portrait des classes moyennes - laure bonneval, jérôme fourquet et fabienne gomant
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Oob 2011
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L lo
Laure BOnnevaLJrme FOurquetFabienne GOmant
POrtraitdes cLasses
mOyennes
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PORTRAITDES CLASSES MOYENNES
L BonnevaL
J Fourquet
Fbi Gomant
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L Fdi p lii plii
s hik k libl, pgssis p.
Psid : nicls Bzi
vic-psid : Chls Bigbd
Dic gl : Dii ryi
L Fdpl pbli l ps ds l cd d ss x sla croissance conomique.
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RSUM
Les classes moyennes en France peuvent-elles vritablement tre considrescomme une ralit sociologique et, par extension, dans la perspective des lec-
tions prsidentielles de 2012, comme une cible lectorale exprimant des attentes
propres quun programme politique serait susceptible de venir satisaire ?
Lobjet de cette note, qui trouve sa matire dans une vaste tude ralise pour la
Fondapol, porte notamment sur la dnition du primtre des classes moyennes.
Et les prismes par lesquels cette question peut tre aborde sont multiples. Dans
un premier temps, lexplication des choix mthodologiques est loccasion de
balayer les dicults que pose le concept de classe moyenne en tant quobjet
de recherche. Lambition de cette note tant de cerner ceux qui se reconnaissent
sous ce vocable de classe moyenne, et en somme de privilgier une lecture plus
qualitative et psychologique quconomico-descriptive, le choix de lautodter-
mination des individus sur une chelle dappartenance a t retenu au dtriment
dune dnition onde sur une variable objective telle que le revenu. Ds lors, la
question se pose de savoir dans quelle mesure les prols des personnes se vivant
comme membre des classes moyennes savrent homognes et, conjointement,quelles sont les lignes de ractures qui traversent les classes moyennes, au pr-
alable subdivises en trois groupes : classe moyenne inrieure, classe moyenne
intermdiaire et classe suprieure.
Dans cette optique, deux champs sont passs au crible : dune part, les attri-
buts matriels et le niveau de vie ; dautre part, le systme de valeurs. Pour ce
qui est du premier point, la question de la pression scale, entre autres, savre
dterminante, ce qui permet denvisager la place que pourra prendre le thme de
la rorme scale dans le cadre de llection prsidentielle de 2012. Concernantun ventuel systme de valeurs qui permettrait de caractriser, voire dexpliquer
le sentiment dappartenance aux classes moyennes, cest la question de la peur
du dclassement qui savre centrale, plus quun systme uniant bien dni.
Cette note sattache ainsi circonscrire le phnomne de ragilisation des classes
moyennes ou, plus prcisment, distinguer le dclassement en tant que tel de
la peur du dclassement. Car si lon parle dans le langage courant dune paup-
risation des classes moyennes, nest-ce pas plutt de peur du dclassement
quil aut parler ?
Nanmoins, des divergences apparaissent, parois de aon trs nette, entre
les direntes classes moyennes (inrieure, intermdiaire et suprieure), ce qui
permet dentrevoir le d politique que constitue llaboration dun programme
unique destination de lensemble des classes moyennes.
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Il en va un peu du concept de classe moyenne comme de celui de
populisme : trs rgulirement employs aussi bien dans le milieu
acadmique que dans le langage courant ou dans le dbat politique, ces
termes sont trs utiles et acilement comprhensibles par le plus grand
nombre, mais leur dnition prcise reprsente un exercice assez com-
plexe. En eet, avant toute tentative pour saisir la ralit quil recouvre,le concept de classe moyenne pose un certain nombre de dicults
dordre smantique.
Le terme de classe a ceci dambigu quon ne parvient pas toujours
le dissocier de son acception marxiste, celle de la lutte de classes et
dune lecture binaire de la socit. Les thories marxistes, si elles nont
pas survcu aux volutions de la structure du salariat et de nos socits
contemporaines, restent bien prgnantes en ce quelles habitent toujours
un certain nombre de notions, celle de classe en tte. Or la classemoyenne na rien dune classe marxiste, ni mme dune ancienne classe
proltarienne qui se serait leve dans lchelle sociale. Ni ouvrire ni
bourgeoise, elle ne peut nullement se dnir principalement au regard
dune quelconque place dans les rapports de production, ni dune
PORTRAIT
DeS CLaSSeS moYenneS
Laure BONNEvALChg dds dp opii Sgis dpis d lIp
Jrme FOURqUETDic d dp opii Sgis dpis d lIp
Fabienne GOMANTDicic dds dp opii Sgis dpis d lIp
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socialisation eective de ses membres ou dune conscience de classe
qui conduirait la dense dintrts communs sur le plan politique.
Au l du temps, lopposition canonique classe ouvrire-proltariat/
bourgeoisie sest progressivement substitue une vision donnant voir
la socit organise en un continuum autour dun vaste corps centralcompos des classes moyennes, les ameux deux Franais sur trois
de Valry Giscard dEstaing.
Or, et cela nous conduit une seconde dicult smantique, ce vaste
corps social ne parvient pas aire lobjet dune apprhension spon-
tanment positive . De ait, la question quest-ce que la classe
moyenne ? , il apparat bien plus ais dnoncer ce quelle nest pas, le
terme se dnissant alors en creux. Dans cette logique, la classe moyenneserait la socit dans son ensemble, laquelle seraient retranches les
catgories les plus modestes, schmatiquement hritires de la classe
ouvrire associe aux exclus, et les catgories les plus aises, renvoyant
quant elles au souvenir de la gure du bourgeois. Malgr le conort
intellectuel quelle ore ou plutt, justement, cause de lui , cette
dnition par la ngative est trop insusante pour que la littrature
scientique, et le politique avec elle, sen contentent, notamment parce
quelle donne voir une classe moyenne qui serait homogne.De ait, lintrt et la dicult du concept tiennent au contraire dans
lhtrognit de la ralit laquelle il renvoie. Le dbat sur lusage
du singulier ou du pluriel symbolise lui seul lenjeu de cette pluralit.
Lusage du pluriel, outre quil permet de se prserver dune connotation
marxiste dont on connat les cueils, apparat en eet plus adquat, car
on sait dores et dj, et ce quelle que soit la dnition oprationnelle
retenue, que la varit des prols rencontrs sous ce vocable rend imp-rati lusage du terme de classes moyennes au pluriel, au dtriment
dun singulier, trop rducteur.
Aprs avoir t quelque peu dlaisses par les travaux acadmiques
daprs-guerre, les classes moyennes sont redevenues un objet de
recherche, ainsi dailleurs quun lment central de lgitimation dans le
discours politique. Touteois, un changement de prisme sest opr : il
sagit dsormais non plus de dnir ou dtudier ce que seraient la place
et la onction de ces classes moyennes dans la socit stabilisatrice ouorce de changement , mais les discours sinscrivent aujourdhui dans
une perspective historique dans laquelle simposerait le constat dun
phnomne de pauprisation progressive des classes moyennes, ou tout
du moins de celles des pays dvelopps. En eet, le terme ne prend pas
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la mme coloration lorsque le dbat porte, par exemple, sur lmergence
dune classe moyenne en Chine ou en Inde. Dsormais, parler des classes
moyennes en France, cest souvent parler de leur pauprisation. Les tu-
dier conduit donc placer au cur du dbat la dynamique du dclasse-
ment, dont nous verrons un peu plus loin quelle constitue, du point de
vue des reprsentations, lun des principaux dnominateurs communs
aux personnes se vivant comme membres des classes moyennes.
Mais si la pauprisation des classes moyennes, avec tout ce quelle
comporte en termes de consquences notamment au plan lectoral 1, sest
impose ces dernires annes dans le champ acadmique comme cadre
du dbat, la question de la dnition mme des classes moyennes nest en
revanche toujours pas rsolue, supposer touteois quelle puisse ltre.
DFINITION(S) ET MTHODOLOGIE(S)
De multiples dnitions objectives mais qui prsentent certaines limitesEn amont de toute interrogation sur lventuelle pauprisation des
classes moyennes se pose en eet le problme de la dnition retenir :
doit-on opter pour un critre objecti ? Ne doit-on en retenir quun, et
si oui lequel ? Ou bien aut-il privilgier plutt la dnition subjective,
cest--dire lautopositionnement des individus sur lchelle sociale ?
Chacune de ces options prsente des avantages et des limites, et lar-
bitrage dpend en grande partie de lambition poursuivie. Une analysesocio-conomique vise descriptive retiendra plutt une dnition
objective, tandis quune approche politique gagnera aire le choix de
lautopositionnement dans la mesure o elle mnage une place des
aspects qualitatis et psychologiques.
Dans le cas dune dnition objective, le choix se limite peu ou
prou deux variables : la proession, cest--dire la nomenclature des
Proessions et Catgories Socioproessionnelles (PCS) de lInsee, et le
revenu. Pour comprendre les classes moyennes, la premire apparatquasiment invalide. Les huit groupes socioproessionnels construits par
1. o s si, c i, l ici d d csiil d i 2005 -lys c l dci d bscl ds l cp d lscpicis d s lgs ps d l clssy.
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lInsee constituent de ait des catgories trop htrognes en leur sein (et/
ou trop peu discriminantes entre elles), notamment parce quune mme
catgorie, les ouvriers par exemple, recouvre des niveaux de revenus,
et donc des niveaux de vie, trs dirents, pouvant aller du simple au
double. Ces groupes proessionnels peinent galement catgoriser lesretraits et les inactis, et ludent lenjeu des conditions demploi et du
statut (CDI/CDD, temps complet/temps partiel, salari du priv/salari
du public, etc.).
En outre, cette nomenclature ait partiellement limpasse sur une
dimension essentielle de lanalyse des classes moyennes, savoir le ac-
teur qualitati li la position sociale, pour ne pas dire le prestige social.
Le cas des cadres est de ce point de vue clairant : le dveloppement decette onction sur le march du travail sest accompagn dune rarac-
tion de ses attributions traditionnelles (schmatiquement : encadrement
dquipe et niveau de salaire lev). Ds lors, quel point commun, tant
du point de vue des revenus que, par ricochet, du prestige associ la
onction, entre un cadre dirigeant dune grande entreprise et un jeune
cadre dune socit de service en ingnierie inormatique (SSII) ? Autre
limite, cette nomenclature gomme les dirences lies aux volutions de
carrire existant au sein dune mme catgorie. Notons dailleurs quece qui est vrai de la proession lest galement du niveau de diplme,
dont la dimension dterministe, certes oprante en dbut de carrire,
perd en intensit mesure de la vie proessionnelle et des expriences
acquises. Linvalidit du critre de la proession pour circonscrire les
classes moyennes apparat ainsi relativement vidente. Cest pourquoi
lessentiel du corpus danalyses qui lui sont consacres sen est dtourn
au prot de la variable du revenu.Dnir les classes moyennes au travers des niveaux de revenu prsente
lavantage, contrairement la proession et au diplme, de disposer de
catgories agrgeant des individus et des oyers homognes du point de
vue du mode/niveau de vie et rend galement possible une comparaison
dans le temps. Touteois, et sans trop rentrer dans les dtails, le recours
au revenu ncessite en premier lieu de se dpartir des reprsentations
usuelles lies au salaire mensuel. De ait, les travaux bass sur une d-
nition via le revenu retiennent le salaire rel disponible, soit lensembledes revenus (salaires, revenus du patrimoine, etc.) corrig des transerts
sociaux (ajout des prestations sociales et retrait des impts et cotisa-
tions). La validit de cette variable, si incontestable soit-elle, pose tout
de mme un certain nombre de dicults.
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Dune part, elle prend comme cellule de base le oyer et non lindividu.
Dun point de vue mthodologique, cette dicult peut aisment tre
surmonte par la transormation de ce revenu disponible du oyer
en revenu par unit de consommation , cest--dire le retour un
revenu par individu via un systme de pondration ond sur le nombre
de personnes composant le oyer. Si la pertinence de ce revenu par unit
de consommation est relle, il a ceci de regrettable quil nous loigne
trs ortement des reprsentations habituelles associes au revenu men-
suel qui acilitent la comprhension. Retenir la variable du revenu pour
dnir les catgories sociales ncessite dautre part un arbitrage relati
aux seuils choisir/dterminer. En lespce, deux coles se ont ace :
lanalyse par dcile de revenus ou bien le recours une distance dter-mine par rapport au revenu mdian.
Enn, le revenu disponible pose une dicult dordre pratique, celle
du recueil de linormation qui apparat impossible dans le cadre dune
enqute dopinion dans la mesure o les interviews sont dans lincapa-
cit deectuer spontanment un tel calcul. Ces donnes ne sobtiennent
en eet que par une analyse ne base sur les dclarations scales, tche
laquelle se consacre lInsee.
La proession comme le revenu orent donc des avantages et des
limites propres mais prsentent un point commun, savoir leur caractre
univoque. Une analyse uniactorielle est orcment rductrice puisquelle
ait limpasse sur la multiplicit des lments pouvant venir dterminer
le niveau de vie diplme, revenu, proession, situation matrimoniale,
lieu dhabitation (Paris vs province), etc. auquel certains travaux ont
touteois t consacrs.
Le choix dune dnition subjective
Dans le cadre de lenqute ralise 2 par lIop pour la Fondation pour
linnovation politique et dont les rsultats ont nourri lanalyse prsente
dans les pages qui suivent, le critre subjecti de lautopositionnement a
t privilgi. Cela rpond, dune part, des exigences pratiques lies au
recueil de linormation, mais aussi et surtout lambition poursuivie.
Elle consiste renouer avec une lecture plus socitale, moins strictementconomico-descriptive, et qui serait en mesure de saisir des dimensions
plus psychologiques sur lesquelles les dnitions construites partir dun
2. e lis d 22 28 spb 2010 s I ps d chill d 2 000 psspsi d l ppli is g d 18 s pls (hd ds s).
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critre objecti quel quil soit ont limpasse. Il sagit en eet de cerner
ce qui conditionne le sentiment dappartenance aux classes moyennes.
Lautopositionnement sinscrit dans une logique relativiste et induit
par l mme une lecture plus globale de la socit : le positionnement
dpend la ois de la conscience qua lindividu de son propre capitalconomique et culturel, mais galement de la manire dont il peroit
la structure sociale environnante. De la synthse de ces deux lments
nat la projection de soi dans lchelle sociale. Ce rapport laltrit
explique ainsi qu des niveaux de revenu identiques, deux individus
puissent estimer appartenir des catgories direntes (et vice-versa).
Les jugements sont ainsi conditionns par nombre de acteurs, parmi
lesquels le milieu social dorigine et la trajectoire par rapport celui-ci,ainsi que le sentiment de reconnaissance, qui peuvent tre considrs
bon droit comme dterminants.
Lautopositionnement prsente dans le mme temps un certain nombre
de limites quil ne sagit pas de nier. Cest le cas notamment du phno-
mne de sous-dclaration dappartenance aux catgories aises, produit
dune posture courante consistant considrer que le riche, cest celui
qui est plus riche que soi. De mme, on devine galement la dicult
quil peut y avoir admettre appartenir aux catgories davorises :inversement, le pauvre, cest celui qui est plus pauvre que soi. Autant
de processus qui relvent dun mcanisme de relativisme social et qui
viennent expliquer sans doute le ait quune proportion crasante de la
population dclare aire partie des classes moyennes : 52 % des Franais
se vivent comme des Franais moyens, ni pauvres ni riches, proportion
qui atteint mme 65 % si on y surajoute les personnes se dnissant
comme classe suprieure .
Tableau 1 : Psll, s siiz-s pl pi
Les dfvoriss 4 %
Les ctgories modestes 29 %
Les classes moyennes 52 %
Les classes suprieures 13 %
Les fvoriss ou les iss 2 %
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En ltat, ce vaste groupe apparat trs peu opratoire en ce quil
runit sous une mme appellation plus dun Franais sur deux et ait
ainsi coexister des carts majeurs en termes de niveaux de vie. Do
la ncessit dintroduire a posteriori une csure au sein des classes
moyennes. Pour ce aire, le choix a t ait de recourir aux units deconsommation (UC) voques prcdemment, soit la pondration du
revenu du oyer par le nombre dindividus le composant, pour aboutir
lchelle suivante :
Tableau 2 : Psll, s siiz-s pl pi
Les dfavoriss(autopositionnement pur) 4 %
Les catgories modestes(autopositionnement pur) 29 %
Les classes moyennes infrieures (autopositionnement et reconstruction objective par UC) 24 %
Les classes moyennes intermdiaires (autopositionnement et reconstruction objective par UC) 28 %
Les classes suprieures(autopositionnement pur) 13 %
Les favoriss ou les aiss (autopositionnement pur) 2 %
Ainsi subdivises en trois strates, les classes moyennes ont ensuitet analyses selon deux logiques complmentaires : dune part, saisir
les acteurs qui conditionnent le sentiment dappartenance aux classes
moyennes au sens large, tout en isolant, dautre part, les ractures, tant
du point de vue matriel que des opinions, qui les traversent. Pour ce qui
est des attributs matriels et des pratiques, un certain nombre dentre
eux semblent ortement prsider au sentiment dappartenance aux
classes moyennes. Touteois, et nous le verrons de manire assez nette, cedernier sentiment na plus rien voir avec une quelconque conscience de
classe. Toute tentative de retour un prisme marxiste apparat caduque :
du point de vue des opinions, des attentes et des valeurs, lhtrognit
reste le plus souvent la rgle.
Lidentication des attributs qui dterminent lentre et la sortie des
classes moyennes et lanalyse des ruptures soprant au sein mme des
trois classes moyennes (inrieure, intermdiaire et suprieure) permet-
tent dtablir qui sont aujourdhui les classes moyennes en France etle degr de ralit sociologique quelles conservent, alors mme que le
concept de classe moyenne peut, sous certains aspects, tre considr
davantage comme un lment du discours politique que comme une
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ralit sociale 3. Rappelons, en eet, que deux tiers des Franais se
reconnaissent dans lappellation de classe moyenne ou classe suprieure,
et quun groupe social dune telle taille ne peut rassembler, dans une
socit aussi diversie que la ntre, que des prols trs htrognes.
Quelques chires pour sen convaincre : 59 % des cadres suprieurs et
des proessions librales dclarent ainsi appartenir aux classes moyennes
tout comme 44 % des employs et 41 % des ouvriers ! La segmentation
statistique que nous avons opre en scindant ce vaste groupe central
en deux catgories (la classe moyenne inrieure et la classe moyenne
intermdiaire) permet dj davantage de cohrence et dhomognit.
Mais cest la conrontation de cette segmentation aux rponses obte-
nues sur de nombreuses questions de lenqute ralise pour la Fondapolqui va permettre de mieux caractriser le prol des classes moyennes et
de mieux apprhender leurs spcicits. Comme lanalyse le montrera,
notamment sur les questions relatives au patrimoine, le primtre des
vritables classes moyennes se limitera la classe moyenne inrieure
et intermdiaire, les personnes se dnissant comme aisant partie de la
classe suprieure ayant un prol nettement plus ais.
PATRIMOINE ET NIvEAU DE vIE DES CL ASSES MOYENNES
Une dtention majoritaire de son logement et dune assurance-vie
De par leur taux de dtention lev, le livret A (76 % des Franais en
possdent un) et les autres livrets ou comptes dpargne type Codevi (pos-sds par 68 % des personnes interroges) apparaissent comme des pro-
duits trs rpandus et socialement trs peu discriminants. Il sagit bien de
produits populaires dans les deux sens du terme : trs largement distribus
dans lensemble de la population et assez bien adopts par les davoriss
(respectivement 55 % et 46 % de taux de dtention) et plus nettement par
les catgories modestes (69 % et 58 %). Parmi les lments de patrimoine
tests 4, ce sont les deux seuls qui sont majoritairement possds par les
catgories modestes et presque majoritairement par les davoriss.
3. C. Kls-P Sick, L ccp d clsss ys. ni scilgi slg plii ? ,Vingtime Sicle, 37, ji-s 1993, p. 13-34.
4. Li a s lis, ppi d s sidc picipl, ssc-i, cis pdis cis,ppi d bis d pp.
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Si la dtention de ces produits basiques est encore plus rquente
dans la classe moyenne inrieure (75 % pour le livret A et 69 % pour
les autres livrets), elle ne constitue donc pas un marqueur pertinent de
lappartenance aux classes moyennes. La possession dune assurance-vie
lest en revanche bien davantage. Souvent prsente comme le place-ment prr des Franais par la presse conomique, elle ne mrite
ce titre que par le ait que le total de ses encours reprsente la plus
importante masse nancire place par les mnages ranais sur un pro-
duit dpargne. Mais, dans les aits, seuls 46 % de nos compatriotes
dclarent possder une assurance-vie. Nous sommes donc loin des taux
de dtention du livret A et dun produit populaire, puisquun Franais
sur deux nen dtient pas. Ajoutons cela que le taux de possessiondune assurance-vie est trs ortement index sur lappartenance sociale.
Si plus des deux tiers des classes suprieures et des avoriss ou aiss
en dtiennent, ce nest le cas que de 27 et 28 % des davoriss et des
modestes, soit un cart de 40 points Les classes moyennes occupent
quant elles une position intermdiaire ace ce schma trs polaris
socialement : 47 % de dtention pour la classe moyenne inrieure et
56 % pour la classe moyenne intermdiaire. Deux constats simposent
donc ce stade : cest uniquement partir de la classe moyenne interm-diaire que la possession du placement prr des Franais devient la
norme, ou disons majoritaire ; et lentre dans la classe moyenne, mme
inrieure, se traduit par un saut de 20 points en termes de dtention
de ce produit par rapport aux catgories situes en dessous, pour les-
quelles lassurance-vie constitue un placement beaucoup moins amilier.
Ce double constat indique donc que la possession dune assurance-vie
constitue un lment matrialisant lentre et lappartenance aux classesmoyennes.
Le ait dtre propritaire de son logement principal est sensiblement
plus rpandu que la possession dune assurance-vie (57 % contre 46 %),
avec l aussi de trs ortes disparits selon les milieux, comme le montre
le graphique ci-dessous. Le taux de propritaires de leur logement devient
majoritaire (certes de peu : 54 %) ds lentre dans la classe moyenne
inrieure, la possession de son logement pouvant donc globalement tre
considre comme un marqueur de lappartenance la classe moyenneet de distinction par rapport aux catgories plus populaires.
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Graphiue 1 : L x d ppiis d l sidc picipl sl lscgis scils
s-s ppii d lg picipl ?
100 %
50 %
0 %Dfavoriss
22 %
43 %
54 %
71 %75 %
78 %
Classesmoyennesinfrieures
Classesmoyennes
intermdiaires
Catgoriesmodestes
Classessuprieures
Favorissou aiss
Deux bmols apparaissent : le taux de propritaires atteint dj 43 %
parmi les modestes, et sil y a donc un cart entre ces modestes et la
classe moyenne inrieure, il nest que de 11 points et est surtout
symbolique de par le ranchissement du seuil des 50 %. titre de com-paraison, le saut est beaucoup plus important entre les davoriss, trs
rarement propritaires (22 % seulement), et les modestes (43 %, soit 21
points de dirence), dont on voit quils constituent un sas dentre dans
la France des propritaires , statut qui demeure hors de porte de prs
de trois quarts des davoriss.
Second bmol, il existe galement au sein mme des classes moyennes,
un gap important (17 points) entre la classe moyenne inrieure, na-
lement assez proche des modestes, et la classe moyenne intermdiaire,
trs largement propritaire (71 %) et distante de seulement quelques
points de la classe suprieure (75 % de propritaires), voire des avoriss
(78 %).
Si le statut de propritaire majoritaire signe bien lentre dans la
classe moyenne, tout comme la dtention dune assurance-vie, ce cri-
tre ait galement natre un clivage important entre la classe moyenne
inrieure (tout juste majoritairement propritaire) et la classe moyenneintermdiaire (quasiment trois quarts de propritaires), alors que le di-
rentiel est trs peu marqu concernant lassurance-vie.
La possession dactions, de onds communs de placement (FCP) ou
de Sicav (concernant 26 % des Franais), ou dun logement ou de terres
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louer (26 % galement) est nettement moins rquente. Des pans
entiers de la socit en sont dpourvus et ces placements ne semblent
tre lapanage que de la classe suprieure (51 % pour les placements
boursiers, 49 % pour des biens immobiliers) et des avoriss ou aiss
(respectivement 78 % et 47 %). Mais les deux classes moyennes sonttrs largement exclues de ces marchs. Ces produits sont donc plutt
lattribut de tout ou partie des milieux les plus avoriss et ne peuvent
constituer un trait distincti de nos classes moyennes. Au contraire, cest
bien plutt leur non-possession qui marque la dirence avec les cat-
gories situes au-dessus delles. Notons pour nir sur ce point que les
carts entre classes moyennes inrieure et intermdiaire, dj constats
sur la possession de son logement, se retrouvent galement concernant ladtention de valeurs mobilires et de produits nanciers.
Tableau 3 : cs s piix si ds clsss ys
Clsse moyenne Clsse moyenne Diffrentielinfrieure intermdiire
Dtenteurs dctions ou de produits finnciers 18 % 38 % + 20
Propritires de leur logement 54 % 71 % + 17
Dtenteurs dune ssurnce-vie 47 % 56 % + 9
Propritires dun logement ou de terres de rpport 24 % 32 % + 8
Dtenteurs dun livret a 75 % 83 % + 8
Dtenteurs dun utre livret 69 % 74 % + 5
Limposition sur le revenu : une vraie ligne de partage au sein des classes
moyennesCes lments de clivage opposant classe moyenne inrieure et classe
moyenne intermdiaire sur certains lments de patrimoine sobservent
galement en ce qui concerne limpt sur le revenu. Si la France est
schmatiquement scinde en deux en matire dimpt sur le revenu avec
55 % dassujettis et 45 % de non-contribuables, cette proportion varie
logiquement en onction du niveau social, et la ligne de partage passe
au beau milieu des classes moyennes. Avec 83 % de personnes payant
limpt sur le revenu, la classe moyenne intermdiaire apparat trs mas-
sivement soumise cet impt au mme titre que la classe suprieure
(81 %) et les avoriss (84 %). Pour ces trois catgories, limpt sur le
revenu est donc trs rpandu et seule une minorit y chappe.
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Graphiue 2 : Pyz-s lip s l ?
oui non
Daoriss 14 % 86 %
Catgories modestes 30 % 70 %
Classes moyennesinrieures 46 % 54 %
Classes moyennesintermdiaires 83 % 17 %
Classes suprieures 81 % 19 %
Faoriss ou aiss 84 % 16 %
Le paysage est compltement invers dans le bas de lchelle sociale.
Parmi les davoriss, seuls 14 % lacquittent, cette proportion double
auprs des modestes (30 %), mais la norme dans ces milieux reste encoretrs largement lexonration de cet impt. Quand on pntre dans la
classe moyenne inrieure, la situation vis--vis de limpt sur le revenu
semble beaucoup plus partage : 46 % lacquittent et 54 % ne le paient
pas. La nature progressive de limpt sur le revenu est donc perceptible
au travers de la progression du taux dassujettis entre les trois catgories
les moins aises. En revanche, lcart est dune tout autre nature lorsque
lon compare la classe moyenne inrieure (46 % dassujettis) la classe
moyenne intermdiaire : 83 % dassujettis, soit un saut de 37 points et
un quasi-doublement du taux de contribuables. Limportance de ce saut
au sein mme des classes moyennes nest pas sans poser de questions et
constitue assurment un ort moti de ressentiment dans cette partie de
la population qui, selon la ormule consacre, est trop riche pour tre
aide, mais pas assez pour ne pas payer dimpt . Mme si le montant
acquitt au titre de limpt sur le revenu nest sans doute pas trs lev
pour les premires tranches, cet eet de seuil est spectaculaire, puisquele pourcentage dassujettis ne progresse plus quand on pntre dans la
classe suprieure et mme parmi les plus avoriss.
Si quasiment un membre sur deux de la classe moyenne inrieure
paye limpt sur le revenu, la France des contribuables ne se constitue
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massivement qu partir de la classe moyenne intermdiaire. Or, quand
on interroge les sonds sur leur perception de lintensit de la pression
scale quils subissent, cest prcisment, comme on peut le voir sur le
graphique suivant, auprs de la classe moyenne intermdiaire quelle est
ressentie comme la plus leve.
Graphiue 3 : Diiz-s l d lip s l s pyzs... ?
Excessi Assez le Plutt acceptable Trs acceptable Ne paye pas lI.R.
Total Totallev acceptable
Dfavoriss 12 % 8 % 4 % 86 % 2 %
Catgories modestes 21 % 9 % 12 % 7 %
1 %
70 % 8 %
Classes moyennesinfrieures 31 % 11 % 20 % 13 %
2 %
54 % 15 %
Classes moyennesintermdiaires 59 % 12 % 47 % 21 %
2 %
17 % 23 %
Classes suprieures 53 % 11 % 42 % 26 %
2 %
19 % 28 %
Favoriss ou aiss 46 % 4 % 42 % 32 % 6 % 16 % 38 %
1 %
1 %
lheure o, droite comme gauche, la question de la rorme
scale agite les esprits, la prise en compte des spcicits et des clivages
qui traversent la socit, et notamment les classes moyennes, devrait treplace au cur de la rfexion. La classe moyenne intermdiaire est, on
la vu, la catgorie la plus irrite par lampleur de la pression scale, ce
qui rend dicilement acceptable une hausse de limpt sur le revenu
pour cette population. Dans le mme temps, lassurance-vie est dtenue
par une majorit (56 %) de ce groupe, do aussi des risques de di-
cults politiques en cas dalourdissement de la scalit sur ce produit
dpargne. Les ractions seraient en revanche beaucoup moins vives ace
une hausse des prlvements sur les revenus tirs de produits nan-ciers, peu rpandus parmi la classe moyenne intermdiaire. Enn, trs
massivement propritaire (71 %), elle serait peu sensible de nouvelles
mesures daide laccession la proprit mais bien davantage une
modication des rgles scales concernant la rsidence principale.
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linverse, de nouvelles aides laccession la proprit rencontre-
raient sans doute un cho plus important auprs de la classe moyenne
inrieure, dont prs de la moiti des membres sont encore locataires.
Bien que moins soumise limpt sur le revenu, cette population accep-
terait mal toute hausse de cet impt dans la mesure o elle est dotede moyens nanciers limits. Il en irait de mme pour lassurance-vie,
possde par 47 % de la classe moyenne inrieure.
Niveau de vie : les classes moyennes, ou la France qui sen sort correctement
La classe moyenne inrieure, comme sa voisine de la classe moyenne
intermdiaire, se situe galement dans une position mdiane quand
on considre non plus seulement la scalit ou le patrimoine mais, demanire plus globale, le niveau de vie.
Graphiue 4 : C s sz-s c ls s d y ?
Trs dicilement Assez dicilement Correctement
Assez acilement Trs acilement
Total Totalfacilement difficilement
Dfavoriss 94 % 59 % 35 % 6 %
Catgories modestes 68 % 17 % 51 % 29 %2 % 1 %
3 %
Classes moyennesinfrieures 30 % 4 % 26 % 63 % 6 %
1 %
7 %
Classes moyennesintermdiaires 13 %
1 %
12 % 67 % 15 % 5 % 20 %
Classes suprieures 4 % 4 % 45 % 34 % 17 % 51 %
Favoriss ou aiss 4 %2 % 2 %
40 % 18 % 38 % 56 %
la question : comment vous en sortez-vous avec les revenus de votre
oyer ? , une crasante majorit des davoriss (94 %) rpond di-
cilement et deux tiers des modestes (68 %) ont de mme. lautre
extrmit du spectre, une majorit absolue de la classe suprieure (51 %)
ou des avoriss et des aiss (56 %) dclare sen sortir acilement. Entre
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ces deux extrmes trs polariss, les deux classes moyennes se distin-
guent assez nettement des autres strates et prsentent un visage assez
semblable. Prs de deux tiers de la classe moyenne inrieure (63 %) et
de la classe moyenne intermdiaire (67 %) arment en eet sen sortir
correctement . Cette position quilibre dmontre que ces classes moyennes nont pas usurp leur nom. Cela indique galement que
lentre dans leur univers est synonyme dabsence de dicults nan-
cires importantes, qui restent rserves aux davoriss et aux modestes,
mme si un tiers (30 %) de la classe moyenne inrieure dclare quand
mme sen sortir dicilement (contre seulement 13 % de la classe
moyenne intermdiaire). Cette dnition plancher dune entre dans
les classes moyennes, qui se matrialise par une capacit trs largementmajoritaire sen sortir correctement et par lexistence dune mino-
rit rencontrant des dicults, saccompagne dune dnition plaond
qui signe la sortie des classes moyennes. Ce nest en eet qu partir de la
classe suprieure quon rencontre une majorit dinterviews dclarant
sen sortir acilement avec leurs revenus : 51 % contre 20 % seulement
dans la classe moyenne intermdiaire, et 7 % dans la classe moyenne
inrieure.
Cette position mdiane en termes de niveau de vie des classes moyennes,dont les membres pourraient du coup tre considrs comme ceux qui
sen sortent juste correctement , c'est--dire sans vivre trs largement
mais sans non plus de dicults trop importantes, est conrme par
dautres critres. Ainsi, comme le montre le graphique suivant, le ait
de repousser ou de direr souvent des actes mdicaux est tout ait
rsiduel parmi les classes moyennes comme dans les catgories les plus
aises, alors que cela est assez rquent dans les milieux populaires.
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Graphiue 5 : vs i--il s, d ps ps, jisp ds iss cis d c d dif... ?
Des soins dentaires Des achats de lunettes Des soins mdicauxou de erres en gnral
Daoriss Catgories modestes Classes moyennes inrieures
Classes moyennes intermdiaires Classes suprieures Faoriss ou aiss
Rcapitulati : souent
51 %
6 %
21 %
4 % 5 % 3 %
22 %
4 %
9 %
27 %
1 %
9 %
44 %
6 %
11 %
1 %
De la mme aon, si 79 % des davoriss et 57 % des modestesdclarent eectuer une part importante de leurs achats alimentaires en
hard discount, cette proportion devient minoritaire ds lentre dans la
classe moyenne, sans pour autant tre ngligeable (44 % de la classe
moyenne inrieure et 32 % de la classe moyenne intermdiaire dcla-
rant acheter une part importante de leurs produits alimentaires et den-
tretien dans ce type de magasin). Tout en tant moins regardant sur le
prix de leur caddy que les milieux les plus modestes, les classes moyennes
rquentent donc dautres enseignes, mme si la pression sur le pouvoirdachat est bien prsente et impose de rogner quelque peu sur certains
postes de dpense.
La question des vacances est galement assez clairante de la position
mdiane quoccupent les classes moyennes en termes de mode de vie.
Dans une socit de loisirs comme la ntre, le ait de partir ou non en
vacances est trs connot socialement, nos catgories sociales prsentant
une trs orte polarisation sur cette question. Comme on peut le voir
ci-dessous, les deux tiers de la classe suprieure et les trois quarts des
avoriss ou aiss partent tous les ans, quand, inversement, deux tiers des
davoriss et la moiti des modestes ne partent jamais ou moins dune
ois tous les deux ans.
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Graphiue 6 : Cs dis s, s-s pi ccs d'?
Tous les ans quasiment chaue anne Une anne sur deux Moins souent ou jamais
Dfavoriss 17 % 4% 12 % 67 %
Catgories modestes 13 % 15 % 20 % 52 %
Classes moyennesinfrieures 32 % 22 % 17 % 29 %
Classes moyennesintermdiaires 47 % 21 % 14 % 18 %
Classes suprieures 66 % 16 % 6 % 12 %
Favoriss ou aiss 75 % 15 % 4 % 6 %
Entre ces deux extrmes, les classes moyennes parviennent, majoritai-
rement (54 %) pour la classe moyenne inrieure et trs majoritairement
(68 %) pour la classe moyenne intermdiaire, partir tous les ans ou
quasiment tous les ans. Renoncer partir chaque anne en vacances, cequi encore une ois dans nos socits ne constitue pas un acte anodin,
nest donc pas la norme majoritaire dans les classes moyennes. Mais
si ces dernires parviennent partir, la rquence est moins leve que
dans les catgories suprieures, et une partie ne parvient pas sorir cet
lment de standing.
Enn, dernier lment discriminant, celui de la capacit dpargne.
Une courte majorit de Franais (54 %) dclare pargner la n dumois une ois payes toutes leurs dpenses contraintes. Et, de nouveau,
les rponses varient trs ortement selon les catgories. En cohrence
avec ce que nous avons observ prcdemment, la capacit dpargne
est inexistante (7 %) parmi les davoriss et trs minoritaire parmi les
modestes (31 %). En revanche, lentre dans la classe moyenne inrieure
saccompagne dun comportement dpargne majoritaire (53 %). Mais
cette csure entre le bas de la classe moyenne et les modestes rpond
un cart de mme ampleur entre cette classe moyenne inrieure et la
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classe moyenne intermdiaire, dont pas moins de 73 % (soit un cart
de 20 points) disent pargner, ce taux tant trs proche de celui observ
dans la classe suprieure (81 %) et parmi les aiss et les avoriss (77 %).
Ainsi, si une capacit majoritaire pargner est galement un critre de
distinction avec les catgories inrieures, un vrai clivage se dessine surce thme au sein mme des classes moyennes.
Graphiue 7 : u is s z py s s dpss cis(lg, lii, c.) z-s l pssibili d'pg d l'g l d is?
oui non
Daoriss 7 % 93 %
Catgories modestes 31 % 69 %
Classes moyennesinrieures 53 % 47 %
Classes moyennesintermdiaires 73 % 27 %
Classes suprieures 81 % 19 %
Faoriss ou aiss 77 % 23 %
vALEURS ET REPRSENTATIONS DES CL ASSES MOYENNES
Les limites de lascenseur social
Comme le dmontrent, entre autres tudes, les enqutes Conditions de
vie et aspirations des Franais menes par le Centre de recherche pour
ltude et lobservation des conditions de vie (CRDOC) 5, la socit
ranaise est marque depuis vingt-cinq ans par une relative uniormi-
sation des modes de vie, notamment en termes de biens dquipement,
alors que dans le mme temps seuls les plus hauts revenus dclarentpercevoir une amlioration de leur niveau de vie. Cette contradiction,
celle dune progression de la peur du dclassement paradoxalement
5. C. rgis Big Hs s, bs s clsss ys. u ppch ds cdiis d i Fc dpis 25 s , ds CrDoC, Chi d chch 238, b 2007.
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concomitante une amlioration objective des conditions de vie, est en
ralit alimente par deux autres phnomnes : celui de laccroissement
des ingalits et celui de la monte de lincertitude. On assiste en eet, y
compris dans un contexte de crise conomique rcurrente et quasiment
structurelle, une progression du nombre de trs hauts revenus, listant au travail quau patrimoine. Cela contribue produire une vision
assez largement partage dans laquelle lessentiel de la richesse serait
capt par une range minime de la population, bnciant en outre de-
ets cumulatis : seuls les dj riches peuvent devenir encore plus riches.
Cette lecture postule implicitement lchec du modle rpublicain de
mritocratie, comme si les eorts individuels ne permettaient pas de
lutter contre une structure sociale de plus en plus ingalitaire et au seinde laquelle les classes moyennes se sentiraient prises en tau entre, dune
part, les plus nantis qui continuent de creuser lcart et, dautre part,
les catgories les plus davorises, susceptibles de combler leur retard.
Thierry Pech, auteur de nombreux travaux sur les classes moyennes au
sein de la revue Lconomie politique, dcrit cette progression du taux
dquipement en produits qui, jusquici, taient jugs dabord dtenus
par les classes moyennes 6 : auparavant, ce sont elles qui taient cen-
ses donner lexemple aux catgories plus populaires, xer la normevers laquelle tendre, un modle qui sest estomp au l du temps. Cette
absence de modle engendre mcaniquement la peur du dclassement,
celle-ci tant galement ortement alimente par les incertitudes lies au
march de lemploi et la prcarisation du salariat (dveloppement du
temps partiel, des contrats dure dtermine et des horaires modu-
lables).
Suivant les propos du sociologue Grard Mermet
7
, si laspiration lascension sociale peut paratre naturelle, elle saccompagne dans le
mme temps dune rustration dans le cas, rquent, o cette ascension
ne se produit pas. Or la rustration occasionne par le dcalage entre une
position rve mais impossible atteindre et la position relle en somme,
lincapacit se satisaire de sa situation serait relativement rcente.
Il sagit dailleurs dun marqueur sensible de lentre dans les classes
moyennes. Autrement dit, linsatisaction ressentie quant sa position
dans la socit actuelle est exprime dans des proportions minoritairesds lors que, sur lchelle sociale, on entre dans les classes moyennes.
6. L ldship scil ds clsss ys s ss , i d thiy Pch c olii Schi ths Wid, Le Monde, 20-21 i 2011.
7. Gd m L i scil , ds Francoscopie, Lss, 2010.
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Ainsi, alors que les catgories davorises ou modestes se sentent trs
majoritairement lses (respectivement 86 % et 70 % dclarent ne pas
tre satisaites de la place quelles occupent dans la socit), ce sentiment
nest plus partag que par 37 % de la classe moyenne inrieure et 22 %
pour lintermdiaire, tandis quassez logiquement les avoriss ou aissne sont pas du tout concerns par ce malaise (6 % 7 %). Ainsi, de
la mme aon que les classes moyennes se distinguent des catgories
inrieures par le ait quune majorit de ses membres dclare sen sortir
correctement avec leurs revenus, elles sen direncient galement en
tant majoritairement satisaites de leur place dans la socit.
Nanmoins, lobservation du niveau de satisaction quant sa situa-
tion actuelle doit tre rapproche de la trajectoire sociale de lindividu.Celle-ci a pu tre apprhende dans le cadre de ltude pour la Fondapol
en croisant deux variables : lautopositionnement de linterview sur
lchelle sociale et la classe socio-conomique dans laquelle il situe ses
parents. Cette reconstruction statistique conrme, dans un premier
temps, que leectivit du mcanisme dascension sociale continue dtre
admise par une raction signicative de la population, mais que la pro-
portion de bnciaires revendiqus est trs ingalement rpartie.
Ainsi, alors que le sentiment de progression est trs aiblement exprimpar les catgories modestes (7 %) et, a fortiori, jamais par les davo-
riss, trois quatre personnes sur dix se vivent en ascension sociale
parmi les classes moyennes inrieures (29 %) et intermdiaires (37 %).
Ce sentiment ne devient majoritaire quau sein des catgories sup-
rieures (50 % 58 %). loppos, la sensation de rgression sociale par
rapport ses parents sobserve de aon paraitement inverse. Il sagit l
dun enseignement cl au vu de lensemble des travaux ddis aux classesmoyennes : laspiration la promotion sociale apparat en eet comme
un critre dterminant de lappartenance aux classes moyennes. Bien
que trs minoritaire parmi celles-ci, le sentiment de rgression concerne
aujourdhui 12 % des membres de la classe moyenne intermdiaire et
17 % de ceux de la classe moyenne inrieure, sentiment que partagent
plus dun tiers des catgories modestes (36 %) et la majorit des da-
voriss (53 %).
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Se ient en ascension sociale Statut quo Se ient en rgression sociale
Daoriss 47 % 53 %
Catgories modestes 7 % 57 % 36 %
Classes moyennesinrieures 29 % 54 % 17 %
Classes moyennesintermdiaires 37 % 51 % 12 %
Classes suprieures 50 % 46 % 4 %
Faoriss ou aiss 58 % 42 %
Graphiue 8 : tjci p pp ls pse siiz s s pps ps pl pi...?
Pour rsumer, si le sentiment davoir bnci de lascenseur social
est seulement majoritaire au sein de la classe suprieure ainsi que des
avoriss ou aiss, il devient minoritaire ds que lon descend dans lesclasses moyennes. Il est nanmoins susamment rpandu pour que ces
dernires se distinguent leur tour des catgories modestes et davori-
ses, chez qui la perception du dclassement lemporte largement. Et si
le ressenti dune rgression sociale par rapport ses parents concerne
une raction des classes moyennes, il y est toujours moins prsent que le
sentiment dascension.
La peur du dclassement et ses ressorts
On vient de voir que lexprience dune rgression sociale par rapport
la situation de ses parents est aujourdhui largement minoritaire dans les
classes moyennes. En revanche, la crainte du dclassement en constitue
un marqueur important. Car si lascenseur social est essentiellement
symbolis par son mouvement ascendant, le sens inverse apparat, en
creux, tout aussi possible. La conscience de la ragilit de sa position au
sein de lchelle sociale conduit une angoisse de lavenir qui se traduit
plusieurs niveaux et qui nest pas toujours directement taye par des l-
ments objectis. ce propos, dans La Peur du dclassement, ric Maurin
crit ort justement : Le dclassement et la peur du dclassement : les
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deux phnomnes ne sont ni de mme nature, ni de mme ampleur, et il
est essentiel de ne pas les conondre si lon veut comprendre la socit
ranaise. Un exemple sura montrer tout ce qui les distingue. En
2007, lInsee recensait 14 600 sans-abri ; si lon retient le chire de
100 000 personnes, avanc par les associations daide aux SDF, on peutcalculer que 0,16 % de la population vit dans la rue. Or, daprs un
sondage ralis en 2006, 48 % des Franais pensent quils pourraient
un jour devenir SDF 8. Plus haut, lauteur prcisait : Cette angoisse
sourde [la peur du dclassement], qui taraude un nombre croissant de
Franais, repose sur la conviction que personne nest labri, quune
pe de Damocls pse sur les salaris et leurs amilles []. La peur du
dclassement ne rgne pas tant aux marges de la socit quen son cur.Elle assige les ouvriers, les employs, les travailleurs prcaires, mais,
plus encore, les classes moyennes et suprieures, celles qui bncient
des meilleurs statuts et des protections les plus ecaces et qui ont donc
beaucoup perdre 9.
Au travers de ltude pour la Fondapol, lobservation de la projection
dans le temps des conditions de vie ait tout dabord ressortir sans nier
la part de antasme de ces perceptions un pessimisme gnral quant
lavenir et une nostalgie du pass, soit le phnomne classique qui peutamilirement se rsumer par la ormule ctait mieux avant . Mais
par-del ce constat gnral, les enseignements de ltude rvlent quil
sagit l dun marqueur de rupture au sein mme des classes moyennes.
Ainsi, comme le montre le graphe ci-dessous, alors que la situation de la
gnration prcdente apparat comme ayant t plus conortable aux
yeux de la majorit de la classe moyenne inrieure (53 % estiment que
leurs parents vivaient mieux queux au mme ge) et, a fortiori, sagis-sant des catgories modestes ou davorises (respectivement 69 % et
83 %), ce score devient minoritaire auprs de la classe moyenne inter-
mdiaire (37 %) et continue de diminuer pour les catgories plus aises.
8. ic mi, La Peur du dclassement, Sil, cll. L rpbli ds ids , 2009, p. 5-6.
9. Ibid.
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En revanche, et cest l un point trs important, en termes de projec-
tion et danticipation de lvolution des modes de vie, le schma nestplus linaire socialement et ait apparatre une classe moyenne interm-
diaire comme la plus anxieuse de toute lchelle sociale. Ainsi, lorsquil
sagit de se projeter soi-mme dans dix ans, les trois quarts de la classe
moyenne intermdiaire imaginent quils vivront moins bien quau-
jourdhui, alors que ce score nest que denviron 60 % pour le reste
de la population. Il en va de mme au moment dapprhender la situa-
tion uture de ses descendants : alors que les rsultats tmoignent duneinquitude ressentie par la majorit de la classe moyenne intermdiaire
(54 %), les scores relevs auprs des autres catgories de population
oscillent entre 37 % et 46 % (c. graphiques ci-dessous). Ces rsultats
sont donc le signe dun manque de srnit de la classe moyenne inter-
mdiaire vis--vis de lavenir. Ils marquent ainsi les limites de la croyance
dans lascenseur social et rejoignent les conclusions de nombre de tra-
vaux sur le sujet : les jeunes ne sont plus perus comme tant assurs
de connatre une meilleure situation que celle de leurs parents. Cetteinquitude est assez rpandue parmi lensemble de la population, mais
elle est particulirement criante au sein des classes moyennes, tel point
quelle constitue un des marqueurs les plus ragrants. Cette angoisse du
dclassement nourrit dailleurs un paradoxe : si une large majorit de
Beaucoup mieux Un peu mieux Pareil Un peu moins bien Beaucoup moins bien
Graphiue 9 : Diiz-s s ps ii g... ?
Total Totalmieux moins bien
Dfavoriss 83 % 44% 39 % 11 % 4 %2 %
6 %
Catgories modestes 69 % 28% 41 % 15 % 13 %3 %
16 %
Classes moyennesinfrieures 53 % 21% 32 % 18 % 23 % 6 % 29 %
Classes moyennesintermdiaires
37 % 13% 24 % 21 % 28 % 14 % 42 %
Classes suprieures 26 % 9% 17 % 16 % 33 % 28 % 58 %
Favoriss ou les aiss 22 % 9% 13 % 21 % 28 % 29 % 57 %
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Franais se range aujourdhui dans la classe moyenne et vient ainsi en
grossir les rangs, dans le mme temps, jamais autant de personnes nont
pronostiqu sa disparition prochaine sous un eet sablier 10 . Cette
dernire ide transparat systmatiquement dans les propos qui peuvent
tre collects dans le cadre des tudes qualitatives et peut se rsumerainsi : des riches de plus en plus riches, et des pauvres de plus en plus
de pauvres , le bas du sablier social aspirant dans un mouvement inexo-
rable la majeure partie des classes moyennes.
10. J-mc vii, LEfet sablier, Gss, 2009.
Beaucoup mieux Un peu mieux Pareil Un peu moins bien Beaucoup moins bien
Graphiue 10 : C psz-s s iz ds dizi d-s ?
Total Totalmieux moins bien
Dfavoriss 29 % 11% 18 % 25 % 8 % 38 % 46 %
Catgories modestes 30 % 9% 21 % 24 % 25 % 21 % 46 %
Classes moyennesinfrieures 32 % 9% 23 % 29 % 26 % 13 % 39 %
Classes moyennesintermdiaires 15 % 3% 12 % 32 % 41 % 12 % 53 %
Classes suprieures 25 % 5% 20 % 38 % 30 % 7 % 37 %
Favoriss ou aiss 12 % 4% 8 % 43 % 39 % 6 % 45 %
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Cette peur du dclassement est notamment alimente par la craintedu chmage. Ce sentiment ressort de aon trs marque dans lenqute
conduite par le CRDOC 11, cite prcdemment. Certes, la dnition
employe ne permet pas de comparer directement les rsultats de ces
recherches ceux de lenqute mene pour la Fondapol, car la popula-
tion tudie a t scinde en trois catgories au regard du seul critre du
revenu, mais une ois mise cette rserve, des enseignements intressants
peuvent nanmoins en tre tirs. En eet, la classication pratique entrois catgories permet de aire ressortir une angoisse du chmage par-
ticulirement prononce au sein des classes moyennes par rapport aux
populations dnommes bas et hauts revenus 12 . Ainsi, depuis
1989, les classes moyennes se sont toujours montres plus inquites,
lexception de la priode 1995-1998, durant laquelle les hauts
revenus se sont sentis plus ragiliss. Les classes moyennes apparaissent
donc comme les plus inquites lgard du chmage, davantage que les
bas revenus , signe, l encore, que la position de classe moyenne ausein de lchelle sociale nest pas vcue de aon sereine, ce statut ntant
11. rgis Big, op. cit.
12. ns sls igs s c si ls idiids ccs p l chg, i px-s i p l y.
Beaucoup mieux Un peu mieux Pareil Un peu moins bien Beaucoup moins bien
Graphiue 11 : e c psz-s s s s x icsi ds l sci d di ?
Total Totalmieux moins bien
Dfavoriss 22 % 8% 14 % 15 % 23 % 40 % 63 %
Catgories modestes 18 %3%
15 % 20 % 32 % 30 % 62 %
Classes moyennesinfrieures 14 %
2%12 % 25 % 35 % 26 % 61 %
Classes moyennesintermdiaires 11 %
1%
10 % 15 % 41 % 35 % 74 %
Classes suprieures 10 % 1%9 % 27 % 45 % 18 % 63 %
Favoriss ou aiss 13 %1%
12 % 29 % 38 % 20 % 58 %
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jamais considr comme acquis. Et, sur ce point, la plupart des tudes
convergent, quelle que soit la dnition de classe moyenne considre :
ces classes se sentent aujourdhui plus proches des catgories inrieures
que de celles du dessus.
Certaines analyses pointent par ailleurs le systme de redistribution la ranaise comme moteur du dclassement. Rput pour son sys-
tme de protection sociale, le cas ranais se distingue des autres pays
dits dvelopps par une mcanique de prlvements et de redistribution
davorable aux catgories intermdiaires. Cest en tout cas ce qui res-
sort de lanalyse ralise par le Centre danalyse stratgique 13 au sujet
des systmes de redistribution en France, en Grande-Bretagne, en Sude,
en Allemagne et en Italie. Schmatiquement, le systme ranais se carac-trise par une courbe en orme de U, dans laquelle les classes moyennes
se situent la base du U : elles bncient le moins des mcanismes de
redistribution, qui se concentrent sur les catgories les plus davorises,
tout en subissant une pression scale importante de par leur exclusion
du systme dabattement scal, quant lui plus avorable aux oyers les
plus aiss. Certains des rsultats prsents ci-aprs pourront dailleurs tre
analyss laune de cet tat de ait et de la orte insatisaction concernant
le niveau de pression scale sexerant sur les classes moyennes.
Un systme de valeurs peu uniant, et qui se construit surtout dans unrapport laltrit
Si les travaux sur les classes moyennes sont dsormais nombreux, beau-
coup se sont concentrs sur les tches, dj ort ambitieuses, de dni-
tion et de description de cette catgorie de population. En dehors de la
volont dapporter son concours cet exercice, la Fondapol a galementcherch identier dventuelles valeurs structurantes et caractristiques
des classes moyennes. Or les rsultats de ltude ne permettent pas de
conclure lexistence dun systme de valeurs vritablement propre aux
classes moyennes. La quasi-totalit des concepts tests ont en eet appa-
ratre une progression linaire en termes dattitude positive mesure que
lon grimpe dans lchelle sociale. Ainsi, les classes moyennes se situent
souvent dans une situation mdiane et proche du score observ pour
lensemble de la population, les membres des classes moyennes devenant
ici des Franais moyens ou dans la moyenne .
13. C dlys sgi, Classes moyennes et redistribution : le cas ranais dans une perspectiveinternationale, d ill 74, 24 spb 2007.
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Deux orientations mritent pourtant dtre mises en relie. Tout
dabord, aisant cho la courbe en orme de U caractrisant le sys-
tme de protection sociale ranais, les catgories modestes et la classe
moyenne inrieure devancent les classes suprieures et avorises
lorsquil sagit de dnoncer lassistanat et les abus dont ait lobjet cesystme (respectivement 80 % et 84 % contre 73 % 76 % partir
des catgories suprieures). Plus encore, la classe moyenne inrieure
se montre particulirement virulente vis--vis des chmeurs, estimant
que trouver un emploi relve de la volont (59 % contre 50 % 55 %
pour les autres catgories, lexception des davoriss). Par ailleurs,
lattitude lgard de limmigration peut potentiellement rejoindre ces
opinions dans la mesure o lon observe un vritable dcrochage au seinmme des classes moyennes : la classe moyenne inrieure (et en de)
apparat moins indulgente quant la prsence dimmigrs en France
(69 %), crispation qui se ait nettement moins orte une ois entr dans
la classe moyenne intermdiaire (59 %). Enn, sagissant de larbitrage
qui consiste soit diminuer le montant des charges sociales soit aug-
menter les taxes et les impts, les avis demeurent partags dun bout
lautre de lchelle sociale. Cependant, lintrt individuel conditionne
tout de mme les jugements dans la mesure o la diminution des presta-tions sociales est privilgie par les classes moyennes au sens large (52 %
58 %), tandis que loption inverse obtient davantage de aveurs auprs
des catgories davorises ou aises (53 % 57 %).
Second enseignement important : le rapport la mondialisation. tudie
parmi une vingtaine de concepts, la mondialisation simpose comme celui
aisant lobjet des jugements les plus ngatis. Pour autant, la position au
sein de lchelle sociale infuence considrablement les jugements sur cesujet. Ainsi la perception positive de ce concept nest jamais exprime par
plus dun quart des personnes interroges tant que lon nest pas sorti des
classes moyennes. Ce score atteint ensuite 38 % parmi les catgories sup-
rieures et mme 63 % pour les plus aiss. La mondialisation prsente donc
peu davantages aux yeux des classes moyennes. Mais dautres rsultats
montrent que le terme de mondialisation ne porte pas quune valeur
ngative dans la mesure o certains de ses aspects ne sont pas orcment
aussi mal apprhends. Ainsi, invites se positionner sur le degr dou-verture ou de protection de la France vis--vis du monde extrieur, les
classes moyennes se montrent divises, aisant apparatre une attitude de
repli nettement plus prononce pour la classe moyenne inrieure (43 %
contre 23 % pour lintermdiaire). Autre constat allant en ce sens : alors
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que seule une minorit des catgories allant des davoriss (38 %) la
classe moyenne inrieure (49 %) est avorable au dveloppement des
changes commerciaux internationaux, cette position est majoritaire
partir de la classe moyenne intermdiaire (60 %).
Les thmes de la mondialisation et de lassistanat constituent ainsi denouvelles occasions de racture au sein des classes moyennes, conrmant
la proximit avec les catgories du bas pour certaines et avec celles du
haut pour les autres. Les premires laissent voir une vritable anxit
vis--vis de laltrit, tandis que les secondes, sans pouvoir les qualier
de sereines, semblent dcrispes. En dehors de ces deux sujets majeurs,
qui structureront bon nombre de dbats dans les prochaines annes et
sur lesquels on peut dceler des clivages au sein des classes moyennes,les systmes de valeurs se caractrisent plutt par des dcrochages situs
aux extrmits de lchelle sociale, do la dicult identier un uni-
vers de reprsentations prcis susceptible de constituer le support dun
discours politique ddi aux classes moyennes.
CONCLUSION
Au terme de cette analyse, il semble donc dicile darrter une dnition
stricte et dnitive des classes moyennes. Nanmoins, on peut en dgager
certains contours. Une attitude que lon pourrait qualier de relati-
viste simpose comme un trait majeur de ces insaisissables classes
moyennes. Tout se passe comme si, malgr des inquitudes trs nettes
quant leur avenir, ou celui des gnrations venir, les classes moyennesse situaient par rapport cest--dire en raction au reste de la popu-
lation. La majorit des membres de la classe moyenne estime sen sortir
correctement, autrement dit mieux que certains, mais moins bien que
dautres. Ils se montrent donc majoritairement satisaits de la position
quils occupent dans la socit. Ainsi lentre dans la classe moyenne se
traduit par une nette diminution du sentiment dinsatisaction lgard
de sa situation, caractristique des plus modestes qui se voient rquem-ment contraints, la dirence des classes moyennes, de renoncer
des actes mdicaux ou de rquenter les commerces hard discount. De
la mme manire, le sentiment dascension sociale supplante celui du
dclassement ds lors que lon se dit membre des classes moyennes.
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Touteois, une lecture homogne serait rductrice de ce tableau social
qui laisse afeurer un certain nombre de ractures qui traversent les
classes moyennes. Ainsi, la classe moyenne intermdiaire, que lon pour-
rait sous certains aspects considrer comme la classe moyenne vritable,
et la classe moyenne inrieure prsentent rquemment des visagesdirents. La premire, bien que plus laise nancirement que la
seconde (davantage propritaire, partant plus rquemment en vacances
et disposant dune large capacit dpargne), constitue le groupe au sein
duquel la peur du dclassement et non pas lexprience eective du
dclassement est la plus aigu. Exprimant une exaspration intense
lgard de la pression scale dont ils ont lobjet (en tant que pre-
miers contributeurs au nancement des mcanismes de redistributionsociale dont ils bncient pourtant peu), les membres de cette classe
moyenne intermdiaire y voient sans nul doute une certaine injustice,
sans pour autant que cette orte pression scale ne se traduise par une
dnonciation excessive de lassistanat. En eet, cette attitude apparat
plutt comme lapanage des membres de la classe moyenne inrieure,
pourtant objectivement moindres contributeurs et exprimant une exas-
pration plus rduite lgard de leur niveau dimposition.
De ait, cette classe moyenne inrieure se distingue par des opinionset des rfexes densis qui, sils existent dans tout le corps social, restent
particulirement rpandus au sein de cette catgorie. Au-del dune viru-
lence vive lgard de lassistanat et des chmeurs, ses membres semblent
entretenir un rapport plus confictuel laltrit, ce qui se matrialise par
un rejet plus grand de limmigration, de lUnion europenne et, plus
largement, de la mondialisation. Ainsi, si la classe moyenne inrieure se
sent menace, cest bien plutt une menace extrieure qui cristallise sonattention. Au contraire, la peur du dclassement de la classe moyenne
intermdiaire laisse supposer que si menace il y a, celle-ci relve davan-
tage dun possible changement dquilibre au sein mme de la struc-
ture sociale. Concrtement, ce changement consisterait voir la classe
moyenne intermdiaire rattrape par les catgories inrieures et/ou d-
nitivement interdite daccder aux catgories suprieures.
En termes de message politique, on voit bien la dicult pour un parti
ou un candidat de se proclamer le reprsentant des classes moyennes.Dans la perspective de llection prsidentielle de 2012, la ncessit de
rpondre aux attentes des classes moyennes constitue pourtant un d
politique majeur, dautant plus complexe que les classes moyennes ne
parviennent pas se laisser saisir comme un ensemble uniorme. ce
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titre, la rorme scale annonce pourra tre loccasion de satisaire la
classe moyenne intermdiaire, que lon prsume cependant dores et dj
assez hostile, limage de lensemble des Franais, la suppression de
lISF. La question identitaire, quant elle, se doit dtre aborde avec une
vigilance toute particulire, car si la ralit des attentes quelle suscite,notamment dans la classe moyenne inrieure, ne peut tre et ne doit
tre nie, elle tend trop souvent verser dans un registre de repli et de
division qui ait non seulement le jeu de lextrme droite mais contribue
aussi encore diviser un corps social intermdiaire dj sur la densive.
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Morale, thique et dontologieMichel Maesoli, octobre 2011, 40 pages
Sortir du communisme, changer dpoqueStphane Courtois (dir.), PUF, octobre 2011, 672 pages
La jeunesse du mondeDominique Reyni (dir.), ditions Lignes de Repres, septembre 2011,132 pages
Pouvoir d'achat : une politiqueEmmanuel Combe, septembre 2011, 52 pages
La libert religieuseHenri Madelin, septembre 2011, 36 pages
Rduire notre dette publiqueJean-Marc Daniel, septembre 2011, 40 pages
cologie et libralismeCorine Pelluchon, aot 2011, 40 pages
Valoriser les monuments historiques : de nouvelles stratgies
Wladimir Mitroano et Christiane Schmuckle-Mollard, juillet 2011, 28 pages
Contester les technosciences : leurs raisonsEddy Fougier, juillet 2011, 40 pages
Contester les technosciences : leurs rseauxSylvain Boulouque, juillet 2011, 36 pages
La raternitPaul Thibaud, juin 2011, 36 pages
L'Opinion europenne en 2011Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de repres, janvier 2011, 254 pages
La transormation numrique au service de la croissanceJean-Pierre Corniou, juin 2011, 52 pages
NOS DERNIRES PUBLICATIONS
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LengagementDominique Schnapper, juin 2011, 32 pages
Libert, galit, FraternitAndr Glucksmann, mai 2011, 36 pages
Quelle industrie pour la dense ranaise ?Guillaume Lagane, mai 2011, 26 pages
La religion dans les afaires : la responsabilit sociale de l'entrepriseAurlien Acquier, Jean-Pascal Gond, Jacques Igalens, mai 2011, 44 pages
La religion dans les afaires : la nance islamiqueLila Guermas-Sayegh, mai 2011, 36 pages
O en est la droite ? LAllemagnePatrick Moreau, avril 2011, 56 pages
O en est la droite ? La Slovaquietienne Boisserie, avril 2011, 40 pages
Qui dtient la dette publique ?Guillaume Leroy, avril 2011, 36 pages
Le principe de prcaution dans le mondeNicolas de Sadeleer, mars 2011, 36 pages
Comprendre le Tea PartyHenri Hude, mars 2011, 40 pages
O en est la droite ? Les Pays-BasNiek Pas, mars 2011, 36 pages
Productivit agricole et qualit des eaux
Grard Morice, mars 2011, 44 pages
LEau : du volume la valeurJean-Louis Chaussade, mars 2011, 32 pages
Eau : comment traiter les micropolluants ?Philippe Hartemann, mars 2011, 38 pages
Eau : ds mondiaux, perspectives ranaisesGrard Payen, mars 2011, 62 pages
Lirrigation pour une agriculture durableJean-Paul Renoux, mars 2011, 42 pages
Gestion de leau : vers de nouveaux modlesAntoine Frrot, mars 2011, 32 pages
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O en est la droite ? LAutrichePatrick Moreau, vrier 2011, 42 pages
La participation au service de lemploi et du pouvoir dachatJacques Perche et Antoine Pertinax, vrier 2011, 32 pages
Le tandem ranco-allemand ace la crise de leuroWolgang Glomb, vrier 2011, 38 pages
2011, la jeunesse du mondeDominique Reyni (dir.), janvier 2011, 88 pages
Administration 2.0Thierry Weibel, janvier 2011, 48 pages
O en est la droite ? La BulgarieAntony Todorov, dcembre 2010, 32 pages
Le retour du tirage au sort en politiqueGil Delannoi, dcembre 2010, 38 pages
La comptence morale du peupleRaymond Boudon, novembre 2010, 30 pages
L'Acadmie au pays du capitalBernard Belloc et Pierre-Franois Mourier, PUF, novembre 2010, 222 pages
Pour une nouvelle politique agricole communeBernard Bachelier, novembre 2010, 30 pages
Scurit alimentaire : un enjeu globalBernard Bachelier, novembre 2010, 30 pages
Les vertus caches du low cost arien
Emmanuel Combe, novembre 2010, 40 pages
Innovation politique 2011Dominique Reyni (dir.), PUF, novembre 2010, 676 pages
Dense : surmonter limpasse budgtaireGuillaume Lagane, octobre 2010, 34 pages
O en est la droite ? LEspagneJoan Marcet, octobre 2010, 34 pages
Les vertus de la concurrenceDavid Sraer, septembre 2010, 44 pages
Internet, politique et coproduction citoyenneRobin Berjon, septembre 2010, 32 pages
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O en est la droite ? La PologneDominika Tomaszewska-Mortimer, aot 2010, 42 pages
O en est la droite ? La Sude et le DanemarkJacob Christensen, juillet 2010, 44 pages
Quel policier dans notre socit ?Mathieu Zagrodzki, juillet 2010, 28 pages
O en est la droite ? LItalieSoa Ventura, juillet 2010, 36 pages
Crise bancaire, dette publique : une vue allemandeWolgang Glomb, juillet 2010, 28 pages
Dette publique, inquitude publiqueJrme Fourquet, juin 2010, 32 pages
Une rgulation bancaire pour une croissance durableNathalie Janson, juin 2010, 36 pages
Quatre propositions pour rnover notre modle agricole
Pascal Perri, mai 2010, 32 pages
Rgionales 2010 : que sont les lecteurs devenus ?Pascal Perrineau, mai 2010, 56 pages
LOpinion europenne en 2010Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de repres, mai 2010, 245 pages
Pays-Bas : la tentation populisteChristophe de Voogd, mai 2010, 43 pages
Quatre ides pour renorcer le pouvoir dachatPascal Perri, avril 2010, 30 pages
O en est la droite ? La Grande-BretagneDavid Hanley, avril 2010, 34 pages
Renorcer le rle conomique des rgionsNicolas Bouzou, mars 2010, 30 pages
Rduire la dette grce la ConstitutionJacques Delpla, vrier 2010, 54 pages
Stratgie pour une rduction de la dette publique ranaiseNicolas Bouzou, vrier 2010, 30 pages
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O va lglise catholique ? Dune querelle du libralisme lautremile Perreau-Saussine, octobre 2009, 26 pages
lections europennes 2009 : analyse des rsultats en Europe et en FranceCorinne Deloy, Dominique Reyni et Pascal Perrineau, septembre 2009,32 pages
Retour sur lalliance sovito-nazie, 70 ans aprsStphane Courtois, juillet 2009, 16 pages
Ltat administrati et le libralisme. Une histoire ranaiseLucien Jaume, juin 2009, 12 pages
La politique europenne de dveloppement :Une rponse la crise de la mondialisation ?
Jean-Michel Debrat, juin 2009, 12 pages
La protestation contre la rorme du statut des enseignants-chercheurs :dense du statut, illustration du statu quo.
Suivi dune discussion entre lauteur et Bruno BensassonDavid Bonneau, mai 2009, 20 pages
La Lutte contre les discriminations lies lge en matire demploilise Muir (dir.), mai 2009, 64 pages
Quatre propositions pour que lEurope ne tombe pas dans le protectionnismeNicolas Bouzou, mars 2009, 12 pages
Aprs le 29 janvier : la onction publique contre la socit civile ?Une question de justice sociale et un problme dmocratiqueDominique Reyni, mars 2009, 22 pages
LOpinion europenne en 2009Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de repres, mars 2009, 237 pages
Travailler le dimanche : quen pensent ceux qui travaillent le dimanche ?Sondage, analyse, lments pour le dbat(coll.), janvier 2009, 18 pages
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