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PUTAIN DE CARGO!

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Collection Pique Rouge,

dirigée par Noëlle Mouska

© ATOUT ÉDITIONS 1609, route de Saint Bernard

06225 VALLAURIS Cedex

ISBN 2-912742-02-1 Mars 1998

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ERIC LEGASTELOIS

PUTAIN DE CARGO !

ATOUT ÉDITIONS

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CHAPITRE 1

— Temps b lanc ! Temps b lanc !... Pu ta in d'Afrique !

Le c o m m a n d a n t Kavad ias qu i t t e la passere l le p a r l 'extér ieur , les esca l ie rs rouillés r é sonnen t de ses pas énervés. Il f rappe à m a cabine.

— Lucas, sors de ton t rou ! Ça fait deux jours qu 'on a quit té les Canaries, deux jours qu 'on t 'a pas vu !

Un m o m e n t de vide. J 'ouvre pén ib lemen t la por te . Kavad ias m e dévisage que lques secondes. Je sais de quoi j 'ai l 'air : les yeux bouffis, une ba rbe de plus ieurs jours, la gueule complè temen t défaite. Il se calme.

— T'as encore éclusé u n seau de whisky, hein ? Et tu t'es vu avec ta pe r ruque à la con ! C'est nouveau cette manie de te foutre cette guenille dégueulasse su r la tête q u a n d tu disjonctes ? Qu'est ce que c'est ? Tu as t rouvé ça où ? À Tenerife ? Enlève ça ! E n plus ça sent la m o r t ! T'es v ra iment b izar re Lucas !

— M'emmerde pas, t 'as pas besoin de t ape r c o m m e u n m a l a d e ! Qu 'es t -ce qu' i l se passe ?... On arrive à Dakar ?

— Cette nuit, à trois heures !... Si on a le pilote.

— Donc, t 'as pas besoin de moi ! Tu peux pas me foutre la paix ?

— Non, je peux pas ! Trois ans que ça dure,

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tes crises, surtout quand on passe ces putains d'îles ! Et cette fois, parce que nous y avons fait escale, c'est l'apothéose ! Je te rappelle que tu es le second de ce navire et que ça fait deux jours que tu n'es pas sorti de ta cabine !

J'écoute ou j'écoute pas ?... J'écoute pas, je suis dans le coton. Je contemple mes pieds, faut que je me coupe les ongles. Pas facile à gérer, le corps : quatre tiges terminées par cinq franges. Les doigts. Deux tiges en bas, deux tiges en haut, rattachées à un coffre surmonté d'une boule. Moi, je suis dans la boule. Le crâne. Quarante ans que je trimbale cet appareil auquel je ne comprends rien. Souvent, je n'en veux plus, alors je l'esquinte.

C'est comme ça, c'est moi qui décide. Je relève la tête vers Kavadias, regarde sa

bouche parler, fais une phrase pour le couper :

— Arrête ! Ce putain de cargo est un tas de rouille qui ne tient que grâce à la peinture !

Aucun rapport sans doute, mais je n'ai pas envie de parler. Soudain je ne peux plus me retenir, je rote bruyamment, un jet de bile m'incendie le gosier.

— Merci, t'es vraiment un cadeau au réveil ! T'es responsable avec moi de ce tas de rouille, Lucas !

— C'est ça !... Envoie-moi quelqu'un à minuit.

— Je t'envoie Pipo, sois clair ! — Loin des Canaries, j'le suis toujours, le Grec !

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Je claque la porte du pied, saisis ma bouteille de whisky par le goulot et m'effondre sur mon fauteuil pourri, face au hublot. Visibilité nulle, nulle ou totale, c'est comme on veut. Tout est blanc, mer et ciel, du sillage au zénith. Je m'enlève le scalp puant de Camilla et le tripote en pensant à rien.

— Temps blanc... Bonjour l'Afrique, adieu Canaries ! Putain de Canaries !

J'imagine la suite : Kavadias dans la salle à manger, attablé seul, la cuisine ouverte sur le c o q affairé à préparer le dîner.

— Chef, prévoyez une barrique de café pour Lucas cette nuit !

— Il se le fera lui-même, il me doit une caisse de whisky !

— OK !... Démerdez-vous ! Personne encore ?

— L'équipe de quart vient de partir. Vingt heures à l'horloge embuée suspendue

au mur. — Qu'est-ce qu'on mange, Chef ? — Poulet ! — Avec des patates ? — Ouais ! — Patates... Temps blanc, patates... Patates,

temps blanc... Et merde, vivement Dakar ! Deux marins, Pipo et le b o s c o doivent être

assis plus loin.

1 coq : le chef, ou cuisinier du bord (nda)

2 bosco : maître d'équipage (nda) Radio : Officier radio (nda)

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— Pipo, t'iras chercher Lucas à minuit. — D'accord, Commandant. Dites, Commandant ? — Ouais, Pipo ? — Qu'est-ce qu'il a le capitaine depuis

quelques jours ? — Une crise de romantisme, un chagrin

d'amour, un fantasme de marin, un mirage ! Est-ce que je sais, moi ? Jamais rien compris à son histoire ! ... C'est pire depuis quelques mois !

— C'est toujours aux Canaries que ça le prend, pas vrai Commandant ?

— Ouais, aux Canaries, Pipo. Mais pas seulement là...

— Capitaine Lucas !... Capitaine Lucas ! On arrive au pilote !

— Ouais ! Je viens !

J 'ai d o r m i que lques heures . Épuisé , courba turé , la tête vidée. Vidée de t rop de whisky, t rop d'herbe, t rop de vitriol à l 'âme, t rop de pensées. À peine debout, je me jette sur les chiottes... vomir ! Vomir de la bile et du chagrin. Je dégueule en hurlant , ça me nettoie le cerveau en m ê m e temps.

Ça résonne sec dans la cuvette des chiottes. Dans le miro i r piqué, il y a la tête d 'un mec

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que je ne connais que trop. Les yeux rempl is de sang et secs de larmes. Je c rache sur la glace et regarde, en p e n c h a n t la tête, la salive couler su r m o n reflet. C o n n a r d ! Fau t que je m e rase. On verra ça après l 'accostage. Je me passe l onguemen t le visage sous l 'eau et en bo i t en quan t i t é . Une eau dégueu las se , lourde et sans goût, ou plutôt avec ce goût aseptisé et p lombé de l 'eau dessalée p rodu i t e à bord.

Sorti sur le pon t arrière, l 'Afrique m e gifle de ses odeurs . L 'odeur de Dakar : le poisson séché.

Devant, les lumières blafardes de Gorée. De la mus ique s'en échappe, du reggae, Alpha Blondy je crois. La fête ! Un mois d'Afrique, u n mois de fête, ça va m e changer les idées.

Je m o n t e à la passerelle, je passe m o n temps à m o n t e r à la passerelle, la t imoner ie .

— Pilote à Kéops, j 'arrive sur votre t r ibord. À par t le c r acho temen t de la VHF, a u c u n

bru i t dans l 'obscurité. L 'écran verdât re du r ada r donne à tou t le m o n d e une mine cadavérique. Ça m e convient. Pipo concent ré à la barre, Kavadias collé à la vitre, devant u n café fumant .

— Il en reste ? — Ah ! Te voilà ! — Du café, il en reste ? — Dans le pot, derrière, su r la table à

cartes.

E n le déglutissant, je m ' imprègne quelques minutes du calme épais de la passerelle, la

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nuit. Un apaisement. — Pilote à bord Commandant ! — OK ! Remontez la coupée ! Accoudé contre le vitrage, je regarde la

pilotine nous devancer vers le port. — Lucas ? — Ouais... — Faut que t'arrêtes tout ça. — Qu'est-ce qui te prend aujourd'hui ? Tu

me connais ?... Tu me fais la morale ?... C'est ma vie, ça me regarde !

— Ta vie, je m'en fous. Je te parle du Kéops ! Nous sommes associés sur ce rafiot. Tes états d'âme à la con, c'est pas bon pour la navigation, c'est pas bon pour l'équipage.

— Mes états d'âme, c'est ma vie, j'y tiens beaucoup, je les aime. Pour la navigation, le bosco et le radio peuvent facilement me remplacer... Et me parle pas de l'équipage : tous des paumés ! Toi t'es pas le dernier. J'ai rien à vous envier, ni à vous devoir. Tous naufragés de l'existence, tous !... Mais, la nave va, Kavadias, la nave va !... Tout est bien !

Il faut souvent que je pontifie... peux pas m'en empêcher. Je trouve ce que je dis toujours complètement con, mais voilà, peux pas m'en empêcher ! Abruti !

— Tu m'emmerdes avec ton romantisme cynique, Lucas.

— Le pilote, Commandant ! Un Sénégalais se présente. — Bonjour Pilote ! — Bonsoir Commandant ! Quel cap ?

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— 110° ! — OK, passez à 115° ! La machine ? — 300 tours. — Passez à 200. — Compris Pipo ? J'observe le gros Sénégalais, tout habillé de

blanc, jamais vu celui-là. Un nouveau. — Qu'est ce que vous nous amenez, Commandant ? — Des pneus, du vrac et des chevaux. — Des chevaux ? — Ouais. Il y en a cinq... ils sont sur le

pont, devant. Pour un Libanais sans doute ! Je vous laisserai la soigneuse avec, elle nous a fait chier, elle parle tout le temps. Nous sommes sur quel quai ?

— Le B, à l'est. On accoste sur tribord. — Pipo, tu passeras les commandes sur

l'aileron tribord ! Le navire glisse lentement sur les eaux noires

du port, dans le faible bruissement de l'étrave. Là-bas, sur le quai, une dizaine de gars nous attendent. Je descends sur le pont arrière, à mon poste, pour manoeuvrer la rampe du vieux roulier. L'air est chaud et moite, évidemment, bientôt la saison des pluies, le grand nettoyage de l'Afrique. Je respire fort, je m'enivre des odeurs suffocantes. Je change de registre, je laisse mon corps prendre les commandes sur ce continent. Afrique ! Physique ! Finies les errances déchirées de l'âme en pleine mer. Ça va aller maintenant, ça va aller !

— Je suis à poste le Grec !

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Foutue VHF... pas sûr qu'il m'ait entendu. — Kavadias ! Je suis à poste ! Toujours rien. Bon, on s'en passera ! Mais,

putain, qu'est-ce que fout le radio ? Il n'y a plus rien qui marche sur cette épave.

Le bateau se rapproche lentement du môle, en crabe. Trente mètres plus bas, je peux voir, sur le quai, des types sortir de tous les coins de cet immense dédale de containers. Les dockers ! Prêts à bosser. Le Kéops à peine amarré, ils déchargeront pour recharger ensuite. Vu le trafic du moment, dans huit heures nous serons repartis... À peine le temps de faire une virée aux "Pêcheurs". Je me rattraperai à Abidjan.

— OK pour la rampe, Lucas ! Tiens, la radio marche à nouveau ! Allons-

y, ouvrons la grande gueule du Kéops ! Les amis, le Kéops vous invite à bord ! Régalez- vous !

— Salut Abdou, toujours sur la brèche ? Qu'est-ce que tu fous à bord ? Il doit y avoir des années que tu ne nous as pas vendu une paire de sandales ! Allez, viens boire un coup !

— Ah ! Cap'taine Lucas ! Comment ça va, ça va bien ?

Je serre sa grande main molle. Il change

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pas, le vieux Peul. Longue barbe grise, les yeux bouffés par la cataracte, presque aveugle.

— T'y vois plus rien, vieux frère, hein ? Allez, viens à la cuisine, je t'offre un coup !

— Vous savez bien, Capt'aine, que j'bois pas. — Encore ces conneries de religion !... Tu

comprends pas que tes croyances t'empêchent de vivre ? Tu verras s'ils seront là tes prêcheurs, après le grand saut ! Imagine qu'il n'y ait personne ! Rien ! T'auras payé toute ta vie pour une marchandise qui n'existe pas ! Ce sont des promesses tout ça, Abdou !... des promesses d'hommes ! D'hommes comme toi et moi, rien de plus !

Et voilà, je pontifie à nouveau ! T'es vraiment trop con, Lucas ! Faudra que je pense à m'engueuler dans la tête quand j'aurai un moment.

— S'il vous plaît, Cap'taine. Vous savez que j'aime pas quand vous parlez comme ça.

— Moi non plus, mais t'es quand même indécrottable Abdou ! Allez, salut !... Bosco, t'as pas vu le commandant ?

— Il est avec les autorités, dans la salle à manger.

— Tu restes à bord ? — Ouais, j'suis de quart. — Fais pas la gueule, tu feras la fête à

Abidjan ! Dis au commandant que je suis aux "Pêcheurs".

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— Oh ! Kavadias, maudit Grec, debout !... Il est midi ! On met les voiles. J'ai relevé la rampe et le pilote sera là dans cinq minutes. Je monte à la passerelle !

J'ai à peine fait deux mètres, qu'une porte claque. J'aperçois une silhouette détaler furtivement à l'angle du couloir. Je bondis et, en quelques pas, saisis le fuyard par le col. Un petit gabarit, un gosse sûrement... Non, c'est une gosse.

— Qu'est-ce que tu fous là, toi ? Elle tremble de peur. Douze, treize ans, pas

plus. — Laisse-la, Lucas. Elle était avec moi. Kavadias est debout, à poil, devant la porte

de sa cabine. — On a relevé la rampe. Si elle passe par

l'échelle de coupée les dockers vont la racketter.

— Je sais. — Alors ? — Fatou, planque l'argent ! Apeurée, la gamine me regarde. Je tiens

toujours le col de sa robe, son seul vêtement. Elle oblique son regard vers Kavadias qui acquiesce de la tête. D'un geste rapide, elle enfouit sa main qui tient les billets entre ses cuisses, gesticule, se tortille et nous montre sa main vide avec un sourire. Presque fière.... Je pense odeur et argent.

— Lâche-la maintenant, Lucas. Elle va se débrouiller.

— Parce que tu crois qu'ils n'y penseront

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pas à sa planque, ces maquereaux, sur le quai ?

— Elle est jeune, elle court plus vite qu'eux. — J'espère. La gosse s'envole. — Je monte à la passerelle, le pilote doit

attendre.

Une raie Manta retombe dans l'eau dans un claquement sourd. Comment font-elles pour ne pas s'éventrer après de pareils sauts ? Je les imagine éclatées en une grande gerbe de boyaux rouges.

La surface est zébrée par ces petits courants qu'on peut voir avant de rentrer dans ce gros lac sans vie qu'est le golfe de Guinée. Vivement qu'on y arrive d'ailleurs ! Deux jours de mer et j'ai déjà les tripes et la tête rongées par une mélancolie agressive. Faut que j'arrête de penser. Foutu métier, il laisse trop le temps de penser. Faut que je tienne jusqu'à demain matin. Abidjan !... On aura bien deux ou trois jours d'escale.

Je remonte à la timonerie, la nuit tombe, une averse fouette le navire. À l'horizon, au- dessus de Monrovia, des éclairs déchirent sans répit le ciel du Liberia.

— Tu viens dîner, Lucas ? — Pas faim...

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É R I C L E G A S T E L O I S

P U T A I N D E C A R G O !

Qu'est-ce que j'ai foutu entre cette escale de Tenerife où la belle Camilla a refait surface, et ce matin où je me suis réveillé avec son scalp sanguinolent à la main ? Pourquoi je l'aurais tuée et qu'est-ce que j'ai fait de son corps ? J'ai cherché une explication avant de sombrer dans la parano et la défonce. Et voilà que j'affronte mon associé, en refusant de charger des gamines africaines pour un bordel de Cotonou ! Pourquoi ? Par peur du risque ? Non. Pour me racheter ?... Et tous ces meurtres à bord du Kéops ? Je comprends plus rien à ce qui se passe... Putain de cargo !

Éric LEGASTELOIS, 39 ans, marin et photographe, connaît bien le monde des cargos, pour y avoir navigué. Derrière son objectif, il a été témoin de tous les faits qu'il relate dans ce premier roman violent, rapide et imagé, et entraîne le lecteur à la découverte d'une Afrique envoûtante.

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