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Projet de loi de finances pour 2017
Albéric de Montgolfier, rapporteur général
Commission des finances Mercredi 9 novembre 2016
I. – L’exercice 2017 dans la trajectoire pluriannuelle des finances publiques
• Les facteurs favorables observés en 2015 continuent à porter la croissance en
2016 : le prix du pétrole reste faible, la Banque centrale européenne (BCE) a amplifié sa
politique monétaire « accommodante » et la hausse du PIB devrait atteindre 1,6 % dans
la zone euro cette année.
• Malgré cela, comme en 2014 et 2015, la France connaîtrait une progression de son
activité moins rapide que ses partenaires de la zone euro. L’hypothèse de croissance
du Gouvernement, de 1,5 % en 2016, impliquerait, selon le Haut Conseil des finances
publiques, « une forte augmentation du PIB aux 3e et 4e trimestres ». Aussi, il estime que
la prévision gouvernementale est « un peu élevée au regard des informations connues à
ce jour ». Ceci tend à être confirmé par la croissance constatée au troisième
trimestre, de + 0,2 % seulement, après un recul de 0,1 % au deuxième trimestre.
Une reprise de l’activité hésitante en 2016
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• Au titre de l’exercice 2017, le Gouvernement conserve la prévision de croissance avancée
dans le programme de stabilité d’avril 2016. À l’inverse des organisations internationales et
du Consensus Forecasts, il ne tient pas compte de la dégradation du contexte économique
depuis le printemps dernier.
• Dans un contexte de dissipation des facteurs favorables à la croissance (stabilisation des
prix du pétrole et du taux de change de l’euro) et de montée des risques de nature politique
(« Brexit », référendum en Italie, etc. ), la croissance des pays de la zone euro ralentirait en
2017. Par ailleurs, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a fortement révisé à la
baisse ses prévisions de progression des échanges internationaux.
• Le Haut Conseil des finances publiques estime que « l’hypothèse de croissance [du
Gouvernement] pour 2017 est optimiste ».
Une prévision de croissance pour 2017 qui frôle l’irréalisme (1)
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• La prévision de croissance du Gouvernement excède l’ensemble des
anticipations disponibles à ce jour.
Une prévision de croissance pour 2017 qui frôle l’irréalisme (2)
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• Après deux reports du délai de correction du déficit effectif – en 2013 et 2015 –, le Gouvernement
fait du retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB le principal objectif du projet de loi de
finances pour 2017.
• En cas de non-respect de cette cible, la France serait fortement exposée à un risque de
sanction dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Alors que la France comptait, en
2015, parmi les quatre derniers États de la zone euro à afficher un déficit supérieur à 3 % du PIB, aux
côtés de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal, une certaine lassitude de nos partenaires européens
face à l’incapacité de notre pays à respecter ses engagements budgétaires se fait jour.
• Par ailleurs, le Gouvernement n’est pas parvenu à atteindre les objectifs d’ajustement structurel
définis par le Conseil de l’Union européenne, soit 0,5 point de PIB en 2015, de 0,8 point en 2016
et de 0,9 point en 2017. Or, la trajectoire gouvernementale ne prévoit une réduction du solde
structurel que de 0,4 point de PIB en 2015, de 0,3 point en 2016 et de 0,5 point en 2017.
La poursuite sans fin du retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB
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Un non-respect certain des objectifs de solde structurel
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• Le Gouvernement ne parvient à atteindre, sur le papier, l’objectif d’un retour du déficit public en
deçà de 3 % du PIB en 2017 qu’au prix d’un renoncement aux engagements pris en
matière fiscale au cours des dernières années. En particulier, les baisses de charges
prévues au titre de l’exercice 2017 dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité
sont réduites de 5 milliards d’euros – en raison d’un abandon de la suppression totale de la
C3S et du report de la baisse du taux de l’IS. Le coût des mesures de « substitution »
– baisse de l’IS pour les PME et nouveaux allègements de cotisations des travailleurs
indépendants – ne devrait représenter que 450 millions d’euros en 2017.
• Alors que le programme de stabilité d’avril 2016 prévoyait des mesures nouvelles en
prélèvements obligatoires d’un montant de - 5,7 milliards d’euros en 2017, celles-ci sont
estimées à + 0,5 milliard d’euros dans le cadre du projet de loi de finances. Le taux de
prélèvements obligatoires resterait donc inchangé en 2017, à 44,5 % du PIB.
Une politique fiscale instable
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Un net relâchement de l’effort sur les dépenses publiques (1)
9
Un net relâchement de l’effort sur les dépenses publiques (2)
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• Le Gouvernement prévoit une légère baisse du poids de la dette publique
dans la richesse nationale en 2017.
Une dette publique à un niveau historiquement élevé
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II. – Quel héritage budgétaire en 2017?
• De toute évidence, les hypothèses de croissance du Gouvernement pour
2016 et 2017 sont optimistes, conduisant à surestimer l’évolution « naturelle »
des recettes publiques.
Les incidences de la surestimation de la croissance sur les recettes
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• En considérant les « sous-budgétisations » récurrentes au sein du budget de l’État, il apparaît que les
dépenses de ce dernier seraient sous-évaluées, au titre de l’exercice 2017, d’un montant compris
entre 1,1 et 2,1 milliards d’euros. À cela s’ajoute la non-prise en compte des effets, sur le déficit
public, de la recapitalisation d’Areva par l’État, à hauteur de 2 milliards d’euros.
• La révision à la hausse du taux d’évolution de l’Ondam – de 1,75 % à 2,1 % – ne permet pas de
couvrir l’intégralité des dépenses supplémentaires de santé (nouvelle convention médicale, hausse
du point d’indice dans les établissements hospitaliers, protocole « Parcours professionnel, carrières et
rémunérations »). Les dépenses de santé seraient sous-estimées de 0,5 milliard d’euros.
• Le Gouvernement anticipe un recul des dépenses de l’Unédic en 2017 du fait d’une baisse du chômage et
des effets de la prochaine convention de l’assurance chômage. Toutefois, l’Unédic prévoit une hausse du
chômage indemnisé et la nouvelle convention ne serait négociée qu’au cours de l’année prochaine. À en
croire les dernières prévisions de l’Unédic, les dépenses d’indemnisation du chômage pourraient être
supérieures de 1,2 milliard d’euros à l’estimation gouvernementale.
Une sous-évaluation du niveau des dépenses en 2017
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Un déficit public qui pourrait dès lors atteindre 3,2 % du PIB
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• Les engagements déjà pris par l’actuel gouvernement pèseront sur les exercices
postérieurs à 2017. Au-delà du fait que le « relâchement » des efforts sur les dépenses
aura des effets d’inertie à moyen terme, le Gouvernement fait, dans le cadre du projet de
loi de finances, des promesses en matière de fiscalité qui contribuent, en l’état
actuel des choses, à dégrader de 7,7 milliards d’euros le solde public de 2018
– comprenant la hausse du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), la
baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, ou encore la création d’un crédit d’impôt en
faveur des entreprises, la prolongation du crédit d’impôt pour la transition énergétique
(CITE) et l’extension du crédit d’impôt en faveur des services à la personne.
Un solde public de l’exercice 2018 d’ores et déjà dégradé
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III. – Le budget de l’État en 2017
Une augmentation des dépenses des ministères de 10 milliards d’euros en 2017
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+ 1,1+ 9,4
388,6
+9,1 Mds€ (+2,3%)
Total dépenses État PLF
2017
388,3
CAS Pensions
- 0,4
Charge de la dette
- 7,7
PSR UE
- 2,4
Transferts aux
collectivités locales (PSR et mission
RCT)
Total avec hausse
2017 des dépenses
des ministères
+ 397,7
Prélève-ments
opérateurs
- 0,2
Taxes affectées
- 0,1
Crédits des
ministères
Total dépenses
État LPFP
Seules des économies de constatation permettent au Gouvernement d’afficher une
maîtrise des dépenses
Les dépenses des ministères dérapent
de près de 10 milliards d’euros par rapport à la
LPFP
Décomposition de l’évolution des dépenses de l’État entre la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et le projet de loi de finances pour 2017
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
(en milliards d’euros)
Une hausse prévue de la masse salariale de 4 % en 2017
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Les effectifs ont augmenté de 3,3 % depuis 2013
1 940 000 ETPT
1 920 000 ETPT
1 900 000 ETPT
0 ETPT
1 880 000 ETPT
1 960 000 ETPT
2016 2014 2012
Effectifs : +3,3%
Objectif de stabilisation des effectifs en LPFP 2014-2019
Effectifs (en ETPT)
La masse salariale aura crû de plus de 5 % sur l’ensemble du quinquennat
2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
86
84
82
0
88 2012-2017
+5,1%
2007-2012 -6,6%
84,9
81,7
81,5 80,6
80,3
80,8
86,5 85,8
84,6
82,5 81,4
+3,9%
Masse salariale de l’État
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
(en milliards d’euros) (en emplois équivalents temps plein travaillé ou ETPT)
Des sous-budgétisations d’ores et déjà identifiées pour 2017 entre 3,1 et 5,2 milliards d’euros
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Poste de dépense Montant moyen
2012-2015 Opex et opint 630,75
Contentieux européen et refus d’apurement communautaire
385
Masse salariale hors Opex et Opint 339,25
Politique de l’emploi - Contrats aidés 314,75
Hébergement d’urgence, ATA et ADA 195,75
Allocation adultes handicapés 168
Aides au logement 166,75
Aide médicale d’État 133
RSA - prime d’activité 108,7
Bourses étudiantes 38
Frais de justice 29
Total budget général 2 448,5
Des sous-budgétisations récurrentes sur certains postes depuis 2012
En 2017, entre 3,1 et 5,2 milliards d’euros de sous-budgétisations
Poste de dépense Scénario favorable
Scénario défavorable
Opex et Opint 750 750 Hébergement d’urgence, ATA et ADA
175 196
Politique de l’emploi - Contrats aidés
100 315
Masse salariale hors Opex et Opint
30 339
Aide médicale d’État 30 133 Contentieux européen (y.c. refus d’apurement communautaire)
0 385
Total budget général 1085 2118
CAS « Participations financières de l’État »
2 000 3 100
Total y compris CAS PFE 3 085 5 218
(en millions d’euros) (en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Les recettes fiscales : une prévision optimiste de hausse de 6,6 milliards d’euros
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-1,4
292,5
-0,6
Autres Contentieux fiscaux
-1,4
-1,5
+ 2,1
Lutte contre la fraude (STDR)
Mesures déjà votées
-0,3
Evolution spontanée
+ 9,7
Prévision révisée 2016
285,9
Mesures nouvelles PLF 2017
Mesures de périmètre et de transfert
Prévision 2017
+6,6 Mds €
Évolution spontanée très importante liée à une élasticité
à la croissance estimée à 1,4 (contre 1 en 2016)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Décomposition de l’évolution des recettes fiscales de l’État entre la prévision révisée pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017 (en milliards d’euros)
Une amélioration artificielle du solde budgétaire de l’État en 2017 en raison d’un jeu d’écriture sur le compte spécial « Soutien au commerce extérieur de l’État »
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-69,3-73,3-1,1
-8,8
-72,3
Dégradation réelle : -1,0 Md €
Déficit budgétaire prévu 2017
Solde des comptes spéciaux
+ 4,0
Solde budgétaire
hors amélioration
artificielle solde comptes
spéciaux
Recettes fiscales nettes
+4,6
Prélèvements sur recettes
+4,3
Recettes non fiscales
Dépenses du budget général
Déficit budgétaire
LFI 2016
Amélioration apparente : + 3,0 Mds €
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Décomposition de l’évolution du solde budgétaire de l’État entre la prévision de la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017 (en milliards d’euros)
En dépenses, un report de charges sur 2018 et au-delà de plus de 12 milliards d’euros
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Le troisième programme d’investissements d’avenir : 10 milliards d’euros, zéro crédit en 2017
Des annonces qui se multiplient pour 2018 et au-delà, pour plus de 2 milliards d’euros
950 850 850
400
585635 675
665
440
465 515 475285
00 0
0
2017
2 000
2018
2 000
2019
1 050
2 000
2020
1 160
2 000
2021
2 000
2022
programme 423 "Accélération de la modernisation des entreprises"
programme 422 "Valorisation de la recherche"
programme 421 "Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche"
Zéro crédit de paiement
en 2017
• Annonce du Président de la République du
27 octobre 2016 : augmentation des moyens
pour la rénovation urbaine de 1 milliard
d’euros, dont seulement 100 millions
d’euros
• Plan de lutte contre la surpopulation
carcérale : 1,16 milliard d’euros en AE en
2017, zéro CP
• Augmentation du budget de la police et de
la gendarmerie : 250 millions d’euros dont
seulement 100 millions d’euros en 2017
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
(en millions d’euros)
De nombreuses mesures en recettes dont l’impact budgétaire se fera sentir à partir de 2018 pour un total de 5,5 milliards d’euros
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1 600 M€3 100 M€
1 450 M€
7 000 M€
1 675 M€ 1 100 M€
1 100 M€
1 M€ 331 M€
2017
600 M€
2018 2021
600 M€
11 800 M€
+11 469 M€
6 425 M€
Extension crédit d’impôt particuliers employeurs
Prorogation CITE - cumul éco PTZ
Relèvement CICE 7 %
Baisse IS à 28 %
Crédit d’impôt associations
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Mesures fiscales prévues par le projet de loi de finances pour 2017 dont l’impact budgétaire porte presque exclusivement sur les exercices postérieurs à 2017 (en millions d’euros)
IV. – Éléments de bilan de la politique fiscale conduite entre 2012 et 2016
Un taux de prélèvements obligatoires qui a fortement progressé depuis 2012
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• À l’été 2012, le Gouvernement indiquait vouloir « redresser les comptes publics dans
la justice ». Aussi a-t-il défini deux exigences devant structurer sa politique fiscales :
« Pour être juste, cet effort doit être demandé en priorité à ceux qui en ont
les moyens et préserver les plus modestes » ;
« Pour être efficace, cet effort doit également préserver le potentiel de
croissance de l’économie ».
Les « exigences » de la politique fiscale du Gouvernement
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• Le début du quinquennat a été marqué par un véritable « choc » fiscal : les lois financières
adoptées en 2012 par la nouvelle majorité gouvernementales ont accru les prélèvements directs
acquittés par les ménages de près de 16 milliards d’euros au titre des années 2012 et 2013.
• Une part significative des mesures adoptées en 2012-2013 a concerné quasi
indifféremment les contribuables aisés et ceux moins favorisés. À titre d’exemple, la
suppression de l’exonération des revenus afférents aux heures supplémentaires au titre de l’impôt
sur le revenu et des contribution sociales a représenté une hausse pérenne de la pression fiscale
de 4,6 milliards d’euros.
• En dépit d’une première baisse de l’impôt sur le revenu en 2014 au profit des ménages modestes,
d’autres mesures sont venues alourdir la charge fiscale des ménages (hausse des
cotisations dans le cadre de la réforme des retraites, mesures relatives au quotient familial, à
l’exonération des majorations de pension, etc.).
Un « choc » fiscal aux effets persistants pour les ménages
28
Un net accroissement de la charge fiscale des ménages
29
Une concentration accrue de l’impôt sur le revenu
30
Une dégradation de l’équité fiscale horizontale en défaveur des actifs et des familles
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• La fiscalité indirecte acquittée par les ménages a également été significativement
accrue (accises, TVA, CSPE, etc.), alors que nombre d’études économiques montrent
que celle-ci pèse davantage sur les ménages les plus modestes. À titre d’illustration, le
produit de la CSPE devrait représenter 8,2 milliards d’euros en 2016, contre 3,7 milliards
d’euros en 2012.
Des hausses de la fiscalité indirecte supportée par les ménages qui freinent la croissance économique
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• Alors que des augmentations significatives des impositions payées par les entreprises sont
intervenues en 2012 et 2013 (contribution de 3 % sur les dividendes, limitation des transferts de
déficits, aménagement de la déductibilité des charges financières, etc.), le Gouvernement a institué le
crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) dès la fin de l’année 2012. En janvier 2014, a été
annoncé le déploiement du Pacte de responsabilité, portant près de 20 milliards d’euros de
baisses de charges à l’horizon 2017.
• En juin 2016, le Gouvernement a fait le choix de minorer de 5 milliards d’euros les réductions de
prélèvements prévues dans le cadre du Pacte de responsabilité en 2017.
• De manière répétée, le Gouvernement a sollicité la trésorerie des entreprises en avançant la
perception de certains impôts : première modification du 5e acompte d’IS en 2013
(1 Md€), deuxième modification du 5e acompte d’IS proposée dans le PLF pour 2017 (460 M€),
création d’un acompte de Tascom (480 M€), harmonisation du champ d’application de l’acompte de
prélèvement forfaitaire (380 M€).
Une politique fiscale erratique à l’égard des entreprises
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Projet de loi de finances pour 2017
Albéric de Montgolfier, rapporteur général
Commission des finances Mercredi 9 novembre 2016