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PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

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Page 1: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

PREMIERE PARTIE

DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

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INTRODUCTION.

Depuis une vingtaine d'années, des pays comme les Etats Unis ou l'Angleterre ont

cherché à développer les liants phosphomagnésiens comme matériau de réparation rapide. Des

chercheurs ont donc voulu comprendre le comportement de ce type de matériau ainsi que le

mécanisme de prise. On a également cherché à utiliser ce type de liant pour les ciments

dentaires et leur faible perméabilité a, dans les années 90, intéressé l'industrie du traitement

des déchets. Une bonne résistance à la chaleur a aussi engendré quelques études.

Depuis quelques années, des articles sur le comportement des surfaces d'oxyde de

magnésium ont été publiés car ce matériau a pris une place importante dans la physique des

couches minces et la catalyse. Une meilleure compréhension des matières premières ne peut

être que positive pour la compréhension du mécanisme de prise.

La formation des cristaux de phosphate de magnésium et leur comportement dans

différents milieux ont également fait l'objet de nombreuses études car ces cristaux

apparaissent aussi bien dans les calculs des liquides organiques que dans les réseaux

d'assainissement ou encore dans les fertilisants agricoles. Dans tous les cas, on a cherché à les

comprendre pour mieux les faire disparaître. Ils apparaissent également dans les cultures

bactériologiques et de nombreux auteurs s'y sont intéressés car l'exemple de la nucléation d'un

phosphate de magnésium grâce aux bactéries peut être extrapolé à d'autres cristaux.

Les ciments phosphomagnésiens sont des ciments chimiques issus de la famille des

ciments à liaisons phosphate. Le durcissement provient d'une réaction chimique entre de la

magnésie basique et une solution acide contenant des phosphates où l'on peut ajouter divers

composants. Il existe plusieurs sources acides possibles réagissant avec la magnésie pour

obtenir un matériau durci composé de diverses phases. Après avoir étudié les propriétés de ces

matériaux, nous regarderons la structure cristallographique des différentes phases susceptibles

d'apparaître. Nous chercherons ensuite à expliquer leur apparition et leur évolution selon le

milieu environnant. L'apparition des phosphates de magnésium dans des milieux foncièrement

différents est très intéressante pour la compréhension du phénomène.

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I. HISTORIQUE ET FAMILLE DES LIANTS PHOSPHOMAGNESIENS.

Le terme de phosphomagnésien a été donné par Abdelrazig et al.[1] afin de simplifier

la nomenclature et définit un coeur de magnésie n'ayant pas réagi entouré par un ou plusieurs

hydrates qui sont des phosphates de magnésium. Ce liant, récemment développé, appartient à

la famille des ciments à base de phosphate provenant de la recherche sur les ciments

chimiques. Ces derniers ont été étudiés afin d'offrir des caractéristiques bien particulières

nécessaires dans certaines applications et ainsi, remplacer avantageusement les ciments

ordinaires.

1.1. Les ciments chimiques.

Les premiers ciments chimiques proviennent de la recherche sur les matériaux

dentaires, science qui date de l'antiquité. On s'intéressa rapidement à ces ciments pour couler

du béton et certains matériaux mis à l'écart par l'industrie dentaire trouvèrent leur place dans le

génie civil car le cahier des charges y est moins contraignant.

C'est en 1855 que l'on voit apparaître un matériau à base de d'oxyde de zinc dans une

solution de chlorure de zinc [2] mais une des phases formées se révèle instable dans l'eau ce

qui limite son utilisation [3]. S'en inspirant, Sorel met au point un liant hydraulique à base de

magnésie et d'une solution de chlorure ou de sulfate de magnésium formant des sels

d'oxychlorure ou d'oxysulfate de magnésium [4]. L'oxychlorure de magnésium est ce qu'on

appelle le ciment Sorel. Il développe rapidement des résistances mais est instable

dimensionnellement et peu résistant au gel-dégel et autres agents atmosphériques. L'oxysulfate

de magnésium a les mêmes propriétés que le ciment Sorel mais est bien plus complexe et, en

fonction des conditions, on peut observer jusqu'à sept phases hydratées différentes.

L'oxychlorure d'aluminium a également été essayé mais reste peu utilisé car il dégage de

l'acide chlorhydrique qui attaque les métaux. Il est malgré tout utilisé dans la métallurgie pour

ses propriétés réfractaires jusqu'à 1500°C [3].

Parallèlement à cela, en 1879, les composés phosphates font leur apparition dans les

ciments dentaires avec un mélange de silice, d'alumine et d'une solution d'acide phosphorique

contenant des cations (Ca2+, Zn2+, Mg2+ et Al3+) [5]. Ce ciment restera le ciment

inorganique le plus résistant pendant prés d'un siècle. Comme pour les oxychlorures, les

chercheurs vont essayer avec les phosphates tous les cations ayant un faible rayon ionique et

un fort potentiel ionique car ils sont connus dans la science du verre comme ayant une forte

capacité à former des réseaux cristallins. Ces cations sont le zinc, l'aluminium, le magnésium

ou encore le bérylium [2]. Pour les applications dentaires, on s'intéressa également aux

fluorures pour le côté thérapeutique du fluor.

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On développa par la suite les aluminosilicates mais un manque de consistance pendant

la prise et le durcissement, une faible adhésion et un fort retrait limitèrent leur application. Les

ionomères verres, qui sont des polymères ioniques à base de verres lessivables (CaO, SiO2,

Al2O3...) avec un acide polycarboxylique et une solution de 10% d'acide tartrique pour

contrôler la prise, remplacèrent rapidement les aluminosilicates dans les applications dentaires

grâce à une adhésion bien supérieure [3]. Les derniers matériaux dentaires sont des polymères

photosensibles où la prise peut être déclenchée à volonté par application d'un rayonnement.

Ces matériaux sont cependant inutilisables dans le génie civil à cause de leur coût.

1.2. Les ciments à liaisons phosphate.

Les ciments à base de phosphate résultent d'une réaction acide-base généralement entre

un oxyde métallique et un sel ou dérivé d'acide phosphorique. Le matériau durci est

couramment appelé CBC (Chemically Bonded Ceramics) et certaines propriétés jusque là

onéreuses peuvent être obtenues à moindre coût grâce à ces nouveaux ciments. Les propriétés

de certains matériaux phosphatés sont connues depuis prés d'un siècle dans la formulation de

ciments dentaires [6].

La plupart des oxydes basiques qui réagissent avec de l'acide phosphorique ou du

phosphate acide à température ambiante forment une masse homogène qui éventuellement

durcit avec le temps. Parmi les composés durcis, on répertorie les phosphates de magnésium,

les phosphates de zinc, les phosphates de calcium, ou encore les silicophosphates [3]. On

observa aussi des phosphates de bérylium, de cadmium, de plomb, d'aluminium, de thorium

ou de zirconium [7].

Les liants à base de phosphates de zinc proviennent d'un mélange d'oxyde de zinc avec

une solution phosphatée et le principal produit d'hydratation est l'hopeïte (Zn3(PO4)2.4H2O)

[8]. La prise intervient en 30 minutes pour donner une résistance à la compression de 75 à 100

MPa [3]. En réalité, il semblerait que l'hopeïte ne se trouve qu'en surface au contact d'un excès

d'eau et que la matrice cimentaire soit faite d'une phase amorphe engluant les particules

d'oxyde de zinc n'ayant pas réagi. Cette croissance de cristaux en surface limite les propriétés

adhésives de ce ciment [9] mais il sera malgré tout utilisé dans les ciments dentaires.

Les phosphates de calcium prennent entre 8 et 22 minutes avec une résistance finale en

compression de 30 MPa. Ils sont utilisés dans les applications dentaires [3]. Leur chimie est

très compliquée car les hydrates formés sont aussi nombreux que complexes. En fonction de

l'hydrate formé, les résistances mécaniques varient et il semblerait que l'hydroxyapatite soit

une des phases les plus résistantes parmi les phosphates de calcium. La chimie des phosphates

de calcium est cependant très différente de celle des phosphates de magnésium sans doute

parce que la taille des ions Mg2+ est faible comparée à celle des ions Ca2+ [10].

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En s'inspirant du mécanisme silicate-acide phosphorique utilisé pour les ciments

dentaires, Semler cherche à développer un ciment à prise rapide peu onéreux. En 1976, il

observa que la wollastonite (CaSiO3) donne avec l'acide phosphorique un matériau qui prend

en 30 minutes et dont la résistance à la compression peut atteindre 50 MPa en 4 heures [11].

Malheureusement, une très faible résistance à la traction limitera ses applications [3].

Dans les différents brevets déposés sur les ciments phosphatés, les matériaux basiques

peuvent être de la magnésite calcinée ou non, de la dolomite calcinée, des aluminates

d'alcalins calcinés ou non, ou encore, des métaux de terres alcalines ayant des réactivités plus

ou moins importantes. Les phosphates utilisés comme source acide peuvent être un phosphate

acide de métal alcalin ou d'ammonium, une solution de phosphate d'ammonium contenant des

orthophosphates, des pyrophosphates et des polyphosphates ou encore, un phosphate

d'aluminium. Les deux composés formant le couple le plus intéressant seraient la magnésie

"dead-burned", c'est à dire calcinée à "mort", et le phosphate d'ammonium acide [6].

1.3. Apparition des ciments phosphomagnésiens.

La réparation des routes, des pistes d'aéroport, ou des sols industriels coûte très cher en

grande partie à cause de l'interruption de l'activité. Il est donc très important de pouvoir

développer des bétons à prise rapide avec une apparition rapide des résistances. C'est dans ce

but que les ciments phosphomagnésiens ont été développés afin de concurrencer les résines

synthétiques actuellement utilisées.

Les phosphates de magnésium ont été obtenus en ajoutant du phosphate au ciment

Sorel pour qu'il résiste mieux à l'eau. Ces phosphates créent une couche d'hydrates insolubles

pouvant même remplir les pores du ciment Sorel. On réalisa vite qu'en faisant réagir de

l'oxyde de magnésium avec des phosphates solubles, on obtenait une matrice ayant une

meilleure résistance à l'eau et au gel-dégel, ainsi qu'une meilleure stabilité. Les phosphates de

magnésium et d'ammonium ont par la suite montré un développement de résistance encore

plus rapide [3].

Le premier ciment phosphomagnésien obtenu par le mélange d'un liquide phosphaté,

d'une poudre de magnésie et d'un filler a été développé aux Etat Unis entre 1945 et 1947 pour

faire des bétons projetés [12]. En 1960, ce type de matériau a été utilisé pour des travaux de

réparation dans les zones de température intermédiaire des aciéries [13]. Ce n'est qu'au début

des années 1970, aux Etat Unis, que ce type de liant a été pour la première fois utilisé comme

matériau de réparation rapide des bétons [14, 15, 16]. En 1974 apparaît un composé contenant

à la fois les sources acide et basique sous forme de poudre à laquelle il suffit d'ajouter l'eau

avant utilisation, le SET45 dont la composition est la suivante.

40-66% de magnésie dead-burned

33-49% de phosphate monoammoniacal

1-27% d'une solution de polyphosphate

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A cela on ajoute 55-75% de filler et 26-37% d'eau par rapport au poids de liant. Le

SET45 a une bonne ouvrabilité avec une prise rapide, une forte résistance à la compression,

une exothermie raisonnable et ne provoque pas l'oxydation des matériaux ferreux mais au

contraire, les protège avec l'apparition de phosphates ferreux. Dans la fin des années 70, ce

mélange a été utilisé aux Etats Unis pour la réparation et le colmatage de bétons sur les

tabliers de pont, les autoroutes ou les sols industriels.

Les ciments phosphomagnésiens ont également été utilisés en Angleterre pour des

réparations de routes, de pistes d'aviation ou de sols industriels au début des années 80 sous la

forme du FEBSET45 développé par les laboratoires FEB et les services techniques anglais. Ce

produit est constitué de magnésie, d'un mélange de phosphates et de granulats fins

sélectionnés [17]. Le FEBSET45 prend au bout de 15 à 20 minutes à température ambiante et

sa résistance en compression est de 20 MPa en 1 heure et peut atteindre 60 à 70 MPa. Les

résistances en traction-flexion sont autour de 6 MPa. Ce matériau ne subit pas de retrait

pendant la prise ce qui permet une bonne adhérence avec le béton qui doit être réparé et le

coefficient d'expansion thermique est proche de celui des bétons ordinaires ce qui évite les

tensions à l'interface lors des changements de température. Malgré le peu de recul que l'on a,

le FEBSET45 semble avoir une bonne durabilité en résistant bien au gel-dégel, aux sels de

déverglaçage, aux carburants et aux huiles de moteur. En 5-6 ans, 30 à 40 000 m2 de

réparations ont été menés avec succès en Angleterre avec, à chaque fois, une interruption du

trafic de moins d'une heure [18].

En 1982, un rapport étudia les réparations faites aux Etats Unis avec des ciments

phosphomagnésiens sur les dix dernières années et confirma leur bonne durabilité ainsi que

leur forte adhésion avec le béton réparé [19].

D'autres pays se sont intéressés aux ciments phosphomagnésiens à partir de 1990 dont

l'Inde où des colmatages de fissures ont été réalisés [20].

Il faut dire que les ciments phosphomagnésiens ont un vaste champ d'application et

tout particulièrement dans les réparations rapides de béton. En effet, leur prise rapide, leur

développement de résistance accéléré, leur faible perméabilité, leur excellente liaison avec

presque n'importe quelle surface pour peu qu'elle soit propre et sèche et leur coût modéré pour

de telles performances les ont rendus très intéressants pour les travaux sur revêtement bétonné

où une interruption minimale du trafic ou de l'activité est primordiale. Les résines synthétiques

à base de polyester ou d'epoxy utilisées jusqu'à présent comme matériau à durcissement rapide

pour les réparations urgentes sur les bétons endommagés ne montrent pas de meilleures

performances que les ciments phosphomagnésiens et peuvent, par contre, générer des

dégagements gazeux toxiques. Mais le principal atout des ciments phosphomagnésiens est

leur coût ; ils sont jusqu'à 60% moins chers que les ciments à base de résine synthétique [20,

21].

Ces dernières années, d'autres applications ont été développées comme la stabilisation

des déchets en les emprisonnant dans une matrice à base de liant phosphomagnésien [22, 23].

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Ils permettent également d'introduire dans les composites ciment-fibres (CCF) des fibres

habituellement détruites dans le milieu alcalin des ciments ordinaires [24, 25]. On peut aussi

les utiliser avec les fibres habituelles et, dans certains cas, on obtient en 24 heures des

résistances difficilement atteintes en 28 jours lorsqu'on utilise du ciment portland. On obtient

des composites ductiles et durables[26]. Aux Etats Unis, on a cherché à introduire des fibres

dans les travaux de réparation. Les liants phosphomagnésiens ont également servi à

l'élaboration de coulis anti-acide [27] et, dans la fabrication de panneaux de parement, on a

cherché à remplacer le ciment blanc afin d'accélérer la prise et ainsi, réduire le temps de

rotation des moules [25-27]. Avec leur bon comportement aux températures élevées grâce à

l'apparition d'une céramique très résistante, ce type de liant a également été étudié pour former

des moules pour la calcination des alliages Cobalt-Chrome dans l'industrie dentaire [28, 29].

II. LES DIFFERENTS COMPOSES ENTRANT DANS LA FORMULATION DES LIANTS PHOSPHOMAGNESIENS.

2.1. La base.

Le seul composé basique utilisé dans les liants phosphomagnésiens est l'oxyde de

magnésium (MgO). Son réseau cristallin, représenté sur la Figure 1, est identique à celui du

chlorure de sodium (Fm3m) et sa surface est considérée comme basique.

Magnésium

Oxygène

Lewis

OHBrönsted

Figure 1. Structure cristallographique de MgO.

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Les sites basiques sont dus aux ions O2- ayant un nombre de coordination inférieur à

six. Les défauts de surface de la magnésie (marches, coins...) fournissent des ions O2- de

coordination 3, 4 et 5 ce qui explique son caractère basique. En effet, plus le nombre de

coordination est faible, plus le site est basique [30]. Comme on peut le voir sur la Figure 1, un

atome d'oxygène situé sur un coin a un nombre de coordination de trois et pour ceux situés au

bord d'une marche et sur une surface plane, il est respectivement de quatre et cinq [31].

Il existe aussi des sites d'adsorption acides sur les surfaces de magnésie (Figure 1) qui

sont les sites acides de Lewis dus à la coordination incomplète de certains ions métalliques et

les sites acides de Brönsted dus à la présence de groupes hydroxyle. Cependant, sur les

surfaces de magnésie, la présence de sites acides est négligeable comparée aux sites basiques

[30]. Ainsi, les ions H+ sont facilement adsorbés sur la surface grâce au caractère fortement

ionique de MgO alors que les ions OH- forment des liaisons faibles avec la surface [32].

La surface de la magnésie obtenue avec une température de calcination inférieure à

1000°C est très fortement basique. Mg(OH)2 donne une magnésie avec une surface spécifique

plus élevée et des sites acides plus forts que celle provenant de Mg5(OH)2(CO3)4. La

calcination sous vide permet d'obtenir une basicité bien plus forte et augmente les sites acides

de Lewis [30].

La réactivité d'une surface de magnésie lors de la réaction avec des ions phosphates

viendrait de sa capacité à passer en solution plus ou moins rapidement. Il semblerait que la

dissolution se fasse selon les réactions suivantes [33].

MgO + H2O ⇔ MgOH+ + OH-

MgOH+ + 2H2O ⇔ Mg(OH)2 + H3O+

Mg(OH)2 ⇔ Mg2+ + 2OH-

Il s'agit donc d'une attaque acide qui a tendance à ramener le pH vers une valeur

neutre. La protonation de MgO se fait plus lentement sur une surface plane que sur les coins et

les marches où l'attaque est plus rapide [33]. Cela peut s'expliquer par le fait qu'avant d'avoir

protonation, il faut d'abord mouiller la surface de la magnésie. Or, l'adsorption d'eau sur une

surface plane est exothermique : entre 4.0 et 5.6 kcal.mol-1. Cette même adsorption a une

exothermie comprise entre 6.5 et 10.5 kcal.mol-1 sur une marche et autour de 67 kcal.mol-1

sur un coin [34]. En effet, les marches et les coins sont des sites de basicité plus forts que les

surfaces planes du fait d'un nombre de coordination plus faible. Selon Goniakowski [32],

l'adsorption d'une molécule d'eau se fait par l'adsorption d'un ion H+ et d'un ion OH- sur deux

atomes voisins ce qui coïncide parfaitement avec la formation de MgOH+ et OH- décrite par

Holt [33]. Pour Longo et al.[35], sous une forte pression, et donc a fortiori dans l'eau, la

dissociation de la magnésie nécessite trois molécules d'eau ce qui va aussi vérifier la réaction

ci-dessus.

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Cependant, Heidberg et al.[36] ont observé l'adsorption non dissociative de l'eau sur

les défauts des plans (100) de MgO. Cet essai a dû être mené dans un milieu plutôt basique car

on comprend bien que la protonation de la magnésie suivie du passage en solution d'un ion

magnésium et de deux ions hydroxyle est favorisée par des milieux acides. MgO est

également reconnu comme étant un composé fortement ionique [37] ce qui doit influencer le

mécanisme de passage en solution mais la physique des surfaces de ce type de composé est

encore mal connue.

La réactivité de MgO peut être contrôlée par une calcination à des températures

pouvant aller jusqu'à 1400-1500°C où l'on obtient des magnésies dites "dead-burned" [38, 39].

D'un point de vue microstructural, cette baisse de réactivité est due à une réorganisation de la

surface de la magnésie. Ainsi, à 1100°C, on améliore la structure de MgO en créant des

terrasses ordonnées. A 1200°C, on obtient une superstructure qui, grâce à une migration de

surface des molécules de MgO, cherche à limiter ces défauts. En augmentant la température

jusqu'à 1350°C, l'amélioration de l'état de surface est moins évidente. Le système, quand on

lui fournit l'énergie nécessaire, cherche à limiter sa surface spécifique pour minimiser son

énergie libre. A partir de 1000°C, on observe même la ségrégation du calcium se trouvant en

impuretés dans les grains et plus la température ou le temps de calcination sont élevés, plus

ces sphères de ségrégation augmentent [40, 41]. Il apparaît également que les défauts isolés

sont moins stables que les groupements de défauts et peuvent donc disparaître à des

températures plus basses [42]. La surface de magnésie se réarrangeant pour limiter le nombre

de défauts qui sont aussi les sites les plus basiques de la surface, il en résulte une diminution

de la réactivité. Une autre façon de modifier le caractère acido-basique d'une surface est de la

doper mais l'influence des différents ions dopants ainsi que la quantité à mettre pour observer

une modification font encore l'objet de nombreuses études dans la physique des couches

minces et la catalyse [43].

La magnésie contient souvent quelques impuretés en petites quantités comme

Mg2SiO4, CaMgSiO4, MgAl2O4 ou Ca12Al14O33 [44]. Elle peut aussi contenir des sulfures

et alors, l'action d'un acide entraîne un dégagement de sulfure d'hydrogène [45].

2.2. Les composés acides.

Le Tableau I énumère les différentes sources acides utilisées avec la magnésie. Chacun

de ces composés réagit différemment avec la magnésie en fonction de sa composition et de

son acidité. Il faudra donc utiliser pour les uns, une magnésie très réactive et pour les autres,

une magnésie dead-burned. Ainsi, Zurz et al.[24] affirment qu'un mélange de magnésie avec

du phosphate monoammoniacal ou de l'acide phosphorique réagit trop vite pour obtenir des

résistances et ils préfèrent utiliser comme source acide du phosphate diammoniacal, du

phosphate de sodium ou du polyphosphate de sodium.

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Le composé phosphate le plus utilisé reste le phosphate monoammoniacal même si

l'orthophosphate d'aluminium et le polyphosphate de sodium tendent à se développer car ils

permettent d'éliminer le problème du dégagement d'ammoniac lié aux composés contenant des

groupements ammonium.

Tableau I. Liste des composés phosphatés utilisés dans les liants phosphomagnésiens.

nom Formule chimique abréviation

acide phosphorique H3PO4 /

phosphate monoammoniacal NH4H2PO4 MAP ou ADP

phosphate diammoniacal (NH4)2HPO4 DAP

polyphosphate d'ammonium (NH4)3HP2O7 APP

orthophosphate d'aluminium Al(H2PO4)3 AOP

phosphate de sodium NaH2PO4 /

polyphosphate de sodium (NaPO3)n /

2.3. L'eau de gâchage.

La quantité d'eau de gâchage influence fortement les performances des liants

phosphomagnésiens. Il faut mettre suffisamment d'eau pour que l'hydratation soit complète

mais pas trop pour éviter une forte porosité qui affecterait les résistances mécaniques [45]. Le

taux de gâchage influence également les produits de l'hydratation.

2.4. Les fillers.

Des fillers comme le quartz ou la cristobalite semblent jouer peu de rôle dans la chimie

de ces matériaux et sont considérés comme inertes [44, 46, 47]. Leur influence semble se

limiter à une dilution des réactifs [48] et à la quantité d'eau introduite pour le mouillage.

Pour produire du béton de colmatage, on peut ajouter des granulats adéquats [17] mais

l'utilisation de matériaux calcaires est à éviter car ils subissent l'agression acide du MAP et le

calcaire peut se transformer en chaux avec un dégagement de dioxyde de carbone [26]. On

pourra peut être les utiliser dans les systèmes où le composé phosphate est un acide faible.

Dans le SET45, des cendres volantes sont partiellement substituées au sable ce qui

semble améliorer les résistances mécaniques [49] sans doute grâce à une meilleure répartition

granulométrique [26, 50]. Les cendres volantes semblent également réagir avec le phosphate

d'aluminium acide pour former un matériau durci [51].

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2.5. Les retardateurs de prise.

Les retardateurs de prise utilisés dans les ciments à base de phosphates et les composés

ralentissant la formation des cristaux de phosphate de magnésium sont donnés ci-après :

� Le decaoxotriphosphate de disodium, le pyrophosphate de tetrasodium [6] ou

l'hexamétaphosphate de sodium [52].

� Le borax, l'acide borique [6] ou orthoborique [26] et plus généralement, la plupart

des composés à base de borate.

� Le chlorure de sodium [6, 53].

� L'acide tartrique [2, 54] et le tartrate de potassium ou de sodium [24].

� L'acide citrique [54] et le citrate de sodium [53, 55].

� L'acide acetohydroxamique [56] et l'oxalate de sodium [55].

� Les métaux de terres alcalines et ammonium [6].

� Les fluorures acides d'alcalins, les fluorures et les silicofluorures [6].

� L'Acumer 1000, le Millsperse 956 et le Drewgard 4006 [52].

Le decaoxotriphosphate de disodium (Na2P3O10), plus communément appelé STPP,

permet, en plus de retarder la prise, d'améliorer l'ouvrabilité du mortier [20] et les résistances

mécaniques du matériau durci. Il permet d'obtenir un matériau plus dense car on observe une

diminution de la porosité. Le STPP semble entraîner une modification de la morphologie des

cristaux de struvite mais seulement lorsque l'eau n'est pas le facteur limitant de la réaction.

Mais, par temps froid, sa présence est préjudiciable aux résistances à 24 heures [57]. Le

pyrophosphate de tetrasodium et l'hexamétaphosphate de sodium appartiennent à la même

famille. Il semblerait que les polyphosphates complexent les ions Mg2+ [52]. Il en est de

même avec les pyrophosphates qui, en plus, semblent perturber les liaisons hydrogènes et

ioniques et recouvrir les surfaces de struvite ce qui freine et modifie la croissance cristalline

[56].

Le décahydrate heptaoxotétraborate de disodium (Na2B4O7.10H2O), plus

communément appelé borax, est un retardateur de prise couramment utilisé et qui semble

également améliorer les résistances finales. Si l'on veut préserver des résistances correctes à 4

heures, il est recommandé de ne pas en mettre plus de 15% [21]. L'amélioration des

résistances est accompagnée d'une diminution de la surface spécifique due à une porosité plus

faible [24]. Cependant, cette amélioration n'intervient plus lorsque la température extérieure

devient trop froide [49]. Sugama et Kukacka [39] ont émis l'hypothèse que le borax, en

solution, produit des ions B4O72- qui réagissent avec les ions Mg2+ pour précipiter comme

un film autour des grains de MgO agissant comme une barrière de diffusion. Ce film se

dégrade avec le temps en libérant des ions Mg2+. Popovics et al.[50] ont, quant à eux, observé

que la présence de borax donne des cristaux plus petits englués dans une phase pauvrement

cristallisée.

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37

L'acide borique est un retardateur de prise très utilisé et on le trouve dans la formule

par temps chaud du SET45 [50]. L'acide borique permet de fluidifier les formules ou de

mettre moins d'eau car il améliore l'ouvrabilité [50]. On observe également une amélioration

des résistances finales qui persiste à 0°C pour peu que le malaxage soit fait à température

ambiante [49]. La présence d'acide borique semble aussi influencer la taille des cristaux de

struvite formés ainsi que leur cristallinité [50]. Cela a été confirmé par Sarkar [38] qui observa

qu'en introduisant de l'acide borique dans le mélange, la température de décomposition des

cristaux de struvite formés était plus faible. Ce dernier émit l'hypothèse que la présence

d'acide borique entraîne la polymérisation du tétraèdre PO43-. Un revêtement amorphe

constitué d'ions borates et d'unités polyphosphates entreliés avec des ions Mg2+ se forme

alors autour des grains de MgO. La formation de ce revêtement serait responsable non

seulement du retard de prise mais aussi des propriétés améliorées souvent observées pour les

formulations contenant ce retardateur. L'ajout d'acide borique augmente la quantité de MgO

n'ayant pas réagi en fin de réaction donc il semblerait qu'il empêche la diffusion des ions

Mg2+ plutôt qu'il ne les complexe [38]. L'ajout d'acide orthoborique, qui est de la même

famille, permettrait de doubler les performances mécaniques en améliorant la densité [26].

L'acide tartrique et les composés à base de tartrate sont très souvent utilisés dans les

ciments dentaires afin d'élargir le temps de prise et d'améliorer l'ouvrabilité. Ces composés ont

un rôle d'agent complexant [2]. Les ions citrate [53, 56] et oxalate [55] sont également

reconnus comme formant un complexe soluble avec les ions Mg2+. Ces ions doivent

également influencer le produit de solubilité de la struvite avec leur force ionique [55]. Deepa

et al.[54] ont montré que l'ajout d'acide tartrique ou citrique entraîne une diminution de la

taille des cristaux qui sont plus nombreux. Ils en déduisent que les ions citrate et tartrate sont

adsorbés sur les cristaux et bloquent les sites de croissance actifs ce qui modifie l'arrangement

atomique. L'acide acétohydroxamique (CH3CONHOH) semble complexer les ions Mg2+

avec son groupement carbonyle partiellement anionique [56].

Les ions fluorures aident à l'extraction des cations des poudres et évitent leur liaison

prématurée avec les chaînes de polyanions [2]. Cela peut expliquer leur influence sur le temps

de prise dans certains systèmes.

Certains produits ont été utilisés dans le cadre de l'entretien des réseaux

d'assainissement afin d'éviter la cristallisation de la struvite qui peut obstruer les canalisations.

Pour les liants phosphomagnésiens, on ne veut pas annihiler la cristallisation mais seulement

la retarder sans endommager les résistances finales. Par conséquence, seuls les produits peu

efficaces dans le cadre de l'assainissement seront susceptibles d'être utilisés. Ainsi, 1 à 20ppm

d'Acumer 1000 en solution entraînent un retard de cristallisation sans pour autant modifier la

solubilité de la struvite. La distribution de taille des particules semble cependant modifiée. Le

Millsperse 956, qui est une solution contenant 32% d'hexamétaphosphate de sodium, ne peut

retarder la cristallisation sans modifier la solubilité que pour de faibles dosages (1-2ppm) et

sera donc moins efficace que l'Acumer 1000. 1ppm de Drewgard 4006 retarde la précipitation

sans modifier la solubilité mais on ne peut pas en utiliser plus. La distribution de taille des

Page 14: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

38

cristaux de struvite est également modifiée par ce produit. Les compositions de l'Acumer 1000

et du Drewgard 4006 ne sont pas connues [52].

L'introduction de FeCl3 ou de FeCl2 limite la cristallisation des phosphates de

magnésium en consommant les ions phosphate sous la forme Fe3(PO4)2 ou FePO4 et donc en

baissant le taux de sursaturation [58]. Une quantité trop importante de calcium peut également

limiter la cristallisation des phosphates de magnésium car les phosphates de calcium

précipitent plus facilement. Cette quantité dépend du pH et des concentrations initiales [46,

59, 60, 61]. Que ce soit le fer ou le calcium, ils forment avec le phosphate des composés

stables donc les phosphates consommés sont perdus. Ce ne sont donc pas des retardateurs de

prise mais plutôt des inhibiteurs de phosphate de magnésium.

2.6. Les autres adjuvants.

Contrairement aux ciments Portland disposant d'une palette d'adjuvants, les liants

phosphomagnésiens ne disposent que de retardateurs de prise. En effet, une chimie très

compliquée a fait que la technique a cherché à se passer de la science et que l'utilisation de ce

nouveau type de liant est restée empirique. Les retardateurs de prise ont donc été découverts

par tâtonnements car nécessaires à la mise en place de ces ciments à prise rapide.

Il semblerait, cependant, que des amidons, l'Alburex N et le Foralys HTS, permettent

de limiter, quand il existe, le ressuage sans altérer les résistances mécaniques [26]. La plupart

des retardateurs de prise améliorent l'ouvrabilité mais sont loin d'atteindre les performances

des superplastifiants utilisés dans les ciments Portland qui, selon Zurz et al.[24], n'ont aucun

effet liquéfiant sur les liants phosphomagnésiens.

III. LES DIFFERENTS SYSTEMES ET LEURS PRODUITS D'HYDRATATION.

3.1. Le système MgO - MAP.

La magnésie et le phosphate monoammoniacal sont utilisés dans la plupart des

mélanges prêts à l'emploi comme le SET45, le FEBSET45 ou encore le produit indien et ce

système a donc été étudié par de nombreux chercheurs [1, 17, 20, 21, 26, 38, 44, 45, 47, 48,

50, 57, 62, 63, 64, 65]. Tous ces auteurs sont d'accord pour affirmer que le principal produit

de la réaction est la struvite (MgNH4PO4.6H2O) et la grande majorité observent la schertelite

(Mg(NH4)2(HPO4)2.4H2O) et la dittmarite (MgNH4PO4.H2O) comme phases secondaires

pouvant devenir majoritaires dans certaines conditions. La composition des produits

développés dans les années 80 est donnée dans le Tableau II.

Page 15: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

39

Tableau II. Composition des produits prêts à l'emploi.

produit MgO / MAP Filler ajouts eau

SET45 >4 Filler/liant=4

Sable+cendres

acide borique

par temps chaud

/

FEBSET45 4 / STPP E/S=1/16

indien / Granulats fins STPP + Borax eau potable

Dans le FEBSET45, on observe de la struvite, de la schertelite, un excès de magnésie

n'ayant pas réagi et de la stercorite (NaNH4HPO4.4H2O) due à la présence du STPP. La

schertelite qui apparaît la première semble être une phase intermédiaire de la struvite. La

dittmarite apparaît dans les systèmes sans filler où la réaction est fortement exothermique ou

avec très peu d'eau. Abdelrazig et al.[47] ont donc proposé la réaction suivante.

MgO + 2NH4+ + 2(H2PO4)- + 3H2O

↓Mg(NH4)2(HPO4)2.4H2O

+MgO Ë Ì + MgO + 7H2O

2 MgNH4PO4.H2O + 3H2O 2 MgNH4PO4.6H2O

La stercorite n'est présente que pour de très faibles quantités d'eau, sans doute car elle

ne cristallise pas en priorité et qu'elle est favorisée par une migration difficile des ions.

La schertelite est également favorisée par un manque d'eau. En effet, moins on met

d'eau, plus le MAP met de temps pour passer entièrement en solution et donc plus la

schertelite, qui est une phase intermédiaire, est observable longtemps. De plus, si on utilise

une pâte de ciment avec peu d'eau, la réaction est très violente et, lorsque le système a

retrouvé son équilibre, on observe du phosphate monoammoniacal n'ayant pas réagi et le

principal produit d'hydratation est la schertelite avec de la struvite en phase secondaire. Dans

cette réaction, la schertelite a précipité mais n'a pas eu le temps de se transformer en struvite

car sous la chaleur de la réaction, l'eau s'est évaporée figeant le système dans un état

intermédiaire. L'ajout de STPP retarde la réaction et rallonge le temps de présence de la

schertelite. L'utilisation d'eau distillée semble également augmenter sa proportion. La struvite

semble donc cristalliser plus facilement en présence d'impuretés dans la solution. Cela peut

être dû à la variation de la force ionique ou du pH liés à ces impuretés ou au fait que celles-ci

servent à amorcer la transformation de la schertelite en struvite. Pour des taux de gâchage très

faibles, la schertelite, ne pouvant plus se transformer en struvite par manque d'eau, va alors se

transformer en dittmarite car cette réaction fournit trois molécules d'eau.

La dittmarite peut également se former par décomposition de la schertelite, en

chauffant de la struvite à plus de 100°C pour lui faire perdre cinq molécules d'eau, ou encore,

directement à partir de la magnésie et du phosphate monoammoniacal lorsque la température

de la réaction avoisine les 100°C pour peu que la quantité d'eau soit suffisante. Etrangement,

Page 16: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

40

elle apparaît également comme phase unique lorsque, dans une pâte de ciment avec de l'acide

borique, l'eau est en excès.

Plusieurs hypothèses sur l'apparition des différentes phases ont été émises. Ainsi, il

semblerait que lorsque la concentration de PO43- en solution est élevée, les hydrates avec un

rapport Mg:PO4 = 1:2 semblent favorisés alors que lorsque cette concentration diminue, ce

sont les hydrates avec Mg:PO4 = 1:1 qui cristallisent. Cela peut expliquer l'absence de

schertelite dans le SET45 où la magnésie est très largement en excès. De plus, on a observé

que dans la plupart des cas, même si la dittmarite cristallise la première, elle finit par se

transformer en struvite avec le temps. Il est donc possible que, lorsque l'hydratation se

développe, la phase cristallisée soit convertie en produits contenant des quantités croissantes

d'eau de cristallisation (dittmarite Î schertelite Î struvite) et ce quelle que soit la phase

cristallisée initiale [47].

Sarkar [38] observe la struvite comme unique phase et ne remarque ni dittmarite ni

schertelite quels que soient les rapports MgO:MAP:H2O utilisés. Seehra et al.[21] n'observent

pas de schertelite mais par contre, en plus de la struvite, constatent la présence de newberyite

(MgHPO4.3H2O) et d'un polyphosphate d'ammonium hydraté ((NH4)5P3O10.2H2O) comme

phase minoritaire ce qu'aucun auteur n'a jamais observé. Cela vient probablement de la

composition de ce mélange indien qui contient de nombreuses impuretés.

Contrairement à la plupart des auteurs, Neiman et Sarma [62] observent une phase

amorphe pendant les deux premières heures de l'hydratation sans aucune phase cristalline.

Cependant, personne n'exclut la présence de cette phase amorphe en parallèle avec les phases

cristallines qui pourrait expliquer l'augmentation de résistances pendant 28 jours alors que

toute réaction chimique semble finie depuis longtemps. Malheureusement, Neiman et Sarma

n'ont pas précisé le rapport MgO:MAP:H2O utilisé. Une autre explication pour cette

augmentation de résistance peut être une variation de la morphologie des cristaux avec le

temps ou avec l'évolution de leur environnement [66, 67]. Ainsi, lorsque E/S = 1/8, les

cristaux de struvite ont une forme tabulaire à 7 heures et une morphologie en baguette après

24 heures, alors que pour E/S = 1/16, ils gardent une forme d'aiguille tout au long de la

cristallisation. La forme des cristaux est également influencée par la température de la réaction

[57].

Page 17: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

41

3.2. Les autres systèmes.

Tableau III. Les systèmes phosphomagnésiens autres que MgO-MAP.

MgO-H3PO4 Phases observées : Mg(H2PO4)2.nH2O (n=0, 2, 4) et MgHPO4 [23, 68].

Applications : Limitées car Mg(H2PO4)2.2H2O, qui semble être la phase

principale, est affectée par l'humidité de l'air et est soluble dans l'eau [68, 69].

MgO-DAP Phases observées : MgNH4PO4.6H2O [1, 24, 70] et Mg3(PO4)2.4H2O [4].

Applications : - Elaboration de matériaux réfractaires [71].

- Enduits de surface pour des éléments de structure ignifugés [4].

- Matrice cimentaire lors de la stabilisation des déchets [22, 23].

Observations : Réactivité plus faible qu'avec le MAP.

MgO-APP Phases observées : MgNH4PO4.6H2O [1, 39].

Observations : Les solutions d'APP sont largement produites pour les fertilisants

agricoles [39].

MgO-AOP Phases observées : - MgHPO4.3H2O et AlPO4.xH2O (amorphe) [68, 72, 73].

- Avec un excès d'eau, MgHPO4.7H2O [68].

- Avec peu d'eau, MgHPO4.nH2O (n ≤ 2) [68].

- En présence de gibbsite (Al(OH)3), MgHPO4.3H2O,

AlPO4.2H2O et, avec de fortes proportions de phosphate, Mg(H2PO4)2 [74].

Applications : Matériau dur, insoluble et stable jusqu'à 1000°C.

Observations : - La quantité de MgO restant après la réaction est plus faible qu'avec

les phosphates d'ammonium [50].

- L'ajout d'alumine (Al2O3) limite l'exothermie de la prise [71].

MgO-

phosphate de

sodium

Aucune phase cristalline observable excepté le reste de MgO [24, 70].

Applications : Permet de régler le problème de dégagement d'ammoniac des

systèmes à base de phosphate d'ammonium.

Observations : Réactivité proche de celle des systèmes à base de DAP [24, 70].

MgO-

(NaPO3)n

Aucune phase cristalline observable excepté le reste de MgO [70].

Observations : - n doit être supérieur à 10.

- Plus n est élevé, plus le temps de prise est court et plus les

résistances mécaniques sont bonnes [70, 75].

- Pour un n suffisamment élevé, on peut retomber sur les

performances des systèmes à base de MAP sans l'inconvénient du dégagement

d'ammoniac.

Page 18: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

42

IV. DURCISSEMENT DU LIANT ET CARACTERISTIQUES DU MATERIAU OBTENU.

4.1. Etude du mortier frais.

Les mortiers phosphomagnésiens, et surtout ceux à base d'orthophosphate

d'aluminium, ont un écoulement faible à cause d'un taux de gâchage E/S compris entre 1/16 et

1/8 mais un bon malaxage permet d'améliorer considérablement l'ouvrabilité et, en quelques

minutes, le mélange devient homogène , cohésif et de consistance presque écoulable. De plus,

l'ajout de certains retardateurs de prise semble améliorer l'ouvrabilité. Pour les travaux de

réparation sur des profondeurs n'excédant pas 20cm, la vibration n'apporte aucune

amélioration de l'écoulement et la mise en place peut se faire par simple compaction manuelle

[17, 18, 49, 50]. Le seuil de cisaillement des mortiers phosphomagnésiens est relativement

faible alors que la viscosité augmente avec le temps. Les ciments phosphomagnésiens ressuent

rarement mais dans le cas contraire, on peut jouer sur le filler et les ajouts.

4.2. Passage de la phase colloïdale à la phase durcie.

4.2.1- Le mécanisme de prise.

4.2.1.1. Etude macroscopique.

La réaction de prise entre un excès de magnésie et une solution de phosphate

d'ammonium est un processus fortement exothermique pouvant dégager de l'ammoniac. La

résistance du matériau durci provient de l'apparition de produits d'hydratation formant une

matrice qui piège les différents constituants du filler et les grains de magnésie n'ayant pas

réagi. Pendant l'hydratation, la quantité de magnésie décroît lentement avec le phosphate qui,

lui, finit par disparaître sauf lorsque l'eau est le facteur limitant de la réaction [44, 47, 50].

L'exothermie lors de la prise du SET45 peut atteindre 90°C au coeur de la matière [49]

et le produit indien avec 2% de Borax atteint 60°C. Au bout d'une heure, la température est

redescendue à l'ambiante [20].

4.2.1.2. Etude microscopique.

Certains auteurs considèrent que la prise et le durcissement interviennent grâce à une

réaction acide-base générant un gel qui ensuite se cristallise en un liant phosphate insoluble

[3]. Ainsi, Neiman et Sarma [62] ont, pendant deux heures après le malaxage d'un mortier

constitué de magnésie et de phosphate monoammoniacal, observé des particules colloïdales

agglutinées par des liaisons de type gel autour des grains de MgO en excès et du filler. Ces

particules colloïdales seraient constituées d'un noyau MgNH4PO4.6H2O entouré par des

groupes (MgNH4PO4.6H2O)n sous forme de chaînes cycliques et par des groupes

NH4H2PO4 liés par des liaisons hydrogène. Pendant le durcissement, ce gel se réarrangerait

Page 19: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

43

pour finalement former un réseau cristallin. Sugama et Kukacka [39], en mélangeant de la

magnésie avec du polyphosphate d'ammonium, ont également observé, au bout de 30 minutes

de réaction, une couche sans forme microcristalline précise recouvrant les grains de MgO. Ce

gel semble être constitué d'hydrates de phosphates de magnésium amorphes. Ces auteurs

considèrent donc que la prise et le durcissement sont dus à la formation de particules

colloïdales par un mécanisme de type passage en solution qui consiste en une nucléation

suivie d'une cristallisation. Ces particules colloïdales engloberaient les grains de MgO pour

finalement se réarranger et former un réseau cristallin.

Abdelrazig et al.[57], quant à eux, ne parlent pas de phase amorphe mais considèrent

que les cristaux sont peu cristallisés au début de l'hydratation pour devenir parfaitement

cristallins après sept heures. Ils ont également observé, dans un système plongé dans un bain à

0°C lors des premières minutes de la réaction, des cristaux de struvite bien plus gros mais

aussi bien moins nombreux que pour un système laissé à température ambiante. Il semblerait

que cette baisse de température ait diminué le taux de nucléation et donc le nombre de nucléï

sur lesquels la croissance cristalline peut se faire. On obtient du coup des cristaux plus gros

car la quantité de matière à cristalliser est toujours la même. Cela est un de leurs arguments

pour démontrer que la cristallisation se fait grâce à une nucléation homogène.

Popovics et Rajendran [49] ont montré que lorsqu'on maintient un mortier à 38°C

pendant son hydratation, en DRX, les pics de la struvite n'apparaissent plus et sont remplacés

par une "bosse" synonyme de la présence d'une phase amorphe. La forte chaleur d'hydratation

peut engendrer des irrégularités dans la croissance cristalline et, à partir d'une certaine

concentration de défauts, les phases sont considérées amorphes. Quand on sait que la quantité

d'eau de gâchage ou de filler influence fortement la température de la réaction, on peut

comprendre que certains auteurs observent une phase amorphe et d'autres pas.

Sarkar [38] se distingue des autres en considérant que le processus de cristallisation se

fait, non pas par une nucléation, mais par un mécanisme de type topochimique, c'est à dire une

adsorption entraînant une cristallisation. Les phosphates passent en solution et viennent réagir

avec la surface des grains de magnésie pour former un revêtement les entourant. Ce

revêtement forme une barrière de diffusion autour des grains. Sans retardateur, la réaction est

tellement violente que les cristaux de struvite se forment très vite et se détachent de la

magnésie s'exposant ainsi à d'autres attaques d'ions phosphates. En présence d'un retardateur

de prise, la réaction est plus lente permettant à la couche d'hydrates de complètement recouvrir

les grains de magnésie et de freiner ainsi la diffusion des ions Mg2+, ce qui retarde la prise.

La réactivité de la magnésie joue un rôle important en contrôlant le taux de libération initial

des ions Mg2+.

Page 20: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

44

4.2.2. Temps de prise.

Le temps de prise est directement lié à la cinétique de la réaction entre la magnésie et

le phosphate. Cette dernière dépend uniquement du passage en solution des ions Mg2+ car les

composés phosphates passent rapidement en solution. La calcination préalable de la magnésie

ou une modification de sa surface spécifique permet donc de modifier le temps de prise [45].

La température extérieure ou celle du mélange influencent également le temps de prise

et le Tableau IV montre l'effet de la température extérieure sur le FEBSET45 [17, 47]. Pour

retarder la prise par temps trop chaud, il suffit d'utiliser de l'eau froide comme eau de gâchage

[17, 21, 49] et par temps trop froid, un malaxage à température ambiante permet de garder un

temps de prise raisonnable [49].

Tableau IV. Influence de la température sur la prise du FEBSET45.

température (°C) 40 20 10 -5

temps de prise (min) <5 15 45 200

La quantité d'eau de gâchage semble aussi modifier le temps de prise. Ainsi, avec le

SET45, plus on met d'eau, plus le temps de prise s'allonge [50].

Miyaji et al.[64] ont étudié le comportement d'un mélange de magnésie et de

phosphate monoammoniacal non hydraté exposé à 100% d'humidité relative. Ils ont montré

que des cristaux de struvite cristallisent dans ce mélange. Un mélange exposé quelques

instants seulement voit par la suite son temps de prise diminuer alors qu'un mélange exposé

plus longtemps voit très vite son temps de prise se rallonger. Ainsi, l'humidité entraîne une

agglomération des grains entre eux par des cristaux de struvite et lorsqu'on les mélange avec

du filler, les liaisons avec ce dernier sont moins bonnes. Par contre, il semblerait que la

création de quelques cristaux de struvite, mais suffisamment peu pour éviter l'agglomération

des réactifs entre eux, favorise la réaction de prise par la suite.

Dans le système MgO-AOP, le temps de prise est inversement proportionnel au

rapport MgO:AOP [50].

4.3. Caractéristiques du matériau durci.

4.3.1. Stabilité dimensionnelle.

Petri et Odler [76] observent moins de microfissurations dues au séchage pour les

ciments phosphomagnésiens que pour les ciments ordinaires. Le retrait semble donc beaucoup

plus faible. Dans la plupart des cas, ils montrent même une légère expansion pendant la prise

qui peut être contrôlée en rajoutant du STPP pour retarder la prise. Cette expansion, dans la

mesure où elle est très faible, peut améliorer la liaison avec le béton à réparer [45] et favorise

les travaux de colmatage. Le FEBSET45 s'étend de 0.02% alors que le produit indien montre

un retrait de 0.024% [20].

Page 21: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

45

Le coefficient d'expansion thermique est de 1.2 10-5 m.m-1.°C-1 pour le FEBSET45

[17] et de 7.8 10-6 m.m-1.°C-1 pour le produit indien. Contrairement à celui des résines

synthétiques, le coefficient d'expansion thermique des matériaux phosphomagnésiens est

assez proche de celui des bétons ordinaires ce qui permet de maintenir une bonne cohésion à

l'interface des réparations malgré les variations de température [18, 20, 21].

Une longue exposition à l'eau du matériau durci ne montre aucune variation

dimensionnelle marquée ce qui semble indiquer que la magnésie n'ayant pas réagi ne cause

pas d'expansion retardée [17].

4.3.2. Résistances mécaniques.

4.3.2.1. Résistances obtenues avec les différents systèmes.

Tableau V. Développement des résistances du FEBSET45.

temps écoulé depuis le malaxage 1 heure 2 heures 24 heures 28 jours

résistance en compression 20 MPa 30 MPa 50 MPa 55 MPa

résistance en traction-flexion 6 MPa 9MPa

Les liants phosphomagnésiens sont des matériaux ayant un développement très rapide

de leurs résistances. Ainsi, le SET45, que ce soit la formule par temps chaud avec de l'acide

borique ou celle par temps froid, dépasse 14 MPa en une heure pour sa résistance en

compression [49] et l'évolution des résistances mécaniques du FEBSET45 avec le temps est

donnée dans le Tableau V [57]. Les liants phosphomagnésiens développés en Inde donnent au

bout de quatre heures une résistance à la compression de 28 MPa [21]. Pour un rapport

MgO/MAP=5.6 avec E/S=0.3 et 1% de borax, le matériau durci a un coefficient de Poisson de

0.125, un module d'Young de 28000 MPa et un indice de ténacité de 0.561 MPa.m½ [76]. La

phase cristallisée fournissant les meilleures résistances mécaniques est la struvite. La

schertelite fournit également de très bonnes résistances car, dans un mélange où elle apparaît

comme phase principale, on observe une résistance en compression de 46 MPa [47].

L'utilisation de phosphate diammoniacal ou de polyphosphate d'ammonium ne semble

pas influencer la résistance en compression à 15 heures qui est de 20 MPa. Par contre, le

mélange à base de DAP atteint en une heure 35% de sa résistance finale alors qu'un mélange à

base de APP atteint 75% de cette valeur en une heure [4, 39]. Zurz et al.[24] ont obtenu, avec

du DAP, un résistance en compression de 16 MPa et de 3.6 MPa en traction-flexion. Wagh et

al.[22, 23] ont utilisé un mélange MgO/DAP=1.7 qui, une fois durci, a une porosité ouverte de

30%. Le matériau durci est plongé toute la nuit dans une solution de phosphate diammoniacal

ce qui fait passer la porosité ouverte à 11%. La résistance en compression est alors de 42 MPa,

la ductilité de 0.5 MPa.m½ mais surtout, la résistance en traction-flexion passe à 22 MPa ce

qui est énorme.

Page 22: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

46

Les ciments phosphomagnésiens à base d'aluminophosphate ont un développement de

résistance moins rapide (3.5 MPa en une heure et 14 MPa en trois heures) [50] et le maximum

est atteint en 100 heures. Il semblerait que l'ajout d'alumine améliore l'élasticité de ce matériau

mais il ne faut pas en mettre plus de 60% car alors, le composé devient friable par manque de

liant [72].

Un excès de magnésie dans une solution de phosphate de sodium à 40% durcit jusqu'à

atteindre des résistances à la compression et à la traction-flexion égales respectivement à 11

MPa et 2.5 MPa. Si on remplace le phosphate de sodium par un polyphosphate de sodium, les

résistances deviennent 9 MPa et 4.9 MPa [24]. Cependant, plus la longueur de chaîne du

polyphosphate est importante, plus les résistances seront bonnes [75].

Il semblerait aussi que la combinaison phosphate-fluorure améliore les résistances

mécaniques par rapport à des liaisons phosphates simples [77].

4.3.2.2. Influence de la quantité d'eau sur les résistances.

Comme on peut le voir dans le Tableau VI, la quantité d'eau de gâchage influence

directement les résistances en compression du SET45 et du FEBSET45 à toutes les étapes de

l'hydratation [47, 50]. La diminution du rapport eau/solide entraîne une large augmentation

de

Tableau VI. Influence de la quantité d'eau de gâchage sur la résistance en compression.

produit Febset45 Febset45 Set45 Set45 Set45 Set45 Set45

E/S 1/16 1/8 1/18 1/12 1/18 1/12 1/10

durée d'hydratation 28 jours 28 jours 1 heure 1 heure 24 h 24h 24 h

résistance en comp. 55 MPa 12 MPa 70 MPa 42 MPa 80 MPa 83 MPa 49 MPa

la résistance en compression accompagnée par une chute de la porosité totale et du nombre de

gros pores. En effet, s'il y a trop d'eau, le facteur limitant de la réaction vient des réactifs et

l'eau en excès, en s'évaporant, génère de la porosité. Cependant, lorsqu'on met trop peu d'eau,

cette dernière devient le facteur limitant de la réaction et la quantité d'hydrates formés diminue

ce qui réduit les résistances finales. Il faut donc trouver une quantité d'eau optimale [57].

Popovics et al.[50] ont montré que l'hydratation d'un mélange de magnésie et de

phosphate monoamonique à 23°C dans 100% d'humidité relative fournit des résistances qui

augmentent jusqu'à 7 jours, puis diminuent de 7 à 28 jours pour finalement remonter. Leur

hypothèse pour expliquer cette perte de résistance serait l'apparition d'un hydrate autre que la

struvite favorisé par la présence de moisissures. En présence d'acide borique, ce phénomène

n'a pas été observé [50]. Il semblerait même que l'ajout d'acide borique favorise le

développement des résistances sous des conditions de traitement humide [38].

Page 23: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

47

4.3.2.3. Autres facteurs influençant les résistances.

La présence de certains retardateurs de prise, comme le tripolyphosphate de sodium, le

Borax, ou encore l'acide borique, semble améliorer les résistances finales.

La température semble aussi influencer les résistances finales. En effet, une

température trop élevée pendant la prise peut modifier les phases cristallines développées et,

en règle général, un mortier dont le taux d'hydratation n'est pas trop élevé développe de

meilleures résistances qu'une prise ultra rapide [49].

Le filler semble également jouer un petit rôle dans le développement des résistances

selon la quantité mise mais aussi le type de granulat qui peut influencer les résistances aux

jeunes âges pour la dolomite et la silice[20, 21] mais aussi les résistances finales avec les

cendres volantes [49].

4.3.3. Adhésion.

Les liants phosphomagnésiens ont une très bonne adhésion aussi bien avec le bois

qu'avec le métal. Après 1 heure, le FEBSET45 coulé sur un béton plus ancien a des résistances

au cisaillement et à l'arrachement de 2 MPa et 7 MPa [17] et le produit d'Inde a une résistance

à l'arrachement de 1.5 MPa à 1 heure, 3 MPa à 4 heures et 4.4 MPa à 7 jours [20, 21]. Ces

bonnes propriétés liantes avec les bétons à réparer permettent de ne pas utiliser de primaire ou

agent liant pour peu que le substrat soit bien nettoyé avant l'application [70]. Cependant, pour

une meilleure liaison avec le béton à réparer, Seehra et al.[20] proposent d'appliquer une pâte

de liant en sous couche avant l'application du mortier.

4.3.4. Durabilité.

Les matériaux à base de liant phosphomagnésien ont une très faible perméabilité. En

effet, les tests d'absorption d'eau après 28 jours à 25°C montrent un taux d'absorption de

moins de 1%. Cela permet à ces mortiers ou bétons d'avoir une très bonne résistance au gel-

dégel. Ils résistent également très bien aux sels de déverglaçage, aux conditions humides, aux

sulfates et aux agressions acides [17, 20, 27, 78]. Cette faible perméabilité en a fait des

matériaux attractifs pour le traitement des déchets par solidification où le lessivage doit être

très faible, voire inexistant. Wagh et al.[22, 23] ont obtenu avec un système MgO-DAP ayant

subi différents traitements un échantillon avec 11% de porosité au coeur et 4% de porosité

apparente en surface.

Les liants phosphomagnésiens permettent également d'empêcher la corrosion des

ferraillages en produisant à l'interface métal-béton une couche protectrice de FePO4.H2O

[18]. Cette interface tridimensionnelle peut expliquer la très bonne cohésion avec les métaux.

Un doute persiste encore sur la durabilité des systèmes basés sur la formation d'une

quantité importante de schertelite [47] car aucune étude n'a été menée sur cette question.

Page 24: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

48

V. ETUDE DE LA STRUCTURE DES CRISTAUX OBSERVES DANS LES SYSTEMES PHOSPHOMAGNESIENS.

Le Tableau VII donne les cristaux qui, selon les différents auteurs, apparaissent dans

les systèmes phosphomagnésiens.

Tableau VII. Les cristaux apparaissant dans les systèmes phosphomagnésiens.

nom formule chimique systèmes où ils ont été observés

struvite MgNH4PO4.6H2O (MgO-MAP) (MgO-DAP) (MgO-APP)

schertelite Mg(NH4)2(HPO4)2.4H2O (MgO-MAP)

dittmarite MgNH4PO4.H2O (MgO-MAP)

newberyite MgHPO4.3H2O (MgO-MAP) (MgO-APP) (MgO-AOP)

MgHPO4 (MgO-H3PO4)

phosphorroesslerite MgHPO4.7H2O (MgO-AOP)

hayesite MgHPO4.nH2O (n ≤ 2) (MgO-AOP)

Mg(H2PO4)2.4H2O (MgO-H3PO4)

Mg(H2PO4)2.2H2O (MgO-H3PO4)

Mg(H2PO4)2 (MgO-H3PO4)

Mg3(PO4)2.4H2O (MgO-DAP) (MgO-APP)

Variscite Al.PO4.2H2O ou Al.PO4.nH2O (MgO-AOP)

Tableau VIII. Divers phosphates de magnésium.

nom formule chimique nom formule chimique

hannayite Mg3(NH4)2(HPO4)4.8H2O lazulite MgAl2(PO4)2(OH)2farringtonite Mg3(PO4)2 MgNaPO4.7H2O

bobierrite Mg3(PO4)2.8H2O MgNa3H(PO4)2Mg3(PO4)2.22H2O Mg4Na(PO4)3

Mg3(PO4)2.nH2O (n=2,3,5,10) Mg5Na2(PO4)4

composés struvitiques MgMPO4.6H2O (M=K,Rb,Cs,Tl)

Le Tableau VIII donne les cristaux ayant une structure très proche de ceux-ci et qui

sont susceptibles d'apparaître comme phases intermédiaires ou dans certains milieux. En effet,

les phosphates de magnésium ont tendance à cristalliser selon une structure en couche. Ce

type de structure est connu pour ses capacités à se transformer facilement en fonction de son

environnement. Ainsi, les degrés de coordination des polyèdres ou la quantité de NH4+ entre

les couches peuvent varier en fonction du pH, des concentrations des différentes espèces

chimiques présentes en solution, ou encore de la température. Prenons l'exemple de l'ion

NH4+. Son nombre de coordination peut varier de 4 à 9 en fonction de son environnement.

Quand il est faible (4-5), la tendance à faire des liaisons hydrogènes de l'ion NH4+ est

Page 25: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

49

prédominante et ses quatre atomes d'hydrogène se lient avec leur environnement pour donner

un composé très stable. Quand il est élevé (7-9), le caractère pseudo-alcalin de l'ion

ammonium prédomine et il a tendance à quitter la structure. Pour un nombre de coordination

moyen, le groupe ammonium est tenu par une seule liaison hydrogène autour de laquelle il

tourne. Il est alors beaucoup plus instable et une légère augmentation de son nombre de

coordination peut lui faire quitter la structure. Il sera également plus sensible aux

augmentations de température [79, 80, 81].

5.1. La struvite (MgNH4PO4.6H2O).

Les cristaux de struvite peuvent se trouver à l'état naturel et furent observés pour la

première fois en 1848 par Ulex, géologue suédois, sous une vieille église de Hambourg [82].

L'obtention de cristaux synthétiques est assez difficile et demande de la patience. Les

sources de magnésium peuvent être MgO, MgCl2, Mg(NO3)2.6H2O, Mg(C2H3O2)2, ou

MgSO4. Le phosphate est souvent introduit avec des ions ammonium sous forme de MAP ou

de DAP ou bien seul avec Na2HPO4.12H2O. Les composés contenant le magnésium sont

parfois dissous avec de l'acide mais la solution est ensuite alcalinisée en introduisant

doucement de l'ammoniaque [48, 83, 84, 85, 86, 87, 88].

Les cristaux obtenus peuvent être équidimensionnels, courts et prismatiques ou épais

et tabulaires mais le plus souvent, allongés suivant la direction [[100]] [89] et les faces

prédominantes sont {001}, {010}, {110}, {011}, {101}, {012} ou encore {111} [66]. Les

paramètres cristallographiques sont donnés dans le Tableau IX.

Tableau IX. Paramètres cristallographiques de la struvite.

réseau groupe d'espace a (Å) b (Å) c (Å) Z référence

orthorhombique Pm21n 6.945 11.208 6.1355 2 [90]

orthorhombique Pmc2 / / / 2 [82]

orthorhombique Pnm21 6.13 6.92 11.19 2 [91]

orthorhombique Pmn21 6.941 6.137 11.199 [92]

orthorhombique Pm21n 6.95 11.21 6.14 2 [86]

orthorhombique Pmn21 6.966 6.142 11.217 2 [93]

orthorhombique Pmn21 6.955 6.142 11.218 2 [94]

orthorhombique Pmn21 6.955 6.142 11.218 2 [81]

Page 26: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

50

Figure 2. Schéma de la couche (001) de la struvite.

La structure de la struvite consiste en un tétraèdre PO43-, un octaèdre Mg(H2O)62+ et

un groupe ammonium NH4+ tenus entre eux par des liaisons hydrogènes. Ces polyèdres

forment des couches perpendiculaires à l'axe c tenues entre elles par deux liaisons par formule

(Figure 2). Les liaisons hydrogènes restantes relient les polyèdres dans chaque couche. Le

tétraèdre PO43- est légèrement distordu car chaque atome d'oxygène est lié à trois atomes

d'oxygène de trois molécules d'eau de trois octaèdres différents par des liaisons hydrogènes

excepté celui portant le groupe NH4+ qui n'a que deux liaisons hydrogènes avec des

molécules d'eau. L'octaèdre Mg(H2O)62+ est très distordu et aucune liaison hydrogène

n'existe entre les molécules d'eau d'un même octaèdre [92]. Chaque molécule d'eau fournit

deux liaisons hydrogènes courtes avec les atomes d'oxygène des groupes phosphates excepté

une dont l'une des liaisons bien plus longue se fait avec un atome d'oxygène d'un octaèdre

voisin [94]. Whitaker et Jeffery [80] ont expliqué que le groupe ammonium est tenu par une

liaison hydrogène simple à un atome d'oxygène du tétraèdre PO43- (N-H....O). De plus, il

semblerait que deux des trois atomes d'hydrogène de l'ion ammonium restants forment des

liaisons hydrogènes polyfurquées et de faible intensité empêchant la rotation de l'ion NH4+

[81, 94]. Mathew et Schroeder [95] montrent que, dans MgKPO4.6H2O, le nombre de

coordination de K+ est égal à 5. La struvite étant isotype, cela semble confirmer l'existence de

plus d'une liaison hydrogène générée par l'ion ammonium. Cependant, les deux liaisons

hydrogènes polyfurquées sont très faibles et la rotation peut intervenir facilement ce qui

explique la transformation de la struvite en newberyite à température ambiante dans certaines

conditions. En effet, une diminution du pH augmente le nombre de coordination de l'ion

ammonium qui entre en rotation. Sous l'agitation, la liaison N-H peut lâcher et une molécule

de NH3 quitte la structure en entraînant avec elle la molécule d'eau ayant une liaison

hydrogène plus faible et les deux molécules d'eau ayant une liaison hydrogène avec l'atome

d'oxygène du groupe phosphate qui tient le groupe ammonium.

Whitaker et Jeffery [92] ont observé, par diffraction de rayons X, des liaisons

hydrogènes très courtes ce qui a été confirmé par la diffraction de neutrons qui donne la

position exacte des noyaux. Ces liaisons hydrogènes semblent être les plus courtes jamais

observées dans un hydrate cristallisé mais les cristaux de struvite semblent avoir une

anisotropie marquée avec des liaisons plus fortes selon l'axe a [92].

Mg(H2O)62+

PO43-

NH4+

Page 27: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

51

5.2. La dittmarite (MgNH 4PO4.H2O).

La dittmarite existe à l'état naturel et c'est Mac Ivor qui, en 1887, découvrit cette

structure cristalline dans le guano de chauves souris des grottes de Skipton en Australie [96].

Des cristaux synthétiques peuvent être obtenus par la même méthode que pour les

cristaux de struvite mais dans une solution à 100°C. Ils sont ensuite lavés avec de l'eau

bouillante et séchés à plus de 100°C. On obtient alors des cristaux plats et carrés [83]. Les

paramètres cristallographiques de la dittmarite sont donnés dans le Tableau X.

Tableau X. Paramètres cristallographiques de la dittmarite.

réseau groupe d'espace a (Å) b (Å) c (Å) Z référence

orthorhombique Pmn21 5.611 8.767 4.796 2 [97]

orthorhombique Pmnm 5.6133 8.7674 4.7913 2 [98]

5.3. La schertelite (Mg(NH4)2(HPO4)2.4H2O).

La schertelite a été découverte en 1887 par Mac Ivor sous forme de petits cristaux plats

dans de vieux dépôts de guano de chauves souris humide. Il l'appela d'abord muellerite [96].

On peut obtenir de la schertelite synthétique en ajoutant 8.6g de Mg(C2H3O2)2 dans

100ml d'une solution contenant 32.2g de NH4H2PO4 et 3.1g de NH4C2H3O2 à 25°C [84].

La schertelite se développe généralement sous forme de baguettes corpulentes allongées

suivant l'axe c avec des angles saillants {110} et {111} et des creux {100} et {010}, puis, les

cristaux tendent à devenir tabulaires avec le temps [84]. Ses paramètres cristallographiques

sont donnés dans le Tableau XI.

Tableau XI. Paramètres cristallographiques de la schertelite.

réseau groupe d'espace a (Å) b (Å) c (Å) Z référence

orthorhombique 11.47 23.63 8.62 8 [84]

orthorhombique Pbca 11.49 23.66 8.62 8 [79]

La structure de la schertelite consiste en un ensemble d'ions ammonium et de groupes

Mg(H2O)4(OPO2OH)2 formant des couches parallèles à (010). Chaque groupe est constitué

d'un octaèdre Mg(H2O)4O2 avec deux tétraèdres OPO2OH en position trans auxquels se

rattachent deux ions NH4+ par des liaisons hydrogènes. Les différents groupes sont également

reliés les uns aux autres dans les couches (010) par des liaisons hydrogènes provenant des

groupes hydroxyles et des molécules d'eau. Les couches sont reliées entre elles par des

liaisons hydrogènes provenant des ions ammonium. La Figure 3 représente la disposition des

polyèdres en couches grâce à une coupe selon (001). Les octaèdres sont très distordus car les

forces de liaison des cations les entourant sont très différentes les unes des autres [79].

Page 28: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

52

a

b

Figure 3. Schéma de la couche (001) de la schertelite.

5.4. Les hydrates de la forme MgHPO4.nH2O.

5.4.1. La newberyite (MgHPO4.3H2O).

Des cristaux de newberyite à l'état naturel ont été découvert en 1878 par Mac Ivor dans

les grottes de Skipton en Australie [99]. Contrairement à Whitaker [100] qui considère que

toute la newberyite des grottes de Skipton provient de la dégradation de la struvite, Bridge

[101] pense que la plupart se forme directement à partir de la solution dans le guano.

On peut obtenir des cristaux synthétiques avec les mêmes réactifs que la struvite mais

avec un pH maintenu entre 4 et 6 [67, 102, 103, 104] ou en chauffant une solution contenant

de la phosphorroesslerite à 35°C [83]. Plusieurs auteurs ont défini les faces prédominantes de

la newberyite [100, 105] mais l'étude la plus complète a été menée par Boistelle et Abbona

[67]. Ils ont utilisé la méthode des chaînes périodiques pour définir de manière théorique les

faces prédominantes. Dans l'ordre d'importance décroissante, ils ont obtenu la face {111}

suivi des pinacoïdes {010}, {100} et {001} puis des prismes orthorhombiques {021}, {210}

et {102}. Ceci est en parfait accord avec les faces développées sur les cristaux synthétiques

qui, pour la plupart, ont une forme pseudo-octaédrique. Les faces observées sur les cristaux

naturels sont un peu différentes du fait de la présence de nombreuses impuretés (Manganèse,

Fer...) [99]. A faible sursaturation, une cristallisation plus lente peut donner des cristaux

jumelés par la face {010}[106]. Le Tableau XII donne les paramètres cristallographiques de la

newberyite.

Tableau XII. Paramètres cristallographiques de la newberyite.

origine réseau groupe d'espace a (Å) b (Å) c (Å) Z référence

Monolake Pbca 10.203 10.679 10.018 [89]

calculs urinaires Pbca 10.215 10.681 10.014 [107]

Skipton orthorhombique Pbca 10.215 10.681 10.014 8 [108]

orthorhombique a:b:c = 0.955:1:0.936 [82]

synthétique Pbca 10.29 10.69 9.99 8 [105]

synthétique orthorhombique 10.203 10.678 10.015 8 [102]

Mg(H2O)4O2HPO42-

NH4+

Page 29: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

53

[100]

[001]

Figure 4. Schéma de la couche (010) de la newberyite.

La structure de la newberyite est constituée de couches parallèles à (010). Ces couches

sont constituées d'octaèdres MgO3(H2O)3 liés par des tétraèdres HPO42- le long de [[001]].

Comme on peut le voir sur la Figure 4, chaque tétraèdre a trois atomes d'oxygène dans le plan

(010) tandis que le quatrième se trouve alternativement au-dessus et au-dessous. Ce dernier

est lié à un atome d'hydrogène qui forme, avec les couches voisines, la liaison hydrogène la

plus forte de la structure. Les liaisons hydrogènes des molécules d'eau sont plus faibles mais

renforcent la cohésion dans les couches et entre les couches [102]. En examinant cette

structure, on comprend que la newberyite ait un clivage parfait selon (010) [108] mais les

nombreuses liaisons hydrogènes donnent une structure compacte et solide.

L'étude infrarouge confirme la présence de liaisons hydrogènes plus ou moins fortes et

semble indiquer que certaines molécules d'eau sont plus liées que d'autres [109]. Cela pourrait

expliquer et conforter l'existence de l'hydrate que Finch et Sharp [68] ont observé dans le

système MgO-AOP et qu'ils ont appelé hayesite (MgHPO4.nH2O avec n = 1 ou 2).

5.4.2. La phosphorroesslerite (MgHPO4.7H2O).

Découverte en 1939 dans du fumier humide et froid, son nom provient du minéral

appelé roesslerite (ou rösslerite) dont elle est le phosphate analogue [82].

Ce cristal peut être obtenu synthétiquement en mélangeant MgSO4.7H2O et

Na2HPO4.12H2O avec de l'acide sulfurique puis en ajoutant lentement une solution diluée de

NaOH [83]. Les cristaux obtenus sont larges en forme d'aiguilles équidimensionnelles ou

prismatiques. C'est un composé très instable qui se transforme facilement en newberyite et ce

phénomène est accentué par la lumière [83]. La phosphorroesslerite cristallise dans un groupe

d'espace A2/a avec une maille monoclinique où a=11.35Å, b=25.36Å, c=6.6Å, β=95° et Z=8

[82]. La roesslerite, qui est isotype, est également monoclinique avec un groupe d'espace C2/cet huit formules par maille [110].

Comme on peut le voir sur la Figure 5, la structure de la phosphorroesslerite consiste

en deux types d'octaèdres Mg(H2O)62+ cristallographiquement indépendants, des tétraèdres

distordus HPO42- et des molécules d'eau liés entre eux par des liaisons hydrogènes [110].

MgO3(H2O)3

HPO42-

atome H

Page 30: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

54

c sin Ba

b

Mg(H2O)62+

Mg(H2O)62+

HPO42-

molécule d'eau

Figure 5. Schéma d'une couche (100) de la phosphorroesslerite.

5.4.3. MgHPO4 et structures dérivées.

Le composé MgHPO4 cristallise dans un groupe d'espace P21212 avec une maille

orthorhombique mais n'a jamais été observé sous cette forme. En effet, il contient toujours des

molécules d'eau physisorbées venant se glisser entre les couches de la structure et, selon les

conditions de pression et de température, on peut obtenir le composé MgHPO4. 1.2H2O [111]

ou le composé MgHPO4. 0.78H2O [112]. Il est possible que l'hydrate observé par Finch et

Sharp [68] et appelé hayesite, soit MgHPO4. 0.78H2O qui peut apparaître à température et

pression ambiantes en mélangeant MgCl2 avec H3PO4 puis avec NH4OH pour maintenir le

pH à 6 pour peu qu'on le rince à l'eau chaude et qu'on le sèche à 100°C.

5.5. Les hydrates de la forme Mg(H2PO4)2.nH2O.

5.5.1. Mg(H2PO4)2.2H2O.

Les cristaux de Mg(H2PO4)2.2H2O peuvent être obtenus de façon synthétique en

mélangeant de la magnésie ou du carbonate de magnésium avec de l'acide phosphorique [69,

113, 114, 115] et sont généralement incolores et allongés suivant l'axe c avec des faces

prédominantes {110} et {101}[69]. Les hydrates de la forme M(H2PO4)2.2H2O où M=Mg,

Mn, FeII , Co, Cd et Zn [116] sont isotypes et les paramètres cristallographiques sont donnés

dans le Tableau XIII.

Tableau XIII. Paramètres cristallographiques de Mg(H2PO4)2.2H2O.

maille groupe d'espace a (Å) b (Å) c (Å) β (°) Z référence

monoclinique P21/n [116]

monoclinique P21/n 7.234 9.939 5.358 95.71 2 [113]

monoclinique P21/n 7.289 9.938 5.344 95.42 2 [69]

Page 31: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

55

Guse et al.[117] ont défini la structure de Fe(H2PO4)2.2H2O qui est isotype et dont

seuls les paramètres de maille changent. C'est une structure en couches parallèles à (101)

constituées d'un octaèdre MgO4(H2O)2 et de deux tétraèdres H2PO4- reliant les octaèdres

entre eux (Figure 6). Chaque atome d'oxygène des tétraèdres n'étant pas lié à un ion Mg2+ est

lié à un atome d'hydrogène. Les couches sont tenues entre elles par quatre liaisons hydrogènes

par formule [117] qui semblent fortes car on n'observe pas de clivage précis [69].

Figure 6. Schéma de la couche (101) de Mg(H2PO4)2.2H2O.

5.5.2. Mg(H2PO4)2.4H2O.

Mg(H2PO4)2.4H2O peut parfois cristalliser à la place de Mg(H2PO4)2.2H2O

lorsqu'on met lentement les réactifs en contact. Il cristallise dans un réseau quadratique de

type P avec a=13.712Å et c=21.984Å [118].

5.6. Les hydrates de la forme Mg3(PO4)2.nH2O.

Tableau XIV. Hydrates de la forme Mg3(PO4)2.nH2O.

n Observations Ref.

22 - Les cristaux sont incolores sous forme de plateau triclinique.

- La structure consiste en des octaèdres Mg(H2O)62+, des tétraèdres PO43- et des

molécules d'eau tenus entre eux par des liaisons hydrogènes pour former un réseau

cristallin suivant des couches (001).

[103]

[119]

[120]

[121]

10 Métastable. [120]

Page 32: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

56

8 - Nommé Bobierrite, cet hydrate vient de la décomposition de Mg3(PO4)2.22H2O

dans l'eau. Les cristaux ont l'aspect de lames monocliniques corpulentes allongées

suivant [[001]] et aplaties avec des faces {010}.

- La structure de la bobierrite consiste en des couples d'octaèdres juxtaposés

Mg2O6(H2O)4 liés par des tétraèdres PO43- à des octaèdres simples MgO2(H2O)4formant des couches parallèles à (010) liées entre elles par des liaisons hydrogènes.

[82]

[84]

[103]

[122]

[123]

5 [120]

4 - Observé dans les fragments d'une météorite donc nécessitant des températures et

des pressions extrêmes.

- On a du mal à comprendre comment Sugama et Kuckaka [4, 39] ont pu l'observer

dans les liants phosphomagnésiens. Leur analyse par DRX a été critiquée par

Abdelrazig et Sharp [1].

[124]

3 Cristallise avec difficultés [120]

2 Cristallise avec difficultés [120]

0 - Nommé Farringtonite, cet hydrate apparaît qu'à très haute température (>1000°C).

- La farringtonite n'a pas de structure en couches. C'est un réseau tridimensionnel

de tétraèdres PO43- tenus entre eux par des ions magnésium de coordination 5 et 6.

[124]

[125]

[126]

[127]

5.7. L'hannayite (Mg3(NH4)2(HPO4)4.8H2O).

Trouvée à l'état naturel dans le guano de chauve souris des grottes de Skipton au côté

de la struvite [99], ses cristaux sont tabulaires {100} et allongés suivant [[001]] [84].

La structure de l'hannayite est constituée de couches (11_

0) qui contiennent des

octaèdres MgO2(H2O)4 ou MgO4(H2O)2 et des tétraèdres HPO42- formant des chaînes

entrecroisées avec des ions NH4+ de part et d'autre [128].

5.8. Les composés contenant de l'aluminium.

AlPO4.2H2O, que l'on retrouve dans le système MgO-AOP, a pour nom variscite et

peut cristalliser sous trois formes différentes qui sont la métavariscite, la variscite10 et la

variscite20 dont les paramètres de maille sont donnés dans le Tableau XV [129].

Tableau XV. Paramètres cristallographiques des différents type de variscite.

type couleur maille groupe d'espace a (Å) b (Å) c (Å)β (°) Z

metavariscite vert pâle monoclinique P21/n 5.182 9.5115 8.4516 90.4 4

variscite10 vert orthorhombique Pbca 9.8216 8.5583 9.6222 8

variscite20 vert orthorhombique Pcab 9.9 9.66 17.18 16

Page 33: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

57

La lazulite (MgAl2(PO4)2(OH)2) est un des rares phosphates de magnésium et

d'aluminium que l'on peut trouver de façon stable dans la nature [130]. Elle est stable jusqu'à

500°C [131] puis se transforme en MgAlPO4.

5.9. Les composés contenant du sodium.

Ces composés sont susceptibles d'apparaître quand on utilise du polyphosphate de

sodium comme source acide ou du STPP comme retardateur de prise.

5.9.1. Mg NaPO4.7H2O.

Ce composé peut apparaître dans des solutions de phosphate de magnésium dont on a

voulu ajuster le pH par l'addition de Na2CO3. Les cristaux sont octaèdriques et allongés et

cristallisent dans un groupe d'espace P42/mmc avec une maille quadratique où a=6.731Å,

b=10.982Å et Z=2.

La structure consiste en des octaèdres Mg(H2O)62+ liés par des liaisons hydrogènes à

des tétraèdres PO43- et les espaces interstitiels sont remplis par les ions Na+ et les molécules

d'eau libre n'entrant pas dans la coordination des ions Mg2+. Cette structure est très proche de

celle de la struvite [132].

5.9.2. La stercorite (NaNH4HPO4.4H2O).

La stercorite apparaît dans les systèmes phosphomagnésiens lorsqu'on ajoute du STPP

pour retarder la prise. Elle cristallise dans un groupe d'espace P1_

avec une maille triclinique

où a=6.921Å, b=10.616Å, c=6.438Å, α=98.29°, β=90.42°, γ=71.16° et Z=2 [133].

5.9.3. Les autres phosphates de magnésium et de sodium.

Le composé MgNa3H(PO4)2 a été le plus étudié [134, 135,136]. Il est constitué de

deux types de colonnes ((Mg2+, Na+) et (2Na+, 2PO43-)) qui s'arrangent de façon

pseudohexagonal. Les chaînes (2Na+, 2PO43-) sont liées entre elles par des liaisons

hydrogènes et les groupements (Mg2+, Na+) sont reliés aux colonnes (2Na+, 2PO43-) par

l'octaèdre de coordination du magnésium MgO6.

Le composé Mg4Na(PO4)3 est constitué d'un réseau tridimensionnel de tétraèdres

PO43- et d'ions magnésium avec une sphère de coordination composée de cinq atomes

d'oxygène. La structure laisse apparaître des canaux suivant la direction [[100]] et les ions

Na+ s'y trouve avec une certaine mobilité [137].

Yamakawa et al.[138] ont montré l'existence d'un composé Mg5Na2(PO4)4.

Page 34: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

58

5.10. Les composés de type struvitique.

Il existe une famille de cristaux dits de type struvitique de la forme MgMPO4.6H2O

avec M+=K+, Rb+, Cs+, Tl+ et NH4+ [86]. Le composé le plus stable est la struvite grâce aux

liaisons hydrogènes du groupe NH4+ suivi des composés à base de Tl+ et Cs+ puis de ceux

avec K+ et Rb+ et en présence d'ammoniaque, certains des atomes Rb, K ou Tl peuvent être

remplacés par des groupes NH4. Les cristaux avec K+, Tl+ et NH4+ sont orthorhombiques

alors que ceux à base de césium préfèrent des géométries plus fortes comme la forme

hexagonale ou même cubique. L'ion K+ semble être le plus petit cation adaptable à cette

structure. En effet, le cation Na+, pour se stabiliser dans l'espace libre entre les couches

intercroisées de ce type de structure, doit mobiliser une molécule d'eau supplémentaire

(MgNaPO4.7H2O) [132].

VI. INFLUENCE DU MILIEU.

6.1. Influence du pH et des concentrations.

6.1.1. Produit de solubilité et taux de sursaturation.

6.1.1.1. Définitions.

Le produit de solubilité Ksp d'une phase faiblement soluble est donné par le rapport

d'activité ionique entre les ions issus de la dissolution et la partie solide restante. Le

coefficient d'activité ionique de la phase solide est égale à 1 donc le produit de solubilité est

égal au produit des concentrations des ions provenant de cette phase. Il dépend de la

température et de la force ionique µ de la solution. Plus le pK est élevé, plus la phase solide

précipite.

La solubilité s est le nombre de molécules de la phase solide passant en solution dans

un litre. La solubilité dépend du produit de solubilité comme on peut le voir ci-dessous en

prenant l'exemple de la struvite dans un milieu basique où PO43- est l'espèce prédominante

des ions phosphates.

Kstruvite = [Mg2+][NH4+][PO43-] ⇒ K = s . s . s ⇒ s = K1/3

Ainsi, l'acidité peut modifier la solubilité car, dans le cas de la struvite, les ions PO43-

peuvent se transformer en ions HPO42- et H2PO4-. La concentration en ions PO43- diminue

en milieu acide et la solubilité devient donc plus importante. La solubilité est également

influencée par l'effet d'ions communs. Le calcul de la solubilité de la struvite dans un milieu

basique contenant 0.1 mole.l-1 de sulfate de magnésium est donné ci-dessous :

Kstruvite = [Mg2+][NH4+][PO43-] ⇒ K = (s+0.1) . s2 (s négligeable devant 0.1)

K = 0.1 s2 ⇒ s = 10 K1/2 < K1/3 (car s << 0.1)

Le produit d'activité ionique IAP d'une phase susceptible de cristalliser est égal au

produit des concentrations des ions en solution la constituant.

Page 35: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

59

Le taux de sursaturation β dépend du produit d'activité ionique et du produit de

solubilité avec la formule β=IAP/Ksp. Chaque phase a une sursaturation critique au dessus de

laquelle la nucléation peut se faire et cette valeur critique dépend de la taille de la molécule

formée ainsi que de sa tension de surface. Une solution est généralement sursaturée vis à vis

de plusieurs composés et la phase qui, la première, atteindra sa sursaturation critique

cristallisera. Ainsi, une phase peut cristalliser avant une autre même si elle est moins

sursaturée. Par exemple, la monetite ne peut apparaître que pour un βm supérieur à 44 car sa

tension de surface est très élevée. On l'observe donc très rarement car des phases ayant une

sursaturation critique plus faible cristallisent avant [46]. Une fois la nucléation intervenue, la

cristallisation se poursuit jusqu'à ce que IAP = Ksp. Le système est alors en équilibre.

Ce mécanisme de cristallisation est appelé mécanisme par la solution (through solution

mechanism). Les taux de nucléation et de croissance dépendent de la sursaturation, de la

température et des énergies d'activation. La nucléation peut être favorisée par une surface car

la diffusion des ions se fait sur un plan et la probabilité qu'ils se bloquent est plus importante

[210]. Elle peut également être favorisée par des points chargés attirants certains ions. Elle est

alors dite hétérogène Il existe également un mécanisme appelé topochimique qui consiste en

une croissance cristalline par adsorption sur une surface et donc sans nucléation [140].

6.1.1.2. Application à la struvite et la newberyite.

Les produits de solubilité de la struvite et de la newberyite sont donnés dans le Tableau

XVI et Johnson [53] donne pour la struvite pKs=13.2-6.7µ½ à 38°C alors que Greenwald et

al.[206] donnent pKn=2.5-2.15µ½ pour la newberyite. Ainsi, la solubilité de la struvite

diminue en présence d'ions ammonium [87, 141] alors qu'elle augmente avec du chlorure

d'ammonium [141],.du sulfate de sodium ou du chlorure de sodium [53]. La solubilité de la

newberyite est de même influencée la force ionique et les effets d'ions communs [139].

Tableau XVI. Produits de solubilité de la struvite et de la newberyite.

struvite newberyite

Ksp température référence Ksp températureµ référence

7.1 10-14 25°C [85] 3.1 10-6 25°C [142]

1.1 10-10 25°C [142] 1.5 10-6 25°C [103]

2.5 10-13 25°C [143] 1.8 10-6 38°C [103]

4.3 10-13 25°C [144] 5 10-6 38°C [53]

7.6 10-14 25°C [87] 2.5 10-5 38°C 0.16 [53]

1.1 10-13 35°C [87] 2.4 10-6 38°C [145]

1.2 10-13 38°C [87]

1.4 10-13 45°C [87]

Page 36: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

60

Les coefficients de sursaturation de la struvite et de la newberyite sont donnés ci-dessous:

βs=a(Mg2+)a(NH4+)a(PO43-) / (a(MgNH4PO4.6H2O).Ks) = {Mg2+}{NH 4+}{PO43-}/Ks

βn = {Mg2+}{HPO42-} / Kn

Ainsi, la transformation de la newberyite en struvite par une simple modification du pH

provient d'une modification des coefficients de sursaturation. Pour des concentrations initiales

fixées, si on augmente le pH, la concentration en NH4+ diminue suivant l'équation

[NH3][H+]/[NH4+]=cte mais l'espèce prédominante HPO42- laisse sa place à PO43- suivant

l'équation [H+][PO43-]/[HPO42-]=cte. Sachant que la baisse de concentration de NH4+ est

moins importante que la hausse de PO43-, βn diminue alors que βs augmente ce qui facilite la

cristallisation de la struvite alors que la newberyite peut être dissoute [144]. Le coefficient de

sursaturation suit le produit d'activité ionique et Buchanan et al.[144] observent un maximum

pour la struvite pour un pH égal à 9-9.5 ce qui correspond à sa cristallisation optimale.

6.1.2. Influence du pH et des concentrations initiales sur l'apparition des

phases cristallines.

6.1.2.1. Les différents cristaux pouvant apparaître.

Taylor et al.[85] ont montré que des solutions sursaturées en struvite le sont également

avec la newberyite et la bobierrite. Frazier et al.[84] expliquent que l'hannayite et la

schertelite, tout comme la struvite et la newberyite, ne peuvent cristalliser que dans certaines

gammes de pH et que l'hannayite et la schertelite sont favorisées par des solutions concentrées

en phosphate d'ammonium alors que la struvite et la newberyite cristallisent pour des

concentrations plus faibles. Dans une solution, plusieurs phases sont en concurrence et,

suivant le pH et les concentrations initiales, les différents taux de sursaturation varient et

favorisent l'une ou l'autre de ces phases.

Ainsi, Burns et Finlayson [87], avec un pH élevé, observent la cristallisation de la

struvite mais pas celle de la newberyite ni celle de la bobierrite et Sücker [146] constate la

transformation de la struvite en newberyite en milieu acide. De même, les composés

Mg(H2PO4)2.nH2O sont stables pour des pH plus faibles encore que pour la newberyite alors

que les composés Mg3(PO4)2.nH2O sont stables dans des solutions plus basiques [118].

D'après Johnson [53], les solutions saturées avec MgNH4PO4.6H2O peuvent précipiter en

Mg3(PO4)2.nH2O si le pH est supérieur à 6.9 ou en MgHPO4.nH2O s'il est inférieur. A

pH=9, les composés MgHPO4.nH2O en présence de MgO se transforment en

Mg3(PO4)2.22H2O qui se décompose immédiatement en Mg3(PO4)2.8H2O [103].

Les concentrations initiales interviennent aussi sur les phases qui cristallisent et un

excès d'ammonium est nécessaire pour obtenir une précipitation de struvite plutôt qu'un

composé MgHPO4.nH2O en milieu acide ou qu'un composé Mg3(PO4)2.nH2O en milieu

basique [53]. Cela a été confirmé par Taylor et al.[85] qui ont montré que pour obtenir de la

Page 37: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

61

struvite sans coprécipitation de phosphates trimagnésium, le rapport a2NH4+ / aMg2+ devait

être supérieur à 6.3 10-4.

6.1.2.2. Evolution des différents cristaux en fonction du pH et des ions

en solution.

La struvite, l'hannayite et la bobierrite sont facilement solubles dans l'acide [82]. La

newberyite se forme dans de l'acide phosphorique dilué mais est facilement soluble dans

l'acide chlorhydrique. La struvite est stable dans les milieux alcalins et ne peut pas cristalliser

dans des milieux trop acides et tout particulièrement dans l'acide chlorhydrique [53]. Les

composés Mg3(PO4)2.nH2O sont stables dans les milieux alcalins et les composés

Mg(H2PO4)2.nH2O le sont dans les solutions d'acide phosphorique concentré.

Dans une solution de MAP, la struvite et la newberyite se transforment en hannayite

qui s'altère en quelques jours en schertelite [84]. Catti et Franchini [128] ont observé les

réactions suivantes : 3 struvite + 3 MAP ⇔ hannayite + 2 DAP + 10 H2O ⇔ 3 schertelite + 6

H2O. L'une des liaisons sous-saturée de l'hannayite, si elle est rompue, génère des groupes

Mg(H2O)4(OPO2OH)2 qui sont à la base de la structure de la schertelite.

6.1.2.3. Le couple struvite-newberyite.

Figure 7. Domaines d'apparition de la struviteet de la newberyite en fonction du pH et de la

concentration initiale.

Figure 8. Domaines d'apparition de la struviteet de la newberyite en fonction du pH et du

rapport βn/βs.

La newberyite ne cristallise que si βn>3 et la nucléation de la struvite intervient pour

un βs>1.3. Lorsque [NH3]≥1.86 10-5M, seule la struvite est susceptible de cristalliser alors

que pour [NH3]<0.93 10-5M, c'est la newberyite. Entre ces deux valeurs, la première phase à

cristalliser est donnée en fonction du pH et de la concentration initiale c=[Mg]=[P] sur la

Figure 7 et en fonction du pH et du rapport entre le taux de sursaturation de la newberyite et

celui de la struvite sur la Figure 8. A représente le domaine où ni la struvite, ni la newberyite

Page 38: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

62

ne cristallisent même après 200 heures, N et S représentent les domaines où la newberyite et

la struvite cristallisent seules et B le domaine où elles cristallisent simultanément [142].

Lors de la cristallisation, le pH de la solution décroît avec les deux réactions ci-dessous

:

Mg(H2O)62+ + HPO42- + NH4+ ⇒ MgNH4PO4.6H2O + H+

Mg(H2O)62+ + PO43- + NH4+ ⇒ MgNH4PO4.6H2O

la première, par la formation d'ions H+ et la seconde, par la consommation d'ions PO43- qui, à

travers l'équation [H+][PO43-]/[HPO42-]=cte, génère aussi des ions H+ [144, 147]. Cette

baisse de pH peut entraîner la formation de newberyite lorsque [NH4+]<2.69 10-5 ∗ A où A

dépend de la concentration initiale c=[Mg]=[P]. Aucune relation épitaxiale n'existe entre la

newberyite et la struvite et, lorsque la newberyite commence à cristalliser, le pH reste à une

valeur constante car les ions H+ générés par la cristallisation de la newberyite sont

consommés par la dissolution de la struvite. Cette valeur de pH dépend de la concentration

initiale. Dans une solution aqueuse, ce processus est irréversible et la struvite est totalement

dissoute [147].

Wrigley et al.[148] et Scott et al.[149] ont élaboré un modèle informatique de la

chimie des solutions de phosphate de magnésium donnant la quantité de matière solide à

l'équilibre en fonction des concentrations initiales en ammonium, phosphate et magnésium et

du pH. Le modèle prend également en compte les coefficients d'activités et ne connaît aucune

autre phase que la struvite et la newberyite.

6.1.3. Aspect des cristaux en fonction du pH et de la sursaturation.

La prédominance d'une face par rapport à une autre est due à un développement moins

rapide. Par exemple, pour la newberyite, la surface d'une face {111} est constituée d'ions

Mg2+, d'atomes d'oxygène des groupes PO43- et de molécules d'eau. Cette alternance d'ions

positifs et négatifs à la surface parmi des molécules d'eau rend la face très stable car la

diffusion d'une particule chargée à la surface est alors freinée. C'est pourquoi, la face {111}

est théoriquement une des formes d'équilibre de la newberyite [67]. Ainsi, les cristaux

bipyramidaux ou pseudo-octaèdriques sont dus à la prédominance de la face {111}[102], les

formes tabulaires à l'apparition de faces {100} et {010}[82], les prismatiques aux faces {100}

et {010} ou à la face {102} et les équidimensionnels à un développement presque égal de

{100}, {010}, {102} et {111}[67].

L'aspect des cristaux est directement lié à la sursaturation, au pH et à la concentration

d'impuretés en solution. La sursaturation et la présence d'impuretés influencent l'énergie

d'interaction entre les dipôles en solution et modifient l'état de polarisation des surfaces ce qui

modifie le développement des différentes faces. Généralement, plus une surface est polarisée,

plus la croissance cristalline est faible et donc, plus cette face sera prédominante [140]. Le pH

peut également influencer l'aspect des cristaux car, dans une solution acide, les groupes

Page 39: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

63

H3O(H2O)4+ abondent et les faces composées d'atomes négatifs les adsorbent ce qui limite

leur développement [67]. Les cristaux naturels avec un pH, des concentrations et des pressions

constantes ont généralement tendance à avoir une forme fixe mais les impuretés et les

cinétiques de réaction rapides lorsque la sursaturation est forte génèrent des défauts lors de la

croissance cristalline [66]. Il semblerait aussi que la qualité et la forme des cristaux soient

influencées par le milieu dans lequel ils se développent [150]. Ainsi, la forme des cristaux

obtenus dans un gel de silice [151] est différente de celle des cristaux apparaissant dans une

solution aqueuse [66]. En effet, la vitesse de diffusion doit jouer sur la sursaturation.

6.2. Influence de l'environnement des cristaux.

6.2.1. Evolution des cristaux à l'air.

L'hannayite [84, 99] et la dittmarite [109] sont stables à l'air. La phosphorroesslerite

reste stable dans sa solution mère mais se transforme très rapidement en newberyite au contact

de l'air [53] qui, selon Kiehl et Hardt [83], donne un hydrate MgHPO4.H2O lorsqu'on pompe

les gaz dégagés sous vide. Mg3(PO4)2.22H2O se transforme en bobierrite [103] qui, elle

même, se décompose facilement en farringtonite. La schertelite semble se dégrader en

quelques mois en un mélange de struvite, de MAP et d'un colloïde non défini [84].

Sous vide et si les gaz libérés sont pompés, la struvite se transforme en dittmarite mais,

à l'air, la struvite forme très lentement une poudre blanche en surface qui serait de la

farringtonite [53, 96, 99]. Sutor [141], quant à lui, pense que la struvite se décompose

lentement au contact de l'air mais en newberyite. La plupart des auteurs [83, 89, 96, 152] sont

en désaccord avec lui et affirment que la struvite ne peut se transformer en newberyite que

dans une solution aqueuse. Ce n'est qu'en 1983 que Boistelle [147] démontra que la

décomposition de la struvite en newberyite pouvait aussi bien se faire à l'air que dans un

solution aqueuse. Si la décomposition de la struvite se fait à l'air, les cristaux de newberyite en

résultant sont poudreux, compacts et conservent la forme de la struvite initiale. Lors de la

décomposition de la struvite, plus le cristal est petit, plus il est stable et les gros cristaux

conservent un coeur de struvite ce qui semble vérifier une bonne imperméabilité de ce type de

composé [141].

6.2.2. Evolution des cristaux dans l'eau.

La struvite est légèrement soluble dans l'eau [82] et peut se transformer très lentement

en Mg3(PO4)2.22H2O [84, 85] et, si l'ammoniac dégagé peut s'évacuer librement, elle peut

donner de la newberyite [85]. Cependant, la présence d'eau en excès ou même une simple

pression hydrostatique modérée peut éviter la perte des molécules de NH3 de la struvite donc

il semblerait que cette dernière soit plus stable dans l'eau qu'à l'air [88]. Lors de la

décomposition aqueuse de la struvite en newberyite, les cristaux de newberyite ne gardent

Page 40: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

64

aucune relation épitaxiale avec les cristaux de struvite d'origine et montrent leur propre forme

[147]. Ainsi, les cristaux de Monolake semblent s'être décomposés en newberyite dans un

milieu aqueux pour former des cristaux distincts en forme de lames [152].

La schertelite se dissout très

rapidement dans l'eau pour donner de la

struvite et du MAP de même que la

dittmarite en poudre qui, dans de l'eau

déionisée ou même sous une pression

hydrostatique modérée, s'hydrate lentement

en struvite [88]. L'hannayite réagit avec

l'eau selon la réaction : hannayite + 4H2O

⇔ struvite + 2 newberyite + MAP [84,

128].

Mg(H2PO4)2.2H2O est affecté par

l'humidité [69] alors que

Mg3(PO4)2.22H2O est bien plus stable

dans l'eau qu'à l'air [103] et Mg3(PO4)2 se

transforme en Mg3(PO4)2.22H2O en trois

semaines [120]. La Figure 9 est la

représentation du système MgO-P2O5-H2O

à 25°C au bout de 6 mois [153] avec, sur les axes, les concentrations de MgO et P2O5 ou

plutôt les fractions molaires mises à la puissance 1/10. Lorsqu'on met les hydrates formés dans

l'eau, on peut considérer que les concentrations de MgO et de P2O5 dans le système

diminuent et on peut observer les hydrates en résultant.

6.2.3. Evolution des cristaux avec la température.

6.2.3.1. La struvite, la schertelite et la dittmarite.

La struvite se décompose en dittmarite entre 50 et 160°C selon le taux de chauffage, la

taille des cristaux et leur cristallinité [28, 29, 47, 48, 62, 154]. Dans une enceinte fermée sans

expulsion des gaz formés, la réaction est réversible jusqu'à 160°C [83].

En présence de magnésie, la schertelite se décompose en dittmarite autour de 90°C

[48] mais plus facilement que la struvite [47].

Entre 200 et 300°C, les deux réactions suivantes se superposent [28, 88] :

MgNH4PO4.H2O ⇒ MgNH4PO4 + H2O

MgNH4PO4 ⇒ MgHPO4 + NH3MgHPO4 et MgNH4PO4 sont deux phases amorphes[48, 154]. MgHPO4 peut redonner de la

newberyite dans un excès d'eau ou de la struvite dans une solution ammoniaquée [88].

Figure 9. Système MgO-P2O5-H2Oà 25°C à l'équilibre.

Page 41: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

65

A 300°C, un polymère non cristallin (Mg2P2O7)n apparaît [62, 88] et cristallise entre

600 et 800°C pour donner le pyrophosphate Mg2P2O7 [47, 48, 62].

En présence de magnésie, le pyrophosphate se transforme en orthophosphate entre 800

et 1100°C suivant la réaction Mg2P2O7 + MgO ⇒ Mg3(PO4)2 [48, 62].

6.2.3.2. Les composés MgHPO4.nH2O.

La phosphorroesslerite se transforme facilement en newberyite au dessus de 30°C avec

peut-être quelques composés MgHPO4.4.5H2O en phase intermédiaire [115].

La plupart des auteurs s'accordent sur une perte de l'eau de cristallisation pour la

newberyite au dessus de 160°C [68, 88, 104, 115] excepté Cohen et Ribbe [89] qui fixent

cette température à 110°C. Cette déshydratation génère un composé amorphe qui, selon les

auteurs, peut être MgHPO4.xH2O, des polyphophosphates [115] ou du métamict

((Mg(PO4)n)m) [104].

Au dessus de 500°C, on voit apparaître un pyrophosphate de magnésium Mg2P2O7qui devient cristallin au dessus de 600°C [104, 115]. Lors de leur amorphisation, les cristaux

de newberyite gardent leur morphologie initiale [155].

6.2.3.3. Les composés Mg3(PO4)2.nH2O.

Mg3(PO4)2.22H2O et Mg3(PO4)2.8H2O sont stables à température ambiante.

Lorsqu'on chauffe Mg3(PO4)2.22H2O dans une enceinte fermée, il se transforme

successivement en Mg3(PO4)2.8H2O et Mg3(PO4)2.5H2O entre 60 et 150°C puis en une

phase amorphe Mg3(PO4)2 autour de 200°C qui finit par cristalliser entre 650 et 690°C [120].

Lorsqu'on le chauffe sous un flux d'hélium humide, on obtient Mg3(PO4)2.10H2O,

Mg3(PO4)2.3H2O puis Mg3(PO4)2.2H2O entre 40 et 250°C [115, 120]. Mazghouni et

al.[120] observent ensuite la formation d'une phase amorphe Mg3(PO4)2 qui cristallise entre

650 et 690°C. Komornicki et Heflik [115] observent l'apparition d'un composé

Mg3(PO4)2.H2O à 280°C qui perd sa dernière molécule d'eau de cristallisation entre 330 et

580°C pour former la phase amorphe Mg3(PO4)2. Allan et Asgar [29] ont observé un

composé Mg3(PO4)2.4H2O qui se déshydraterait en Mg3(PO4)2 aux alentours de 500°C.

6.2.3.4. Les composés Mg(H2PO4)2.nH2O.

A température ambiante, il existe Mg(H2PO4)2.4H2O et Mg(H2PO4)2.2H2O mais le

premier est rarement observé et doit être instable [115] même si Dudenhoefer et al.[118]

rapportent sa décomposition en Mg(H2PO4)2.2H2O seulement entre 60 et 120°C. La plupart

des auteurs s'accordent pour donner la température de déshydratation de Mg(H2PO4)2.2H2O

Page 42: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

66

en une phase cristalline Mg(H2PO4)2 entre 90 et 200°C [113, 114, 115, 118, 156, 157].

Serazetdinov et al.[158] eux considèrent qu'il est stable jusqu'à 400°C.

Entre 200 et 350°C, l'orthophosphate Mg(H2PO4)2 se transforme en un pyrophosphate

MgH2P2O7 en perdant une molécule d'eau de constitution [113, 114, 115, 118, 156, 157,

158] puis, entre 400 et 450°C, on obtient un mélange amorphe de polyphosphate

(Mg(PO3)2)n et de métaphosphate Mg2P4O12 [114, 115, 156]. En réalité, ces deux réactions

semblent se superposer entre 250 et 550°C [118]. De même, Pechkovski et al.[157] ont décrit

un système avec un mélange de MgH2P2O7 et de (Mg(PO3)2)n (n = 6, 7) entre 200 et 250°C

puis des polyphosphates plus variés à 350°C (n = 3 à 8) et finalement, MgH2P2O7 disparaît

pour obtenir comme phase unique (Mg(PO3)2)n (n = 1 à 9).

Entre 500 et 800°C, la phase amorphe (Mg(PO3)2)n disparaît au profit du

tétramétaphosphate cyclique Mg2P4O12 [114, 115, 118, 156, 157, 158]. La température de

fusion de Mg2P4O12 est de 1150°C [118].

6.3. Apparition spontanée des cristaux de phosphate de magnésium dans divers

environnements.

Les phosphates de magnésium se trouvent souvent en présence de matière organique

en décomposition. Ainsi, Mac Ivor [99] trouva de la struvite, de la newberyite, de l'hannayite,

de la dittmarite et de la schertelite dans les dépôts de guano sur le sol basaltique des grottes de

Skipton en Australie. De même, de la struvite a été trouvée dans la baie de Saldanha en

Afrique du sud dans les excréments d'oiseaux marins. Des cristaux de newberyite ont

cristallisé sur l'île de Paoha à Monolake en Californie [89], sur l'île de l'Ascension ou dans le

tunnel du Comeran à la réunion [108], à Mejillones au Chili ou encore à Tangamyika [89].

Dans tous ces cas, les composés phosphate et ammonium proviennent des excréments et le

magnésium est fourni soit par des sols basaltiques, soit par le milieu marin.

En effet, le milieu marin contient du chlorure et du sulfate de magnésium [159] et de la

struvite a été observée dans des boites de crabe [91] et de saumon [92]. Malgré les réserves de

McConnel [160], Handschuh et Orgel [161] ont émis l'hypothèse que des cristaux de struvite

ont participé à la phosphorylation prébiotique. Lorsque la terre avait une atmosphère

d'ammoniaque, des ions ammonium ont pu passer en solution dans la mer primitive et lors de

son évaporation, leur concentration est devenue suffisamment importante pour que des

cristaux de struvite puissent cristalliser.

La struvite se dépose également dans les tuyaux servant à l'évacuation des eaux usées

[162] et, dans les égouts de San Francisco, une précipitation massive a été observée le jour où

une fuite a fait rentrer de l'eau de mer fournissant les ions Mg2+ nécessaires à sa cristallisation

[58]. La struvite peut également se développer dans les tuyaux des dragues [107].

Page 43: PREMIERE PARTIE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

67

Dans le domaine agricole, des cristaux de struvite, newberyite et dittmarite ont été

observés dans certains fertilisants [163] et de la struvite est apparue dans les systèmes de

traitement des excréments du bétail [164].

Les phosphates de magnésium peuvent également se trouver dans les calculs urinaires,

rénaux, biliaires ou digestifs chez les mammifères [141, 165-176]. On observe tout

particulièrement de la struvite et de la newberyite mais il est possible que, dans certains cas, la

newberyite provienne d'une décomposition de la struvite dans des calculs stockés sans

précaution particulière depuis plusieurs années [168].

Beavon et Heatley [177] ont observé l'apparition de cristaux de struvite dans une

culture de bactéries et Gonzalez-Munoz et al.[178] ont observé un micro-organisme

produisant des cristaux extra-cellulaires de struvite [178]. En effet, dans les milieux contenant

du phosphate et du magnésium, certaines bactéries peuvent fournir l'ammoniaque et

l'ajustement du pH nécessaire à la cristallisation ou favoriser la nucléation avec leur

membrane cellulaire chargée.

Dans tous les cas où les phosphates de magnésium apparaissent spontanément dans la

nature, le processus de cristallisation est un mécanisme avec nucléation par la solution.

6.3.1. Action des bactéries sur la cristallisation.

Dés 1889, Robinson [179] a suggéré que les micro-organismes pouvaient produire de

l'ammoniaque à partir de la matière organique azotée dans laquelle ils se développent et que

ces molécules d'ammoniaque, tout en contrôlant le pH, pouvaient se combiner avec les ions

phosphate et magnésium pour former de la struvite. Avec le Proteus mirabilis, la quantité de

struvite formée dépend de la quantité de bactéries [180] et les cristaux ont une forme tabulaire

et grossière et sont souvent jumelés [181]. La quantité de struvite dépend également de la

source de magnésium utilisée. Ainsi, les sulfates et les chlorures de magnésium fournissent

plus de struvite que les sources carbonates ou acétates [182]. Les plus beaux cristaux de

struvite sont obtenus pour un pH initial de 7.5 et son évolution dépend des bactéries utilisées

[183]. En l'absence de certaines bactéries remontant le pH, des cristaux de newberyite peuvent

apparaître [184].

La carbonatation de la matière se fait sous l'action de bactéries carbonatogènes

(bacillus, aéromonas, pseudomonas...) entraînant la formation de composés carbonatés à base

de calcium [185]. Le calcium est nécessaire au bon développement des bactéries [186].

Cependant, lorsque la quantité de calcium est limitée, des cristaux de struvite peuvent

apparaître dans les cultures microbiennes [177]. Ainsi, si le rapport Mg2+/Ca2+ est trop élevé,

la carbonatogenèse bactérienne n'intervient plus et les bactéries, en fournissant de

l'ammoniaque, immobilisent le magnésium sous forme de struvite pour faire baisser ce rapport

et ainsi pouvoir pousuivre la carbonatation de la matière organique [186, 187].

Les membranes cellulaires des bactéries sont formées de protéines et peuvent favoriser

la cristallisation en servant de points de nucléation [188]. De plus, la forme des cristaux peut

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être modifiée par l'inclusion de protéines dans certains plans du réseau. Divers organismes

vivants peuvent ainsi, par différentes stratégies, influencer la forme des cristaux et gérer leur

croissance : c'est ce qu'on appelle des cristaux biogéniques [189]. En présence de micro-

organismes, la struvite a un développement orthorhombique ou sphérique à structure

concentrique et fibroradiaire (ooïde)[186].

6.3.2. Cristallisation dans les liquides organiques.

Les calculs dans le système digestif des mammifères sont connus depuis l'antiquité et

appelés bezoards [165]. Ils sont généralement constitués de phosphate de calcium mais, en

1947, Prien et Frondel [166] ont mis en évidence la présence de struvite dans les calculs

urinaires humains et en 1956, Parsons identifia la newberyite comme constituant minoritaire

[167]. La struvite et la newberyite ont également été observées dans les calculs rénaux,

biliaires et digestifs [168] et de l'hannayite a été trouvée dans un calcul urinaire humain [184].

Le fait que, dans les calculs, la struvite cristallise généralement comme un cristal

simple sans relation épitaxiale avec d'autres constituants si ce n'est avec le nucléus [190]

semble montrer que la cristallisation se fait par un mécanisme "par la solution". Il semblerait

que, dans le système digestif, la nucléation des calculs ou bézoards soit due à un corps

étranger (on a trouvé un clou encroûté dans de la struvite chez un cheval)[165] et que, dans les

voies urinaires, les cristaux de struvite se développent autour d'un noyau de fibres de

collagène [191].

La formation des calculs struvitiques dans les voies urinaires coïncide avec une

colonisation bactérienne et semble être le résultat d'une rupture enzymatique de l'urée par

l'uréase suivant la réaction NH2CONH2 + H2O ⇒ 2NH3 + CO2 [180, 181]. La production

d'ammoniaque entraîne la réaction NH3 + H2O ⇒ NH4+ + OH- donc le pH de la solution

augmente et le degré de sursaturation de la struvite aussi [181]. En effet, la struvite ne

cristallise pas si le pH de l'urine est inférieur à 7 et si l'hydrolyse de l'urée fournissant des ions

ammonium est insuffisante. Des bactéries comme Urea splitting, Proteus mirabilis,

H.influenzas, Staphylococcus aureus et même, dans une moindre mesure, Ureaplasma

urealyticum produisent des enzymes uréase. Les calculs urinaires contenant de la struvite

apparaissent donc souvent dans des urines infectées alcalines [55].

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VII- CONCLUSION.

Le comportement des liants phosphomagnésiens est uniquement connu de façon

empirique et le mécanisme de durcissement reste encore très vague. La plupart des auteurs se

sont contentés d'extrapoler le mécanisme d'apparition par la solution intervenant lors de la

cristallisation spontanée de ces cristaux dans la nature et dans le cas contraire, ont émis des

hypothèses non vérifiées qui tiennent plus du postulat. Nous espérons qu'une large étude

bibliographique comme celle-ci permettra d'avoir le recul nécessaire pour proposer une

hypothèse constructive basée sur la confrontation de toute ces idées, pour le mécanisme de

prise.

Les différents cristaux de phosphate de magnésium semblent très sensibles aux

variations de leur milieu et se transforment facilement en une phase voisine. Cela est dû à la

forte propension de ce type de composé à avoir une structure en couche. Cependant, la plupart

de ces études ont été menées sur des cristaux en solution. Dans le cas des liants

phosphomagnésiens, les cristaux sont pris dans une matrice ayant une faible perméabilité

donc, excepté les cristaux de surface, les autres peuvent rester stables. De plus, la plupart des

cristaux de phosphate de magnésium confèrent de bonnes résistances au matériau donc le

passage de l'un à l'autre n'affecte pas forcement la durabilité. Ainsi, on peut utiliser les liants

phosphomagnésiens dans des zones subissant de fortes températures car, même si les

différents composés ne sont pas stables avec la température, ils se transforment en des phases

qui conservent une certaine résistance au matériau.