psychologie cognitive psychologie david sander et klaus …

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Sous la direction de David Sander et Klaus R. Scherer Traité de psychologie des émotions C O G N I T I V E

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Sous la direction deDavid Sander et Klaus R. Scherer

Traité de psychologie des émotionsC

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• Qu’est-ce qu’une émotion ?• Quelles sont ses différentes composantes ?• Quel est le rôle de l’évaluation cognitive dans les

émotions ?• Quels sont les rôles des expressions motrices et des

réactions corporelles dans les émotions ?• Quels sont les débats théoriques majeurs en psychologie

de l’émotion ?Toutes ces questions essentielles trouvent une réponsedans ce livre, véritable outil de référence, rédigé par uncollectif de chercheurs et d’enseignants universitaires.Ce Traité analyse ainsi de manière détaillée :- la nature des émotions ;- leurs composantes (évaluation cognitive, expression

faciale et expression vocale émotionnelles,psychophysiologie de l’émotion, motivation et tendancesà l’action, sentiment subjectif) ;

- leurs domaines d’application (stratégies de régulation,stress et coping, relations intergroupes, monde du travail,personnalité et phobies).

Destiné en tout premier lieu aux étudiants de psychologie,ce livre intéressera aussi les enseignants, chercheurs etpraticiens travaillant sur les émotions.

Sous la direction deDavid Sander et Klaus R. Scherer

TRAITÉ DE PSYCHOLOGIEDES ÉMOTIONS

PSYCHO SUP

www.dunod.com

PSYCHOLOGIECOGNITIVE

PSYCHOLOGIE SOCIALE

PSYCHOLOGIECLINIQUE

DAVID SANDER

Professeur, Section de psychologie, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation,université de Genève et coordinateur scientifique du Centre interfacultaire en sciences affectives,université de Genève.

KLAUS R. SCHERER

Professeur, Section de psychologie, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation,université de Genève et directeur du Centre interfacultaire en sciences affectives,université de Genève.

Avec la collaboration de :

TATJANA AUETANJA BAENZIGERGRAZIA CESCHIELISE DAN GLAUSERPATRICIA GARCIA-PRIETO

CHEVALIERJÉRÔME GLAUSERDIDIER GRANDJEANOFRA HAZANOVSUSANNE KAISERSEBASTIAN KORBKATIA SCHENKELVÉRONIQUE TRANTHOMAS WEHRLESTÉPHANE WITHTANJA WRANIK

6496947ISBN 978-2-10-052139-5

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SOMMAIRE

AVANT-PROPOS (David Sander et Klaus Scherer) IX

CHAPITRE 1 LA PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS : SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS (David Sander et Klaus R. Scherer) 1

CHAPITRE 2 THÉORIE DE L’ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS (Didier Grandjean et Klaus R. Scherer) 41

CHAPITRE 3 EXPRESSION FACIALE DES ÉMOTIONS

(Susanne Kaiser, Thomas Wehrle et Katia Schenkel) 77

CHAPITRE 4 EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS (Didier Grandjean et Tanja Baenziger) 109

CHAPITRE 5 PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS (Tatjana Aue) 157

CHAPITRE 6 MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION (Tatjana Aue) 189

CHAPITRE 7 LE SENTIMENT SUBJECTIF. INTÉGRATION ET REPRÉSENTATION CENTRALE CONSCIENTE DES COMPOSANTES ÉMOTIONNELLES (Elise Dan Glauser) 223

CHAPITRE 8 LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS (Sebastian Korb) 259

CHAPITRE 9 STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX (Ofra Hazanov, Susanne Kaiser et Stephane With) 289

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VI TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

CHAPITRE 10 ÉMOTIONS INTERGROUPES : APPLICATION DES THÉORIES DE L’ÉVALUATION ET DE LA DIFFÉRENTIATION DES ÉMOTIONS (THÉORIES DE L’APPRAISAL) AUX RELATIONS INTERGROUPES (Patricia Garcia-Prieto Chevalier) 315

CHAPITRE 11 LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL (Véronique Tran) 333

CHAPITRE 12 LA PERSONNALITE ET LES ÉMOTIONS (Tanja Wranik) 359

CHAPITRE 13 BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE (Jérôme Glauser et Grazia Ceschi) 383

BIBLIOGRAPHIE 414

INDEX DES NOTIONS 467

INDEX DES AUTEURS 473

TABLE DES MATIÈRES 477

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AVANT-PROPOS

« En fait, on peut affirmer sans exagération que, scientifiquement, nous necomprenons absolument rien aux émotions, que nous n’avons pas l’ombred’une théorie sur la nature des émotions en général ou de telle émotion enparticulier. »

Voici ce qu’écrivait Carl G. Lange il y a un peu plus d’un siècle (Lange, 1885).Qu’avons-nous appris depuis lors ? Tout d’abord, nous avons appris queCarl G. Lange ne rendait pas totalement justice à ses prédécesseurs en niantl’existence de toute théorie de l’émotion avant ses travaux. Mais, depuis unsiècle, nous en avons surtout appris beaucoup sur la nature de l’émotion, sescomposantes et ses fonctions. Ces avancées, nous les devons principalementà la psychologie de l’émotion, champ disciplinaire naissant et fondementdes sciences affectives. En particulier, depuis une vingtaine d’années, avec unepointe d’activité depuis les années 2000, une révolution affective dans denombreux domaines a généré un nouveau souffle scientifique dans l’étudede l’émotion. Ainsi, la psychologie scientifique moderne reconnaît l’importancedes émotions et, par exemple en économie, des prix Nobel ont été attribuésà des chercheurs pour leurs travaux sur le rôle de l’émotion dans la prisede décision et le jugement. Dans ce contexte d’une « révolution affective »dans la plupart des sciences, l’objectif de ce Traité est de présenter certainescontributions essentielles de la psychologie à l’étude empirique et à l’analyseconceptuelle de l’émotion.

Une contribution importante de la psychologie a justement été de conceptua-liser l’émotion en tant que phénomène multicomponentiel. Cette perspectiveconsidère les différentes composantes de l’émotion que sont (1) les évaluationsde l’événement déclencheur (p. ex., le stimulus est agréable, je suis capablede faire face à la situation), (2) le sentiment qui se profile dans la conscience(p. ex., se sentir honteux, heureux ou en colère), (3) les réactions motrices (p. ex.,sourire de plaisir, froncer les sourcils contre un événement allant contre nosbuts), (4) les réactions du système nerveux autonome (p. ex., rougir de honte,avoir le cœur qui s’accélère), et (5) les tendances à agir (p. ex., préparation àla fuite devant un danger, préparation à s’approcher d’un ami). La naturemulticomponentielle de l’émotion a été utilisée pour structurer ce Traité qui

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X TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

est organisé en treize chapitres. Après un chapitre introductif à la psycho-logie de l’émotion, une série de chapitres s’intéresseront aux composantes del’émotion en abordant de façon successive l’évaluation cognitive, l’expressionfaciale émotionnelle, l’expression vocale émotionnelle, la psychophysiologiede l’émotion, la motivation et les tendances à l’action, et, finalement, lesentiment subjectif. La deuxième série de chapitres correspond à des thèmeschoisis pour leur importance dans la psychologie contemporaine de l’émotion.Seront ainsi abordées des questions liées à la régulation émotionnelle, austress, aux émotions intergroupes, à l’émotion dans le monde de l’entrepriseet du travail, au lien entre la personnalité et l’émotion, et, finalement, auxbiais d’évaluation cognitive dans la phobie sociale.

Alors que « la recherche d’émotion » est omniprésente dans les médias, lestechnologies, et la société en général, il est frappant de constater le décalageentre cette recherche d’émotion dans la société et la quantité relativementfaible d’enseignements universitaires spécifiques dans le domaine la psycho-logie de l’émotion. Dans ce contexte, ce Traité aura atteint son objectif prin-cipal s’il sert de support aux cours existant ainsi qu’au développement denouveaux enseignements universitaires sur l’émotion en licence, Bachelorou master de psychologie.

De façon générale, nous espérons que ce Traité conçu pour les étudiantsen psychologie, mais également adressé à nos collègues des diverses disci-plines intéressées aux sciences affectives, devienne une source utile pourl’enseignement et la recherche. De plus, il nous semble que ce Traité va au-delà du champ spécifique consacré à l’étude de l’émotion et nous invitons noscollègues s’intéressant aux autres territoires de l’esprit humain à le consulter.En effet, la plupart des processus cognitifs apparaissent, soit nécessaires àl’émotion en tant que telle (par exemple, le déclenchement de l’émotion ouson expression), soit influencés par l’émotion (par exemple, la perception,l’attention, la mémoire, le jugement moral, et la prise de décision), soit encoreimpliqués dans la modulation de l’émotion (par ex., la réévaluation ou lasuppression). Ce statut privilégié de l’émotion dans l’esprit humain révèleque l’émotion est au cœur de la cognition, et cela pas seulement d’un pointde vue métaphorique.

David SANDER et Klaus SCHERER

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5 EXPRESSIONS FACIALES ET ÉMOTIONS : DIFFÉRENTES APPROCHES THÉORIQUES

5.1 Théorie des émotions discrètes (Tomkins, Ekman, Izard) : émotions de base

Rappelons que le concept d’émotions de base (basic emotion) provient destenants des théories des émotions discrètes, comme Ekman (1982), Izard (1991)et Tomkins (1980). Ils affirment l’existence d’un petit ensemble d’émotionsprimaires, chacune différenciée des autres et caractérisée biologiquement pardes réactions qui seraient préprogrammées. Selon Ekman (1992), une émotionfondamentale :

1) possède un signal universel distinct ;

2) est présente chez d’autres primates que l’humain ;

3) a une configuration propre de réactions physiologiques ;

4) est associée à des événements déclencheurs universels distincts ;

5) a des réponses émotionnelles ou des composantes convergentes ;

6) est rapidement déclenchée ;

7) est de courte durée ;

8) est évaluée automatiquement ;

9) apparaît spontanément.

L’argument selon lequel il existe un petit nombre d’émotions fondamentalesest en grande partie fondé sur la découverte qu’ont faite Ekman et Friesen àl’université de San Francisco. Dans leurs études, les expressions facialescorrespondant à six émotions (joie, colère, dégoût, tristesse, peur et surprise)sont correctement identifiées par des individus appartenant à des cultures dumonde entier, y compris par des peuples n’utilisant pas l’écriture et qui n’ontpas encore été influencés par le cinéma et la télévision – ce qui tendrait àprouver l’universalité des émotions.

Plus précisément, Ekman et Friesen ont montré des photos de visagesexprimant ces émotions à des personnes appartenant à des peuples aussi loin-tains que les Fore de Nouvelle-Guinée, une tribu vivant encore à « l’âge depierre » sur des plateaux reculés, et ils ont constaté que ces expressions facialesétaient partout reconnues (Ekman et Friesen, 1971). Cette universalité desexpressions faciales des émotions a été remarquée d’abord par Darwin, qui y vitla preuve que les forces de l’évolution ont imprimé ces signaux dans notresystème nerveux central. La figure 3.2 montre les photos utilisées dans desrecherches interculturelles.

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A : joie ; B : surprise ; C : peur ; D : colère ; E : dégoût ; F : tristesse.

Figure 3.2Photos utilisées dans des recherches interculturelles

(Ekman, Sorenson et Friesen, 1969).

Tableau 3.1Taux de reconnaissance dans différentes cultures (Ekman, 1973, p. 206).

Pays Photo A Photo B Photo C Photo D Photo E Photo F

États-Unis(N = 99)

97 %joie

95 %surprise

85 %peur

67 %colère

92 %dégoût

84 %tristesse

Brésil(N = 40)

95 %joie

87 %surprise

67 %peur

90 %colère

97 %dégoût

59 %tristesse

Chili(N = 119)

95 %joie

93 %surprise

68 %peur

94 %colère

92 %dégoût

88 %tristesse

Argentine(N = 168)

98 %joie

95 %surprise

54 %peur

90 %colère

92 %dégoût

78 %tristesse

Japon(N = 29)

100 %joie

100 %surprise

66 %peur

90 %colère

90 %dégoût

62 %tristesse

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Ekman et Friesen (Ekman, 1980) proposent un modèle neuro-culturelintégrant deux aspects différents en ce qui concerne la question de la relationentre l’universel et le culturel. Ils postulent, d’une part, un programme neuro-moteur (universel, inné) et, d’autre part, des normes sociales établies (displayrules) spécifiant les expressions faciales qu’il est d’usage de montrer dansune situation précise (contexte culturel variable).

Sur la base du FACS, qui, comme nous l’avons vu, représente un systèmede codage purement objectif et sans hypothèses théoriques préalables,Ekman et Friesen ont développé un système visant à caractériser les expres-sions faciales émotionnelles prototypiques. Ce système est appelé EMFACS(EMotion FACS). Les expressions faciales émotionnelles les plus courantescomme la colère, la peur, la tristesse, le dégoût, la surprise et la joie sontainsi répertoriées. La mise en correspondance entre les unités d’action et cesémotions est établie dans une table de prédiction des émotions. À titred’illustration, la figure 3.3 montre l’expression prototypique de la tristesse,comme postulée par Ekman et Friesen.

Les problèmes les plus importants intervenant dans une telle conception desexpressions prototypiques des émotions de base ainsi que dans des prédictionsqui y sont liées, sont les suivants :

– les configurations des unités d’action propres aux émotions sont rarementobservées dans le cas d’une interaction réelle ;

Figure 3.3Expression prototypique de la tristesse (source : Philippot P. (2007).

Émotions et psychothérapie, Wavre, Mardaga).

Le mouvement principal de cette émotion vient sansnul doute des sourcils. Ceux-ci sont légèrementfroncés pour donner cette forme / \ ou encore ⎠ ⎝.(AU1+AU4)

Par ce mouvement, la partie intérieure du front est levée.Des rides y apparaissent, ellessont horizontales au centreet courbées aux extrémités.

Les paupièresrecouvrent une partie du champ de vision. (AU41)

La bouche est serrée et descend légèrement. (AU15)

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– opérationnaliser des expérimentations visant à prouver la correspondanceentre la présence de certaines unités d’action et une émotion se révèle êtreune tâche extrêmement délicate ;

– cela est d’autant plus vrai pour les émotions qui ne sont pas considéréescomme faisant partie des émotions primaires ;

– le sens d’une expression faciale dépend largement du contexte ;

– et comme nous l’avons vu précédemment, beaucoup d’expressions facia-les n’ont pas nécessairement valeur d’émotions (cf. illustrators, AU 1 + 2(soulèvement des sourcils), AU 4 (froncement des sourcils et regulators,AU 12 (sourire)) ;

– ajoutons à cela une grande variabilité inter-individuelle.

5.2 Une approche dimensionnelle-contextuelle des expressions faciales (Russell)

Russell (1997), quant à lui, rejette l’idée que les expressions faciales corres-pondent à des émotions spécifiques et il renoue avec l’approche dimension-nelle proposée par Wundt (1874), Schlosberg (1954), Plutchik (1980) etWoodworth (1938). Selon la perspective dimensionnelle, les phénomènesémotionnels peuvent se décrire et s’expliquer en faisant appel à un ensemblede dimensions élémentaires qui se combinent pour produire n’importe quelétat émotionnel. Au sein du courant dimensionnel, Russell propose un modèlecirculaire (circumplex model) postulant que l’espace affectif peut être repré-senté efficacement par un cercle dans un espace bidimensionnel, avec lesdimensions plaisant/déplaisant et niveau d’activation. La figure 3.4 montrecomment chaque émotion se situe sur un cercle construit en fonction de cesdeux dimensions.

Russell pense que lorsqu’un observateur regarde le visage d’une autrepersonne, il obtient d’abord une information qu’il appelle « quasi physique » : ilvoit le comportement de l’émetteur et l’attention que celui-ci porte à son envi-ronnement, par exemple lorsque l’émetteur détourne son regard, qu’il demeuresilencieux ou qu’il crie…, etc. Il juge également le taux de satisfaction del’émetteur (plaisant ou déplaisant) et son état d’activation (agité ou détendu).

L’évaluation de l’information quasi physique ainsi que du taux de plaisiret du niveau d’activation se font automatiquement et sans effort. Mais le trai-tement cognitif ne s’arrête pas là et cette première information sera combi-née à d’autres informations qui détermineront l’attribution d’une émotionspécifique. En effet, avec un peu d’effort, l’observateur peut continuer à faireun certain nombre d’inférences concernant le contexte de l’état émotionnel del’individu qu’il est en train de regarder. Il peut par exemple se demander : « Est-ce que l’expression est simulée ou spontanée ? », « Est-ce qu’on cherche à

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Figure 3.4Espace de jugement de plaisir et d’activation pour les sentiments subjectifs.

Figure 3.5Huit expressions faciales situées dans l’espace plaisir/activation de la figure 3.4

(Russell, 1997).

Modèle circomplexe de Russel

Éveil

effrayé

en colère

Déplaisir

triste

épuisé

neutre

Endormissement

somnolent

détendu

Plaisir

heureux

exalté

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émotionnelle comme compétence (ability IE) et l’intelligence émotionnellecomme trait (trait IE).

2.2 L’intelligence émotionnelle comme compétence (« ability EI »)

Ability EI se rapporte essentiellement au modèle d’intelligence émotionnelletel qu’il a été originalement présenté par Salovey et Mayer (1990 ; révisé parMayer et Salovey, 1997). D’après ce modèle, l’intelligence émotionnelleconsiste en la capacité à percevoir, comprendre, utiliser et gérer les émotions.

La perception des émotions

Elle implique la capacité à reconnaître les expressions émotionnelles faciales,vocales et gestuelles des personnes qui nous entourent (par exemple, Ekmanet Friesen, 1975 ; Nowicki et Mitchell, 1998 ; Johnston, Van Reekum et Scherer,2001) ainsi que les nôtres. Par exemple, une sensibilité générale pour lesémotions (Campbell, Kagan et Krathwohl, 1971) et l’habileté à déchiffrerdes signaux émotionnels non verbaux (Rosenthal, Hall, DiMatteo, Rogers etArcher, 1979) se réfèrent aux aptitudes liées à la perception des émotionsexprimées par autrui. La conscience de ses propres émotions (Lane, Quinlan,Schwartz, Walker et Zeitlin, 1990), la capacité à les nommer et à les commu-niquer (Apfel et Sifneos, 1979), ainsi qu’à les exprimer de manière peu ambi-valente (King, 1998 ; King et Emmons, 1990) se rapportent aux compétencesliées à la perception de ses propres émotions.

La compréhension des émotions

Ce deuxième domaine renvoie au langage et à la pensée propositionnelle. Ilse rapporte à la capacité à analyser les émotions, à apprécier leurs évolutionsprobables sur la durée et à comprendre les comportements qui peuvent endécouler (Frijda, 1988 ; Lane, Quinlan, Schwartz, Walker et Zeitlin, 1990 ;Roseman, 1984). Ceci implique une large compréhension du lexique émotionnelet la manière par laquelle les émotions combinent, évoluent et changent d’unétat à un autre (par exemple, de l’irritation vers la colère et la rage). Ce domaineest fortement influencé par des facteurs développementaux et évolue, norma-lement, avec l’âge et l’expérience (Lewis, 2000). La compréhension desémotions, incluant celles des processus d’appraisal, des normes et règles socia-les, joue probablement un rôle clé dans l’intelligence émotionnelle (Wranik,Feldman Barrett et Salovey, 2006).

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L’utilisation des émotions pour faciliter la pensée

Elle implique la capacité à utiliser les humeurs et les émotions afin de focaliserson attention et penser de manière plus rationnelle, logique et créative. Ellepeut également consister en des actions telles que maîtriser des sentimentsperturbateurs afin de permettre le raisonnement, la résolution de problème etla prise de décision. En effet, des recherches passées ont montré que les humeurset les émotions peuvent créer divers états mentaux plus ou moins adaptésselon les situations. Ainsi, par exemple, le fait d’être d’humeur positive favo-riserait la création et les pensées innovantes (Isen et Daubman, 1984 ; Isen,Daubman et Nowicki, 1987), alors que les humeurs négatives serviraientplutôt le raisonnement déductif (Palfai et Salovey, 1993). De plus, la planifi-cation de diverses actions peut être facilitée par la compréhension des liensentre des émotions spécifiques et la pensée (Izard, 2001). Puisque l’on saitque les émotions positives favorisent la créativité, il serait préférable d’attendred’être de bonne humeur avant de se lancer dans une séance de brainstorming.

La gestion des émotions

La capacité à réguler ses propres humeurs et émotions signifie habituelle-ment que l’individu doit pouvoir percevoir, discriminer et nommer les senti-ments de manière plus ou moins correcte. En effet, une régulation efficacedes émotions signifie habituellement d’être capable de gérer les émotions enaccord avec les règles sociales, selon les émotions et les situations. Si nousne percevons pas correctement que nous sommes en colère à cause de notreemployeur, il est plus difficile de contrôler notre expression faciale et/ouvocale liée à cette émotion face à lui. La capacité à gérer ses émotions dépendégalement de la personnalité de chacun, puisque la gestion des émotions sebase aussi sur nos buts, ainsi que sur la connaissance de soi et de son envi-ronnement social (Averill et Nunley, 1992 ; Gross, 1998 ; Parrott, 2002). Ilexiste clairement des différences individuelles dans la capacité à gérer lesémotions (Catanzaro et Greenwood, 1994 ; Gross et John, 2003 ; Salovey,Mayer, Goldman, Turvey et Palfai, 1995), différences qui peuvent en partieêtre reliées à d’autres variables telles que la confiance en soi et l’estime desoi (Rosenberg, 1965).

Les individus qui sont compétents dans les quatre domaines décrits ci-dessus sont considérés comme émotionnellement intelligents. On s’attend àce qu’ils aient de meilleures relations interpersonnelles, soient en meilleuresanté et éprouvent plus de bien-être. Les recherches empiriques, qui mesu-rent généralement ces ability EI à l’aide de batteries de tests fondées théori-quement (par exemple, le test d’intelligence émotionnelle de Mayer-Salovey-Caruso (MSCEIT) ; Mayer, Salovey et Caruso, 2002), ont mis en évidencedes données allant dans ce sens. En particulier, un haut score sur l’IE a été misen lien avec : des comportements quotidiens adaptés chez les jeunes adultes

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(Brackett, Mayer et Warner, 2004), la qualité perçue des interactions sociales(Lopes, Salovey, et Straus, 2003), la qualité des interactions sociales (Lopes,Brackett, Nezlek, Schütz, Sellin et Salovey, 2004), ainsi qu’avec diversesvariables liées à la vie professionnelle, comme la performance, le potentielde leadership, les affects et les attitudes au travail (Lopes, Côté, Grewal,Kadis, Gall et Salovey, 2006).

2.3 L’intelligence émotionnelle comme trait (« trait EI »)

Trait EI est de loin le modèle prédominant de l’IE dans le monde du travail et del’éducation. Selon ce modèle, l’IE est composée de caractéristiques person-nelles non cognitives qui sont bénéfiques au fonctionnement et aux succès del’individu (Bar-On, 1997 ; Goleman, 1995). On parle également des modèlesde trait EI comme de « modèles mixtes » (Mayer, Caruso, et Salovey, 2000),car ils rassemblent plusieurs habiletés, traits de personnalité, humeurs etfacteurs motivationnels qui sont potentiellement intéressants pour l’adaptationsociale et le succès professionnel.

Deux des mesures les plus utilisées des traits d’IE sont le EQ-i (Bar-On,1997) et l’Emotional Competence Inventory (ECI) (Boyatzis, Goleman etRhee, 2000). Le premier est un autoquestionnaire comportant quinze sous-échelles organisées en cinq facteurs. Le second est un instrument multi-jugesqui fournit des informations provenant de soi, du manager, de l’employé etdu jugement des pairs relativement à quatre domaines qui regroupent vingtsous-échelles (voir tableaux 12.3 et 12.4).

Tableau 12.3Échelles du EQ-i (Bar-On, 1997)

Intra-personnel Connaissance de ses émotions, assertivité, estime de soi, accomplissement de soi, indépendance

Interpersonnel Empathie, relation interpersonnelle, responsabilité sociale

Adaptation Résolution de problèmes, confrontation à la réalité, flexibilité

Gestion du stress Gestion du stress, inhibition

Humeur Bonheur, optimisme

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Un examen détaillé de ces deux instruments indique qu’ils mesurent destraits de personnalité similaires à ceux de deux inventaires de personnalitéprésentés dans le tableau 12.1. C’est pourquoi il n’est pas étonnant de constaterque le EQ-i corrèle fortement avec les mesures de personnalité fréquemmentemployées (Brackett et Mayer, 2003) et que les quatre domaines de l’ECIsont pour leur part également fortement corrélés avec les facteurs Extraversionet Conscience (Murensky, 2000). Au contraire, les scores du MSCEIT montrentpeu de corrélations avec la personnalité et l’intelligence cognitive (Brackett etMayer, 2003). Cependant, ces instruments, et particulièrement l’ECI, incluentégalement d’autres sous-échelles portant sur les relations professionnelles etla performance (telles que le développement personnel, la gestion managérialedes conflits, le travail d’équipe) qui sont indirectement liées aux émotions.Ainsi, bien que ces instruments soient utiles parce qu’ils prédisent d’impor-tants facteurs en jeu dans la réussite professionnelle et privée (Day, 2004), ilsdoivent être considérés comme des mesures de personnalité spécialisées,voire comme des inventaires de capacités interpersonnelles professionnelles,et non comme des instruments mesurant des compétences émotionnelles.

■ Implications

Le modèle de l’Ability EI est enraciné dans la recherche en psychologie. Ilsuggère qu’il existe d’importantes différences individuelles dans le domainedes compétences et des habilités émotionnelles. De nombreux groupes derecherches sont actuellement occupés à examiner une large variété de diffé-rences individuelles dans les processus émotionnels afin de différencierdiverses compétences et habilités, de déterminer comment les mesurer et de

Tableau 12.4Emotional Competence Inventory (ECI) (Boyatzis, Goleman et Rhee, 2000)

Conscience de soi Conscience sociale

ReconnaissanceConnaissance de ses émotions

Auto-évaluation réalisteConfiance en soi

EmpathieRelations client

Connaissance de l’organisation

Gestion de soi Compétences sociales

Régulation

Gestion de ses ÉmotionsHonnêteté

ConscienceFlexibilité

Besoin de réussiteInitiative

Formation d’autruiInfluence

CommunicationGestion des conflits

LeadershipAgent de changements

Compétence relationnelleTravail en équipe et collaboration

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comprendre comment elles sont reliées entre elles ainsi qu’avec d’autres mesu-res. Le cadre de ce chapitre ne nous permet pas de discuter des multiplesavancées qui ont déjà été menées. Toutefois, des résultats et discussions inté-ressants devraient certainement voir le jour au cours des prochaines années.Par conséquent, dans la mesure où nous parlons de différences individuellesdans le domaine des aptitudes, habilités ou compétences, et que l’avance-ment de la recherche dans ce domaine ne nous informe pas sur le nombre deces compétences ni sur l’étendue des relations qu’elles entretiennent entre elles,il nous paraît plus indiqué de parler de « compétence émotionnelle » (ou decompétences émotionnelles) que d’« intelligence émotionnelle ». Cecisuggère que chaque personne possède des compétences dans le domaine desémotions. Par ailleurs, le fait d’employer les termes de compétences etd’habiletés laisse envisager qu’elles puissent être entraînées et développées,un des objectifs majeurs de ce courant de pensée. Pour la majorité en effet,les termes d’intelligence et de personnalité renvoient à des domaines qui sontplus difficiles à modifier et influencer. Dans ce sens, le concept de compé-tence émotionnelle permet également de différencier le modèle de l’AbilityEI, focalisé sur les processus émotionnels et les compétences, de l’approcheTrait EI, pour sa part plus centrée sur les traits de personnalité et les compéten-ces sociales en général.

Malgré l’avancée prometteuse dans le domaine des compétences émotion-nelles, de nombreuses questions restent ouvertes. À savoir par exemple, quel estle niveau optimal des habiletés perceptives dans le domaine des émotions ?D’une part, les individus qui sont insensibles aux indices émotionnels nonverbaux d’autrui auraient probablement plus de difficultés à répondre à leursbesoins et problèmes. À l’autre extrême, les individus qui seraient trop sensiblespourraient être submergés par les émotions des autres et être inaptes à recouriraux difficiles – mais nécessaires – comportements de régulation sociale, telsque réprimander un enfant irrespectueux ou licencier un employé paresseux.Il est probable que d’autres compétences émotionnelles présentent un patternsimilaire et sont dysfonctionnelles lorsqu’elles sont trop « hautes/fortes »ou trop « basses/faibles ». Deuxièmement, qu’est-ce que cela signifie êtrecompétent dans le champ de la régulation émotionnelle ? Est-ce que les indi-vidus sont compétents pour réguler leurs émotions d’une manière globale ouest-ce que certains individus sont aptes à réguler certaines émotions, et pasd’autres ? Troisièmement, jusqu’à quel point les habiletés et compétencesémotionnelles sont-elles définies culturellement ? Pouvons-nous identifierdes compétentes émotionnelles universelles ou les définitions et instrumentsde mesures doivent-ils être culturellement construits ? Enfin, commentpeut-on développer des instruments de mesure fiables dans le domaine descompétences émotionnelles ? Certes, le MSCEIT a permis de montrer le lienentre certaines compétences émotionnelles et des habilités sociales spécifiques,mais il ne mesure qu’une partie limitée des compétences émotionnelles. Unegrande part de la recherche a actuellement pour objectif le problème de la

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Sous la direction deDavid Sander et Klaus R. Scherer

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• Qu’est-ce qu’une émotion ?• Quelles sont ses différentes composantes ?• Quel est le rôle de l’évaluation cognitive dans les

émotions ?• Quels sont les rôles des expressions motrices et des

réactions corporelles dans les émotions ?• Quels sont les débats théoriques majeurs en psychologie

de l’émotion ?Toutes ces questions essentielles trouvent une réponsedans ce livre, véritable outil de référence, rédigé par uncollectif de chercheurs et d’enseignants universitaires.Ce Traité analyse ainsi de manière détaillée :- la nature des émotions ;- leurs composantes (évaluation cognitive, expression

faciale et expression vocale émotionnelles,psychophysiologie de l’émotion, motivation et tendancesà l’action, sentiment subjectif) ;

- leurs domaines d’application (stratégies de régulation,stress et coping, relations intergroupes, monde du travail,personnalité et phobies).

Destiné en tout premier lieu aux étudiants de psychologie,ce livre intéressera aussi les enseignants, chercheurs etpraticiens travaillant sur les émotions.

Sous la direction deDavid Sander et Klaus R. Scherer

TRAITÉ DE PSYCHOLOGIEDES ÉMOTIONS

PSYCHO SUP

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PSYCHOLOGIECOGNITIVE

PSYCHOLOGIE SOCIALE

PSYCHOLOGIECLINIQUE

DAVID SANDER

Professeur, Section de psychologie, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation,université de Genève et coordinateur scientifique du Centre interfacultaire en sciences affectives,université de Genève.

KLAUS R. SCHERER

Professeur, Section de psychologie, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation,université de Genève et directeur du Centre interfacultaire en sciences affectives,université de Genève.

Avec la collaboration de :

TATJANA AUETANJA BAENZIGERGRAZIA CESCHIELISE DAN GLAUSERPATRICIA GARCIA-PRIETO

CHEVALIERJÉRÔME GLAUSERDIDIER GRANDJEANOFRA HAZANOVSUSANNE KAISERSEBASTIAN KORBKATIA SCHENKELVÉRONIQUE TRANTHOMAS WEHRLESTÉPHANE WITHTANJA WRANIK

6496947ISBN 978-2-10-052139-5