe d'emboîtementsuccessif des unités de parenté qui font qu'ungroupe et a fortiori un individu ne peut se consi­dérer comme isolé, il paraît alors difficile de définirdes unités spatiales possédant des limites préciseset intangibles, et de distinguer un espace publicd'un espace privé. Par exemple, les espaces decirculation font partie intégrante des espaces d'ha­bitation et accueillent d'autres fonctions, parti­culièrement les cours, centres « relationnels» desconcessions.

Par ailleurs, la limite physique d'une concessionsouvent matérialisée par une enceinte ne signifiepas nécessairement que les espaces extérieurs sont« étrangers ». Cette première enceinte peut êtreincluse dans une zone plus vaste où les habitantssont unis par certains liens de parenté. En outre,un même lignage peut occuper des habitationsdispersées dans un quartier. Si l'enceinte marqueune emprise foncière, elle ne définit généralementpas une unité sociale autonome. L'exemple desquartiers de Ouando et Gbekon illustre ce principede développement spatial, où un groupement d'ha­bitations est toujours inclus dans un ensembleplus large, de la même façon qu'une unité deparenté appartient toujours à une unité plus vaste,non territorialisable réellement.

S'il est difficile d'en définir les limites, l'habitatpossède des principes d'organisation spatiale quisuscitent un paysage bien défini. Les pièces desbâtiments, de forme généralement rectangulaire,s'ouvrent toutes sur une ou plusieurs cours où sedéroulent de nombreuses activités et constituentun ensemble indissociable.

Les catégories de vide et de plein ne peuventêtre appliquées à un habitat, où des activités (lacuisine par exemple) se déroulent simultanément

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25. Brasseur, G., " Porto-Novaet sa palmeraie », i\1émoireIFAN (Dakar), na 32, 1953.

Murs en terre et toituresen tôle.

Alignement des bâtimentsle long des rues tracées.

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dans des cours et des pièces. De même, les notionsd'espaces privatifs ou d'espaces utiles sont sujettesà caution. Certaines pièces et cours, vides d'oc­cupants la plupart du temps, ont une autre fonc­tion ; elles accueillent plusieurs fois l'an des céré­monies réunissant l'ensemble de la famille etsymbolisent l'unité de la communauté. Utilisésdans le sens commun du terme quelques joursdans l'année, ces espaces ne sont en aucun casconsidérés comme annexes; souvent, même lors­qu'une division foncière de la concession a lieuentre les héritiers, ils demeurent indivisés et nepeuvent être affectés à d'autres fonctions sansaccord de l'ensemble du groupe. Les espacesreligieux animistes, quelle que soit leur situationgéographique, marquent le centre symbolique dela concession, le noyau à partir duquel se regroupeune communauté.

La production de l'habitat fait rarement appelà des corps de métiers spécialisés. Le plus souvent,les différents membres d'un groupe participentselon leur statut à la construction de la maison ;le travail se déroule pendant la saison sèche.Qu'ils soient urbains ou ruraux, les hommes bâtis­sent leurs habitations selon la même techniqueconstructive et avec le même matériau : la terrede « Barre », une terre argileuse que l'on trouveà même le sol, extraite généralement à proximitéde l'emplacement de la maison. A Porto-Novo,de nombreuses carrières étaient dispersées dansla ville et devenaient pendant la saison des pluiesdes mares insalubres ; la carte de 1880 indiqueleurs emplacements 26.

La terre est employée pour dresser les murs.Un premier muret d'une hauteur d'environ 50 cmest d'abord réalisé; une fois séché au soleil, ilest surmonté d'une levée de même hauteur, etainsi de suite jusqu'à obtention de la hauteurdésirée. La fragilité du matériau nécessite uneforte épaisseur, généralement entre 50 cm et 1 m ;la terre est souvent mélangée à de la paille pourrenforcer sa cohésion. Néanmoins, les pluies limi­tent la durée de vie des constructions. Cettetechnique «ancestrale », remarquable dans denombreuses sociétés d'Afrique, mais aussi d'Asie

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26. Akindele, A., 1 Aguessy. C..op. cil.

ou d'Amérique, a été progressivement supplantéepar celle des adobes, plus durable.

Quant aux toits, en chaume et à forte pentepour faciliter l'écoulement des eaux pluviales, ilssont supportés par une structure en bois scelléeaux murs. Enfin, les ouvertures, traditionnellementpeu nombreuses et de petite taille, sont ferméespar des portes et volets en bois.

Ces procédés simples font qu'un groupe familialest capable de construire à peu de frais unehabitation: tous ces matériaux sont disponiblesdans la région et ne nécessitent pas d'échangemonétarisé. Dans un système où la force de travailn'est guère comptabilisée (les esclaves et les ser­viteurs accomplissaient les tâches les plus dures),la construction n'acquiert pas de valeur mar­chande. Le sol n'en possédant pas non plus, lamaison est d'abord investie au niveau symboliqueet en tant que lieu d'exercice de pratiques sociales.Le somptuaire ne se manifeste pas dans ce typed'habitat; en revanche, il apparaît dans d'autrestypes d'espaces bâtis, les palais et les temples.

Toutes ces remarques ne permettent pas d'éta­blir un modèle spatial type. En outre, l'habitaturbain ne se distingue pas par définition de l'ha­bitat rural. Ce sont d'abord les règles socialesauxquelles s'ajoutent les contraintes physiquesd'espace, la densité de la population et les activitéséconomiques qui produisent un paysage particulierfait de ruelles, de cours et de bâtiments de taillesdiverses, serrés les uns contre les autres.

Les palaisLes cités royales des aires culturelles adja et

yoruba possèdent au moins un palais royal, géné­ralement situé au centre de la ville, les quartiersse développant tout autour. Le terme «palais»désigne avant tout l'espace d'exercice et de repré­sentation d'un pouvoir. Le palais est souvent aussile lieu de résidence du souverain, mais cettefonction n'y est pas toujours associée. Le palaisconcerne d'abord la personne du roi, encore quele terme soit parfois employé pour désigner leslieux de résidence et de fonction de conseillers

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royaux particulièremen t puissants (en langue ver­naculaire, on parlera plutôt de xwe).

Les premiers palais ont été construits dans lesroyautés yoruba. Dans chaque capitale deroyaume, lIé-Ifé, Oyo, etc., le palais était délimitépar une large enceinte en murs de terre, à l'in­térieur de laquelle se trouvaient des bâtimentsqui n'occupaient qu'une portion réduite dudomaine. Les espaces libres étaient souvent par­tiellement cultivés, en référence sans doute auxconcessions rurales où les abords immédiats deshabitations sont exploités. Il ne s'agissait pas d'unélément défensif dans la mesure où le siège d'uneville n'était pas une pratique militaire courante.On peut voir dans ce geste plutôt un souci dereproduire à l'intérieur de l'enceinte des figuresconstitutives du monde: la nature (les sols noncultivés), l'économique (les champs cultivés), lepolitique (le palais). Plus simplement aussi lafonction agricole du bourg entraînait une mise enculture des espaces libres pour limiter les dépla­cements vers les champs extérieurs.

L'enceinte délimitait un terrain dont la tailleatteignait très souvent plusieurs hectares; l'en­ceinte royale d'Olowo au Nigéria, la plus granderecensée, définissait un espace de quarante hec­tares, soit 8 % de la superficie totale de la ville 27.

L'accès se faisait généralement par une seule portesouvent monumentale et sculptée, gardée par desserviteurs. De nombreux espaces étaient réservésà certaines communautés et ne pouvaient êtretraversés par tout un chacun.

Le caractère clos du palais royal, où les activitésétaient invisibles depuis l'extérieur, marquait lahiérarchie sociale: le palais fonctionnait commeune petite cité autonome à l'intérieur de la ville.Le palais proprement dit était composé d'unensemble de cours, bordées de galeries sur les­quelles s'ouvraient les pièces, sans qu'il soit pos­sible de définir des axes précis d'organisation oude développement. Cette organisation évoque plu­tôt une juxtaposition de concessions, chacuned'entre elles étant réservée à une fonction, à ungroupe.

Certaines cours possédaient au centre un bassinrecueillant les eaux pluviales et les évacuant vers

51

Temples des ancêtresdes rois,

palais de Porto-Nova.

Ces bâtiments ont été depuisreconstruits et les fresques ont

disparu.(photo G. Labitle. 1952).

27. Ojo, Cl.A., op. cir.

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l'extérieur grâce à des canalisations, ce qui justifiel'appellation de palais à impluvium, employée parcertains historiens 28. Cette pratique fut mise surle compte d'un souci défensif, les habitants pou­vant ainsi disposer d'une réserve d'eau. Cetteexplication ne suffit pourtant pas, les sièges étantrares et les précipitations abondantes et régulières.Le bassin marque d'abord le caractère clos dupalais: l'eau n'est pas puisée à l'extérieur; enoutre, certaines cérémonies religieuses se déroulantdans le palais nécessitent l'emploi d'eau lustrale.

Ces formes architecturales dites à impluvium nesont pas propres à la région, elles renvoient àdes architectures implantées sur la côte, du golfedu Bénin à la Casamance. A Porto-Novo, sont­elles le fruit d'une diffusion qui ne toucha queles bâtiments royaux ou est-on en présence d'élé­ments résiduels d'une architecture jadis plus répan­due? Ils ne se seraient alors maintenu figés etsublimés que dans les constructions royales.

Les cours et les bâtiments les entourant formentdes ensembles qui ne communiquent souvent entreeux que par une ou deux portes. Généralement,une cour de grande taille accueillait le peuple lorsdes grandes cérémonies publiques. Une autre courétait réservée aux femmes du roi, de la mêmefaçon que, dans une concession, certains espacessont destinés aux femmes du chef de famille. Leroi habitait dans plusieurs pièces, groupées autourd'une cour, qui constituaient ses appartementsprivés; cet espace ne représentait qu'une petitepartie des bâtiments construits dans le palais.

Une multitude de pièces étaient destinées auxmembres de la cour et aux serviteurs attachés àla maison royale; d'autres servaient de magasin,de cuisine; en outre certaines zones n'étaientutilisées que pour les cérémonies. Les nombreuxprêtres et prêtresses se réservaient eux aussi cer­tains espaces. Enfin, aux pièces d'habitation et deréception ou de service s'ajoutaient les templesdes ancêtres et des vodoun royaux. On comptaitsouvent plusieurs centaines de pièces dans unpalais.

Le palais n'était pas bâti en une seule fois selonun plan préétabli et définitif. Au fur et à mesureque la royauté s'affirmait et que la cour royale

52

28. Bertha, J., «L'habitation àimpluvium dans les régions dePorto-Nova et de Kétou ". NoIesafricaines (Paris), nU 47. juillet1950.

augmentait, de nouveaux bâtiments étaient élevés.Souvent plusieurs centaines de personnes rési­daient de manière permanente ou intermittente.Les visiteurs nombreux pouvaient y demeurerplusieurs mois. Cette cour était composée deprinces, de ministres, de prêtres, de soldats, d'al­liés, de courtisans, de serviteurs et d'esclaves.

Dans une société religieuse où chacun craignaitles sorts et les complots, on comprend le soucide certains monarques d'habiter des résidencesprivées, où ils demeuraient avec leurs proches etse sentaient plus à l'abri des intrigues de la cour.Le palais n'était plus alors que le lieu de fonctiondu roi, où il se rendait pour régler les affaireset pour les cérémonies. Le plus souvent commeà Porto-Novo, le roi résidait dans le palais. Enrevanche, à Abomey, certains souverains se firentconstruire des palais propres autour desquels sedéveloppèrent de nouveaux quartiers.

Si les palais étaient très étendus, ils ne secaractérisaient pas par une architecture originale.Construits comme de très grandes concessions, ilsétaient en terre, avec des toits de paille. La tailledes pièces n'y était pas surdimensionnée, les tech­niques constructives les limitant ; seul leur nombreaugmentait. Le somptuaire n'apparaissait pas dansles volumes, mais plutôt dans les portiques, lescolonnades, les portes sculptées, et aussi dans lesobjets entreposés: instruments de musique, vête­ments du souverain, mobilier et objets de culte.

Le palais se distinguait principalement d'unehabitation privée, par la nature de sa population,par la présence d'espaces destinés à des cérémoniesparticulières et enfin par sa situation centrale dansla ville, à proximité du marché. La différenciationmorphologique (taille, volumétrie, ornementa­tion ... ) n'était pas systématique.

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Le palais royal de Porto-Nova

Ce palais s'appelle palais Honmé. Ce terme fonet goun est utilisé aussi pour qualifier le palaisroyal d'Abomey, et signifie littéralement « à l'in­térieur de la porte ». Le palais de Porto-Novopossède l'essentiel des caractéristiques énoncéesprécédemment et se situe dans la tradition palatialede la région. Sa petite taille en comparaison despalais yoruba est à rapporter à la puissance duroyaume, guère comparable à celle de ses voisins.

Le palais Honmé demeure de tout temps lelieu unique d'exercice du pouvoir royal. Les autrespalais de la ville ont une fonction privée: latradition orale rapporte que certains souverainsont possédé des résidences dans d'autres quartiers,dont il ne reste aujourd'hui plus trace. En outre,le dernier roi, Toffa, se fit construire un palaisdans un nouveau quartier, Gbekon, du nom d'unquartier d'Abomey où il résida; mais le palaisHonmé conserva sa fonction jusqu'au dernier chefsupérieur décédé en 1976. Il devient dès le règnede Té Agbanlin le centre de la cité à partir duquelse développe le tissu urbain.

Sa configuration actuelle est relativementrécente ; son animation et sa taille ont varié selonles époques. L'ensemble des bâtiments constituantle corps central du palais aurait été construit aucours du XIXe siècle. Il n'est pas possible de savoirs'ils ont remplacé « à l'identique » des édifices enruine, mais là n'est peut-être pas la question dansun milieu où tout bâtiment, ne serait-ce que parsa matière, est amené à disparaître un jour oul'autre. On ne peut que remarquer, quelle quesoit l'ancienneté des bâtiments, que l'organisationspatiale rappelle celle des palais yoruba, laissantsupposer qu'un modèle ou qu'un idéal type existe.

Ces constructions, organisées autour de coursbordées de galeries, ne présentent pas aujourd'huil'aspect qu'elles avaient un siècle auparavant. L'af­fectation des pièces a évolué; les tombes des roisont été transférées récemment et plusieurs bâti­ments ont disparu. L'abandon du palais par leroi Toffa et par son successeur en 1976 a suscitéun processus de dégradation stoppé que depuispeu. En effet, ces dernières années, des murs ont

53

Palais royal.

Photographies de 1984, en pleinephase de réhabilitation. En

haut: ancienne cour des grandescérémonies. Après l'achèvement

des travaux, les toits de tôle ontété recouverts de chaume.

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o 5 10 -----7Zr--L-J

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55

A A

8

Plan du palais royalHonmé.

B

A cet emplacement, selon lemythe, le chef Adja TéAgbanlin fonda l'établissementde Hogbonou et installa son lieude résidence. Ses successeurs ydemeurèrent excepté le roi Tofiaqui émigra dans un autrequartier. Les cérémoniesd'intronisation du roi sedéroulaient principalement danscet enclos qui accueillait aussi lesnombreux courtisans. Lestemples des ancêtres de chaqueroi sont réunis à l'ouest. Lepalais proprement dit s'organisentautour de plusieurs cours.

1. En trée principale - 2. Courprivée pour les invités -3. Cour des assemblées -4. Cour royale privée - 5. Courdes Reines - 6. Courd'initiation - 7. Cour privée ­8. Cour des grandes cérémonies- 9. Tribunal - 10. Templesdes ancêtres des rois.

Elévation et coupe dupalais royal.

Presque toutes les pièces ouvrentsur des galeries surélevées. Larégularité des colonnes qui les

bordent marque J'architecture dece type d'édifice par rapport aux

habitations communes. Cettecaractéristique est relativement

rare en Afrique de l'ouest où lapuissance d'un groupe ne se

manifeste généralement pas pardes signes matériels au niveau de

la construction.

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Une cour intérieure dupalais des assemblées.

Au premier plan on distingue lestraces d'un bassin utilisé sansdoute pour des cérémoniesreligieuses; un petit autel pourun vodoun est installé en soncentre.

29. Salinis, P.A., Le proleeloralfrançais sur la côte des esclaves,

Paris, Perrin, 1908.30. Pineau Jamous, M.J., op.

Cil.

été remontés et les toitures refaites. La restau­ration se réfère au paysage du début du siècle,juste avant l'incendie de 1905 à la suite duquella tôle remplaça le chaume des toits 29.

Au cours du xxe siècle, de nouveaux bâtimentsen terre puis en parpaings de ciment ont étéconstruits. Une salle d'audience (Je tribunal) etune résidence privée à étages ont été édifiées aunord-est de l'enceinte. Il y a une dizaine d'années,la municipalité a facilité la reconstruction de plu­sieurs bâtiments en ruine. Enfin, les temples desancêtres et des vodoun, localisés en dehors desparties spécifiquement habitées, ont été eux aussidernièrement reconstruits par les descendants dela famille royale avec des matériaux « modernes ».

Ce palais conserve dans son organisation spatialeles marques de la royauté de Porto-Novo. Espaced'exercice et de représentation du pouvoir, ilaccorde une place prépondérante aux lieux d'ex­pression: les cours des grandes cérémonies et desassemblées politiques encadrent d'autres cours plusprivées. Au sud, les cours de « service» et d'ini­tiation où se déroulent plusieurs épisodes de l'in­tronisation du roi et, au nord, la cour du roi etcelle des reines.

L'ouest du domaine est occupé par des templesqui rappellent la généalogie royale; ils sontregroupés par lignée, celle du fondateur Té Agban­lin étant séparée des autres. Quant au sud, peufréquenté, il accueil1e le temple du vodounDangbé, le python, où n'accèdent que les initiés.Ce vodoun selon le mythe appartenait à un roiennemi et fut conquis par un roi de Tado, lejumeau Dassa: « Il symbolise la force ennemieapprivoisée sur laquelle s'est construit leroyaume 30 ». La présence d'un tel édicule, l'ab­sence de temples des ancêtres d'autres famillesdu quartier et l'absence d'espace de résidencepour les descendants du roi différencient aussi lepalais d'une habitation profane: « Le palais royaln'est pas refermé dans une structure lignagère ;il est centre et lieu de relation. Il est le lieu dupouvoir royal qui se nourrit de toutes les forcesdes hennuvodoun installés dans les différents quar­tiers. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre

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Cour intérieure àimpluvium.

L'affectation des pièces labordant a évolué. Aujourd'huiles lombes des rois aUlrefoisdispersées Ont été inslallées dansces pièces, vidées depuislongtemps de leurs occupants.

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Temple de vodoun.

Ce temple aux colonnades « public» particulier. Celui-ci,torsadées est situé sur une par sa localisation, n'est pasplacette dans un vieux quartier réservé à une « collectivité»de la ville. Il reçoit les initiés du familiale mais s'adresse à unculte, chague vodoun ayant un groupe plus large.

58

31. Pineau Jamous, M.J., op.cil.

32. Ibid.

la relation entre les deux types d'unités que sontles quartiers et le palais royal 31. »

Enfin, à cette puissance signifiée dans le mythe,s'ajoutait la marque du pouvoir économique duroi. Le premier marché pennanent de Porto-Novoa été créé par Té Agbanlin sur un emplacementactuellement situé à proximité de l'entrée dupalais. Ce marché a été supprimé au début duxxe siècle et les activités commerciales ont étéalors regroupées dans le grand marché, originel­lement marché des esclaves.

Les temples animistes

Présents dans toute l'ancienne cité, ils témoi­gnent combien le système de croyance de la sociétéorganise l'espace urbain, et comment la divisionespace profane/espace sacré ne recouvre pas l'op­position société civile/société royale.

On distingue deux catégories de temps animistes,ceux des ancêtres (yoho) et ceux des vodoun. Cestemples sont les deux formes que prennent lescultes lignagers (l'ancêtre est dit avoir apporté levodoun). Dans ce système domine le hennuvodounqui, avec l'ancêtre fondateur, structure Je lignage(hennu): «Le temple du hennuvodoun, placéautrefois à l'extérieur de l'espace de résidence dulignage rappelle d'autres localités, d'autres lieuxd'émigration. Il symbolise le hennu dans sa pro­fondeur historique. Le temple du yoho de l'ancêtreest en revanche installé dans cet espace de rési­dence. Tourné vers l'intérieur, il localise et inscritl'histoire présente du lignage dans une oppositionaîné/cadet 32. »

Aux vodoun qui concernent l'ensemble desmembres d'un lignage s'ajoutent des vodoun privésqui ne touchent que de petits groupes. Ces vodoun,par opposition aux premiers, dont l'emplacementdans la ville est significatif, sont situés le plussouvent à l'intérieur des concessions et n'ont pasde rapport direct avec l'histoire du lignage; ilsont essentiellement une fonction protectrice.

La royauté respecte en partie ces principesd'organisation, Les yoho des rois de Porto-Novo,

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considérés comme ancêtres du royaume toutentier, sont disposés à l'intérieur du palais, et lestemples des vodoun sont dispersés dans les dif­férents quartiers de la ville. Néanmoins les vodounet les ancêtres royaux ont un rôle et une fonctionspécifiques.

Les cultes ne mettent pas uniquement en jeuun groupe résidentiel. Leur principale fonction estde souder un groupe social, réuni lors de céré­monies, mais quotidiennement dispersé dans laville, dans le pays et même dans les pays voisins.La grande fête annuelle du hennuvodoun (hun­hué), « qui nécessite la présence des autresVodoun de l'ako sceUe cette unité. C'est alorsque sont réactivées les forces cosmiques de l'ori­gine de l'ako. Au cours de cette fête, les vodounsont habillés et portés par certains initiés tandisque d'autres dansent et sont possédés par lesvodoun. Chaque hunhué est en quelque sorte laréactualisation de l'unité de l'ako et la manifes­tation de la force cosmique des vodoun frères quipar leur association doivent apporter vie et pros­périté à leurs descendants 33. »

La force des cultes ne se traduit pas dans unemonumentalité architecturale. Les temples desancêtres, à l'origine construits en terre, sont géné­ralement composés d'une seule pièce de formecirculaire abritant les autels, ou assins, où sontdéposées les offrandes. Les temples des vodounlignagers n'offrent pas de configuration spatialeaussi formelle et sont souvent de plus grandetaiUe. Ils comprennent des espaces plus ou moinsréservés: une galerie ouverte sur l'extérieur per­met d'accueillir tous les visiteurs; les autres pièceset éventuellement les autres cours, auxquelles onaccède par une galerie, sont réservées aux initiéset aux prêtres qui ne peuvent y pénétrer qu'aprèsavoir accompli des rituels. La renommée duvodoun influence la taiUe du temple qui peutparfois comprendre plusieurs pièces et cours, dis­posées comme dans une concession où logent lesnovices en voie d'initiation.

L'aspect des temples a varié avec le temps.Aujourd'hui ils sont le plus souvent élevés enmatériaux durables et ne sont pas toujours repé­rables visuellement. Les plus remarquables restent

59

Temple du vodounGbeloko.

Cette cour intérieure estentourée d'une galerie. L'auteldu vodoun est dissimulé par unrideau. Au centre a été édifiéeune case contenant l'autel d'unvodoun « secondaire » près delaquelle est posée une jarresacrée.(photo M.J. Pineau Jamous.1968).

Cérémonie funéraire« auisu ».

L'exposition des mOrts sedéroule dans chaque lignage. les

jarres aJign0cs ~t décoréescontiennent les crânes des morts

et sont entourées d'offrandes.(photo M.J. Pineau Jamous,

1968).

33. Pineau Jamous, M.J., op.cil.

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60 _

cêtres desTemple des an lan (A)trois ch~seurs, pet élévatIOn.

ba ces troisSelon le mythel Yso~~nd~teurs duchasseurs sont e à l'origine devillage d'AkrZf~ vodoun, lePorto-Novo. f têtes », leur« monstre à l~~ude se fixer dansaurait consel.ce lieu propIce.

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les temples de vodoun construits en terre, dontles galeries extérieures sont décorées (le principede la galerie se retrouve aussi dans les palais).Les colonnes qui supportent le toit ont des formesparticulières, elles peuvent être par exemple tor­sadées. Quant aux murs, ils sont souvent decouleurs vives. Des dessins et des inscriptionsrelatives au culte sont gravés sur les façades oùl'on aperçoit parfois la trace de sacrifices d'ani­maux, sous la forme de sang, de plumes ou derumen.

La matérialité du temple et même son empla­cement n'ont pas ici la valeur que les religionsmonothéistes accordent à ces caractères. Commeles bâtiments profanes, les temples sont réguliè­rement reconstruits et peuvent être déplacés dansun site plus commode, si l'ensemble des fidèlesen jugent ainsi. En revanche, une telle décisionqui émanerait d'une autorité extérieure serait trèsmal accueillie. Enfin, ils ne font pas toujoursl'objet d'un entretien régulier. Si quelques prêtrescherchent à valoriser l'édifice, en y ajoutant notam­ment des éléments décoratifs, la majorité s'endésintéresse; certains emploient des matériaux« modernes» (parpaings, tôle) afin d'accroître leurdurabilité. II est difficile de parler d'une esthétiquereligieuse à propos de ces bâtiments.

A Porto-Novo, le temple d'Abory Messan etcelui des trois chasseurs rappellent la fondationd'Akron. Le premier accueille le vodoun (lemonstre à neuf têtes) de la termitière. II comprendune première cour publique sur laquelle s'ouvreune galerie qui permet d'accéder au sanctuaire.Une autre cour et plusieurs bâtiments forment le« couvent », réservé aux initiés qui, sous la direc­tion du prêtre, apprennent les rituels du cultependant des « sessions» de plusieurs mois. Unautre temple dans la première cour accueille unvodoun. Il est sous la responsabilité d'un autreprêtre.

Le principal desservant du temple est aussichargé par les descendants de la famille des troischasseurs de veiller au temple des ancêtres, situéà proximité. Celui-ci comprend le yoho propre­ment dit, abritant les autels des trois chasseurs,une pièce de réception pour les invités et de petits

61

~_.

Temple des vodoun destrois chasseurs, plan

général et vue del'intérieur du temple

central.

Ce temple est associé auprécédent et comprend un espace

réservé, le « couvent », oùpeuvent s'isoler les initiés duculte. Au premier plan de la

photo on distingue le monticulede terre qui symbolise le

vodoun. Lors des cérémonies, unliquide à base d'huile de palme

eSl versé sur ce monticule el luidonne une couleur orangée.

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temples recevant les vodoun privés de la collec­tivité, Ogou, Dahzodji Sakpata, Ahoho, Odou­doua et Kéniensi.

Tous ces bâtiments ont été récemment recons­truits par le gardien qui a transformé le site en« musée historique », et qui a ajouté de nombreuxéléments de décoration (céramique, horloge ...),témoignant de la liberté d'intervention que possèdeun individu vis-à-vis d'un espace bâti pourvu qu'ilrespecte les principes d'organisation.

Le palais et les temples rappellent dans l'an­cienne cité royale de Porto-Novo une organisationsociale et religieuse qui s'élabora il y a plusieurssiècles et que l'on peut lire aussi à travers ladisposition spatiale de l'habitat et des quartiers.Cet espace n'est pas seulement le témoignage d'un« passé historique et révolu ». II rend compte detraits anthropologiques structurants qui traversentles événements politiques et économiques, dontd'autres formes urbaines sont plus particulièrementl'expression.

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Deuxième partie :

De Hogbonouà Porto-Novo :tIne société en mouvement

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1. Gayibor. N.L.. L'aireculturelle Ajatado des origines àla fill du XVJlf siècle. thèse de

doctorat d'Etat. Paris J. 1985.

Chapitre 1

Le temps de la traite

L'économieSi pendant plusieurs centaines d'années, les

peuples du golfe du Bénin, et particulièrement lasociété du royaume d'Hogbonou, ont eu peu decontact avec les Européens, il n'en est plus demême à partir du début du XVIIe siècle, lorsquese développe la traite des esclaves.

Dès le Xve siècle, les navigateurs portugaislongent ces côtes et rapportent en Europe desépices. Les échanges s'amplifient avec le commercede l'or, mais restent concentrés le long des côtesde l'actuel Ghana où sont construits de nombreuxforts.

Le commerce de l'or, concurrencé par les minesd'Amérique latine, disparaît au début du XVIIIesiècle au profit d'une nouvelle activité, la traitedes noirs ; ceux-ci sont envoyés dans les planta­tions d'Amérique latine et des Antilles, les Indiensétant en nombre insuffisant. Si les côtes sont peupeuplées, les royaumes yoruba abritent une popu­lation nombreuse ; aussi les Européens essayentde contrôler les systèmes économiques et politiqueslocaux, afin d'organiser le départ de dizaines demilliers d'Africains 1.

Cette économie es~ particulièrement rentablepour les propriétaires de plantations et pour lescompagnies de commerce européennes qui orga­nisent le trafic ; elle enrichit aussi des souverainsafricains et les intermédiaires locaux qui assurent

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66

Les comptoirs côtiers auXVIII" siècle.

Ces places ne sOnt pas loutesdes centres de traite négrière,mais celles qui s'y livrenl sontles plus puissantes et rivalisentavec acharnement tant cecommerce est lucratif. En haut àgauche représentation d'un navirenégrier; à droile, plan du lort _français de Ouidah, un desprincipaux comptoirs de lrailc dela côte des esclaves.(carle établie d'aprèsMondjannagni) .

• A AKPAME

ABO .lŒTOU

1PORTO-NaVal = LIEU DE TRAITE

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la capture des esclaves et leur acheminementjusqu'aux forts. La traite provoque une transfor­mation radicale de l'économie locale et des rap­ports entre les royaumes et donc de l'organisationde l'espace au niveau territorial comme au niveauurbain. La côte devient un enjeu: les royaumesjusqu'alors situés à l'intérieur du continent tententde la contrôler pour devenir les pourvoyeurs pri­vilégiés des négriers.

Les Européens se fixent à proximité ou à l'in­térieur de villages côtiers et installent leurscomptoirs. Rapidement ces hameaux se gonflentd'habitants, réunissent plusieurs milliers de per­sonnes: intermédiaires dans le commerce et« interlopes» affluent et offrent leurs services auxreprésentants des compagnies et aux chefs locaux.Quant aux Européens, peu nombreux, ils édifientdes forts pour protéger la marchandise des pillards,des concurrents et des pirates qui attaquent cesplaces régulièrement.

Si la traite suscite un état de guerre entre lesroyaumes africains, elle n'est, guère plus civile ducôté des trafiquants et des Etats européens. LesPortugais, premiers maîtres du négoce, sontexpulsés des principaux comptoirs par les Anglaiset les Hollandais au milieu du XVIIe siècle. Lesnégriers, quelle que soit la nationalité de la compa­gnie qui les emploie, poursuivent leur activité,particulièrement vers le Brésil, où les plantationsde tabac exigent une forte main-d'œuvre. Des« liens privilégiés» se nouent entre les populationsde la « Côte des Esclaves» et la bourgeoisie deSan Salvador de Bahia, capitale de la colonieportugaise. Peu à peu des trafiquants portugaiset brésiliens s'installeront dans les comptoirs afri­cains.

Le commerce de traite n'est pas l'œuvre, d'uncôté comme de l'autre, d'une seule compagnie etd'un seul monarque. Aux négociants européenss'ajoutent les commerçants africains et métis. Leroi ne fait souvent que percevoir des coutumessur le trafic et son pouvoir est limité. Les royaumesde l'intérieur, plus peuplés, sont les fournisseursen esclaves et ceux des côtes traitent avec lesEuropéens. Le royaume yoruba d'Oyo, tout au

67

2. Akinjogbin, LA., Dahomeyand ilS neighbours 1708·1818,

Londres, Cambridge UniversityPress, 1967.

3. Person, Y., « Chronologie duroyaume Goun de Hogbonou _,

Cahiers d'Eludes africaines(Paris), nO 58, vol. xv, 1975.

4. Akinjogbin, I.A., op. cil.,pp. 110-141.

long du XVIIIe siècle, domine la région et orienteles circuits commerciaux.

Un tel trafic suscite de nombreuses convoitiseset plusieurs royaumes vassaux d'Oyo aspirent àplus d'autonomie. A Allada, des querelles appa­raissent au sein même du lignage royal concernantl'attitude à adopter vis-à-vis des Européens. Cer­tains souhaitent commercer pacifiquement,d'autres préféreraient les déloger pour mieuxcontrôler le négoce. Ce conflit serait pour l'his­torien Akinjogbin 2 à l'origine du départ, au débutdu XVIIe siècle, d'un segment du lignage royal,opposé à l'installation des Hollandais sur la côte.Ce groupe fondera le royaume d'Abomey quisupplantera peu après celui d'Allada.

Au-delà de cette thèse contestée ou préciséepar d'autres historiens 3, il apparaît qu'à partir dumilieu du XVIIIe siècle se développent, principa­lement en raison de l'économie de traite, d'im­portantes migrations qui engendrent de nouveauxroyaumes et de nouvelles villes. Ces royaumesqui s'inspirent de ceux existants en diffèrent surun point essentiel : le pouvoir de la royauté reposedésormais principalement sur la traite et donc surles relations avec les commerçants.

Deux tendances se dessinent rapidement. Cer­tains royaumes suscitent la venue des négociantsdans les villes, pour asseoir leur pouvoir et assurerleur enrichissement. Parallèlement, ils continuentd'entretenir des rapports de vassalité avec leroyaume d'Oyo qui les fournit en esclaves. Aucontraire, le royaume d'Abomey s'oppose à cesformes de dépendance et se développe de manièreautonome, en organisant le commerce et en entre­prenant de conquérir militairement ses voisins.C'est dans ce contexte qu'apparaît le royaume dePorto-Novo qui appartient à la première catégorie.

Au début du XVIIIe siècle, le paysage politiquede la région s'est profondément transformé. Lesroyaumes d'Allada et de Tado ont perdu de leurpuissance au profit de celui d'Abomey. La pré­pondérance du royaume d'Oyo demeure. Il encou­rage, afin de limiter les ambitions d'Abomey, ledéveloppement de petits royaumes vassaux oùtransitent les esclaves, comme celui de Badagry,ou celui de Lagos 4. Aux cités royales, situées à

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Carte de la c6te desesclaves à la findu XIX' siècle.

A cette époque, les Européensne disposent que d'informationsvagues sur l'intérieur ducontinent et notamment sur sesstructures politiques. Ainsi Porto­Novo apparaît dans la zonc des«républiques indépendantes ».

(in E. Foa, Le Dahomey, 1895).

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5. Verger, P., Flux el reflux dela lraire des nègres enlre le golfedu Bénin el Bahia de TOMs os

santos du XVIt' au XIX' siècle,Paris, La Haye, MOUlon, 1968.

l'intérieur du continent et où n'osent s'aventurerles Européens (Oyo, Abomey), s'ajoutent les citéscôtières où sont installés les comptoirs: Anecho,Ouidah, Ekpé, Grand Popo, Jackin, Badagry...Dans certains royaumes, comme celui de Porto­Novo, fonction politique et fonction commercialesont concentrées dans la ville, même si d'autresétablissements comme le village de Sémé fontaussi office de comptoir.

Le royaume de Porto-NovoPorto-Novo apparaît dans l'histoire économique

au début du XVIIIe siècle. L'essor du royaume,qui porte le nom de la ville, est lié à la traite.Si les terres entourant la ville dépendent direc­tement du souverain de Porto-Novo, dans un rayonqui évolue entre quelques kilomètres et quelquesdizaines de kilomètres selon les moments, leroyaume reste dépendant de celui d'Oyo. Celui·ci, du reste, a encouragé sa formation pour écoulerles esclaves qui ne pouvaient être envoyés versles comptoirs à l'ouest, contrôlés par Abomey.En 1740 Ouidah est occupé par les troupes d'Abo­mey et la vente des esclaves est alors soumiseaux règles édictées par le nouveau souverain. Tousles royaumes côtiers sont centrés sur un comptoirqui leur a donné leur nom. Les termes de cité­royaume ou de principauté seraient plus justespour les qualifier politiquement.

Porto-Novo est considéré par les négriers, vers1760, comme le principal centre d'approvision­nement en esclaves, d'où son appellation quisignifie en portugais « le nouveau port ». En 1765,plus de 1 200 esclaves, soit le trafic des comptoirsd'Ekpé et de Badagry réunis, sont exportés depuiscette ville 5.

Cet essor est aussi lié au mode de vente desesclaves. Tout marchand peut vendre directementses esclaves aux négriers et leur acheter en échangedes produits, notamment des armes, sans passerpar l'intermédiaire de négociants du roi qui, dansd'autres comptoirs, contrôlent le trafic. Ce systèmediminue le prix de l'esclave et réduit les bénéficeset donc le pouvoir du souverain. D'une certaine

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manière, Porto-Novo fonctionne comme portfranc.

Ce développement n'est pas sans susciter lajalousie des voisins qui voient les négriers délaisserleurs comptoirs. Vers 1780, l'armée d'Abomeytente de couper les routes des caravanes d'esclavesmenant à Porto-Novo 6. En 1783, le roi de Badagrylance une attaque contre Porto-Novo et le roid'Oyo demande alors au roi d'Abomey de larepousser. Devant son échec, le souverain d'Oyolève une armée composée de troupes de Porto­Novo, d'Abomey, de Kétou et de Mahi pourdétruire Badagry 7. En 1786, Porto-Novo repousseune nouvelle attaque, provenant du royaume deOuémé, grâce aux armes à feu d'un marchandd'esclaves portugais, Antonio Vaz, installé dansla ville 8,

Ces batailles, mettant aux prises différentesalliances, soulignent le rôle déterminant duroyaume d'Oyo qui fournit les esclaves et quiréquisitionne les armées voisines. Celui-ci n'estcependant pas tout puissant et doit lutter à la findu XVIIIe siècle contre les pressions des royaumesdu Nord. Le roi de Porto-Novo percevant cettefaiblesse recherche d'autres alliés qu'il espère trou­ver chez les négriers. Une demande dans ce sensest adressée en 1780 au directeur français du fortde Ouidah 9.

La survie et la puissance des royaumes étantprincipalement liées à leur capacité d'approvi­sionner les négriers, les souverains n'hésitent pasà faire et à défaire des alliances et à chercherl'appui d'interlocuteurs extérieurs. Par l'intermé­diaire des commerçants, le roi de Porto-Novotente en 1788 d'obtenir de nouveau l'appui de laFrance pour construire un fort dans la ville, afinde se protéger de ses belliqueux voisins. Lademande n'aboutit pas, mais elle est connue dusouverain d'Abomey qui, par mesure de rétro­version, envoie son armée capturer des négociantseuropéens installés sur la côte à proximité dePorto-Novo 10.

Ce type d'opération d'intimidation, renouveléeles années suivantes contre d'autres comptoirs,souligne la velléité d'hégémonie du royaumed'Abomey qui cherche à étendre sa zone d'in-

69

6. Ibid., pp. 207-218.7. Ibid.• pp. 207-218.8. Ibid.• p. 215.9. Ibid.• pp. 213-214 (Archivesnationales col 6126).10. Ibid.• p. 215.

11. Ibid., pp. 216-218.12. Akinjogbin, I.A., op. cil.,

pp. 175-202.13. Ibid., pp. 175-202.

14. Verger, Poo op. Cil., pp. 239­243.

fluence. Ces attaques réduisent la circulation versPorto-Novo des caravanes d'esclaves qui se dépla­cent vers le comptoir de Ouidah contrôlé parAbomey 11.

Les nations européennes refusent d'intervenirdirectement en faveur d'un royaume et préfèrentencourager les conflits en n'envoyant leurs naviresque dans les comptoirs où la marchandise estabondante. Quant au royaume d'Oyo, son autoritédépend aussi de sa stabilité interne. Les querellesentre les différents lignages royaux lors des suc­cessions au trône peuvent s'éterniser. Entre 1800et 1805, aucun souverain n'est reconnu à Oyo ;en 1803, le roi d'Abomey en profite pour attaquerPorto-Novo. Quelques années plus tard, le nou­veau souverain d'Oyo envoie ses troupes contreAbomey et oblige son roi à verser de nouveauun lourd tribut. Porto-Novo redevient alors leprincipal débouché d'Oyo 12.

Ce rôle ne durera plus très longtemps. Oyo, àpartir des années 1820, est soumis à la pressionde l'empire peul de Sokoto qui mène une pseudo­jihad (guerre sainte) contre ses voisins du Sud,animistes. Ce conflit aboutit à la disparition d'Oyoet à la naissance de plusieurs royaumes yoruba,moins puissants, développés à partir des villesd'Abéokouta et d'Ibadan 13.

Par ailleurs, la traite perd de sa rentabilité ;les navires négriers moins nombreux ne fréquen­tent plus que quelques comptoirs. Ouidah estabandonné par les négriers entre 1800 et 1810puis redevient, à la suite d'un accord entre lePortugal et l'Angleterre, le seul comptoir de lacôte où est autorisé ce négoce 14.

En 1807, le parlement anglais vote l'abolitionde la traite et envoie ses navires pourchasser lesnégriers. Les royautés africaines tentent alorsd'établir directement des traités avec leurs fidèlesclients. En 1810 un envoyé du roi de Porto-Novoarrive à Bahia où réside la cour portugaise alorsen exil. Il est suivi quelques mois plus tard pardes représentants du royaume d'Abomey. Tousdemandent à bénéficier de l'exclusivité ducommerce avec le Brésil, mais aucun n'obtientsatisfaction. Le régime de la libre concurrence estplus rentable pour les négriers. En outre, un traité

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Plan de Porto-Novo vers1880.

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LIMITE DE QUARTIER

FOSSE D'EXTRACTIONDETERRE

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MOSQUÉE

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PLACETTEDU MARCHÉ JOURNALIER

Ce document conslil ue lepremier et le seul plan de laville avant ceux dessinés audébut du xx' siècle par leservice topographique de lacolonie, Il inventorie lesquartiers, situe les premièresimplantations des négociants etapporte quelques informationsoriginales sur l'organisationspatiale,

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existe entre l'Angleterre et le Portugal visant àfdire disparaître officiellement cette activité 15.

En 1822, le Brésil devient indépendant et établitavec l'Angleterre un nouvel accord interdisant cecommerce 16. Néanmoins, la traite perdure jus­qu'au milieu du XIXe siècle, même si elle perdprogressivement de son intensité. La disparitiond'un tel trafic, qui a animé l'économie d'une régionpendant deux siècles, provoquera de nouveauxbouleversements politiques et sociaux.

Le royaume de Porto-Novo jusqu'à cette époqueest semblable à d'autres royaumes côtiers; sapuissance réside principalement dans sa fonctionde marché. Une fois dégagé de la tutelle et dela protection d'Oyo, il doit lutter pour survivrecontre Abomey. Ses dirigeants, pris entre l'im­périalisme anglais et les vélléités guerrières deleur puissant voisin, trouveront finalement un nou­vel allié, la France.

Avant de passer sous domination française, leroyaume de Porto-Novo n'apparaît pas particuliè­rement puissant. Ses limites géographiques ne sontni stables ni précises. Il se déploie d'abord surquelques dizaines de kilomètres, limité à l'ouestpar le royaume d'Abomey, à l'est par celui deBadagry, au nord par les régions peuplées deHolli et par le royaume de Kétou. Ce n'est qu'àpartir du début du XIXe siècle que le royaumes'étend un peu plus au nord. En général, lesroyaumes côtiers n'offrent qu'une puissance limi­tée. Economiquement, ce sont des marchés subor­donnés à l'offre et à la demande et abandonnéslorsqu'ils n'apportent plus satisfaction. Seul leroyaume d'Abomey tente d'échapper à la tutellede ses voisins, en essayant de conquérir les moinspuissants.

Cette politique expansionniste, nécessaire pourconserver son autonomie, est originale; Akinjog­bin explique en partie ainsi son opposition violenteà la domination coloniale. Les autres royaumes,comme Porto-Novo, habitués à un statut de vas­salité, essaieront au contraire de reproduire cesystème avec les puissances coloniales 17. Lorsquela traite disparaît, ces royaumes privés de leursource d'enrichissement favoriseront souvent l'ins­tallation des représentants des maisons de

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15. Verger, P., op. cil., pp. 251­277.16. Ibid., pp. 302-311.17. Akinjogbin, l.A., op. cil.,pp. 175-202. •18. Akindele, A., 1 Aguessy, c.," Contribution à l'étude l'histoire

de l'ancien royaume de Porto­Novo », M~moire de l'IFAN

(Dakar), n° 25, 1953.

commerce européens, en espérant ainsi conserverleurs fragiles statuts.

La sociétéLa royauté n'est pas remise en cause dans ses

principes par l'économie de traite. Au contraire,les négriers sont à la recherche d'interlocuteurset établissent des accords, le plus souvent verbaux,avec les souverains des royaumes côtiers. Ceuxde Porto-Novo, tout en conservant leur notoriété« mythique », s'enrichissent grâce au commerce.

Jusqu'au début du XIXe siècle, le principe d'al­ternance des lignées royales sur le trône est res­pecté comme en témoigne leur généalogie. L'au­torité du roi diffère selon sa personnalité et sesappuis dans la population. Ainsi certains souve­rains créent à la cour de nouvelles fonctions deconseillers pour asseoir leur pouvoir ; au contraired'autres rois se voient imposer de nouveauxconseillers, choisis par des groupes rivaux ou mêmepar un autre souverain. Le roi Dé Houdé quirégna entre 1746 et 1752 dut même accepterl'installation de l'un de ses anciens rivaux. Celui­ci fut consacré « mewou » par le roi d'Abomeyet occupa une fonction importante. Ce titre futpar la suite institutionnalisé à la cour et futtoujours choisi dans sa descendance 18.

Cet épisode précise la nature des liens entrePorto-Novo et Abomey qui impose ici sa volonté.Il marque aussi comment un système politiques'alimente d'éléments extérieurs, ici un princeévincé, sans être remis en question dans sesfondements et son fonctionnement (ce principeétait déjà énoncé dans le mythe de fondation,avec le personnage du roi étranger, le Zounon).

L'influence des voisins n'est pas la seule limiteau pouvoir royal. La traite favorise l'enrichisse­ment de certaines familles et amène de nombreuxmigrants; elle relativise parfois considérablementson autorité (dans quelques cas aussi, elle peutla renforcer) ; mais rapidement le système royaln'est plus le seul pôle de pouvoir dans la ville.

Bien que la présence de nombreux Yorubaassujettis au royaume d'Oyo constitue aussi un

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frein à son pouvoir, le souverain les tolère: laconcurrence entre comptoirs l'oblige à favoriserle transit et la vente des esclaves dans sa ville.Il est dès lors indispensable pour un homme quine possède pas d'armée permanente, capable decapturer des esclaves et de se protéger des voisins,d'entretenir les meilleures relations avec les autresroyaumes. Ces relations passent à Porto-Novo parles Yoruba souvent originaires du royaume d'Oyo.Loin d'être rejetés de la cité adja, ils sont néces­saires à son développement économique.

L'installation de négriers constitue aussi un atoutessentiel pour assurer la continuité du commerce(de nombreux comptoirs furent, après une ère deprospérité, désertés par les Européens qui pré­férèrent d'autres places plus attractives). Lademande de construction d'un fort par le roi en1788 est à replacer dans ce contexte. L'investis­sement qu'il constituerait pour la compagnie decommerce entérinerait la fonction de la ville.

Le roi favorise aussi la venue de Brésiliens etde Portugais qui s'installent d'abord à Sémé, levillage côtier face auquel mouillent les navires,puis à Porto-Novo au début du XVIIIe siècle. Ceshommes, souvent mariés « à la mode du pays »,c'est-à-dire avec des Africaines, deviennent rapi­dement les intermédiaires obligés entre les compa­gnies et les négociants africains, et s'enrichissentplus que tout autre. Leur fonction et leur fortuneleur permettent de s'affranchir de l'autorité royaleet même parfois d'imposer leur volonté au sou­verain. Certains rois ou des prétendants au trône,voulant imposer leur autorité à des familles rivales,s'appuiront sur ce groupe social.

A ces premiers négociants s'ajoutent à partirdu début du XIxe siècle, les «Afro-Brésiliens »,c'est-à-dire d'anciens esclaves affranchis ou ayantpu au Brésil racheter leur liberté. Plutôt que derevenir dans leurs villages d'origine situés à l'in­térieur du continent, ils préfèrent se fixer dansles comptoirs économiquement plus développés.Enfin d'autres esclaves en partance pour l'Amé­rique s'établissent dans ces comptoirs après l'ar­raisonnement de' navires négriers par la flotteanglaise et un séjour à Freetown en Sierra Leoneoù ils sont reconduits.

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Selon Akindélé et Aguessy 19, le roi offre l'hos­pitalité vers 1780 à un Brésilien, Pierre, qui devientun commerçant particulièrement puissant dans laville. Il laissera son nom à un quartier, Fiekomé,déformation de Pierre Komé ou quartier de Pierre.Selon Adams, ce Pierre serait «Haoussa », ilaurait été amené comme esclave en Europe et seserait établi à Porto-Novo vers 1775 devenantrapidement conseiller du roi qui lui offrit un vasteterrain dans la ville 20. Il fut notamment chargéde négocier auprès des négriers français laconstruction d'un fort. Sa puissance et sa richesseéclipsaient pour ce voyageur anglais celles du roi.

Le mouvement de retour des esclaves prend del'ampleur à partir des années 1830 lorsque la traiteest abolie au Brésil. Cet Etat favorise le retourd'une population devenue encombrante. Plusieursmilliers d'anciens esclaves s'embarquent enquelques années sur des navires et se dispersentprincipalement à Lagos, Porto-Novo, Ouidah etGrand Popo. Maîtrisant la langue du commerceet connaissant bien ses formes, ils concurrencentrapidement les premiers négociants. En 1845, leBrésilien Domingo José Martin obtient la protec­tion du roi Dé Sodji pour continuer le commerced'esclaves malgré son interdiction théorique 21.

Les négociants, quelles que soient leurs origines,possèdent un réel pouvoir même s'ils restent peunombreux, sans doute moins d'une centaine defamilles à Porto-Novo jusqu'au milieu du XIXC

siècle. L'activité qu'ils déploient suscite une forteaugmentation de la population urbaine et cesnouveaux venus ne reconnaissent guère l'autoritéroyale. L'installation de familles «brésiliennes»et plus généralement l'essor commercial entérinentle processus de constitution d'une société civile.

Maison brésilienne.

L'une des originalités de Porto­Nova est d'avoir été sur cettecôte un des lieux de retour desesclaves envoyés au Brésil. Ceux­ci édifieront à la fin du XIX< etau début du xX< siècle desmaisons qui rappellent celles deleurs anciens maîtres comme entémoignent ici les motifsdécoratifs.

73

19. Verger, P., op. cil., p.214.20. Ibid., p. 214.21. Ibid., p. 467.

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Maison de commerce.

Les • Afro-Brésiliens.développeront et contrôleront le

commerce dans la ville. lisédifieront près de la lagune de

nombreuses maisons decommerce.

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Mosquée.

Musulmans pour la plupart, lesAfro-Brésiliens feront édifier denombreuses mosquées inspiréesde l'architecture brésilienne dansles formes, dans la décorationcomme dans les colorations.Celle-ci est considérée commel'un des plus anciennes mosquées" brésiliennes» de la ville.

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Fenêtres d'une maisonbrésilienne.

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Chapitre 2

Des Brésiliensaux Européens

La colonisation «effective» du royaume dePorto-Novo ne se réalise pas le temps d'uneconquête territoriale, elle se déroule sur plusieursdizaines d'années en s'appuyant sur des couchesde la population et sur des institutions locales.Ce processus ne touche pas toutes les composantesd'une société de la même façon, même si fina­lement aucun groupe n'est épargné par les trans­formations sociales et économiques.

L'histoire « précoloniale » de Porto-Novo nouspermet de comprendre comment s'articulent d'unepart les différentes composantes d'une société,d'autre part un royaume avec ses voisins. L'histoirede sa colonisation fait apparaître les faiblesses etles carences de ce royaume.

Esclaves et huile de palmeLa propagande en faveur de l'abolition de la

traite n'est pas suivie aussitôt de mesures répres­sives susceptibles de décourager les traitants. APorto-Novo, les négriers bénéficient toujours jus­qu'au milieu du XIX· siècle du soutien des autoritéslocales.

Lorsq ue la traite disparaît effectivement, lescommerçants privés de leur principale source derevenus en recherchent d'autres et favorisent ledéveloppement des productions agricoles locales,principalement le palmiste, l'huile de palme. Sous

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le règne du roi Sodji (1848-1864) sont envoyéesdepuis Porto-Novo les premières cargaisons d'huilede palme vers l'Europe, par la maison decommerce marseillaise Régis 22. Quant aux Afro­Brésiliens ils exportent cette denrée vers le Brésilavec lequel ils sont toujours en contact.

L'administration française au milieu du XIXe

siècle ne s'intéresse guère au royaume de Porto­Novo, dont elle situe mal la puissance et la naturedes liens avec les royaumes voisins. Les quelquescommerçants français installés à Ouidah se pré­occupent principalement de leurs relations avecle royaume d'Abomey qui fait la loi dans larégion.

En revanche, les Anglais qui ont pris une partactive dans la répression de la traite, sont plusaccoutumés à fréquenter ces terres et ont desprojets plus précis. Implantés à Lagos, ils tententd'établir des traités de protectorat et de commerceavec les royaumes voisins. En 1843, le roi dePorto-Novo, Medji, demande la protection del'Angleterre afin de se prémunir des attaquesd'Abomey. Aucun accord n'est conclu et sonsuccesseur Sodji ne réitère pas la demande quiimplique la cessation totale du commerce desesclaves 23.

L'installation permanente à Lagos de l'admi­nistration anglaise, qui obtient en 1861 une portionde territoire tout autour de l'embouchure du fleuveOgoun, se traduit par l'instauration d'une nouvelledouane. Toutes les marchandises acheminées àLagos pour être embarquées pour l'Europe sontdésormais taxées. Les paysans et les commerçantsestiment ces redevances trop élevées et détournentles marchandises vers d'autres ports comme Bada­gry ou Porto-Novo aux taxes plus modiques. Afinde rendre le comptoir de Lagos plus rentable, lesAnglais cherchent à contrôler les marchés voisinspour réduire la concurrence. En outre, l'occu­pation de ces places permettra de créer de nou­veaux pôles de diffusion des marchandises impor­tées en Afrique.

Ne pouvant pas toujours établir des traités àl'amiable, les Anglais envisagent d'utiliser la force.En 1861, une cannonière anglaise venue de Lagosbombarde la ville de Porto-Novo pour pousser le

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22. Pineon, R.G., L'intégrationdu protectorat de Porto-Novo àla colonie du Dahomey, thèse de3' cycle, Université de Paris VII,

Paris, 1978.23. Ibid.

24. Fonssagrives, J., Notices surle Dahomey.

25. Pineon, R.G., op. cit.,pp. 67-72.

roi Sodji à conclure un accord. Celui-ci, réalisantqu'il ne peut lutter seul à la fois contre lesprétentions des Anglais et celles d'Abomey, faitappel à la France, représentée indirectement parquelques maisons de commerce récemment ins­tallées. L'administration française hésite d'abord,ne voyant pas l'intérêt de protéger un royaumepeu puissant et craignant les réactions d'Abomey,mais poussée par les maisons de commerce concur­rencées par les Anglais, elle établit finalement en1863 un traité de protectorat. Un agent de lamaison Régis est nommé consul auprès du roi dePorto-Novo 24.

Ce traité complété par un autre, quelques moisplus tard, stipule que le roi et les chefferiess'engagent à interdire la traite et les sacrificeshumains, à respecter la propriété des personnes,à ne pas faire obstacle à l'installation des mis­sionnaires et à céder les droits de douane et ladirection des affaires avec les gouvernementsétrangers à la France, en échange de quoi celle­ci protège le royaume de ses voisins. Le roi nemaintient son autorité qu'au niveau des affaireslocales.

Cet accord ne dure guère. Il est dénoncé parle successeur du roi Sodji, Mekpon, dès 1864. LaFrance ne réagit pas, hésitant toujours à investirde l'argent et des hommes dans la région. Cen'est qu'en 1874, lors de l'accession au trône dunouveau roi, Toffa, que des liens seront renoués 25,

mais jusqu'en 1883, la France ne sera représentéedans la ville que par quelques maisons decommerce.

La protection de la métropole est désirée parles commerçants français qui souhaitent son aidepour réduire la concurrence et développer lemarché. La demande en palmistes et en huile esten constante augmentation, en raison de lademande de savon en Europe, mais l'état deguerre entre les royaumes, hérité de la traite,s'accorde mal avec une économie de plantation.

A Porto-Novo plusieurs maisons de commercesont implantées, françaises, allemandes, anglaiseset même portugaises. Les maisons françaisescontrôlent l'essentiel du négoce de palmistes etd'huile de palme, les autres sociétés diffusant

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Concession brésiliennedans le quartier Oganla.

Les bâtiments recouverts de toitsde tuiles il l'origine, regroupentd~ nombreuses pièces et sonlindépendant~ les uns des autres.Souvent bordés d'une galerie surla façade principale. ils sontdisposé:) dans un va~te enclosentouré d'un mur et auquel onaccl'dc par un porche.1. Salon - 2. Cuisine -3. Chambre - 4. Atelier ­5. Toilelles.

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Maisons brésiliennesà proximité

du grand marché.

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plutôt les produits importés. En 1876, la « fac­torerie Régis à Porto-Novo est tellement prospèrequ'elle a dû établir trois succursales dans la villemême, et les bénéfices de cette factorerie per­mettent seuls de soutenir la concurrence anglaisede Lagos 26 ».

La plantation de palmiers à huile s'organise demanière intensive grâce aux capitaux apportés parles maisons de commerce européennes. A Porto­Novo, la palmeraie s'étend tout autour de la ville.Le personnel importé reste peu nombreux; unou deux Européens généralement assistés par desnégociants locaux, notamment les Afro-Brésiliensqui cherchent aussi des activités de reconversion,organisent la production et la commercialisation.Quant aux paysans, ils profitent également del'économie de plantation; la vente de l'huile auxnégociants est plus lucrative que celle des pro­ductions agricoles traditionnelles. Même si leurenrichissement reste limité, leur position devientprivilégiée si on la compare à celle des paysansdes régions voisines.

Le passage de la traite négrière à la traite del'huile de palme se fait sans difficulté majeure etne remet pas en cause immédiatement les rapportssociaux dans les comptoirs, les chefs et les roispercevant des taxes sur le trafic. Globalement, lapopulation du royaume de Porto-Novo profite del'économie de plantation comme elle a bénéficiédu commerce des esclaves. Les anciens esclavesde Porto-Novo demeurent dans la ville et utilisentleur nouveau statut pour trouver une place dansl'économie urbaine. Souvent Yoruba d'origine, ilsimitent les Afro-Brésiliens. Ne possédant pas debiens fonciers, ils s'initient au commerce, plutôtque de revenir dans leurs villages.

Le plus souvent, ils investissent le secteur ducommerce de détail ou assurent le transport desmarchandises vers Lagos. Généralement, ils conti­nuent à résider dans les concessions de leursanciens maîtres, dont ils s'émancipent économi­quement, de manière progressive, en accumulantles bénéfices de leur négoce.

Doucement mais sûrement, le pouvoir de l'aris­tocratie diminue dans la ville et dans la région.De nombreux villages écoulent leurs productions

26. Pincon, R.G., op. cil.,pp. 51-52 (ANSOM FOMAfrique IV dos. IOc).

79

Porle el porche d'unemaison brésilienne.

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21. HOUNDJI 22. DE TOLI1913-29 1928-39

19. DÉTOFFA1874 -1908

.--------.----1---..------.1

23. GBÉHINTO1930-41

20. GBEDISIN1908 -13

1. TÉ AGBANLIN

1 . 1 15. DÉlESSÉ

12. DE HYAKPON 3. DELOKPON 4. DÉ HUDÉ 6.DÉHWIN

1729

r39

~1746

r52 1759

r57 TI

-

61

9. DÉ AYATON 7. DÉ GBEYON 10. DE HUFON 11. DÉ AJOHAN 8. DÉ AYIKPÉ 12. DÉTOYI1783-94 1761-75 1794

rl807

1807rl6 1775-83 1816-1818

1

13DÉl 16. DÉSODJI 15. DÉMEYL 14.DETOYON1818-28 18 8-64 1836-48 1828-36

18. DÉMÉSI 17. DÉ MIKPON1872-1874 1864-72

directement vers la côte sans s'acquitter des taxesauprès du roi. Cette période de prospérité pourPorto-Novo ne pose cependant pas la ville commele centre d'une région économique. Les zones deplantation sont circonscrites à son arrière pays aunord, et les échanges se font principalement avecLagos via la lagune, axe de circulation privilégié.Le royaume reste toujours tourné vers le mondeyoruba et a peu de contact avec les royaumes del'ouest, orientés vers les comptoirs de Ouidah etde Grand Popo.

La difficile circulation des marchandises consti­tue le principal obstacle à l'essor du commerce.Le seul port maritime à l'abri de la barre, oùpeuvent mouiller les navires et où les opérationsde transbordement s'effectuent sans difficultés, estLagos aux droits de douane très élevés. A Séméou Cotonou, villages côtiers contrôlés par dessouverains locaux où les taxes sont plus faibles,la barre empêche l'accostage des navires qui mouil­lent au large et qui ne peuvent être atteints quepar pirogue. La lenteur et les dangers du trans­bordement rendent Lagos plus compétitif. Aussi,les négociants de Porto-Novo restent tributairedes Anglais, d'autant que presque toutes les tran­sactions se font dans la région en livres sterling.La suprématie anglaise dans le golfe de Guinéeinquiète la France qui cherche à s'y installer. Lenouveau souverain de Porto-Novo, Tofia, l'yencouragera pour asseoir son pouvoir.

De la royauté au protectorat

24. ADJIMAVO1941-46

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les institutionsroyales de Porto-Novo ne sont pas contestées parles Européens. Le comportement et l'itinéraire dudernier roi, Tofia, illustre bien comment ces ins­titutions, prises dans un jeu politique qui lesdépasse, deviennent progressivement un relaispour le futur colonisateur.

Le prince Dassi Sodji Lokpon, futur Toffa,appartient à la lignée royale Dé Lokpon. Sonpère Dé Sodji occupe le trône de 1848 à 1864 àune époque où Anglais et Français manifestentdes vélléités d'installation sur cette côte. Son fils,

Maison de commerçant, àproximité de la lagune.

25. GBEFFA1946-76

Généalogie des rois dePorto-Novo.

Cinq lignées sont issues dufondateur Té Agbanlin. Ledernier ~ chef supérieur »,

Gbeffa, descend directement duroi, Toffa, mort en 1908, date à

laquelle la royauté futofficiellement supprimée par

l'administration coloniale.

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Bâtiments officiels del'époque coloniale.

En haut, Je bâtiment deJ'ancienne assemblée, aujourd'huidétruit, était remarquable parcette avancée en bois ouvragé,que l'on retrouve dans desmaisons brésiliennes.En bas, ce bâtiment occupéaujourd'hui par la police futconstruit au début du siècle avecdes pierres importées de larégion de Sakété au nord.

27. Pincon, R.G., op. cil.,pp. 58-67.

28. Ibid., pp. 72-77.

qui ne peut théoriquement régner, le trône reve­nant à un descendant d'une autre lignée royale,convoite cependant le pouvoir royal, et tented'obtenir l'appui des Anglais de Lagos où il résidependant quelques années.

En 1867, il tente de débarquer à Porto-Novosur une canonnière anglaise. Néanmoins, il n'osefinalement donner l'attaque, craignant sans doutede s'aliéner l'ensemble de la population; l'ex­pédition est un échec. Il décide alors de s'allierau roi d'Abomey, Glélé, chez lequel il va résider.Ce souverain espère, en favorisant l'installationde Toffa, contrôler un royaume aux alliancesincertaines.

A la mort du roi Mékpon, Je prince Sohingbé,soutenu par la population et par la cour, doitaccéder au trône, mais Toffa se fait sacrer roi àAbomey et, appuyé par l'armée de Glélé, se rendà Porto-Novo et occupe la place. Pendant plusieursmois les troupes d'Abomey demeurent dans laville pour le protéger. Ses ennemis sont forcésde se soumettre ou de s'enfuir dans les royaumesvoisins et à Lagos 27.

Toffa, une fois maître du royaume, espèregouverner seul; il renvoie les soldats d'Abomeyet se brouille avec Glélé. Il refuse aussi la pro­position des Anglais qui lui offrent, en échangede la cession des droits de douane, la protectionmilitaire et une rente annuelle. Pire, il établit unembargo sur le commerce britannique dans le petitroyaume de Ouémé vassal de Porto-Novo. Devantcette attitude, les Anglais décident de faire allianceavec d'autres micro-royaumes voisins afin de priverPorto-Novo de débouchés sur la mer. En 1879,les Anglais concluent un accord avec le roi d'Abo­mey, espérant faire céder Toffa ; celui-ci réponden demandant en 1882 le rétablissement du pro­tectorat français sur ses terres 28.

Ce protectorat est établi en avril 1882 ; la Franceveut alors éviter que l'Angleterre ne s'annexel'ensemble des établissements côtiers. Engagéedans la conquête du continent à partir du Sénégal,elle projette de rejoindre par le nord ces côteset veut disposer d'une base sûre. En 1884, leCongrès de Berlin, chargé de définir les zonesd'influence des puissances coloniales, entérine cet

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Bâtiments de l'époquecoloniale, construits vers1920.

A gauche, un bâtiment public; àdroite, une école protestante; enbas, la poste.

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accord qui laisse toute ouverture pour une futureconquête.

Contrairement au traité de 1863, l'accord de1883 réduit le pouvoir du roi dans les affairesintérieures. Un «Résident» français est chargéde l'assister; en fait, il possède un droit de regardsur ses activités. Le régime du protectorat, peuemployé en Afrique noire par l'administrationfrançaise, se veut théoriquement une forme plusdouce de contrôle social, par opposition au régimede la colonie qui enlève toute prérogative auxautorités locales. Il permet d'éviter l'utilisation dela force pour s'imposer, en accordant un certainpouvoir aux chefs traditionnels et en laissant sup­poser que ceux-ci conservent presque intacte leurautorité.

A Porto-Novo cette procédure est employée enraison de la demande du souverain et de l'ancientraité conclu vingt ans plus tôt. Elle permet l'ins­tallation de l'administration française sans diffi­culté, mais elle est provisoire et aura pour objetde préparer la venue du pouvoir colonial.

Lorsque Dorat, le Résident français, arrive àPorto-Novo, la puissance du roi est affaiblie;certains royaumes vassaux et de nombreux villagesrejettent son autorité. Le souverain lui-même nese sent pas en sûreté et fait construire une rési­dence aux limites de la ville, délaissant le palaisroyal où demeure la cour qui lui est aussi enpartie hostile.

Le Résident réalise que le protectorat ne pré­sente d'intérêt que si l'ensemble du royaumereconnaît le roi. Aussi, décide-t-il de soumettreles habitants des environs de Porto-Novo, au nomdu respect d'une intégrité territoriale et de larestauration de l'autorité royale, concepts qui n'ontjamais eu dans le royaume de Porto-Novo le sensque leur attribuent les Français. Cette actionconstitue la première phase d'un projet plus large,visant à conquérir d'autres royaumes. Ces viséesne sont alors que partiellement reprises par l'ad­ministration française qui hésite encore à s'engagerpleinement dans la conquête coloniale, craignantd'y investir à pure perte. Jusqu'aux années 1890,le contrôle territorial reste limité ; il faut attendrela venue d'un nouveau Résident en 1889, Victor

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Ballot, pour que se dessine le projet de coloni­sation.

La conquête coloniale

Le contrôle du territoireLa dernière décennie du XIXe siècle est marquée

par la mise au pas des populations qui s'opposentà l'administration française, en premier lieu leroyaume d'Abomey. Les raisons de cette conquêtesont d'ordre économique et politique et dépassentlargement les querelles entre monarques locauxinvoquées pour justifier cette intervention.

Les débouchés sur la mer de la France ne sontpas encore clairement définis: le contrôle d'uneportion de la côte par Porto-Novo est mise enquestion par les Anglais, qui voudraient isoler lespossessions françaises, et par le royaume d'Abo­mey qui prétend avoir la souveraineté sur le villagede Cotonou. Plus à l'ouest, les Allemands sontinstallés dans les comptoirs d'Anécho et GrandPopo.

La France privée d'une ouverture maritime per­drait l'utilité du contrôle de Porto-Novo, d'autantqu'elle projette de relier ses récentes conquêtesterritoriales du Nord à ces côtes, et qu'elle veutempêcher les Anglais d'unir la base de Lagos àla Côte de l'Or (actuel Ghana). Dans cetteoptique, il est urgent et nécessaire pour la Francede marquer militairement sa présence sur uneportion de territoire côtier.

Les prétentions du royaume d'Abomey consti­tuent un argument idéal pour une intervention.Le roi Glélé, mécontent de l'ingratitude de celuiqu'il a porté sur le trône de Porto-Novo, reven­dique la région de Ouémé, puis le royaume dePorto-Novo, et envoie ses troupes attaquer la villeen 1889. Le Résident français propose à songouvernement deux alternatives: la premièreconsiste à organiser une expédition punitive contrele roi d'Abomey, la seconde à déporter le roiToffa, source du conflit, afin d'éviter de s'opposerdirectement à Glélé, le Résident espérant établirun accord à l'amiable avec celui-ci. La première

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Passage d'un missionnairesur la lagune à la fin du

XIX' siècle.

La pénétration coloniale s'estfaile tout autant par les

missionnaires que par lesmililaires qui furent chargés

d'évangéliser mais surtoutd'instruire les Africains destinés

à devenir les auxiliaires del'administration.

(in E. Foa, Le Dahomey, 1895).

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solution est envisagée afin de marquer la puissancede la France (l'autre proposition souligne le peude considération accordée à Toffa). Finalementaucune expédition n'est montée, mais la manièreforte est retenue en cas de récidive 29.

A la mort de Glélé, Béhanzin, le nouveau roipoursuit cette politique. Un accord est conclu en1890, cédant Cotonou aux Français et interdisanttoute action contre Porto-Novo, mais deux ansplus tard, Béhanzin envoie ses troupes attaquerla ville. L'incident, présenté par la France commeune remise en cause de l'intégrité territoriale etune preuve de la mauvaise foi du roi, permetd'engager la guerre contre Béhanzin. De nombreuxhabitants de Porto-Novo sont réquisitionnés pourformer les bataillons « indigènes ». Après plusieursannées de combats, Abomey est occupé et sonroi déporté. En 1894, la colonie du Dahomey estcréée par le décret du 22 juin. Son premier gou­verneur, Victor Ballot, est chargé de continuer laconquête dans le nord du pays ; elle s'achèveraen 1898 3°.

L'administration remplace un ensemble deroyaumes et de chefferies aux limites territorialessouvent mal définies par une organisation centra­lisée en un chef-lieu, Porto-Novo, où sont ins­tallées les instances décisionnelles de la colonie,et elle découpe le territoire en Cercles. La coloniedépend jusqu'à la création de l'A.O.F. en 1895du territoire des « Rivières du sud» dirigé depuisConakry. A cette date, elle devient un élémentde la nouvelle fédération, qui a comme capitaleDakar au Sénégal, et se retrouve encore pluséloignée du centre de décision.

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Les centres urbainscoloniaux. La fin d'un système politiqueL'administration s'appuie surl'infrastructure urbaine existanteet favorise aussi ledéveloppement de petites villes,notamment dans les zones deplantation de palme. Dansl'arrière pays de Porto-Novo, lesplaces de Pobé et Sakété sontreliées par le chemin de fer àCotonou et voient au début dusiècle leur population augmenter.

29. Archives nationales duBénin, Porto-Novo, dossier non

numéroté.30. Cornevin, R., La République

populaire du Bénin (1962),rééd. : Paris, Maisonneuve et

Larose. 1981.

La victoire militaire sur le royaume d'Abomeymarque la fin du respect des pouvoirs des chefferiestraditionnelles, utilisés un temps par la puissancecoloniale pour s'imposer. Désormais, des fonc­tionnaires sont nommés pour gérer la colonie. Telest le cas à Porto-Novo où s'installent les premiersemployés de l'administration. Les autorités colo­niales s'emploient à réduire les dernières préro­gatives du roi notamment en matière de justice,

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de perception des droits de douane et de droitsfonciers. Les nouvelles lois ne lui accordent que3,5 % des recettes douanières. Le prestige du roidiminue encore lorsqu'est institué l'impôt de capi­tation (par individu), imposé notamment grâce àson appui 31. Ses pouvoirs de justice sont aussiréduits, bien qu'il conserve une certaine autorité.Les Porto-Noviens le considèrent toujours commele garant d'un droit ancestral, malgré l'oppositionde l'administration qui veut appliquer son systèmejudiciaire.

Enfin, la réforme foncière de 1904 proclamel'Etat français propriétaire des terres «vacanteset sans maîtres» et s'arroge par cet artifice ladistribution d'une part importante du sol, parti­culièrement dans les zones qui lui sont directementutiles, les zones de production agricole. A Porto­Novo, la situation est plus complexe en raison del'emprise foncière ancienne des habitants, maisgrâce au roi qui, traditionnellement, est le garantdu sol, les autorités coloniales prennent possessionde vastes domaines non bâtis, qui étaient sous saresponsabilité.

La neutralisation des autorités traditionnelles nese fait pas violemment; l'administration empiètelentement sur le domaine réservé du roi et aug­mente progressivement les taxes et impôts. En1905, ces mesures provoquent un soulèvementgénéral de la population de Sakété, un petit bourgau nord de Porto-Novo situé dans la zone deproduction agricole. Les manifestations des habi­tants qui refusent de payer les taxes sur la pro­duction sont durement réprimées. Les nombreusesarrestations marquent le caractère répressif dunouveau régime et l'absence de pouvoir du roi,incapable d'intervenir dans le conflit. Peu avantsa mort, dans un dernier sursaut, Toffa s'allieraà certains opposants à la présence française, espé­rant reconquérir, en vain, une certaine notoriété 32.

Sa mort en 1908 ne marque pas la fin desconflits. Le prince Sohingbé, écarté du trône parToffa, bénéficie de l'appui des Anglais et desPorto-Noviens et espère à cette occasion revenirau pouvoir. Pour éviter son retour, les autoritéscoloniales nomment immédiatement un successeur,le prince Adjikui, fils direct du roi, en contra-

87

31. Pincon, R.G., op. cil.,pp. 138-145.32. Ibid., pp. 213-247.

33. Ibid., pp. 268-294.

diction avec les coutumes locales. Cette nomi­nation renforce le mécontentement des tradition­nalistes. L'administration entretient les rivalitésentre les différentes factions incapables de s'ac­corder sur une même personne, et arrive à imposerson candidat qui prend le nom de Gbedessin.

Affublé du titre de Chef supérieur, salarié del'administration, il a comme fonction essentielle,d'être un intermédiaire entre l'appareil colonialet les Africains, d'obtenir l'obéissance des chef­feries aux décisions officielles et de faire accepterles impôts. Le pouvoir dans la colonie n'est plusdans les mains que d'un seul homme, le lieutenantgouverneur.

A la mort de Gbédessin en 1913, des incidentséclatent lors de l'élection du nouveau chef supé­rieur. Un prince partisan des Français est choisipar l'administration mais n'est pas reconnu par lapopulation. Le Prince Sohingbé qui espère encorerevenir au pouvoir en s'appuyant sur une partiedu peuple est expulsé de la colonie. De retouren 1920 à Porto-Nova, il continue à intriguer avecles mouvements anti-Français qui s'organisent tou­jours à partir du refus de paiement des impôts.De violentes manifestations se déroulent à Porto­Nova en 1923 ; la troupe intervient et le princeSohingbé est définitivement déporté 33.

Ce mouvement est la dernière opposition activeà l'installation de l'administration française. Sarépression consacre la puissance du nouveau pou­voir. Les chefs supérieurs ne sont plus que desinstruments de la politique coloniale. Il aura falluune trentaine d'années pour en arriver là. L'op­position ne disparaîtra pas totalement, mais pas­sera à partir des années trente par les mouvementspolitiques et syndicaux.

L'opposition aux autorités coloniales aura étéfinalement plus forte de la part des citadins etdes paysans que de la famille royale qui, sanscesse, a composé espérant conserver une partiede ses prérogatives. Ce comportement pose aposteriori la question du pouvoir détenu jadis parles souverains de Porto-Nova. A plusieurs reprises,la dépendance de ce régime vis-à-vis d'autresroyaumes a été notée ; nous l'avons signalé, lesvoyageurs étrangers, comme Adams vers 1860,

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El 0

LAGUNE

Tracés de nouvelles voiesà l'ouest de l'ancienneville (1920).

Une voie de chemin de fercontourne la pente et marque lalimite de la partie nouvelle de laville au début de ce siècle.1. Hôtel du Gouvernement -2. Imprimerie du Gouvernement- 3. Résidence - 4. Hôpital ­5. Travaux publics - 6. Posteset télégraphes - 7. Missioncatholique - 8. Douane -9. Usine électrique - 10. Servicetélégraphique - Il. Serviceévangélique - 12. Nouveaucamp de la garde.

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soulignent la richesse et la notoriété de certainscommerçants et de dignitaires mais n'insistentguère sur l'autorité du roi.

Contrairement à Abomey où l'autorité est déte­nue effectivement par le monarque, à Porto-Novo,le pouvoir est dilué dans différents groupes, lelignage royal, les familles de dignitaires et lescommerçants.

La taille du royaume est aussi liée au moded'exercice du pouvoir. Dans la royauté d'Abomey,le souverain soumet par la force ses voisins etagrandit progressivement son aire de domination.A Porto-Novo, le roi ne contrôle pas l'armée etne peut entreprendre une action militaire sansl'accord des dignitaires. Ceux-ci d'une part entre­tiennent de solides relations économiques avec lesroyaumes voisins et, d'autre part, ne veulent pasoffrir au souverain, par des conquêtes, l'oppor­tunité d'accroître une autorité, qui demeure avanttout symbolique.

Quelques rois tentent toutefois de modifier cesrapports, en s'alliant avec des interlocuteurs exté­rieurs, parfois avec plusieurs partenaires antago­nistes, espérant tirer leur épingle de ce jeu péril­leux. Tel est le cas de Toffa qui, en s'alliant avecle roi d'Abomey, espère s'imposer à Porto-Novo,puis tente d'autres alliances pour asseoir son auto­rité. De son histoire, il reste l'image quasi tragiqued'un prince épris de pouvoir qui n'hésitera pas,pour arriver à ses fins, à s'allier à tous ceux quine rêvent que de s'approprier son royaume, etqui espère, malgré tout, se jouer de tous ces fauxalliés.

Société et religionLe panorama de tous ces événements peut

suggérer que les fondements de la société perdentde leur densité. L'institution royale ne sembleplus qu'une façade. L'économie progressivementmonétarisée est dans les mains d'agents français,anglais et afro-brésiliens. Les paysans ne sontsouvent plus que des employés de plantations etle système social traditionnel s'en trouve affecté.

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A l'inverse, il est possible d'imaginer que cestransformations bouleversent peu les mentalités etles référents de la population, hormis quelquesgroupes privilégiés qui perdent leur pouvoir. L'éco­nomie de traite a depuis longtemps introduit leprincipe de la marchandise; seules les productionschangent. La substitution à l'aristocratie localedes Brésiliens et des colons n'est pas un événementmajeur pour de nombreux paysans et petits négo­ciants, habitués à subir le poids des puissants etqui ne font que changer d'interlocuteur. Enfin lesrelations de parenté qui fondent les rapports entreles individus ne sont pas fondamentalementremises en cause. Le lignage constitue toujoursle cadre privilégié des relations sociales.

Ces deux points de vue ne sont pas nécessai­rement contradictoires; ils possèdent leur part devérité et correspondent chacun à des niveaux deréalité différents. Pour présenter ces changementset ces continuités, qui font le dynamisme de lasociété de Porto-Novo, il conviendrait d'analyserl'ensemble des pratiques sociales. L'évolution descroyances religieuses en est un exemple.

Les cultes animistes constituent jusqu'au débutdu XIX" siècle le seul système de croyance. L'islamne touche alors que les royaumes du Nord (empirepeul de Sokoto) et n'atteint la côte que par lesYoruba et les Haoussa 34. Ce n'est qu'à partir desannées 1850 que s'installent des musulmans, lesYoruba «de souche» et les Yoruba afro-brési­liens. Les uns et les autres ne se réfèrent pasforcément aux mêmes pratiques religieuses et neforment pas un groupe homogène. En outre, laplupart continue à respecter les anciens cultes.Aussi les prêtres animistes et les rois tolèrentl'installation de cette nouvelle religion qui s'ajouteau panthéon local.

En 1848, le roi Sodji accorde à un prince yoruba,lié à la royauté d'Oyo et de retour du Brésil, unterrain pour bâtir une mosquée 35. A la mêmeépoque une famille peule aurait élevé une autremosquée dans le quartier Houézounmé. L'aug­mentation régulière du nombre de musulmansamène la nomination d'un imam par le roi Sodjiet la construction d'une grande mosquée vers

34. Verger, P., op. cil.35. Ibid.

89

Culte animiste.

Cet initié porte le vodounHevioso qui est enfermé dans

une jarre habiUée et décorée deplumes de perroquet.

(photo M.J. Pineau Jamous,1968).

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1880 ; en outre, le nombre de mosquées de quar­tier augmente régulièrement. Vers 1915, PaulMarty estime à 5 000 le nombre des musulmansdans une ville d'une vingtaine de milliers d'ha­bitants, et compte une douzaine de mosquées 36.

L'implantation de la religion catholique est plusmouvementée. Dès le XVIIe siècle, des moinescapucins espagnols tentent sans succès de convertirla royauté d'Allada. A partir du XIXe siècles'amorce un mouvement d'évangélisation menépar des missionnaires protestants, depuis Lagoset Badagry, et des missionnaires catholiques.

Les protestants s'installent à Porto-Novo en 1851et les catholiques, déjà fixés à Ouidah, en 1861.Les différents missionnaires requièrent auprès duroi un terrain pour fonder un lieu de culte. Lesouverain, qui ne peut s'opposer directement àdes demandes appuyées par les commerçants etles représentants du pays, dont il espère obtenirla protection, répond favorablement à leursrequêtes malgré l'opposition des prêtres animistes.

Pendant plusieurs dizaines d'années, l'action desmissionnaires est limitée et ne touche que lesEuropéens et quelques Afro-Brésiliens convertislors de leur séjour au Brésil. Certains conflitsaboutiront même au départ des missionnaires pro­testants en 1867, lesquels ne reviendront qu'en1876 37

Devenu colonie française, le Dahomey est àpartir des années 1890 un lieu privilégié d'exercicedes missionnaires catholiques, appuyés par l'ap­pareil colonial. La conversion d'une fraction dela population locale est partiellement liée au faitque l'accès au savoir, et donc aux emplois, passepar l'apprentissage dans les écoles et les séminairestenus par les prêtres. Aussi, l'adhésion au catho­licisme n'est pas tant un acte de foi que l'expressiond'un désir d'élévation sociale dans la société colo­niale. Adoptée par de nombreux Afro-Brésiliens,cette religion symbolise un statut privilégié. Lesmissions de Ouidah et de Porto-Novo contrôlentles établissements scolaires où sont formés lesfuturs employés de l'administration. Parallèlement,l'islam devient lui aussi un référent commun pourles Yoruba qui commercent avec les régions isla­misées du nord et de l'est.

90

36. Marty, P., Etudes sur l'islamau Dahomey, Paris, ErnestLeroux, 1926.37. Verger, P., op. cit.

A ce niveau, les deux religions monothéistesimportées s'inscrivent dans un processus de ruptureavec le passé. Toutefois, la situation est pluscomplexe, l'adhésion à l'une de ces religions nesignifie pas l'abandon des pratiques cultuellesanciennes, qualifiées de fétichistes par les colons.Au contraire, celles-ci demeurent très vivantes etne sont finalement guère combattues par les prêtrescatholiques qui, s'ils veulent être reconnus, doiventles tolérer. La vivacité des cultes et leur coexis­tence apparaissent dans les manifestationspubliques à Porto-Novo où musulmans, « féti­chistes » et catholiques se mêlent sans distinction.

En outre, les conflits sont peu nombreux entreles tenants de différents cultes et se manifestentplutôt entre les groupes rivaux d'un même culte,par exemple entre musulmans d'origine brésilienneet musulmans « de souche ». De fait cette oppo­sition qui perdure à Porto-Novo pendant plusieursdizaines d'années ne recouvre pas seulement desdifférences d'interprétation des dogmes religieux;elle est l'expression de tensions sociales entre ceuxqui adhèrent et bénéficient du système colonialet ceux qui s'en sentent exclus.

Malgré la préférence accordée au catholicisme,la société coloniale tolère des religions où s'éla­borent et se renforcent certains réseaux écono­miques. L'adhésion des membres d'une commu­nauté à différents cultes ou à plusieurs cultes àla fois n'est pas un signe de destructurationsociale; elle exprime plutôt l'adaptabilité d'unesociété depuis longtemps ouverte par nécessité surl'extérieur et qui puise, selon ses besoins et sesintérêts, dans les différents systèmes de valeurqui lui sont proposés.

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38. D'Almeida Topor, H.,Histoire fconomique du Dahomey1890·1920, Université de Paris IV,

thèse d'Etat, Paris, 1987.

Chapitre 3

L'état colonial

L'économieL'économie coloniale se base sur le dévelop­

pement des cultures de plantation dans la colonieet sur la diffusion de produits de la métropole.La conquête militaire puis l'installation' d'uneadministration visent à favoriser l'accroissementdes investissements et la venue de commerçants,Ceux-ci sont déjà installés à Porto-Novo depuisle milieu du XIXe siècle, En 1890, on compte dessociétés allemandes (de Hambourg), Witte etBusch, Ungebauer, Kongdorfer; anglaises, JohnHolt and cie; portugaises, Guedes ; et françaises,Cyprien Fabre et cie, Mantes Frères, Borreli deRégis Ainé .. , En 1907, la société allemandeJohann Witt et Petter Mortting crée une succursaleet y vend des produits alimentaires et manufac­turés. En 1911 s'installent les maisons Armadonde Marseille, John Walkden de Manchester. Lessociétés Pozzo di Borgo, S.C.O.A., Valla etRichard, C.I.C.A., G.B. Ollivant, Christiant etCie et la F.A,O. suivent peu après 38. Ces maisonsont pour la plupart leur siège à Porto-Novo etdes succursales tenues par des Africains dans lesautres bourgades commerçantes.

La colonie du Dahomey dispose d'un régimedouanier particulier, afin de réduire la concurrencedes colonies allemandes (Togo) et anglaises voi­sines qui demeure jusqu'à la mise en place effectivedu régime fédéral de l'A.O,F. au début du Xxe

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siècle. La concurrence entre des maisons decommerce françaises et étrangères est autoriséeet favorise le développement économique.

Afin d'éviter que Lagos ne demeure une escaleobligée pour le transport des marchandises versl'Europe, l'administration française fait édifier en1892 un wharf à Cotonou ; les produits en transitne sont plus soumis à la douane anglaise et sonttaxés par l'administration française, qui espèredétourner une part importante du trafic. Ce souhaitn'est que très partiellement réalisé. Lagos continueà accueillir de nombreux produits provenant duDahomey, acheminés en fraude et échappant ainsiau contrôle fiscal. En outre, le coût du fret versl'Europe depuis ce port reste moins onéreux quedepuis Cotonou, desservi par peu de compagniesmaritimes 39.

L'essor du commerce a un effet d'entraînement,particulièrement à Porto-Novo dont le marchédessert deux colonies et suscite la venue de colonseuropéens et de nouveaux commerçants. Plusieursfamilles libanaises et syriennes s'y instailent audébut du xxc siècle, les Nahoun, les Minaise, lesAbdallah ... , et développent le commerce de détail(textile, alcool...). Les négociants yoruba béné­ficient aussi de la situation et développent desrelations avec le Niger et le Nigéria. Les Afro­Brésiliens, particulièrement actifs dans lecommerce, se situent dans l'échelle sociale entreles Européens et le reste de la population. Ilsont également d'autres activités comme l'artisanat;lettrés pour la plupart, ils entrent aussi en nombredans l'administration. Enfin, l'intensité deséchanges favorise les activités traditionnelles ani­mées par la population de la ville: sparterie,cordonnerie, forge, teinturerie, menuiserie,construction de pirogues...

Le développement économique nécessite la miseen place de réseaux de communication dans lacolonie et, en particulier, dans les zones de pro­duction agricole, afin de canaliser les marchandisesvers les centres d'exportation. Porto-Novo, tournédepùis toujours vers l'aire yoruba, entretient peude relations avec les autres territoires de la colonie.Il est plus aisé et plus rapide de se rendre parterre, comme par la lagune, à Lagos qu'à Cotonou

92

39. Pincon. R.G., op. cit.,p.307.

40. Ibid.• pp. 305-316.

que l'administration voudrait transformer en centrede diffusion et d'exportation des productions.

Le wharf de Cotonou ne suffit pas à favoriserl'acheminement des produits. En 1900 débute laconstruction d'une voie ferrée reliant Porto-Novoà Pobé et Sakété. Elle doit servir au transportdes produits agricoles vers la capitale. Achevé en1913, ce réseau reste incomplet: les marchandisesdoivent être embarquées à Porto-Novo sur despirogues vers les ports maritimes, et la majoritédes négociants continue à exporter vers Lagos 40.

Les autorités françaises tentent de faciliter lacirculation sur la lagune vers Cotonou en creusantun chenal et en organisant un service de transportrégulier. Ces mesures demeurent insuffisantes. Dès1911, un projet de chemin de fer est prévu pourrelier Porto-Novo à Cotonou; les travaux nedébuteront qu'en 1920 et seront achevés huit ansplus tard en raison du milieu marécageux.

Parallèlement, plusieurs routes sont tracéesdepuis Porto-Novo vers l'interland immédiat, maisne relient pas encore la ville à la côte. Entre1927 et 1930, un pont est construit sur la laguneà Cotonou. A Porto-Novo, la lagune n'est franchiequ'en 1938. A partir de ce moment, un réseaude communication sans rupture de charge existeentre la côte et les zones de plantations. Lalenteur des travaux d'infrastructures ne favorisepas l'intégration d'une région tournée depuis tou­jours vers l'est, plus peuplé et plus riche.

La cinquantaine d'années occupée à établir uneliaison ininterrompue entre Porto-Novo et Coto­nou, distante de trente kilomètres, permet demesurer l'écart entre un projet et sa réalisation.Elle témoigne de la lourdeur et de la lenteur del'administration dans une colonie où l'Etat est leseul investisseur en matière d'équipements. Deplus cette voie ne sert qu'à l'acheminement desproductions des plantations et ne dessert pas lenord de la colonie. Pour pallier ce handicap,d'autres réseaux de communication sont progres­sivement établis depuis Cotonou. Ils évitent lalagune et aussi Porto-Novo à qui échappe le rôleque cette ville aurait pu jouer dans le transitnord-sud.

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Dans ce contexte, la ville perd sa principaleactivité de marché. En outre, sans débouché por­tuaire adapté, elle se retrouve à l'extrémité d'unecolonie, eUe-même située à la limite d'une fédé­ration dont le centre économique et politique,Dakar, est distant de plusieurs milliers de kilo­mètres. Son seul atout, celui de ville frontièreentre Dahomey et Nigeria, est entravé par uneadministration très méfiante envers le Nigeria,concurrent économique bien plus puissant.

En 1905, 12500 tonnes d'huile de palme sontexportées depuis Porto-Novo contre 3 450 tonnesen 1896 41. L'intégration de la colonie dansl'A.O.F. et la suppression du régime douanierpréférentiel réduisent cette expansion de mêmeque la Première Guerre mondiale qui entraîne ladisparition des maisons de commerce allemandes.Après avoir supplanté Ouidah, la ville est concur­rencée par Cotonou. En 1895, 34 000 tonnes demarchandises transitent par le port lagunaire dePorto-Novo, 12000 seulement par Cotonou. Dès1915, le trafic portuaire de Cotonou est supérieurà celui de Porto-Novo 42 ; en 1940 6700 tonnespassent par Porto-Novo contre 146 000 parCotonou 43.

L'objectif économique de la colonisation n'estpas toujours pleinement atteint; les territoires sont« mis en valeur» de manière inégale, en fonctionde leur potentiel supposé. La culture de plantationa été développée dans le sud du Dahomey moinsintensivement que dans les autres colonies côtières.De plus, les productions du palmier à huile sontmoins rentables à l'exportation que le cacao oule café, récoltés par exemple en Côte-d'Ivoire.Les réseaux économiques locaux sont destructuréspar une monoculture qui ne profite guère auxplanteurs. La crise économique mondiale desannées trente les affecte durement, en raison del'effondrement des cours, et souligne la fragilitéde J'économie de la colonie.

Après avoir profité de l'économie de plantation,Porto-Novo subit les conséquences de la baisserégulière de l'exploitation des palmeraies. Ce sec­teur finalement peu rentable devient une part demoins en moins importante des exportations agri­coles de J'A.O.F. : il représente 20 % des valeurs

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Menuisiers de Porto-Novaau début du siècle.

Les artisans du bois étaientnombreux dans les comptoirs

côtiers ct étaient souvent forméspar des Afros-BrésiLiens. Ils

possédaient un réel savoir faireet fournissaient l'administrationcomme les riches commerçants.

(carte postale. coll. G. Tibério).

41. Ibid., pp. 305-316.42. Goerg, O., Le Dahomey1918-1939: de la convention duNiger à l'assimilation douanière,maîtrise de l'Université deParis J, Paris, 1986.43. Pincon, ~.G., op. cit.

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Plan de Porto-Novo en1952.

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exportées entre 1910 et 1914, 8 % entre 1935 et1939 et 4,4 % entre 1955 et 1957 44.

Une ville dans une colonie

Le choix de Porto-Novo comme capitale de lacolonie à la fin du XIX· siècle tient à plusieursraisons. Les classes dirigeantes, contrairement àcelles d'autres royaumes, n'ont guère remis encause le pouvoir colonial. En outre, les Européenset les Afro-Brésiliens y sont installés depuis long­temps et sont particulièrement utiles pour lespremiers administrateurs qui n'ont guère demoyens et ne connaissent pas le pays. Ils louentleurs maisons, s'approvisionnent auprès d'eux, uti­lisent leur personnel... Certains intermédiaires,grâce à ce négoce, deviendront particulièrementpuissants et fortunés.

A la fin du XIX· siècle, Porto-Novo réunit entrevingt et trente mille habitants et constitue laprincipale ville de la région. Le développementéconomique favorise toutefois de petites bourgadessituées dans les zones de plantation, comme Pobéet Sakété, faisant fonction de marché et d'escalegrâce aux gares de chemin de fer. Abomey, enrevanche, l'ancienne place de résistance à la péné­tration coloniale en subit les conséquences. Laville perd toute fonction politique et son marchévoit son activité et son aire d'influence se réduire.Aussi la population n'augmente guère (autour de10 000 habitants vers 1890 45

).

Ouidah bénéficie de l'infrastructure du tempsde la traite et d'un site côtier; elle connaît uncertain essor grâce à l'implantation de succursalesde maisons de commerce et à la présence denombreux Afro-Brésiliens, et compte vers 1890entre quinze et vingt mille habitants. L'installationde la mission catholique en fait pendant longtempsle centre intellectuel de la colonie ; mais la villeconcurrencée économiquement par Porto-Novopuis par Cotonou stagnera.

Au milieu du XIX· siècle, Cotonou n'est qu'unpetit village, peuplé de pêcheurs, réunissant àpeine un millier d'habitants. Les rivalités franco-

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44. Goerg, o., op. cil.45. Bouche, P., La c6te desesclaves et le Dahomey, Paris,Plon, 1885.

46. Archives nationales duBénin, dossier non classé.

anglaises et porto-novo-aboméennes en font unpoint de litige et, indirectement, un pôle d'intérêt.Cotonou, dont personne ne peut définir aveccertitude le royaume de tutelle, apparaît commeun site favorable pour les colons, d'autant qu'ilest en bordure de la mer et d'une lagune parlaquelle on peut rejoindre Porto-Novo. De plus,il est plus facile d'établir un accord avec unepetite chefferie qu'avec un royaume puissant.

Dès 1884, alors que les Français prévoient des'établir à Porto-Novo, certains officiers suggèrentqu'il serait souhaitable d'installer à Cotonou unepetite garnison et même un hôpital de convales­cence. Le site est mieux ventilé que Porto-Novodont certains colons critiquent l'insalubrité et lapesanteur du climat. Le projet n'est pas retenu,le village ne servant que pour le transit des troupesfrançaises 46.

Le wharf construit en 1891 entraîne l'installationde succursales de maisons de commerce de Porto­Novo. Rapidement Cotonou devient la deuxièmeplace commerciale de la colonie, mais l'adminis­tration préfère demeurer à Porto-Novo doté d'uneinfrastructure urbaine. Il apparaît alors démesuréde développer deux établissements dans une aussipetite colonie. En 1893, les autorités s'interrogentsur le site idéal d'une capitale. Certains proposentOuidah, d'autres Porto-Novo, d'autres enfin Coto­nou. Porto-Novo est retenu: contrairement àCotonou où tout serait à construire, il est possibled'y loger provisoirement les services et lesemployés de l'administration dans des édificesloués aux commerçants.

La présence de commerçants est aussi déter­minante dans ce choix. Cette population estacquise à la cause coloniale et en est plus procheculturellement, notamment les Afro-Brésiliens quiont établi une organisation sociale et économiquecalquée sur celle des sociétés de leurs anciensmaîtres. En se fixant à Ouidah et à Porto-Novo,les Français se retrouvent en compagnie d'alliés,alors que dans les autres villes et villages, ils nerencontrent que des interlocuteurs africains sou­vent méfiants, et de toute façon incapables dedevenir sans formation préalable des assistantspour gérer la colonie.

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Le site de Cotonou n'est pas oublié comme entémoigne le plan de lotissement dessiné en 1892.Cette place compte, dès 1905, une cinquantainede bâtiments en dur: des maisons de commerce,des entrepôts et quelques bâtisses publiques etmilitaires. Elle ne réunit pourtant qu'un millierd'habitants. A partir des années vingt, son portconcurrence puis éclipse celui de Porto-Novo. Lesmaisons de commerce s'y installent, ne laissantque des succursales dans la capitale. Ces nouvellesactivités entraînent un accroissement rapide de lapopulation: entre 1932 et 1938, elle passe de5 000 à 10000 habitants, pour atteindre 16 000en 1945 47

• Porto-Novo conserve néanmoins safonction de capitale et ne sera dépassée parCotonou d'un point de vue démographique quevers 1960.

La concurrence entre les deux villes entraîne,dès les années trente, le déplacement à Cotonoude plusieurs services économiques et administra­tifs; ne demeurent à Porto-Novo que les signesinstitutionnels du pouvoir. A partir de 1950, legouverneur passe une journée par semaine àCotonou pour régler les affaires locales. Le statutqu'acquiert Porto-Novo peut être comparé à celuid'une ville comme Saint-Louis du Sénégal, concur­rencée par Dakar.

Le maintien de la capitale pendant l'ère colo­niale tient à plusieurs raisons : son déplacementnécessiterait la construction de nouveaux bâtimentsà Cotonou et amènerait l'abandon d'édifices àPorto-Novo; cette opération apparaît à beaucoupcomme inutile et coûteuse. En outre, ce départprovoquerait un fort mécontentement des citadinsqui bénéficient des services implantés dans la ville.Enfin l'inertie de l'administration est grande! Siles formes de croissance économique se modifientdans la ville, la population continue à augmenterrégulièrement pour atteindre, à la veille de l'in­dépendance, environ 50 000 habitants.

Son statut politique lui permet de bénéficierd'investissements en matière d'urbanisme, qui nesont pas réalisés pour des villes de même impor­tance dans d'autres colonies. La présence de fonc­tionnaires français et le rôle de vitrine inhérentà toute capitale justifient un effort de la part du

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47. Brasseur, P., «Porto-Novoet sa palmeraie ", Mémoire[FAN (Dakar), nO 32, 1953.

Ministère des Colonies qui décide à partir desannées quarante de l'ensemble des opérations àmener « Outre Mer ». En outre, les élites intel­lectuelles appartiennent le plus souvent à la popu­lation porto-novienne et résident dans la ville.Leur opposition grandissante au régime colonialpousse l'administration à envisager quelquesactions «sociales ».

L'urbanisme, technique qui selon le désir du« prince » contribue à renforcer ou atténuer lesclivages sociaux, devient un outil de la politiqued'assimilation d'une petite part de la population,les « évolués ». De plus, l'aménagement de l'es­pace urbain vise à améliorer l'image de marquecoloniale d'une ville dont la majorité de la popu­lation reste profondément ancrée dans ses cou­tumes, et ne cherche pas à adhérer aux nouveauxmodèles sociaux proposés.

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Chapitre 4

Le développementde la ville

Le développement de l'espace urbain accusegénéralement un certain retard avec les transfor­mations socio-économiques, notamment dans lecontexte africain pré-colonial, où les investisse­ments fonciers et immobiliers ne sont pas despriorités. Les bénéfices de la traite ne sont pasréinvestis dans la ville, les négociants préférantles ramener dans leur pays d'origine; quant auxautochtones, ils privilégient les dépenses de pres­tige plutôt que la « pierre ».

Le roi faisant fonction de chef de terre à Porto­Novo attribue des lots fonciers aux nouveaux venusen échange de quelques cadeaux, souvent sym­boliques. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, le paysagede Porto-Novo ne se transforme pas radicalement.La ville se développe spatialement toujours selonles mêmes principes, à l'exception des sites où sefixent les Afro-Brésiliens et les Européens, encorepeu nombreux.

Les premiers se regroupent plutôt dans le quar­tier d'Oganla à l'ouest de la ville et à proximitédu marché. Leurs habitations restent disperséesentre les concessions et n'induisent pas de tracésou un parcellaire particulier. De la même façon,les premiers missionnaires protestants et catho­liques qui obtiennent des terrains du roi se conten­tent d'élever quelques bâtiments isolés. Quant auxreprésentants de l'administration française, le Rési­dent et quelques militaires, ils se fixent pour l'undans une maison louée à un Afro-Brésilien à

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Plan de Porto-Novo en1913.

Ce plan dressé par le conducteurdes Travaux publics marque ledéveloppement de la voirie endirection de la lagune oùtransitent toutes les marchandisesimportées et exportées à cetteépoque.

48. Akindele, A., 1 Aguessy, c.,op. cil.

49. Gelle, «Notice sur Porto­Nova », Revue Inaritime et

coloniale (Paris), tome x, mars1984.

proximité de la mISSIOn et pour les autres dansun camp construit à l'extérieur du fossé bordantla ville. Enfin, les négociants européens édifientdes entrepôts et des habitations à proximité dela lagune.

Jusqu'en 1890, Porto-Novo présente toujoursl'aspect, dans son organisation comme dans sonpaysage, d'une cité « africaine» faite de maisonsaux murs en terre et aux toits en chaume, ouvrantsur des cours ou séparées par d'étroites ruelles,sans que des axes ou des régularités géométriquesapparaissent au niveau du plan. Sa populationévolue selon les estimations (sans doute suresti­mées) entre 20000 (Bouche 1885) et 60000 habi­tants (Foa 1895).

Le plan dressé vers 1884 par le père Opin 48

rend bien compte de ce paysage où apparaissentdisséminées dans les quartiers les quelques implan­tations européennes. Plutôt que d'insister sur desformes architecturales particulières, ce mission­naire note seulement l'organisation générale del'espace en énumérant et en situant les quartiers.En outre, comme ses prédécesseurs et ses suc­cesseurs, il signale la présence de vastes fossesdans la ville d'où est extraite la terre pour lesconstructions. A la même époque, le lieutenantde vaisseau, Géllé, remarque «la multitude depetits vautours noirs, agents de l'hygiène, sansqui la ville serait inhabitable» et la divise endeux zones, la partie haute habitée par les autoch­tones, et la partie basse peuplée de petits traitantsétrangers et d'Afro-Brésiliens 49.

Les quelques centaines de commerçants étran­gers, dont seulement quelques dizaines sont euro­péens, n'ont pas transformé l'espace urbain. Leurshabitations apportent à la cité un caractère decomptoir, remarquable alors dans la plupart desvilles côtières de l'Afrique de l'Ouest.

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Les premières mesuresd'aménagement

Porto-Novo possède l'originalité en Afriquenoire de devenir une capitale coloniale sans quepour autant les autorités métamorphosent sonorganisation spatiale. Cette attitude s'explique parl'ancienneté de la cité et la présence d'une popu­lation nombreuse et structurée lors de l'arrivéede l'administration coloniale. Le nouveau régimene transforme pas radicalement la ville et préfèreutiliser les infrastructures existantes, ce qui limiteles dépenses. Pour les mêmes raisons, l'adminis­tration se contente d'agir au coup par coup, enfonction de ses nécessités et n'établit pas deprogramme global d'intervention.

Jusqu'à la fin du siècle, les représentants del'appareil colonial, principalement des militaires,ont comme seul souci de protéger les troupes desennemis extérieurs et intérieurs. Dès 1891, plu­sieurs lignes de protection sont tracées. La pre­mière est composée du fossé bordant l'anciennecité. La seconde est une ligne de fils de ferbarbelés entourant la cité à une certaine distancedes zones habitées. Les troupes se fixent entreces deux barrières, dans des camps implantés auxportes de la ville sur des sites vierges : les fortsOudard, des Amazones, Mousset et Toffa, où laplupart des soldats logent dans des paillottes. Unautre camp est installé à l'intérieur de la cité oùsont cantonnés les soldats d'ethnie haoussa 50.

Le Résident qui, comme les officiers, habitetoujours dans des maisons louées, demande ausouverain plusieurs terrains en vue d'édifier deslogements et des constructions destinées aux ser­vices. Le roi propose des emplacements à l'ouestde la ville dans des zones non bâties. A cetteépoque, les maisons de commerce des Européensrestent dispersées le long de la lagune à proximitédes quartiers africains.

Les premiers projets architecturaux répondentaux nécessités du moment. En octobre 1891 unincendie détruit toutes les paillottes du fortOudard. La commission d'artillerie propose de lesreconstruire en dur afin de limiter les risques

50. Archives nationales duBénin, dossier non classé.

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Plan de Porto-Novo en1895.

Ce document établi par lesmilitaires indique les différentes

lignes de protection de la ville etl'emplacement des camps de

soldats. A cette époque deconquête Porto-Novo n'est pasencore à l'abri des attaques de

l'armée du roi d'Abomey.1. Camp français - 2. Etat

major - 3. Eglise - 4. PlaceRoi Toffa - 5. Rue Victor

Ballot - 6. Oudard - 7. FortMousset - 8. Porte Bécon ­9. Fort Toffa - 10. Bécon -

Il. Champ de tir.

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d'incendie et dessine un projet à partir des cata­logues coloniaux d'habitations. La caserne réservéeaux Européens est un bâtiment à étages, confor­mément aux normes hygiéniques, l'étage étantcensé protéger des moustiques infectieux 51.

La faiblesse des moyens amène la recherche desolutions provisoires. Des cases « système Doec­ker» sont construites pour loger la troupe. Lastructure portante est démontable, les couvertures(murs et toits) restent en terre et en paille; enfindes maisons continuent à être louées aux parti­culiers.

En 1892 la reconstruction du camp des soldatshaoussa est projetée. Des bâtiments fixes auxmurs de terre, recouverts de toits en tôle etsupportés par une charpente métallique ou enbois sont prévus pour remplacer les paillottes. Lamême année, l'administration prévoit d'édifier unhôpital pour remplacer les maisons prêtées par lamission et les cases démontables de Cotonou.Certains responsables proposent alors d'édifierdeux hôpitaux en raison de la difficulté et de lalenteur des communications, mais les moyens man­quent. Bien que considéré comme plus malsainque Cotonou, le site de Porto-Novo est finalementretenu, la majorité des troupes y résidant. L'annéesuivante doit être construite une caserne d'artilleriepour la Marine 52.

A Porto-Novo, la nécessité de composer avecles droits fonciers locaux ne permet pas auxautorités d'établir un plan de lotissement commeà Cotonou. Aussi se contentent-elles de demanderau roi des terrains non inondables, reliés à lalagune par des sentiers. Peu à peu, à l'ouest dela ville africaine, quelques terrains sont bornés etdes bâtiments implantés. Ils sont en briques cuitesimportées de Lagos ou confectionnées sur placedans les briquetteries installées à proximité de lalagune.

Ces travaux concernent d'abord l'administration(militaire). Il ne s'agit pas alors d'investir pourla population locale, africaine ou européenne, maissimplement de loger la population directementutile à la «pacification». Le seul service quis'adresse à d'autres citadins est J'école laïque,ouverte dès 1891. Elle forme les indispensables

51. Archives nationales duBénin, dossier non classé.52. Ibid.

101

Bâtiments publicsconstruits dans les années1920 le long de la « Rue

des Archives ».

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assistants (interprètes, commis) des Européens; salaïcité permet d'accueillir des musulmans qui ontla réputation d'être les plus « coopératifs» et quirépugnent à aller à l'école catholique.

Ce n'est qu'à partir des années 1900 que l'ad­ministration envisage d'entreprendre d'autres typesd'actions. La ville compte environ 20 000 habitants(le recensement de 1905 enregistre 17 800 habi­tants). La conquête militaire achevée, la mise envaleur économique peut commencer; elle passepar l'équipement en services et en infrastructuresde la colonie.

Les opérations qui modifient le paysage dePorto-Novo s'inscrivent pour la plupart dans unsecteur particulier de la politique d'équipement,l'œuvre sanitaire. A cette époque le virus de lafièvre jaune vient d'être découvert et les recherchessur les causes du paludisme s'intensifient. Cestravaux amènent une nouvelle approche de l'hy­giène publique, notamment en ville, dans lesespaces utiles où demeurent les Européens. Auxmiasmes invisibles qui polluaient l'air se substitueun vecteur identifiable, le moustique, dont il fautse protéger et limiter la prolifération.

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53. Journal officiel du Dahomey.

Rue des Archivesnationales, tracée vers1910.

Dès 1905, l'arrêté relatif aux eaux stagnantesédicté pour l'ensemble des colonies d'Afrique noireest appliqué à Porto-Novo 53. Il ordonne le comble­ment des mares et le recouvrement des réservesd'eau pour empêcher la prolifération des mous­tiques. La commission d'hygiène nouvellementcréée est chargée de veiller à son application etimpose le remblaiement des nombreuses fossesd'où était extraite la terre. Cet effort préventifne saurait pourtant suffire.

Il apparaît nécessaire pour transformer les men­talités de proposer un nouveau modèle d'établis­sement conforme aux normes d'hygiène. A l'im­broglio des rues, des cours et des habitations desvieux quartiers où stagne l'eau et s'entassent lesdétritus doit succéder un espace ordonné etsalubre. Devant l'impossibilité de restructurer lesquartiers, opération coûteuse et impopulaire, lesédiles, qui se réfèrent aux pratiques d'autres payscolonisateurs, comme l'Angleterre, décident d'édi­fier à côté de l'ancienne cité, un nouveau quartier.

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Le régime foncierL'organisation foncière traditionnelle à Porto­

Novo est particulièrement complexe d'autantqu'elle ne repose sur aucun document écrit. L'ad­ministration coloniale ne cherche pas à connaîtrece système et vise à instaurer un nouveau régimequi enlève aux responsables traditionnels du soltoute autorité sur les terres «vacantes et sansmaîtres ». Au nom de ce principe qui oblige leresponsable du sol à prouver son droit de propriété(par la mise en valeur du sol), il est facile pourl'administration de prendre possession d'unegrande part des terres non cultivées et nonconstrui tes.

L'organisation spatiale et sociale de Porto-Novolimite cependant les possibilités d'application dece régime. Dans les vieux quartiers, les densitésd'habitations et d'habitants ne permettent pas des'accaparer le sol aisément, même si les Africainsne font pas enregistrer leurs domaines tel que letexte de 1890 le propose. L'administrationrecherche d'autres terrains autour de la ville maisdécouvre que de nombreux emplacements de lapériphérie ont fait depuis peu l'objet de transac­tions entre leurs occupants « traditionnels» culti­vateurs et des commerçants yoruba ou afro-bré­siliens : «Des négociants européens et indigèneset en particulier les Portugais et Brésiliens noirsappelés ici créoles se sont depuis plusieurs annéesjetés sur les terrains et ont pu acquérir des chefsdes pays moyennant des sommes dérisoires, lapropriété de toute la partie haute de la ville,c'est-à-dire des quartiers habitables pour lesEuropéens 54. » A la même époque, les commer­çants yoruba, souvent descendants d'esclaves, quine possédaient pas de propriété foncière, devien­nent propriétaires de terrains grâce aux prêtsusuraires qu'ils accordent aux paysans Goun;ceux-ci ne pouvant les rembourser leur cèdent enéchange des portions de sol.

En 1906 est défini pour l'ensemble de l'AfriqueOccidentale Française un régime foncier (décretdu 2 mai 1906) qui tente de contrôler la globalitédes transactions foncières, notamment celles effec­tuées entre Africains qui échappent alors totale-

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Rue et parcelles.

L'adm.inistration tente derégulariser l'espace public dans la

ville en ordonnant l'alignementdes parcelles et des constructions

mais cet effort ne s'accordeguère avec les pratiques foncières

locales.

54. Cité par: D'Almeida Topor,H, op. cil., p. 283.

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Voirie et parcelles àZébou Massé.

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55. Cité par: D'Almeida Topor,H., op. Cil., p. 288.

ment à l'administration. Ce régime, contrairementà celui institué en France par le code Civil, reposesur la reconnaissance des droits sur le sol. Pourêtre reconnu, toute vente ou tout échange deterre doit être enregistré par l'autorité coloniale,de même qu'à terme toute occupation du sol.

Ces règles permettent aux colons et à l'admi­nistration d'obtenir des sols pour construire lesmaisons de commerce, les logements et les équi­pements, et favorisent aussi des Porto-Noviensavertis, qui acquièrent des terrains ou font enre­gistrer l'occupation qu'ils font de certains terrains.Les propriétaires coutumiers, illettrés et ignorantsde la loi, cèdent à bas prix des sols et perdent,sans vraiment le réaliser, une part de leurs droits.La procédure d'immatriculation qui valide la pro­priété foncière n'est toutefois appliquée que trèslentement. En 1906, 26 titres sont délivrés 55 etle plan cadastral de la ville n'est jamais établi.Ce régime permet d'organiser l'extension de laville, mais dans les vieux quartiers, rares sont leshabitants qui s'y soumettent (seulement quelquesdizaines de titres fonciers sont établis jusqu'auxannées cinquante); l'administration, face auxremous que pourraient provoquer des mesuresautoritaires de bornage des parcelles et d'enre­gistrement, préfère ne pas intervenir.

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Les opérations d'urbanisme

Les infrastructures

Les premières opérations d'envergure datent dudébut du siècle. En 1904, un plan de la cité esttracé et recense les zones habitées 56. Il prévoitaussi le percement de quelques rues dans la vieilleville et esquisse un réseau de voirie dans la zonequi doit devenir le futur quartier des Européens.D'autres mesures complémentaires sont prévues.En 1905, le Résident précise :

« ... Il serait urgent en attendant qu'un service régulierde voirie établisse un projet sérieux d'égouts, que leschefs de quartiers réparent provisoirement les rues dePorto-Novo. Avec la saison pluvieuse, le terrain meublesur lequel est bâtie la ville est tellement raviné par lespluies que la solidité des édifices, situés sur les pentesdu plateau vers la lagune, est sérieusement compromise.Pour arrêter l'érosion, il suffirait de déposer, de distanceen distance suivant la pente, des barrages peu élevésen bois dur ou en Cokère de façon à former des gradinsqui, tout en fixant les terres, atténueraient complètementl'effet de destruction du ruissellement des eaux de pluie.Ce travail facile et peu coûteux exécuté seulement surles points les plus menacés rendrait les plus grandsservices en attendant le plan coté et le projet sérieuxd'un service spécial dont la nécessité s'imposeabsolument 57. »

L'effort d'assainissement du milieu physique ren­force la connotation négative des pratiques d'ha­bitation des Africains. Leur ignorance des usagesoccidentaux en matière d'hygiène est rendue res­ponsable de l'insalubrité, au même titre que laprésence de marécages. Leurs manières deconstruire, de cuisiner, de laver, en fait, leurmode de vie, est présenté comme la raison prin­cipale du développement des épidémies.

Le projet de quartier réservé aux Européens,à l'écart de la ville africaine, s'inscrit dans cetteoptique. La zone choisie dépend du roi, aussi est­il facile d'opérer un transfert de souveraineté.Quant aux quelques Africains qui y résident, illeur est vivement conseillé de déménager. Le palaisdu gouverneur et les bâtiments coloniaux avoisi­nants sont élevés sur le site du village de Oue-

56. Archives nationales duBénin, dossier non classé.57. Ibid.

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lindah, déplacé à cette occasion plus à l'ouest.La faible densité d'habitations rend ce départ peuproblématique; il ne semble pas que les habitantss'y soient opposés avec vigueur. L'administrationproposa aux « déguerpis» influents d'autres ter­rains équivalents et surtout un titre d'occupationofficiel les protégeant contre de nouvelles mesuresd'expulsion.

La réorganisation spatiale de la ville n'est passans susciter de nouvelles difficultés. Les largesemprises privées de l'administration et des maisonsde commerces coupent la circulation dans certaineszones, notamment à proximité de la lagune. Lesplaintes des habitants, habitués à circuler seloncertains cheminements, sont nombreuses et sontparfois reprises par des commerçants qui perdentleur accès direct à la lagune.

Le réseau de voirie qui se limite encore à despassages étroits et à quelques sentiers plus oumoins élargis doit être modifié pour faciliter lacirculation des hommes et des marchandises etpour protéger la ville des risques d'incendie, fré­quents à cette époque en raison des couverturesen chaume des habitations. Celui de 1905, quidétruit une partie du palais royal et plus de 500maisons, est invoqué pour justifier le percementde voies. Les rues rectilignes et larges d'au moinsdix mètres feront fonction de pare-feu dans desquartiers où il est aussi possible d'imposer auxhabitants de nouvelles pratiques constructives, telleque l'utilisation de la tôle pour les toitures.

Le géomètre du service des Travaux publics,chargé de cette tâche, définit le tracé et l'emprisedes nouvelles rues (plan de 1904). Le travail estfacile à l'ouest de la ville où les maisons sontpeu nombreuses. Des rues bordées d'arbres,notamment des manguiers, sont prévues pour relierles appontements aux constructions et doivent êtrecoupées par des voies perpendiculaires. Le projetest en revanche plus ardu dans la cité africaineoù les rues sont étroites et tortueuses et où letracé de voies rectilignes nécessite la destructiond'habitations. Les premières rues réalisées per­mettent d'accéder aux maisons de commerce lelong de la lagune (rues Doumergue et Dodds) oules coupent perpendiculairement (Victor Ballot,

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Lyotard et Régis). Les plans d'alignement desconstructions restent alors peu respectés.

L'administration hésite à intervenir dans lavieille ville craignant les réactions de la population,mais aussi en raison du coût d'une telle opération.Certains souhaitent laisser à elle-même cette partiede la ville en espérant qu'elle sera peu à peuabandonnée, d'autres veulent intervenir immédia­tement pour ordonnancer l'espace. Tous se rejoi­gnent dans le désir de voir disparaître à court ouà long terme ces quartiers ; seules les méthodesimaginées diffèrent.

«La ville de Porto-Novo comporte une séried'agglomérations aérées... La plupart des maisons,elles-mêmes bâties en terre de barre, sont à demidémolies et présentent soit pour la santé, soitpour la sécurité publique un danger permanent.Il convient donc d'effectuer de larges percées àtravers la ville pour assainir, rendre la circulationplus facile et permettre à des constructions plusconfortables de s'édifier. Déjà une large avenuea été tracée de l'usine électrique pour aller jusqu'àla Tata d'Adjiki mais aucun acte réglementairen'est encore intervenu régularisant le travail»(lettre d'un fonctionnaire en 1910 58).

D'autres projets plus ambitieux sont conçus pourréduire l'insalubrité. En 1909, le géomètre dugouvernement établit un projet d'égouts; un autreprojet le complète en 1914 mais tous deux neseront pas réalisés, notamment pour des raisonstechniques. Il est difficile de creuser des tranchéesdans le sol marécageux et meuble bordant lalagune. En 1910, un projet prévoit l'éclairage desprincipales rues et un réseau d'adduction d'élec­tricité, mais les moyens manquent et, après plu­sieurs années, seuls quelques bâtiments publicssont équipés. Il faudra des dizaines d'années pourqu'un réseau soit mis en place et que quelquesrues soient éclairées.

A cette époque débute aussi la construction duchemin de fer Porto-Novo-Sakété, dont le tracélonge à Porto-Novo la lagune et se poursuit enune vaste courbe pour contourner les fortes pentes.Certains Porto-Noviens s'insurgent contre lesexpropriations provoquées et quelques indemnitéssont alors versées, lorsque le sol était auparavant

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58. Archives nationales duBénin, dossier non classé, lettredu 3 septembre 1910.

59. Ibid.

cultivé. Quant aux propriétaires de maisons ins­tallées sur le parcours du train, des terrains leursont proposés en échange de leur départ.

Les importants travaux de remblais nécessairespour la construction de la voie en bordure de lalagune sont réalisés par la main-d'œuvre africaineréquisitionnée par l'administration. Le statut del'indigénat oblige les Africains à effectuer descorvées pour le compte de l'Etat. Les condamnésde droit commun sont employés pour ce type detravaux, mais aussi pour l'entretien des espacespublics. La gratuité de la main-d'œuvre permetde réaliser à bas prix les travaux d'infrastructuresdans la colonie (chemin de fer, route) ; seul lematériel et les cadres sont facturés.

Le «tramway Porto-Novo-Sakété» est finale­ment inauguré en 1907. Un projet de quai le longde la lagune est envisagé pour faciliter le trans­bordement des marchandises et pour améliorer lasalubrité de la ville, mais l'importance des travauxet les difficultés techniques conduisent à son aban­don. L'administration centrale de l'A.O.F., sol­licitée pour le financement, préfère investir àCotonou, qui lui semble avoir plus d'avenir enraison de sa situation côtière 59. Ne sont construitsque des appontements en bois ou en métal etdes « boaty » (tranchées creusées dans le sol maré­cageux).

Les équipements

Aux travaux d'infrastructures s'ajoutent d'autresopérations visant à équiper la ville. L'hôpitalconstruit à la fin du XIXe siècle, initialement réservéaux militaires, est agrandi et reçoit une vocationplus large. Son plan et la forme des bâtimentsrappellent l'architecture des casernes. De nouvellesécoles sont construites dans la ville. En 1913 estinaugurée l'école primaire supérieure Victor Bal­lot. Enfin, plusieurs dizaines de bâtiments admi­nistratifs sont élevés dans le nouveau quartier« blanc ».

En matière économique, les investissementsurbains reposent essentiellement sur la créationde réseaux (chemin de fer, routes, ponts...) etsur une réorganisation de la distribution des pro-

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L'hôpital de Porto-Novo.

Commencé à la fin du XIX'siècle, l'hôpital est un despremiers édifices publics de laville. A cette époque lesépidémies de fièvre jaune font

toujours des ravages. Cetéquipement sert alors à enfermerles malades européens afin delimiter les risques de contagionau sein de cette population.

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Edifice en bordure de lagrande place.

Construit au début du siècle, cebâtiment abrita un tempsl'Institut français d'Afrique noireavant de se transformer en foyerde jeunes. Il a conservé sesdécorations d'origine.1. Galerie - 2. Bar - 3. Scène- 4. Bureau - S. Chambre.

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duits en ville, désormais concentrée dans quelquesmarchés. Jusqu'à la fin du XIX· siècle, les activitéséconomiques sont réparties en deux pôles, l'ancienmarché à proximité du palais et un autre marché,initialement destiné au commerce des esclaves. Cedernier, situé aujourd'hui près de la grande mos­quée, devient rapidement le plus important etaccueille les vendeurs d'huile de palme et deproduits agricoles à partir de la deuxième moitiédu XIX" siècle.

Les commerçants se regroupent selon leur acti­vité dans certaines zones et installent leurs étalsà même le sol, en se protégeant parfois du soleilet de la pluie par un auvent en bois et en paille.L'organisation spatiale des marchés ne semblentpas obéir à des règles précises. Tout au plus peut­on remarquer des espaces réservés à la vente desplantes médicinales, des légumes, des poteries, dela ferronnerie, de l'habillement. ..

Le déplacement des activités vers le grandmarché, en raison de la proximité des maisonsde commerce afro-brésiliennes et libanaises sou­ligne une fois encore l'effritement de l'ordre « tra­ditionnel ». Si le premier marché recevait denombreuses cérémonies et fêtes (Je roi faisaitannoncer ses décisions), le nouveau marché, enrevanche, accueille essentiellement des activitéséconomiques. Ce déplacement, décidé par l'ad­ministration au début du XX· siècle, est accom­pagné de la mise en place d'auvents fixes pourles commerçants et conduit à la suppression dumarché du palais. En 1945, l'administration faitconstruire un nouveau marché à proximité de laville coloniale qui sera appelé «Ahouangbo »,c'est-à-dire « la fin de la guerre », pour commé­morer la fin de la guerre mondiale où de nombreux« Dahoméens» ont combattu.

Ces marchés ont une activité quotidienne touten étant plus animés tous les quatre jours, voiretous les deux jours, conformément au cycle desmarchés dans les mondes adja ou yoruba. A cesplaces s'ajoutent dans les quartiers de petitsmarchés installés sur des placettes, ou dans desrues, où sont vendus des produits et des alimentsd'usage quotidien.

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Le grand marché dePorto-Nova.

Situé à J'emplacement de J'ancienmarché des esclaves, il marque

le centre économique de lavieille cité. L'administration fil

construire quelques hangars mi­fermés qui ne permellent

d'accueillir qu'une petite partiedes commerçants.

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A la suite de toutes ces opérations d'aména­gement, un nouveau paysage urbain se crée. Uneville à « l'européenne» se dessine à l'ouest, limitéepar la voie de chemin de fer et par l'axe menantdu pont sur la lagune à la cathédrale. Peuconstruite et peu peuplée, elle est de fait unquartier réservé et souligne le caractère élitistede l'intervention coloniale. Les fonctions commer­ciales restent concentrées dans l'ancienne cité, lelong de la lagune, autour du marché et danscertaines rues menant aux routes en direction duNigéria. Cette partie de la ville accueille lesnouveaux migrants et se densifie. Elle ne faittoutefois pas l'objet d'opérations d'aménagementmarquantes, exceptée la percée de quelques rues.

Le bord de la lagune demeure le cœur éco­nomique de la ville jusqu'à la construction dupont. Outre les nombreuses pirogues qui chargentet déchargent au bout des wharfs de fortunemontés par les commerçants, les berges accueillentde nombreuses activités: ateliers de constructionde bateaux, stockage de produits divers, petitsmarchés, vendeurs ambulants...

Les limites d'une pratiqueLes interventions en matière d'urbanisme et

d'habitat à Porto-Novo restent limitées. De nom­breux projets sont abandonnés ou partiellementexécutés. Les raisons sont multiples: l'adminis­tration a peu de moyens et peu de personnelpour concevoir et réaliser ces projets. La crisede paludisme de l'unique géomètre suffit pourarrêter un projet ou un chantier ! En outre, lorsquele projet commence à être exécuté, les respon­sables réalisent souvent l'impossibilité de le mettreen œuvre correctement. Les chantiers sont parfoisarrêtés plusieurs mois, voire plusieurs années,quand ils ne sont pas purement et simplementabandonnés.

Cette pratique ne bouleverse pas les fonction­naires coloniaux qui, généralement, ne demeurentdans cette lointaine colonie qu'un an ou deux,en espérant une affectation dans une ville plusconfortable et plus salubre. Ne sont réellementconcernés que les habitants permanents de Porto­Novo, exclus pour la plupart des lieux de décision.

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Seuls quelques commerçants peuvent exprimerleur point de vue au sein de la commissionmunicipale de la commune dont les ressourcespropres, extrêmement faibles, ne permettent pasde financer des opérations d'envergure. L'urba­nisme relève de la responsabilité du Gouvernementgénéral de l'A.O.F. et non de la colonie. Celui­ci installé à Dakar ne se soucie guère d'un paysexcentré où ne demeurent que quelques dizainesde fonctionnaires coloniaux.

A ces causes, liées à l'organisation centralisatricecoloniale et au mode de fonctionnement d'uneadministration qui n'écoute qu'elle-même, s'ajouteun désintérêt général pour l'urbanisme. Cedomaine est le cadet des préoccupations desbureaucrates, comme des citadins de petites villesen général, habitués à vivre sans qu'une autoritéextérieure n'intervienne dans l'aménagement del'espace, et ne bénéficiant pas de toute façon desinterventions réalisées.

En dehors d'opérations visant principalement àfaciliter la circulation des marchandises, le déve­loppement de la ville est laissé le plus souvent àl'initiative des habitants qui étendent leurs habi­tations sans se soucier des réglementations colo­niales. Autour des concessions s'en greffentd'autres qui composent progressivement un nou­veau quartier, où l'on circule par d'étroites ruelles.Aucune opération de lotissement pour accueillirles nouveaux arrivants n'est alors conçue. L'in­tervention sur l'espace reste un urbanisme de voirieet rend compte en cela des préoccupations essen­tiellement économiques de l'administration. Celle­ci ne cherche pas à comprendre l'organisation del'espace dans la vieille cité et se contente derepérer les noms des quartiers, de délimiter arbi­trairement des zones, des arrondissements, qui nerecouvrent pas les anciennes unités politiques etterritoriales. Cette délimitation a pour objet essen­tiel de faciliter la collecte des impôts.

L'effort en matière de construction ne suffit paspour recevoir l'ensemble du personnel et desactivités administratives. Des maisons continuentd'être louées à des particuliers. Certains commer­çants notamment afro-brésiliens investissent dansla construction de bâtiments destinés aux agents

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de l'administration; leur connaissance des modesd'habitation et de construction des Européens leurpermet de répondre facilement à la demande. Desmaisons sont édifiées sur les terrains de cescommerçants, notamment autour du marché et àproximité des zones où l'administration s'installe.

Entre 1910 et 1930 est effectué l'essentiel destravaux urbanistiques et des réalisations architec­turales dans l'espace urbain d'alors, qui constitueaujourd'hui le centre de Porto-Novo. Le caractèresectoriel des interventions provoque souvent ungaspillage, par la nécessité de composer pourchaque opération de nouveaux documents tech­niques, parfois en contradiction avec de récentesréalisations.

Paradoxalement, cette démarche plus chaotiqueque pragmatique évite d'imprimer à la ville lecaractère si monotone de l'espace en damier, telqu'il apparaît dans la quasi totalité des villescoloniales. Certaines rues rectilignes des quartiersde l'ouest de la ville s'achèvent en petits sentierssinueux ou finissent en cul-de-sac, arrêtées par ledomaine privé d'une maison de commerce ou d'unlogement. Ce type d'« accident », ainsi que le tissudense et composite de l'ancienne cité, ne corres­pondent pas sans doute à l'image idéale de l'espacecolonial, tel qu'il est imaginé par les militairesqui rêvent de construire une ville comme un camp.De fait, tous ces éléments disparates, ces erreursurbanistiques d'alors, constituent non seulementun élément essentiel du charme de la ville, maisont aussi évité la destruction systématique d'autresformes urbaines et des témoignages physiquesd'une histoire et d'une société.

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Bâtiment administratifdans le quartier Oganla.

Construit dans les années 1910 àproximité de la grande place, il

comporte des éléments décoratifsnéo.classiques (fronton,

balustrades... ).

o 5 10~

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Habitation dégradée.

Le départ de nombreuxnégociants vers Cotonou entraînela dégradation des maisonsabandonnées par ses occupantsoriginels.

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Le déclin de la cité

A partir de 1930, l'essor économique de Porto­Novo se ralentit considérablement, de nombreuxcommerçants émigrent vers Cotonou ; les bénéficesdu négoce ne sont plus réinvestis dans la construc­tion de bâtiments qui risquent de ne pas êtrevendus ou loués. Quant aux investissements urba­nistiques, ils diminuent aussi, d'autant que la criseéconomique en Europe réduit la part consacréepar les puissances colonisatrices à l'Outre-Mer,particulièrement aux colonies les moins rentables.Néanmoins, Porto-Novo, grâce à son statut decapitale, bénéficie de quelques nouveaux équi­pements, en grande partie financés par des acteursprivés, comme la grande mosquée ou la cathédrale.

Cette période de stagnation, voire de régressionéconomique, dans certains secteurs, n'empêchepas la population d'augmenter; elle compte vers1940 environ 30 000 personnes. Le recensementde 1950 l'évalue à 33 000 personnes, auxquellesdoivent être ajoutés les «flottants», environ7 000 personnes 60. Le taux d'accroissement dimi­nue en raison de la concurrence de Cotonou etde l'émigration d'habitants, attirés par le déve­loppement économique de Dakar ou Abidjan, ouréquisitionnés par l'administration pour aller tra­vailler dans les autres colonies. En outre, pendantla Seconde Guerre mondiale le départ de nom­breux citadins pour éviter la conscription provoqueune baisse de la population ; ils ne reviendrontpas nécessairement à Porto-Novo. Les Africainssont majoritairement goun, puis yoruba. Les pro­portions (213-113) ne changent guère au cours duxxe siècle. Quant aux Européens, ils restent peunombreux et demeurent peu de temps dans laville: 110 en 1940, 244 en 1946 61

Vers 1940, la ville dépasse au nord en denombreux points l'ancien fossé d'enceinte par­tiellement comblé et transformé en boulevardcirculaire. Les quartiers centraux se sont densifiésparticulièrement à proximité du marché et le longde la voie les reliant au quartier européen. L'en­semble du domaine de la vieille ville (délimitépar le fossé d'enceinte) n'est pas encore totalement

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60. Brasseur, P., op. cit.61. Ibid.

62. Sinou, A., 1 Sternadel, J., 1Poinçot, J., Inventaire des

politiques et des opérationsd'urbanisme et d'habitat en

Afrique noire avant 1960, Paris,Agence Coopération et

Aménagement, 1984.63. Agondanou, J.P., Porto­

Nova, ville d'hier et d'a,'enir,Porto-Nova, 1mprimerie Rapidex,

1972.

bâti. En outre les bords de la lagune perdent leuranimation. Certains entrepôts sont abandonnés parleurs propriétaires qui les vendent à bas prix àdes commerçants locaux, lesquels les transformenten ateliers ou en habitations. Cette époque estmarquée par la réalisation du pont sur la lagune,terminé en 1938, qui assure enfin la liaison routièreet ferroviaire avec Cotonou, mais qui consacreaussi le déclin de Porto-Novo.

Après la Seconde Guerre mondiale, Porto-Novobénéficie de crédits d'équipement dans le cadredes Fonds d'Investissement et de DéveloppementEconomique et Social, les F.I.D.E.S. En outre,une loi de 1946 qui organise l'urbanisme dans lescolonies françaises prévoit la réalisation de plansdirecteurs dans les principales villes. Porto-Novo,au même titre que les autres chefs-lieux descolonies, doit en bénéficier 62.

L'ébauche d'un nouveau boulevard circulaire esttracée ainsi que de nouvelles rues, principalementau nord de la zone où résident les Européens.Plutôt que de penser le développement de l'en­semble de la cité, et donc des vieux quartiers,les autorités locales préfèrent continuer à inter­venir ponctuellement. Le plan directeur dessinépar Calsat en 1952 ne sera jamais appliqué.

Les crédits F.I.D.E.S. et ceux de la Caissecentrale de la France d'Outre-Mer financent aussil'exécution de réseaux urbains. Une station depompage permet d'établir un réseau d'eaupotable; un collecteur des eaux de pluies estconstruit entre le marché et la lagune en 1951 ;quelques égouts à ciel ouvert sont creusés; enfinun projet d'assainissement de quartiers réguliè­rement inondés à la saison des pluies est dessinéet une première tranche est exécutée vers 1955dans le quartier « Dégué Gare ».

En 1952, 15000 m2 de bitumage de rues sontréalisés; de même, en 1955 avec notamment desrues de l'hôpital, Ballat, Régis, Lyotard, Ponty,Dodds, Doumergue, pour la majorité situées àproximité d'édifices coloniaux 63. Quelques ruellesdes vieux quartiers sont cimentées. L'éclairagepublic est amélioré le long de quelques voies.

Cette même année sont achevés les premiersbâtiments du grand lycée de la colonie, l'actuel

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Le lycée Béhanzin.

La statut de capilale queconserve Porto-Novo se traduitpar la construction d'équipemcntspublics, comme ce lycée édifiédans les années 1950 au nord dela ville, même lorsque celle-cidécline économiquement.

lycée Béhanzin. Enfin en 1955, un ensemble delogements est construit en bordure du boulevardcirculaire. Ces habitations sont financées à 50 %par les futurs acquéreurs, généralement desemployés de l'administration, et à 50 % par l'Of­fice des Habitations Economiques de la colonie.

En grande majorité les travaux d'aménagementsont entrepris dans la partie ouest de la ville. Ilsaccentuent le clivage entre l'ancienne cité et lazone européenne dont les paysages se différencientde plus en plus avec le temps, D'un côté lesmaisons se densifient, les nuisances augmentent,la voirie est laissée à elle-même; de l'autre, lesrues se goudronnent, les arbres grandissent, lesvillas trônent au milieu de larges parcelles trans­formées en jardins. Cette opposition renforce laconnotation négative attribuée aux vieux quartiers,que reprennent à leur compte certains Africains,et qui influera sur le processus de délabrementde cette partie de la ville.

Il reste que Porto-Novo a acquis grâce au régimecolonial une place qu'elle n'avait jamais possédéeauparavant. D'un statut de « principauté », la villedevient un chef-lieu de colonie et concentre audébut du xxe siècle l'ensemble des fonctions admi­nistratives et politiques, tout en conservant unrôle économique déterminant. Si le développementde Cotonou entraîne le départ de certaines acti­vités, Porto-Novo demeure, pendant toute l'èrecoloniale, la capitale politique et intellectuelle dupays.

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64. Carneiro da Cumba, M.,From slave quarters 10 lown!Iouses, Sao Paulo, Livraria

Nobel, 1985.

Chapitre 5

Les modèles importés

Les relations de Porto-Novo avec l'Amériquelatine et l'Europe modifient l'organisation de laville d'un point de vue urbanistique, mais aussid'un point de vue architectural.

Les maIsons brésiliennes

Cette architecture a été principalement diffuséepar les anciens esclaves, revenus du Brésil à partirdu XIXe siècle, qui ont reproduit en Afriquecertaines pratiques constructives de leurs anciensmaîtres, Ce style remarquable dans les comptoirsdepuis Lomé jusqu'à Lagos est parfois aussi qua­lifié de portugais: dès le XVIIIe siècle, quelquescommerçants portugais se fixent en effet dans descomptoirs. S'ils ont pu édifier des maisons sem­blables à celles de la bourgeoisie et de l'aristocratiede leur pays, il n'en demeure pas moins que cettearchitecture ne s'est réellement développée qu'avecle retour des esclaves du Brésil 64.

Les Afro-Brésiliens cherchent en Afrique às'identifier aux Européens et constituent, grâce aucommerce et à l'appui des colons, un groupeprivilégié. En outre, ils maîtrisent les métiers dela construction appris au Brésil - charpenterie,maçonnerie, ébénisterie ... - et créent localementde petites entreprises.

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Eléments décoratifs etinfluence brésilienne.

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Leurs habitations se distinguent radicalement decelles des autochtones. Les maisons, souvent àétages, sont composées à chaque niveau de plu­sieurs pièces accolées les unes aux autres et parfoisentourées de galeries. Les enfilades de pièces etles ouvertures qui concordent ouvrent des pers­pectives visuelles qui s'achèvent souvent sur lesmurailles de terre d'une concession voisine.

Ces bâtiments sont construits en briques deterre cuite et sont recouverts d'un toit en tôle àquatre pentes, supporté par une charpente enbois. Le mobilier lui aussi se réfère aux traditionseuropéennes: tables, buffets, lits et armoires,réalisés sur place ou importés de France. Cesédifices dans leur mode d'organisation et dansleurs formes sont à rapprocher des maisons demaîtres des exploitations agricoles du Portugal,que les colons reproduisent au Brésil (ils se réfè­rent notamment à l'architecture des villas sei­gneuriales de la région de Lisbonne construitesau XVIIe et au XVIIIe siècles).

La dimension « brésilienne » se remarque dansla configuration spatiale des édifices ainsi que dansl'emploi de couleurs vives pour les crépis. Ladécoration d'inspiration baroque est particulière­ment développée. Les façades sont accusées pardes colonnades souvent surmontées de chapiteauxcorynthiens et par des porches monumentaux auxformes courbes. Des moulures entourent les porteset les fenêtres et certaines vérandas sont closespar des panneaux de bois. En outre, des jalousiesouvragées ferment les fenêtres et permettentdepuis l'intérieur d'observer le spectacle de la rue.

Ces figures stylistiques, remarquables au Por­tugal, ont été particulièrement employées dansl'architecture des bâtiments de prestige de l'an­cienne capitale du Brésil, San Salvador de Bahia,où furent envoyés de nombreux esclaves africains.Elles renforcent la composition géométrique desédifices. Les murs rectilignes et réguliers se ren­contrent perpendiculairement tandis que les pentesdes toits se croisent à 30°. Ce paysage contrasteavec les volumes massifs et ventrus des maisonsen terre et avec les toits en paille aux pentesaiguës.

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Deux maisons dans lavieille cité.

Le style brésilien se traduit icidans l'encadrement des fenêtres

en stuc et dans la galerie àarcades.

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A

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A

B B

Maison d'un richecommerçant afro-brésilien.

Le corps central renvoie dans leplan comme dans la décorationau style de la ville brésilienne.En revanche plusieurs bâtimen tsont été rajoutés à l'arrièreautour d'un espace centralouvert, recomposant l'ambiancede l'habitat africain.1. Salon - 2. Cuisine -3. Chambre - 4. Magasin ­5. Toilettes - 6. Tombe.

B1

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Ces constructions témoignent du pouvoir desAfro-Brésiliens qui investissent dans une habitationde prestige. Leur période de splendeur dans lescomptoirs côtiers se situe à la fin du XIXe et audébut du xx" siècle, lorsqu'ils contrôlent lecommerce et sont indispensables aux colons. Ilsédifient à Porto-Novo de nombreux bâtiments àproximité du marché et de la mission catholique.Les Européens, à la recherche de logements, leslouent et les Africains fortunés les achètent. Audébut du siècle, habiter dans une maison brési­lienne est un signe de réussite sociale.

A partir des années trente, les Afro-Brésiliens,concurrencés en amont par les colons et en avalpar les Libanais et les Yoruba, sont progressi­vement écartés des réseaux économiques et poli­tiques. Nombre d'entre eux émigrent. Ouidah,leur première base en Afrique, se vide. A Porto­Novo, leurs maisons demeurent mais ne sont plushabitées que par les moins fortunés qui n'ont plusles moyens de les entretenir. De nouveaux modèlesarchitecturaux apparaissent, importés par les Euro­péens. En 1960, la villa brésilienne est, commele disent les Béninois, une « vieillerie ».

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Maison de commerceédifiée par les Européens.

Celle entrepôt du début dusiècle a perdu sa (onction

première et sert aujourd'huid'école.

Les maIsons de commerce

Les commerçants européens installés à Porto­Novo firent édifier de vastes entrepôts dans laville pour stocker les marchandises (fûts d'huilede palme, etc.). Ils demandèrent au roi ou à desparticuliers des terrains à proximité de la laguneet les obtinrent facilement en raison de l'enri­chissement qu'ils apportaient à la ville. Les solsétant trop marécageux, ils ne purent faireconstruire, comme dans les autres comptoirs, lesbâtiments à même la rive et s'installèrent en retraitsur des sols plus stables et non inondables. Plustard, ils relièrent les maisons aux rives par desrails afin de faciliter le transbordement des mar­chandises. Cette voie aboutissait à des wharfs ouà des « Boaty », petits canaux creusés dans le soloù pouvaient pénétrer les pirogues et les chalands.Les emprises foncières des maisons de commerce

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L'ancienne imprimerie dugouvernement.

L'habillage en panneaux de boisde la véranda se retrouve dansd'autres édifices coloniauxcomme par exemple à GrandBassam en Côte d'Ivoire.

occupaient plusieurs centaines de mètres carrés etétaient généralement closes par un mur; ellesconstituaient elles aussi des « concessions ».

Les maisons de commerce étaient disposées lelong de la lagune, excepté à proximité des quartiersAkron et Gbekon où le sol restait la propriétédes Africains. Les négociants recherchaient dessites pratiques pour la circulation des hommes etdes marchandises et non le regroupement dansun quartier réservé. Ils édifièrent des entrepôtsaux volumes massifs, souvent dotés d'un étage.Les espaces d'habitation étaient peu importants,une partie du personnel résidant dans d'autresquartiers.

Ces bâtiments, comme dans les autres comptoirs,ne présentaient pas pour la plupart de qualitésarchitecturales particulières, qu'ils appartiennentà des sociétés anglaises, françaises ou allemandes.Ils étaient construits en briques cuites ou en pierresprovenant de la région de Sakété ; des structuresmétalliques ou en bois supportaient les plancherset les toits de tôle. Seuls quelques commerçantsafro-brésiliens imprimèrent parfois un style plusexubérant à ces édifices austères, en ajoutant surles façades quelques motifs décoratifs.

Ces édifices ont commencé à être désertés dèsle début du xxe siècle avec le départ de leursoccupants vers Cotonou, le nouveau centrecommercial de la colonie. Les volumes massifs nes'accordant guère avec les types d'habitation dela région, ces bâtiments ont souvent été laissés àl'abandon.

Les bâtiments publicsDestinés à recevoir les services de l'administra­

tion, ces bâtiments ne furent pas tous construitspar le service des Travaux Publics. L'édificationd'une construction selon les normes colonialess'avérant particulièrement coûteuse, l'administra­tion se limita à en bâtir quelques-uns et loua àdes particuliers des maisons transformées à peude frais en logement ou en bureaux.

Jusqu'au début du xx· siècle, l'administrationpare au plus pressé et fait édifier des casernes

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Maison de commerçantafro-brésilien.

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pour les troupes, puis quelques maisons pour logerles officiers. Avec le développement de la colonie,un effort est réalisé : le palais du gouverneur estachevé vers 1905. Dans les deux décennies sui­vantes sont construits les principaux bâtimentspublics: poste, tribunal, trésor, école, douane ...

Les principes de l'architecture coloniale,inventés par les militaires et les hygiénistes à lafin du XIXe siècle, et déjà en vigueur aux Antilleset dans la colonie du Sénégal, sont naturellementappliqués à ces édifices, logements ou bureaux.Les bâtiments en briques cuites ou en pierres,sont composés d'une série de pièces alignées, detailles identiques, ouvrant des deux côtés sur unevéranda entourant l'édifice. Un étage, semblableau rez-de-chaussée, est parfois élevé et accueillesouvent le logement du chef de service.

De nombreux bâtiments sont de ce fait rigou­reusement identiques ; ils sont élevés en fonctionde plans types, destinés à l'ensemble des colonies,et produisent un paysage souvent monotone. Aussicertains constructeurs ont tenté de les particulariseren ajoutant des figures architecturales originales.A Porto-Novo on remarque la présence, en avantd'une façade, d'une pièce supplémentaire en rez­de-chaussée surmontée d'une terrasse, de formesemi-circulaire qui rompt l'alignement. Par ailleursun effort est réalisé pour mettre en valeur lesdifférents pans de toiture. Plus anecdotique estle style néo-classique que certains dessinateurstentent d'imprimer par l'ajout de balustrades«grand siècle », de frises et de frontons.

Ces tentatives plus ou moins réussies, plus oumoins décoratives, diversifient le paysage archi­tectural des quartiers « blancs », tout en respectantles principes contraignants d'une architecture cli­matique et hygiéniste. De plus, ce paysage estrégulièrement modifié grâce aux nombreuses plan­tations d'espèces arborées diverses qui masquentprogressivement les façades. Après une dizained'années, les masses des feuillages et des plantesgrasses ne laissent échapper au passant dans larue que quelques rares pans de toiture et couvrentles bruits de la maisonnée.

La véranda est une figure centrale de l'archi­tecture coloniale en Afrique noire entre 1870 et

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1930. Elle entoure la quasi-totalité des bâtimentspublics et apporte une protection contre la chaleur.Les murs des pièces habitées ne sont pas exposésdirectement au soleil. En outre, elle renforce laventilation naturelle créée par les doubles ouver­tures des pièces. A partir des années quarante,elle disparaît, car trop coûteuse et «mangeused'espaces inutiles ». A cette époque, le travailobligatoire a été supprimé et les climatiseurs sontapparus.

Les édifices publics rappellent alors le plussouvent l'architecture internationale, que l'onretrouve sous des formes rigoureusement iden­tiques aussi bien en Europe qu'en Afrique. Seulsles climatiseurs installés au-dessous des fenêtresdonnent une touche tropicale, remarquable dansd'autres continents aux mêmes latitudes.

La faiblesse des budgets locaux n'a jamais per­mis de supprimer la pratique de location debâtiments privés. Aussi, pendant l'ère coloniale,sont construits des édifices de rapport selon desnormes proches de celles des bâtiments coloniaux,afin qu'ils puissent être acceptés par l'administra­tion coloniale. Ainsi se développe un secteur privéde la construction qui a comme modèle l'archi­tecture coloniale, mais qui emprunte aussi àd'autres styles, notamment à celui des Afro-Bré­siliens. Ces constructions, dont les plans sont quasiidentiques à ceux des maisons coloniales, possè­dent une architecture plus originale et cassent lamonotonie provoquée par l'emploi systématiquede catalogues officiels d'architecture publique. Deplus, leur qualité décorative n'est pas sans toucherquelques édiles qui font appel à ces entrepreneurspour bâtir certains édifices publics.

Tous les bâtiments sont disposés en fonction derègles esthétiques d'inspiration « classique» et sontpour la plupart alignés le long des rues.L'« urbanité », provoquée par la géométrie destracés, est renforcée par la plantation régulièredans les rues d'arbres qui rappellent les alléesbordées de platanes ou de maronniers. De lamême façon que sont importés des modèles archi­tecturaux, sont appliqués des règles esthétiquesd'ordonnancement, qui visent à produire un pay­sage urbain proche, ou du moins semblable, à

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celui de la métropole. L'aménagement de vastesplaces dans la ville (places Jean Bayol, du palaisdu gouverneur) s'inscrit dans cette logique; ellessont les nouveaux lieux de représentation dupouvoir, où se déroulent les manifestations offi­cielles, et offrent des espaces de « promenade»pour les citadins « civilisés ».

Néanmoins cette urbanité est limitée par lacrainte des concentrations humaines, «sourcesd'insalubrité ». Aussi, les édifices publics ne sont­ils pas juxtaposés, mais implantés dans de vastesparcelles transformées en jardins tropicaux. Lequartier administratif colonial de Porto-Novo ren­voie plus aux cités-jardins, et s'opposent auxquartiers commerçants (rue Cyprien Fabre, avenueDoumergue) plus denses et plus animés.

L'habitation colonialeAu début du XXC siècle, l'administration colo­

niale fait édifier pour son personnel des villas defonction. Des bâtiments aux plans identiques sontconstruits selon les mêmes règles que pour lesédifices publics. Les villas trônent au centre deparcelles qui doivent devenir des jardins d'agré­ment. D'abord composées de deux ou trois piècesprincipales, et destinées à des célibataires, elless'agrandissent progressivement pour accueillir lesfamilles de fonctionnaires qui, pendant longtemps,n'osaient s'aventurer sous les tropiques.

Elles deviennent alors une synthèse de pres­criptions climatiques - les vérandas, la surélé­vation, la ventilation - et de phantasmes deconfort bourgeois. La présence d'une domesticitéimportante se note dans la division de la villa, ycompris au niveau des accès entre la partie noble,réservée au maître des lieux - les chambres, lapièce de réception, la salle de bains, le jardin ­et la zone attribuée au personnel à l'arrière dela maison - cuisine, magasin, éventuellementchambre, toilettes particulières et cour de service.Cette «boyerie» (version exotique des« communs ») pouvait être aussi située dans desdépendances éloignées de la villa (au fond dujardin) et masquées par la végétation.

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Intérieur d'une habitation.

L'influence brésilienne se traduitégalement dans l'aménagement:

carrelages, faux plafonds en boisouvragé et mobilier.

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Logement des employésde l'administrationcoloniale.

Cette villa construite dans lesannées 1950 à l'ouest de la villene possède plus de véranda toutautour des pièces d'habitation.EUe reste néanmoins protégée dusoleil par la végétation dense dujardin.

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Ce type d'habitat s'avère coûteux et n'est réservéqu'aux fonctionnaires. Au fur et à mesure quecette population augmente, les villas perdent deleur splendeur, la véranda devient une terrasse.A partir des années 1940, la climatisation artifi­cielle permet ici de réduire le volume des pièceset de supprimer certaines ouvertures. Après 1950,cette habitation perd son cachet colonial et rap­pelle souvent les pavillons de banlieue des citésfrançaises. Le personnel domestique réside alorssystématiquement dans d'autres bâtiments,construits en matériaux locaux et donc moinsonéreux, ou se loge au « quartier ».

Les Africains employés par l'administration nebénéficient guère de cet effort en matière delogement. Ce n'est que dans les années cinquantequ'est réalisée à Porto-Novo une opération d'ha­bitat destinée aux « évolués ». Une dizaine devillas aux plans et aux formes semblables sontconstruites le long du boulevard extérieur, à proxi­mité du nouveau lycée, pour accueillir des fonc­tionnaires africains. Construits en parpaings, cesbâtiments sont en tout point identiques à ceuxédifiés à la même époque dans d'autres coloniesfrançaises d'Afrique noire par l'Office des Habi­tations Economiques, promoteur du projet. Plu­sieurs pièces groupées (une ou deux chambres,un séjour, une cuisine et une salle de bain) formentune masse compacte plantée sur une parcelle de200 à 300 m2

• Une large arcade sur la façaderecouvre partiellement une terrasse ouvrant surun jardinet. En fait, il s'agit d'une version sim­plifiée et moins coûteuse des villas pour Euro­péens. Particulièrement inadapté aux pratiquessociales et culturelles, et demeurant relativementonéreux, ce type d'opération issu de l'idéologiepavillonnaire ne sera pas renouvelé dans la ville.

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Logement des employésde l'administration

coloniale, plan.

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La cathédrale.

. ns les années 1940Construite da , l'emplacementelle est .sltuée a. ion etde l'ancienne ~l~~e de moindrerempla~e une cg " Afro-taille balle par Je.Br~siliens.

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Les édifices religieuxIls sont particulièrement nombreux dans cette

ville. La présence des yoruba, originaires decontrées anciennement islamisées, explique ledéveloppement des mosquées, et le rôle de chef­lieu de colonie justifie la construction d'impor­tantes églises et de temples par les missionnaires.

Églises et templesLes premiers missionnaires à Porto-Novo se

contentent de faire monter avec « les moyens dubord» un local pour quelques fidèles. L'aide del'administration et des congrégations religieuses àla fin du XIXC siècle permettent de concevoir desprojets plus ambitieux. Sur le site de la mission,une nouvelle église est construite toujours grâceà la compétence des artisans afro-brésiliens quidonnent à la façade un style baroque.

Les principaux temples, présents actuellementdans la ville, sont construits au début du Xxe

siècle.Les pasteurs font édifier «la cité de grâce»

sur l'emplacement de leur premier établissementdans les vieux quartiers. Un peu plus tard, en1924, ils font construire un imposant séminaire,aux vérandas majestueuses, dans un quartier plusexcentré.

Les catholiques à la même époque projettentde bâtir une nouvelle église, plus imposante. Leprojet prend forme en 1924, sous l'impulsion durévérend père Aupais, notamment lorsque lesmusulmans de la ville commencent le chantier dela grande mosquée. Les travaux démarrent l'annéesuivante et sont vite arrêtés, par manque de fonds.Finalement, l'église ne sera achevée qu'au débutdes années quarante et inaugurée en 1942. Lesterrains alentour appartiennent à la mission. Elley construit plusieurs bâtiments scolaires et enrétrocède une partie à l'administration.

La cathédrale tout en respectant les principesdes églises chrétiennes (plan cruciforme, c1ocher. .. )ne possède ni style ni grande originalité architec­turale. Le but recherché est simplement de pro­duire un édifice dominant la ville par sa masse

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La grande mosquée.

Construite dans les années 1930elle est située à proximité du

marché et s'inspire trèsdirectement des églises de la

ville de San Salvador de Bahiaau Brésil.

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Entrée d'une égliseet façade du grandtemple protestant.

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et sa hauteur. Les quelques figures décorativessont empruntées à un «vocabulaire» européensans qu'apparaisse une volonté de s'inspirer d'unstyle précis. Le souci de ne plus se référer austyle brésilien n'a pas suffi pour produire un genrenouveau.

De fait, la plupart des églises construites dansle pays et dans les colonies françaises d'Afriquenoire n'offrent guère d'originalité architecturale.Les plus médiocres, souvent situées en brousse,ne se différencient de hangars que par les croixaccolées aux murs.

Les mosquées

Les premières mosquées de Porto-Novo, élevéesau XIX e siècle, sont de petits bâtiments en terrecouverts de paille qui se distinguent assez peudes habitations. Le minaret est absent et elles neconservent des règles « classiques» des mosquéesque l'orientation à l'est.

Les musulmans de la ville se scindent rapidementen deux groupes rivaux, les Afro-Brésiliens quiédifient des mosquées s'inspirant du style brésilien,et les Yoruba « de souche» qui construisent desmosquées en terre, sans fioriture ou décorationparticulière.

Les conflits qui les opposent régulièrement secristallisent au début du xxe siècle sur le projetd'une nouvelle mosquée centrale, décidé pourplusieurs raisons. Les musulmans souhaitent unbâtiment plus vaste et plus grandiose et, à cetteoccasion, chaque groupe espère bien marquer sasuprématie. Par ailleurs, les commerçants se plai­gnent de l'emplacement de la première grandemosquée; les appels à la prière réveillent leshabitants des maisons de commerce Holt et Walk­den, situées à proximité. Enfin, l'administrationenvisage de faire passer sur ce site une nouvellevoie.

Cette situation favorise le démarrage des travauxen 1910. Les fonds émanent des fidèles de l'ad­ministration et le terrain est donné par un commer­çant afro-brésilien. Toutefois, les malentendusentre les deux communautés musulmanes s'accu­mulent et entravent le déroulement du chantier,

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La grande mosquée,détails.

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plusieurs fois interrompu. De plus avec la PremièreGuerre mondiale, il est suspendu pendant cinqans. La construction ne reprend vraiment qu'en1920, mais les conflits demeurent. Finalement, en

.1925, l'administration appelée en arbitrage trancheen faveur des Afro-Brésiliens et prend la directiondu chantier après plusieurs tentatives de récon­ciliation. Ce n'est qu'en 1935 que les travaux sontdéfinitivement achevés.

Le plan et l'architecture de la mosquée ont étédéfinis après une visite de Porto-Noviens à lamosquée de Lagos, bâtie par des artisans afro­brésiliens. Les travaux de celle de Porto-Novofurent principalement dirigés par un entrepreneurissu de ce groupe qui s'inspira très directementdes églises baroques de San Salvador de Bahia.La forme ouvragée du faîte de la façade est unefigure typique de ce style au Brésil. Le raffinementdes éléments décoratifs, à l'extérieur comme àl'intérieur, les couleurs contrastées et variées tran­chent avec le paysage environnant.

La mosquée est située à proximité du marchéet au cœur de la cité royale qu'elle domine desa masse surmontée de deux tours. Ce volumerépond à l'église catholique de l'ouest de la ville.Son emplacement et son style soulignent la puis­sance des Afro-Brésiliens qui arrivent à imposerà l'ensemble des communautés musulmanes de laville l'architecture des églises de leurs anciensmaîtres. Aujourd'hui encore, de nombreux visi­teurs imaginent qu'il s'agit à l'origine d'une églisecatholique.

De nouvelles extensions sont réalisées à partirde 1950. Des bâtiments « modernes» en bétonmasquent désormais un côté de l'ancien édificeet rompent les symétries; un nouveau minaret,plus conforme, a été élevé. L'absence de déco­ration et le volume massif contrastent tristementavec l'élégance de l'ancien édifice.

La grande mosquée,façade principale.

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La grande mosquée,façade et plan du rez-de­

chaussée.

Le rez-de-chaussée est réservéaux hommes; les femmes

occupent l'étage.

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Le marché vu depuis lamosquée.

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Chapitre 6

Modèles et tensions

L'Europe et le Brésil, de manières complé­mentaires, modifient la ville, tant dans l'architec­ture religieuse que civile, privée qu'officielle. Side nouveaux modèles apparaissent, ils ne concer­nent directement qu'une frange peu nombreusede la population. La grande majorité continue àhabiter dans des concessions en terre. Néanmoins,ces modèles, dominants, influent à terme sur lespratiques des citadins à des niveaux divers.

Par exemple, les maisons de commerce créentau bord de la lagune une barrière à certains pointsinfranchissable, et les porteurs de marchandisessont obligés de faire de grands détours. Cettesituation qui privilégie les commerçants européensest fréquemment critiquée par les notables de laville.

Quant aux villas situées dans les anciens quar­tiers, elles bloquent le développement spatial desconcessions. Ne pouvant annexer le sol selon lacoutume, certains densifient les unités d'habitationsdans les cours, construisent des étages ou recher­chent d'autres parcelles dans les nouveaux quar­tiers. Ce phénomène est accentué par la créationde la « ville blanche» qui limite l'installation desAfricains à l'ouest.

Les problèmes suscités ne touchent pas que lesoccupants «traditionnels». Les villas sont pro­gressivement entourées d'édifices en terre,implantés dans des interstices ou sur des voiries« informelles ». Des conglomérats d'habitations se

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Juxtaposition de différentstypes d'habitatiollS.

forment sans bien tenir compte des contraintesphysiques. Les écoulements naturels des eauxusées et pluviales sont de plus en plus rares etl'eau stagne dans de nombreuses rues et cours,ataquant les soubassements des habitations. Ledéveloppement de l'espace bâti, déjà soumis auxcontraintes foncières, religieuses et familiales, enest limité d'autant, les propriétaires ne voulantpas investir dans des quartiers devenus insalubres.Faute de se renouveler, le parc immobilier sedégrade.

Enfin, le développement de nouveaux typesarchitecturaux favorise d'autres logiques d'occu­pation de l'espace. Les villas sont implantées surde vastes parcelles en grande partie inoccupées.Ces bâtiments sont l'expression d'une pensée surl'espace élaborée en termes de modèles, issue dethéories occidentales qui ne prennent pas encompte les processus d'extension dans le tempsde l'espace bâti.

Ces modèles marquent la puissance des colo­nisateurs et ne sont pas sans séduire des Africainsqui aimeraient accéder à ces signes de pouvoir.Aussi, selon leurs moyens, certains commencentdès les années trente à construire de tels édificesà l'intérieur même des concessions, et à aban­donner l'utilisation de la terre au profit du « dur ».Ce mouvement est d'ailleurs encouragé par l'ad­ministration qui y voit un moyen de transformerles vieux tissus urbains et d'initier les citadins àune économie de la construction monétarisée.

Les difficultés que suscite la confrontation dedeux logiques de pensée sur l'espace sont à peineperceptibles lorsque la ville ne compte qu'une oudeux dizaines de milliers d'habitants. EUes pren­nent une tout autre ampleur dès lors que la citése développe avec un taux d'accroissement élevé,et surtout lorsque les revendications de quelques­uns sont reprises par la majorité des citadins.

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Troisième partie

Une villeconfrontée au présent

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Chapitre 1

La deuxième cité du pays

L'année 1960 marque la fin de l'ère colonialepour les pays d'Afrique noire francophone. Lacolonie du Dahomey devient un Etat indépendantqui en 1975 prendra le nom de République Popu­laire du Bénin.

Contrairement aux anciennes cités d'Afriquecomme Ouidah, Saint-Louis du Sénégal ou Tom­bouctou, Porto-Novo reste une ville dynamique,mais elle est confrontée aux problèmes suscitéspar l'urbanisation, auxquels s'ajoute la présenced'un patrimoine urbain difficile à gérer.

Un rôle politique en déclin

La ville de Porto-Novo, en raison de son histoireet de la présence des élites intellectuelles, est aucentre des luttes politiques qui conduiront le paysà l'indépendance. En 1947, une assemblée repré­sentative locale est élue et le mouvement d'éman­cipation se développe. Quatre partis politiquessont créés. Le parti de l'Union DémocratiqueDahoméenne (U.D.D.) a son siège à Porto-Novo;les trois autres y sont également présents.

A partir de 1955, ces partis accélèrent le pro­cessus de remise en cause du régime colonial. Le4 décembre 1958, la République du Dahomey estproclamée; en 1959, la première constitution estadoptée et M. Henri Maga devient Premier

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Ministre. L'année suivante, le Dahomey demandeavec les autres Etats du Conseil de l'Entente sacomplète indépendance. Elle est proclamée aupalais du Gouverneur à Porto-Novo le 1er août1960. Cet acte confirme le rôle de la ville commecapitale politique et administrative du jeune Etat.Le 11 décembre 1960 sont organisées les premièresélections présidentielles qui voient la victoire duparti de l'U.P.D. sur l'U.D.D. (ayant son fief àPorto-Novo). M. Maga est élu Président de laRépublique et M. Apithy, vice-Président.

La décennie qui suit l'indépendance du Daho­mey est marquée par de nombreux coups d'état.Porto-Novo, bastion d'une des fractions politiques,en subit les conséquences ; les autres fractions nepouvant y installer leurs bases se fixent à Cotonou,« neutre» politiquement et ethniquement. Lespartis au pouvoir se fixent tantôt à Cotonou tantôtà Porto-Novo jusqu'en 1967, date de l'installationdéfinitive de la présidence de la République àCotonou.

Le premier gouvernement du Dahomeycomprend douze ministères, dont huit ont leursiège à Porto-Novo (Développement et Plan, Fonc­tion Publique, Affaires Etrangères, Affaires Inté­rieures et Défense, Finances et Travail, EducationNationale et Culture, Agriculture et Coopération,"Santé Publique et Affaires Sociales). Il est renverséen 1963. Ses successeurs déplaceront progressi­vement les administrations à Cotonou. En octobre1972, date de l'avènement du pouvoir «révolu­tionnaire », de nouveaux ministères sont installésdans cette ville. Suivent en 1973 les Finances, en1976 l'Enseignement Supérieur et en 1985 le Déve­loppement Rural et l'Action Coopérative. Nedemeurent en 1986 à Porto-Novo que deux minis­tères, l'Enseignement Maternel et de Base, laCulture, la Jeunesse et les Sports dont le siègenational est en construction à Cotonou.

Si le pouvoir central et l'administration se dépla­cent, le pouvoir local subit de nombreusesréformes. En 1955, Porto-Novo devient unecommune «de plein exercice» dirigée par unmaire élu et non plus nommé par le gouverneur.En 1962, la ville de Porto-Novo est érigée enConseil Urbain ayant à sa tête un délégué du

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gouvernement, appelé chef de circonscription. Laville est aujourd'hui le chef-lieu d'une des sixprovinces du Bénin, l'üuémé, et abrite le siègedes services provinciaux.

Jusqu'à la réforme administrative de 1978, laville était découpée en huit arrondissements etcinquante-cinq quartiers. Depuis cette date, laville est divisée en trois entités, les DistrictsUrbains, dirigées par des Chefs de District etsubdivisées en seize communes urbaines coifféeschacune par un maire. Cette réforme intègrecertains villages périphériques au périmètre urbainet porte sa limite nord à plus de sept kilomètresde la lagune. En l'absence d'une autorité urbaineunique, la ville est administrée par un « trinôme»dont les actions sont coordonnées par le préfetde province.

Sur le plan traditionnel, la royauté a été trans­formée en chefferie dès la mort de Toffa en 1908.Le « Chef supérieur », Gbeffa, a tenu cette fonc­tion, de plus en plus symbolique, de 1946 jusqu'àsa mort en 1976. La chefferie est alors suppriméepar le régime en place et les descendants deGbeffa sont privés de statut officiel.

La période qui suit l'indépendance pousse àune redistribution des cartes politiques et éco­nomiques. Le régime colonial interdit pendantlongtemps à certains acteurs économiques d'êtrereconnus ; les régimes politiques qui lui succèdentleur permettront d'affirmer leur place dans lasociété. Les agents de l'appareil d'Etat, forméspar les Européens, particulièrement nombreux àPorto-Novo, prennent le pouvoir en 1960 maisn'arrivent pas à s'entendre et sont remplacés pardes militaires originaires du nord du pays en 1972.Les élites intellectuelles voient leur influence dimi­nuer de même que celle des autorités tradition­nelles. En outre, ces différents groupes n'ontjamais contrôlé les réseaux économiques toujourstenus principalement dans le sud du pays par lesYoruba. Ceux-ci, même s'ils ne revendiquent pasune place officielle dans la hiérarchie politique,sont devenus des interlocuteurs obligés des pou­voirs en place.

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Une population croissante

Deuxième ville du Bénin après Cotonou quicompte en 1985 environ 400 000 habitants, Porto­Novo subit une évolution démographique pluslente, bien qu'importante. La population, estiméeen 1958 à 50 000 habitants, est passée à 76 000en 1962, 92 000 en 1968 et atteint, en 1979, 132 000habitants. Si le taux d'accroissement annuel sta­bilisé autour de 4,8 % depuis les années 1960 semaintient (celui de Cotonou est de 8 %), lapopulation en 1985 doit avoisiner les 175 000habitants. En un peu plus de vingt-cinq ans, elleaura presque quadruplé.

Cette croissance est due à la natalité et à l'apportmigratoire provenant principalement de la pro­vince. Porto-Novo n'est plus un pôle attractifdominant pour les migrants qui lui préfèrent Coto­nou. La ville est plutôt devenue une étape migra­toire. Nombreux sont ceux qui s'en éloignentensuite, se dirigeant vers Cotonou ou même versdes pays étrangers comme le Nigéria, le Gabonou la Côte-d'Ivoire. Toutefois la population de laville n'a jamais été stable, en raison de son histoireéconomique ; la population active a depuis long­temps pris l'habitude de séjourner dans les villeset les pays voisins.

L'augmentation de la population urbaine n'apas été accompagnée d'une transformation radicalede ses composantes. Les groupes ethniques majo­ritaires restent les Goun suivis des Yoruba. Ledépart des administrations a réduit le nombre defonctionnaires qui reste néanmoins proportion­nellement plus élevé que dans les autres villes.Les paysans sont peu nombreux et les commerçantsconstituent toujours le groupe le plus importantet le plus dynamique.

La principale conséquence de l'accroissementdémographique résulte de l'émigration. Près dela moitié de la population de la ville réside auplus depuis une vingtaine d'années à Porto-Novoet n'y a pas d'ascendant. Aussi envisage-t-elle soninstallation dans la cité comme dans n'importequelle autre ville. Soucieuse d'y trouver de quoisurvivre, elle n'est guère préoccupée de son his-

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toire et de son passé. Les nouveaux venus, plutôtque de résider dans la vieille cité, préfèrent s'ins­taller dans les quartiers périphériques, comme ilsle feraient à Cotonou et ne se rendent dans lecentre qu'occasionnellement. Cette populationcontraste fortement avec les anciens Porto­Noviens, attachés à leur passé.

Une économie dynamique

Après l'indépendance, les cartes économiquesse sont sensiblement redistribuées. Les Européensqui bénéficiaient de la protection de l'appareiladministratif (marché protégé, etc.) perdent leursprivilèges et les compagnies commerciales qu'ilsdirigent sont concurrencées par d'autres réseauxéconomiques. Ce processus affecte dans unemoindre mesure les classes intermédiaires de lasociété coloniale, par exemple les Afro-Brésilienset les Libanais qui contrôlaient d'autres négoces.Les activités commerciales n'en diminuent pas pourautant, les circuits demeurant. Une étude officiellede 1982 (I.N.S.A.E.) évalue à 55 % la populationde Porto-Novo vivant du commerce, et ce chiffredoit être majoré dans la mesure où la plupartdes échanges échappe au contrôle de l'Etat etqu'un même individu se partage entre plusieurstypes d'activités.

Les échanges se développent principalementavec le Nigéria, notamment depuis le «boom»pétrolier de ce pays. Ils sont d'abord l'affaire desYoruba, qui s'enrichissent d'une part grâce auchange illégal de la monnaie nigériane, le Naïra,d'autre part grâce au trafic clandestin des produitsacheminés du Bénin vers le Nigéria - tissus,alcool, cigarettes, denrées alimentaires -, et duNigéria vers le Bénin, essence, pétrole, médica­ments, véhicules (particulièrement les motos),appareils électro-ménagers... Le marché noirtouche tous les produits. De l'essence et du pétroleimportés du Nigéria sont vendus frauduleusementdans tous les quartiers de Porto-Novo et dans sesenvirons malgré l'interdiction officielle et lesrisques d'incendie.

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La plupart des commerçants yoruba, originairesde Porto-Novo, y ont une résidence, tout eninstallant le siège de leurs activités à Cotonou.Ils circulent sans cesse entre ces villes et Lagos,et ne s'intéressent guère aux affaires publiques deleur cité. En quelques années, ces commerçants,appelés « El Hadj» pour avoir effectué un péle­rinage à la Mecque ou « Fayaho » pour qualifierleurs activités de contrebande, ont acquis desfortunes immenses qui se manifestent dans lesinvestissements immobiliers de prestige réalisés àCotonou, Lagos et surtout à Porto-Novo (villas,mosquées). A cette activité commerciale, fondéeessentiellement sur la contrebande, s'ajoute lecommerce intra-urbain contrôlé par des Africainset quelques Libanais.

La réorganisation du commerce modifie les lieuxd'échanges. Le marché central s'anime tous lesdeux jours, mais son influence régionale estréduite. Il est supplanté par les marchés d'Adjaraet d'Ifangni plus proches des localités nigérianes.Dans la ville même, ce marché est concurrencépar celui de Ouando (commune périphérique del'agglomération) qui s'affirme comme le plus grandmarché vivrier. Porto-Novo a longtemps été lelieu de transit de la plupart des produits entre leNigéria et le Bénin, même si Cotonou est devenuela ville par excellence des échanges commerciaux.Depuis 1977, date d'ouverture de la voie expressCotonou-Lagos qui évite Porto-Novo, ce rôle detransit a largement diminué.

Les activités artisanales sont surtout exercéespar les Goun ; les plus répandues sont la couture,la menuiserie, la maçonnerie, la forge, la « répa­ration» (d'ustensiles de la vie quotidienne, devéhicules ... ). L'activité industrielle comprend deuxunités, la S.O.N.I.G.O.G. installée depuis 1972et la brasserie réalisée par un investisseur privéet mise en service en 1986, ainsi qu'une dizainede boulangeries industrielles. La pêche et l'agri­culture occupent une petite partie de la populationet concernent encore l'ethnie Goun (et ses sous­groupes).

Ces activités ne sont plus contrôlées par desagents de l'appareil d'Etat, mais relèvent du sec­teur «informel» et occupent une multitude

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Rues et commerces.

Les fonctions de circulation nesont pas toujours dominantes.

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Femmes jouant de lamusique sur des« adjogan » lors d'unecérémonie.

(photo M.J. Pineau Jamous,1968).

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d'agents d'importance inégale. Le chiffre d'affairedu commerce, qui échappe presque totalement aufisc, est très élevé: Porto-Novo serait la ville duBénin où l'on enregistrerait les plus hauts revenus.

Une société plurielle

Les Goun et les Yoruba représentent plus de80 % de la population. Mina et Afro-Brésilienscomposent le reste, tandis que les Toffi et lesTorri sont majoritaires dans la campagne envi­ronnante.

La société porto-novienne résulte toujours dela symbiose des pratiques sociales et culturellesentre les différents groupes ethniques. Cette réu­nion ne signifie cependant pas l'abandon des carac­téristiques propres aux Goun et Yoruba; leursdeux langues sont comprises et parlées par lesPorto-Noviens. Les quartiers de la vieille ville,creusets de ces échanges, demeurent le lieu desréunions familiales et des manifestations collec­tives. Bien que très dégradés, ce sont les quartiersles plus animés.

Cette vie sociale se manifeste aussi dansl'exis­tence d'une multitude d'associations qui n'ont pasnécessairement une base d'appartenance ethniqueou religieuse: associations de type promotionnel,remarquables chez les riches commerçants demême génération; associations de type profes­sionnel, notamment chez les couturiers, chauffeurset coiffeurs; associations nées de la réunion detontines; associations à but culturel.

Les manifestations collectives dans la ville sontsouvent organisées lors de fêtes religieuses et àl'occasion de mariages, baptêmes et décès. Destam-tams résonnent fréquemment dans les quar­tiers centraux; les places publiques et les ruessont alors prises d'assaut pour les ripailles et lesdanses. Ces réjouissances sont l'occasion d'adresserdes chants et des louanges à des personnalités età des notables de la ville, à leurs familles et auxamis (sorte de chants de griots) et parfois ausside railler ses adversaires.

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Ces cérémonies ostentatoires, malgré leur inter­diction ces dernières années par les autorités quiles qualifient de ruineuses, sont loin de disparaître,car elles répondent à des logiques sociales etreligieuses. De plus, ces fêtes constituent, à traversles échanges de cadeaux, l'habillement, la consom­mation, etc., et par leur fréquence, une activitééconomique importante dans la ville. En outre,ce sont souvent des sources de revenus pour leursorganisateurs.

La diversité des cultes à Porto-Novo est aussile reflet de l'esprit d'ouverture de la population.Les Yoruba musulmans et les Goun catholiquesparticipent souvent aux manifestations animistes.Plusieurs croyances peuvent cohabiter dans unemême famille et les différentes cérémonies reli­gieuses lors des mariages, naissances et décès,peuvent se dérouler parallèlement. Les empruntsaux différentes religions et cultures sont fréquents.Quelques limites demeurent, notamment dans lesmariages, les musulmans n'acceptant guère de« gendres catholiques ou féticheurs ».

La force des pratiques d'essence animiste se litdans les nombreuses manifestations qui se dérou­lent dans la ville. Chaque année, une cérémonieappelée « Avowilé » réunit des groupes d'hommesqui parcourent la ville pour chasser les mauvaisesprits. La fête de l'Epiphanie, célébrée depuis1921, flatte le sens mystique des Goun et mobilisechrétiens et animistes dans un défilé magistral ethaut en couleur. Enfin, Porto-Novo est célèbrepour la cérémonie de l'Oma, manifestation hou­leuse au cours de laquelle les participants bran­dissent des bouquets de feuilles et des branches,et circulent en chantant à travers les artères dela ville. «Oma» a originellement pour but dechâtier le sacrilège commis sur un fidèle d'un cultevodoun. Elle est devenue un moyen de manifesterun mécontentement à l'égard des autorités poli­tiques.

Cette vie sociale et culturelle forte est une desoriginalités de la ville. Elle n'existe ni à Cotonou,dont le développement est trop récent et tropcomposite, ni dans les anciennes cités de Ouidahou d'Abomey, vidées de leurs forces vives. Néan­moins, le caractère trop marqué de la ville peut

143

••

•@ CATHÉDRALE.a. ÉGLISES'" TEMPLE PROTESTANT@GRANDE MOSQUÉE• MOSQUÉES

'+1 TEMPLES ANIMISTESDE LA FAMILLE ROYALE

Localisation des édificesreligieux en 1984.

Trois grandes mosquées, unecinquantaine de mosquées, une

cathédrale. un temple protestant,une dizaine d'églises, un grand

temple animiste. Ce recensementne prend pas en compte les

nombreuses mosquées enconstruction ni les multiplestemples aux ancêtres et aux

vodoun dans les rues et dans leshabitations. Pour une ville de

170 ()()() habitants, Porto-Novo nemanque pas d'équipements

religieux.

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devenir un handicap, car il induit une unité etune cohésion qui peuvent se révéler frondeusespour une autorité extérieure.

Une ville oubliéePorto-Novo présente aujourd'hui, pour de nom­

breux Béninois, une image négative. Elle rappellel'époque coloniale et plus généralement un passéque d'aucuns voudraient révolu. De plus, la pertedu pouvoir économique et politique des groupesdominants (Afro-Brésiliens, anciens fonctionnairesrecrutés par l'administration coloniale... ) a denombreuses conséquences. Certains s'accrochentaux maigres privilèges qui leur restent; d'autresabandonnent la ville. Les Porto-Noviens sont deve­nus minoritaires dans l'administration et dans l'ap­pareil politique, dominés par d'autres ethnies,provenant plutôt du nord du pays. Les gouvernantsactuels jugent souvent que cette ville a été long­temps privilégiée et le reste encore, aussi préfè­rent-ils concentrer les efforts vers d'autres régions.

Porto-Novo n'est toutefois pas une ville isoléeau niveau national. Si elle reste liée au Nigéria,via les Yoruba, ses liens avec Cotonou sont encoretrès vivaces. Les deux villes constituent à biendes égards un binôme. Les échanges économiqueset de personnes sont permanents comme entémoigne le volume du trafic sur la route qui lesrelie. Commerçants, fonctionnaires, étudiantseffectuent régulièrement le déplacement.

Malgré tout, la cité symbolise le passé et enconséquence les problèmes associés à sa croissancen'ont pendant longtemps guère été pris en compte.

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Le tissu urbaindans le centrede Porto-Nova.

Chapitre 2

L'urbanisation

La croissance spatiale de la ville entre 1960 et1985 fait apparaître les quartiers créés antérieu­rement comme une part importante mais non plusdominante de la ville. Après s'être étendue toutautour du boulevard extérieur qui entoure lesvieux quartiers, la ville se déploie préférentiel­lement le long des axes goudronnées en directiondu nord de la province et du Nigéria. Ce dyna-

_ misme spatial se lit dans les nombreuses implan­tations de villas de commerçants yoruba. L'ex­tension est limitée à l'est et à l'ouest par deuxdépressions marécageuses.

L'importance du poids démographique dans leszones péri-urbaines et l'intervention très faible despouvoirs publics ont provoqué une transformationcomplète de l'espace urbain en une vingtained'années. L'accès au sol est devenu un enjeumajeur pour les milliers de migrants, et les terresde la périphérie sont occupées au coup par coup.Les villages proches de la ville et les champs deculture sont progressivement absorbés par l'ex­tension urbaine. En revanche, le centre ville auxtissus anciens est victime d'un phénomène d'aban­don par certains de ses habitants. Les tissus anciensparticulièrement fragiles se dégradent rapidementcomme en témoignent les nombreux bâtiments enruine.

La situation centrale « géographiquement» desvieux quartiers ne doit plus faire illusion. Rap­pelons que les marchés de la périphérie sont

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XVI - XVII< SIECLE \ XVIII - XIX< SIECLE VERS 1880

Extension de la ville.

L'arrivée sur la villedepuis le pont sur lalagune.

En 1985, les nouveaux quartiersoccupent un espace plus vaste

que l'ensemble de la cité en1960 et témoignent de l'ampleur

de l'accroissementdémographique.

~ HABITAT DENSE

1<1 HABITAT DISPERSÉ

~~~~~=~ ZONE MARtCAGEUSE

+-+++-++ LIMITE URBAINE

--- ROurE

....L..,L, CHEMIN DE FER

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aujourd'hui plus importants que celui du centre.De même la construction d'une nouvelle grandemosquée dans un quartier périphérique marquecette évolution. Enfin le quartier administratif, s'ilaccueille encore certains services officiels, acquiertprogressivement une fonction essentiellement rési­dentielle.

Les opérations d'aménagementA l'indépendance du Dahomey, les documents

de planification urbaine (plan directeur), qui n'ontpas été appliqués dans les années cinquante, sontdéfinitivement oubliés, particulièrement à Porto­Novo où le plan projeté s'avère difficilementréalisable. Dans ce vide réglementaire, des opé­rations sont menées au cours des décenniessoixante et soixante-dix, sans orientation globaleet sans que soient définies des priorités. Ainsi,toute la dimension d'entretien du patrimoine exis­tant est négligée. Les efforts sont concentrés prin­cipalement dans la création de voies nouvelles etde quelques lotissements.

Les réseauxL'ouverture de vomes a constitué en matière

d'urbanisme pendant longtemps le principal moded'intervention de l'administration. Elle présentel'avantage de ne pas remettre en cause l'assisefoncière des habitants, excepté pour ceux quivoient leur domaine traversé par une rue. Dansles quartiers très denses, elle est moins contrai­gnante qu'une procédure de lotissement, où tousles lots sont tirés au cordeau selon une grille pré­établie. Pratiquée pendant la période coloniale,notamment dans les vieux quartiers, elle fut pour­suivie après 1960.

Le principe d'une fête de l'Indépendance tour­nante entre les différents chefs-lieux de province,instaurée à partir de 1970, a permis à Porto-Novode bénéficier en 1972 du plus important investis­sement réalisé en matière de voirie après 1960.En dépit de la difficulté de réalisation, quinze

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kilomètres de rues furent percés dans les anciensquartiers. Cette opération eut un fort impact.

Elle fut menée après une campagne de sensi­bilisation et de mobilisation, les opinions étantpartagées. L'opposition s'organisa pour bloquer leprojet mais l'autorité municipale, tout aussi déci­dée, passa outre. Des séances publiques de mobi­lisation et d'explication des tracés furent organi­sées. Les opposants, ayant à leur tête un notabletrès influent chez les commerçants yoruba, dénon­cèrent le caractère injuste du tracé qui lésait denombreux propriétaires. Ce notable jura de pour­suivre et de finir la construction de sa boutiquesituée justement sur le tracé d'une rue, à proximitédu grand marché. Finalement elle fut détruite sansautre forme de procès et le mouvement n'eut pasde suite. Néanmoins il a témoigné de l'attachementdes citadins à leur patrimoine foncier.

D'autres rues furent prolongées et bitumées dansdes quartiers moins denses (notamment les bou­levards Lagunaire et Extérieur et l'avenue Lio­tard) ; les travaux ne nécessitèrent pas la des­truction de nombreuses maisons et neprovoquèrent pas de trouble, les habitants y étantinstallés depuis peu de temps. Toujours dans cecadre eut lieu une extension importante desréseaux d'adduction d'eau potable et d'électricité.Par ailleurs, certaines réserves foncières furentétablies à la périphérie pour l'implantation d'équi­pements, l'Université, les Archives et la Biblio­thèque nationale. En 1976, de nouvelles ouverturesde voies ont eu lieu dans les quartiers récents deKandévié, Houssouho et Hlogou. La mise en placede réseaux, qui se justifie d'un point de vueurbanistique dans les quartiers déjà peuplés, nesuffit toutefois pas pour organiser l'occupation deszones urbanisées.

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Place d'un vieux quartier.

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Edifices en ruine.

Les bâtiments commencent à sedégrader par les toits puis par

les murs extérieurs dont lescrépis ne sont pas refaits

régulièrement.

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•••••••••••• VOIES EN BITUME

Nouvelles voies tracéesdans la vieille ville en1972.

Photo aenenne du centreville en 1959.

(cliché IGN, AOF 223-50).

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Les lotissementsLes programmes de lotissements n'ont pas connu

une évolution rationnelle dans le temps et dansl'espace. Les premières opérations après l'indé­pendance datent de 1964 ; il faudra attendre plusde dix ans pour voir la réalisation d'autres lotis­sements.

En 1964, un programme de lotissements estconçu au nord du boulevard Extérieur, dans leszones d'extension de la ville. Celui de Gbè­zounkpa, attribué en 1965, ne prend pas en comptele caractère inondable du site. En 1985, il conserveune densité d'occupation assez faible (30 habitantsà l'hectare), bien qu'il soit équipé de réseauxd'eau potable et d'électricité; de nombreuses par­celles sont inondées lors des saisons des pluies.Le lotissement de Houinmé, à la forme irrégulière,englobe certains villages périphériques. Les zonescomprises entre ces deux lotissements et la villeancienne n'ont pas été loties et les constructionsse sont développées le long des voies d'accès.

En 1977, des sites initialement affectés à deséquipements sont lotis. C'est le cas du lotissementd'Avakpa réalisé sur la place du monument del'Indépendance, ainsi que du lotissement «LesPalmiers» sur l'ancien site réservé à l'Université.L'absence de maîtrise des mécanismes fonciers aentraîné de nombreux retards dans la mise enplace des procédures d'attribution des parcelles.Depuis 1980, d'autres lotissements ont été réalisés,notamment dans les quartiers Gbokou à l'est etDjassin à l'ouest, mais ce type d'occupation del'espace ne représente qu'une petite part des zonesurbanisées. En outre, l'intervention de l'Etat dansles lotissements s'est généralement limitée au bor­nage des parcelles. Des réseaux sont mis en placeau mieux sur quelques axes, et les particuliers s'yraccordent selon leurs possibilités. Parfois, poursuppléer à ce manque, la population dont l'oc­cupation foncière est légalement reconnue, s'estregroupée pour financer la construction d'une écoleou d'un centre médical.

151

Les équipements publicsLa ville n'a pas effectué après 1960 de réali­

sations importantes dans ce domaine. Le dépla­cement des administrations à Cotonou a rendudisponibles de nombreux bâtiments. A partir de1975 quelques chantiers sont lancés, notammentpour accueillir la future mairie. Il faudra unedizaine d'années pour que le bâtiment soit achevé:en 1985 la préfecture y est inaugurée. Les chantiersde la Bibliothèque, des Archives nationales et duTribunal sont arrêtés depuis 1985, faute de crédit.Ce secteur, non prioritaire, souffre de finance­ments trop irréguliers pour assurer l'entretien etla modernisation du parc existant. Les équipementsscolaires et surtout sanitaires sont dans un étatde grande vétusté et nécessitent parfois d'êtretotalement reconstruits. Les quelques nouveauxbâtiments publics de style « international» ne sontguère remarquables dans la ville.

Les quartiers non lotisLa périphérie

La croissance démographique de la ville pendantles dix dernières années favorise le développementdes quartiers périphériques dont la densité rési­dentielle progresse rapidement. Les anciens vil­lages suburbains sont régulièrement investis parles nouveaux citadins qui y trouvent facilementdes terrains, le régime foncier relevant du droitcoutumier. Les propriétaires terriens qui, jusqu'àprésent, cultivaient le sol ou produisaient de l'huilede palme trouvent de nouveaux revenus en mor­cellant leurs propriétés et en vendant des portionsde terre, aux limites souvent irrégulières, à desprix élevés, étant donné l'absence d'infrastructures.Les bénéficiaires de cette spéculation sont les chefscoutumiers du sol et les commerçants yoruba. Cesderniers, à partir du début du xxe siècle, ontpratiqué l'usure à Porto-Novo et des propriétairesterriens, incapables de les rembourser, ont étéamenés à leur céder des terrains en réglement deleurs dettes. De vastes domaines dans la périphérie

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Villas de richescommerçants yoruba.

Situées plutôt à la périphérie dela ville, ces villas rivalisent entaille et en ornements ettémoignent de la richesse de cesnégociants.

sont passés dans les mains des Yoruba, alors quependant longtemps ceux-ci n'avaient pu prétendreà la propriété foncière.

La morphologie des parcelles non loties estproblématique, car elle gêne la construction deréseaux. Ces nouveaux citadins investissent dessommes considérables dans la construction delogements sans avoir aucune garantie légale. Cesbâtiments ne sont pas juridiquement à l'abri dela destruction, lors des opérations de lotissement.L'absence pendant longtemps de toute interventionde l'Etat a permis le développement de ces quar­tiers et l'importance du phénomène a finalementconduit dernièrement l'administration à sa priseen compte. Elle favorise désormais la constructiond'écoles et de dispensaires et tolère l'installationdes habitants.

L'occupation « non planifiée du sol» autorisetoutes les formes de construction, particulièrementquand le risque de «déguerpissement» estminime. Le paysage dans les quartiers périphé­riques est très diversifié. Les habitants autochtonesdes anciens villages vendent une partie de leursterres aux nouveaux migrants, mais occupentencore leurs habitations en terre aux toits dechaume. On retrouve, à quelques variantes près,dans cet habitat familial, les mêmes caractéris­tiques analysées dans les vieux quartiers - espacelignager, autels religieux ... - sans les contraintesspatiales; les bâtiments regroupés autour de coursoccupent de vastes domaines plantés de palmierset cultivés.

Les nouveaux migrants édifient des habitationsen fonction de leur statut social. Certains, auxrevenus modestes, édifient des constructions detype « linéaire » (des pièces accolées en bande).Si ces édifices sont disposés généralement autourd'une cour, leur mode d'occupation diffère desprécédents. Les familles sont plus restreintes;certaines pièces sont mises en location. Toutesles nouvelles constructions sont en matériauxdurables avec des toitures en tôle; certaines, plusconfortables, copient le style « villas ».

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Le centre villeLes quartiers anciens constituent aussi des zones

non loties. Leur évolution récente relève d'unetout autre logique à la fois de densification et dedésaffection, remarquable dans d'autres centresanciens de villes africaines (Saint-Louis duSénégal) et aussi d'autres continents.

Le phénomène de dégradation est l'expressionla plus visible du déplacement des activités et desdynamiques dans la ville. L'activité fluvio-portuairequi caractérisait la bordure lagunaire a disparu.La plupart des entrepôts et boutiques sont tombésen ruine; ceux qui fonctionnent encore doiventleur maintien au trafic lagunaire avec la ville deBadagry au Nigéria. Les berges autrefois encom­brées par les pirogues et les marchandises sontdevenues des terres de culture maraîchère. Dansla ville, les maisons des Afro-Brésiliens et denombreuses concessions, peu entretenues, tombentégalement en ruine. Périodiquement les bâtimentsqui menacent de s'écrouler sont rasés. Certainséquipements publics ou logements administratifs,comme l'hôpital, subissent le même sort.

Quant aux réseaux existants, ils ne suffisentplus. Les densités d'habitants, qui atteignentcomme dans le quartier de Zébou Massé 230habitants par hectare, entraînent la saturation desrares égouts, la dégradation des chaussées et latransformation de certaines ruelles et places encollecteurs et en décharges. En outre, pendantles saisons des pluies, des portions de quartiersrestent inondées durant plusieurs jours en raisonde l'absence de réseau d'évacuation des eauxpluviales. Le manque d'entretien atteint même lavégétation. Les arbres plantés le long des rues,vieux de quelques dizaines d'années, ne sont plustaillés et sont progressivement détruits en raisondu risque de rupture de certaines branches. Cettelogique de nettoyage par le vide ne fait querenforcer le processus d'abandon de la vieille cité.

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Villas yoruba.

Ces villas ne sont pas toujoursachevées. La crise économiqueau Nigéria à partir des annéesquatre-vingt a réduit les profits

des commerçants qui ont dûparfois interrompre le chantier.

Ces édifices aux formes massivess'inspirent des villas construites

en Arabie Saoudite où serendent tous ces commerçants

pour le pèlerinage à la Mecque.

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Mosquée de quartier.

Les nouveaux modèles spatiaux

Les activités économiques dans la ville favorisentcertains groupes sociaux qui marquent leur emprisespatiale. On enregistre ce phénomène depuis lemilieu des années soixante-dix, avec la constructionpar les riches commerçants yoruba de nombreusesmosquées et villas privées disséminées dans letissu urbain.

Les villas « yoruba»Les commerçants yoruba, qui se sont considé­

rablement enrichis grâce au négoce avec le Nigéria,réinvestissent une part de leurs bénéfices dans laconstruction de maisons de prestige. Composéesde plusieurs étages et décorées de matériaux coû­teux comme le marbre, elles présentent toutes lemême aspect à quelques variantes près. Elles sontgénéralement conçues par des dessinateurs pro­fessionnels, qui diffusent des plans standard, etsont construites en parpaings de ciment. Les unesont un plan répété à l'identique sur plusieursétages; les autres ont une surface d'habitationqui va en décroissant avec l'élévation, laissantainsi place à de vastes terrasses parfois utiliséescomme cours; une paillote y est souvent installée.Certaines villas associent les deux genres et sontcomposées de plusieurs corps de bâtiments jux­taposés. Leurs formes massives rappellent lesriches villas des pays du Golfe Persique, quiconstituent un modèle pour les commerçantsmusulmans, lesquels se sont rendus dans ces paysau moins une fois à l'occasion d'un pélerinage àla Mecque.

Un même commerçant peut posséder plusieursvillas. Elles sont pour la plupart peu habitées,comme en témoigne le mobilier composé princi­palement de fauteuils pour les invités. Les salonset terrasses qui occupent l'essentiel du volumepermettent de recevoir, comme dans les conces­sions du centre ville, l'ensemble des membresd'une famille et leurs dépendants. Plusieurs foispar an, lors de somptueuses réceptions, plusieurscentaines de personnes s'y retrouvent. L'organi­sa tion spatiale est en revanche fort différente. Les

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pièces distribuées à la verticale constituent àchaque étage des appartements privés. Si les ter­rasses et les balcons remplacent d'une certainemanière les cours, par exemple lors des fêtes, ilsont un caractère plus privatif et n'accueillent plusles activités de cuisine ou de nettoyage. Enfin, lavilla à la masse imposante et aux larges baiesvitrées domine le paysage urbain. Elle est tournéevers l'extérieur, contrairement à la concessionfermée sur elle-même.

Les villas sont rarement louées, le standingétant trop élevé par rapport au revenu des deman­deurs. Elles n'assurent qu'une fonction de prestigecomme le soulignent de nombreux signes: pla­fonds moulés, systèmes électroniques d'alarme ...Ces investissements improductifs sont coûteux pourl'économie nationale, les matériaux, la décorationet le mobilier étant généralement importés. Larichesse dont elles témoignent (elles peuvent êtreestimées entre un et plusieurs millions de francsfrançais) contraste avec le processus de dégra­dation des vieux quartiers de la ville, dont sontsouvent issus ces commerçants. L'importance deces dépenses dans le secteur immobilier est unélément à prendre en compte dans le cadre d'unprogramme de réhabilitation du patrimoine de laville.

Depuis 1983 la construction s'est ralentie, enraison de la récession de l'économie nigériane etde la crise générale, deux phénomènes qui ontréduit les revenus de ces négociants. De nom­breuses villas restent inachevées: seul le grosœuvre est en place, les crépis et les menuiseriesmanquent. Cette situation crée un paysage par­ticulier à Porto-Novo (mais aussi à Cotonou) ;des infra-structures imposantes en parpaings deciment brut dominent visuellement dans les quar­tiers périphériques et aussi à proximité de lalagune.

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Les mosquées

Le phénomène le plus remarquable de ces dixdernières années est la prolifération de mosquéesdont le nombre dépasse en 1985 la centaine. Iltrouve son origine dans l'enracinement de l'islamet le pouvoir économique de certains fidèles.Aussi, prétend-on dans certains milieux musulmansde Porto-Novo, qu'après le pélerinage à laMecque, l'édification d'une mosquée constituel'une des prescriptions du Coran.

Cette situation peut laisser supposer que lesmusulmans sont plus nombreux dans la ville, maiselle marque surtout la force économique descommerçants islamisés. La religion est pour euxun moyen de marquer et d'accroître sa puissance.La construction d'une mosquée naît de l'initiatived'un riche commerçant ou d'une association denotables, généralement issus d'un même quartier.Ceux-ci financent l'achat des matériaux et fontappel à leur clientèle pour entreprendre les tra­vaux. Le phénomène touche l'ensemble de la ville,chaque notable utilisant ce moyen pour se démar­quer socialement. Aussi le nombre de mosquéesest démesuré par rapport à celui des fidèles.

Ces bâtiments ne se réfèrent plus à l'architecturebrésilienne ou locale. Ils sont conçus par desdessinateurs professionnels, qui s'inspirent desmosquées des pays arabes du Moyen-Orient, etsont réalisés par les maçons qui édifient aussi lesvillas des commerçants. Si la réalisation de lagrande mosquée a duré environ vingt-cinq ans,en revanche, les nouvelles mosquées se construi­sent ou se reconstruisent à un rythme rapide,grâce à la mobilisation des fidèles et à la facilitéde collecte des fonds ; parfois elles fonctionnentavant la finition complète.

Les plans et les formes des édifices ne s'inspirentpas de règles clairement établies en foncti<?n d'unsavoir théorique. Les bâtiments, en parpamgs deciment, se caractérisent d'abord par leurs minaretsmassifs, souvent couplés et identiques, qui domi­nent la salle de prière, laquelle occupe la quasi­totalité du volume construit. Néanmoins, lesvolumes, les minarets, les décorations et les cou­leurs vives définissent un genre architectural par-

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Mosquées.

Construites depuis 1970 cesmosquées se ressemblent et seréfèrent à un style islamique«( international» dont on trouvel'origine au Moyen-Orient.

ticulièrement vivant et repérable dans la ville. Sices mosquées se ressemblent, elles ne sont jamaisidentiques. L'organisation de l'espace et les pro­portions ne changent guère (plan rectangulaire,toiture en terrasse, orientation à l'est) ; seule lahauteur du minaret a tendance à s'élever. Lesnombreuses fenêtres et portes en bois sont remar­quables par leurs couleurs vives, et les balconspar leurs balustrades ouvragées.

Ces mosquées qui sont autant des lieux desréunion que des lieux de culte sont particulière­ment bien entretenues par les fidèles et contrastentavec les nombreux bâtiments en ruine de la ville.Elles témoignent que, dans certaines situations,les Porto-Noviens n'hésitent pas à investir dansla construction et dans l'entretien. Cette attitudeest à rapprocher de l'enjeu que représente ce typede bâtiment.

La gestion de la ville

Comme la quasi-totalité des villes d'Afriquenoire, Porto-Novo est aujourd'hui confrontée àune situation économique et sociale qui ne permetpas d'assurer des emplois à l'ensemble de lapopulation. Cet état ne résulte pas ici de l'absenced'activités, mais de l'absence de contrôle par lapuissance publique de l'économie urbaine, et dela nature des investissements des commerçants.Ceux-ci réalisent des investissements peu produc­tifs et placent la majorité de leurs bénéfices dansd'autres villes, voire d'autres pays. L'Etat n'étantpas un agent économique dominant dans le pays,il ne peut que chercher à réorienter ces investis­sements privés afin qu'ils profitent à la collectivité;toutefois ses moyens restent limités. Cette situationse traduit par une intervention réduite dans lesdomaines qu'il est traditionnellement amené àgérer (dans la logique occidentale), notammentl'organisation de J'espace urbain.

Néanmoins, la population de Porto-Novo béné­ficie indirectement des flux d'argent qui circulentdans la ville, par exemple en raison des dépensesde prestige des commerçants (construction,

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consommation, fêtes ... ). Aussi, la ville ne peutêtre comparée aux villes du nord du pays, quine sont pas traversées par des flux économiquesimportants; ses problèmes doivent être resituésdans le contexte urbain national. Son taux d'ac­croissement est plus faible que celui des grandesmétropoles africaines, et de Cotonou en particulieret sa population, rappelons-le, n'atteint pas encore200000 habitants. Les questions relatives à l'amé­nagement de l'espace doivent trouver des solutionsà l'échelle locale: Porto-Novo n'est ni Cotonouni Lagos et malgré bien des insuffisances, ellebénéficie d'un certain niveau d'infrastructures etd'équipements.

En 1985, la ville n'existe toujours pas en tantqu'entité administrative, elle est divisée en troisdistricts coiffés par le préfet. L'absence d'unecollectivité locale représentative est un handicapdans la gestion des affaires locales. Les acteursurbains (négociants, propriétaires terriens,notables... ), se trouvant écartés des instances depouvoir, ne relayent pas la puissance publiquedans l'application des projets et les représentantsde l'Etat, isolés, ne peuvent intervenir efficace­ment. Pendant longtemps ils n'ont pu que tenterde résoudre localement des points ponctuels. Deplus les acteurs urbains non institutionnels ontsouvent profité de la faiblesse de l'Etat en contrô­lant de vastes domaines fonciers, ce qui a conduità un alourdissement des opérations d'urbanisme.L'établissement d'une rue ou d'un réseau d'ad­duction d'eau devient problématique et plus coû­teux lorsqu'elle entraîne la destruction de bâti­ments, ou bien lorsque des lots nécessitent pourêtre atteints des dérivations individuelles. De plus,les responsables du sol ou leurs alliés profitentsouvent de ces opérations pour obtenir des indem­nités pour des terrains qu'ils n'occupent pas tou­jours et dont ils ne sont pas vraiment propriétaires.

Depuis 1960, l'accroissement démographiqueaurait nécessité la construction de nouveaux équi­pements (particulièrement scolaires et sanitaires)dans les quartiers récemment urbanisés. Les écoleset l'hôpital du centre ville sont devenus surchargés.Leur utilisation intensive et l'absence de main­tenance les ont fortement dégradés et de nombreux

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bâtiments publics exigeraient d'être réhabilitéspour continuer à fonctionner. La politique despouvoirs publics est plutôt de construire de nou­veaux équipements et de détruire les anciens, pourdes raisons économiques et aussi parfois symbo­liques (ils témoignent d'une autre époque). Pour­tant, ces édifices, d'un point de vue fonctionnel,présentent dans leur organisation spatiale et dansleur construction des qualités climatiques que l'onne retrouve pas nécessairement dans les projetsactuels qui, par exemple, résolvent les questionsde ventilation par la climatisation artificielle.

Au problème de l'équipement s'ajoute celui desinfrastructures, particulièrement complexe en cequi concerne la voirie. La construction au couppar coup de nouvelles rues ne permet pas d'ex­ploiter au mieux le réseau actuel. Certains axesbitumés s'achèvent en culs-de-sac et ne peuventêtre utilisés par les automobilistes qui empruntenttoujours les mêmes circuits encombrés. L'intensecirculation dans l'ancienne cité due au commerceet à la concentration de certains services renforcela dégradation de chaussées étroites et générale­ment non bitumées.

L'extension spatiale de la ville pose aussi leproblème des transports intra-urbains. Des taxisprivés assurent la grande majorité des déplace­ments, mais l'état général des chaussées réduit lenombre de rues praticables. A cette situation, lesPorto-Noviens ont répondu à partir des annéesquantre-vingts de manière originale en créant destaxis-motos qui, aujourd'hui, assurent la quasi­totalité des transports collectifs dans la ville. Nedemeurent que quelques taxis-voitures, alors queles motos se comptent par centaines. Si le marchénoir est souvent nuisible pour la collectivité, il apermis dans ce cas de muItipler les activités. Lesmotos sont toutes importées frauduleusement età bas prix du Nigéria ; leur coût au Bénin auraitété prohibitif. Cette solution tolérée par les auto­rités est souvent présentée comme un pis-aller,mais elle répond efficacement au manque demoyens de l'Etat. Il semble difficile d'imaginerun réseau public de transports collectifs dans uneville d'une telle taille, alors que souvent ils n'exis-

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Taxis-motos.

Une des originalit6s de la villeaujourd'hui est son système detransport collectif assuré par destaxis-motos privésparticulièrement adaptés auxvoies étroites et dégradées.

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tent pas dans des métropoles trois ou quatre foisplus grandes.

A partir des années quatre-vingts, le pouvoirpolitique a commencé à aborder les questionsd'aménagement urbain à l'échelle nationale, sui­vant en cela les analyses des techniciens et cher­cheurs en matière d'urbanisme. Ceux-ci ont montréque la concentration des investissements et desefforts dans les villes capitales, par exemple Coto­nou au Bénin, a des effets pervers. Elle est vécuepar la population comme un encouragement àl'émigration vers ces lieux et renforce indirecte­ment l'émigration. Pour freiner ce mouvement quiaboutirait à la constitution de mégalopoles impos­sibles à gérer, il est apparu nécessaire d'intervenirdans les autres villes.

Le projet franco-béninois, « Plans d'Urbanismeen R.P.B. » (P.U.B.), mis en place en décembre1982, a eu pour mission principale de doter septvilles moyennes, dont Porto-Novo, de plans direc­teurs d'urbanisme. En outre dans cette ville, unenouvelle procédure en matière de lotissement aété instaurée. Plusieurs lotissements couvrantpresque toute la zone périphérique (sur environl'équivalent de la surface lotie actuelle) ont étélancés afin de parer au retard accusé dans cedomaine. Afin d'harmoniser ces projets, un schémade voirie couvrant l'ensemble de l'agglomérationa été proposé et approuvé par les autorités en1983. Enfin, un programme d'urgence «voirie­assainissement» concernant le centre ville estpartiellement en cours de réalisation sur finan­cement national. Par ailleurs, une étude de l'espaceurbain menée dans une perspective historique apermis de commencer à identifier le patrimoinearchitectural.

Ces études et ces opérations ont pour but demieux organiser le développement urbain sur despoints particulièrement problématiques et de fairede cette ville moyenne un pôle d'équilibre dansle réseau urbain national. Elles constituent lapremière étape d'un long processus.

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Chapitre 3

Une ville africaineet son patrimoine

Pour la majorité des Béninois la notion depatrimoine «culturel» renvoie d'abord aux pra­tiques religieuses et familiales qui se manifestentdans les rites à la mémoire des ancêtres et desvodoun. Les cultes animistes conservent aujour­d'hui une grande part de leur significationancienne.

Dans ce contexte les marques architecturales etspatiales des cultures ont très rarement fait l'objetd'une réflexion en terme de patrimoine. De plus,l'espace n'est pas conceptualisé par rapport à desmodèles rigides, mais se développe dans le tempsselon des usages et des logiques qui évoluent. Ilne se matérialise pas dans des formes, ni dans letravail, ni même dans l'usage d'un matériau idéal.Par exemple, l'utilisation du parpaing de cimentà la place de la terre n'est pas vécu comme unreniement, même si certaines pratiques construc­tives se modifient et si le paysage urbain setransforme radicalement.

Le culte de la ruine n'existe pas non plus. Unbâtiment désaffecté par ses habitants ne sauraitêtre conservé. Il doit logiquement être remplacépar un édifice correspondant aux nouveaux usagesde ses occupants. Les maisons d'inspiration bré­silienne n'ont pas plus de valeur pour un Porto­Novien qu'un édifice en terre ou en béton.

Définir le patrimoine culturel d'une ville danscette optique s'avère malaisé. Cette démarche doitprendre en compte les pratiques des habitants et

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. rincipauxSituation d~s p dans lasites histonquesville.

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valoriser également certains signes reconnus seu­lement par une minorité. Sinon, toute une partde ce qui constitue un témoignage de l'histoired'une société risque de disparaître à court terme.

Un tel projet peut apparaître à première vuedéplacé dans la mesure où il s'inspire d'une visiondu patrimoine qui n'a guère de sens pour denombreux Béninois. Mais la disparition du patri­moine architectural risque d'aboutir, pour les géné­rations futures, à l'impossibilité d'avoir accès àce passé, d'autant que certaines pratiques sociales« productrices de patrimoine» (les cultes) ont aussitendance à reculer. Cette hypothèse peut légitimerla mise en place d'une politique de conservationvisant d'une part, à à définir les signes matérielsdu patrimoine, à imaginer des solutions pourenrayer sa dégradation, et, d'autre part, à ne pasdévaloriser ou interdire des pratiques bien vivantesqui rattachent les hommes à leur passé.

La première démarche privilégie les signes dupatrimoine (dans le domaine de l'espace, monu­ments, habitations, tracés ... ) et demande de conce­voir des modalités d'interventions qui s'adressentà différents publics.

Les premières personnes concernées sont leshabitants de Porto-Novo qui n'ont pas une opinionhomogène sur cette question. Les « vieux» Porto­Noviens dont les familles sont attestées depuisplusieurs générations ne représentent plus aujour­d'hui qu'une faible part de la population urbaine.Les nombreux migrants « récents» n'ont peu oupas de lien avec la cité et, le plus souvent, aspirentà y vivre comme dans n'importe quelle ville. Ilsne veulent pas subir les contraintes que peuventsusciter les coutumes locales privilégiant certainescatégories sociales. Les anciens résidents, plussensibles à l'histoire de la ville, n'ont pas nonplus une position unanime. Au nom du respectde la tradition, certains profitent de leur statutet créent des situations problématiques; parexemple, la réfection de bâtiments anciens estsouvent bloquée par le refus d'un descendant quipourtant n'y habite plus depuis longtemps.

Par ailleurs, les statuts d'ancienne capitale d'unroyaume et de capitale encore actuelle du paysde Porto-Novo font de cette ville un témoignage

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de l'histoire d'une nation, au-delà des rivalitésqui ont pu exister dans le passé. De ce point devue, Porto-Novo possède une vocation nationale,voire internationale. Un pan de la politique dupatrimoine doit être considéré sous cet angle. Ilen est ainsi du palais Honmé, du musée, etégalement de certains bâtiments publiques (ancienpalais du Président... ).

Cette politique doit donc éviter de polariser lesactions vis-à-vis seulement de quelques famillescélèbres et puissantes, car elle risque d'être perçuepar l'ensemble de la population comme un moyende favoriser certains groupes jugés privilégiés.

La seconde démarche relève avant tout d'unevolonté politique et n'appelle pas de solutionstechniques spécifiques. Le respect et l'acceptationpar les autorités des pratiques cultuelles peuventsuffire à leur survie. Si leurs formes sont consi­dérées comme «féodales» ou primitives, ellesassurent toutefois une certaine cohésion sociale.De plus, ces pratiques, loin d'être figées, évoluentet se sont adaptées aux différents contextes poli­tiques et économiques.

L'action des autorités pourrait être d'évaluerquelle place elles peuvent avoir aujourd'hui. Lapossibilité d'un pays à promouvoir son dévelop­pement repose en grande partie sur sa capacitéde s'appuyer sur le plus grand nombre de structureset de groupes sociaux existants.

Une politique du patrimoine ne peut se limiterà un inventaire de coutumes ou à la restaurationde quelques bâtiments en fonction de modèlessupposés avoir existé. Elle vise à favoriser lareproduction et l'évolution des pratiques cultu­relles, quitte à utiliser les technologies actuelles.Si l'une des images les plus valorisées des politiquesdu patrimoine est la conservation (généralementeffectuée à grand frais sur quelques sites «his­toriques» souvent ignorés par une grande partiede la population), une telle action n'a de sensque si elle s'inscrit dans un programme plus largequi développe parallèlement d'autres démarches:recherches, documentation, sensibilisation, ani­mation, constitution, création.

En outre, certaines mesures de protection uti­lisées en Europe n'ont guère de sens en Afrique.

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Rue de la Bibliothèquenationale, élévation.

Avenue Doumergue,élévation.

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Villa de fonction, àproximité de la lagune.

Les débats qui agitent périodiquement les spécia­listes sur la définition de l'état originel d'un édificeet sur les trahisons qu'induisent certaines mesuresde conservation ne doivent pas devenir l'essentieldes préoccupations dans le cadre de l'Afriquenoire, où l'espace bâti ne se définit pas par rapportà des modèles figés. Dans ce domaine, il convientplutôt de stimuler des pratiques constructives déva­lorisées aujourd'hui, comme l'utilisation de la terreou le savoir des maçons et des menuisiers enmatière de décoration et de mobilier.

Ce type de démarche pour être entendu peuts'appuyer sur des actions symboliques menées, àtitre d'exemple, sous l'impulsion de l'Etat ou d'unecollectivité locale. Néanmoins, la puissancepublique ne saurait se substituer aux particulierspour assurer la survie d'un usage ou la restaurationd'un bâtiment. La sensibilisation des citadins sefera si les sites retenus ont une signification etune fonction dans leur vie sociale et quotidienneet s'ils restent inscrits dans la mémoire collective.De plus, les programmes de réhabilitation doiventéviter d'exclure les occupants de leurs lieux d'ha­bitation, le produit « restauré» risquant de deveniruniquement un objet de contemplation et den'intéresser que les touristes. Enfin, en mêmetemps qu'est entrepris un tel projet doit êtredéfinie son utilisation future vis-à-vis des différentspublics, locaux et étrangers.

L'intervention sur l'espace n'est qu'un momentd'une politique du patrimoine et vise à amorcerune dynamique sociale, laquelle ne peut êtrel'œuvre que des citadins. Plutôt que de chercherà établir une liste des interventions possibles, nouspréférons présenter à titre d'exemple deux typesd'actions qui rendent compte d'orientationscomplémentaires. La première investigation seveut symbolique et touche le domaine public; laseconde aborde la question de la conservation dupatrimoine quotidien et concerne le domaine privé.

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Différents aspects de ladégradation des bâtiments.

En haut, à gauche, le toit d'unédifice colonial; à droite lesmurs d'une villa afro-brésilienne;en bas, "intérieur d'uneconcession conslruile en terre.

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La réfection d'un monument .le palais royal

Le palais royal Honmé fait l'objet depuis plu­sieurs années d'un important programme de réfec­tion et d'animation engagé par le Fonds d'Aideet de Coopération français, F.A.C. (cf. rapportsde mission de M. Jean-Loup Pivin, 1982, 1984,1986). Il vise deux objectifs principaux, d'une partstopper le processus de dégradation des bâtimentset valoriser le caractère monumental, d'autre partfavoriser le réinvestissement du palais qui futlongtemps laissé à l'abandon par les membres dela famille royale et par les visiteurs. L'associationde ces deux démarches montre qu'une opérationde réhabilitation ne peut reposer uniquement,comme ce fut souvent le cas autrefois, sur unseul traitement plastique.

L'évolution du savoir architectural a montréaussi dans ce domaine qu'une intervention surl'espace ne saurait concerner que quelques bâti­ments, aussi prestigieux soient-ils; elle doit traiterle paysage du domaine dans son ensemble. Laréfection des principaux édifices du palais risquede passer inaperçue si les pourtours (place, ruesadjacentes) restent dégradés comme ils le sontactuellement. Plusieurs édifices en «dur» élevésdans les années soixante, soixante-dix présententun aspect inachevé et méritent aussi d'être réha­bilités. Leurs murs en parpaings et l'absence demenuiseries contrastent désormais avec le bon étatdes bâtiments restaurés, en terre de barre.

Il en est de même pour les nombreux templesdes ancêtres, reconstruits en parpaings et protégéspar des toits de zinc supportés par une structureen béton qui présentent un aspect dégradé, cesmatériaux ne s'accomodant pas - comme la terreet le chaume - de renouvellements superficielsfréquents. Les autels restent très fréquentés parles descendants de la famille royale. Une réfectionen matériaux locaux conforme à une esthétiquetraditionaliste risque d'être rejetée par les des­cendants qui ont investi dans le «dur », repré­sentant la richesse. En revanche, il est possiblesimplement d'améliorer les revêtements.

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La prise en charge du temple d'Abory Messandans un autre quartier de la ville par le gardiendu culte, qui a en partie reconstruit le temple,montre que des mesures simples peuvent suffirepour transformer l'état d'un lieu et assurer sonentretien. Dans ce cas, les autorités locales sesont contentées d'apporter une aide pour la recons­truction des parties dégradées.

Parallèlement doit être précisé l'usage de bâti­ments qui ne possèdent pas toujours d'un pointde vue architectural une grande originalité; c'estplus leur organisation et leur fonction qui défi­nissent un paysage particulier. La conversion dupalais en musée pose problème, peu d'objetsrelatifs à la société porto-novienne ont étéconservés ou sont dans les mains des institutionsde conservation. La mise en scène de certainsespaces (reconstruction des colonnades d'une vastecour, valorisation des toitures) répond à cesmanques et peut être étendue à la quasi-totalitédu domaine, à l'exception des aires de culte. Letemple du vodoun au sud du palais ne sauraitêtre visité par tout un chacun, la tradition voulantqu'il ne soit accessible qu'aux initiés et qu'il soitpréférentiellement implanté dans une zone peufréquentée. En revanche, cet espace, non entre­tenu, peut faire l'objet d'un traitement végétalqui respecte, voire mette en valeur, le caractèreréservé du lieu.

La majorité des bâtiments et des vastes terrainspeuvent accueillir des activités para-culturellesinexistantes ou à l'étroit en ville (bibliothèque,librairie, école, bureau de tourisme ... ). En outre,les cours, les grandes salles et les galeries sontparticulièrement adaptées pour des expositions etdes spectacles. De telles activités ne remettentpas en cause le caractère sacré du site et per­mettent d'intéresser d'autres partenaires, publicset privés, ce qui généralement facilite le finan­cement des opérations de réhabilitation stricto­sensu.

Redonner pleinement l'accès du palais à sesusagers « traditionnels» et réguliers est indispen­sable pour assurer le renouveau d'animation garan­tissant l'entretien du lieu. Le programme actuelvise à établir une convention entre les descendants

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du dernier roi, Toffa, et l'Etat. Cette actionoriginale constitue une première étape et peutêtre étendue à d'autres intéressés. L'histoire dePorto-Novo montre que non seulement le dernierroi mais aussi toutes les lignées royales et lesfamilles des nombreux conseillers royaux ont jouéun rôle dans ce palais. S'il s'avère dans la pratiquenécessaire d'en privilégier quelques-uns commeinterlocuteurs, il faut éviter que cet espace nedevienne la propriété d'un groupe au détrimentd'autres. La présence d'un palais, qui marque lepassé d'une ville et un système social révolu, doitêtre l'occasion de faire participer toutes les compo­santes sociales concernées, au-delà des antago­nismes passés et présents.

Pour assurer la réussite d'une telle action, quiconditionne le succès de l'ensemble de l'opération,il est nécessaire d'établir un montage à la foissouple et précis des fonctions et des statuts despartis concernés : l'Etat et les organismes spécia­lisés (urbanisme, service du patrimoine ... ), lescollectivités locales (préfecture, district. .. ) les« usagers» (notables, descendants royaux et prin­ciers, prêtres...), et les bailleurs de fonds (locaux,nationaux, internationaux, publics et privés).

Toutefois l'intervention sur un site privilégié nesaurait suffire à modifier les pratiques quotidiennesvis-à-vis de l'espace bâti, ni à arrêter le processusde dégradation des vieux quartiers.

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La réhabilitation de l'habitatCe type d'opération concerne l'espace bâti et

vise plus globalement à améliorer le cadre de vie.L'absence d'assainissement, la présence de nom­breux édifices abandonnés ou en ruine et, para­doxalement, une très forte densité d'habitants danscertaines zones sont autant d'éléments qui ren­forcent l'insalubrité dans les vieux quartiers. Cettesituation est ancienne. L'accroissement de la popu­lation, particulièrement à partir du xxe siècle, etle désintérêt de l'administration ont amorcé leprocessus. Certains administrateurs coloniaux ontmême souhaité, dans une optique hygiéniste, qu'enlaissant ces quartiers à eux-mêmes, ils disparaissentnaturellement. La situation s'est détériorée avecle départ vers Cotonou et Lagos des négociantsqui n'ont plus entretenu leurs habitations de Porto­Novo.

Cette tendance s'est progressivement étendue.Ne pouvant agrandir leurs habitations, certainscitadins préfèrent déménager dans les nouveauxlotissements où ils disposent d'une plus grandesurface. Progressivement ne restent que les pluspauvres, dont les revenus ne leur permettent pasd'entretenir tous les bâtiments et qui se concen­trent alors dans quelques pièces. Les constructionshabitables ont une densité d'occupation de plusen plus forte, laquelle favorise leur dégradation,tandis que les autres édifices, envahis par lesparasites, les rongeurs et les chauve-souris, sedétériorent inexorablement. Les plafonds s'écrou­lent sous l'action des fientes acides d'oiseauxinstallés par centaines dans les greniers inoccupés,et rendent inutilisables les étages supérieurs. Leprocessus se reproduit ensuite au niveau des étagesinférieurs et entraîne finalement l'abandon del'ensemble des maisons.

L'emprise foncière des habitants qui n'est pastoujours reconnue officiellement est un facteuraggravant. Les propriétaires coutumiers n'osentpas investir dans la construction et la réfectionde peur d'être un jour contestés. De nombreusesconcessions n'ont pas fait l'objet de partage lorsdu décès du dernier propriétaire reconnu. Lesoccupants ne veulent pas entretenir l'ensemble

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Une rue commerçante vuedepuis le Palais royal.

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des habitations dont ils n'ont, au mieux, qu'unejouissance précaire; quant aux absents, ils pré­fèrent investir dans les parcelles qu'ils occupentlégalement à la périphérie. Lorsque le partagefoncier a eu lieu, la situation n'est pas pour autantsimplifiée, les différentes pièces étant souventréparties entre les descendants. Ceux qui n'yhabitent plus les laissent inoccupées ou les louentà des étrangers. Quant à ceux qui voudraientédifier de nouveaux bâtiments, ils en sont souventempêchés, ne pouvant occuper des sols aban­donnés dont ils ne sont pas détenteurs. Dans tousles cas de figures, l'espace bâti est de moins enmoins entretenu.

Enfin, les transformations des modes deconstruction a consacré le processus. La terresymbolise la pauvreté et les bâtiments construitsavec ce matériau ne sont plus réparés régulière­ment. Lorsqu'ils s'écroulent, ils sont remplacéspar des édifices «en dur ». Les maisons afro­brésiliennes sont aussi concernées par le mêmephénomène. Les décorations baroques, les menui­series ouvragées, ne sont plus des signes de prestigeet disparaissent progressivement.

L'absence de conservation ne signifie pas pour­tant que la maison perd sa dimension affectiveet sa fonction symbolique, marquées par lestemples des ancêtres et par les cérémonies fami­liales qui s'y déroulent régulièrement. La présencede bâtiments en ruine ne gêne en rien leurcélébration qui mobilise plusieurs dizaines, voireplusieurs centaines de personnes. Dans ce cas, lemanque d'espace est pallié par l'occupation descours et rues avoisinantes.

Le discours sur la valorisation de l'habitatancien, basé principalement sur des considérationsesthétiques, fut initialement surtout tenu par despersonnes extérieures à Porto-Novo. Dans lesannées quatre-vingts, les mentalités n'évoluentguère malgré l'accentuation du phénomène dedégradation et une amorce d'intérêt de la partd'intellectuels porto-noviens. Espérer, à la suitede campagne de sensibilisation, que les respon­sables du sol, présents et absents, investissent dansla réfection des bâtiments ne saurait suffire. Aussifaut-il imaginer des mesures émanant d'autres

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Porto-Nova en 1985.

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acteurs urbains. Plus que l'Etat, les collectivitéslocales peuvent jouer ce rôle.

L'arsenal d'interventions est large. Il passe parla mise en place de réglementations valables pourtous, par exemple la création d'un impôt dans leszones concernées dont seraient exonérés ceux quirestaurent leur habitation est envisageable, demême que des mesures à la fois incitatives etcontraignantes. Les maisons en ruine depuis untemps, à déterminer, pourraient devenir auto­matiquement propriété de l'Etat qui les reven­draient à des particuliers, à condition que ceux­ci restaurent l'habitation; les membres de lafamille dont dépend la ruine ayant un droit depréemption lors de la vente. Le droit définitif depropriété dans ce système ne serait reconnu qu'unefois les bâtiments réhabilités.

La création de groupements d'ouvriers spécia­lisés qui seraient formés à la réhabilitation desbâtiments anciens est un moyen de promouvoirles techniques locales (utilisation de la terre, déco­ration des façades, etc.) et de réduire les coûtsdes opérations. Ces associations ne sauraient êtreseulement au service de l'administration; ellespourraient intervenir pour d'autres types d'habitat,afin de proposer de nouvelles alternatives dans lesecteur de la construction. Des opérations pilotes,menées sous l'impulsion des autorités, permettrontde repérer bien d'autres blocages institutionnelset sociaux.

La réfection de l'espace bâti passe aussi pardes actions sur l'environnement, responsable dansune certaine mesure de sa détérioration. L'obs­truction par des déchets des rares égouts provoquela stagnation des eaux de pluies et des eaux usées,laquelle dégrade le soubassement des maisons.Un programme d'urgence pour la voirie et l'as­sainissement a été initié par l'administration. Deplus, la main-d'œuvre pénale est utilisée pour cestravaux d'entretien. Cette dernière méthode, utile,ne saurait être la seule solution ; elle renvoie uneimage dégradante d'un travail qui devrait êtremené par d'autres catégories de la population.

L'assainissement ne peut être accompli unique­ment grâce à des mesures d'ordres technique etadministratif; il se heurte à certaines pratiques

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sociales. La propreté des habitations et des coursqui contraste souvent avec la saleté des ruellespose la question de l'intérêt porté par les citadinsaux espaces « extérieurs ». Cette remarque n'estpas spécifique aux vieux quartiers ; elle apparaîtaussi lorsqu'on constate que des demeuresluxueuses, les villas yoruba, côtoient des tas d'or­dures. L'individualisme si souvent invoqué nesaurait suffire pour y répondre, de même que desfacteurs purement rationnels (densités d'occupa­tion de l'espace très élevées, sous-équipement desparcelles sur le plan sanitaire). Dans des sociétéspauvres, la présence de déchets à proximité deshabitations témoigne de la consommation des habi­tants et constitue un signe d'abondance. Cettedimension explique sans doute pourquoi les accu­mulations impressionnantes de détritus se recons­tituent après chaque passage des services de net­toiement. Dans ce domaine (comme dans biend'autres), l'évolution des mentalités, issues d'uneéconomie de pénurie, est un facteur déterminantpour résoudre la question.

La réhabilitation de l'habitat dans de tels quar­tiers implique parfois certaines dispositions diffi­ciles à mettre en œuvre. La procédure d'expro­priation peut provoquer des réactions violentes,notamment si elle touche des lieux de culte. Lasituation juridico-foncière complexe ne permet pasune identification simple de la propriété du solet ne facilite pas des interventions où le choixdes partenaires est déterminant et où la recon­naissance légale des occupants du sol est indis­pensable. Par ailleurs, tout projet risque d'êtrede pure perte si certains acteurs sont écartés ousi la structure d'intervention est vécue par lapopulation comme une banque. Des techniquesaussi sophistiquées soient-elles n'ont jamais suffipour promouvoir des pratiques d'entretien du bâti.Enfin, dans des pays en développement, de tellesactions ne peuvent être menées indépendammentdes politiques nationales de gestion de l'urbani­sation et doivent donc y trouver leur place.

La mise en place d'une politique du patrimoine,pose des questions qui ne sont pas seulementd'ordre conjoncturel. Le concept de patrimoinefaçonné en Europe se fonde sur un certain regard

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du passé, lequel fait l'objet depuis longtemps denombreuses analyses. La situation n'est pas iden­tique en Afrique noire où l'accumulation deconnaissances n'a pas atteint le même niveau, oùla représentation de l'histoire ne se fait pas enfonction des mêmes critères et n'a pas la mêmevaleur. De plus, la ville de Porto-Novo ne constituepas un modèle de société. Les Goun, les Yoruba,les Brésiliens et les Français ont imprimé leurmarque; c'est cette diversité et son organisationqui fondent l'originalité de la ville. Si une politiquedu patrimoine est finalement un outil pour consti­tuer la mémoire vivante des différentes pratiquessociales et culturelles, les conflits du moment etles rancœurs du passé doivent être dépassés; c'està ce prix que chaque Béninois pourra se recon­naître dans le tableau de l'histoire dont témoignede manière unique Porto-Novo.

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Collection Architectures traditionnelles

Série monographies:NORD CAMEROUN , MONTAGNES ET HAUTES TERRESLES PYGMÉES D'AFRIQUE CENTRALELE BURUNDI

aux Editions Parenthèses

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19 782863 640517 ISBN: 2-86364-051-8 240 F