quand la douleur s’invite dans le soin
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Présenté et soutenu par :
GALLET Marilyne
Quand la douleur s’invite dans le soin
Quelle place l’infirmier a t'il dans la prévention des douleurs liées aux soins ?
https://www.relaxationdynamique.fr/wp-content/uploads/2015/02/douleur-chronique.jpg
Mémoire de fin d’études présenté en vue de la validation de l’UE 5.6. S6 « Analyse de la qualité et
traitement des données scientifiques et professionnelles »
Préparé sous la direction de : Mme Carle Isabelle
Promo 2016-2019 Rendu le 6 mai 2019
« La douleur peut être atténuée par
une relation d’attention et
d’humanité, qui complète la dimension
technique des soins et contribue à les
rendre acceptables et utiles »
David LE BRETON
Remerciements
Je souhaiterais remercier ma guidante, Mme Carle, pour son accompagnement et sa
bienveillance dans l'élaboration de mon travail de fin d'étude.
Je tiens à remercier également mon conjoint qui m’a accompagné durant ses trois années
de formation qui ont été très riches émotionnellement.
Grâce à lui et son accompagnement au quotidien, j’ai pu concrétiser un rêve : celui de
devenir infirmière.
Un grand merci à mes enfants, Hugo et Axel, qui avaient 3ans ½ et 9 mois lors
de mon entrée à l’Ifsi. C’est grâce à eux que j’ai trouvé la force et la motivation
de continuer malgré un parcours semé d’embûches. Et oui, le moment de
“Quand maman aura fini ses études ...”est bientôt arrivé.
Je tiens à remercier également tous mes amis et ma famille qui ont toujours cru
en moi et su me remotiver dans les moments de doute.
Vos nombreuses relectures, vos corrections de l’orthographe et votre esprit
critique, m’ont permis de mener ses études à bien.
Durant ces trois années, j’ai eu la chance d’avoir un groupe d’amis et futurs
collègues avec qui nous avons partagés énormément. Merci donc à "IFSI
TEAM" et à tous nos moments partagés ensemble.
Merci également à tous les professionnels rencontrés lors de mon parcours,
qui ont fait “la soignante” que je serai demain.
Une attention toute particulière aux infirmiers
qui ont pris le temps de répondre à mon questionnaire
et donc participer activement à la rédaction de ce travail.
SOMMAIRE
1. Introduction
1.1 Présentation des raisons de ce thème ..................................................... p 1
1.2 Réflexion .................................................................................................. p 1
2. Questionnement de départ
2.1 Situations d’appel .................................................................................... p 2
2.1.1 Situation 1 ...................................................................................... p 2
2.1.2 Situation 2 ...................................................................................... p 3
2.2 Questionnement initial ............................................................................. p 3
3. Phase théorique
3.1 Quelques concepts .................................................................................. p 4
3.2 Un point sur le cadre législatif ............................................................... p 5
3.3 Physiologie de la douleur ....................................................................... p 6
3.4 Constat ..................................................................................................... p 7
4. Enquête exploratoire
4.1 Légitimation de mon sujet ....................................................................... p 8
4.2 Analyse des entretiens et des lectures ..................................................... p 9
4.2.1 Entretien n°1 .................................................................................. p 9
4.2.2 Analyse et évolution de mon questionnement ............................... p 10
4.2.3 Synthèse des éléments théoriques ................................................. p 11
4.2.4 Avancement de mon questionnement ............................................ p 13
4.2.5 Entretien n°2 ................................................................................... p 13
4.2.6 Analyse et évolution de mon questionnement ............................... p 14
4.3 Synthèse enquête exploratoire ................................................................. p15
5. Enquête approfondie
5.1 Méthodologie suivie pour cette phase exploratoire ................................ p 17
5.2 Analyse des entretiens ............................................................................ p 19
5.3 Synthèse .................................................................................................. p 25
6. Cheminement vers une pratique professionnelle
6.1 Problématique ...................................................................................... p 31
6.2 Hypothèses envisagées ........................................................................ p 32
7. Conclusion ................................................................................................... p 34
8. Bibliographie ............................................................................................... p 36
9. Annexes
Annexe 1 : Extrait de textes législatifs
Annexe 2 : Retranscription et Analyse de l’Entretien 1
Annexe 3 : Retranscription et Analyse de l’Entretien 2
Annexe 4 : Guide d’entretien semi directif
Annexe 5 : Retranscription des entretiens de l'enquête approfondie
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1. INTRODUCTION
● 1.1 Présentation des raisons de ce thème
Ce travail de fin d’étude est pour moi la concrétisation de trois ans d’étude qui ont été très
riche, autant sur le point personnel que humaine. Cette formation basée sur l’échanges
entre professionnels et étudiants à travers les cours et les stages m’ont fait grandement
évoluer. J’ai pu suivre cette formation grâce à une promotion professionnelle motivée par
l’envie d’apprendre et de comprendre davantage sur les diverses prises en soins des
patients.
Ce qui m’a motivé dans le choix de ce thème est tout d’abord ma sensibilité personnelle à
la douleur de manière générale et le fait que j’y serai confrontée inévitablement durant
toute ma carrière. Depuis le début de ma formation, j’ai rencontré de nombreuses situations
où la douleur était présente et rapidement je me suis questionnée sur ce sujet. Il me
paraissait donc évident de faire évoluer ma réflexion.
La douleur induite représente le paradoxe de notre profession. En effet, quand on entre
dans la formation pour devenir soignant, cet aspect est complètement occulté. Les
représentations des soignants sur leur métier d’infirmier tendent plutôt vers l’envie de
soigner, soulager et non pas d'être source de douleur ! Et pourtant, elle fait partie du
quotidien des soignants. Dans l’histoire du soin, la douleur induite était plutôt caractérisée
comme un processus “normal” pour accéder à la guérison. “Jusqu’au milieu du XIXème
siècle, la douleur induite était considérée comme le prix à payer pour obtenir la
guérison.”(Peoc’h N, Lopez G, & Castes N, 2007, p.85)
Aujourd'hui ce n’est plus du tout d'actualité, de grands progrès ont été réalisé dans le
soulagement et la prévention de celle-ci.
● 1.2 Réflexion
Mes interrogations à ce sujet ont évolué et augmenté tout au long de mon cursus de stage.
Dans toutes les situations que j’ai pu vivre et observer, j’ai remarqué qu’une majorité des
soignants minimise la douleur qu’ils peuvent induire. Lors de mes stages, j’ai très souvent
entendu un discours venant des soignants et même me surprendre à le tenir également, du
~ 2 ~
type : “ ça ne fait pas mal, c’est juste un peu désagréable…”, “ne vous en faites pas c’est
juste une petite aiguille”...
Aujourd’hui je me pose la question des limites entre la douleur et le désagréable. La
qualification de “petite” aiguille est-elle la même pour tout le monde, ou le mot “aiguille”
ne suffit t-il pas à être anxiogène ? Quelles incidences peuvent avoir les mots et les
comportements des soignants dans une prise en soin ? Deux situations vécues lors de mon
stage aux urgences ont été à l’origine de mon questionnement de départ et de ma
réflexion.
2. QUESTIONNEMENT DE DEPART
● 2.1 Situations d’appels
2.1.1 Situation 1:
Patiente de 47 ans qui arrive aux urgences pour des douleurs lombaires. L’infirmière et
moi même nous rendons dans le box pour nous présenter à elle. L’infirmière que je
nommerais Mme N, lui explique qu’elle va être vue par un médecin mais qu’avant, elle va
devoir lui poser un cathéter, sur lequel, un premier bilan biologique sera prélevé dans le
but d’aider au diagnostic. Celui-ci servira également à lui administrer des thérapeutiques,
notamment des antalgiques pour le traitement de ses douleurs. Mme N effectue une
première ponction, la patiente se crispe, ferme les yeux et nous dit que c’est très
douloureux. Tout au long du soin, l’infirmière a gardé le contact avec la patiente, en lui
posant diverses questions sur sa situation familiale, son travail… Elle m’expliquera par la
suite, qu’elle essaie au maximum de communiquer avec les patients lors des actes de soins
car cela leur permet de se concentrer sur leur réponse et non pas sur ce que l’on est entrain
de leur faire. Le visage de la patiente me semble très douloureux, elle regarde le plafond en
expirant. Lors du soin, elle s’agite de plus en plus et me semble très agacée. L’infirmière
demande à la patiente de respirer calmement et de ne pas bouger. Le soin ayant échoué,
une nouvelle pose de cathéter doit être effectuée. Madame N explique à la patiente qu’elle
n’a pas réussi à le poser et qu’elle va devoir recommencer. Elle me semble très angoissée.
Elle nous explique qu’elle préfère supporter ses douleurs dans le dos plutôt que de devoir
recommencer cette piqûre. L’infirmière entend la demande de cette patiente et décide d’en
aviser le médecin. Sa réponse a été de lui reposer le cathéter qui sera utile pour la suite de
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la prise en charge. De retour dans le box, elle lui explique la nécessité de recommencer.
Devant l’angoisse augmentant de la patiente, Mme N décide de lui proposer le gaz au
protoxyde d’azote (Méopa) en lui expliquant que celui ci peut l’aider à penser à autre chose
et à atténuer la douleur lors de la pose du cathéter. La patiente finit par accepter de
réessayer la ponction avec ce gaz. Elle a donc pu réaliser la pose de celui-ci, non sans
difficulté, mais la patiente a été beaucoup plus calme et détendue.
2.1.2 Situation 2 :
Monsieur R, patient de 73 ans, a été installé dans un box de déchoquage pour
décompensation respiratoire. Il est 8h du matin, nous commençons notre journée avec
l’infirmière qui va m'encadrer ce jour. Aux consignes, il nous a été transmis que ce patient
est arrivé dans la nuit. Pour la suite de la prise en soin, elle nous indique que le médecin a
prescrit un deuxième prélèvement de gaz du sang, mais que celui-ci n’a pas de caractère
d’urgence. Elle nous explique également que les premières ont été difficiles à prélever car
le patient était très anxieux et algique lors du prélèvement. Nous nous présentons auprès du
patient pour lui expliquer que nous sommes l’équipe de jour, que nous allons prendre la
suite. L’infirmière que je nommerai Mme L, lui explique qu’elle va devoir lui prélever de
nouveau des gaz du sang dans la matinée. Monsieur R nous dit qu’il a horreur de cette
piqûre, que la douleur est insupportable, qu’il en a déjà eu souvent et qu’à chaque fois le
prélèvement est difficile et qu’il souffre énormément. Mme L, lui explique la nécessité de
celui-ci et décide d’aller chercher le matériel nécessaire pour effectuer cette ponction. Nous
sortons du box et je lui demande si on ne pourrait pas reporter d’une petite heure le
prélèvement et appliquer un patch Emla en attendant. Elle m’a répondu que si il fallait
mettre de l’Emla avant chaque gaz du sang on ne s’en sortirait jamais, qu’elle avait
l’habitude, que cela ne durait pas longtemps et que ce n’était pas si terrible. Le matériel
préparé, nous sommes retournées ensemble auprès du patient réaliser les gaz du sang, qui
ont été une source de douleur importante pour lui.
● 2.2 Questionnement initial
Je me suis donc interrogée sur l'utilisation des thérapeutiques dans le but de prévenir les
douleurs induites dans les soins (leurs indications, leur délai d'action, leurs contre
indications…) et à tout ce qui n’est pas de l’ordre du médicament qui pourrait faire que
l'acte de soin serait moins de douleurs. Après quelques recherches et de part mon
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expérience, j’ai remarqué que la douleur induite par les soins invasifs n’est pas
systématiquement encadrée par une prescription et/ou un protocole pour la prévenir.
Mes deux situations d’appels, montrent bien chez ces deux professionnelles une
évaluation très différente de la douleur induite par leurs soins. Mon premier
questionnement est le suivant :
Pourquoi la douleur induite par les soins est elle perçue différemment d’un soignant à
un autre?
3. PHASE THEORIQUE
● 3.1 Quelques concepts
Il me paraît incontournable de donner quelques définitions de concepts abordés tout au
long de cet écrit pour permettre une compréhension optimale lors de sa lecture.
- Concept de Douleur induite
Selon François Boureau, la douleur induite se définit comme “une douleur prévisible,
fréquente, de durée limitée, associée à un geste ou un soin qui doivent être réalisés pour le
bien d’un patient.” (François Boureau, 2005, p.10)
- Concept de Soins
Nombreuses sont les définitions qui peuvent correspondre. Un mot qui dans notre
profession prend tout son sens. “On fait des soins, on prend soin, on agit avec soin…”
(Walter Hesbeen, 1997, p.7)
L’auteur Walter Hesbeen dans un de ses ouvrage va rattacher ce mot au concept de prendre
soin. Ce concept sera défini par une attention particulière que le soignant va donner au
patient dans le but de lui apporter de l’aide et le meilleur pour lui. “Le soin relève ainsi de
l’attention. Il désigne le fait d’être attentif à quelqu’un ou à quelque chose pour s’occuper
de son bien être ou de son état, de son bon fonctionnement.” (Walter Hesbeen, 1997, p.7)
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- Concept de Représentations sociales
Ljiljana Jovic, infirmière et directrice des soins, titulaire également d’un doctorat en
sociologie définit les représentations : “Les représentations sociales sont des phénomènes
à la fois individuels et collectifs prenant en compte des groupes plus ou moins élargis.
Elles influencent les manières de faire et le champ des connaissances.” (Ljiljana Jovic,
2012, p.265)
Plusieurs définitions ont été écrites par différents auteurs d’univers variés (psychologues,
sociologues…) et il en ressort dans chacune d’entre elle que les représentations d’un
individu constituent sa réalité. Il les a construites sur les bases de ses connaissances, ses
croyances et de son vécu.
- Concept de Représentations professionnelles
Les représentations professionnelles sont des représentations portant sur des objets
saillants (la douleur induite par les soins) appartenant à un milieu professionnel
spécifique (les professionnels de santé). Partagées au sein de la profession
considérée, elles constituent un processus composite, se formant et déformant, avec
lequel les individus évoluent en situation professionnelle (les situations de soins) :
opinions, attitudes, prise de position, savoirs...(Peoc’h, N., Lopez, G., & Castes, N,
2007, p.84)
Les représentations dites professionnelles vont permettre au soignant de se construire une
identité professionnelle et de pouvoir s’inscrire dans un champs social spécifique. Il s’en
servira tout au long de sa carrière pour légitimer ses choix et ses pratiques.
● 3.2 Un point sur le cadre législatif
La prise en charge de la douleur a énormément évolué depuis des décennies. Elle constitue
de nos jours, une notion importante dans la prise en soins des patients. Elle est composée
d’exigences éthiques, de qualités relationnelles, de compétences et de connaissances dans
le domaine. Plusieurs lois ont été précurseurs dans ce domaine. (Annexe 1)
Je citerai là l’article de loi de juillet 1991, qui inclut la douleur dans une prise en charge
globale prenant en compte la dimension psychologique du patient. L’article de loi de mars
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2002, met l’accent sur les droits des malades et donc la nécessité de recueillir un
consentement libre et éclairé avant tout acte de soins. Le décret de novembre 2016 va
englober la prise en charge et le soulagement de la douleur de manière général dans le
domaine infirmier. Cette nouveauté va être également un grand avancement dans la prise
en soins des douleurs et de l’anxiété en soins palliatifs et de soins en fin de vie en incluant
la notion de sédation profonde.
En France, plusieurs actions sont menées pour permettre une meilleure prise en charge de
la douleur. Comme nous l’avons constaté juste avant, plusieurs textes de lois encadrent la
douleur au niveau juridique mais plusieurs entités sont également actives à ce sujet : les
sociétés savantes (ex : SFETD : société française d’étude et de traitement de la douleur),
les différentes associations (ex : AFVD, Association francophone pour vaincre les
douleurs) et les différentes fondations partenaires et l’institut UPSA de la douleur.
● 3.3 Physiologie de la douleur
Tout individu est forcément confronté à la douleur à un moment dans sa vie, elle est
ressentie et exprimée d'une manière très différente selon qui l’a subi.
Il a été écrit dans de nombreux ouvrages, que l’expérience douloureuse a des répercussions
sur la vie des individus. C’est de cette expérience que les patients construiront des
références dans le ressenti et le vécu de celle-ci et qu’ils pourront par la suite accentuer ou
au contraire diminuer l’aspect de cette souffrance.
La douleur englobe plusieurs composantes :
- l’aspect sensoriel, qui est en réalité ce que ressent le patient.
- l’aspect émotionnel, qui va correspondre à comment le patient vit cette douleur.
- l’aspect individuel, qui va prendre en compte la mémoire antérograde des douleurs
vécues, de l’aspect socio-familial englobant l’éducation, les représentations, la religion…
- l’aspect comportemental, qui va correspondre aux manifestations verbales (cris,
pleurs…), gestuelles (crispations, mimiques faciales…) et physiologiques (tachycardie,
sueurs…)
Quelques structures sont très actives dans le contrôle et la nociception des douleurs.
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Le thalamus va intégrer le message sensitif et sensoriel et à son tour donner l’alerte aux
différentes zones du cortex pour donner réponse à ce message. Il va coder l’intensité et la
localisation de la douleur ressentie.
L’hypothalamus va moduler la sécrétion de certaines hormones en réaction au stimuli
douloureux.
L’insula (partie du cortex cérébral) va lui percevoir ce message douloureux et donner une
réponse adaptative dans le but de conserver l'homéostasie du corps au maximum.
La région frontale va introduire la notion d'attention et d’émotion face à cette douleur.
La région temporale va réactiver à chaque message douloureux la mémoire de la douleur
déjà vécue.
L’hippocampe, va entrer en action dans la mémoire à long terme.
Il a été prouvé que la douleur ressentie reste en mémoire et qu’elle pourra amplifier par la
suite la perception d’une douleur similaire.
● 3.4 Constat
Après mes premières lectures, mes connaissances se sont étoffées et j’ai pu établir un
premier constat.
Dans l’article “Identifier et prévenir la douleur liée à un soin effractif ” (Emmanuelle
Guillemin, 2015), plusieurs méthodes sont mises en avant dans la prévention de ses
douleurs.
Dans un premiers temps, la relation soignant soigné est un point important à prendre en
considération. En effet, c’est grâce à cette relation qu’un climat de confiance pourra être
instauré et permettre au patient de se sentir reconnu et écouté.
Ensuite, une attention particulière devra être portée sur le choix des mots utilisés par le
soignant. Tout d’abord, avertir le patient du moment où l'on va réaliser l’acte douloureux
est un élément qui est controversé. Le mieux serait de lui demander son avis. Les mots
avec une consonance négative ou amenant une alerte du type : “Attention, je pique”, “ça
risque de faire mal”...seront à éviter. Il est préférable d’utiliser des phrases de type “ça ne
sera sûrement pas agréable.”
Bien évidemment toutes les thérapeutiques ne sont pas à oublier dans la prévention des
douleurs. Quelques soit la forme (crème, gaz, injectable, comprimé) et la classe
thérapeutique (antalgique, anesthésique, anxiolytique…) elles ont toutes prouvé leur
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efficacité si elles sont utilisées correctement. D’autres moyens non pharmacologiques
peuvent aussi être utilisés tels que le toucher-massage, la relaxation, l’hypnose…
Une évaluation de la douleur ressentie par le patient après le soin est intéressante, car elle
permet ainsi au soignant de s’évaluer et de pouvoir évoluer dans ses pratiques.
4. ENQUETE EXPLORATOIRE
● 4.1 Légitimation de mon sujet
La prise en considération des douleurs est une priorité de nos jours. C’est un sujet
d’actualité pour lequel de nombreux travaux et recherches sont menés. On peut observer
une évolution évidente concernant sa prise en charge et également dans les textes de lois et
actions la concernant.
La douleur est également inscrite dans la charte de la personne hospitalisée, assurant les
patients d’une prise en charge de la douleur ressentie par celui-ci. C’est un gage de qualité
pour les institutions proposant des soins mais pourtant la douleur est omniprésente dans les
hôpitaux. Elle peut être liée directement à une pathologie (douleurs iatrogènes) ou bien être
créée par les soignants. C’est le cas des douleurs induites qui sont associées à un geste
réalisé dans l'intérêt du patient et des douleurs provoquées, qui elles sont intentionnelles et
qui ont pour objectif une meilleure compréhension du diagnostic.
Pour les prévenir et les réduire au maximum, cela demande aux soignants une réflexion et
parfois une remise en question de certaines de ces pratiques. En effet, la douleur est
subjective, différente selon les individus et donc difficile à dépister. Plusieurs facteurs
entrent en jeu dans la douleur créée par le soin. Une organisation défaillante, la
méconnaissance du matériel, une mauvaise utilisation des thérapeutiques et protocoles, le
facteur stress, et bien d’autres éléments qui pourraient faire que la douleur induite
augmente lors du soin.
Le CLUD (comité de lutte contre la douleur) a réalisé plusieurs enquêtes en questionnant
des patients hospitalisés. La question posée était la suivante: “Avez vous eu mal au cours
des dernières 24h?”(Donnadieu, 2005, p.29) A cette question, 35% des patients ont eu une
réponse positive, et pour la moitié de ces personnes, il en est ressorti un lien direct avec des
actes de soins et particulièrement avec des soins infirmiers.
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Dans un article de recherche portant sur les représentations et la douleur induite, une
enquête a été menée auprès de 302 professionnels de santé (médecins, infirmiers, aides
soignants et kinésithérapeutes). A la suite de cette étude, il a été démontré que “le statut
des uns et des autres est le premier critère différenciateur des prises de positions relatives
à l’objet professionnel évoqué. Par ailleurs, l’histoire propre de l’auteur de santé, dans
son savoir et ses opinions, révèle un second marqueur particulier.” (Peoc’h, N., Lopez, G.,
& Castes, N, 2007, p.84)
Dans un second article de recherche portant sur l’identification et la prévention des
douleurs lors d’un soin intrusif, il a été relevé plusieurs raisons de non prévention de celle-
ci. Pour introduire son article l’auteur écrit : “Admettre l’existence des douleurs liées aux
soins, notamment effractifs, est le premier préalable à toute prévention. Avoir la volonté de
les prévenir en est le second.”(Emmanuelle Guillemin, 2015, p.42)
Une des principales raisons est d’avoir la capacité de les reconnaître afin de mieux les
prévenir. L’article dénonce également le fait que les soignants pourraient avoir une certaine
crainte d’affronter les médecins pour avoir une prescription de prémédication, d’antalgique
ou de pouvoir simplement discuter avec lui de la nécessité et de l'intérêt du soin.
Il est évident que la prévention des douleurs liées aux soins est une démarche individuelle
mais la dimension collective peut également être un frein à ce que le soignant voudrait
mettre en œuvre. Il a été cité comme exemple, l’organisation et la charge de travail qui
poussent les soignants à ne pas attendre les délais d’action des thérapeutiques, les rendant
ainsi inefficaces. La dimension financière qui bloquerait les délivrances par les pharmacies
de thérapeutiques types méopa, crèmes analgésiantes ou encore le refus de financer des
formations aux professionnels dans le but de développer leur compétence à ce sujet, serait
également des freins à la prévention.
Le thème de la douleur est un vaste sujet mais qui mérite toute son attention, autant sur le
plan personnel au regard de ces soins, qu’au niveau de la profession car c’est dans nos
savoirs et apprentissages que les choses peuvent évoluer.
● 4.2 Analyse des entretiens et des lectures
4.2.1 Entretien n°1 (Annexe 2)
Pour mon premier entretien, j’ai volontairement choisi de questionner une infirmière
(Mme N) qui m’avait encadrée lors de mon stage aux urgences. Elle n’a pas de diplôme
complémentaire mais elle s'intéresse beaucoup à la sophrologie. Une grande partie de mon
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questionnement de départ est basé sur sa manière de travailler et sa capacité à se poser des
questions dans le but d’améliorer ses prises en soin. Au niveau des douleurs induites, j’ai
constaté qu’elle mettait souvent des actions en place dans le but de les prévenir. C’est donc
lors d’un entretien libre, d’environ une heure, que nous avons échangé sur mon thème. J’ai
pu rebondir à plusieurs reprises sur le discours qu’elle tenait pour approfondir des points
que je trouvais essentiels pour ma compréhension. J’ai fait le choix de ne pas enregistrer ce
premier entretien de peur que cela constitue un frein à notre échange. Cette première
rencontre a été réalisé dans le but d’approfondir mon sujet et d’avoir l’avis d’une
professionnelle expérimentée. J’ai pu ainsi en ressortir des éléments pertinents pour
lesquels un questionnement et une recherche pourraient être effectués, dans le cadre de
mon mémoire.
4.2.2 Analyse et évolution de mon questionnement
Lors de cet entretien trois thèmes ont guidé notre entretien.
- Les représentations de la douleur : l’infirmière a évoqué la subjectivité de la douleur au
niveau du ressenti douloureux du patient mais également concernant la douleur qu’induit
l’infirmière lors de soins.
- Les facteurs qui pourraient faire qu’un soignant induit plus de douleurs qu’un autre : elle
me parle des compétences de communication comme une notion incontournable dans les
prises en charges de la douleur et qui selon elle, pourraient faire le contraste entre les
différentes prises en soin.
- La prévention des douleurs induites : le maitre mot de son discours est l’adaptation. Selon
elle, l’infirmière doit être en capacité d’adapter ses prises en soin en fonction des besoins et
des demandes des patients pour accéder à une meilleure prévention.
Après ce premier entretien, mon questionnement s’est précisé davantage. En effet, lors de
notre rencontre, nous avons balayé beaucoup de notions concernant la douleur induite par
les soins mais à chaque fois, elle me précisait que c'était sa façon de faire, sa vision du
soin, son ressenti ou encore que c’était sûrement de part ses expériences vécues et/ou
expérimentées qu’elle réagissait comme cela aujourd'hui.
De part son discours, j’ai compris que la prise en considération des douleurs de l’autre,
liées à un soin était en grande partie basées sur des aptitudes et volontés individuelles. Il y
aura en fait, autant de manière d’appréhender le soin que de soignants pour le réaliser.
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Cette précision me ramène à mes deux situations de départ qui démontrent bien cette
individualité dans les prises en soin. Mon questionnement à ce jour est le suivant :
Les représentations des soignants peuvent-elles influencer la prise en charge des douleurs
induites par des soins effractifs?
4.2.3 Synthèse des éléments théoriques
La douleur que va induire le soignant dans ses soins a un impact direct sur le patient. Des
conséquences immédiates peuvent apparaître sous forme de malaises, de crispations, de
sueurs... Mais il ne faut pas négliger également les conséquences à long terme qu’un soin
douloureux réalisé fréquemment peut apporter. La relation de confiance entre le soignant-
soigné peut en être altérée, la qualité de vie du patient également et le soigné peut être
amené à une rupture des soins si ceux-ci deviennent insupportables.
Du côté du soignant, l’impact de la douleur qu’il induit peut également avoir des
conséquences. Le soignant à long terme peut développer une image négative de lui même,
une non-satisfaction de son travail ; pouvant l’amener à un épuisement professionnel et à
un certain déni de cette douleur pour se protéger.
Lors de mes lectures j’ai relevé un constat intéressant réalisé par les auteurs d’un article de
l’infirmière magazine n°236.
Dans les fiches techniques et protocoles, les actions relevant de la prévention de la
douleur ne sont pas incluses dans le déroulement des soins, contrairement aux
précautions d'hygiène par exemple. Les protocoles de prévention et de prise en
charge de la douleur, lorsqu’ils existent, sont dissociés du protocole de soins. Cette
situation complique la réalisation du soin… (Thibault Pascale, & Cimerman
Patricia, 2008, p.9)
Dans de nombreux écrits, plusieurs freins à l’utilisation des moyens de prévention
médicamenteux contre la douleur sont énoncés par les soignants. Tout d’abord l’utilisation
de ses produits nécessite des connaissances pharmacologiques qui ne sont pas toujours
évidents et qui dissuadent de leur utilisation ou qui diminue leur efficacité s'ils ne sont pas
utilisés correctement. Ces moyens de prévention nécessitent obligatoirement une
prescription médicale si ils ne sont pas inscrits dans un protocole de soin signé. Cet aspect
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législatif va demander à l’infirmière de se positionner face au médecin pour lui prouver le
besoin d’antalgique lors de cet acte.
Les délais d’action des traitements, la non disponibilité dans l’immédiateté de certains
produits vont parfois obliger l'infirmière à réorganiser ses soins et à en reporter certains
pour permettre une prise en charge optimum de la douleur. Il est important de garder à
l’esprit que la prévention des douleurs s’inscrit dans les devoirs et les compétences de
l'infirmière et dont elle devra porter une attention particulière.
Les représentations des soignants portées sur les soins et la douleur qui leur est associée,
ont toute leur importance dans le choix des modes de prévention. J’ai pu remarquer lors de
mes stages que personne ne porte la même sensibilité à ce sujet. J’ai pu constater, sans
jugement bien sûr, que les médecins n’avaient pas le même rapport en général que les
infirmiers à ce sujet. Je pense que l’on peut l’expliquer car ils ne sont pas en première ligne
lors des soins et ne vivent donc pas directement la douleur ressentie par les patients. C’est
dans ce contexte que j'introduirai la difficulté pour l'infirmière de se faire prescrire des
moyens antalgiques médicamenteux en amont de leurs soins. J’ai pu constater que très
fréquemment les infirmières ont des difficultés à se faire entendre face à des prises en soins
difficiles en lien avec les douleurs rencontrées. Les exemples les plus courants que je
pourrais citer sont en lien avec des pansements, nécessitant des réfections fréquentes et des
curages et pour lesquels la notion de douleur est prédominante. Aucun protocole
incorporant la prévention de ces douleurs n’est à ce jour proposé pour ce type de soin.
La prévention par des techniques médicamenteuses ne peut être décidée que sur le simple
raisonnement clinique de l’infirmière. Elle va être en réalité le point de départ d’une
réflexion d’équipe où le seul à pouvoir prendre la décision finale sera le médecin.
Après plusieurs études, les tests et enquêtes des techniques non-médicamenteuses simples
et accessibles à tous ont prouvé leur efficacité. Bien évidemment elles n'empêchent pas
l’utilisation des thérapeutiques, mais elles peuvent être un bon complément ou substitut si
celles- ci ne peuvent être utilisés. Parmi mes recherches une théorie a particulièrement
attiré mon attention ; le gate control.
Cette théorie publiée par Ronald Melzack et Patrick Wall dans les années soixante,
démontrerait l’existence d’un messager à la surface de peau capable de diminuer la
sensation douloureuse. Celui-ci serait stimulé par le massage ou la pression sur la peau.
~ 13 ~
L’utilisation du principe du gate control lors des injections intramusculaires a été
enseignée de façon empirique à de nombreuses infirmières. Malgré la confirmation
physiologique que ce geste simple réalisé juste avant de piquer le patient est
efficace, il n’est pas systématiquement utilisé ni inscrit dans la pratique... Pourtant,
il suffit de désinfecter la zone destinée à être piquée de façon appuyée pour que le
patient s’étonne de n’avoir rien senti lorsque l’infirmière enfonce l’aiguille.
(Thibault Pascale, & Cimerman Patricia, 2008, p.9)
4.2.4 Avancement de mon questionnement après lecture
Les représentations des soignants et des patients sur les facteurs influençant cette douleur
sont complètement opposées. Dans un cours de la faculté de médecine de Toulouse, ils font
référence à une enquête ASTRA/SOFRES qui a étudié les facteurs qui influencent la
douleur des gestes invasifs. Il est ressorti de cette enquête que du point de vue des
soignants le type de produit ou bien la répétition des actes invasifs étaient en première
ligne dans l’influence de ces douleurs. Au contraire, pour les patients auditionnés, ce serait
lié à l’infirmière elle-même en charge de réaliser ce soin. "Ce décalage montre qu’il est
nécessaire en matière de douleur induite d’écouter ce que les patients ont à nous dire
(écoute active, enquêtes) pour rectifier nos croyances et générer une réflexion.” (Quintard
Martine, & Olivier Michel, 2010, p.9)
Ce constat me prouve donc que mon questionnement à ce sujet mérite d’être approfondi.
Mes recherches sur les représentations, m'ont permis de démontrer la complexité du
fonctionnement humain dans sa relation à l’autre. Cette relation qui est guidée en grande
partie par les représentations de l’individu, va avoir un impact direct sur la prise en soin.
4.2.5 Entretien n°2 (annexe 2)
J’ai décidé de rencontrer une infirmière (Mme R) qui a exercé pendant une dizaine
d’années dans un service de médecine. Elle n’a pas de formation complémentaire à celle
initiale à la formation d’infirmière, ni d’expérience dans d’autres domaines que celui du
soin. J’ai choisi de mener cet entretien semi-directif, à l’aide d’un questionnaire à réponses
ouvertes regroupant des grands thèmes en fonction de l’avancement de mes recherches et
de mon questionnement. Ce formulaire m’a permis de préciser mon étude et de pouvoir
cibler certains éléments de recherche tout en laissant la possibilité à la personne d’aborder
le thème de la manière qu’elle souhaite. J’ai enregistré cet entretien avec son accord pour
~ 14 ~
pouvoir faire une analyse à posteriori des éléments que nous avions abordés et me
permettre de retranscrire certains de ses propos par verbatim.
4.2.6 Analyse et évolution de mon questionnement
Lors de cet entretien l’infirmière a énoncé plusieurs éléments pouvant influencer le regard
des professionnels, notamment dans un contexte de douleurs induites.
Elle évoque la notion d’identité professionnelle dans lequel l’infirmier va se développer et
évoluer tout au long de sa carrière. Elle m’a illustré cette réflexion par l’exemple de
l’infirmière “relationnelle” et de l’infirmière “technicienne”. Je peux mettre en relation
cette notion avec le discours de Mme R, lors de mon premier entretien qui m’avait
également évoqué cette distinction. Dans la littérature, l’identité professionnelle se définit
par la mise en relation de sa propre identité avec un groupe d’appartenance dans une
profession bien définie. La profession évolue dans une identité générale et par des
caractères historiques.
Ce que je comprends de ce concept, c’est qu’il a un lien direct avec les représentations du
soignant, qui vont faire de l’individu un être unique évoluant dans une profession bien
définie par des normes et des valeurs précises. La notion d’expérience et de parcours
professionnel a également été abordés lors de cet entretien rejoignant la pensée de
l’infirmière de mon premier entretien qui l’évoquait également comme un point important
dans l’analyse des situations de soins. J'introduirai également le positionnement soignant
face à la douleur de l’autre, à ce stade de mon analyse. A plusieurs reprises, elle me parle
de la subjectivité de la douleur. Cette subjectivité amène parfois une complexité dans
l’évaluation et la prévention de celle-ci. Je me demande donc si cette subjectivité ne
pourrait elle pas constituer un frein dans la prise en charge de la douleur. Dans le discours
de l’infirmière, il me semble en comprendre que, ce que la douleur de l’autre peut renvoyer
à titre personnel peut également avoir un impact sur son évaluation. Le fait d’occulter la
douleur que l’on va induire ne constituerait-il pas un mécanisme de défense utilisé
inconsciemment par le soignant pour se préserver des émotions que la situation peut lui
susciter. Mme R me dit : “Si je ne suis pas attentive à la souffrance du patient, forcement
mon soin n’aura pas été douloureux...” On pourrait également chercher à comprendre si la
sensibilité personnelle du soignant au ressenti de la douleur et à la manière dont il a de se
projeter à la place du patient pourrait avoir un impact sur sa prévention. Certains soins
~ 15 ~
peuvent être appréhendés par l’infirmière en charge de le réaliser et une projection peut
alors s'effectuer empêchant une analyse personnalisée de la douleur de l’autre.
● 4.3 Synthèse enquête exploratoire
J’ai compris aujourd’hui qu’il n'y a pas d’infirmière parfaite, ni de patient idéal mais juste
une complexité dans le prendre en soin qui nécessite de se questionner sans cesse.
Toutes mes lectures et mes deux entretiens libres m’ont permis de préciser mon
questionnement de départ. Lors de mes lectures, j’ai trouvé également des éléments de
réponses à ce questionnement qui m'ont donc poussé à approfondir celui-ci.
“Cette recherche qualitative met en évidence que les représentations professionnelles de
chaque soignant influenceraient leurs pratiques.” (Peoc’h N, Lopez G, & Castes N, 2007,
p.93)
L’analyse croisée des deux entretiens avec mes lectures m'a permis de réunir les
paramètres prédominants sur ce thème de recherche. Lors de mon premier entretien
l’infirmière a mis en avant la place des représentations du soignant dans la gestion de la
douleur. Après analyse de son discours, mis en corrélation avec mon second entretien et
mes lectures, les représentations de l’infirmière constituent donc sa réalité. Au vu des
définitions de ce terme détaillé en amont, j'en déduis donc que les représentations font
partie intégrante de l’identité professionnelle et du positionnement soignant dans lesquelles
l’infirmière va se développer. La notion d’expérience a été évoquée par les deux
infirmières lors de mes entretiens. Au regard de mes lectures, il est évident que
l’expérience enrichit les savoirs, et donc la finesse de l’analyse clinique. De plus, elle
apportera une certaine aisance et assurance dans la prise en soin qui permettront à
l’infirmière de se positionner et ainsi de respecter au maximum ses valeurs. Dans la
littérature professionnelle, la relation soignant-soigné est souvent mise en avant. Elle
permet d’instaurer un climat de confiance avec les patients et ainsi leur permettre de se
sentir reconnus et écoutés. “Cette attention induit un sentiment de confiance lui permettant
de se détendre, d’être plus accessible à la relation et d’augmenter son seuil de tolérance à
la douleur.”(Emmanuelle Guillemin, 2015, p.43)
Lors des entretiens, les deux professionnelles m’ont parlé de l’importance de cette
relation. L’une a introduit cette notion au regard de la communication, de l’écoute et du
~ 16 ~
soutien avec le patient. L’autre l’a introduit plutôt au regard des émotions et des réactions
que cette relation suscite chez le patient comme chez le soignant. J’ai également échangé
avec Mme R, sur la projection face aux soins effractifs que l’infirmière réalise ; ce que la
douleur de l’autre renvoie au soignant et comment fait-il pour la gérer. Je n’ai pas trouvé, à
ce jour, dans la littérature d’écrit introduisant ces éléments dans la prévention de la
douleur.
Lors de mes lectures, j’ai été intéressée par les différentes techniques non
médicamenteuses existantes dans la prévention des douleurs induites. La théorie du gate
control et le toucher conscient m’ont suscité une attention particulière. Se sont des
techniques non médicamenteuses qui peuvent être utilisées par l’infirmière de part son rôle
propre et qui ont démontré leur efficacité après nombreux tests et enquêtes.
Lors des entretiens, nous avons abordé à plusieurs reprises les techniques médicamenteuses
et la nécessité donc d’une prescription médicale associée qui peuvent complexifier parfois
la prise en charge de la douleur du patient. Mme N, m’a également parlé d’une technique
qu’elle utilise facilement, celle de la diversion. Je me demande donc si ces techniques,
applicables sur rôle propre, sont reconnues efficaces par les soignants dans notre
profession.
Pour la suite de ce travail, j’ai retenu le terme d’identité professionnelle qui me semble
être le plus approprié. Il regroupe effectivement tous les termes abordés précédemment à
savoir, la relation soignant-soigné, l’expérience, le positionnement professionnel, la notion
de projection dans les prises en soin.
Mon questionnement à ce stade de mon travail est :
L’identité professionnelle peut-elle influencer la prévention et la priorité que
l’infirmier va donner à la douleur induite lors de ses soins, auprès de patients
adultes?
~ 17 ~
5. ENQUÊTE APPROFONDIE
● 5.1 Méthodologie suivie pour cette phase exploratoire
Le point de départ de ma réflexion pour cette deuxième phase de mon travail part du
constat que la douleur des patients est dans la majeure partie du temps entendue par le
personnel soignant mais qu'elle peut être différente dans l’interprétation que l’on peut en
faire. L’infirmière va en réalité réagir et adapter sa pratique face à la douleur exprimée par
le patient et en fonction des représentations qu'elle fera de celle-ci.
J’ai pu lors de ma phase exploratoire réaliser que devant une expression identique des
patients face à une douleur ressentie, les soignants vont avoir une manière très différente et
individuelle de réagir. Dans cette enquête approfondie, je vais donc chercher à comprendre
les éléments qui pourraient créer cette différence de réaction et d’action mises en place,
dans le but de mieux comprendre et de pouvoir par la suite en avoir conscience pour
adapter ma posture professionnelle. Pourquoi pas également, pouvoir sensibiliser d’autres
soignants à cette approche multidimensionnelle que compose la subjectivité de la douleur
de l’autre.
Pour faire suite à la phase exploratoire de mon travail, j’ai donc réalisé un guide d’entretien
(Annexe 4). Il m’a permis de mener des entretiens en ciblant davantage mon
questionnement et de confronter mes recherches et mes constats avec des appréciations de
professionnels sur le terrain directement impliqués par le thème de mon étude. Cet outils
composé de dix questions, se décline en quatre partie. Tout d’abord, je m'intéresse à la
présentation de la personne; puis je questionne les douleurs induites par les soins, les
représentations soignantes et la relation soignant-soigné. Composé de questions ouvertes, il
nous a permis lors de notre rencontre, d'introduire des questionnements mais de ne pas
s'enfermer dans une réponse déjà induite et de favoriser l'argumentation de la personne
interrogée. Pour chaque partie de mon guide d'entretien, j'avais au préalable annoté des
concepts en lien qui m'ont aidé à rebondir quand notre échange déviait de mon thème ou
quand notre échange s'appauvrissait.
Pour réaliser cette enquête approfondie, j’ai trouvé pertinent de rencontrer trois
professionnels qui travaillent en milieu hospitalier dans des secteurs de soins différents.
Cela m'a permis de confronter leurs avis avec leur expérience personnelle et
~ 18 ~
professionnelle quotidienne. Les entretiens ont tous été enregistrés avec leur accord pour
me permettre de retranscrire de manière fidèle certains de leurs propos.
Le premier a été réalisé auprès de Mme C, 48 ans, qui exerce actuellement dans un service
de médecine. Elle est diplômée depuis une dizaine d’années et a également une expérience
d’aide soignante pendant de nombreuses années. Au cours de notre entretien, elle m’a
confié avoir également un vécu important en tant que patiente, expérience qui a apporté
évidement un plus lors de notre échange sur la compréhension que le soignant et le soigné
peuvent avoir du mot “soin” de manière générale. De plus, cet entretien m’a permis de
recueillir son avis de professionnel exerçant dans un secteur de soin avec de nombreux
patients. Elle n’a pas de diplôme complémentaire à la formation initiale infirmière.
Le second, je l’ai réalisé auprès d’un infirmier, Mr O, 49 ans, infirmier depuis 26 ans. Il a
exercé dans différents services de chirurgie et de médecine avant de prendre poste depuis
18 ans dans un service d’urgence. Cet entretien m’a permis d’avoir l’avis d’un
professionnel travaillant souvent dans des situations d’urgence et dans un service où les
soins effractifs sont très présents. Il a une formation de gypsothérapie en complément de
son diplôme d’état. Il m’explique également avoir une sensibilité particulière à l’hypnose,
qu’il pratique de manière informelle par “imitation” d’un de ses collègues qui lui a suivi
une formation complète.
Le troisième entretien, j’ai choisi de le mener avec, Mme A, 40 ans, aide soignante pendant
dix ans. Elle a pu évoluer grâce à une promotion professionnelle vers la profession
d’infirmière, il y a maintenant dix ans. Ses expériences professionnelles ont toujours été
dans les services de rééducation; domaine qu’elle affecte tout particulièrement. Elle est
titulaire depuis huit ans d’un diplôme universitaire sur la douleur, ce qui m’a permis
d’avoir l’avis d’une personne plus experte dans ce domaine.
A la suite de ces trois rencontres, j'ai réalisé un tableau récapitulatif regroupant les analyses
des entretiens par thème (Annexe 5). Grâce à ce tableau, j'ai pu analyser de la manière la
plus juste possible les propos des soignants et d'en ressortir les différences de points de
vue, les éléments qui reviennent fréquemment et les différentes visions des professionnels;
afin de guider ma réflexion de manière la plus réalistes possible.
~ 19 ~
● 5.2 Analyse des entretiens
Je tiens à relever que les trois soignants interrogés se situent dans la même tranche d'âge
(40-50 ans), on peut donc en supposer qu’ils aient une conception de vie similaire.
Néanmoins, ils diffèrent dans leurs expériences professionnelles et personnelles. La
confrontation de leurs idées est donc intéressante car chacun amène des points de vue très
variés.
➤ La douleurs induites par les soins.
Dans un premier temps, j’ai demandé aux soignants de me donner trois mots clés qui
caractérisent au mieux celle-ci. Les réponses apportées me paraissaient complètement
contradictoires au départ, mais ont été au final très intéressantes à décomposer.
J’ai pu au fil de chaque entretien les mettre en relation avec le discours qu’ils tenaient à ce
sujet et faire un lien entre leurs représentations et les mots clés donnés.
Les mots clés de Mme C, sont “Peur, Passages Obligés”, termes pour lesquels j’associe
une consonance assez négative. J’ai pu comprendre à la suite de notre échange que ce sont
des termes, auxquels elle pense toujours lorsqu'elle va réaliser un soin qui va selon elle
amener forcément de la douleur. A ces deux mots, elle introduit également le terme de
“rôle infirmier primordial” qui me permet de faire un lien avec nombreux de ses propos
dans lesquels elle prend son rôle infirmier très à cœur et pour lequel elle engage une
réflexion fréquente dans le but de réadapter ses compétences.
Les mots cités par Mr O , “Fréquente, Gérable et Évitable”, sont totalement en accord
avec son discours et des possibilités qui lui sont allouées dans le service où il exerce.
Mme S, cite “Sensibilité personnelle, Préparation du soin et Accompagnement.”; terme
pour lesquels j’associe les compétences qu'elle a développé lors de son diplôme
universitaire.
Tous ces mots clés m’ont permis de constater que chaque soignant a des projections très
différentes concernant les douleurs induites mais que pour autant ils portent tous une
attention particulière à celle-ci.
Aucun soin spécifique n’a été décrit par les soignants comme induisant le plus de douleur.
Les pansements ont tout de même été évoqué deux fois. Mme C et Mr O ont surtout mis en
~ 20 ~
avant des douleurs durables que va amener la chronicité des plaies, plus que sur celle que
vont amener les soins.
Mme C, a également introduit l'appréhension de certains soins qui pourraient rendre la
prévention des douleurs induites moins évidente. “Les soins que j’appréhende le plus à
réaliser sont ceux , pour qui la douleur sera moins facile à gérer."
La notion de stress a été mentionnée à plusieurs reprises par les trois soignants. Ce stress
présent pour diverses raisons lors des hospitalisations est relevé comme une composante
pouvant intensifier le ressenti douloureux du patient. Pour Mme S, le contexte émotionnel
du patient constitue une grande partie du message douloureux imprimé par le cerveau.
Le seuil de tolérance a été décrit de manière unanime comme un paramètre
multidimensionnel et individuel. Il en découle donc des différences dans le ressenti
douloureux d'un patient à un autre, et d'un jour à un autre. "Je suis convaincu que chaque
personne a un seuil de tolérance différent en fonction de sa personnalité, de son vécu
antérieur et de son état psychologique et physique du moment." (Mme C)
De cette réflexion sur le seuil de tolérance, la notion d'inégalité face aux ressentis
désagréables a été introduite. "Nous ne sommes pas tous égaux aux stimulis douloureux car
nous n'avons pas tous les mêmes récepteurs à la douleur". (Mme S) Il a été suivi par le
concept d'individualisation des soins et de son importance dans la prévention et la
compréhension des douleurs induites. A plusieurs reprises, les soignants ont évoqué le fait
que la douleur des uns n'est pas forcément la douleur des autres, et que le patient doit être
considéré comme un individu unique pour adapter au mieu ses soins. "... il ne faut pas
banaliser, et adapter sa façon de faire en fonction du patient dont on s'occupe".
Au sujet de la tolérance à la douleur et des différences qu’elle peut engager d’un patient à
un autre, Mr O, m’a parlé d’une grande évolution à ce sujet, dans le service des urgences.
Le fait d’avoir dans ce type de service une présence médicale jour et nuit et du matériel à
disposition facilite grandement les prises en charge. Il m’explique également qu’ils
travaillent beaucoup sur protocole et que cela leurs permet de réagir rapidement en
fonction de leur analyse clinique. Certains traitements comme le méopa sont très souvent
utilisés dans son service dans le soulagement des douleurs aiguës et induites. “Pas besoin
de médecin pour nous valider la prescription médicale, nous avons été formés et nous
l’utilisons très fréquemment dans des contextes de douleurs induites ou autres".(Mr O)
~ 21 ~
Je m’interroge donc sur les raisons qui font qu’aux urgences il y a la possibilité de l’utiliser
sur protocole alors que dans beaucoup d’autres services celui-ci n’est pas présent.
Le gâte control, est une théorie peu connue du personnel interrogé. Le principe de
courcicuiter le message douloureux par un tapotement ou par un toucher appuyé a
démontré une efficacité non négligeable dans plusieurs études lors de soins effractifs. Je
me demande donc si les soignants avaient connaissance de cette théorie, l'utiliserait t'il au
quotidien?
➤ Les représentations.
Le besoin de formation et l’avantage qu’elle peut apporter ont été évoqué dans mes trois
entretiens. Mr O et Mme C, qui n’ont pas de formation complémentaire concernant la
douleur souhaitent vivement pouvoir en suivre une pour acquérir de nouveaux savoirs à
mettre à disposition des patients mais également à leurs collègues. Une formation pourrait
leur permettre d'avoir des échanges constructifs avec leur pairs et de faire évoluer les soins.
Mme S, qui elle a un diplôme universitaire douleur qualifie sa formation comme un plus
non négligeable dans les savoirs qu’elle lui a apporté. “Cette formation ne m’a pas plus
sensibilisée à la douleur des patients mais elle m’a donné les bonnes cartes pour agir…”
Elle ajoute le fait que son expertise est très appréciée par ses collègues et qu’on lui
demande souvent conseil.
Je fait donc un flash back sur mes analyses de situations en début de travail et me
questionne sur les raisons qui auraient poussées l'infirmière à ne pas mettre de moyen
préventif avant son soin. Il est évident que pour elle la douleur qu’elle allait induire n’était
pas sa priorité et que cela était en grande partie lié aux représentations qu’elle pouvait avoir
de ce soin :“ce n’était pas si terrible que ça”. Mais aujourd'hui, et après expertise des
données je me demande si elle était assez formée ou même informée des moyens possibles
dans la prévention des douleurs. Son jugement n’était-il pas tronqué par un manque de
connaissances sur les moyens de prévention mis à disposition ? un manque d’expérience?
ou bien des valeurs personnelles et professionnelles qui ne font pas de la douleur de l’autre
une priorité...
Un autre exemple m’a été cité lors d’un entretien, celui de la prévention des douleurs liées
aux soins chez les enfants. Certaines personnes seraient plus attentives à leurs douleurs
plutôt qu'à celle de l’adulte. Mais que constitue cette différence? Un défaut d’empathie ?
~ 22 ~
Une projection à la douleur qui pourrait être vécue par ses propres enfants ? ou de part des
représentations qui dicteraient les enfants comme plus vulnérables à la douleur ?
J’ai introduit la notion d’identité professionnelle lors d’un entretien. De nombreux
éléments la composent tels que les valeurs personnelles, les expériences antérieures dans la
profession, la maturité... Mme C, m’a à plusieurs reprises exprimé le fait que ses valeurs
personnelles et professionnelles sont des éléments avec lesquelles elle souhaite être en
accord. Elle introduit la notion de frustration quand elle trompe ses valeurs. Cette réflexion
me ramène à penser que travailler dans la frustration ne permet pas au soignant d’avoir une
ouverture d’esprit et de pouvoir prendre en compte la personne dans sa globalité.
L’expérience et la maturité ont été cités comme des facteurs aidants dans la relation et
réflexion concernant les démarches de soins.
La notion de stress et d’appréhension des soins ont été relevées comme des points
importants pouvant influencer les douleurs induites dans la majorité de mes entretiens. Les
techniques non médicamenteuses citées ont toutes été mises en relation avec ces notions
dans le but de prévenir les douleurs liées à un soin. L’hypnose a été mentionné par deux
infirmiers comme bénéfique pour les patients. Malgré que Mr O, n’est pas de formation
spécifique à la pratique de celle-ci, il s’en inspire et y trouve des bénéfices non
négligeables dans la prise en charge globale du patient. Mme C, elle, a pu l’expérimenté à
titre personnelle lors de soins et y a trouvé un grand intérêt dans le soulagement du stress et
de la douleur qui leurs sont associés.
Ensuite, je mettrai en lien deux techniques citées par Mr O et Mme S. La cohérence
cardiaque que Mme S utilise de manière non officielle en accord avec les patients et qui se
révèle une technique efficace et très appréciée des patients. Elle utilise une application sur
son téléphone qui consiste à adapter sa respiration sur un rythme sonore afin de réguler son
rythme cardiaque et ainsi avoir un effet anxiolytique. “...La cohérence cardiaque a un effet
anxiolytique reconnu et elle est très intéressante à utiliser lors de soins douloureux qui
durent longtemps…”(Mme S)
La seconde est celle de la respiration accompagnée que Mr O pratique régulièrement en
accord avec les patients qui sont en capacité de l’exercer. Elle s’inspire de la cohérence
cardiaque car elle consiste à faire respirer le patient en même temps que lui sur un rythme
d’inspiration et expiration lent et profond. A cette technique il lui rattache deux avantages :
“Cela permet au patient de diminuer son stress grâce à une respiration moins rapide et de
~ 23 ~
le faire également se concentrer sur sa respiration et non sur l’environnement qui
l’entoure”.(Mr O).
Je peux donc faire le lien avec le principe de distraction. Lors de mon premier entretien
pour ma phase exploratoire, l’infirmière m’avait déjà introduit ce concept comme très
aidant dans les rapports avec le patient lors d’un soin douloureux. Engager une discussion
sur des sujets captivants permet aux patients de se détacher du moment douloureux qu’il
est entrain de vivre.“Les femmes tu les fais parler de leurs gamins, ça marche à tous les
coups”.(Mme N)
Mr O et Mme S utilisent fréquemment la distraction également dans leur prise en soins. Le
fait de faire dévier les pensées du patient vers quelques choses d’agréable, est un moyen
efficace pour diminuer le stress présent et de détourner le patient de la douleur présente.
J’introduirai également à se moment de mon analyse le discours de Mme C qui annonce la
communication comme primordiale dans la relation avec les patients. Elle va permettre au
patient d’être rassurer et de comprendre la nécessité des soins qui lui sont prodigués, d’être
écoutés et rassurés. De plus, le comportement du soignants à l'égard du patient va lui
prouver notre authenticité, notre disponibilité , notre capacité d’empathie et de regard
positif sur lui. Selon Carle Rogers, étudié lors de mes études, ses attitudes seraient
fondamentales dans la relation à l’autre, d’autant plus importante dans un contexte de soins
où le patient est en position de vulnérabilité. Mme S, ajoute à un moment de son discours :
“plus que des techniques médicamenteuses, je pense que des qualités relationnelles sont
bénéfiques pour prévenir des douleurs induites”. Selon elle, le travail en binôme serait
également essentiel pour le bien être du patient. “Quand les soins sont réfléchis à deux,
c’est toujours mieux...On a chacun son rôle et des visions différentes des soins…” Ce
propos me renvoit à mes propres expériences vécues quand j'exerçais en tant qu’aide
soignante. Le travail en binôme est une aubaine quand il est question de douleur induite.
Effectivement, chacun a un rôle bien précis centré sur le bien être du patient qui se montre
intéressant dans ce genre de situation.
➤ La relation soignant soigné.
Beaucoup de facteurs ont été décrits lors de mes entretiens comme importun dans la
relation soignant soigné et pouvant donc rendre certaines situations plus difficiles à gérer
pour le soignants. En majorité, les émotions ont été relatées comme indispensables dans la
relation soignant soigné mais pouvant créer également des incommodités. Mme C, me
~ 24 ~
parle de situation pour elle difficile à gérer dès lors qu’elle effectue une projection sur la
situation et que ses émotions sont trop présentes. “Les situations où je suis touchée
émotionnellement sont plus difficiles à gérer”. Elle essaye de les reconnaitre au maximum
pour ne pas qu’elles deviennent gênantes dans la relation. Mr O, lui, m’explique que grâce
à son expérience dans la profession il a appris à gérer ses émotions et surtout à reconnaître
ses limites, ce qui lui permet de se préparer à certaines situations ou de passer le relais si
cela est possible. Mme S ne m’a pas apporté de réponse concernant une composante
pouvant la gêner dans la relation avec les patients mais plutôt ce qu'elle trouve bénéfique.
Elle introduit tout de même le concept d’empathie que je trouve intimement lié à celui des
émotions. Je suis persuadée que le soignant va avoir de l’empathie envers un patient en
réponse aux émotions qui vont l’animer dans la relation avec lui; et que ces deux concepts
en finalité ne font qu’un. Mme S, m’explique que lors de situations difficiles ou la douleur
du patient est très présente, elle va essayer de mettre son empathie de côté de manière à
être plus dans l’analyse et la compréhension de la situation et pouvoir à posteriori rectifier
pour que cela n’arrive plus. Je trouve intéressant de mettre en relation ces trois discours car
les émotions sont individuelles mais qu’il faut en avoir conscience car elles peuvent être
gênantes parfois dans la relation avec les patients si celles-ci sont trop présentes ou encore
pas reconnues par le soignant lui même. Certains mécanismes de défense, tels que
l’évitement, la banalisation, la dissociation ... peuvent se mettre en place pour lutter contre
le malaise interne que le soignant est en train de vivre et qui sera dommageable pour le
patient. Quand Mme C, nous parle de “projection” avec les patients, cela constitue un
mécanisme de défense contre ses propres émotions devenant gênant dans la relation.
Après avoir écouter et analyser ces entretiens, je pense en comprendre que le soignant ne
peut “bien soigner” que si il sait reconnaître ses émotions, ses difficultés et que cela sera
utile à son perfectionnement et à l’amélioration de ses pratiques.
Des points clés dans la relation soignants soigné ont été relevés par les infirmiers. La
relation de confiance, l’importance du toucher relationnel ou thérapeutique, l’authenticité,
le sourire et la posture du soignant dès l’entrée dans la chambre du patient vont être les clés
permettant de faciliter la relation entre le soignant et le soigné dans des contextes qui sont
parfois peu propices aux échanges. "Ce que tu renvoies au patient dès l'entrée dans la
chambre facilite l'échange et donc indirectement la confiance entre le soignant et le
soigné". Je fais un parallèle avec les concepts d’identité professionnelle et de posture
professionnelle, exposés en première partie de ce travail, et de l’impact qu’elle peut avoir
~ 25 ~
dans l’accompagnement des patients. Je trouve capital de relever comme composante
essentielle dans la prise en soins des patients, la cohérence et la cohésion d’équipe que
Mme S m’a très bien décrites et mises en relation avec l’importance du travail en binôme
dans les soins procurés aux malades.
● 5.3 Synthèse
Je tiens à souligner que ce travail ne représente qu’une partie infime de la population
soignantes et n’est donc pas généralisable. Cependant, elle constitue la base d’une
réflexion qui pourrait être élargie à l’ensemble du personnel médical et paramédical car la
douleur est un sujet auquel nous avons tous et serons encore tous confrontés dans notre
carrière.
Au cours de tous mes entretiens réalisés dans le cadre de ce travail, j’ai réalisé que ma
réflexion de départ, qui concernait les soignants et la prise en compte de la douleur des
patients lors des soins était erronée. Mes deux analyses de situations qui relatent des
situations vécues et qui opposent deux soignants dans leurs prises en charge de la douleur
induite est en fait loin d’être la réalité. A ce niveau de mon travail, je remet donc en
question une phrase que j'ai écrite précédemment : “Dans toutes les situations que j’ai pu
vivre et observer, j’ai remarqué qu’une majorité des soignants minimise la douleur qu’ils
peuvent induire.” Après recherche et réflexion à ce sujet, je peux maintenant critiquer ce
premier constat. Je pense en fait que les soignants ne minimisent pas la douleur qu’ils
induisent mais plutôt qu'ils ne savent pas réagir face à celle ci car elle implique plusieurs
problématiques. Est ce le manque de formation? Le manque d’expérience? La
communication verbale et le choix des mots qui sont parfois mal adaptés? Un défaut
d’évaluation de la douleur? Un positionnement encore fragile face à une équipe médicale et
paramédicale ? … Tant d'hypothèses qui pourraient donner du sens à mon questionnement
de départ, à savoir : L'identité professionnelle peut elle influencer la prévention et la
priorité que l’infirmière va donner à la douleur induite lors de ses soins, auprès de patients
adultes?
A la suite de mes entretiens, j’ai pu établir un premier constat : les soignants sont dans la
grande majorité très impliqués dans la prise en charge de la douleur. En effet, lors des cinq
~ 26 ~
entretiens réalisés dans le cadre de ce travail; tous ont répondu comme étant très impliqués
sur ce sujet.
Les trois entretiens de ma phase approfondie m’ont permis également de répondre
schématiquement à ma question de départ. L’identité professionnelle dans laquel le
soignant se construit et évolue tout au long de sa carrière guide inévitablement ses choix
quand il s’occupe des patients. Un article portant sur l’identité professionnelle m’a
également fait comprendre que l’identité professionnelle n’est pas figée dans une
représentation commune à la profession infirmier mais bien construite en rapport à des
éléments très personnels et singuliers, qui vont évoluer à tout moment en fonction des
expériences, des acquis supplémentaires… Dans cet article, Anne Vega ethnologue a
cherché à démontrer que le poids des représentations sur la profession d’infirmier peut
parfois guider le soignant à se construire selon ses caractéristiques.
La fonction d’infirmière technicienne resterait valorisée dans le système français
où perdure l’image gratifiante de la collaboration médicale au détriment des
activités de soins, de bien-être et de confort auprès du patient qui, elles, restent
trop souvent “ingrates”, en tout cas peu valorisantes aux yeux des équipes
médicales et paramédicales. (Ledesma L, 2014, p.2)
L’infirmière Mme R, lors d’un de mes premiers entretiens m’avait également parlé de la
distinction de ses deux identités professionnelles et que cela pouvait influencer le
raisonnement clinique. Même si l’infirmière n’est pas clivée dans un type d’identité, celle-
ci peut tout de même guider ses priorités et son analyse clinique.
Je suis convaincue que les personnes interrogées ont répondu à mes questions de manière
franche et sincère mais je suis consciente également que parfois des écarts entre nos
valeurs soignantes et nos manières de faire peuvent s’observer. Mais alors, pourquoi les
soignants agiraient t’ils dans le non respect de celle ci dans certaines situations? Est ce que
les infirmières dites techniciennes ne s’autorisent elles pas à être relationnelle dans
certaines situations?
Une notion que je trouve essentielle a été abordée à plusieurs reprises lors de cette
recherche. Le stress et la douleur sont intimement liés. Mes lectures m’ont permis de
~ 27 ~
confirmer cet aspect notamment dans les situations de douleurs induites et de pouvoir en
développer un nouveau raisonnement. Dans un ouvrage sur les moyens non
pharmacologiques utilisés dans la prise en charge des douleurs, un paragraphe a tout
particulièrement attiré mon attention et mis en lien les propos des soignants avec qui je me
suis entretenue.
“La douleur physique engendre de l’anxiété, de l’angoisse, de la peur, de la détresse.”
(Thibault et Fournival, 2012, p.21) Ce propos confirme les notions évoquées auparavant
par les infirmiers. Il est également ajouté que la douleur du patient doit être évaluée en
incluant toutes ses composantes, en questionnant également le vécu du patient.
Quand le soignant utilise des méthodes non pharmacologiques, le soignant ne
cherche pas systématiquement à savoir si “c’est de la peur ou de la douleur”, il
propose un ou des moyens efficaces tant sur la sensation douloureuse que sur les
émotions vécues par le patient. (Thibault et Fournival, 2012, p.21)
Cet écrit pointe du doigt la relation étroite entre la douleur et le stress du patient possible
lors de certains soins. J’ai pu expérimenter dans les services de soins que l’évaluation de la
douleur effectuée grâce à divers outils mis à notre disposition est faite de manière naturelle
par les soignants. Mais il n’en est pas de même pour l’aspect plus psychologique et du
vécu du patient. Je me demande donc si cela ne serait pas délétère dans la prise en soins?
Notre observation clinique nous permet de comprendre et d’adapter nos soins en s’adaptant
à chaque patient. Est ce qu’une évaluation portant sur le stress et les ressentis des patients
nous permettrait de pouvoir adapter davantage nos soins et préventions de manière
individualisée aux problématiques et ressentis de chaque patient?
Je tiens à relever que le facteur stress a été mis en avant dans la majeure partie des discours
soignants comme étant un facteur important à prendre en compte pour prévenir au mieux
les douleurs lors de ces soins. J’en comprend que les soignants sont conscients du poids de
ce phénomène dans la prévention des douleurs induites mais qu’ils ne connaissent pas ou
peu les clés pour y palier.
J’ai pu analyser lors de mes entretiens que la relation de confiance avec les patients
constituait une dynamique précieuse dans le lien et l’échange créés avec les patients. Elle
va permettre aux patients de se livrer au soignant de manière juste, sans se mettre de frein
~ 28 ~
et permettra dès lors au soignant de s’adapter. Cette relation de confiance va instaurer un
environnement sécurisant autour du soigné qui permettra de diminuer également le stress
vécu par celui ci. Je soulignerai une phrase écrite dans un paragraphe portant sur les
objectifs d’une prise en charge de qualité : “Cette relation ne se décrète pas, elle se
construit et le soignant s’adapte à la situation du patient en fonction de différents
paramètres.” (Thibault, et Fournival, 2012, p.20)
L’analyse des différents thèmes évoqués lors de mes entretiens a continué de s’alimenter
par mes lectures tout au long de ce travail. J’ai pu en ressortir un dernier concept qui
pourrait paraître à l’antipode de mon thème mais qui au final prend toute son importance
dans l’analyse de certaines situations. Ce concept parle des mécanismes de défense. Les
soignants peuvent les mettre en place de manière inconsciente et venir gêner grandement la
prise en soin. Il me semble donc important de pouvoir les identifier et de les reconnaitre
dans nos pratiques afin de pouvoir s’adapter à nos réactions et aux diverses situations.
Dans de nombreux ouvrages, j’ai retrouvé des parties évoquant les mécanismes de
défenses soignants mais je n’ai pas su les mettre en lien tout de suite. C’est après analyse
de tous mes entretiens que je me suis posée la question des répercussions que ceux-ci
pouvaient avoir dans la relation avec les patients et dans notre positionnement
professionnel. Henri Chabrol, professeur en psychopathologie définit les mécanismes de
défense comme : “des opérations mentales involontaires et inconscientes qui contribuent à
atténuer les tensions internes et externes.” (Chabrol.H, 2005, p.31)
Après lecture d’un de ses articles, j’en comprend que les mécanismes de défense peuvent
se développer autant chez le soignant que chez le patient. L’un des premiers facteurs
déclencheur de ces mécanismes de défenses serait le stress. Je met donc en corrélation la
notion de stress vécu par les patients lors de soins douloureux décrite ci dessus. De manière
inconsciente, les patients vont mettre en place des mécanismes de défense pour lutter
contre le stress vécu lors de soins douloureux et peuvent ainsi aggraver la situation. Il en
est de même pour le soignant qui fasse au stress ressenti lorsqu'il va réaliser un soin qu’il
sait douloureux pour le patient. Pour exemple, je citerai des mécanismes de défenses
“adaptatif” que je décrirai comme positif dans la relation avec le patient tel que, l’humour
ou l’anticipation. Il faut savoir que d’autres peuvent être reconnus comme négatif dans la
prise en soin car ils vont venir perturber le déroulement du soin et pousser le soignant dans
la déshumanisation de ses soins. Les reconnaitre ne permettra pas de les éviter mais de
s’adapter et de réajuster nos prises en soins. “un travail progressif permettant au sujet de
~ 29 ~
prendre conscience d’un processus défensif et de reconnaître en lui le fonctionnement
automatique d’une organisation défensive, son rôle et ses effets.”(Chabrol.H, 2005, p.41)
Je citerai parmis tant d’autres les mécanismes suivants car je pense en avoir expérimenté
certains lors de mes prises en soins:
La banalisation : définit par le fait d’extraire le côté humain et les conséquences
qu’un soin ou une parole peut procurer. Au sujet de la douleur induite, les soignants
peuvent à force de répétitions des soins, occulter la douleur qu’ils induisent car elle
est devenue banale du fait de sa répétition fréquente.
L’évitement : le soignant va tout faire pour éviter le sujet, le regard du patient qui le
déstabilise ou qui est dérangeant. Au sujet de la douleur induite, il peut se traduire
par un soignant qui ne cherche pas à entrer en relation, un soignant toujours
pressé...
La dénégation : le soignant sait que le soin qu’il va réaliser procure de la douleur,
mais ne peut l’accepter alors il va de manière inconsciente repousser cette idée pour
qu’elle ne deviennent pas stressante.
La projection : à l’inverse des autres mécanismes de défense, le soignant va trop
s’investir dans la relation et faire que ses émotions viennent gêner la relation
soignant-soigné et la juste distance qu’elle impose.
Mme C, expose très bien dans son discours les situations où elle identifie une projection
comme plus difficile à gérer.
Les discours des trois infirmiers sur le thème de la relation soignant soigné m’a permis de
reconnaître un concept comme fondamental dans la prévention et le soulagement des
douleurs. Le concept de toucher relationnel permet de faire un parallèle intéressant pour
rapprocher tous les autres notions introduites lors de mes recherches. Il est définit par deux
auteurs dans l’ouvrage “Le toucher dans la relation soignant-soigné” dans ces termes :
Le toucher relationnel est le toucher effectué pendant un soin lorsque, en plus de la
technicité, vous vous impliquez par votre toucher et votre attitude dans une relation
avec votre patient. Le toucher relationnel est important dans la relation soignant-
soigné, surtout quand la situation n’est pas facile car désobligeante ou stressante
pour le patient. (Bonneton-Tabariés, Lambert-Libert et Peron, 2013, p.83)
~ 30 ~
Je terminerai cette synthèse en effectuant un constat général. La douleur induite par les
soins semble bien connue du personnel soignant mais les moyens de prévention utilisés
pour lutter contre celle-ci peuvent parfois faire défaut. Les techniques médicamenteuses
sont plutôt bien utilisés même si parfois quelques difficultés pour leurs prescriptions
peuvent se faire ressentir. En revanche, concernant les moyens non médicamenteux, les
soignants en connaissent certains mais ne semblent être assez formés à leur utilisation et à
en connaître réellement leurs bénéfices. Seule l’infirmière titulaire d’un diplôme
universitaire douleur met en avant les bénéfices d’une prévention efficace concernant les
douleurs induites qu'elles soient médicamenteuses ou non dans la prise en soins globale des
patients.
La composante émotionnelle est reconnue comme étant largement impliquée dans le
ressenti de la douleur. Une piste supplémentaire s'ouvre donc à moi dans la réflexion des
moyens de préventions lors de soins effractifs. L’évaluation du stress ressenti par le patient
avant les soins, permettra peut être aux soignants de répondre à des questions qu’ils se pose
et qio son restées sans réponse ou bien de lui proposer des solutions dans le but de
diminuer ce stress reconnue nocif dans la gestion de la douleur.
Pour faire que ce type de douleur puisse être atténuée, j’ai réalisé après mes nombreuses
lectures, que la formation des soignants est un axe d’évolution à prioriser dans l’acquisition
de cette compétence. A.Serrie, Docteur en médecine, collaborateur dans l’écriture de
l’ouvrage “soins infirmiers et douleur” explicite très bien cette problématique.
Le moment est venu de changer les attitudes, qui restent trop figées vis à vis de la
douleur et plus encore vis à vis de la souffrance. L’introduction d’une “culture anti
douleur” au sein des pratiques et des exercices nécessite le changement des
comportements de l’ensemble des professionnels de santé (...) Cela passera de façon
inéluctable, incontournable et obligatoire par la compétence, le rôle et la place
qu’occupe un des maillons essentiels de la prise en charge de toutes les douleurs : le
corps infirmier. (Serrie.A, 2012, p.2)
~ 31 ~
6. CHEMINEMENT VERS UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE
● 6.1 Problématique
Lors de ce travail, plusieurs éléments m’ont interpellé et pour lesquels un questionnement,
une réflexion pourraient être envisagés dans le but de faire évoluer nos pratiques
soignantes.
Tout d’abord, il est important d’avoir conscience que le stress est intimement lié à la
douleur et qu’il devient un facteur délétère dans le soin lorsqu’il est trop présent.
La communication adaptée aux patients, l’explication du soin, son indication et son but ont
été pointées comme essentielles dans l’appréhension que le patient peut avoir d’un soin.
L’expérience, décrite comme aidante dans l’approche globale des patients est un point sur
lequel on ne peut pas agir mais qui est exposé comme un réel atout dans le savoir-être et
savoir-faire. Elle peut également être un point non négligeable dans une équipe dans le
transfert de ses savoirs et le partage d’expériences.
Les soignants semblent avoir réellement conscience des douleurs qu’ils induisent lors des
soins mais j’ai pu constater à travers leurs discours qu’une partie les caractérise comme
inévitables et l’autre plutôt comme quelques chose pouvant être évité.
Deux éléments sont prédominants et mériteraient une réflexion plus approfondie dans le
but de faire évoluer les pratiques soignantes au sujet de la douleurs induites lors des soins.
Les soignants se sentent peu formés à ce sujet, surtout au sujet de la physiologie de
la douleur et des techniques non médicamenteuses qui permettraient de la prévenir
et/ou de la soulager.
Aucune échelle d’évaluation de l’état psychologique et de la composante
émotionnelle n’est à ce jour utilisée avant les soins. Le constat antérieur démontre
un lien étroit entre le stress et la douleur et je me demande donc si une évaluation
de l’aspect plus psychologique à la douleur pourrait être bénéfique?
Les deux problématiques exposées en amont de ce travail, ont pu être affirmées et
confirmées grâce à mes lectures et mes entretiens. Aujourd’hui j’ai pris conscience que la
douleur qu’on induit par nos soins, nous, infirmier, n’est pas sans conséquence que ce soit
~ 32 ~
pour le patient mais également pour le soignant. Les soignants ne minimisent pas la
douleur qu’ils induisent, et bien évidement ils la considèrent en fonction de leurs valeurs,
expériences... constituant leur identité professionnelle. Mais alors, pourquoi observons
nous encore des différences de prise en charge de la douleur induite ? Si je devais
poursuivre ce travail, mon nouveau questionnement serait le suivant :
Dans quelle mesure l'approfondissement des compétences permettraient-il aux
infirmiers de renforcer leurs rôle propre dans la gestion des douleurs induites ?
● 6.2 Hypothèses envisagées
Devant ce nouveau questionnement naissant, plusieurs hypothèses me viennent en tête. Les
légitimer conduirait à réaliser une enquête sur le terrain en questionnant le personnel sur
les différents points que je vais aborder.
Le rôle propre infirmier et les compétences qui lui sont liées ont souvent été mis en avant.
Je me demande donc si le développement de connaissances spécifiques ne serait pas une
bonne chose pour faire de la douleur induite une réelle priorité dans les soins.
Tout d’abord, je souhaite attirer l’attention sur la formation initiale en soins infirmiers
reçue par les professionnels de santé. Il me semble que l’aspect douloureux des soins est
très peu dénoncé lors des apprentissages. En effet, depuis le début de mes études,
l’apprentissage des soins dit “techniques” je les ai acquis grâce à l’analyse des protocoles,
des cours théoriques et pratiques encadrés par des formateurs et au travers des pratiques en
stage de ces différents actes. Mon ressenti est le suivant : la douleur induite est un élément
trop peu abordé pour permettre aux futurs professionnels d’avoir des méthodes pour les
prévenir. Un élément à la lecture de ces protocoles m’a d’ailleurs toujours étonné : tous
sont construits de la même manière et présentent le soin sous différents aspects, à savoir sa
définition, ses objectifs, son indication, les précautions, le matériel nécessaire, le déroulé
du soin, … Au niveau des précautions à prendre avant, pendant et après le soin on retrouve
systématiquement les règles d'hygiène et d'asepsie, le tri des différents déchets et bien
d’autres éléments utiles pour que les soins se déroulent de manière optimale et dans le
respect des bonnes pratiques. Mais qu'en est-il de l’aspect douloureux que le soin va
engendrer au patient? Je suis consciente que cette composante doit être évaluée de par
~ 33 ~
notre rôle propre, mais il en est de même pour les règles d'hygiène et de sécurité qui sont
pourtant elles indiquées dans les protocoles en systématique. C’est pour cela que je trouve
réducteur que la dimension douloureuse ne soit pas incluse dans les protocoles de soins.
Ma première hypothèse est la suivante :
• Développer la notion de douleur induite dans les acquisitions de compétences
pendant la formation initiale pourrait elle permettre aux futurs professionnels d'être
mieux formés à la prévention de celle-ci?
Je continuerai dans l’idée que les protocoles peuvent être un outil intéressant à développer
pour la prévention des douleurs. En effet, dans certains services (Urgences et Pédiatrie par
exemple) des protocoles de prévention des douleurs induites par les soins sont instaurés et
permettent aux infirmier(e)s de les utiliser s'ils le jugent utile. Le témoignage de Mr O,
infirmier aux urgences et qui travaille beaucoup sur protocole me laisse à croire que cela
est d’une grande aide. En revanche, pour pouvoir utiliser ces protocoles sereinement et
efficacement il est nécessaire d’avoir été formé au préalable.
Ma seconde hypothèse est donc :
• Inclure la prévention des douleurs induites par les soins dans des protocoles
permettrait-elle une meilleur prévention de celle-ci?
Mon hypothèses suivante est :
• Une formation continue pourrait-elle apporter des bienfaits réels dans la prise en
compte des douleurs induites?
Outre le fait, que l’acquisition de nouvelles compétences et connaissances
complémentaires se développent tout au long d’une carrière, il me semble essentielle de
citer les formations continues comme un élément important. Ma pensée actuelle porte plus
sur le fait que le soignant devrait davantage mettre en œuvre son rôle propre quand il est
question de douleurs induites par ses soins d'autant plus quand il est possible de les
prévenir/atténuer par des moyens non médicamenteux. La formation continue est pour moi
une hypothèse d’amélioration pour la qualité des soins. Elle permettrait aux soignants
d'accéder à des formations sur diverses techniques, qu’elles soient médicamenteuses ou
non dans le but de faire évoluer nos pratiques.
~ 34 ~
Je tiens également à présenter une dernière hypothèse importante à mes yeux. Je pense
également que le travail en binôme constitue un bénéfice non négligeable dans
l’appréhension et la prévention des douleurs liées à nos soins.
Je me demande donc si :
• La formation des aides soignants aux moyens non thérapeutiques utiles dans la
prévention des douleurs ainsi que dans l’accompagnement du patient dans un stress
aigu ne serait-elle pas intéressante ?
Comme il a été cité dans un de mes entretiens par Mme C : “ Quand les soins sont réfléchis
à deux, c’est toujours mieux...On a chacun un rôle et des visions différentes des soins..”. Je
suis persuadée que le travail en binôme apporte également beaucoup dans la qualité des
soins procurés aux patients et donc inévitablement dans l’aspect douloureux que ceux-ci
peuvent induire.
En résumé, si je devais continuer mes recherches sur ce thème, j’élargirai mon
questionnement dans ces différentes hypothèses. Le but serait de pouvoir confirmer ou
infirmer mes hypothèses de départ. La formation initiale et continue, les protocoles de
soins et la qualité des soins procurés en binôme sont, je pense des axes pour lesquels il
serait bon de se questionner davantage pour faire que la douleur induite ne devienne plus
qu’un souvenir passé.
7. CONCLUSION
Soignant et pourtant acteur de douleur, voici une réalité de notre profession. Mais quand il
est question de soin, le mot douleur ne doit pas être associé au mot fatalité. Voici une idée
reçue qu’il est important d’intégrer et de diffuser car l’infirmier a un rôle primordial dans
leur prévention.
Dans une conjoncture où le monde du soin est en souffrance, je pense qu’il est important
de se poser les bonnes questions. Le thème de la douleur est un vaste sujet mais qui mérite
toute son attention, autant sur le plan personnel au regard de ses soins, qu’au niveau de la
profession car c’est de nos savoirs et apprentissages que les choses peuvent évoluer.
~ 35 ~
Ce travail a été très enrichissant en tous points. Il m’a conforté dans une sensibilité déjà
très présente concernant la douleur. Il m’a permis d'ouvrir ma réflexion sur des concepts
pour lesquels je m'étais encore très peu intéressée et pour lesquels j’apporterai dorénavant
une attention plus particulière. J’ai également pris conscience de l’importance du rôle
propre infirmier dans la prise en soin des patients. Ce thème travaillé depuis plus d’un an
maintenant, m'a permis d’approfondir mes connaissances à ce sujet mais surtout d’engager
une réflexion poussée sur les différents points qui composent la douleur dans nos soins. Ce
travail, je vais pouvoir sans aucun doute le transférer dans ma pratique quotidienne et
pourquoi pas le faire vivre encore en partageant mes acquis avec mes futurs collègues.
Je compte également continuer mes lectures pour faire suite à ce travail, car je souhaiterai
approfondir encore mes acquis en matière de prévention des douleurs.
Récemment, j'ai lu un article sur le retrait de drain de redon et des techniques pouvant être
mise en place pour diminuer les douleurs ressenties par le patient lors de ce soin. En effet,
il a été prouvé dans diverses études que l'ablation du redon est moins douloureuse
lorsqu'elle est réalisée en aspiration. Mon questionnement et mes recherches sur la douleur
ont pour but d'améliorer la qualité des soins que je vais prodiguer en diminuant les
douleurs associées.
Je poserai les derniers mots de ce travail avec une célèbre citation de Louis Pasteur :
“Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours.”
~ 36 ~
BIBLIOGRAPHIE
Annequin, D., Aubrun, F., Boureau, F., Donnadieu, S., Eledjam, JJ., Fouassier, P., …
Lvovschi, VE., (2005) Les douleurs induites (INSTITUT UPSA DE LA
DOULEUR).
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relation soignant-soigné. Paris: Med-Line Editions.
Chabrol, H. (2005). Les mécanismes de défense. Recherche en soins infirmiers, 82(3), 31-
42. doi:10.3917/rsi.082.0031.
Formarier, M., Jovic, L., & Association de recherche en soins infirmiers (France).
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Guillemin, E. (2015). Identifier et prévenir la douleur liée à un soin effractif. Soins,
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Hesbeen, W. (2010). Prendre soin à l’hôpital: inscrire le soin infirmier dans une
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Peoc’h, N., Lopez, G., & Castes, N. (2007). Représentations et douleur induite : repère,
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infirmiers, 88(1), 84-93.
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Quintard Martine, & Olivier Michel. (2010). Douleur induite. Consulté à
l’adresse.http://www.medecine.uptlse.fr/du_diu/fichiers/Quintard/Quintard_douleur
induite.pdf.
Thibault Pascale, & Cimerman Patricia. (2008). L’infirmière magazine, cahier
de formation continue. Douleur liée aux soins, (236).
Thibault, P., & Fournival, N. (2012). Moyens non pharmacologiques de prise en charge de
la douleur. Rueil-Malmaison: Lamarre.
ANNEXE 1
Extrait de textes législatifs
Article L711-1
Créé par Loi n°91-748 du 31 juillet 1991 - art. 16 JORF 2 août 1991
Créé par Loi n°91-748 du 31 juillet 1991 - art. 2 JORF 2 août 1991
Les établissements de santé, publics et privés, assurent les examens de diagnostic, la
surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes en tenant
compte des aspects psychologiques du patient.
Ils participent à des actions de santé publique et notamment à toutes actions médico-
sociales coordonnées et à des actions d'éducation pour la santé et de prévention.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=F4322592FBAC97394887
1FEC9612FBC1.tplgfr39s_2?idArticle=LEGIARTI000006694632&cidTexte=LEGITEXT
000006072665&categorieLien=id&dateTexte=19980701
_________________________________________________________________________
Article L710-3-1
Créé par Loi n°95-116 du 4 février 1995 - art. 31 JORF 5 février 1995
Les établissements de santé mettent en œuvre les moyens propres à prendre en charge la
douleur des patients qu'ils accueillent. Ces moyens sont définis par le projet
d'établissement visé à l'article L. 714-11.
Les centres hospitaliers et universitaires assurent, à cet égard, la formation initiale des
médecins et diffusent les connaissances acquises en vue de permettre la réalisation de cet
objectif en ville comme dans les établissements.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=F4322592FBAC97394887
1FEC9612FBC1.tplgfr39s_2?idArticle=LEGIARTI000006694586&cidTexte=LEGITEXT
000006072665&categorieLien=id&dateTexte=19960528
_________________________________________________________________________
Article L710-1-1
Créé par Rapport - art. 1 JORF 25 avril 1996
La qualité de la prise en charge des patients est un objectif essentiel pour tout
établissement de santé. Celui-ci doit procéder à une évaluation régulière de leur
satisfaction, portant notamment sur les conditions d'accueil et de séjour. Les résultats de
ces évaluations sont pris en compte dans l'accréditation définie à l'article L. 710-5.
Chaque établissement remet aux patients, lors de leur admission, un livret d'accueil auquel
est annexée la charte du patient hospitalisé, conforme à un modèle type arrêté par le
ministre chargé de la santé.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=F4322592FBAC97394887
1FEC9612FBC1.tplgfr39s_2?idArticle=LEGIARTI000006694577&cidTexte=LEGITEXT
000006072665&categorieLien=id&dateTexte=19991229
(Extrait de la circulaire)
Circulaire DGS/SQ2/DH/DAS n° 99-84 du 11 février 1999 relative à la mise en place de
protocoles de prise en charge de la douleur aiguë par les équipes pluridisciplinaires
médicales et soignantes des établissements de santé et institutions médico-sociales
La base juridique
Au terme de l'article 8 du décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels
et à l'exercice de la profession d'infirmier, « l'infirmier est habilité, après avoir reconnu une
situation comme relevant de l'urgence, à mettre en œuvre des protocoles de soins d'urgence
préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable. Dans ce cas, l'infirmier
applique les actes conservatoires nécessaires jusqu'à l'intervention d'un médecin. Ces actes
doivent obligatoirement faire l'objet, de sa part et dès que possible, d'un compte rendu
écrit, daté, signé et remis au médecin. Lorsque la situation d'urgence s'impose à lui,
l'infirmier décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Il
prend toutes mesures en son pouvoir afin de diriger le patient vers la structure de soins la
plus appropriée à son état ».
Sur cette base, des protocoles de soins visant à la prise en charge rapide des personnes
malades qui présentent des douleurs aiguës peuvent être élaborés.
http://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/1999/99-08/a0080531.htm
(Extrait circulaire)
Circulaire DGS/DH n° 98-586 du 24 septembre 1998 relative à la mise en œuvre du plan
d'action triennal de lutte contre la douleur dans les établissements de santé publics et privés
Pendant longtemps, la douleur a été vécue comme une fatalité. L'évolution des
connaissances nous donne aujourd'hui des moyens importants, permettant de réduire dans
des proportions considérables la douleur des patients. C'est pourquoi une réflexion a été
engagée depuis plusieurs années par le ministère chargé de la santé en faveur d'une
amélioration de la prise en charge des patients.
L'objectif de la présente instruction est de porter à votre connaissance les principales
mesures découlant du plan triennal d'action de lutte contre la douleur que j'ai récemment
arrêté. Il apparaît que l'action globale qu'il convient de conduire ne réussira qu'avec le
concours conjugué des professionnels de santé, des établissements, des agences régionales
de l'hospitalisation et des services déconcentrés.
Ce plan s'articule autour des axes suivants :
Le développement de la lutte contre la douleur dans les structures de santé et les réseaux de
soins ;
Le développement de la formation et de l'information des professionnels de santé sur
l'évaluation et le traitement de la douleur ;
La prise en compte de la demande du patient et l'information du public.
http://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/1998/98-41/a0412644.htm
(Extrait circulaire)
Circulaire DHOS/E2 n° 2002-266 du 30 avril 2002 relative à la mise en œuvre du
programme national de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établissements de santé
La lutte contre la douleur est depuis plusieurs années une priorité de santé publique et
constitue un des éléments de la politique d'amélioration de la qualité des soins. La mise en
place de programmes nationaux d'action témoigne de la volonté du ministère de la santé et
des professionnels de mieux maîtriser la prise en charge de la douleur de la personne à tous
les âges de la vie.
Ainsi, en 1998, un premier plan de lutte contre la douleur, dont l'objectif principal a été
d'instaurer une véritable « culture de lutte contre la douleur » (1) a été défini.
En 2001, l'évaluation de ce plan réalisée par la société française de santé publique a montré
qu'une prise de conscience s'était développée tant au niveau des usagers que des
professionnels et que des changements notables étaient intervenus notamment dans la prise
en charge thérapeutique de la douleur. Malgré ces éléments encourageants, des difficultés
et dysfonctionnements persistent. Les structures de prise en charge de la douleur chronique
rebelle sont mal connues du public et des médecins libéraux. L'utilisation d'outils de
référence notamment d'échelles de mesure de l'intensité de la douleur reste peu développée.
La formation pratique des médecins dans le domaine de la douleur est insuffisante. Les
médicaments opioïdes sont encore trop souvent réservés aux situations de fin de vie. Les
protocoles de prise en charge de la douleur (2), qui doivent permettre à l'infirmier, dans
certaines conditions, de mettre en œuvre et suivre un traitement antalgique sont rarement
utilisés.
A partir de ce constat et pour soutenir les efforts engagés, un nouveau programme national
a été défini (3). Ce programme quadriennal (2002-2005) poursuit les axes d'amélioration
du plan précédent notamment en ce qui concerne la prise en charge de la douleur chronique
rebelle. Il comporte par ailleurs trois nouvelles priorités :
la douleur provoquée par les soins et la chirurgie ;
la douleur de l'enfant ;
la prise en charge de la migraine.
Ces priorités s'articulent autour de cinq objectifs :
associer les usagers par une meilleure information ;
améliorer l'accès de la personne souffrant de douleurs chroniques à des structures
spécialisées ;
améliorer l'information et la formation des personnels de santé ;
amener tous les établissements de santé à s'engager dans un programme de prise en
charge de la douleur ;
renforcer le rôle infirmier notamment dans la prise en charge de la douleur
provoquée.
La présente circulaire a pour objet de préciser, dans le cadre de ce nouveau programme
national de lutte contre la douleur, les actions que les établissements de santé devront
poursuivre (partie 1), les moyens structurels et humains pour soutenir cette démarche
(partie 2), les modalités de mise en œuvre par les agences régionales d'hospitalisation
(partie 3).
http://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2002/02-21/a0212062.htm
_________________________________________________________________________
Article L1110-5
Créé par Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 - art. 3 JORF 5 mars 2002
Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que
celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des
thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité
sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention,
d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire
courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté.
Les dispositions du premier alinéa s'appliquent sans préjudice de l'obligation de sécurité à
laquelle est tenu tout fournisseur de produit de santé, ni des dispositions du titre II du livre
Ier de la première partie du présent code.
Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit
être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée.
Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour
assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=F4322592FBAC97394887
1FEC9612FBC1.tplgfr39s_2?idArticle=LEGIARTI000006685747&cidTexte=LEGITEXT
000006072665&categorieLien=id&dateTexte=20050422
_______________________________________________________________________
Code de déontologie infirmier :
Décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016 portant code de déontologie des
infirmiers : Prise en charge de la douleur Art. R. 4312-19
« En toutes circonstances, l'infirmier s'efforce, par son action professionnelle, de
soulager les souffrances du patient par des moyens appropriés à son état et
l'accompagne moralement »
« L'infirmier a le devoir, dans le cadre de ses compétences propres et sur
prescription médicale ou dans le cadre d'un protocole thérapeutique, de dispenser
des soins visant à soulager la douleur."
Décret n°2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux actes professionnels et à la
profession d’infirmier relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du
code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code (CSP-4eme
partie -partie réglementaire - Livre 3, Titre 1, Chapitre 1, Section 1.-art R 4311-1 à
15)
Article R. 4311-2
"Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et
qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l'évolution
des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la
personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la
personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique,
économique, sociale et culturelle"
…
..."5 - De participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur
et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie
au moyen des soins palliatifs, et d'accompagner, en tant que de besoin, leur
entourage"
Article R. 4311-8
"L'infirmier ou l'infirmière est habilité à entreprendre et à adapter les traitements
antalgiques, dans le cadre des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un
médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers."
http://www.douleur-rrdbn.org/recommandations-nationales-legislation/legislation-textes-
reglementaires/legislation-textes-reglementaires,1730,1658.html
ANNEXE 2
Retranscription et Analyse de l’Entretien 1
Infirmière depuis 25 ans, Mme N a exercé en gériatrie pendant 3 ans, en orthopédie 2 ans,
en chirurgie viscérale 18 ans et a pris un poste aux urgences ou elle travaille depuis une
année. Elle n’a pas de diplôme complémentaire mais elle s'intéresse beaucoup à la
sophrologie.
Lors de notre entretien, j’ai relevé plusieurs phrases qui m'ont interpellé. Elle m’explique
que pour elle : “la douleur est très personnelle autant pour le patient qui la subit que pour le
soignant qui réalise le soin”. Elle utilise à plusieurs reprises le terme “la douleur est très
subjective”!
Au cours de notre entretien, elle m’explique que depuis sa prise de poste aux urgences, elle
a l’impression d'être confrontée beaucoup plus souvent à la douleur et notamment celle que
l'infirmière amène lors de ses soins. “Aux urgences, il y a beaucoup de passage, donc
forcément plus de soins.” “Très souvent, une entrée, c’est un cathéter en
systématique…(silence)...enfin, dans le secteur adulte car en péd, c’est différent.” Je lui
exprime, que justement cette différence m’avait souvent interpellé lors de mon stage, et je
lui demande de me donner son avis. Elle me répond que c’est une habitude, que le Méopa
est utilisé quasi en systématique chez les enfants lors d’une pose de cathéter par exemple.
“Ils sont plus vulnérables, ne comprennent pas toujours ce qui leur arrive. Mais au final,
c’est valable très souvent chez l’adulte aussi et il est évident que l'on prend moins de
précautions.”
Elle a abordé très souvent la notion de stress et l’incompréhension du patient face à son
avenir sur le court terme et des soins qu’il allait devoir subir.
En rapport avec les réactions des soignants face à celle-ci, elle me dit : “Moi, quand je vais
faire un soin invasif quel qu’il soit, j’ai toujours en tête que je vais être source de douleur.
Je pense que le fait d’en avoir conscience me permet de me positionner et d’avoir des
attitudes différentes.”
Sur le thème concernant les facteurs qui pourraient faire que la douleur induite est
différente d’un soignant à un autre, les réponses apportées par cette infirmière ce sont
basées sur plusieurs exemples vécus. Pour résumer, elle a tout d’abord abordé le profil des
patients pris en charge. Pour elle, il y a les patients atteints d’une pathologie chronique qui
sont dans deux optiques différentes. Soit il se positionne en disant qu’il ont l’habitude,
qu’une fois de plus ou de moins ne leurs changeraient rien; soit leurs discours vont se
tourner vers un ras le bol des soins, des soignants...et que dans ce cas on se retrouvait
souvent avec des personnes très peu communicantes, très fermées avec qui la relation de
confiance est difficile à instaurer.
Puis, il y a tous les autres, les patients qui arrivent en hospitalisation pour un quelconque
problème aigue.
Ensuite, la communication est pour elle une notion incontournable dans la prise en charge
de la douleur et c’est ce qui, selon elle peut faire la différence entre les différentes prises en
charge. Elle m’explique que c’est grâce à des explications, du soutien, de la compréhension
et m’évoque également la notion de respect, que le soignant peut faire diminuer le stress du
patient, qui d’après elle est un vecteur augmentant la douleur ressentie. “Quand tu prends
le temps de discuter avec les gens, ils t’accordent plus facilement leur confiance.”
Un autre élément a souvent été évoqué dans ces exemples, c'est celui de l’infirmière
technicienne. Elle me donne comme exemple : “Quand je ne suis pas à l’aise avec un soin,
je suis plus concentrée et j’arrive moins à prendre en compte le ressenti du patient.” Elle
m’explique que le fait d’être très technique et donc d’avoir une attitude plutôt sereine lors
des soins, peut apaiser le patient. Mais cela peut être parfois délétère dans la prise en soin
car le soignant sûr de lui et de sa technicité peut vite occulter et minimiser les douleurs
qu’il peut induire.
Concernant la prévention avant l’acte de soin, elle m’explique qu’il ne faut pas minimiser
les sentiments, le stress, les sensations… que le patient nous exprime. Je fais également
référence à un point législatif qui stipule dans l’article L 711-1 du code de la santé
publique “La douleur des patients est englobée dans leur prise en charge globale incluant la
dimension psychologique”. Dans ces prises en soin, elle me dit qu’elle essaye au maximum
de poser des mots sur ce que le patient ressent et que le fait de l’écouter et d’échanger avec
lui, suffit parfois à ce qu’il se détende. Si cela ne suffit pas, elle utilise plusieurs
techniques. “Par contre c’est vrai qu’aux urgences on a les moyens de bien faire, mais ce
n’est pas le cas dans tous les services ou on n’a pas de médecin présent ni de matériel à
disposition.”
Les différentes techniques médicamenteuses qu’elle utilise le plus sont le gaz (oxygène et
protoxyde d’azote) et la crème anesthésiante. Tout dépend du soin qu’elle doit réaliser et
de l’urgence de celui ci. “J’utilise très fréquemment des patchs pour les gaz du sang quand
le temps me le permet.” Le gaz, elle le propose plutôt facilement car selon elle, il est très
efficace pour les douleurs liées aux soins.
Elle essaye aussi au maximum lors de ses soins de distraire le patient en le faisant parler de
ses loisirs, de sa famille ou autre, et que cela leur permet de se concentrer sur autre chose et
d’oublier ce que nous soignant, on est en train de faire. Cette technique, elle l’a mise en
pratique au fil des années car cela nécessite d'être vraiment à l'aise dans le soin pour
pouvoir discuter avec le patient en même temps que la réalisation de celui ci. Elle me dit:
“Les femmes tu les fais parler de leurs gamins, ca marche à tous les coups…(rire)”
ANNEXE 3
Retranscription et Analyse de l’Entretien 2
J’ai décidé de rencontrer une infirmière avec de l’expérience en milieu hospitalier. Je la
nommerai, Mme R. Elle est âgée de 33 ans et a obtenu son diplôme d’état infirmier à l'âge
de 21 ans. Elle a exercé pendant une dizaine d’années dans un service de médecine. Elle
n’a pas de formation complémentaire à celle initiale à la formation d’infirmière, ni
d’expériences dans d’autres domaines que celui du soin. Au départ de l’entretien, j’ai
introduit mon sujet : “les douleurs induites par des soins effractifs” et expliqué brièvement
les raisons de ce choix. J’ai ensuite parlé de mon envie de recherche sur les représentations
de l’infirmière et l’influence qu’elles peuvent avoir dans la douleur qu’elle va induire lors
de ses soins.
Ma première question à été :
Selon toi, la douleur ressentie par les patients lors de soins effractifs est-elle prévenue et
évaluée de la même manière par tous les soignants ?
Elle m’a tout de suite parlé du parallèle entre l’infirmière “plus technicienne” et
l’infirmière “plus relationnelle”. Selon elle, l’infirmière se développe dans une de ses deux
identités et cela va influencer son raisonnement clinique. Bien évident elle me rappelle à
plusieurs reprises que l’infirmière n’est pas clivée dans un type d’identité; c’est à dire
qu’une infirmière technicienne fait également du relationnel et inversement.
Je lui demande donc de me définir pour elle ce qu’est une infirmière “relationnelle” et une
infirmière “technicienne”. Elle me répond : “Alors par exemple, j’ai des collègues qui vont
être basées plus sur le côté technique du soin. Elles vont avoir une expertise plus poussée
de ce soin, connaissant le protocole dans les moindres détails et aussi une dextérité et un
pourcentage de réussite plus élevé. (rire) Moi, je me vois plutôt comme une infirmière
relationnelle. J’apporte moins d’importance aux gestes techniques mais davantage au vécu,
au ressenti des patients en général.”
Je lui demande alors pourquoi elle pense que ce parallèle peut créer une différence dans la
prise en charge des douleurs induites. Elle me répond à cette question en me donnant un
exemple. “J’ai le souvenir d’une patiente à qui on faisait des pansements d'ulcère et qui
était très douloureuse car nous devions curer à certains endroits pour enlever la fibrine.
Nous avions mis en place le méopa pour pallier à ses douleurs. J'étais en poste quatre jours
de suite sur ce secteur et donc j'avais réalisé ses pansements. Malgré le méopa, la patiente
était quand même douloureuse alors je curais comme je pouvais mais je n’insistais pas trop
non plus. A mon retour de congé, ma collègue qui avait pris ma suite m’a fait une réflexion
en me disant que les pansements de cette dame n’avaient pas beaucoup évolué, que je
n'avais pas assez enlevé la fibrine. Effectivement, en reprenant après elle, elle avait enlevé
une bonne partie de la fibrine; mais la patiente m’avait avoué qu’elle avait eu extrêmement
mal et qu’elle était contente de me voir ce matin. Enfin voilà, tout ça pour te faire la
différence entre ma collègue qui s’est un peu moins soucié de la douleur de la dame car son
but était de faire évoluer cette plaie au maximum et moi qui me suis plus concentrée sur le
ressenti de la dame au détriment de l’évolution de la plaie.”
Je comprends alors par cet exemple, sa distinction entre l’infirmière “technicienne” et
l’infirmière “relationnelle”. Cela m’apporte déjà des éléments de réponse sur le
positionnement soignant face à la douleur de l’autre.
Elle m’a également évoqué que ce positionnement soignant, pouvait être aussi influencé
par l’humeur du patient, le soin à réaliser, si on est à l’aise pour l’exécuter ou encore le
“feeling” qu’on a avec le patient. Elle m’avoue que face à certains patients la prise en
charge de la douleur peut être altérée. “Quand on est face à un patient désagréable ou
même parfois violent il est plus difficile de prendre en compte sa douleur!”
Ma deuxième question a été :
Quels éléments entrent en compte selon toi dans l'analyse de la douleur?
A cette question elle m’a donné plusieurs affirmations. Elle pense que l’analyse de la
douleur est quelque chose de très complexe et qui ne s’apprend pas dans un livre. Elle
s’approfondit au fil de notre vie professionnelle et de part les expériences vécues et
partagées entre collègues. “ Ca s’apprend avec l’expérience”, “Il faut savoir s’autocritiquer
et savoir reconnaître quand on a pas été bonne”
Elle m’explique aussi, que selon elle, beaucoup de facteurs individuels viennent aiguiser
notre jugement clinique, d’autant plus quand on parle de douleur. Elle m’explique que la
projection est très fréquente et peut amener à être plus sensible à la douleur de l’autre. Elle
me donne comme exemple : “ Moi, le soin que je détesterais qu’on me fasse, c’est les gaz
du sang! Souvent c’est long, on n’y arrive pas toujours du premier coup et je pense que ca
doit être hyper douloureux. Du coup, quand je dois en prélever à des patients je prends
beaucoup plus de précautions” Je lui demande donc de me détailler quelles précautions elle
met en place avant ce soin. “Je vais déjà mettre un patch si le doc est d’accord. Puis, je suis
honnête avec le patient et lui explique que ça va être douloureux, je lui explique le
déroulement du soin si il en a envie, lui fait choisir le bras qu’il préfère que je pique. Au
moment de réaliser le soin j’installe le bras du patient confortablement, souvent sur une
serviette posée sur mon chariot de soins, pour qu’il soit au max détendu et je m’installe
également correctement pour mettre toutes les chances de mon côté.”
Elle m’évoque également d’autres éléments que je trouve intéressants, comme l’empathie
du soignant lors des soins. “Si je ne suis pas attentive à la souffrance du patient, forcément
mon soin n’aura pas été douloureux”. Elle me parle également de la sensibilité du soignant
face à la douleur. “Moi, je suis une chochotte donc je pense être plus sensible à la douleur
que je procure que quelqu’un qui n’a jamais mal…” Elle m’explique que parfois cette
sensibilité peut également porter préjudice au patient car il faut arriver à mettre à distance
ses émotions et que ce n’est pas toujours facile. “de part mon comportement ou mes
mimiques les patients peuvent ressentir que je ne suis pas à l’aise et donc seront beaucoup
moins rassurés.” Son discours me ramène à une citation de Pascale Lefeuvre : “La
communication non verbale c’est apercevoir l’indicible pour entendre les non-dits”
Ma troisième question à été:
Comment certains soignants en arrivent à banaliser ou minimiser ces douleurs?
“ Certains soignants vont peut-être plus s’attarder sur des douleurs liées à une pathologie
qui sont susceptibles de durer que sur une douleur passagère liée à un soin qui ne durera
pas.” Et pourtant, d’après mes lectures, les douleurs récidivantes créées par un soin ont un
réel impact sur le vécu des patients lors des soins.
La douleur que le patient va vivre va renvoyer automatiquement des émotions chez les
soignants. La réception de ces émotions va parfois pousser le soignant à se créer des
mécanismes de défenses. Les douleurs rencontrées quotidiennement par les soignants
peuvent devenir routinières ou au contraire à la longue difficiles à supporter empêchant le
soignant de mener à bien ses soins. Mais alors si je les occulte… Ne serait-ce pas plus
simple?
Lors de l’entretien, Mme R, évoque également le manque de temps qui pousse les
soignants à moins se préoccuper de cette aspect des soins. Ou encore, la disponibilité et la
relation avec le médecin qui sera le prescripteur (souvent à la demande du soignant) de
moyens préventifs analgésiques. “C’est fatiguant parfois de devoir pleurnicher auprès des
médecins pour avoir quelque chose pour le patient.”
L’ambiance et le type de service dans lequel exerce l'infirmière pourrait avoir une
influence sur la banalisation des douleurs. Il est vrai que dans un service ou la douleur est
omniprésente liée à des pathologies lourdes et des prises en soin sur du long terme, la
douleur liée aux soins procurée aux patients va être d’avantage prévenue et réfléchie.
La plupart des soignants ne réalisent pas qu’ils pourraient avoir une action directe sur les
douleurs qu’ils induisent, en adoptant une posture calme, rassurante et d’écoute.
Ma quatrième question à été :
Quels éléments pourraient freiner l’utilisation des thérapeutiques dans le cadre des
préventions des soins effractifs?
Le manque de connaissances sur les moyens médicamenteux de prévention possibles serait
le premier frein. Il est évident que sans les connaissances sur les délais et durées d'action,
les indications ou contre-indications… Ils est difficile de mettre en place des
thérapeutiques. Ensuite, il est également important de cibler le problème face aux soins à
réaliser. Est-ce de l’anxiété liée au geste ou est-ce un soin connu comme douloureux qui
nécessite une prévention? Les moyens de prévention sont à adapter aux types de soins et
aux besoins du patient. Il va donc falloir réaliser une analyse clinique pour pouvoir
répondre précisément aux besoins réels.
L'accessibilité des antalgiques peut également constituer un frein à leur utilisation. “ s’il
faut courir dans un autre service pour aller chercher du méopa, il est vrai qu’on aura
tendance à faire sans.” On en revient au manque de temps mais également aux problèmes
organisationnels qui vont obliger une personne à quitter le service pour aller chercher le
matériel. Mais au niveau de l’organisation, il va falloir également pouvoir programmer ces
soins en fonction des délais d'action des antalgiques pour avoir une efficacité optimale.
Tout ça en prenant en compte les aléas de service qui se rajoutent au fur et à mesure de la
journée et qui désorganisent souvent la planification de l’équipe.
Mme R à également soulevé un élément qui me pose question : “ Pour les soins réalisés par
les médecins eux même, quasiment à chaque fois ils sont associés à un analgésique en
prévention du geste. Exemple: Pour les ponctions lombaires, myélogramme etc... il va être
prescrit un patch Emla. Pour les sutures, ils vont utiliser la xylo…” Je me demande donc si
cette observation ne serait pas en lien direct avec les représentations que l’infirmière
pourrait avoir des soins qu’elle réalise et de ses compétences. Est ce que le fait de réaliser
des soins de manière routinière et très fréquente ne ferait pas oublier la douleur qu’ils
procurent ? Je me demande également si la prescription de ces moyens analgésiques de
prévention faisaient parti du champ de compétence de l’infirmière, est ce qu’il serait
prescrit et utilisé de manière systématique lors de soins effractifs ?
ANNEXE 4
Guide d’entretien semi directif
Thème : Douleur induite et représentations soignantes
● Présentation de la personne : Quel âge avez-vous ? Depuis combien de temps
exercez-vous le métier d’infirmière ?
● Avez-vous des formations, diplômes… complémentaires à la formation infirmière ?
La douleur induite par les soins
● Si vous deviez me donner 3 mots clés caractérisant la douleur induite par les soins
effractifs, quels seraient-ils ?
● Pour vous, quel type de soin induit-il le plus de douleur?
● Pensez-vous que le seuil de tolérance peut être différent d’un patient à l’autre?
Pourquoi ?
● Avez-vous déjà entendu parler de la théorie du gate contrôle ?
Eléments qui pourraient m’être utiles pour rebondir lors de mon entretien :
* Prévention *Facteurs d’influence *Priorité des douleurs induites dans les soins
Les représentations
● Pensez vous être assez formé/informé sur la prise en charge de la douleur de
manière générale?
● Connaissez-vous des techniques non-médicamenteuses dans le soulagement des
douleurs? (Si oui lesquelles et les utilisez-vous?)
Eléments qui pourraient m’être utiles pour rebondir lors de mon entretien :
*Identité professionnelle *Savoir-être / Savoir-faire *Expérience *Vécu personnel et
professionnel
La relation soignant-soigné
● Pensez-vous que certaines situations sont plus difficiles à gérer que d’autres ? (si
oui, pourquoi ?)
● Comment vous décririez-vous dans la relation avec vos patients ?
Eléments qui pourraient m’être utiles pour rebondir lors de mon entretien :
*Projection *Emotions *Empathie *Authenticité *Mécanismes de défense
ANNEXE 5
Retranscription des entretiens de l'enquête approfondie
* Présentation des professionnelles et du déroulé de mes entretiens
IDE 1 : Mme C, 48 ans, exerce le métier d’infirmière depuis une dizaine d’année et était
auparavant aide-soignante avant de reprendre ses études. Elle m’explique spontanément
lors de notre entretien avoir également un vécu en tant que patiente important car elle a été
suivie pendant plusieurs années pour un cancer. Cette vision soignante accompagnée de
son vécu de patiente a rendu notre entretien très constructif car elle a fait beaucoup de
parallèles entre ses expériences de patiente et celles de soignantes.
Elle n’a pas de diplôme complémentaire à la formation initiale infirmière. Elle a
essentiellement travaillé dans des services de médecine depuis sa prise de poste.
L’entretien s’est déroulé au domicile de Mme C et il a duré une heure environ.
IDE 2 : Mr O, 49 ans infirmier depuis 26 ans. Il a exercé dans différents services de
chirurgie et de médecine avant de prendre poste depuis 18 ans dans un service d’urgence à
temps complet de nuit. Il a suivi une formation de gypsothérapie en complément de son
diplôme d’état. Il m’explique également avoir une sensibilité particulière à l’hypnose car il
travail fréquemment en binôme avec un collègue formé à cette technique. Il me dit «
s’inspirer » très fréquemment de lui. Ce deuxième entretien s’est déroulé au domicile de
Mr O et il a duré 45 min.
IDE 3 : Mme S, 40 ans. Elle est infirmière depuis 10 ans et était auparavant aide soignante
durant une dizaine d’années. Ses expériences professionnelles ont toujours été dans des
services de rééducation, domaine qu’elle affecte tout particulièrement.
Depuis huit ans maintenant, elle a un Diplôme Universitaire Douleur et réalise des
consultations douleurs sur une partie de son temps de travail. L’autre partie de son temps
de travail, elle exerce en service. Ce troisième entretien s’est déroulé sur son lieu de travail
et a duré 1h.
Déroulement des entretiens
J’ai mené tous mes entretiens à l’aide du guide d’entretien que j’avais préalablement
élaboré (cf. annexe) et qui m’a permis de cibler mes questionnements. Pour introduire la
discussion, j’ai présenté brièvement le thème de mon mémoire « Douleurs induites et
représentations soignantes ». J’ai continué en posant les questions en suivant mon guide
tout en laissant le professionnel s’écarter du sujet parfois pour ne pas que cet entretien
devienne un interrogatoire mais plutôt un échange constructif.
● Première partie : La douleur induite par les soins
Questions IDE 1 : Mme C IDE 2 : Mr O IDE 3 : Mme S
* Si vous deviez me
donner 3 mots clés
caractérisant la douleur
induite par les soins
effractifs, quels
seraient-ils ?
* Les trois éléments clés relevés par Mme C,
concernant les douleurs induites par les soins
en général ont été Peur, Rôle Infirmier
primordial et Passages obligés.
* Les trois mots clés concernant les douleurs
induites par les soins relevés par Mr O, ont été
fréquente, gérable et évitable.
* Les trois mots clés qui caractérisent au
mieux la douleur induite par les soins selon
Mme S, sont: accompagnement, sensibilité
personnelle, préparation du soin.
* Pour vous, quel type
de soin induit-il le plus
de douleur?
* Il lui a été difficile de me décrire un soin
type qui induirait le plus de douleur mais elle
m’exprime tout de même que certains
pansements chroniques et les soins avec
utilisation de sondes (ex : Sonde à demeure,
sonde naso gastrique…) sont ceux qu’elle
redoute le plus concernant la douleur qu’elle
va amener en les réalisant. "Les soins que
j’appréhende le plus à réaliser sont ceux ,
pour qui la douleur sera moins facile à gérer."
" La notion de stress a été très souvent
abordée dans ses propos comme facteur
amplifiant les douleurs.
Lors de notre échange, j’ai ouvert notre
discussion sur la priorité que les soignants
* Pour lui, les soins qui induisent le plus de
douleur sont ceux des pansements de brûlures
étendues. D’après lui, la majeur partie des
patients décrivent les soins qui leurs sont
procurés comme très douloureux. Il explique
qu’en plus des pansements à refaire
fréquemment, il y a souvent une douleur de
fond constante d’intensité variable souvent
difficile à calmer avec les antalgiques
d’utilisation courante.
* Les soins qui induisent le plus de douleur
selon elle, sont tous les soins qui nécessitent
d'utiliser une aiguille pour le réaliser (ex:
VVP, Injection sous cutané, intramusculaire...)
et les douleurs liées aux produits qui leurs sont
associé.
Pour vous, quel type de
soin induit-il le plus de
douleur? (suite)
mettent à la prévention des douleurs induites
dans leurs soins. Je trouvais intéressant de
rebondir avec cette question à la suite d’une
phrase qu’elle m’a dit : "On ne fait pas
toujours comme on voudrait mais en tous cas
moi j’essaie de faire au mieux …" Sa réflexion
à ce sujet a été que depuis qu’elle est
professionnelle, elle a remarqué une grande
évolution concernant la prévention de celle-ci.
Elle à ajouter également : "je pense que la
douleur est une priorité mais que c’est quelque
chose qui est également plus ou moins pris en
considération en fonction de l’infirmier…"
* Pensez-vous que le
seuil de tolérance peut
être différent d’un
patient à l’autre?
Pourquoi ?
* Nous avons ensuite abordé la notion de seuil
de tolérance concernant les ressentis
douloureux chez les patients. Pour elle, il est
évident qu’il y a des différences entre chaque
patient: "Je suis convaincu que chaque
personne a un seuil de tolérance différent en
fonction de sa personnalité, de son vécu
antérieur et de son état psychologique et
physique du moment." Elle met en avant la
notion de stress comme facteur amplifiant les
douleurs en priorité. Ensuite, elle revient à
plusieurs reprises sur le fait que le soignant se
doit d’expliquer le soin qu’il va réaliser et son
* Il pense que chaque patient a un seuil de
tolérance bien personnel et qu’il peut varier
également d’un jour à l’autre. C’est dans ce
contexte qu’il introduit la notion
d’individualisation des soins en me disant : "la
douleur du patient sur un même soin ne sera
pas forcément la même que le patient du box
d’à côté…il ne faut pas la banaliser, et
adapter sa façon de faire en fonction du
patient dont on s’occupe." Il me parle
également du facteur stress qui est pour lui le
facteur le plus important à prendre en compte
dans la douleur, surtout dans un service
* J’ai ensuite abordé la notion de seuil de
tolérance qui selon elle, peut être
complètement différent d’une personne à une
autre et aussi d’un moment à un autre chez le
même patient. Elle m’explique qu’elle a appris
lors de sa formation sur la douleur
qu'effectivement nous ne sommes pas tous
physiologiquement égaux face à la douleur.
“nous ne somme pas tous égaux aux stimuli
douloureux car nous n’avons pas tous les
mêmes récepteurs à la douleur.” Mais elle
m’explique également que pour elle, la
douleur liée aux “récepteurs” est facilement
Pensez-vous que le
seuil de tolérance peut
être différent d’un
patient à l’autre?
Pourquoi ? (suite)
intérêt, dans le but de diminuer le stress et
donc la douleur qui va lui être associée. Elle
me parle également des soins procurés aux
personnes atteintes de maladies chroniques qui
sont récurrents et qui peuvent amener à un
certain "ras le bol général des soins et de leurs
pathologies" et ainsi diminuer également la
tolérance à la douleur associée.
d’urgences où il a tendance à être majoré."Aux
urgences, il y a beaucoup de soins effectués
qui induisent de la douleur. Le patient arrive
souvent avec des douleurs liées à un trauma
ou à un problème médical associée à un stress
important de ne pas savoir ce qui va lui
arrive."
Il ajoute également : "Depuis que je travaille,
je trouve qu’aux urgences particulièrement,
l’évolution de la prise en charge des douleurs
est de plus en plus importante…On n’hésite
pas à utiliser tous les thérapeutiques mis à
notre disposition beaucoup plus facilement." Il
m’explique également que dans ce type de
service, ils ont toujours des médecins présents
nuit et jour et du matériel à disposition, ce qui
facilite grandement les prises en charge. Le
fait qu’ils travaillent beaucoup sur protocole
également leurs permet de pouvoir réagir
rapidement en fonction de leur analyse
clinique. Il me donne pour exemple, la facilité
d’accès grâce au protocole d’utilisation du
Méopa. "Pas besoin de médecin pour nous
valider la prescription médicale, nous avons
été formés et on l’utilise très fréquemment
dans des contextes de douleurs induites ou
autres ".
gérable avec des traitements médicamenteux
qui sont très efficaces pour les traiter ou les
prévenir. Pour elle, le contexte émotionnel
comporte une grande partie du message
douloureux imprimé par le cerveau. Elle
m’explique que dans sa façon de penser, “le
corps et l’esprit sont indissociables”, et que si
la douleur morale, l'anxiété, le syndrome
dépressif,...arrivent à être diminués, la
personne acceptera davantage les soins qui lui
seront procurés. Elle m’explique également
que lors de ses consultations qui sont pour la
plupart liées à des douleurs chroniques en lien
avec une pathologie, 50% va porter sur
l’aspect psychologique et les 50% autres sur le
ressenti douloureux et leur mode d’apparition.
“D'où l’importance de ne jamais négliger le
côté psychologique du patient dont on
s’occupe…”
* Avez-vous déjà
entendu parler de la
théorie du gate
contrôle ?
* A la question : avez-vous déjà entendu
parler de la théorie du gate control ? Sa
réponse a été : « non jamais ».
* Quand je lui demande s’il a déjà entendu
parler de la théorie du gate control, il me
répond: “oui vaguement mais je ne saurais
pas en expliquer le fonctionnement.”
* Concernant le gate control elle connaît très
bien et utilise très souvent certains de ses
principes dans ses soins. Lors de sa formation
elle a appris et compris la physiologie de la
douleur et a donc pu adapter certains de ses
soins.
“Je la pratique souvent lors d’injections
intramusculaires...en faite je tapote sur une
zone éloignée de mon site d’injection en même
temps que je pique. Cela permet de parasiter
le message douloureux envoyé au cerveau et
d’inhiber un peu son message douloureux”.
● Deuxième partie : Les représentations
Questions IDE 1 : Mme C IDE 2 : Mr O IDE 3 : Mme S
*Pensez vous être assez
formé/informé sur la
prise en charge de la
douleur de manière
générale ?
* Mon premier questionnement s’est porté sur
la formation et si elle se sentait assez formée à
ce sujet. Sa réponse a été : "Je n’ai pas de
formation complémentaire donc je ne me sens
évidemment pas assez formée dans la
prévention et la gestion des douleurs,
particulièrement celles que je vais induire lors
de mes soins." Elle ajoute qu’elle a des
connaissances solides en pharmacologie qui
lui sont grandement utiles dans certaines prises
en soins et notamment en matière de
prévention à la douleur. Je lui demande donc
sur quelle point elle souhaiterait être
formée/informée d’avantage. Sa réponse a été
d’avoir d’avantage de connaissances sur les
moyens non médicamenteux ou diverses
techniques que l’infirmière pourrait mettre en
place par son simple rôle propre.
Ensuite, nous avons échangé sur l’identité
professionnelle en lien avec la position que
l’infirmier doit prendre face à une équipe pour
être en accord avec ses valeurs. En effet, lors
de notre échange, Mme C, m’a à plusieurs
reprises parlé de ses valeurs personnelles et
* Mr O, n’a pas de formation complémentaire
à ce sujet mais il m’explique tout de même que
son expérience dans le milieu du soin et un
véritable atout concernant la prise en soins
globale des patients. "Mon expérience me
permet d’être plus sûr lors de mes soins et
donc de pouvoir regarder la personne dans sa
globalité tant sur l’aspect douloureux,
psychologique ou autre." Il me confie
également que ça maturité et son expérience
lui permettent d’être plus assuré dans son
positionnement soignant face au médecin
quand il faut leur demander d’augmenter les
antalgiques ou de mettre en place des choses
complémentaires. Il évoque en revanche le fait
qu’une formation complémentaire dans les
équipes soignantes, concernant le thème des
douleurs induites lors des soins, engagerait des
échanges qui permettraient peut être de
sensibiliser davantage les soignants à ce sujet.
Il me partage quelques expériences qu’il a pu
vivre avec certaines de ses collègues qui
accordent peu d’importance ou qui n’avait pas
conscience qu’elles pouvaient être sources de
* Cette question abordait le ressenti des
soignants sur l'information et la formation du
manière générale concernant la douleur. En
vue de son diplôme complémentaire, j’ai donc
adapté ma question sur les aspect plus concrets
de cette formation et ce qu’elle lui avait
apporté dans son exercice professionnel au
quotidien.
Elle caractérise la formation douleur qu’elle a
suivit comme un plus non négligeable dans les
savoirs qu’elle lui a apporté. Depuis qu’elle
travaille dans le domaine médical elle a
toujours apporté une attention particulière à la
douleur de l’autre. “Cette formation ne m’a
pas plus sensibilisée à la douleur des patients
mais elle m’a donné les bonnes cartes pour
agir et surtout avoir une réflexion plus
poussée sur leurs prises en soins.”
Elle a également endossé de nouvelles
responsabilités à la suite de cette formation.
Tout d’abord, lors de ses consultations où elle
se doit de faire une évaluation précise des
douleurs des patients et de travailler en
pluridisciplinarité pour faire que celles-ci
Pensez vous être assez
formé/informé sur la
prise en charge de la
douleur de manière
générale ? (suite)
Soignantes avec lesquelles elle souhaitait être
en accord. "Pour moi, c’est essentiel… je sais
que dans certaines situations ça peut être
compliqué mais je mets tout en œuvre pour ne
pas être frustrée."
douleur importante lors de leurs soins. J’ai
donc introduit la notion d’empathie à ce
moment de l’entretien car il me semblait que
c’est dans ce terme, qu’il me définissait la
différence remarquée entre soignants. Mr O à
repris cette notion en l’illustrant d’un exemple
concret : "J’ai une collègue avec qui je
travaille souvent, elle n’utilise presque jamais
le meopa, à part sur les enfants, car elle pense
que les adultes sont capables de supporter
cette douleur qui reste momentanée."
puissent être atténuées. Elle a aussi un regard
sur l’utilisation adapté des échelles
d’évaluation en fonction des capacités
cognitives et de communication des patients et
de mise en œuvre des nouvelles préconisations
(produits, délai action…). Dans son service,
son expertise est appréciée et on lui demande
souvent des conseils.
* Connaissez-vous des
techniques non-
médicamenteuses dans
le soulagement des
douleurs? (Si oui
lesquelles et les utilisez-
vous?)
* Concernant les techniques non
médicamenteuses utilisées dans les
préventions des douleurs induites, elle me dit
en connaître certaines mais ne pas savoir les
utiliser. Elle a fait l’expérience de l’hypnose à
titre personnel et m’explique avoir trouvé des
bénéfices sur plusieurs plans et
particulièrement celui de la douleur. Elle
connaît aussi la sophrologie vaguement mais
ne sait pas l’utiliser. Un moyen qu’elle utilise
souvent lors de pansement d’ulcère est la
douche de la plaie. Grâce à son expérience elle
a pu observer que frotter les plaies pour les
nettoyer avec des compresses mouillées était
vraiment une sensation douloureuse pour les
* La technique non médicamenteuse qu’il
utilise serait l’hypnose mais par "imitation"
car il n’a pas de suivi de formation complète
lui permettant de réaliser cette méthode. En
fait, il m’explique ; chercher à mettre l’accent
sur le ton de sa voix de manière à ce qu’il soit
calme et monotone dans le but d’apaiser les
personnes. Dans un deuxième temps, il va
essayer de faire dévier les pensées du patient
vers quelque chose d’agréable en lui faisant
"oublier" le moment désagréable qu’il vit. Il
me dit que c’est une méthode efficace avec
certaines personnes et qu’il la met très souvent
en place en complément du méopa " Ça aide à
décrocher."
* Des techniques non médicamenteuses dans
la prévention des douleurs induites lors des
soins, elle en utilise très fréquemment.
Lors des entretiens précédants elle aborde
l’aspect du travail en binôme. Elle le
caractérise comme une manière de travailler
essentielle au bien être du patient. “Quand les
soins sont réfléchis à deux, c’est toujours
mieux...On a chacun un rôle et des visions
différentes des soins..” Lors de soins difficiles
à réaliser ou elle sait que la douleur va être
omniprésente, elle demande toujours d'être
accompagnée d’une collègue, cela permet de
détourner le regard du patient du matériel et du
geste, de lui tenir la main, de le réconforter.
Connaissez-vous des
techniques non-
médicamenteuses dans
le soulagement des
douleurs? (Si oui
lesquelles et les utilisez-
vous?)(suite)
patients. Elle essaie donc au maximum de
doucher les plaies et si cela n’est pas possible,
elle met en place des protections dans le lit
pour faire une "petite douchette" quand même.
Lors de notre échange, certaines de ses paroles
ont vraiment attiré mon attention. Elle
explique avoir une méconnaissance des
moyens non médicamenteux dans le
soulagement des douleurs et ne pas avoir
conscience de tout ce qu’elle met en place
naturellement pour y remédier. Elle
m’explique être persuadée que l’attitude du
soignant lors de ses soins y est pour beaucoup.
Par exemple, le fait de prendre son temps, de
se rendre disponible, prendre le temps de bien
s’installer et d’installer confortablement le
patient avant le soin. "Si tu fais le même soin
en montrant que tu es pressée et que tu n’as
pas de temps à perdre, le patient va stresser,
se crisper et ressentira plus de
douleur…Quand tu prends le temps de
t’installer, ça donne aussi l’impression que tu
es disponible."
Elle dit également : "je suis convaincue que la
communication est primordiale, elle va
permettre de diminuer le stress du patient face
à un soin qui peut être inconnu ou vécu de
Il utilise également une autre technique qui est
celle de la respiration accompagnée. Elle
consiste à faire respirer le patient en même
temps que lui (inspiration et expiration) en
adoptant une respiration profonde et lente. Il
me dit "Cela permet au patient de diminuer
son stress grâce à une respiration moins
rapide et de le faire également se concentrer
sur sa respiration et non sur l’environnement
qui l’entoure."
Il me confie que toutes ces techniques ne sont
pas miraculeuses mais qu’elles peuvent être
intéressantes dans l’approche globale du
patient incluant donc l’aspect douloureux que
peuvent amener nos soins. Selon lui, elle
permettrait de favoriser également une relation
de confiance entre le soignant et le soigné.
Ensuite, elle utilise toujours la distraction; elle
occupe le patient par la discussion ou autre..
pour le faire penser à autre chose et diminuer
l'anxiété liée aux soins qui sont réalisés. “Cela
demande au soignant d’être observateur sur
ce que le patient aime pour engager des
discussions sur des éléments qui le
passionnent”, “souvent lorsqu’ils sont entrain
de regarder la télé et qu’ils semblent
passionnés par ce qu’ils regardent je leur
demande de laisser la télé pendant le soin et
de continuer à regarder.”
Parfois quand les patients sont d’accord, elle
utilise la cohérence cardiaque, pratique non
officielle, qu’elle réalise avec son téléphone et
que les patients apprécient. Cela consiste à
adapter sa respiration sur un rythme sonore
afin de réguler son rythme cardiaque et ainsi
diminuer le stress afin d'être apaisé “La
plupart des patients dans mon service sont
atteints de cancers et la plupart sont très
anxieux. La cohérence cardiaque à un effet
anxiolytique reconnu et elle est très
intéressante à utiliser lors de soins douloureux
qui durent longtemps, comme certains
pansements par exemple.”
Lors des injections, elle m’explique qu’elle
Connaissez-vous des
techniques non-
médicamenteuses dans
le soulagement des
douleurs? (Si oui
lesquelles et les utilisez-
vous?)(suite)
manière insupportable." Pour ce faire, elle
m’explique qu’elle rassure les patients au
maximum et qu’elle essaie d’être à l’écoute de
leurs besoins et de leurs demandes.
demande aux patients d’inspirer profondément
et d’expirer lentement, moment ou elle réalise
l’injection. “Le patient est alors moins crispé,
plus détendu, et les injections se passent
mieux, je trouve.”
Elle ajoute à un moment de notre entretien “en
fait, plus que des techniques non
médicamenteuses, je pense que des qualités
relationnelles sont bénéfiques pour prévenir
des douleurs induites”. Elle introduit des
éléments également abordés lors de mes
précédents entretiens tels que l’importance de
l’installation, de prendre son temps,
d’expliquer le soin ainsi que les bénéfices
qu’ils vont apporter au patient, d’être
authentique avec une posture rassurante.
● Troisième partie : La relation soignant soigné
Questions IDE 1 : Mme C IDE 2 : Mr O IDE 3 : Mme S
*Pensez-vous que
certaines situations sont
plus difficiles à gérer
que d’autres ? (si oui,
pourquoi ?)
* Les situations qu’elles caractérisent comme
les plus difficiles à gérer sont celles où elle
identifie une projection avec le patient. "Les
situations où je suis touchée émotionnellement
sont plus difficiles à gérer." Elle m’explique
aussi que la douleur de l’autre lui renvoie
beaucoup d’émotions qu’elle essaie de
reconnaître pour ne pas être gênée dans la
relation avec les patients.
* A la question : pensez-vous que certaines
situations sont plus difficiles à gérer que
d’autres ? Il me répond qu’avec l’expérience,
il a appris à gérer son stress et ses émotions et
également à reconnaître ses limites et ses
difficultés. Quand il sent qu’une situation va
être difficile à gérer, il passe le relai facilement
si c’est possible. Les situations qu’il
appréhende le plus sont celles qui concernent
les enfants ou les personnes qu’il connaît.
* Des situations difficiles à gérer, elle me dit
en rencontrer très fréquemment.. Elle
m’explique que face à la douleur elle cherche
à analyser, comprendre pour faire en sorte que
ça n’arrive plus. “l’empathie j’essaie un peu
de la mettre de côté pour ne pas faire de cette
douleur une fatalité, je me questionne, je
donne du sens…”
Elle ajoute enfin comme composante
importante dans la prise en soins : la
cohérence et la cohésion d’équipe.
*Comment vous
décririez-vous dans la
relation avec vos
patients ?
* Elle se décrit comme une personne investie,
avec qui la relation de confiance s’instaure
facilement. Elle apporte une attention
particulière pour le touché qu’elle décrit
comme une approche importante dans la
relation que créer le soignant avec le patient.
"Je questionne toujours le patient pour savoir
s’il est réceptif ou réticent au toucher, mais je
trouve que par ce geste tu peux faire passer
beaucoup de chose: réconfort, confiance…"
* Il se décrit dans la relation auprès des
patients comme une personne très empathique
à qui on accorde facilement de la confiance.
* Les patients la caractérisent souvent comme
une infirmière “pétillante et souriante.” Elle
trouve que sourire est essentiel dans la posture
du soignant. “Ce que tu renvoies au patient
dès l’entrée dans la chambre facilite l’échange
et donc indirectement la confiance entre le
soignant et le soigné”. Je fais donc un
parallèle avec l’identité professionnelle et la
posture soignante dans lesquelles l’infirmière
se développe tout au long de sa carrière et
l’impact qu’elle peut avoir dans
l’accompagnement des patients.
Résumé :
La douleur induite représente le paradoxe de notre profession. En effet, lorsque vous
commencez une formation pour devenir soignant, cet aspect est souvent oublié. Les
représentations des soignants sur leur profession ont tendance à être plus orientées vers le
désir de traiter, de soulager et de ne pas être une source de douleur. Et pourtant, les
soignants y sont confrontés fréquemment.
J'ai choisi ce thème en raison de ma sensibilité particulière à la douleur des autres en
général. Une première observation faite à propos de deux situations vécues au cours de l'un
de mes stages m'a permis de me questionner davantage sur ce sujet.
Au début, je pensais que la majorité des soignants minimisaient la douleur qu'ils pouvaient
induire pendant leurs soins. Au fur et à mesure de l'avancement de ce travail, j'ai pu
critiquer cette première observation.
Mes lectures et mes divers entretiens avec les professionnels m'ont permis d'approfondir
mes connaissances et d'ouvrir mes questionnements. Pourquoi la douleur induite par les
soins est-elle perçue différemment d'un soignant à un autre? L'identité professionnelle
peut-elle influencer la prévention et la priorité que l'infirmier va donner à la douleur induite
lors de ses soins?
Les différents points qui ont guidé mon travail ont été : la douleur induite et tout ce qui la
composent, les représentations des soignants et leur impact dans les soins, l'identité
professionnelle et son influence dans la relation soignant-soigné.
Après analyse de ces données, j'ai pu répondre en partie à mes questionnements de départ
et me diriger vers une nouvelle réflexion concernant les compétences des infirmiers et la
valorisation de leur rôle propre dans la gestion des douleurs induites.
J'ai évoqué plusieurs hypothèses de recherche : la formation initiale et continue, le
développement de protocole concernant les douleurs induites et le travail en binôme dans
le but de chercher à savoir si elles pourraient être bénéfiques dans la prévention des
douleurs induites.
La subjectivité de la douleur est un sujet vaste qui mérite toute notre attention, tant sur le
plan personnel que professionnel, dans le but de faire évoluer nos pratiques.
Mots-clés :
* Douleurs induites * Représentation professionnelle * Relation soignant-soigné
* Prévention * Identité professionnelle * Soins infirmiers