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PROJET RENFORCEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ DÉCENTRALISÉ AU MALI LE DIAGNOSTIC ORGANISATIONNEL DE LA QUALITÉ Une vision organisationnelle de la qualité à développer au sein des services de santé dans la région de Kayes 1 UNITÉ DE SANTÉ INTERNATIONALE École de santé publique USI AUTEUR* : ANDRÉ PACCIONI, PH.D. 1 Financé par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et mis en œuvre par le consortium CHUM-USI/CECI 2 Quinn, R., E., Rohrbaugh, J. "A Spatial Model of Effectiveness Criteria : Towards a Competing Values Approach to Organizational Analysis," Management Science, 1983 (29) p. 363-377. Note de synthèse nº 2 - Janvier 2014 Cette note synthèse fait suite à celle de mai 2013 relative à la présentation de la démarche diagnostique réalisée dans la région de Kayes. * Cette note synthèse a été élaborée à partir du rapport de consultation (Apsynergie) : Paccioni, A. : Diagnostic organisationnel de la qualité des services, Direction régionale de la santé, Direction régionale du développement social et de l’économie solidaire, Centres de santé de référence de Kayes, mars 2012, 79 p. RAPPEL DES OBJECTIFS DU DIAGNOSTIC ORGANISATIONNEL L’objectif général est de brosser un portrait de la culture organisationnelle et des pratiques de gestion de la qualité des services perçues par les employés de la Direction régionale de la santé (DRS), de la Direction régionale du développement social et de l’économie soli- daire (DRDSES), des Centres de santé de référence (CSRéf) et des services locaux de développement social et de l’économie solidaire (SLDSES) de la région de Kayes (dénommé ci-après Services socio-sanitaires de districts). Les objectifs spécifiques sont, d’une part, de soutenir la planification stratégique du changement auprès des acteurs clés de la DRS et de la DRDSES afin d’optimiser la qualité de leur appui technique auprès des CSRéf et des services locaux de développement social. D’autre part, de délimiter la capacité de changement des CSRéf et des SLDSES afin d’optimiser notamment la mise en œuvre du pro- gramme d’accréditation. Il s’agit d’une démarche novatrice dans cette région. Elle s’inscrit dans le cadre du volet Appui technique du projet « Renforcement du système de santé décentralisé au Mali ». 1 FONDEMENTS CONCEPTUELS DU DIAGNOSTIC ORGANISATIONNEL DE LA QUALITÉ EN MATIÈRE DE CULTURE ORGANISATIONNELLE L’approche conceptuelle du diagnostic s’appuie sur le modèle des valeurs concurrentielles 2 validé par de nombreuses recherches internationales au cours des 30 dernières années, notamment en santé publique, et selon lequel les dimensions de la culture organisationnelle se déclinent en : Culture de groupe, associée à l’affiliation humaine; Culture de développement, associée au changement; Culture rationnelle, associée à l’atteinte des résultats; Culture hiérarchique, associée à la stabilité. FLEXIBILITÉ INDIVIDU ORGANISATION CONTRÔLE CULTURE DE GROUPE (Collaborer) CULTURE RATIONNELLE (Produire) CULTURE DE DÉVELOPPEMENT (Créer) CULTURE HIÉRARCHIQUE (Contrôler) Le modèle des valeurs concurrentielles LES QUATRE CULTURES NE SONT PAS DE TYPE MUTUELLEMENT EXCLUSIF ET AUCUNE ORGANISATION NE PEUT REFLÉTER UNE SEULE CULTURE

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PROJET RENFORCEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ DÉCENTRALISÉ AU MALI

LE DIAGNOSTIC ORGANISATIONNEL DE LA QUALITÉ Une vision organisationnelle de la qualité à développer

au sein des services de santé dans la région de Kayes

1

UNITÉ DE SANTÉ INTERNATIONALEÉcole de santé publique

USI

AUTEUR* : ANDRÉ PACCIONI, PH.D.

1 Financé par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et mis en œuvre par le consortium CHUM-USI/CECI

2 Quinn, R., E., Rohrbaugh, J. "A Spatial Model of Effectiveness Criteria : Towards a Competing Values Approach to Organizational Analysis," Management Science, 1983 (29) p. 363-377.

Note de synthèse nº 2 - Janvier 2014

Cette note synthèse fait suite à celle de mai 2013 relative à la présentation de la démarche diagnostique réalisée dans la région de Kayes.

* Cette note synthèse a été élaborée à partir du rapport de consultation (Apsynergie) : Paccioni, A. : Diagnostic organisationnel de la qualité des services, Direction régionale de la santé, Direction régionale du développement social et de l’économie solidaire, Centres de santé de référence de Kayes, mars 2012, 79 p.

RAPPEL DES OBJECTIFS DU DIAGNOSTIC ORGANISATIONNELL’objectif général est de brosser un portrait de la culture organisationnelle et des pratiques de gestion de la qualité des services perçues par les employés de la Direction régionale de la santé (DRS), de la Direction régionale du développement social et de l’économie soli-daire (DRDSES), des Centres de santé de référence (CSRéf) et des services locaux de développement social et de l’économie solidaire (SLDSES) de la région de Kayes (dénommé ci-après Services socio-sanitaires de districts).

Les objectifs spécifiques sont, d’une part, de soutenir la planification stratégique du changement auprès des acteurs clés de la DRS et de la DRDSES afin d’optimiser la qualité de leur appui technique auprès des CSRéf et des services locaux de développement social. D’autre part, de délimiter la capacité de changement des CSRéf et des SLDSES afin d’optimiser notamment la mise en œuvre du pro-gramme d’accréditation.

Il s’agit d’une démarche novatrice dans cette région. Elle s’inscrit dans le cadre du volet Appui technique du projet « Renforcement du système de santé décentralisé au Mali ».1

FONDEMENTS CONCEPTUELS DU DIAGNOSTIC ORGANISATIONNEL DE LA QUALITÉ EN MATIÈRE DE CULTURE ORGANISATIONNELLEL’approche conceptuelle du diagnostic s’appuie sur le modèle des valeurs concurrentielles2 validé par de nombreuses recherches internationales au cours des 30 dernières années, notamment en santé publique, et selon lequel les dimensions de la culture organisationnelle se déclinent en :

▪ Culture de groupe, associée à l’affiliation humaine;

▪ Culture de développement, associée au changement;

▪ Culture rationnelle, associée à l’atteinte des résultats;

▪ Culture hiérarchique, associée à la stabilité.

FLEXIBILITÉ

INDIVIDU ORGANISATION

CONTRÔLE

CULTURE DE GROUPE

(Collaborer)

CULTURE RATIONNELLE

(Produire)

CULTURE DE DÉVELOPPEMENT

(Créer)

CULTURE HIÉRARCHIQUE

(Contrôler)

Le modèle des valeurs concurrentielles

LES QUATRE CULTURES NE SONT PAS DE TYPE MUTUELLEMENT

EXCLUSIF ET AUCUNE ORGANISATION NE PEUT

REFLÉTER UNE SEULE CULTURE

PROJET RENFORCEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ DÉCENTRALISÉ AU MALI

2

Le volet qualitatif a consisté en des entrevues individuelles semi-structurées (N=24), l’observation sur le terrain et l’analyse de la documentation interne.

FONDEMENTS CONCEPTUELS DES PRATIQUES DE GESTION DE LA QUALITÉLes pratiques de gestion de la qualité associées au modèle de la culture organisationnelle se déclinent en sept dimensions3:

1. Leadership : le leadership personnel des dirigeants et leur engagement créent et soutiennent une vision clairement orientée vers le client ainsi que des valeurs attachées à la qualité qui sont intégrées dans le système de direction de l’organisation.

2. Utilisation des ressources humaines : les employés bénéfi-cient de l’éducation et de la formation adéquates afin d’améliorer leurs efforts vers la qualité. Cette dynamique s’apparente avec le développement des ressources humaines préconisé par la culture de groupe.

3. Planification stratégique de la qualité : les employés participent à l’élaboration des objectifs de la qualité du service. La notion de participation s’accorde ici avec les valeurs qui sous tendent la culture de groupe.

4. Management de la qualité : l’ensemble des services ainsi que les fournisseurs de services contribuent au développement des normes de qualité. L’objectif répond ici aux principes associés à la culture de développement.

5. Résultats de la qualité : l’organisation montre des résul-tats significatifs de la mise en œuvre de normes de qualité. Ce constat potentiel correspond aux buts recherchés dans la culture rationnelle.

6. Satisfaction des usagers : l’organisation s’efforce de répondre aux attentes des usagers. L’atteinte des objectifs de productivité et d’efficience soulignés ici s’inscrit dans les valeurs associées à la culture rationnelle.

7. Information et analyse : l’utilisation de données et d’infor-mations maintiennent l’orientation vers le client et conduisent vers l’excellence en matière de qualité tout en améliorant la performance opérationnelle. Cette approche quantitative corres-pond au principe de management de l’information qui caractérise la culture hiérarchique.

3 Malcolm Baldrige National Quality Award Criteria : http://www.nist.gov/baldrige/

MÉTHODELa méthode de collecte et d’analyse des données du diagnostic organisationnel de la qualité s’inspire de l’analyse de cas selon une approche mixte quantitative et qualitative.

Le volet quantitatif a consisté en un sondage sous forme de questionnaire fermé diffusé auprès d’un échantillon raisonné du personnel (N=42, soit 10 femmes et 32 hommes) des différentes organisations réparties comme suit :

Fonction N Hommes FemmesDirecteur 1 1Chef de division 2 2Chef de service 1 1Chargé de programme 2 2Médecin chef 2 2Médecin 3 3Pharmacien 1 1Sage-femme 5 5Conseillers de projets 7 6 1TOTAL 24 18 6

LISTE DES RÉPONDANTS PAR CATÉGORIE D’EMPLOI

EFFECTIFS SELON L’ORGANISATION

Direction régionale de la santé (DRS), personnel professionnel

Direction régionale du développement social (DRDSES), personnel professionnel

Centre de santé de référence (7 CSRéf), médecins chefs et autres médecins + Chefs des services locaux de développement social

14 20 70%

Nombre de répondants

Effectifs de l’organisation

Pourcentage de répondants vs effectifs

10 10 100%

18 35 51%Total

42 65 65%

3

PORTRAIT DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE DES DRS-DRDSES-CSRÉFLes répondants (N=42) devaient attribuer un total de 100 points pour chaque groupe de 4 questions se référant à une des 4 dimensions de la culture organisationnelle (de groupe, de développement, rationnel et hiérarchique).

Les résultats indiquent des divergences de perceptions associées aux valeurs véhiculées au sein de chaque organisation.

Les répondants (es) associent positivement le leadership et l’engagement des cadres envers la qualité, les systèmes d’information sur la qualité, la planification stratégique de la qualité, le management de la qualité et l’atteinte des résultats en matière de qualité. Cependant, il est à noter que la plupart des dimensions de la qualité obtiennent un score proche de la limite du seuil d’association positive de 3,5.

Les répondants de la DRS (N=14) perçoivent des valeurs plutôt associées à la culture rationnelle d’atteinte des résultats (32,59). Les répondants de la DRDSES (N=10) estiment que leur organi-sation promeut davantage les valeurs d’affiliation humaine de la culture de groupe (39,00). Les répondants des CSRéf (N=18) considèrent que leurs organisations respectives sont plutôt axées sur la culture hiérarchique de stabilité (36,88).

LA CULTURE ORGANISATIONNELLE PAR ORGANISATION

GESTION DE LA QUALITÉ DES ORGANISATIONS DRS-DRDSES-CSRÉF

PORTRAIT GLOBAL DES PRATIQUES DE GESTION DE LA QUALITÉ DES DRS-DRDSES-CSRÉFAu sein des organisations, les dimensions associées à la gestion de la qualité recueillent un score oscillant entre 3,11 et 3,88 sur un maximum de 5. Les répondants devaient se prononcer selon une échelle de Likert oscillant entre 1 (pas du tout d’accord) et 5 (tout à fait d’accord). Une association avec une pratique de gestion de la qualité est positive lorsque le score est supérieur ou égal à 3,5.

L’utilisation des ressources humaines et la satisfaction des clients recueillent un faible score (3,11). Ces derniers résultats suggèrent que les répondants se montrent davantage critiques en matière de formation à la qualité des employés et du traite-ment des données sur les attentes des patients (sondages de satisfaction par exemple). Cependant, l’étendue des moyennes minimum et maximum oscille entre 1,00 et 5,00 et indique une divergence notable de perceptions entre les employés des différentes organisations.

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DRSDRDSESCSRéf

LA DÉFINITION DE LA QUALITÉ SELON LES RÉPONDANTS (ES) (RÉPONSES ISSUES DES ENTREVUES)

Les réponses enregistrées gravitent, entre autres, autour des notions suivantes :

▪ Organisation : « Organisation qui décrit les normes et pro-cédures de chaque fonction, la coordination »

▪ Efficacité : « Mise en œuvre des programmes dans les délais et dans les meilleures conditions »

▪ Efficience : « Apporter de justes solutions à moindre coût »

▪ Compétence : « Bien mener les activités avec compétence »

▪ Accueil : « Bon accueil des clients non-malades en plani-fication familiale en vue de réduire la mortalité maternelle (asepsie, locaux, etc.) »

▪ Ressources : « Tout le matériel nécessaire pour la planification familiale y compris les ambulances »

▪ Satisfaction du client : « Processus d’activités, de structure, de qualité des ressources afin de satisfaire les besoins du client ».

PROJET RENFORCEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ DÉCENTRALISÉ AU MALI

SUGGESTIONS ET COMMENTAIRES DES RÉPONDANTS (ES) POUR AMÉLIORER LA QUALITÉLes suggestions et commentaires formulés par les répondants (es) portaient, entre autres, sur les thèmes suivants (quelques exemples sont fournis) :

Supervision et suivi Il faudrait impliquer les bénéficiaires en matière de suivi et de supervision (DRDSES);

Dans certains CSCOM, la supervision est rigoureuse. Chaque vendredi a lieu la réunion de staff pour déceler les problèmes. Un site a obtenu un prix pour la qualité de ses services. « Cette expé-rience pourrait servir d’exemple aux autres sites » (conseiller).

FormationIl conviendrait de mettre en place une formation de base en qualité pour l’ensemble des agents. « Cet objectif est réalisable si l’on a un leadership axé sur la qualité » (DRDSES), « Une for-mation en management est nécessaire » (CSRéf).

4

La diversité des réponses exprimées semble traduire au sein des DRS-DRDSES-CSRÉF une absence de vision organisationnelle partagée en matière de qualité des services.

La recherche scientifique en santé publique5 montre que les organisations de santé qui mettent l’accent sur les caractéristiques culturelles de groupe et de développement encouragent davantage la promotion des efforts orientés vers la mise en œuvre de l’amélioration de la qualité. La DRS et la DRDSES gagneraient à favoriser l’émergence d’une culture de développement axée sur la flexibilité et la croissance.

Conditions de travailLe manque de moyens et de ressources entrave l’application des normes. Il faut mettre en place des dispositifs permettant aux prestataires de respecter les normes. Il n’existe pas de système de motivation universel. On souhaiterait savoir « ce qui motive les gens pour répondre aux exigences » (conseiller);

Une culture de la qualité est à développer. Il faut que « le politique puisse respecter les engagements en environnement de travail et que les prestataires s’engagent à respecter les normes » (conseiller);

« Il faut plus d’accès à l’information, via Internet notamment, afin d’élargir le champ de vision et d’action ». Actuellement, seul le bas-débit est disponible au CSRéf (CSRéf).

Organisation du travail« L’attribution des missions ou des formations doit émaner d’une décision de groupe. Au retour de chaque mission, il faut informer les autres lors d’une réunion. Les comptes rendus de mission sont nécessaires » (DRS);

Il faut organiser le service, il faut mettre chacun à sa place (DRS).

CONCLUSION4

Le modèle d’analyse de la typologie des cultures qui sous-tend le présent diagnostic permet de circonscrire la nature plurielle de la culture organisationnelle en vigueur au sein de la DRS et de la DRDSES et des services socio-sanitaires de district. Les dirigeants de ces organisations tireront les enseignements utiles de cette démarche lorsqu’il s’agit de composer avec le multiculturalisme organisationnel inhérent à des institutions centrées sur la santé publique. La DRS, la DRDSES et les services socio-sanitaires de district présentent à ce sujet une combinaison des types de culture qui allie certains aspects de la culture hiérarchique (règles, stabilité), de la culture rationnelle (planification, efficience), de la culture de développement (croissance), et de la culture de groupe (participation).

5 Shortell et al."Assessing the Impact of Continuous Quality Improvement/ Total Quality Management : Concept versus Implementation," Health Services Research 30 (1995): 377-401.

4 Lors de la restitution des résultats avec les partenaires des pistes de réflexion et d’action seront proposées.